Séance en hémicycle du 23 novembre 2023 à 18h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • europe
  • pluriannuel
  • propre
  • prélèvement
  • relance
  • révision
  • ukraine

La séance

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Le nombre d'amendements déposés cette année sur la première partie du projet de loi de finances s'élève à 2 259, soit 500 de plus que l'année dernière, où un record avait déjà été atteint.

Je rappelle que nous devons respecter les exigences constitutionnelles prévues pour l'examen du budget. Ce nombre d'amendements record nous impose donc de revoir l'organisation de nos travaux. Il ne paraît ainsi plus possible de ne pas siéger le dimanche 26 novembre.

La commission demande en conséquence l'ouverture de la séance dimanche, l'après-midi, le soir et la nuit.

Ainsi, nous siégerons demain soir jusqu'à minuit et demi, puis samedi à partir de neuf heures trente, quatorze heures trente, le soir et la nuit jusqu'à environ deux heures du matin, voire plus tard, en fonction de l'avancée de nos travaux. Nous reprendrions l'examen du texte dimanche à quatorze heures, jusqu'à une heure trente du matin lundi.

J'espère que M. le ministre sera heureux de passer autant de temps avec nous ! §

L'ouverture de dix heures de séance dimanche ne nous dispensera pas, pour autant, de devoir conserver un rythme soutenu de discussion des amendements en séance, afin que nous puissions achever l'examen de la première partie jeudi prochain – nous n'avons pas le choix à cet égard.

Alors que 1 035 amendements avaient été déposés sur le projet de loi de finances 2019, soit une hausse significative par rapport aux 617 amendements déposés en 2018, mon prédécesseur Vincent Éblé avait parlé d'une « inflation substantielle ». Cette année, le nombre d'amendements ayant doublé, je n'ai plus de mots ! §

Je vous indique que j'ai demandé aux chefs de file des différents groupes politiques de réfléchir en interne à la meilleure manière de traiter cette situation afin que nous puissions ne pas perdre trop de temps, tout en veillant à ne pas porter atteinte aux droits de chaque sénateur.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, ministre délégué. Je vous confirme que c'est avec plaisir que je participerai aux travaux du Sénat dimanche !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Nous passons à la discussion de l'article liminaire.

Les prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques, les prévisions de solde par sous-secteur, la prévision, déclinée par sous-secteur d'administration publique, de l'objectif d'évolution en volume et la prévision en milliards d'euros courants des dépenses des administrations publiques, les prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d'endettement de l'ensemble des administrations pour l'année 2024, les prévisions pour 2024 de ces mêmes agrégats du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, ainsi que les données d'exécution pour l'année 2022 et les prévisions d'exécution pour l'année 2023 de ces mêmes agrégats, s'établissent comme suit :

En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire

Loi de finances pour 2024

PLPFP 2023-2027

Ensemble des administrations publiques

Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)

Solde conjoncturel (2)

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel)

Solde effectif (1 + 2 + 3)

Dette au sens de Maastricht

Taux de prélèvements obligatoires (y compris Union européenne, nets des crédits d'impôt)

Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire

Dépense publique (hors crédits d'impôt)

Dépense publique (hors crédits d'impôt, en milliards d'euros)

Évolution de la dépense publique hors crédits d'impôt en volume (en %) *

Principales dépenses d'investissement (en milliards d'euros) **

Administrations publiques centrales

Solde

Dépense publique (hors crédits d'impôt, en milliards d'euros)

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

Administrations publiques locales

Solde

Dépense publique (hors crédits d'impôt, en milliards d'euros)

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

Administrations de sécurité sociale

Solde

Dépense publique (hors crédits d'impôt, en milliards d'euros)

Évolution de la dépense publique en volume (en %) ***

* À champ constant.

** Au sens de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

*** À champ constant, hors transferts entre administrations publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-2183, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2, tableau

Rédiger ainsi ce tableau :

(En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire)

En points de produit intérieur brut, sauf mention contraire

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Loi de finances pour 2024

PLPFP 2023-2027

Ensemble des administrations publiques

Solde structurel (1) (en points de PIB potentiel)

Solde conjoncturel (2)

Solde des mesures ponctuelles et temporaires (3) (en points de PIB potentiel)

Solde effectif (1+2+3)

Dette au sens de Maastricht

Taux de prélèvements obligatoires (y.c UE, nets des CI)

Taux de prélèvements obligatoires corrigé des effets du bouclier tarifaire

Dépense publique (hors CI)

Dépense publique (hors CI, en Md€)

Évolution de la dépense publique hors CI en volume (%) 1

Principales dépenses d'investissement (en Md€) 2

Administrations publiques centrales

Solde

Dépense publique (hors CI, en Md€)

Évolution de la dépense publique en volume (%) 3

Administrations publiques locales

Solde

Dépense publique (hors CI, en Md€)

Évolution de la dépense publique en volume (%) 3

Administrations de sécurité sociales

Solde

Dépense publique (hors CI, en Md€)

Évolution de la dépense publique en volume (%) 3

1 À champ constant.

2 Au sens du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027.

3 À champ constant, hors transferts entre administrations publiques.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Thomas Cazenave

Cet amendement vise à mettre à jour les prévisions sous-jacentes au projet de loi de finances pour 2024, en ce qui concerne le déficit et les grands agrégats de finances publiques présentés dans l'article liminaire.

La mise à jour résulte de la coordination avec les différents textes financiers en discussion au Parlement : le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024 et le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023, que l'Assemblée nationale et le Sénat ont définitivement adopté hier.

Il est important de souligner que les prévisions de solde public restent inchangées, pour 2023 comme pour 2024 : le solde s'établirait respectivement à -4, 9 % et à -4, 4 % du PIB, conformément à la trajectoire adoptée dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Pour 2023, l'amendement prend en compte le résultat des discussions du projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023.

Pour 2024, certains éléments dégradent le solde public : je pense à l'impact de l'accord national interprofessionnel 2023-2026 pour l'Agirc-Arrco, qui réduit le solde public de 2024 de 1 milliard d'euros. À l'inverse, la mesure de gel des barèmes des allègements généraux de cotisations sociales, introduite par voie d'amendement dans le PLFSS lors de son examen à l'Assemblée nationale, permet d'améliorer le solde public de 500 millions d'euros.

Au total, la prévision de solde public pour 2024 s'établirait toujours à -4, 4 % du PIB. Elle reste donc, j'y insiste, inchangée par rapport au texte adopté par l'Assemblée nationale, et conforme aux orientations définies dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

L'amendement n° I-1896, présenté par MM. Bilhac et Daubet, est ainsi libellé :

Alinéa 2, tableau, douzième ligne

Rédiger ainsi cette ligne :

Dépense publique (hors CI, en Md€)

La parole est à M. Christian Bilhac.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

L'amendement n° I-1896 est retiré.

