Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale

Réunion du 26 juillet 2007 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • civile
  • contrefaçon
  • directive
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  • intellectuelle
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  • transposition
  • transposition de la directive

La réunion

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La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Laurent Béteille sur le projet de loi n° 226 (2006-2007) de lutte contre la contrefaçon.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

a tout d'abord indiqué que le projet de loi avait pour principal objet la transposition de la directive n° 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle.

Il s'est étonné que la France, en partie à l'origine de cette directive, soit paradoxalement l'un des derniers pays à ne pas l'avoir transposée en droit interne. Après avoir rappelé que Denis Diderot assimilait déjà la contrefaçon à un vol en 1763 dans sa lettre sur le commerce des livres, il a relevé que la France était traditionnellement et historiquement en pointe dans le domaine de la protection de la propriété intellectuelle.

Il a souligné que si la contrefaçon avait longtemps concerné principalement des produits de luxe, elle s'étendait désormais à tous les domaines et à la quasi-totalité des biens de consommation. Il a ajouté que la contrefaçon représentait 5 à 10 % du commerce mondial et générait de nombreuses suppressions d'emploi, estimées à plus de 30.000 en France.

Après avoir mis en avant que les produits contrefaisants pouvaient, dans certains cas, porter gravement atteinte à la santé ou la sécurité des consommateurs, citant les exemples des jouets, lunettes de soleil et médicaments, il a expliqué que la contrefaçon était passée en quelques décennies du stade artisanal et très localisé à un phénomène industriel et planétaire. Désormais puissante, souvent dotée d'installations à la pointe de la technologie et de réseaux de distribution très structurés, notamment grâce à Internet, cette forme de délinquance apparaît souvent liée aux réseaux criminels (terrorisme, mafia, blanchiment d'argent, trafic de stupéfiants, d'armes, d'êtres humains...).

Abordant l'action des pouvoirs publics dans la lutte contre ce fléau, il a précisé que les premières lois protectrices remontaient à 1791 et que le corpus juridique s'était progressivement étoffé, au point d'exposer aujourd'hui le contrefacteur à de lourdes sanctions civiles, pénales ou douanières. Il a ajouté que le développement de la législation s'était également accompagné d'une vaste campagne de sensibilisation (affiches, site internet, messages télévisés...), dont l'efficacité n'était toutefois pas démontrée.

a ensuite présenté les trois avancées principales du projet de loi, en conformité avec la directive.

En premier lieu, il a fait savoir que le texte marquait un renforcement des procédures simplifiées et accélérées de saisine du juge civil, en particulier des requêtes non-contradictoires, aujourd'hui limitées à la saisie-contrefaçon. Or, cette dernière permet seulement d'obtenir des éléments de preuve de la contrefaçon, et non des mesures conservatoires telles que l'interdiction de poursuite, la constitution de garanties, la saisie conservatoire... Il a souligné que ces procédures étant non-contradictoires, elles devaient s'accompagner d'une forte spécialisation des magistrats dans le domaine de la propriété intellectuelle afin de préserver les droits de la défense.

En second lieu, il a observé que le projet de loi créait un droit d'information destiné à contraindre les personnes en possession de marchandises contrefaisantes à fournir des informations sur leur origine et leurs réseaux de distribution.

Enfin, il a relevé que la troisième avancée de la directive consistait en l'amélioration attendue de la réparation du préjudice dû à la contrefaçon, soulignant que les dommages et intérêts devraient désormais soit prendre en compte les bénéfices réalisés par le contrefacteur, soit être fixés de manière forfaitaire, ce forfait étant déterminé sur la base minimale des redevances que le titulaire de droits aurait perçues si le contrefacteur avait demandé son autorisation. A cet égard, il a regretté que les juridictions françaises soient réputées pour leur relative parcimonie dans l'allocation de dommages et intérêts, au contraire des tribunaux allemands, britanniques et néerlandais. Cette situation lui a paru résulter d'une application très stricte de l'article 1382 du code civil, sur le fondement duquel la Cour de cassation a considéré que les dommages et intérêts alloués à une victime devaient réparer le préjudice subi sans qu'elle n'en retire ni perte ni profit. Ainsi la jurisprudence a-t-elle toujours refusé de prendre en compte, dans le calcul des dommages et intérêts, les bénéfices réalisés par le contrefacteur.

