Nous auditionnons deux représentants de la Direction générale du Trésor, Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances et M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurances. Votre direction assure la conception de la politique de l'État en matière d'assurances et de réassurances. Elle est chargée de préparer les textes législatifs et réglementaires, ainsi que de superviser l'instruction des dossiers de demande d'agrément présentés par les entreprises d'assurances, en relation avec la Commission régionale de contrôle des assurances (CRCA) de la Conférence interafricaine des marchés d'assurance (CIMA).
En outre, en relation avec la CIMA, vous exercez un contrôle juridique, financier et technique sur les entreprises d'assurances dans le but de veiller à leur solvabilité. Enfin, vous surveillez le marché des assurances en étudiant son évolution et en veillant à l'orientation donnée au réemploi des fonds collectés, en fonction des intérêts des assurés et de la collectivité nationale.
Pouvez-vous nous dire si nos systèmes d'assurance sont adaptés aux catastrophes naturelles ?
La mission de notre direction générale a évolué ces dernières années. Ainsi l'agrément des entreprises d'assurances relève désormais de l'Autorité de contrôle prudentiel, mais nous continuons de superviser le secteur. L'assurance contre les aléas climatiques représente un élément structurant du marché de l'assurance dommages en France et dans le monde. On attend de nous une réactivité sans faille quand des événements viennent frapper nos concitoyens.
Je me concentrerai sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit « catnat », mis en place en 1982 - la tempête, la grêle et la neige étant couvertes par un régime de droit commun.
Parce qu'une tempête peut arriver n'importe quand, à n'importe quel moment - on l'a vu avec Xynthia. Ce n'est pas vrai pour les inondations, la sécheresse, les glissements de terrain, inassurables dans des conditions satisfaisantes. En cas de tempête, l'État n'est ni impuissant, ni inactif ; il fait en sorte que les assureurs prennent leurs responsabilités rapidement et loyalement, mais il n'intervient pas financièrement.
Cela me paraît illogique. Les assureurs se plaignent plutôt du fait que les inondations sont devenues récurrentes donc non assurables.
Il faut regarder d'où l'on vient. Des technocrates auraient pu proposer de détruire toutes les maisons situées en zone inondable ! En fait, on a choisi de créer un régime administré : ceux qui sont contraints de vivre dans une zone à risque bénéficieront d'une assurance et de la solidarité nationale, mais l'État favorisera tout de même la prévention - c'est le sens du fameux fonds « Barnier » créé en 1995 pour financer des expropriations pour risque naturel. En cas de récurrence annuelle, on évite d'encourager l'imprudence et la franchise est multipliée. En outre, il ne suffit pas qu'il y ait inondation pour qu'une catastrophe naturelle soit reconnue.
L'assurance est individuelle, or en quoi les gens sont-ils responsables de l'imprévoyance des élus, notamment de l'établissement ou pas d'un plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) ?
Il y a eu tout un débat parmi les assureurs au moment de la préparation du projet de loi. Ils souhaiteraient que tout le monde sache que dans telle commune, les primes d'assurance sont quatre fois supérieures à la moyenne, ce dont les assurés tireraient les conséquences électorales... Nous avons pris un autre parti car, même si le niveau élevé des franchises incite les élus locaux et les services de l'État à agir, fixer la prime en fonction de l'existence d'un PPRI est une fausse bonne idée. Il aurait fallu atteindre des proportions délirantes pour les particuliers. En revanche, la modulation des primes en fonction des risques est particulièrement incitative pour les entreprises.
En effet. Le niveau élevé des franchises, c'est la douloureuse contrepartie de la reconnaissance des catastrophes naturelles.
Le régime est à la fois administré et responsabilisant. Nous ne reconnaissons comme catastrophes naturelles que des événements réellement catastrophiques, c'est-à-dire qui ne se reproduisent que rarement, et dus à l'intensité anormale d'un agent naturel. Nous traitons tous les territoires équitablement. Tous les ministres des finances ont maintenu la même position et la jurisprudence de la commission catastrophes naturelles est stable et fiable. Le régime est intégré au contrat d'assurance classique. Il faut montrer que le régime est de nature assurantielle. Les non-assurés ne sont pas indemnisés : il y a eu des cas dans le passé de personnes persuadées de la magie de l'arrêté de déclaration de catastrophe naturelle.
Environ 2 % : l'assurance n'est en effet pas obligatoire pour les propriétaires.
Le niveau des franchises et des primes est globalement aligné, dans un esprit de solidarité nationale. De plus, c'est une garantie obligatoire. Enfin, il existe une réassurance publique, par la Caisse centrale de réassurance (CCR), auprès de laquelle les assureurs ne sont cependant pas obligés de se réassurer. La CCR, qui bénéficie de la garantie de l'Etat, constitue des provisions et des réserves grâce aux primes perçues. L'État n'intervient qu'au-delà d'un certain niveau, pour environ 3 milliards d'euros aujourd'hui - sachant qu'un sinistre à Nice ou à Paris coûterait de 5 à 15 milliards d'euros. En 2003, la sécheresse a ...
Il n'y a eu qu'un seul cas d'appel à garantie. En 1999, à la suite d'inondations de type cévenol survenues en fin d'année, l'État a apporté 300 millions, car les réserves de la CCR étaient alors peu élevées. Des mesures ont ensuite été prises en 2000 avec les franchises et le relèvement de 9 % à l2 % des surprimes. L'année 2003 fut rude - sécheresse et inondations ont coûté 2,6 milliards d'euros (1,4 milliard pour la sécheresse, 1,2 milliard pour les inondations) - mais l'État n'a pas eu à intervenir, mais cela a été tangent.
3,2 milliards d'euros pour les catastrophes naturelles - réserves et provisions comprises.
Avant la garantie de l'État. Dans d'autres pays, les catastrophes sont couvertes par un régime de droit commun très solidaire, auquel s'ajoute la garantie de l'État. En Allemagne, l'assurance n'est pas obligatoire et coûte cher ; en cas de problème, l'État intervient ou non. Nous nous épargnons en France une nouvelle discussion chaque année. Bien rodé, le régime français n'est guère contesté. Il manque surtout une bonne prévention de la sécheresse - un risque qui peut être annulé par une prévention au stade de la construction.
Une réforme a été lancée, suite à la tempête Xynthia et au discours du président de la République à La Roche-sur-Yon le 15 mars 2010. Transparence, objectivation, incitation à la prévention : les grands principes ont été largement approuvés, au terme d'une très large concertation.
Le régime mis en place en 1992 fonctionne bien pour l'indemnisation, il ne favorise pas la prévention. L'uniformité de la prime est peu incitative. Le régime manque de lisibilité pour les particuliers. Sans renoncer à tout encadrement, comme aux Etats-Unis - la prime d'assurance contre les inondations peut atteindre 5 000 dollars -, nous avons voulu en finir avec l'uniformité. Jusqu'à présent, la même assurance couvrait toutes les catastrophes, alors que les aléas sont divers : l'inondation peut prendre par surprise, la sécheresse, elle, est un phénomène climatique lent, face auquel il est plus facile d'agir en prévention. En Espagne par exemple, où l'assurance des catastrophes naturelles est administrée, la sécheresse n'est pas couverte, mais on incite à construire des fondations plus profondes, en terrain argileux, pour les bâtiments. Le projet de loi impose donc une responsabilité aux constructeurs...
Les constructeurs de maisons individuelles mèneront des études de sols. C'est en effet au moment de la construction qu'il faut agir. Aux termes du code civil, le constructeur est déjà responsable.
En réalité, les choses ne se passent pas ainsi, parce qu'il faut que l'immeuble soit impropre à sa destination.
En effet.
Désormais, l'assurance décennale s'imposera vraiment aux constructeurs ; le Bureau central de tarification leur donnera éventuellement un assureur. Quant à l'assurance dommage-ouvrage, c'est le maître d'ouvrage qui la souscrit ; mais beaucoup de particuliers y renoncent, parce qu'elle représente 3 à 4 % du coût de la construction et qu'il n'y a pas de sanction. La jurisprudence ne définit pas le champ de la responsabilité de manière restrictive.
L'objectif n'est pas que l'assurance décennale prenne en charge les sinistres, mais qu'il n'y ait plus de sinistres, grâce à de meilleures constructions.
Même s'il y en a encore sur les constructions anciennes.
Il fallait aussi, par la modulation de la surprime « catnat », crée un signal prix pour les assurés professionnels, les entreprises au-delà d'un certain seuil à définir par décret, et les collectivités. Étant donné les sommes qu'elles paient, elles seront sensibles à la différence, et elles ont les moyens de faire de la prévention. Ce n'est pas en modulant une prime de 25 euros qu'on fera déplacer un compteur à un particulier. En revanche, nous voulons inciter les entreprises à dialoguer avec les assureurs afin d'encourager à la prévention dès la souscription du contrat, comme cela se pratique pour l'incendie. Le dialogue aura un effet levier fort et chacun y gagnera, l'entreprise qui redémarrera plus vite, les assureurs qui indemniseront moins.