Quel est l'avis de la commission ?

L'amendement est adopté.

L'article liminaire est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Nous passons à la discussion des articles de la première partie.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

Nous allons tout d'abord examiner, au sein du titre Ier de la première partie du projet de loi de finances pour 2024, l'article 33, relatif à l'évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Dans la discussion, la parole est à M. le rapporteur spécial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Mizzon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme chaque année, il nous revient d'examiner l'évaluation du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne présentée dans le projet de loi de finances. Il s'agit d'un exercice complexe, dans la mesure où le montant inscrit dans le projet de loi de finances est seulement prévisionnel.

Les négociations entre le Conseil et le Parlement européen sur le budget européen pour 2024 ont touché ces derniers jours à leur fin. Le 11 novembre dernier, ces deux institutions se sont accordées sur un montant de 189 milliards d'euros en crédits d'engagement et de 143 milliards d'euros en crédits de paiement.

Le 20 novembre, le Conseil a adopté ce compromis et le Parlement européen a fait de même hier. Comme il est d'usage, le Gouvernement devrait déposer prochainement un amendement prenant en compte le montant du budget européen pour déterminer la contribution française. Je regrette, pour la clarté de nos débats, que nous ne disposions pas aujourd'hui d'une évaluation révisée du prélèvement sur recettes.

Pourriez-vous, madame la ministre, nous indiquer quand sera déposé cet amendement ? Pourriez-vous d'ores et déjà nous indiquer quel serait le montant révisé de l'évaluation du prélèvement sur recettes ?

En tout état de cause et dans l'attente de cette actualisation, l'article 33 du projet de loi de finances évalue le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne à 21, 61 milliards d'euros.

Ce montant représente une diminution de près de 2, 287 milliards par rapport à la prévision actualisée pour 2023. À mon sens, cette baisse relative, qui s'explique par des facteurs conjoncturels, ne saurait refléter une stabilisation ou un ralentissement de la contribution française à moyen terme. Le montant du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne s'élèverait en effet en moyenne à 26, 9 milliards d'euros sur la période 2023-2027.

Je souligne toutefois que l'évaluation du prélèvement sur recettes et de la contribution française au budget de l'Union pour les années à venir pourrait être affectée par les négociations en cours sur la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2021-2027.

La Commission européenne a ainsi présenté, en juin 2023, ses propositions pour renforcer le budget pluriannuel de l'Union à hauteur de 66 milliards d'euros. Celles-ci prévoient notamment la mise en place d'une plateforme européenne des technologies stratégiques. La Commission recommande également la mise en place d'une facilité pour l'Ukraine, à hauteur de 50 milliards d'euros, sans que l'on sache qui en apportera la garantie.

Certains États membres plus frugaux ont d'ores et déjà fait part de leur réticence à une telle augmentation du budget de long terme de l'Union.

Madame la ministre, pourriez-vous nous préciser la position de la France dans les négociations sur la révision du cadre financier pluriannuel ? À quelle date espérez-vous parvenir à un accord ? Comment cette révision devrait-elle affecter le montant de la contribution française au budget de l'Union ?

La révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel devrait également s'accompagner de l'adoption de nouvelles ressources propres.

La Commission européenne a formulé des propositions actualisées en ce sens. Je ne peux pas, toutefois, m'empêcher de m'interroger, mes chers collègues, sur le montant des recettes tirées de ces nouvelles ressources. En effet, il n'est pas certain qu'elles soient suffisantes pour couvrir les besoins de financement du remboursement du plan de relance et de ses intérêts, d'une part, et du Fonds social pour le climat, d'autre part.

Or je rappelle que l'engagement financier de la France au titre de Next Generation EU est de l'ordre de 75 milliards d'euros. Un défaut d'adoption de ces nouvelles ressources signifierait ainsi un surcroît de 2, 5 milliards d'euros annuels pour la contribution française au budget de l'Union. Par ailleurs, cette évaluation ne tient pas compte des différentes garanties que la France serait susceptible d'accorder au soutien à l'Ukraine en application des articles 46 à 48 du présent projet de loi de finances.

Il serait ainsi opportun, madame la ministre, au vu des engagements pris par la France, de disposer d'une évaluation précise des montants que notre pays serait susceptible d'être appelé à verser à l'Union européenne à moyen terme, au-delà du seul prélèvement sur recettes.

Pour terminer, je tenais à interroger le Gouvernement sur l'état d'avancement des versements du plan de relance européen. Pour rappel, la France a déposé une deuxième demande de paiement le 31 juillet 2023 pour un montant de 10, 3 milliards d'euros. La Commission a publié un projet de décision de validation le 17 novembre.

Madame la ministre, à quelle date pensez-vous que la France pourrait percevoir ce nouveau versement ?

En guise de conclusion, mes chers collègues, la commission des finances avait proposé, lors de son examen de l'article 33, le 31 octobre, de l'adopter sans modification. Telle est la position que je vous recommande de suivre aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Christine Lavarde, en remplacement de M. Jean-François Rapin, président de la commission des affaires européennes.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Lavarde

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je vous prie d'excuser l'absence de Jean-François Rapin, qui se trouve actuellement en Allemagne.

Nous sommes confrontés à un paradoxe : la contribution de la France au titre du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne va diminuer l'année prochaine ; pourtant, dans le même temps, nous savons que le budget de l'Union va fortement monter en puissance au cours des années à venir. Financer les transitions écologique et numérique ainsi que les conséquences de la guerre en Ukraine, dans un contexte de forte inflation et de taux d'intérêt élevés et avec le devoir de rembourser l'emprunt européen levé au sortir de la pandémie : tout cela impose que la trajectoire du budget européen soit à la hausse.

À mi-parcours du cadre financier pluriannuel (CFP) 2020-2027, la Commission européenne propose déjà de rallonger celui-ci de 66 milliards d'euros et, même si, parallèlement, elle met sur la table de nouvelles ressources propres, force est de constater que le compte n'y est pas.

Ce nouveau train de ressources propres n'a en réalité qu'un seul wagon : la création d'une ressource statistique temporaire fondée sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises. Surtout, cette ressource propre n'en est pas une : il s'agit plutôt d'une nouvelle forme de contribution nationale, à l'image de la ressource assise sur le revenu national brut (RNB) ou de la contribution plastique.

Or il y a urgence : sans nouvelles ressources propres, les dépenses supplémentaires de l'Union alourdiront mécaniquement les contributions des États membres. Selon la Cour des comptes, en l'absence de nouvelles ressources propres, la contribution de la France augmenterait ainsi de 2, 5 milliards d'euros par an pendant trente ans à partir de 2028 et, attention, ce n'est qu'une projection à Union européenne constante, mais il est peu probable qu'elle reste à vingt-sept si longtemps !