Après avoir indiqué que ces trois avancées étaient déclinées dans le projet de loi pour tous les types de droit de propriété intellectuelle (dessins et modèles, brevets, marques, propriété littéraire et artistique...), il a proposé d'approuver les mesures de transposition, sous réserve de quelques amendements de clarification.

a ensuite proposé des mesures complémentaires afin de garantir des réponses judiciaires adaptées à la montée en puissance de la contrefaçon et d'assurer l'attractivité du système français dans la compétition judiciaire.

Il a tout d'abord souhaité la suppression de l'expression « échelle commerciale », cette notion imprécise lui paraissant présenter le risque de provoquer un abondant contentieux, sans accroître la protection. Il a fait valoir que le projet de loi définissait la contrefaçon à l'échelle commerciale comme « toute atteinte commise en vue d'obtenir un avantage économique ou commercial, direct ou indirect », alors que le terme « échelle » exprimait, en français, plus une ampleur ou une étendue qu'une finalité.

Il a en revanche jugé nécessaire de sanctionner plus sévèrement la contrefaçon qui porte atteinte à la santé et la sécurité des personnes, estimant qu'il convenait d'en faire une circonstance aggravante.

Soucieux de poursuivre le mouvement de concentration des compétences juridictionnelles en matière de propriété intellectuelle, il a plaidé pour la rationalisation de l'organisation judiciaire dans ce domaine en spécialisant certains tribunaux de grande instance. Il a indiqué qu'une telle spécialisation, préconisée par le rapport d'information du Sénat sur l'évolution des métiers de la justice en 2002, constituait un élément essentiel du rayonnement du droit français dans le monde et de l'attractivité juridique de notre pays. Il a fait valoir que les tribunaux de commerce, saisis, pour certains d'entre eux, d'un nombre très limité d'affaires de contrefaçon, traitaient les atteintes à la propriété intellectuelle sous l'angle réducteur de la concurrence déloyale.

Il a enfin appelé de ses voeux une extension des compétences des douanes et des services judiciaires en matière de lutte contre la contrefaçon, regrettant l'absence, dans le projet de loi soumis au Sénat, du volet douanier qui figurait dans une version antérieure du texte. Il a ainsi proposé de :

- réprimer plus sévèrement les contrefaçons de marques constatées lors des « transbordements », c'est-à-dire lorsque les marchandises acheminées sur des plateformes aéroportuaires ne sont pas destinées au marché français ou communautaire, mais sont stockées temporairement dans l'attente de leur réexpédition, par voie aérienne, vers une destination finale extra-communautaire ;

- améliorer la procédure de retenue douanière en matière de marques, notamment pour renforcer l'information des titulaires de droits ;

- permettre les saisies douanières en matière de contrefaçon de dessins et modèles ;

- étendre la compétence de la douane judiciaire, actuellement limitée aux marques ;

- faciliter la destruction des biens illicites.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

a regretté que le législateur cherche parfois à amender un projet de loi de transposition de directive pour y insérer des mesures complémentaires qui ne découlent pas strictement de la transposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Fauchon

s'est réjoui, au contraire, que le Sénat saisisse l'occasion de l'examen de ce projet de loi de transposition pour renforcer, au-delà de la directive, l'efficacité de la lutte contre la contrefaçon. Notant le caractère transnational de ce fléau, il a par ailleurs appelé de ses voeux la mise en oeuvre de nouveaux moyens d'action à l'échelle communautaire, plaidant pour des coopérations renforcées entre Etats membres, voire l'instauration d'un parquet européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

a souligné que cette analyse valait pour tous les trafics internationaux (stupéfiants, prostitution, terrorisme...), auxquels les circuits de contrefaçon sont d'ailleurs étroitement liés. Après s'être réjoui de la transposition de la directive, tout en regrettant le retard pris par la France, il a relevé que notre pays était traditionnellement très protecteur dans le domaine de la propriété intellectuelle, notamment en matière de marques, brevets, droit d'auteur et obtentions végétales. Il a toutefois regretté le manque d'attractivité du système juridictionnel français par rapport à celui de l'Allemagne ou du Royaume-Uni. Jugeant indispensable de renforcer la spécialisation dans le domaine de la propriété intellectuelle, notamment dans la perspective de la mise en place du nouveau système juridictionnel dans le domaine des brevets européens, il a considéré comme anachronique la compétence résiduelle des tribunaux de commerce en matière de propriété intellectuelle.