Les entreprises qui font de la prévention veulent être récompensées. L'encadrement de la modulation sera défini ultérieurement.
Il est impossible d'imposer des règles administratives trop strictes pour le calcul des primes. Il y aura une fourchette.
Les retours de la consultation publique ont été clairs. Les associations de sinistrés n'en voulaient pas. Les consommateurs n'y étaient pas nécessairement hostiles, mais deux ou trois euros de plus ou de moins... Nous ne voulions pas d'un zonage du territoire français.
Cependant, ceux qui font n'importe quoi ne seront pas indemnisés : à l'instar de ceux qui construisent en connaissance de cause sur une zone inondable déclarée inconstructible par un PPR, et sans permis de construire.
La question a commencé à se poser après Xynthia.
En effet.
Ceux qui ont construit avant la publication du PPR ne sont pas concernés.
Ce régime s'est constitué progressivement, mais, malgré les améliorations ponctuelles, cela coince quelque part. Les inondations ne sont pas tellement aléatoires. Dans les vallées de la Nartuby, il y a eu des inondations en 1974, 1988, 1994, 1996, 2000 et 2010 ; dans celle de l'Argens en 1974, 1978, 1988, 1994, 1996, 2000, 2011 ; golfe de Saint-Tropez, en 2008, 2009, 2010 ; vallée du Gapeau en 1978, 1996, 1999, 2002 et 2008 : il y en a presque chaque année ! À l'assurance, ne faudrait-il donc pas substituer un régime de solidarité soumis à conditions ?
En général, l'indemnisation versée par les assurances dépend du comportement des assurés. Cependant, que peuvent-ils face à un tel risque de catastrophe naturelle ? Et comment financer la prévoyance ?
Nous avons visité Vallabrègues, une commune située en zone d'expansion de crues. Doit-elle déloger toutes ses entreprises ? De même, à Sommières, les gens n'ont pas du tout envie de partir.
La prévention ne peut être financée seulement sur fonds privés. Le dispositif marque ses limites et ce que vous dites sur la sécheresse suggère que l'on a pris en charge les conséquences des économies réalisées par les constructeurs. Que faire enfin pour les cultures ? Même si l'on reste dans un système assurantiel, ne faudrait-il pas le revoir, en exclure certains risques et en intégrer d'autres, comme les tempêtes ?
Le champ des risques couverts ne semble quasiment pas poser problème. La profession des assurances est sous surveillance en cas d'événement majeur. N'ajoutons pas des phénomènes au régime des « catnat ». Les assureurs prennent en charge correctement les tempêtes.
La couverture du risque tempête est également obligatoire.
Le moment n'est-il pas venu de tout mettre sur la table et de revisiter le dispositif ?
Depuis 1982, le régime n'a en fait guère été modifié, même si l'on a créé le fonds Barnier pour faire de la prévention et intervenir en amont. Le projet de loi parle encore d'indemnisation. Fallait-il aussi faire une grande loi de prévention ? Le Parlement voudra peut-être étendre les cas de déchéance de garanties.
Initialement, nous voulions que les assureurs refusent d'assurer les mauvaises constructions. Ils ont eu beau jeu en faisant justement valoir le fait qu'il ne leur incombe pas d'assurer la police des constructions, surtout quand le cadre légal n'y parvient pas.
Je ne sais pas ce que le fonds Barnier devra prendre en charge dans quelques années, ni si les efforts actuels sont vraiment prioritaires. Il faut renforcer l'évaluation a priori et a posteriori des dossiers, et mettre en place une planification sur quatre à six ans.
Merci. Nous vous adresserons encore quelques questions par écrit. Nous sommes très demandeurs de suggestions d'améliorations. Nous ferions oeuvre utile si nous progressions sur la garantie décennale, qui n'a pas l'air de l'appliquer chez moi.
L'exclusion du risque sécheresse laisserait plus d'argent pour indemniser les autres risques.
Vous êtes l'assureur public des sociétés d'assurances. Vous êtes une entreprise de réassurance française détenue à 100 % par l'État, proposant une couverture de réassurance illimitée, avec garantie de l'État, pour certains risques, tels que les catastrophes naturelles.
La Caisse centrale de réassurance (CCR) gère pour le compte de l'État plusieurs fonds publics. Le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), qui finance le régime des calamités agricoles et le Fonds de prévention des risques naturels majeurs ou Fonds Barnier (FPRNM) nous intéressent particulièrement du point de vue de leur fonctionnement et de leur situation financière. Vous gérez quatre autres fonds publics : le Fonds de compensation des risques de l'assurance de la construction (FCAC), le Fonds de garantie des risques liés à l'épandage agricole des boues d'épuration urbaines et industrielles (FGRE), le Fonds de sécurisation du crédit interentreprises (FSCI) et le Fonds de garantie des dommages consécutifs à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins dispensés par des professionnels de santé exerçant à titre libéral (FAPDS).
En outre, vous contribuez à la connaissance et à la prévention des catastrophes naturelles en France. Vous nous parlerez du projet d'Observatoire national des risques naturels, initié par le Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels.
Classée parmi les 25 premiers réassureurs mondiaux, la CCR a été créée en 1946, mais sa mission principale est liée à la création du régime catastrophes naturelles en 1982. C'est une entreprise publique, une société anonyme, dont le capital est détenu à 100 % par l'État. Son activité privée n'est pas un objectif en soi, mais seulement destinée à nourrir son expérience de réassureur
Non, nous bénéficions comme tous les réassureurs d'une trésorerie positive, puisque nous percevons nos primes en début de période.
Oui et depuis longtemps. Cela compte dans notre secteur, car nos assurés veulent être certains que nous serons capables de faire face aux sinistres. Nous sommes notés au titre de notre capacité à régler des sinistres qui peuvent être élevés.
Pas du tout : la CCR est un amortisseur entre l'État et le risque. C'est une manière d'éviter que les sinistres portent sur le budget de l'Etat. Hors événements extérieurs, celui-ci n'intervient pas : le risque de catastrophe ne pèse donc pas sur lui. La CCR a montré sa capacité à faire face à des événements de plus en plus extrêmes, inondations et sécheresse, pour plusieurs centaines de millions d'euros par an. En revanche, nous ne pourrions couvrir entièrement une inondation à Paris, ou un tremblement de terre à Nice. Nous pouvons couvrir un événement de 3 milliards d'euros pour nous, soit deux fois plus pour le marché.
Ce sera plus difficile. Nous pouvons faire face à des événements importants et récurrents. Le seuil d'intervention de l'État s'établit aujourd'hui à 3,090 milliards d'euros, grâce aux réserves constituées au fil des ans et à nos fonds propres.
Compte tenu de la part prise en charge par le marché, un événement de 6 milliards peut se produire sans que l'État intervienne. Nous sommes l'assureur des assureurs. Les assureurs nous transfèrent une quotité de l'ordre de 50 % du risque.
L'intérêt de l'État est de continuer à faire monter ce seuil pour être mieux protégé des événements extrêmes. C'est une décision qui est prise chaque année par l'État au moment de l'arrêté des comptes au conseil d'administration.
La CCR fait partie d'une catégorie que Standard and Poor's appelle les Governments-related entities. Cette agence nous note au même niveau que l'État français. Nous étions jusqu'à il y a peu le seul réassureur noté AAA. Nous sommes aujourd'hui un des rares à être noté AA+, sous perspective négative comme l'État. Notre solidité intrinsèque bénéficie d'un rehaussement automatique.
Plus on avance, plus ou se demande pourquoi appliquer le régime de l'assurance à des événements récurrents. Tous les trois ou quatre ans, le Var est touché par une inondation. Il n'y a là rien d'aléatoire. Ne faut-il pas aller vers un système de solidarité ? Nous avons entendu un discours ambigu des assureurs dont les bénéfices baissent...
Notre régime « catnat » est à la fois assurantiel et de solidarité. Il utilise les techniques de l'assurance. Les assureurs mutualisent les risques, à partir de la sinistralité moyenne. Le développement de la modélisation n'implique pas que l'on prévoit les événements, ni leurs causes climatiques ou sismiques. La modélisation aide plutôt à comprendre l'impact précis de certains phénomènes à certains endroits et de développer la culture du risque, les plans de sauvegarde et de prévention. Grâce à ces techniques, l'on gère mieux ces risques et l'on va plus loin dans la connaissance et la prévention.
Nous ne sommes cependant pas dans un cadre purement assurantiel privé. La solidarité joue. La garantie « catnat » est un pourcentage qui assure une mutualisation. Grâce à la mutualisation tarifaire, nous avons évité que des zones exposées à certains phénomènes soient de moins en moins assurées ou soumises à des primes très élevées : il n'y a pas d'antisélection ou de nettoyage de portefeuille. Nous essayons de prendre le meilleur des deux mondes, afin d'atteindre une couverture très élevée. Ainsi, on parle de 11 milliards environ pour le tremblement de terre de Nice ou la crue de Paris. En régime de solidarité pure, ce serait insupportable pour le budget de l'État. C'est pourquoi ce régime mixte a perduré. La garantie n'a joué qu'une fois et pour un montant faible.