En effet, nous ne pouvons ignorer qu'un élargissement à neuf nouveaux États membres augmenterait le budget européen de plus de 20 %. Madame la secrétaire d'État, quel en serait l'impact pour la contribution française ? Comment la France envisage-t-elle durablement le financement du projet européen et où en sont les négociations sur les ressources propres ?

Par ailleurs, s'il nous faut voir loin, nous devons aussi veiller dès aujourd'hui au bon usage du budget européen. Or, sur ce sujet, la Cour des comptes européenne s'est récemment montrée très critique : en 2023, pour la quatrième année consécutive, elle a émis une opinion défavorable sur la légalité et la régularité des dépenses de l'Union de l'exercice précédent. Elle estime ainsi le taux d'erreur des paiements à 4, 2 % des dépenses.

À propos du plan de relance et de la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR), elle a émis une opinion avec réserves, soulignant que onze des treize subventions versées aux États membres dans ce cadre présentaient des problèmes de régularité.

Lutter contre ces irrégularités s'impose avant même d'envisager de nouvelles hausses, d'autant qu'elles se répètent d'année en année. Comment expliquer ces trop nombreuses irrégularités ? Serait-ce la trop grande complexité des règles d'attribution des aides européennes ? Madame la secrétaire d'État, que propose le Gouvernement sur ce sujet ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Florence Blatrix Contat.

Applaudissements sur les travées du groupe SER .

Debut de section - PermalienPhoto de Florence Blatrix Contat

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de souligner l'importance de la participation française au budget de l'Union européenne. En tant que deuxième contributeur net, la France assume une responsabilité significative au sein de l'Union.

Pour l'exercice budgétaire 2024, la contribution française connaît une légère baisse, de 4 milliards d'euros. Cette diminution découle principalement d'un décalage dans l'exécution des crédits de la politique de cohésion, des effets de l'inflation sur l'évolution du RNB des États membres et de l'augmentation des droits de douane en raison de la reprise du commerce international.

Malgré cette baisse ponctuelle, la contribution française connaît une augmentation constante depuis vingt ans. Ce constat m'amènera d'ailleurs à évoquer la nécessité d'accroître l'autonomie budgétaire de l'Union européenne par la recherche de nouvelles ressources propres.

D'abord, cette discussion sur la contribution française au budget de l'Union européenne nous amène inévitablement à évoquer la question pressante de la révision du cadre financier pluriannuel de l'Union qui doit avoir lieu à mi-parcours. Les récents événements, tels que la guerre en Ukraine et la hausse significative de l'inflation et des taux d'intérêt, soulignent la pression croissante sur le budget de l'Union européenne et la complexité de la planification à moyen terme. La Commission européenne, confrontée à cette réalité, a présenté en juin dernier une proposition de révision du CFP incluant 66 milliards d'euros supplémentaires.

Cependant, nous regrettons que cette proposition ne soit pas à la hauteur des besoins, n'intégrant pas suffisamment les nouvelles réalités telles que les implications du programme américain Inflation Reduction Act (IRA) et la nécessité d'un soutien massif à la transition écologique. Il est impératif que l'Europe ne fléchisse pas dans la course à la décarbonation et que non seulement elle investisse dans l'innovation et la recherche, mais également qu'elle amplifie la production à grande échelle des technologies existantes.

La révision du cadre financier pluriannuel doit donc être plus ambitieuse, prenant pleinement en compte les enjeux de la transition écologique et de la compétitivité. Cette nécessité, soutenue par les conclusions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), est indéniable : la transition écologique coûtera cher, mais bien moins que l'inaction.

Malheureusement, lors de la réunion du Conseil européen d'octobre dernier, les Vingt-Sept ont exprimé leur opposition à la rallonge de 66 milliards d'euros demandée par la Commission européenne, privilégiant l'idée de redéploiements. Cette position nous inquiète et souligne la nécessité de développer de nouvelles ressources propres pour l'Union européenne.

Dans cette perspective, les propositions de nouvelles ressources, telles que le marché carbone européen, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) ou le pilier 1 de l'accord sur la fiscalité internationale du G20 et de l'OCDE, représentent une avancée cruciale pour renforcer les moyens financiers de l'Union européenne. Il est donc inacceptable que le Conseil retarde toute décision sur ce paquet, pourtant proposé par la Commission européenne il y a presque deux ans.

De même, nous nous réjouissons de la proposition d'une nouvelle ressource statistique temporaire fondée sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises. Il s'agit d'une première étape significative vers la réalisation de ce qui pourrait constituer un impôt européen sur les sociétés, même si, à ce stade, il s'agirait en fait d'une contribution des États.

Il est impératif d'aller plus loin et plus rapidement dans cette direction. Telle est la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, qui, en outre, propose la taxation des profits exceptionnels des entreprises au-delà du seul secteur de l'énergie, la mise en place d'un impôt de solidarité sur la fortune (ISF) vert européen et une augmentation du taux de la taxe sur les multinationales.

Enfin, mes chers collègues, il est essentiel d'évoquer la nécessité d'une révision équilibrée du pacte de stabilité et de croissance, soutenant les investissements publics dans les transitions climatiques et numériques, tout en assouplissant les contraintes budgétaires imposées aux États membres. Cette révision doit impérativement intégrer des règles budgétaires transparentes prenant en considération la spécificité des situations nationales. Sans une transparence adéquate de la part de la Commission européenne, il sera difficile d'évaluer la nouvelle méthode de calcul annoncée, notamment en ce qui concerne la prise en compte des spécificités nationales. De plus, il est crucial de garantir la possibilité d'exclure certains investissements du solde structurel ; c'est ce que nous proposons pour les investissements dans la transition écologique.

Mes chers collègues, l'Union européenne se trouve à la croisée des chemins, elle est appelée à faire des choix décisifs : ne rien changer reviendrait à renoncer à notre idéal européen, alors que relever le défi du financement des enjeux de demain est le seul chemin pour répondre aux doutes d'une partie de notre population.

Il est impératif que la France assume son rôle moteur sans céder aux « frugaux », ces États « austéritaires » qui freinent les dépenses nécessaires à la compétitivité et à la transition écologique. Dégager de nouveaux financements est désormais une nécessité absolue pour préparer l'avenir de notre continent. À ma place l'an dernier, mon collègue Patrice Joly évoquait la citation de Jean Monnet, affirmant que l'Europe se construirait au fil des crises. Une fois de plus, nous sommes témoins de cette réalité et nous devons en tirer les conséquences.

En accord avec les engagements de la France, notre groupe votera en faveur de cet article.

Applaudissements sur les travées du groupe SER . – M. le président de la commission des finances applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Marta de Cidrac.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Marta de Cidrac

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le prélèvement sur les recettes (PSR) du budget général de l'État en faveur de l'Union européenne est constitué de plusieurs composantes : une ressource TVA, qui correspond à un prélèvement de 0, 3 % sur une assiette harmonisée pour tous les États membres ; une contribution calculée sur le revenu national brut ; et une nouvelle ressource créée en 2021 sur les emballages plastiques non recyclés, dite ressource plastique.