Il s'est interrogé sur l'apport du droit d'information au regard des dispositions du nouveau code de procédure civile qui permettent d'ores et déjà aux juridictions civiles d'ordonner la communication d'éléments de preuve se trouvant sous le contrôle de tiers. Il a souhaité savoir si les nouvelles dispositions tendant à améliorer la réparation du préjudice n'introduisaient pas en droit français la notion de dommages et intérêts punitifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

s'est étonné que certains produits contrefaisants soient parfois vendus dans des boutiques officielles, citant le cas d'une marque de haute couture italienne. Il a indiqué par ailleurs qu'il était fréquent que des lois comportent des articles relatifs à la transposition de directive et qu'inversement le législateur pouvait intégrer dans des lois de transposition des mesures complémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

a précisé que le projet de loi serait probablement examiné par le Sénat au tout début d'une éventuelle session extraordinaire à la mi-septembre, ce qui laissait le temps à tous les sénateurs de procéder à un examen approfondi du projet de loi et du rapport de la commission des lois. Il a par ailleurs jugé satisfaisante la démarche consistant à moderniser la législation à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de transposition d'une directive.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Béteille

a plaidé pour une approche pragmatique du travail du Sénat, relevant qu'une nouvelle loi dans le domaine de la contrefaçon ne se présenterait peut-être pas avant longtemps. Il a fait valoir que le projet de loi allait lui-même au-delà de la transposition de la directive, dans la mesure où il comportait certaines dispositions étrangères au texte communautaire, citant l'harmonisation des délais de prescription. Il s'est réjoui que M. Richard Yung, dont il a salué la participation active aux auditions et déplacements organisés dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi, aboutisse à des conclusions similaires aux siennes. S'agissant du droit d'information, il a expliqué que les dispositions du nouveau code de procédure civile permettaient effectivement aux juridictions civiles d'ordonner la communication d'éléments de preuve se trouvant sous le contrôle de tiers, soulignant que le droit d'information issu de la transposition de la directive visait, lui, l'hypothèse inverse : il ne permet pas à un tiers de fournir des documents concernant les parties, mais de contraindre la personne poursuivie à fournir des informations sur des tiers. Enfin, la transposition de la directive ne lui a pas semblé introduire en droit interne des dommages et intérêts punitifs, l'article 1382 du code civil demeurant en tout état de cause applicable au contentieux relatif à la contrefaçon.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements du rapporteur.

A l'article 2 (création d'un chapitre premier au titre II du livre V intitulé « Contentieux des dessins et modèles nationaux »), la commission a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 3 (régime juridique applicable à la contrefaçon de dessins et modèles nationaux), outre cinq amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement tendant à supprimer la notion imprécise d'échelle commerciale et un amendement visant à substituer à l'expression impropre « contrefait(es) » celle de « contrefaisant(es) » dans l'ensemble des articles du projet de loi.

Aux articles 4 (mesures pénales complémentaires en matière de dessins et modèles) et 5 (contentieux des dessins ou modèles communautaires), la commission a adopté deux amendements rédactionnels.

A l'article 9 (définition de la contrefaçon de brevets à l'échelle commerciale), la commission a adopté un amendement tendant à supprimer la notion imprécise d'échelle commerciale en matière de brevets.

Aux articles 10 (mesures provisoires et conservatoires en matière de brevets), 11 (régime juridique applicable à la saisie-contrefaçon en matière de brevets), 12 (droit d'information en matière de brevets), 13 (indemnisation du préjudice né de la contrefaçon de brevets), 14 (mesures complémentaires de réparation du préjudice prononcées en matière de contrefaçon de brevets) et 16 (rectification d'une erreur matérielle et coordination avec l'article 7 du projet de loi), elle a adopté cinq amendements de coordination avec ceux présentés à l'article 3 en matière de dessins et modèles.