En 1999 : à cette époque, la CCR ne pouvait pas couvrir l'ensemble des dommages causés par les tempêtes. J'ajoute que la CCR verse des dividendes.
En 2011, 75 millions d'euros.
Vous ne m'avez pas convaincu. Le problème reste l'articulation entre les dépenses et les recettes. L'intervention des assureurs n'accroît pas ces dernières...
La mutualisation du risque peut être organisée différemment. Les impôts aussi mutualisent, et la modélisation n'est pas propre aux assureurs !
C'est une technique d'assurance.
L'anti-sélection pose aussi problème. Je comprends que l'on rechigne à assurer directement ces risques, mais je ne perçois pas bien ce que le système assurantiel ajoute, je vois bien ce qu'il complique - et les avantages politiques que l'on peut en tirer, car cela évite d'augmenter les impôts !
Il y a un partage du risque avec les assurances. Un système entièrement public coûterait plus cher à la sphère publique...
Aujourd'hui, 50 % du coût est laissé au secteur privé et financé par l'activité générale des assureurs. Imaginez que l'État ait dû payer 100 % des événements naturels récents ! En outre, ce serait déresponsabilisant. Dans notre système, chacun a intérêt à ce que le risque soit bien géré pour qu'il coûte moins cher. Enfin, nous investissons à moyen et long terme, et plaçons des actifs, qui dégagent des produits financiers, lesquels contribuent à la gestion du régime.
Je doute des bienfaits collectifs de ce système. Les assureurs nous ont déclaré qu'ils commençaient à fatiguer. Ils ne renonceront pas et font encore des bénéfices mais est-ce l'objectif ?
Certains ont été extrêmement touchés.
La couverture des dommages aux biens est leur principal marché. Ils n'ont aucune envie d'en sortir. Ce partenariat public-privé est globalement satisfaisant. Il ne faut pas se borner à indemniser les catastrophes, mais aussi inciter à la prévention.
Très peu de gens peuvent en faire. On le demande aux collectivités, ce qui n'est pas logique. Pourquoi le niveau de prime dépendrait-il de ce que fait la collectivité et des moyens dont elle dispose pour ce faire ?
Certaines entreprises ont appris des événements de 2010 que des choses peuvent être réalisées...
On l'a vu arriver plus tôt. Météo France aussi a appris. Si des mesures de prévention n'avaient pas été prises pendant les délais d'alerte, les dégâts auraient été bien supérieurs : c'est la sauvegarde. Les particuliers ont déplacé leur voiture, et les entreprises leurs stocks. Il est vrai que la prévention est plus complexe. Ceux qui la font et ceux qui subissent le risque ne sont pas les mêmes. J'en ai parlé avec des élus. Si la connaissance partagée du risque était meilleure - aux assises de Bordeaux, on a mis en évidence le défaut d'information des gens -, il y aurait une meilleure incitation collective à investir dans la prévention. Le régime n'est pas encore satisfaisant de ce point de vue. Il n'en fait pas moins consensus, parce qu'il fonctionne bien. Pour qu'il subsiste, il doit être assorti d'une meilleure politique de prévention. Sinon, les sinistres exploseront, les assureurs se désengageront et le budget de l'État sera sollicité.
Dans le Var, depuis 30 ans, il y a une inondation tous les trois ans en moyenne ! Or qu'est-ce qui a été fait là ou dans le Gard ? On renvoie le bébé, comme d'habitude, aux collectivités locales qui doivent consentir des investissements considérables sans être sûres des résultats. À Nîmes, le problème a été pris à bras-le-corps, des investissements considérables sont déjà réalisés, sans qu'on puisse être sûr d'apporter une réponse à toutes les situations...
N'arrive-t-on pas au bout du raisonnement ? Il faut voir les doutes des ingénieurs face quand les maires pensent assurer à leur commune une protection complète !
Nous participons à un World Forum. Il y a des systèmes totalement privés, en Angleterre, aux États-Unis dans certains États. D'autres États, comme la Floride sont passés du tout privé au tout public.
Le partenariat public-privé français est cité en exemple : même s'il n'existe que depuis 30 ans, il a montré son efficacité. Grâce à la solidarité, tous les citoyens sont assurés pour un coût modique, tandis que sa pérennité est liée à sa dimension assurantielle. Les franchises relèvent du risk-management propres aux assurances. Dans le système tout public, tout le monde est assuré, sans savoir quel est le niveau de garantie. C'est le budget de l'année, éventuellement complété par des emprunts complémentaires, qui le détermine.
Notre système mixte est perfectible, certes, en matière de prévention, de diffusion de la culture du risque, de responsabilisation des acteurs nationaux et locaux. Tout cela est pris en compte dans le projet de réforme du régime. Le projet d'observatoire national, lié aux observatoires régionaux et aux collectivités territoriales, donnera une meilleure connaissance des risques locaux et une responsabilisation au niveau local...
La question est par exemple de savoir qui autorise la construction.
On a vu des gens installés dans le lit mineur de cours d'eau. Tout a été rasé et ils restent : ils n'ont pas envie de partir ! Qu'est-ce qu'on leur dit ? Ce n'est pas théorique, ça ! C'est sur le terrain que tout se joue.
Cela suppose une information objective partagée. Nous avons des cartes précises, depuis le début du régime Cat. Nat.
Une fois que vous aurez dit aux Niçois qu'ils auront un séisme majeur un de ces jours, aux Parisiens qu'ils seront inondés, que ferez-vous d'autre ?
Plein de choses ! La prévention, c'est la sauvegarde de la vie des personnes, ainsi que la protection des biens et de la vie économique, afin qu'elle reprenne le plus vite possible. On peut par exemple éviter d'installer ses ordinateurs, dans un sous-sol inondable puis prévoir un back-up. À Nice, c'est plus compliqué : le patrimoine, considérable, n'est pas aux normes sismiques. Les Japonais s'entraînent...
Il faut localiser les services de sécurité et d'urgence dans des bâtiments adaptés...
La liste des périls auxquels la France est confrontée...
est variée. Comment en minimiser le coût pour la collectivité nationale, compte tenu de l'occupation du territoire ? Il n'est pas normal de s'établir dans le lit de la rivière...
On constate, sur le terrain, que certaines populations vivent avec un risque assumé. A Passau, dès que le Danube monte, les pompiers remplissent les rez-de-chaussée d'eau propre - celle du fleuve étant sale - montent tout à l'étage et, après la crue, ils mettent à la disposition des propriétaires des appareils de nettoyage. Quand, chez nous, on crée des polygones en zone inondable... Il reste beaucoup à faire pour responsabiliser, informer, prévenir.
On a trop tendance à raisonner en termes de tout ou rien, alors qu'il faudrait non seulement minimiser les risques, mais préciser qui fait quoi, plutôt que de se contenter de modèles théoriques... Le phénomène de juin 2010 était inouï. Revisitons le dispositif en le concentrant sur les phénomènes extrêmes.
Il convient d'augmenter la résilience. La culture du risque, c'est cela. Les anciens connaissent des risques dont la mémoire se perd aujourd'hui.
La Fédération française des sociétés d'assurances (FFSA) est un syndicat professionnel qui intéresse notre mission sénatoriale puisque votre fédération regroupe 245 entreprises, soit 90 % du marché français de l'assurance. Elle représente les intérêts de la profession mais se veut aussi une interface et un outil de concertation avec des partenaires tant externes - particuliers, médias, universitaires... - qu'internes - entreprises adhérentes, organismes techniques ou sociaux syndicats de salariés.
Ainsi, la FFSA mène une expertise pour l'ensemble du marché sur les problèmes techniques, financiers et juridiques posés par les assurances, sur la connaissance des risques grâce à des observations statistiques. De même, votre fédération vise à informer le public, notamment par l'intermédiaire de son site Internet et du Conseil d'orientation et de réflexion de l'Assurance (CORA), ainsi qu'à travers différentes publications comme la revue « Risques ».
En outre, et vous nous en reparlerez, la FFSA promeut les actions de prévention afin de réduire la gravité et la fréquence des risques.
Je précise que M. Jean-François Hesse, qui m'accompagne, a assuré l'interface pour la FFSA sur le terrain durant les inondations de 2010 et de 2011. Il vous donnera son regard de terrain.
Quel bilan tirer des inondations de juin 2010 et de novembre 2011 ? Pour notre fédération, le premier geste en cas d'événement est de nommer un correspondant entre les services décentralisés de l'État, la profession et les élus. Pour chaque département, une liste est prête, les personnes sont officiellement nommées en cas d'incident, comme M. Hesse l'a été. Moi-même, je suis en charge au niveau national. Avec ce système de double responsabilité concentrique, nous sommes en mesure de répondre à l'ensemble des questions posées.