En 2023, le montant du PSR était de 24, 6 milliards d'euros. Pour 2024, il est estimé en légère diminution, à hauteur de 21, 6 milliards d'euros. En ajoutant au PSR les ressources propres traditionnelles que constituent les droits de douane, collectés directement au profit de l'Union européenne, l'ensemble constitue la contribution de la France au budget européen. À titre d'information, les ressources propres traditionnelles représentaient en 2023 environ 3 milliards d'euros. Depuis 2010, seul le PSR fait formellement l'objet d'un vote du Parlement. C'est le sens même de cet article 33 du PLF 2024.

Le budget européen pour 2024 est le quatrième du cadre financier pluriannuel portant sur les années 2021 à 2027. Ce cadre pluriannuel a prévu un plafond global de dépenses de plus de 1 200 milliards d'euros en crédits d'engagement sur sept ans. Il doit notamment permettre à l'Union européenne de répondre aux conséquences économiques et sociales de la pandémie de covid-19, grâce au plan de relance européen Next Generation EU d'un montant de plus de 750 milliards d'euros. Il dote également l'Union européenne de moyens d'action élargis en matière de politique étrangère, ce qui s'avère précieux dans l'aide apportée à l'Ukraine depuis bientôt deux ans.

Nous sommes donc réunis aujourd'hui pour discuter de ce budget européen, mais la marge d'action des parlements nationaux est – vous l'imaginez bien – faible. Sauf à vouloir « casser la baraque » européenne, nous voterons cet article 33, tant l'exercice est convenu. Cependant, cela ne nous dispense pas de certaines remarques.

Avec 24 milliards d'euros en 2023, la France est, derrière l'Allemagne, le deuxième contributeur d'un budget de l'Union européenne de plus de 180 milliards d'euros. Sans rien remettre en question de nos engagements auprès de nos partenaires européens, il est permis de s'interroger sur le ratio coût-bénéfice de notre contribution.

Ce débat est ancien et comporte de nombreux biais, j'en suis consciente. Notre pays fait partie des plus importants contributeurs nets. Dans la période d'endettement et de déficit record que nous traversons, un delta de 10 milliards d'euros entre le montant que nous donnons par rapport à celui que nous recevons n'est pas anodin. Il n'est pas anodin, car il faut tenir compte du contexte national et de l'inflation. Il est perçu par le contribuable français comme une sorte de double peine : au niveau national, assommé de taxes et peinant à en voir les effets ; au niveau européen, large contributeur net pour des retombées somme toute peu visibles. Nos concitoyens se questionnent sur le sens d'une telle disparité et il faut être capable non seulement de l'entendre, mais aussi de l'expliquer.

Un point positif cependant : le soutien que nous recevons de l'Union européenne est investi dans deux spécificités françaises qu'il convient de défendre. Il s'agit d'une part des aides de la politique agricole commune (PAC) versées à hauteur de 9 milliards d'euros par an jusqu'en 2027. Première puissance agricole de l'Union européenne, il est essentiel que la France en soit la première bénéficiaire. C'est un soutien vital pour nos agriculteurs. Je me permets d'insister sur ce point, car nous ne devrons pas l'oublier lorsqu'il s'agira d'aborder le dossier de l'élargissement. Il s'agit d'autre part des aides apportées aux régions ultrapériphériques (RUP) que sont nos territoires d'outre-mer. La Commission européenne s'est engagée dans un partenariat stratégique renouvelé et renforcé avec ces régions. Il s'agit d'un soutien substantiel, la France détenant le deuxième espace maritime mondial via ses territoires ultramarins.

Mes chers collègues, dans un exercice assez convenu, il nous est demandé de nous prononcer sur cet article 33. En Européenne convaincue, je voterai pour. Néanmoins, restons attentifs aux interrogations légitimes de nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeric DUROX

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, « la droite et la gauche sont deux détaillants qui ont le même grossiste, l'Europe ». C'est ainsi que s'exprimait Philippe Séguin à propos de l'Union européenne, lui qui fustigeait l'abandon de la souveraineté nationale, pourtant consubstantielle de notre Nation, au profit d'une putative souveraineté européenne, abandon accompagné avec ardeur par la gauche et la droite depuis trente ans.

Nous discutons ce jour de la participation de la France au budget de l'Union européenne, participation injuste à tous égards, qui s'élève donc à 21, 6 milliards pour 2024.

Injuste d'abord, car la France a toujours payé rubis sur l'ongle sa participation, incitée à le faire sans contrepartie aucune par les dirigeants les plus européistes du continent, alors que le Royaume-Uni, l'Allemagne, l'Autriche, la Suède, les Pays-Bas ou encore le Danemark ont bénéficié pendant des décennies d'un rabais ou d'un rabais sur le rabais, simplement parce qu'ils étaient gouvernés par des politiques soucieux de leur intérêt propre, laissant reposer sur la France le poids de l'utopique construction européenne. Ce sont des milliards d'euros que les contribuables français ont payé et continuent à payer pour les autres, alors que nous sommes déjà le pays le plus taxé au monde !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeric DUROX

M. Aymeric Durox . Injuste ensuite, car la contribution nette de la France au seul budget de l'Union européenne de 2000 à 2023 aura coûté plus de 175 milliards d'euros à notre pays. C'est l'équivalent du coût de construction d'une dizaine d'EPR (European Pressurised Reactors), dont nous aurions tant besoin aujourd'hui, après que l'État a laissé détruire notre filière nucléaire pour faire plaisir aux Verts

M. Thomas Dossus ironise .

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeric DUROX

Pis, l'argent que l'Union européenne daigne nous redonner est fléché et nous ne pouvons pas l'utiliser comme nous le souhaitons. C'est donc la double peine – cette expression a déjà été utilisée – qui nous est appliquée. L'Union européenne nous coûte « un pognon de dingue » pour des résultats économiques par ailleurs médiocres !

Après 175 milliards d'euros, que nous a apporté l'Union européenne ? Notre agriculture se porte-t-elle mieux ? Notre accès, dit privilégié, au marché unique a-t-il protégé nos entreprises ? A-t-il empêché les délocalisations ou le dumping social provoqué par les travailleurs détachés ? Notre sécurité aux frontières est-elle mieux assurée ? Après 175 milliards d'euros, il est temps de faire le bilan et celui-ci est sans appel pour le camp des européistes béats…

Pourtant, cette contribution ne va qu'augmenter dans les années à venir en raison de deux facteurs. D'une part, il y aura l'intégration probable et souhaitée par le Président Macron et les instances européennes de nombre de pays des Balkans et du Caucase. Ces adhésions feront nécessairement augmenter la note pour la France, comme après l'entrée des pays de l'Est. D'autre part, le départ définitif de Londres ainsi que le remboursement du plan de relance covid-19 adopté par les Vingt-Sept en 2020 et qui a été mal négocié pourraient alourdir la note pour notre pays à partir de 2028 de plus de 2, 5 milliards d'euros par an pendant trente ans, selon la Cour des comptes.