Aux articles 17 (régime de responsabilité applicable en matière de contrefaçon de produits semi-conducteurs) et 19 (définition de la contrefaçon d'obtentions végétales à l'échelle commerciale), la commission a adopté deux amendements tendant à supprimer la notion imprécise d'échelle commerciale en matière respectivement de produits semi-conducteurs et d'obtentions végétales.

Aux articles 20 (mesures provisoires et conservatoires, saisie-contrefaçon et droit d'information en matière de contrefaçon d'obtentions végétales) et 21 (indemnisation du préjudice né de la contrefaçon d'obtentions végétales et mesures complémentaires de réparation civile du préjudice), la commission a adopté cinq amendements de coordination avec ceux présentés à l'article 3 en matière de dessins et modèles.

A l'article 23 (définition de la contrefaçon de marques à l'échelle commerciale), la commission a adopté un amendement tendant à supprimer la notion imprécise d'échelle commerciale en matière de marques.

Aux articles 24 (mesures provisoires et conservatoires en matière de contrefaçon de marques), 25 (régime juridique applicable à la saisie-contrefaçon en matière de marques), 26 (droit d'information en matière de marques) et 27 (mesures complémentaires civiles et pénales, indemnisation du préjudice né de la contrefaçon), elle a adopté cinq amendements de coordination avec ceux présentés à l'article 3 en matière de dessins et modèles.

Elle a adopté un amendement afin de modifier l'intitulé du chapitre VI (dispositions relatives aux dénominations géographiques) du projet de loi.

A l'article 28 (transposition complète de la directive en matière d'indications géographiques), elle a adopté un amendement rédactionnel et cinq amendements de coordination avec ceux présentés à l'article 3 sur les dessins et modèles.

A l'article 31 (transposition de la saisie conservatoire, du droit d'information, des nouvelles mesures d'indemnisation et mesures complémentaires de réparation), elle a adopté un amendement de rectification d'une erreur matérielle ainsi que quatre amendements rédactionnels.

A l'article 33 (compléments à la procédure actuelle de saisie-contrefaçon), elle a adopté un amendement de coordination avec l'amendement présenté à l'article 3 sur les dessins et modèles.

A l'article 36 (procédure spécifique à la contrefaçon de logiciels et de bases de données), elle a adopté un amendement de coordination avec l'amendement présenté à l'article 3 sur les dessins et modèles.

A l'article 39 (saisie-contrefaçon et mesures pénales complémentaires applicables à toute atteinte aux droits des producteurs de bases de données), elle a adopté un amendement tendant, d'une part, à réécrire l'article par coordination avec la rédaction retenue pour les dessins et modèles, d'autre part, à corriger un oubli de transposition en prévoyant l'application des mesures provisoires et conservatoires aux droits des producteurs des bases de données.

Après l'article 39, elle a adopté cinq amendements tendant à insérer cinq articles additionnels afin de :

généraliser, dans le code de la propriété intellectuelle, le terme « contrefaisant(es) » en lieu et place de « contrefait(es) » ;

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

- corriger un oubli de transposition pour prévoir qu'un contrefacteur condamné par la justice assume l'intégralité des frais d'exécution forcée. A cet égard, M. Jean-Jacques Hyest, président, a regretté que le projet de loi ne puisse être l'occasion, compte tenu de son objet limité, de généraliser cette règle à l'ensemble des contentieux, considérant que la mise à la charge du créancier d'une partie des frais d'exécution forcée était, à juste titre, mal comprise par les justiciables ;

- rationaliser l'organisation judiciaire en spécialisant certains tribunaux de grande instance dans le domaine de la propriété intellectuelle ;

- renforcer les moyens d'action des douanes et des services judiciaires dans la lutte contre la contrefaçon ;

- sanctionner plus sévèrement les contrefaçons dangereuses.

La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.