Je m'interroge sur la mise en place de conciliateurs. Pourquoi envoyer de fins négociateurs, les contrats ne suffisent-ils pas ?
La question est à poser au préfet... Ensuite, inondations et tempêtes relèvent de régimes d'assurance différents ; ces décalages nécessitent beaucoup de pédagogie. Et puis subsistent, toujours, des difficultés locales. De là l'utilité du correspondant catnat.
Les garanties ne sont pas identiques selon les régimes et les compagnies ; les assurés ont besoin d'explications et les élus d'un appui technique. Les correspondants catnat sont là pour cela.
Dans ce cas, pourquoi ne pas simplifier les contrats ? Cela vous choquerait-il ?
Environ 99 % des sinistres ont été réglés sans difficulté mais une grande partie du travail de M. Hesse a consisté à régler le pourcentage de dossiers difficiles, le plus souvent des problèmes agricoles. Le guichet unique est souvent une fausse bonne solution et nous sommes bien obligés de répondre aux questions.
Les sinistres dans l'agriculture sont un cas à part... En quoi votre intervention a-t-elle été utile ? Telle est notre interrogation... Si vous vous déplacez pour faire un travail, c'est qu'il y a un problème !
Pour rassurer ! En 2010, il y a eu des morts ; qui plus est, ce sinistre fortement traumatisant a eu lieu en pleine nuit. Dès le week-end, élus et préfet voulaient savoir que faire, s'il était possible d'occuper de nouveau certains bâtiments évacués. Une cellule de crise a été constituée à la préfecture ; le préfet Hugues Parant avait alors mis en place un médiateur pour répondre aux questions des maires et qui a travaillé avec moi. J'ai été assailli de questions. Dans le Var, 37 580 sinistres ont été déclarés, les experts ont été mobilisés et il a fallu expliquer les règlements...
Qu'il faille être un Champollion pour les déchiffrer constitue, peut-être, en soi un problème !
Le régime catnat a été voulu et écrit par le législateur... Elus locaux et préfets veulent répondre aux sinistrés ; n'ayant pas la compétence technique, ils ont besoin à leurs côtés de personnels informant sur l'assurance en général. Peu de dossiers particuliers ont été réglés dans ce cadre. N'ajoutons pas du malheur au malheur ; rassurons les populations. Souvent la première question que les gens se posent : suis-je assuré ?
Les associations de sinistrés n'ont pas remis en cause un régime d'assurance parmi les plus protecteurs : je rappelle qu'il est obligatoire, solidaire et de réparation intégrale.
Il a versé en moyenne 1,5 milliard d'euros d'indemnisation par an au titre des aléas naturels. Nous sommes loin du modèle anglais libéralisé où 20 % des entreprises, dont les biens ne sont pas assurés, font faillite. Globalement, il a donné satisfaction pour Klaus, Xynthia et les deux inondations du Var.
La franchise légale, de 10 %, est fixée par la loi et varie selon l'existence ou non d'un PPRI.
Pourquoi pénaliser une entreprise qui n'est pas responsable de l'attitude de la commune devant le plan de prévention ? C'est curieux...
Le Fonds d'intervention pours les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) a apporté une contribution complémentaire dans les cas que vous citez.
Certes, mais ces entreprises étaient bien assurées. Une franchise de 10 % représentait, pour elle, une perte importante.
On est intervenu et il y a eu des gestes commerciaux pour les plus malheureux.
En fait, on reproche au régime d'assurance sa générosité : la même franchise pour tous, qu'on habite dans le Var en zone inondable ou un trois pièces sur les hauteurs de Montmartre. La réforme Barnier a sensibilisé les communes, peut-être faut-il responsabiliser encore.
On relève le cas de deux communes qui avaient fait l'objet de 19 déclarations de catastrophe naturelle et qui n'avaient toujours pas de PPRI. Est-ce à l'assurance de payer le laxisme ? Evidemment non.
Le problème est que ces plans obligent les maires à trancher entre développement économique et protection, ce qui, passez-moi l'expression, conduit à laisser les plans de prévention en carafe.
Serait-il envisageable de passer du tout ou rien à une modulation des primes ? On ne peut pas demander à des communes de consentir des efforts considérables pour protéger leur territoire tout en leur interdisant d'accueillir des entreprises.
Nous y avons réfléchi. Pour répondre à cette question, nous avons mis en place une modulation tarifaire qui s'applique aux seules grandes entreprises. La solidarité doit continuer de jouer pour les autres. Les sociétés d'une certaine taille ont, par exemple, les moyens de mettre leurs stocks à l'abri des inondations et une modulation tarifaire peut les y inciter. En tout cas, c'est une affaire collective pour les petits risques ; d'où l'importance de la prévention par les collectivités territoriales.
L'assurance contre les risques naturels est-elle obligatoire ? La réparation varie-t-elle selon le niveau des primes ? Nous rentrons là dans les difficultés qui surviennent sur le terrain quand les sinistrés ne comprennent rien à leur contrat. Jeune, j'ai connu l'assurance-vie au porte-à-porte. Certaines propositions étaient alléchantes ; mais, pour en bénéficier, il fallait être âgé de moins de 30 ans, avoir une femme de moins de 28 ans et au troisième mois de sa grossesse... Merci de me donner une réponse simple que je pourrai relayer.
Dès lors que votre habitation est assurée, vous êtes protégé contre le risque naturel car l'extension de la garantie dommage est obligatoire. Ensuite, dans un contrat, il y a toujours des options pour des aménagements extérieurs (meubles de jardin ou piscine).
Après un fort sinistre, le traumatisme est important. D'où l'utilité de notre présence auprès de la cellule d'appui. Dans le Var, je suis intervenu sur une centaine des 37 500 dossiers.
La garantie perte d'exploitation, particulièrement, que nous conseillons toujours, est essentielle pour les entreprises. Durant la réparation du sinistre, elle couvre les frais fixes et évite les problèmes de trésorerie. Hélas, on ne peut pas obliger les sociétés à y souscrire.
Environ 10 à 20 %.
De Paris, comme on dit au cinéma !
C'est du déclaratif sur facture.
Les compagnies ont mobilisé 330 experts extérieurs au département, en renfort de ceux qui étaient sur place. Les délais n'ont pas été très longs pour le premier passage constatant le sinistre, mais il en faut un second pour arrêter la liste de ce qui a été détérioré - c'est là qu'il y a eu de petits couacs.
Les experts sont des travailleurs libéraux. Nous sommes en contact permanent avec eux et des compagnies ajustent les seuils selon les experts mobilisables sur le terrain. La CEA (Compagnie des experts agréés) l'a décidé pour Klaus notamment. Cela dit, vous avez raison, la profession est calibrée sur le business as usual, comme les artisans qui peuvent réparer les sinistres, du reste.
Notre deuxième enquête pour 2011, qui vient d'être menée en mai 2012, est en cours d'analyse. Concernant 2010, les sinistres ont coûté 615 millions d'euros aux assureurs, quasiment exclusivement dans le Var, soit un coût moyen de 17 230 euros, pour 37 500 sinistres déclarés. Pour 2011, selon l'enquête réalisée en décembre 2011, le nombre de sinistrés est plus important : 78 000 sinistres déclarés, mais 60 % d'entre eux, représentant 20 % des coûts, relèvent de la tempête. Ceux-ci sont donc moins chers que ceux qui sont dus aux inondations (40 % des dossiers mais 80 % des coûts). D'où une charge estimée à 400 millions d'euros.
Le nombre d'entreprises touchées étaient de 1 200 en 2010, 800 en 2011.
L'inondation a été mieux anticipée, notamment grâce à Predict, une filiale de Météo-France, qui alerte les assurés 24 à 36 heures avant le sinistre. Les concessionnaires automobiles ont ainsi pu mettre leurs véhicules à l'abri, d'où un prix moyen plus bas.
Ne faudrait-il pas distinguer la catastrophe majeure pour les vrais sinistres de la petite fissure qui relève davantage du contrat d'habitation ? En réalité, les inondations de 2010 et de 2011 n'ont rien à voir. Le ciel a eu le bon goût de suivre le modèle de Météo France l'an dernier, mais en 2010, il s'agissait de tout autre chose, l'ampleur et le déroulement des évènements n'étaient pas les mêmes. Comment adapter l'assurance à cette réalité, telle est la question ? Autre problème, celui de l'assurance décennale qui, pour les constructions, est une réponse mal adaptée au risque sécheresse.