Bref, il faut mettre fin à ce tonneau des Danaïdes européen sans cesse comblé par le contribuable français. Il faut une contribution plus juste et plus respectueuse de nos intérêts, ce que votre gouvernement, madame la secrétaire d'État, est incapable d'assurer.

Vous pourrez compter sur les sénateurs du Rassemblement national pour défendre l'intérêt de notre pays et les prochaines élections européennes feront office de juge de paix sur la question. Vox populi, vox dei !

M. Joshua Hochart applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la participation de la France au budget de l'Union européenne pour 2024 est en forte baisse par rapport à 2023 : plus de 3 milliards d'euros, avant notre examen. La justification conjoncturelle ne nous a pas échappé.

La France, c'est environ 18 % des contributions des États membres. Nous sommes contributeur net. Là encore, je ne vous apprends rien. En revanche, je formule le vœu qu'un jour nous puissions quantifier ce que l'Union nous rapporte en retour de manière directe et indirecte. Cela tordrait le cou à bien des idées reçues ; nous venons d'en entendre plusieurs…

Je le répète à chaque examen de l'article du PLF relatif à la contribution française, l'Union européenne n'est pas une option, c'est un levier indispensable pour répondre aux enjeux qui sont devant nous, et ils sont nombreux !

Est-ce que la révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027 nous fait craindre des hausses de contributions pour les prochaines années ? Oui, comme tout le monde dans cet hémicycle.

Est-ce que nous accueillons favorablement le nouveau panier de ressources propres proposé par la Commission européenne en juin dernier, dont celle qui repose sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises ? Oui, et nous souhaitons des ressources propres renforcées en prévision des prochains efforts que l'Union européenne devra fournir.

Est-ce que l'augmentation des rabais d'autres États membres, au premier rang desquels l'Allemagne, nous indigne ? C'est une troisième fois oui, et la solution n'est certainement pas d'obtenir nous-mêmes un rabais ; c'est plutôt de convaincre les autres d'abandonner les leurs. Quand on est Européen, on l'est entièrement, pas au rabais !

Pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires, la réponse à toutes ces questions, c'est l'Union européenne. J'évoquais la solidarité l'an dernier. Cette année, je pense que le mot qui devrait qualifier notre action d'Européens, c'est « puissance ». En effet, si nous acceptons de contribuer, il est temps de nous poser la question : pour quoi ? Que décidons-nous de faire en Européens ? C'est à nous, et seulement à nous, de donner l'impulsion à l'Europe.

À ce titre, je vous invite tous à suivre avec attention la prochaine réunion du Conseil européen, en décembre. Le menu est appétissant, avec entre autres la renégociation du CFP – on parle d'une hausse de 66 milliards d'euros – ou encore les questions de l'élargissement et de la réforme de notre système. La Commission européenne vient de se prononcer en faveur de l'ouverture formelle des négociations d'adhésion avec l'Ukraine. Sommes-nous prêts ?

Au-delà de la restauration de notre indépendance, de la reconstruction de nos industries, il va falloir que l'Union européenne se pense en puissance. Les conflits récents, à nos portes, nous y exhortent. Nous devons impérativement réformer l'Union européenne. Les peuples européens méritent mieux. Soyons enfin ce que nous devons être ! Que notre contribution y participe !

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Arnaud.

Applaudissements sur les travées du groupe UC .

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Arnaud

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l'article 33 du projet de loi de finances pour 2024 porte sur la contribution de la France au budget de l'Union européenne. Ce prélèvement sur recettes du budget de l'État représente un montant de 21, 6 milliards d'euros auquel il faut ajouter les droits de douane. Ces derniers étant estimés à 2, 33 milliards d'euros net des frais de perception, la contribution française serait donc de 23, 94 milliards d'euros environ pour l'année 2024.

Si nous pouvons constater une baisse relative de cette contribution entre 2023 et 2024, il s'agit, en réalité, d'une stabilisation conjoncturelle en vue de futurs engagements financiers, notre pays demeurant d'ailleurs le deuxième contributeur derrière l'Allemagne.

Néanmoins, ces données, en apparence intéressantes, ne doivent pas occulter certains facteurs politiques et économiques favorisant la hausse systématique, voire systémique, de la contribution française par rapport au cadre financier pluriannuel précédent. Il y a, par exemple, les difficultés pour analyser l'impact de la nouvelle taxe plastique mise en place en 2021 ou encore les effets des différents rabais négociés par cinq États membres – l'Allemagne, les Pays-Bas, la Suède, l'Autriche et le Danemark. Ce dernier point doit particulièrement faire l'objet de notre attention. À une époque où l'idée de solidarité européenne est usée à tout-va, ces dérogations budgétaires tendent toujours à favoriser la défiance, voire la mésentente entre les États membres.

Le budget de l'Union européenne pour l'année 2024 s'élève, quant à lui, à 142, 6 milliards d'euros en crédits de paiement et à 189, 4 milliards d'euros en crédits d'engagement. Pour rappel, ce budget s'inscrit dans un cadre pluriannuel fixé pour sept ans. Il permet de prévoir à moyen terme là où l'Union européenne doit concentrer ses dépenses ; il fixe ainsi les montants maximaux sur lesquels elle peut s'engager chaque année pour financer ses politiques. Pour la période 2021-2027, ce plafond a été fixé à 1 074, 3 milliards d'euros et s'accompagne d'un plan de relance inédit de 750 milliards d'euros intitulé Next Generation EU afin de répondre aux conséquences économiques de la pandémie de covid-19.

C'est dans ce contexte que la Commission européenne a présenté, le 20 juin 2023, ses propositions pour une révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Cette proposition s'explique en partie par la hausse des dépenses découlant du conflit ukrainien, par la tendance inflationniste actuelle dans l'ensemble de l'Europe, mais également par les besoins en matière de transition énergétique et numérique.

Pour tenir compte de ces effets, la Commission européenne a proposé une révision à la hausse du cadre financier pluriannuel de l'ordre de 66 milliards d'euros en crédits d'engagement sur la période 2024-2027. Ces nouveaux crédits devraient permettre de financer notamment deux dispositifs : une nouvelle facilité pour l'Ukraine, absolument nécessaire compte tenu de l'enlisement de ce conflit, et une plateforme de technologies stratégiques pour l'Europe (Step). Le premier dispositif vise à participer à la reprise, à la reconstruction et à la modernisation de l'Ukraine, qui subit toujours les assauts de l'armée russe dans l'est de son territoire. Le groupe Union Centriste réaffirme le soutien indéfectible de la France à l'Ukraine contre l'agresseur russe. Quant à la plateforme de technologies stratégiques pour l'Europe, elle a pour objectif de décarboner le secteur industriel afin d'atteindre la neutralité climatique de l'Union européenne à l'horizon de 2050.