Tout à fait d'accord sur la sécheresse. D'ailleurs, dans le projet de loi en préparation, l'assurance catnat ne jouera plus pour des raisons de sécheresse dans les dix premières années de la construction. Ce sera l'assurance construction qui prendra le relais. Cela suppose des règlements inexistants aujourd'hui pour les sols argileux. Pourquoi ? Parce qu'elle renchérit le coût de 5 % à 7 % dans des constructions dans un tiers des cas en France. Un constructeur ne peut être tenu responsable que s'il a été informé.
Quant à la submersion marine, cela est plus complexe, car la technique n'est pas encore consensuelle. Petite ou grande inondation ? Comment expliquer que quinze à vingt maisons touchées par une petite rivière ne seront pas aussi bien couvertes par l'assurance que les victimes des inondations du Var ?
Notre idée serait d'essayer d'adapter les techniques de réparation aux situations est vraiment catastrophique, de distinguer le cas des catastrophes majeurs des calamités qui n'ont pas cette intensité dramatique et dont l'environnement est tout à fait différent...
Le projet dont on ne sait pas le sort qui lui sera réservé, va dans le sens que vous souhaitez s'agissant de la sécheresse.
D'abord, distinguer la prévention de l'assurance. Je m'explique : un assureur peut contraindre son assuré contre l'incendie à installer des portes coupe-feu. La situation est différente pour les risques naturels car la prévention est collective, publique. L'assureur a donc moins de marges de manoeuvre. Or les politiques publiques manquent de lisibilité : un coup, on donne priorité aux digues ; l'autre, à la prévention de la sécheresse. Cela tient au morcellement des experts : un monde divisé en chapelles et baronnies. Nous avions demandé la création d'un observatoire national des risques. Le ministère de l'environnement nous a entendus ; un accord vient d'être signé. Notre difficulté, le fonds Barnier dont les actions ressemblent à un inventaire à la Prévert, fait figure d'argent de poche du ministère de l'environnement.
Le fonds est alimenté par un prélèvement sur une surcote obligatoire. De 2 %, il y a six ans, il est passé à 12 % aujourd'hui ; autant d'argent retiré à l'assurance de la catastrophe naturelle. Appelons un chat un chat : il faut créer une taxe !
Dans notre commission, nous comptons le maire de Nîmes, qui a lancé un plan contre les inondations cévenoles. Ne faut-il pas en tenir compte dans les primes de ces très lourds investissements ?
Dans ma commune, le COS a été rogné par le PPRI qui m'a été imposé. Mais cela relève plutôt du législateur...
La désignation d'un médiateur - coordinateur de la FFSA- est-elle une mesure récente ou ancienne, exigée par les préfets ?
Le correspondant FFSA travaille main dans la main avec les pouvoirs publics. La volonté de créer un guichet unique est légitime ; d'où la solution du correspondant auprès du préfet.
L'assurance est souvent montrée du doigt après un sinistre, parfois 24 heures après, mais que peut-elle ?
Oui, dans certains cas. Néanmoins, les assurances ont déjà des plates-formes à la disposition des assurés, des inspecteurs sur place. Pourquoi les multiplier ? Le guichet unique est utile pour une minorité de sinistres exceptionnels, où les assurés éprouvent des difficultés à joindre leur assureur.
Merci de votre venue. N'hésitez pas à nous transmettre des compléments par écrit.
Plus de la moitié des communes sont situées en zone à risque. Le problème n'est donc pas mince : comment financer la résilience de ces territoires à leur environnement ?
Peut-être éviter d'être dans le tout ou rien ; de vider des communes entières où les gens savent comment ne pas boire la tasse à chaque inondation.
Autre sujet, il faudra revoir la procédure d'indemnisation pour les calamités agricoles, qui couvre au maximum 35 % des pertes.
Nous recevons M. Yann Boaretto, inspecteur général des finances, qui fut médiateur des assurances à plusieurs reprises : suite à la tornade qui a frappé le Val de Sambre en 2008, à la tempête Klaus du 24 janvier 2009, à la tempête Xynthia de 2010 ou, encore, aux inondations qui ont frappé le sud-est de la France. Fort de ces expériences, vous avez développé une expertise fine qui sera fort utile à notre mission.
L'expérience m'a appris la modestie car les tornades, les tempêtes, les submersions, les grêles, les inondations par crue, par pluie, posent des problèmes spécifiques. Au regard de l'ampleur des sinistres, je constate une grande hétérogénéité de la durée des missions que j'ai menées : de grands sinistres ont demandé proportionnellement moins de temps que des petits.
Il convient de distinguer les dommages assurables et ceux qui ne le sont pas, et parmi les premiers, ceux qui sont assurés et ceux qui ne le sont pas. On confond généralement le risque et le dommage aux biens, de même que l'assurabilité des biens et celle des dommages. Les biens assurables, qui relèvent de la garantie tempête, des biens non assurables du ressort du dispositif catnat ; les biens agricoles dépendent du Fonds national de garantie des risques agricoles (FNGRA), et enfin les dégâts non assurables des collectivités locales donnent lieu aux subventions du programme 122.
La garantie tempête vise les effets du vent, considérés comme assurables jusqu'à un niveau élevé. Elle nécessite une assurance aux biens, généralement l'incendie. Les garanties dommage et tempête sont de même nature.
Ce sont deux choses différentes : les effets du vent sont assurables, parce que leur fréquence autorise une analyse du risque, tandis que le dispositif catnat s'applique aux événements non assurables. Il n'y a pas de liste exhaustive, le législateur n'ayant pas souhaité les éléments constitutifs, ce qui est une bonne chose. Le dispositif catnat s'applique à des éléments exceptionnels.
Elles représentent 59 % du dispositif catnat, mais non de l'ensemble.
Vous avez un exemple de mélange avec le Val de Sambre. Le classement en catnat a compliqué, ralenti et limité les indemnisations.
Difficile d'expliquer aux gens ce qui relève de la tempête et ce qui relève de l'inondation dans le Var. A chaque fois, on ajoute un nouveau dispositif, on perfectionne les dispositifs existants, comme le fonds Barnier. Le moment n'est-il pas venu de tout remettre à plat et de redistribuer les pièces du puzzle ?
L'évolution du FNGRA tend vers une assurabilité étendue. L'application de l'arrêté du 29 décembre 2010 réserve l'intervention du fonds à des cas de plus en plus marginaux. Le Trésor souhaite développer l'assurance, qui fait pression sur les assurés potentiels et les produits d'assurance pour les sociétés. La garantie tempête est une obligation, dès lors que sont garantis les dommages aux biens. Les situations de catastrophe naturelle bénéficient de réassurance par le biais de la CCR qui elle-même bénéficie de la garantie de l'État.
J'ai cité le Val de Sambre ; prenons maintenant la grêle dans le Doubs, qui était un risque agricole et climatique pour les entreprises et relevait comme tel, de l'assurance. Le Trésor a tenu bon, refusant d'ouvrir la porte à la qualification catnat ; ce qui, d'ailleurs, n'aurait pas été au bénéfice des assurés. Mes missions avaient pour objectif d'aider les sinistrés, de faire en sorte que l'indemnisation ne les accable pas d'un problème supplémentaire. Intégrer les garanties tempête et agricole aux catnat n'y contribuerait guère.
D'abord pour un besoin de reconnaissance, ensuite par une grande méconnaissance des dispositifs. La compétence assurantielle n'existe pas dans les services déconcentrés de l'État, ni dans les collectivités territoriales. Sauf lorsqu'un élu est un ancien assureur...
On a comblé cette lacune par un dispositif à peu près rodé. C'est le Monsieur « catastrophes naturelles » qui doit surgir de sa boîte dès que le Gouvernement le demande. Autre élément important, les correspondants locaux des fédérations d'assurance, le GEMA et la FFSA, avec qui nous entretenons d'excellentes relations. Celui que vous vous venez d'entendre a été pour moi un auxiliaire extrêmement précieux - ne voyez dans ce terme aucune nuance péjorative - pour moi comme pour le préfet.
L'organisation préfectorale peut être facile ou difficile selon qu'elle s'articule comme je le souhaite, c'est-à-dire qu'elle compte une antenne retransmettant les dossiers aux deux correspondants locaux des assurances. Lorsque j'ai pu, comme à Haumont, mettre en place une cellule avec un pivot identifié et connu des chambres consulaires comme des élus locaux, les choses se passent bien. Lorsque le préfet considère que ce sont à ses services de s'en débrouiller, cela prend du temps et des difficultés naissent, dont je ne suis pas informé. Les dossiers sont parfois gérés de manière heuristique...
Un adjoint au directeur de cabinet par exemple. On ne lui demande pas de traiter les dossiers mais de les redistribuer.
Non. Selon les cas, cela se gère plus ou moins bien. Quand l'information ne remonte pas, je dois intervenir en catastrophe pour venir en aide à un préfet qui se sent agressé par des agriculteurs ou des ostréiculteurs ulcérés...
L'interlocuteur centralisateur le plus proche des sinistrés, c'est le maire, et non le préfet. D'où la nécessité d'une architecture à trois étages : coordination des dossiers, contribution locale auprès du maire et une information centralisée auprès du préfet.
Quand il y a un grand nombre de données, 500 000 ou 600 000 avec Xynthia et Klaus, c'est difficile. Il faut localement pouvoir rassurer et s'assurer que les dossiers soient effectivement traités. Mon rôle est de faire en sorte que les dossiers portés à ma connaissance ne restent pas sans suite visible plus de 48 heures, 72 au maximum.
Pour l'urgence, le dispositif fonctionne assez bien. En dehors de cela, il faut se débrouiller. Ne serait-il pas judicieux de créer un préfinancement par un fonds régional ? Dans l'urgence, ça va, après beaucoup moins bien...
Le sinistré, désespéré, a besoin d'être rassuré, d'avoir le sentiment qu'on s'occupe de lui. Or, les milliers de dossiers sont condamnés à s'entasser. Les assureurs ont la possibilité de faire des avances, et ils le font. Cependant, celles-ci ne sont livrables qu'après un minimum de diligence, notamment d'expertises...
Les assureurs ont pris la bonne habitude d'envoyer des experts d'autres départements. Les petits dossiers sont traités rapidement. Les mutuelles règlent directement au-dessous d'un certain seuil, par exemple de 1 000 euros, tandis que les assureurs sont plus réticents. C'est pourtant dans leur intérêt : éplucher une pile de petits dossiers peut prendre deux ans.
Ne pourrait-on pas mettre quelque chose en place pour les situations inouïes, de vraie détresse ? Le dispositif ne fait pas la différence...
Les gens qui l'appliquent, peut-être mais c'est le même dispositif quelles que soient les situations...
Les petits dossiers se règlent vite. Les gros dossiers, par nature, ne peuvent être traités avec hâte. Prenez le cas d'un immeuble qui fait l'objet d'un arrêté de péril, parce qu'il n'y a plus de plancher au premier étage : les gens du second ne sont pas contents ! En fait, la difficulté est le relogement des populations dont les habitations ont subi des dégâts substantiels, dans un délai suffisamment souple. À Haumont, des mobil home ont été mis à disposition, parfois pour deux ans. De même, les communes auraient pu prendre en charge les travaux pour ceux qui n'étaient pas assurés avec une forme de bail à construire. J'avais proposé cette idée aux ministères de l'économie et de l'équipement et du développement durable. Elle n'a pas été accueillie avec enthousiasme. Mais nous sommes dans une situation de camps de réfugiés.
L'heure tourne... Que préconisez-vous pour améliorer la prévention et l'indemnisation ?
Question difficile ! Les différents dispositifs s'articulent et se complètent. Je ne suis pas pour les fusionner. L'expérience m'a montré que ces situations sont difficiles, mais libèrent les comportements audacieux. Les personnes qui jouent à la marge et essaient de tricher, ce qui ne plaît pas aux assureurs, ont tendance à crier le plus fort. Dans l'ensemble, les assurances font ce qu'elles ont à faire et même plus. Le vrai sujet tient davantage à l'organisation qu'à l'indemnisation. Pour ne pas perdre de temps, il faudrait structurer le dispositif préfectoral et celui des services centraux et que chaque fédération ait son correspondant dans chaque département voire dans chaque arrondissement. Lors de Xynthia, il y a eu une période d'ajustement désagréable pendant laquelle, les gens ne savaient pas à qui s'adresser ; or, si l'on veut rassurer les sinistrés, c'est au début que la mécanique doit montrer son efficacité. Et puis, ils n'ont pas l'habitude de se tourner vers les préfets pour leurs problèmes de réparation.
Il convient de veiller à l'articulation entre les différentes composantes du financement des réparations. Tout a été mis en oeuvre pour Xynthia, mais de façon heuristique. Chaque préfecture pourrait actualiser l'information dont elle dispose. La fermeté en matière de PPRI est essentielle. Dans le Var, après douze inondations successives, certaines communes n'avaient pas mis en oeuvre leur plan de prévention !
Certes, face à cette situation, on invoque le laxisme, le clientélisme, sans se demander pourquoi ces dispositifs sont très difficiles à appliquer. Plutôt que de protéger, c'est-à-dire de tenter d'éliminer le risque, ne peut-on pas s'adapter à lui ? La problématique de la seule protection est-elle positive ? N'entraîne-t-elle pas des blocages ? Le maire de Nîmes, qui a réalisé beaucoup d'investissements dans la prévention des inondations, s'est vu interdire la construction d'immeubles de sept étages et, tenez-vous bien, à cause des inondations. Argument imparable : il ne faut pas densifier en zone inondable...
L'autorité du préfet sur les élus locaux est limitée en domaine et contrainte en relation. Lorsque l'élu en réfère à l'Élysée ou à Matignon, le préfet se fait réprimander.
Ne peut-on envisager une autre approche ? Nous en avons parlé avec le préfet Parent, qui était en fonction dans le Var en 2010. Plutôt que de ficeler un PPRI, ne peut-on pas en faire un acte commun de la collectivité et de l'administration ?
Si l'on en reste dans le registre de la moralisation, de la responsabilité, je crains que, dans vingt ans, on ne soit pas plus avancé.
On aura toujours des zones non protégées. Savez-vous pourquoi ? Parce que des plans de prévention des risques se construisent dans le dialogue, et par temps calme ; nous faisons le contraire. Autrefois, l'État disposait de services techniques locaux importants. L'érosion de sa capacité d'expertise pose problème. La balle est dans son camp. Les collectivités importantes ont parfois recours à des cabinets privés dont le coûteux verbiage laisse pantois l'ancien ingénieur des ponts que je suis.
Le préfet Parent a pris l'initiative de lancer des plans anticipés, cela présentait l'intérêt de remettre les compteurs à zéro pour les assurés en N+1 et d'éviter les franchises.
Le régime de l'assurance suppose un rapport entre l'individu et l'assureur et pas l'assureur et la commune !
Il y a une logique de responsabilisation derrière les PPR, or là c'est un dévoiement du dispositif. Ces investissements sont chers et non productifs.
Le lien franchises-PPRI est injuste ! C'est un tiers, la collectivité, que l'on charge de la prévention. Et on lui interdit de se développer !
Ce sont deux choses différentes ! Le recalibrage des berges ou la reconstruction des soutènements ne rapportent rien et le chemin de promenade qui va avec reste à la charge des collectivités. Comment faire mieux ?
Il faut distinguer les rôles. Je ne suis pas partisan de la fusion des dispositifs. En revanche, un peu plus de coordination améliorerait l'ensemble, surtout entre les acteurs eux-mêmes - les assurances mais aussi les ministères et leurs administrations : l'Intérieur, le Développement durable, l'Equipement, l'Agriculture, etc. Pour exemple, les horticulteurs sous serre illustrent cette complexité effrayante : on relève quatre régimes distincts. Le bas de la serre est assurable en tant qu'immobilisation mais non le haut : les plantes en terre relèvent de la perte d'exploitation, celles entreposées de la perte de stock. On pourrait simplifier, certes, mais le plus gros assureur du secteur, que j'ai rencontré à ma demande au Trésor, s'y refuse car ce serait augmenter ses risques et ses pertes !
Merci de cette audition particulièrement intéressante. N'hésitez pas à nous faire passer des préconisations !
Compte tenu du nombre de communes françaises concernées - plus de la moitié - le moment n'est-il pas venu de mener une réflexion globale, plutôt que d'entasser, au gré des circonstances, les dispositifs.
Ce n'est pas à la portée d'un seul cerveau. Il conviendrait qu'une mission réunisse l'Intérieur, l'Equipement, l'Agriculture, l'Economie sous la houlette d'un préfet, pour faire avancer la réflexion. Soyons modestes ! Je doute que quiconque puisse avoir une vision d'ensemble sur un sujet aussi compliqué.
Voici venu le tour de Mme Barbara Berrebi, de MM. Martial Ponçot et Christian Luttique, représentant le Groupement des entreprises mutuelles d'assurances, le Gema.
Cette fédération, qui représente 10 % du marché défend une vision mutualiste. Vous vous distinguez des autres sociétés par plusieurs principes. D'abord, les mutuelles sont des sociétés de personnes qui n'ont pas de capital social, les sociétaires étant assurés et assureurs. Ensuite, vos adhérents sont des organismes à but non lucratif, gérés par des administrateurs bénévoles, élus par des délégués, eux-mêmes élus par les sociétaires. Enfin, vous vous voulez porteurs de valeurs de solidarité, de démocratie, de liberté et de transparence.
GEMA). - 10 % du marché, certes, mais avec un chiffre d'affaires de 12,5 milliards d'euros en 2011, nous assurons un particulier sur deux en France. En revanche, nous sommes moins présents sur le marché des entreprises et l'une de nos sociétés est spécialisée dans l'assurance des collectivités territoriales.