Comme tout exercice budgétaire, le budget de l'Union européenne pour 2024 s'accompagne d'un lot de défis à relever.

Tout d'abord, l'instauration de nouvelles ressources propres est un impératif absolu. La Commission européenne a présenté, en juin dernier, une proposition relative à la nouvelle génération de ressources propres. Toutefois, il n'est pas certain que les recettes tirées desdites ressources soient suffisantes pour couvrir, à la fois, le remboursement du plan de relance et de ses intérêts et l'abondement du Fonds social pour le climat, un fonds absolument nécessaire pour accompagner la transition énergétique et climatique.

Je souhaite insister sur ce point. L'objectif de réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre dans le territoire de l'Union européenne d'ici à 2030 se financera par l'affectation d'une partie des recettes tirées des nouvelles ressources propres au Fonds social pour le climat. Ces dernières seront donc parallèlement fléchées vers deux initiatives ambitieuses. C'est pourquoi la viabilité budgétaire et financière de cette architecture budgétaire doit susciter la vigilance de la Haute Assemblée.

En adoptant un prisme plus global, le budget de l'Union européenne doit être un outil au service des aspirations européennes ; je pense notamment à deux d'entre elles.

En premier lieu, il s'agit de renforcer la cohésion entre les États. Récemment, la Commission européenne a rappelé à l'ordre quatre États membres, dont la France, en raison du niveau élevé de leurs dépenses publiques. Le respect des règles budgétaires communes est l'un des piliers de la solidarité européenne.

En second lieu, cette solidarité s'entretient également par une convergence politique dans des secteurs stratégiques. À titre d'illustration, la nouvelle PAC a posé les fondations d'une agriculture différenciée entre les États, source de disparités économiques, tout en s'inscrivant dans une réduction de la production agricole, alors que la souveraineté alimentaire est un enjeu stratégique pour l'avenir des populations d'Europe.

Il y a donc encore du travail, même si dans d'autres domaines les efforts produisent des résultats. Je pense notamment à la future réforme du marché de l'électricité.

Comme le disait Jacques Delors après la crise des subprimes : « Après les pompiers, l'Union européenne attend les architectes ! » On assiste plutôt, pour l'instant, à la montée des populismes. Les derniers résultats constatés hier à l'occasion des élections législatives aux Pays-Bas démontrent le danger qui nous guette et qui risque de fragiliser et de fracturer l'Union européenne.

Il est temps que nous réaffirmions fermement nos convictions européennes ; contrairement à ce que j'ai entendu à cette tribune il y a quelques instants, l'Union européenne a agi : elle a garanti la paix, ce qui est extrêmement précieux quand on voit l'agression russe en Ukraine ou la situation au Moyen-Orient. Ne l'oublions jamais !

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jacques Fernique applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST .

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la contribution de la France au budget de l'Union européenne représente un triple enjeu.

Tout d'abord, elle intervient au moment de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel. Elle intervient aussi avant les élections européennes. Enfin, elle doit prendre en compte le retour annoncé des règles du pacte de stabilité et de croissance. Ce débat vital autour du prélèvement européen, nos collègues députés en ont été privés, puisqu'ils ont été muselés par le 49.3.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires votera pour cet article 33 ; notre engagement européen reste résolu. Cela étant dit, le débat d'aujourd'hui doit nécessairement prendre en compte les enjeux que j'ai énoncés.

L'Union européenne a été confrontée à des crises imprévisibles : la pandémie, l'inflation, la remontée des taux d'intérêt, l'approvisionnement difficile en énergie et évidemment la guerre en Ukraine. Ces crises lui ont certes permis de se renforcer – elles ont par exemple abouti au plan de relance et à un endettement commun résolu –, mais ces avancées reposent sur un financement instable, précaire : les contributions nationales.

Même un Européen résolu peut se demander où va l'Union et, avec l'élargissement, quels choix seront nécessaires pour faire évoluer les institutions et le budget. Bientôt, nous serons peut-être trente-six. Les défis, notamment climatiques, à relever sont immenses. Seul un projet européen ambitieux sera capable de les relever, mais un tel projet a un coût. On ne peut pas attendre toujours plus de l'Union européenne sur la santé, le soutien à l'Ukraine, le climat, la réindustrialisation, les politiques sociales, etc., tout cela à budget constant !

C'est vrai, la France ne bénéficie d'aucun rabais. Notre pays est même le principal financeur des rabais des autres. On sait aussi que, lorsque l'on rapporte l'ensemble des politiques d'aides européennes à la population de chaque pays, elle se situe à la vingt-troisième place. On sait également que le Fonds européen d'aide aux plus démunis est sous-consommé en France, alors qu'il y a urgence, notamment pour les Restos du cœur et les banques alimentaires. Dans un contexte où de nombreux ménages peinent à joindre les deux bouts, on comprend que notre contribution importante au budget européen puisse faire grincer des dents…

Non, la capacité budgétaire de l'Union ne peut pas reposer pour l'essentiel sur des contributions nationales instables, impopulaires et sans cesse marchandées. Une autre voie est possible et elle est plus que nécessaire, alors que dorénavant quasiment chaque élection en Europe enregistre des avancées de l'extrême droite anti-européenne.

Pour enrayer cette déconstruction de l'Union qui avance, il faut développer ses ressources propres. Aujourd'hui, elles représentent moins de 20 % du budget européen, contre plus de 70 % pour les contributions des États.

Avec les accords de libre-échange conclus depuis des décennies, la part des ressources douanières a considérablement diminué.

La France aurait tout à gagner à l'activation des ressources propres. Nous sommes le pays dont le solde net s'est le plus creusé et cela n'ira pas en s'arrangeant. Certes, notre contribution pour 2024 baisse et ne s'élèvera qu'à 21, 6 milliards d'euros, mais cette légère diminution n'est que temporaire ; notre contribution est amenée à augmenter au cours des prochaines années au regard du cadre financier pluriannuel. Notre enveloppe au titre du plan de relance européen a diminué de 2 milliards d'euros, tandis que le remboursement représentera 2, 4 milliards d'euros par an. En outre, alors que nous sommes le second contributeur net au budget de l'Union, notre déficit aggravé nous expose au risque de sanctions de la Commission européenne, qui souhaite imposer le retour aux règles du pacte de stabilité.

Pourtant, le Gouvernement ne pousse pas, au sein du Conseil, pour développer les ressources propres, loin de là. Par exemple, la taxe sur le numérique a été abandonnée par peur de représailles américaines, de même que la taxe sur les transactions financières, et il n'y a toujours pas d'avancée majeure sur le front de l'harmonisation fiscale ou de la définition d'une assise commune de l'impôt sur les sociétés. Que fait le Gouvernement au sein du Conseil pour hâter la mise en œuvre de ressources propres suffisantes ? Rien que la taxe sur les Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft (Gafam) pourrait rapporter 4 milliards d'euros par an…

Vous l'aurez compris, faute de ressources propres, le plan de relance aggravera la dette des États membres, y compris celle de la France. L'austérité budgétaire serait donc l'horizon imposé aux peuples européens ! Grandes entreprises du numérique, transactions financières, assiette commune d'impôt sur les sociétés : les citoyens contribuables attendent de vous que vous fassiez participer au budget européen ceux qui profitent de l'Europe et des crises sans prendre part à l'effort collectif.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST .

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la réforme du budget européen est une impérieuse nécessité. Tel est le cri des parlementaires européens, qui s'inquiètent de l'avenir des finances de l'Union, et pour cause : le cadre financier pluriannuel proposé par la Commission européenne en juin 2023 est au point mort, supplanté par les discussions autour du conflit au Proche-Orient.

Sans entrer dans les détails, disons que la Commission européenne propose d'amender à la marge le cadre financier en cours pour renforcer les aides à l'Ukraine, mettre en place une plateforme de technologies stratégiques pour l'Europe (Step) et apporter 18 milliards d'euros de ressources supplémentaires afin de faire face aux migrations et de financer les traitements des fonctionnaires européens indexés.

Pourtant, même avec ces moyens supplémentaires, la contribution de la France au budget de l'Union européenne diminuerait de 3, 38 milliards d'euros par rapport à la loi de finances pour 2023. C'est, mes chers collègues, ce que l'on appelle dans le jargon budgétaire une baisse conjoncturelle. J'y vois pour ma part une baisse en trompe-l'œil, qui saura se rappeler à nous en temps voulu.

C'est un trompe-l'œil, d'abord, parce que cette baisse correspond aux retards importants dans la mise en œuvre de la politique de cohésion. Ces retards de déploiement se traduisent par une baisse des paiements de 37 milliards d'euros du Fonds européen de développement régional (Feder), du Fonds de cohésion, du Fonds social européen (FSE) et par une baisse de 3 milliards d'euros du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Les documents annexés sont clairs, il y a aura un rattrapage ! Le sentiment anti-européen fustigeant les institutions est nourri par ces reculs, par ces tergiversations et par l'impression que la solidarité européenne est au point mort.

C'est un trompe-l'œil, ensuite, parce que les ressources budgétaires consacrées au remboursement de l'emprunt du volet subvention du plan Next G e n e ration EU, pour la bagatelle de 390 milliards d'euros, avaient été financées sur la base d'hypothèses de taux d'intérêt aujourd'hui dépassées. En quelque sorte, la question du financement était mise sous le tapis et l'endettement apparaît comme une sorte de fuite en avant. Les taux ne s'étalent plus de 0, 55 % en 2021 à 1, 15 % en 2027 : ils sont déjà supérieurs à 3 % ! Et que dire des financements indispensables au Fonds social pour le climat, qui permettrait une transition écologique socialement juste, alors qu'un nouveau marché carbone heurtera de plein fouet les ménages, avec une forte hausse des coûts des transports et du chauffage dans les bâtiments ? Sans contrepartie sociale, la transition écologique sera vaine.

D'ailleurs, les choses pourraient se compliquer dans cinq ans. Un chercheur estime que, en l'état des émissions, « en 2032, la Commission devrait engager des procédures d'infraction contre près de vingt États membres » pour se conformer aux objectifs du Pacte vert. C'est un véritable séisme social qui s'annonce, et non pas de simples secousses.

En vérité, c'est au moment du débat, le 4 février 2021, sur l'approbation de la décision du Conseil portant sur les ressources propres, que vous avez votée, mes chers collègues, que se posait l'avenir financier de l'Union. Une contribution sur le plastique pour solde de tout compte et ce furent 1, 5 milliard d'euros de moins à verser ; pour le reste, seulement des promesses de travail, si bien qu'en juin 2023 la Commission européenne rendait une nouvelle copie avec des solutions à la marge…

Il faut que la France revienne sur la règle de l'unanimité. C'est impératif pour ne pas voir le projet européen mourir et pour empêcher les blocages systématiques.

Au passage, où en est-on de la taxation des transactions financières, qui pourrait singulièrement soulager les contributions des États membres en créant une ressource assise sur la spéculation, qui va toujours bon train ? Il y a ce qui relève des mécanismes institutionnels et ce qui relève de l'ambition politique, les deux n'allant pas toujours de pair. La Commission européenne le proposait dans la décision sur les ressources propres que vous avez votée, je le répète. N'ayez pas la mémoire courte, l'impasse budgétaire est proche. Il faut changer de direction, sinon l'Union courra un grave péril.

Le groupe CRCE-K votera contre ces crédits, qui empêchent d'assumer l'exigence climatique du Pacte vert et de concrétiser la cohésion européenne, en l'absence de toute taxation sur le capital.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE -K.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et RDPI .

Debut de section - PermalienPhoto de Annick GIRARDIN

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, au détour d'un seul article, ce sont presque 22 milliards d'euros qui sont budgétés dans ce projet de loi de finances 2024, au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne.

Nos collègues l'ont rappelé : la baisse de cette contribution par rapport à celle de 2023 n'est que provisoire au regard des engagements à venir, que ce soit dans le cadre du plan de relance européen ou pour tirer les conséquences de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel en cours.

L'évolution tendancielle habituellement à la hausse de cette clé de contribution fait souvent débat. Pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, profondément attaché au projet européen, la question ne se pose pas, ni sur le principe ni sur le fond.

Sur le principe, je rappelle que le prélèvement européen est bien plus qu'un acte financier : il est une déclaration tangible en faveur d'une Europe résiliente, solidaire et souveraine. La gestion collective du covid-19, le soutien partagé à l'Ukraine et l'effort concerté de réduction de la dépendance énergétique en sont l'illustration.

Sur le fond, faut-il rappeler que, si notre pays est le deuxième contributeur net, il est aussi depuis toujours l'un des principaux bénéficiaires des dépenses de l'Union ? Ces dépenses irriguent bon nombre de nos politiques publiques, en particulier dans un secteur dit traditionnel. Je pense, bien entendu, à la PAC, sans laquelle notre modèle agricole n'aurait peut-être pas fait sa mue structurelle pour viser l'objectif incontournable de transition écologique. Je n'oublie pas non plus l'importance des instruments de gestion de crise, même si, bien entendu, on peut toujours faire mieux. Je pense en particulier à la pêche : sans doute celle-ci devrait-elle être plus soutenue, mais l'Europe est intervenue pour qu'elle soit plus durable, dans les régions côtières et dans les régions ultrapériphériques.