Dès qu'une catastrophe survient, nous sommes donc immédiatement touchés. S'agissant des inondations de 2011, la zone était particulièrement étendue de la Lozère à la frontière italienne, soit quatorze départements. Différentes garanties ont été mises en jeu : inondation, tempête mais aussi dégâts des eaux et électriques. Au 13 avril 2012, le dernier sondage, nous avons enregistré 39 419 déclarations de sinistres, dont 27 % pour les tempêtes, 24 % pour les inondations et 50 % pour les autres garanties. Selon nos 35 mutuelles, 80,89 millions d'euros ont été mobilisés, dont 14,9 millions pour la garantie tempête, 51 millions pour les catastrophes naturelles, les inondations, représentant cinquante pour cent de nos engagements, les autres sinistres atteignent 14 millions, avec un coût moyen de 1 000 euros par sinistre.
Avec 11 000 sinistres habitation, le Var a totalisé un tiers des déclarations. Nous avons dénombré 1 600 déclarations de sinistre automobile, 419 pour les entreprises et collectivités locales, soit 13 900 dossiers. Le Var a reçu 47 millions des indemnités versées au titre de la garantie catastrophes naturelles inondations. Nous vous transmettrons un dossier pour éviter de vous noyer sous les chiffres. Le coût final est de 82 millions d'euros.
Il y avait eu 14 000 déclarations en 2010 pour le seul département du Var, pour un coût total de 116 millions d'euros dont 101 millions payés à un an de l'événement. De fait, 75 % de l'indemnisation intervient immédiatement, le reste après expertise.
Environ dans les trois à quatre mois de l'expertise - nous demandons à nos experts de se mobiliser. L'urgence est de racheter les fondamentaux - des habits, parfois des véhicules - et de nettoyer les habitations souillées. Nous réagissons avant même la publication de l'arrêté de catastrophe naturelle, qui ne fait pas de doute pour des événements de cette ampleur.
Depuis plusieurs années, le Gema, fort de son expérience, a construit un réseau de correspondants dans chaque département, dont les noms sont connus : une liste est disponible sur le site. Ceux-ci interviennent dès lors qu'une catastrophe survient, quelle soit naturelle ou non. Par exemple, une explosion de gaz à Lyon.
Oui, un titulaire et un suppléant sauf en outre-mer. L'idée est de seconder le préfet dans l'assistance aux populations.
Ils ont pour rôle d'informer sur les garanties, sur les franchises, etc. En revanche, ce ne sont pas des médiateurs ; ils n'ont pas vocation à traiter des dossiers particuliers. Ils font également remonter l'information au Gema pour une prise de décision collective. Après Xynthia, nous avons ainsi perçu une demande de relogement, notre groupement a décidé d'indemniser les frais correspondants pour les six premiers mois, ce qui n'était pas prévu dans les contrats.
Nous sommes frappés par la très grande complexité des contrats. N'y a-t-il pas moyen d'éviter les mauvaises surprises en faisant plus lisible ?
La garantie inondation n'est pas compliquée, parce qu'elle est basée sur la garantie incendie. La difficulté surgit quand se mêlent les risques tempête et inondation et qu'un arrêté de catastrophe naturelle est pris.
On a du mal à discerner quels sont les biens couverts, en particulier pour les agriculteurs.
C'est exact : certains biens relèvent du régime légal, d'autres d'options.
D'accord, mais au moment où le contrat est passé, le besoin est de payer le moins possible ; lorsque les bâtiments sont inondés, de continuer à travailler. Ce n'est pas toujours de la mauvaise foi.
En 2010, nous avons reçu très peu de réclamations.
J'ai été saisi d'une centaine de dossiers localement, au sein de la cellule de crise mise en place par le préfet. Ceux que je n'ai pu résoudre ont été transmis à M. Boaretto que vous venez d'auditionner, avec lequel nous avons élaboré un tableau de bord pour le suivi.
Pourquoi ces dossiers en souffrance ? Le représentant local de la mutuelle n'avait-il pas su répondre ?
Des réclamations, des problèmes de franchise...
ou des personnes qui attendent des gestes commerciaux de la part de leur mutuelle.
Pour les dossiers litigieux, le Gema tient à disposition des assurés un médiateur. En 2011, il a été saisi d'un dossier.
Car les dossiers d'assurance étaient prêts, la plupart des assurés ayant subi un dommage un an avant.
Pourquoi les maires demandent-ils la déclaration en catastrophe naturelle ? Est-ce plus favorable aux assurés ?
Il y a confusion entre le régime contractuel et le régime légal. En ce qui nous concerne, les contrats se sont améliorés depuis 1982 ; pour les bâtiments, la garantie avec valeur à neuf s'est généralisée. Le système des franchises et des primes donne globalement satisfaction.
Donc, l'indemnisation est la même, que la catastrophe naturelle soit déclarée ou non.
Lors de la tempête Klaus, nous avions mis en ligne, à la demande du ministère, des tableaux pour faire de la pédagogie sur les différents montants d'indemnisation. Depuis, il nous a paru plus simple d'uniformiser, la prime inondation pouvant compléter la garantie tempête. Cela permet de répondre à des événements très ponctuels comme le coup de vent sur le Jura la semaine dernière, qui ne sont pas classés en catastrophe naturelle.
La théorie est simple, la pratique plus complexe. Les inondations sont un incident largement répétitif, et non aléatoire. Je pose donc la question : que l'inondation relève des assurances, cela a-t-il un sens ?
Oui, la solidarité joue, la mutualisation donne satisfaction.
Prenez Barthelasse près d'Avignon, ou Vallabrègues ; voyez la vallée de l'Argens et Roquebrune. Que faire pour ces secteurs à risque ?
Effectivement, il y a eu trois inondations importantes en six ans à La Palud, qui est un des poumons industriels de la région. Les entreprises ont eu du mal à s'en remettre.
Nous en avons débattu avec le FFSA. Nous, nous étions contre une modulation des franchises au motif que le risque ne serait pas le même pour ceux qui, par exemple, habitent un sixième étage à Montmartre. Après les émeutes contre la vie chère, on nous a demandé de retrancher la garantie gel pour l'outre-mer sans penser que ces territoires sont plus exposés aux tornades. Difficile, donc, d'entrer dans ces détails.
Il y a désormais un observatoire national appuyé par le ministère de l'Écologie. La modulation pour les grands groupes n'est pas à exclure ; en revanche, la situation de l'artisan ou du commerçant de centre-ville est différente. Sa protection dépend de plans de prévention publics. Autour de Nîmes, beaucoup d'efforts ont été réalisés.
De nombreuses communes sont concernées : on pourrait parler du golfe de Saint-Tropez, de Toulon La Valette, d'Hyères de Brignoles. Peut-on continuer longtemps à traiter ces phénomènes réguliers comme des exceptions ? La forte urbanisation ne nous l'interdit-elle pas ?
On a construit la caserne de pompiers de Sommières en zone à risque en 2009...
Il faut revoir le cadre légal la prévention et moduler les franchises pour les grands industriels, voilà quelles étaient nos préconisations. Le lien avec le partenariat public-privé doit être réexaminé : certains plans de protection, en Normandie entre autres, ont été adoptés 48 heures avant la reconnaissance de catastrophe naturelle.
Le système est adapté, reste à renforcer la prévention.
L'essentiel est que les assurés soient couverts...
Attendez : ses ressources ne suffisent certainement pas pour tous les investissements nécessaires : digues, retenues etc...
Nîmes a consenti un gros effort qui a démontré son intérêt lors des dernières inondations. Le volet prévention demande effectivement des investissements très lourds dans la durée. L'important est qu'il y ait un vrai partenariat public-privé.
Quelles sont vos préconisations d'expert ? Nous aimerions en savoir plus par écrit pour que notre étude ne soit pas un énième rapport qu'on rangera sur l'étagère.
Dans le Var, sur 140 communes, il y en a dix qui ont bénéficié jusqu'à dix-huit fois de la reconnaissance de catastrophe naturelle depuis 1982 pour les inondations.
Celles-ci ne sont donc pas l'exception qui confirme la règle, comme l'explique bien le rapporteur.
Les travaux dans la Meuse ont amélioré la situation.
Très bien ! Il faut aussi regarder le verre à moitié plein ; inspirons-nous des expériences positives.
Messieurs, votre direction assure la conception et le suivi de la politique de protection des agriculteurs contre les risques naturels. Celle-ci relève de deux logiques : celle du secteur privé pour les risques assurables, sachant que l'État prend en charge 65 % des primes de l'assurance récolte ; celle d'une indemnisation publique par le biais du FNGRA pour les aléas non assurables. Ce fonds, alimenté par les agriculteurs et une dotation budgétaire de l'État, indemnise les exploitations sinistrées. Après une reconnaissance d'une calamité agricole par le ministre de l'agriculture, ces indemnités couvrent en moyenne 30 % des dommages. Merci de nous présenter le déroulement des procédures d'indemnisation ainsi que les problèmes rencontrés dans le traitement des dossiers.
Sept départements (Alpes de Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Gard, Hérault, Pyrénées-Orientales et Var) ont été reconnus sinistrés au titre des calamités agricoles à la suite des inondations de novembre 2011. Un huitième département, la Haute-Corse, présentera un dossier en juin. Les pertes touchent les cultures maraîchères et horticoles, ainsi que des dommages aux sols.
La procédure d'indemnisation publique des calamités agricoles repose sur le FNGRA, créé en 1964, alimenté par une taxe payée par les agriculteurs sur leur assurance dommage-biens des contributions professionnelles et une dotation de l'État, pour un total moyen de 180 millions par an, en deux parts égales. Pour qu'il intervienne, il faut que les exploitations agricoles aient subi une perte de plus de 30 % de la récolte envisagée et accusent une baisse de 13 % du chiffre d'affaires de l'exploitation. Le sinistre, après reconnaissance publique, est indemnisé à 25 % des pertes en moyenne, selon un barème fixé par arrêté des ministères de l'agriculture et des finances. Ce fonds est, avant tout un filet de sécurité mis en place pour aider les agriculteurs, le niveau de réparation n'étant pas celui des assurances. Cela dit, depuis près de 50 ans, il a fait ses preuves, notamment lors de la sécheresse de 2003.
Trente-cinq pour cent, les indemnisations se fondent sur les travaux réalisés.
Dans certains cas, il peut être impossible techniquement de remettre en état la zone...
Étant donné le préjudice subi, il n'est pas déraisonnable que l'agriculteur bénéficie d'un accompagnement comparable à celui des autres sinistrés. Il y a un seuil minimal de 35 % de la valeur vénale des sols ou du montant des travaux. Un même montant peut être utilisé pour restaurer ailleurs le potentiel de production de l'exploitation.
Si cela arrivait à un entrepreneur, il aurait été indemnisé à une tout autre hauteur !
Certes, mais pour les calamités agricoles, nous parlons par construction de dommages non assurables !
Ne peut-on réfléchir à la façon de traiter de tels problèmes ? Y a-t-il des pistes de réflexion.
Aucune offre d'assurance ne couvre ce type de dommage. Nous n'avons aucun point de comparaison.
En l'occurrence, le capital assuré serait la valeur vénale de la terre, que nous avons reprise dans le cadre des calamités agricoles : on ne peut, en perdant un sol, perdre davantage que la valeur de la terre. Le cas que vous évoquez a été traité par le ministère et a fait l'objet d'échanges très précis. Effectivement, les travaux de remise en état ne sont pas réalisables. Nous avons donc proposé à cette personne de mobiliser le même capital pour relancer son exploitation sur d'autres terrains. Il s'agit alors de mettre en ordre les procédures.
Le schéma d'indemnisation repose sur la mise en place par le préfet d'une mission d'enquête sur la zone sinistrée, puis la réunion d'un comité départemental d'expertise, qui transmet un dossier de demande de reconnaissance au ministère. Ce dossier décrit le niveau et le type des pertes, leur localisation et leur évaluation. Le Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA), dont le bureau de M. Bouvatier assure le secrétariat, qui réunit des représentants de la FFSA et des banques entre autres, émet un avis sur le dossier. S'il est favorable, le ministre signe un arrêté de reconnaissance de calamité agricole, qui est publié en mairie. Les agriculteurs déposent leur demande auprès des directions départementales du territoire.
Pour les inondations du sud-est, trois CNGRA se sont réunis. En années normale, il se réunit quatre fois par an, en mars, juin, octobre et décembre. Pour cet événement exceptionnel, un comité spécifique a été réuni dès le 9 février 2012 ; il a reconnu en calamité agricole les parties sinistrées de six premiers départements pour un montant de dommage de 16,57 millions d'euros et un montant prévisionnel d'indemnisation de 4,98 millions d'euros - les acomptes versés aux départements s'élèvent à 30% des indemnisations prévisionnelles et ils sont complétés progressivement. Un autre CNGRA a eu lieu le 21 mars ; il a reconnu les Alpes-de-Haute-Provence. Le prochain CNGRA, le 13 juin, examinera le dossier de la Haute-Corse.
Pour les inondations dans le Var en 2011, un processus particulier a été mis en place. Lors d'un sinistre exceptionnel, un arrêté ministériel peut majorer le barème normal, prévoit le code rural. Celui-ci a été publié le 3 avril 2012. Grâce à lui, les doubles sinistrés de juin 2010 et de fin d'année 2011 bénéficieront d'une majoration de 25 % du barème, même s'ils n'avaient pu obtenir d'indemnisation en 2010 faute d'atteindre les seuils de perte.
On a mis en place une enveloppe spécifique d'indemnisation pour 156 prises en charge représentant 340 000 euros et financées par le ministère de l'agriculture et le fonds d'action sanitaire et sociale de la Mutualité sociale agricole (MSA).
Le conseil général du Var et le conseil régional Paca ont enfin fait usage de la mesure 126, afin de subventionner les exploitations agricoles pour reconstituer leur potentiel de production après des pertes de fonds ou de cheptel. L'enveloppe est en cours de définition.
C'est du ressort des collectivités locales. Il y a des enveloppes régionales du FEADER, complétées par des financements des conseils généraux et régionaux.
Dans le Var, la direction départementale du territoire a reçu 75 dossiers de demandes d'indemnisation sur 200 exploitations susceptibles d'être concernées. Parmi celles-ci, 38 répondent à la définition de doubles sinistres. À ce jour, 40 exploitants ont été indemnisés pour un montant de 518 000 euros. Une demande complémentaire, que transmettra le département, sera examinée le 13 juin prochain.
L'assurance des cultures sous serre interroge sur l'articulation entre le régime des calamités agricoles et celui des catastrophes naturelles. Le contrat d'assurance dommage couvre les dégâts subis par la serre. Les cultures sous serre, elles, sont considérées comme non engrangées et relèvent techniquement de l'assurance récolte ou du dispositif calamités agricoles, nettement moins avantageux que le régime catnat, d'où le mécontentement des serristes. Nous avons sensibilisé nos collègues des finances, qui nous ont renvoyé à la règlementation existante.
Lors de la préparation du projet de réforme du régime des catastrophes naturelles, nous avons formulé des remarques sur l'introduction de l'assurance récolte, sur lesquelles nous avons été entendus. En revanche, nos collègues du Trésor ont posé a priori une condition : nos propositions ne devaient pas emporter des conséquences budgétaires ou de coût pour le régime. Notre proposition d'exclure les cultures engrangées à l'exception des cultures sous abri n'a pas été retenue.
Non, car la discussion...
a été stoppée par une position de principe.
Les serres bénéficient de la garantie catnat, mais pas les cultures qu'elles abritent. Le texte a été rédigé dans les années 1980. Le développement de l'offre assurantielle a rendu ce texte incohérent.
Dans un système d'assurance privée, une prime supplémentaire règlerait le problème.
Les assureurs ont utilisé la règlementation catnat pour justifier leur non-intervention sur les cultures de la terre.
Leurs contrats n'étaient pas contraires à la règlementation.
Le Trésor aurait-il peur d'une dérive forte en termes de finances publiques ?
Les catastrophes naturelles constituent des événements majeurs. Les cultures sous serre ne sont pas de nature à déséquilibrer ce régime. De la part du Trésor, c'est une opposition de principe.
Pour une entreprise industrielle quelconque, le dispositif catnat rembourse. Pourquoi une telle différence ?
Il y a peu, il n'y avait pas d'assurance. On était hors système catnat. D'où le dispositif des calamités agricoles.
Je ne suis pas convaincu par la question de principe. L'enjeu financier est...
Qu'en est-il du cheptel ? Les indemnisations varient-elles selon que le troupeau était ou non dans l'étable ?
Oui, s'il était dans un bâtiment, la garantie d'assurance, y compris catnat va jouer ; s'il était dehors, c'est le dispositif calamités agricoles qui s'applique. Il n'y a pas de produit d'assurance qui couvre les animaux égaillés dans la nature.
Le risque est difficile à calculer.
Peut-être pas...
Les assurances et les mutuelles jouent-elles le jeu ? Qu'elles n'aient pas fait de propositions me laisse songeur.
De l'ordre de 180 à 200 millions d'euros par an en moyenne. Évidement, cela varie beaucoup d'une année à l'autre. La sécheresse de 2003 a coûté 600 millions.
Un coût financé moitié par l'État, moitié par les contributions professionnelles.
Nous avons suggéré au Trésor une évolution du régime, tendant à rendre éligibles au catastrophes naturelles les cultures sous abri, avec le succès mitigé que vous savez.
Le coût ne doit pas être difficile à évaluer. Si vous nous transmettez une estimation, cela nous aiderait à défendre cette proposition. Notre mission sénatoriale a plus de liberté que vous... Je vous remercie de vos réponses.