Pour autant, tous les citoyens européens ne mesurent pas les efforts des institutions européennes pour gérer les crises et relever les grands défis de long terme que chacun des États membres ne pourrait pas affronter seul. Depuis deux ans, pour un total de 490 milliards d'euros, le Conseil européen a validé vingt-cinq plans de relance, dont notre fameux plan national de relance et de résilience (PNRR) et celui des Pays-Bas en 2022…

À cet égard, la menace de l'organisation, dans ce pays, d'un référendum sur l'appartenance à l'Union européenne se précise avec la percée hier, aux législatives, du parti pour la liberté de Geert Wilders ; cela doit soulever des questions. Est-ce un manque de pédagogie ? Oui, le règlement de Dublin n'est pas parfait ; oui, l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex) n'a pas forcément les moyens de ses missions ; mais quel État membre peut-il prétendre mieux régler tout seul l'immense défi migratoire qui est devant nous ? Il n'y a qu'à observer le Royaume-Uni se débattre avec cette question depuis trois ans… Est-ce un manque de moyens ? Sans doute, mais pourra-t-on faire plus que les 1 824 milliards d'euros du CFP 2021-2027, augmentés du plan Next Generation EU ?

Par ailleurs, nous voyons bien que la question de la dette de l'Union européenne refait surface, avec une échéance de début de remboursement à l'horizon de 2028. Allons-nous assister une nouvelle fois à la pression des « frugaux » pour un retour à l'orthodoxie budgétaire ? Cet axe fragiliserait une reprise européenne déjà bien atone. La seule issue – mon groupe l'a toujours défendue –, c'est celle de la recherche de ressources propres. Allons chercher l'argent là où il se trouve !

Je me réjouis de voir que la Commission européenne a présenté en juin dernier un projet de nouvelles ressources propres qui pourraient alimenter le budget européen à hauteur de 36 milliards d'euros par an. Oui aux mécanismes d'ajustement carbone aux frontières ! Oui au levier fondé sur l'excédent brut d'exploitation des entreprises ! Et je n'oublie pas l'accord multilatéral de l'OCDE et du G20 sur la fiscalité internationale arraché après des années de lutte.

Pour conclure, j'émettrai un reproche : tout cela est bien long et bien lent ! Le Conseil européen avance à petits pas, au risque de voir le paysage politique européen se fracturer encore un peu plus au fil des années. Néanmoins, notre groupe votera pour l'article 33, en faveur d'une Europe que nous voulons toujours plus solidaire et plus convaincante.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Grégory Blanc applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, point de suspense inutile : le groupe RDPI votera unanimement en faveur de l'article 33 du projet de loi de finances pour 2024. Cet article est peut-être un peu méconnu de nos concitoyens, mais il est fondamental à maints égards pour notre pays et l'Union européenne.

Ce vote positif est motivé par une profonde conviction européenne et par une volonté de cohérence politique. Nous sommes viscéralement attachés à la construction européenne et nous pensons que l'avenir de notre pays est indissociable de la capacité des pays de l'Union européenne à affronter solidairement les défis économiques, sécuritaires, énergétiques et écologiques auxquels ils sont confrontés. Il ne s'agit pas d'une création ex nihilo. J'ai en tête les mots du grand penseur Denis de Rougemont : « l'Europe unie n'est pas un expédient moderne, économique ou politique, mais c'est un idéal qu'approuvent depuis mille ans tous ses meilleurs esprits, ceux qui ont vu loin. »

Sur la cohérence politique, je dirai d'abord que nous sommes encore et toujours les défenseurs de ces deux lettres, U et E, pour Union européenne, au moment où elles sont le bouc émissaire commode de certains. Nous l'avons encore vu cette semaine avec les élections aux Pays-Bas, qui ont beaucoup tourné autour du sujet migratoire. C'est le moment de dire que, justement, la révision du cadre financier pluriannuel prévoit le renforcement du budget de l'UE à hauteur de 18 milliards d'euros pour faire face aux dimensions externe et interne de ces migrations et conclure des partenariats avec des pays tiers clés. C'est bien aussi à cette échelle-là que nous aurons les moyens de traiter les racines profondes de cette question.

Cohérence politique aussi, ensuite, parce que nous avons toujours plaidé pour un changement de dimension de l'Union européenne, qui doit devenir plus stratégique, avec des moyens renforcés. Souvenons-nous de l'énergie que le Président de la République a dû déployer pour obtenir le plan de relance européen, qui acte un premier changement, avec un recours pour partie à l'emprunt. Grâce à cela, nous ne sommes plus l'Europe des naïfs. Nous avons les moyens de nous doter d'un certain nombre d'instruments pour bien figurer au premier rang de la compétition mondiale.

Certes, la France contribuera à hauteur de 21, 6 milliards d'euros en 2024, mais songez à l'effet de levier qui agira en retour sur nos politiques publiques. C'est considérable : ainsi, sur 100 milliards d'euros du plan de relance français, 40 milliards proviennent de l'UE, 30 % étant consacrés à l'action en faveur du climat. L'Europe nous entraîne ainsi dans une logique de transformation tout à fait opportune.

Enfin, s'il y a ce qui se voit, il y a aussi ce qui ne se voit pas dans le budget. Beaucoup de dépenses européennes contribuent ainsi au meilleur fonctionnement de nos territoires, de notre pays. Je pense naturellement à la PAC, mais aussi à un certain nombre de fonds de cohésion. À cet égard, nous devons faire un effort de communication pour que tout un chacun voie que l'Europe près de chez lui est une réalité tangible et accessible. Aucun canton de France n'est privé des vertus des crédits européens !

Pour conclure, je veux saluer, dans la proposition de révision du cadre financier pluriannuel, le renforcement de l'action au soutien de l'Ukraine, avec la facilité de 50 milliards d'euros, ainsi que le projet de plateforme Step, qui nous permet d'avancer dans la maîtrise de technologies critiques. Vous le voyez, l'adoption de ce budget est essentielle pour nous donner les moyens d'influer plus efficacement sur la marche du monde et pour relever tous ensemble les défis de long terme auxquels nous sommes confrontés.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la commissaire des affaires européennes, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d'abord de saluer le travail de M. Jean-Marie Mizzon, rapporteur spécial pour la participation de la France au budget de l'Union européenne, et du rapporteur général, ainsi que la qualité des débats en commission des finances, le 31 octobre dernier.

C'est évidemment toujours un plaisir de me retrouver ici, au Sénat, pour vous demander, au nom du Gouvernement, d'autoriser le prélèvement sur les recettes de l'État au profit de l'Union européenne pour l'année 2024. Vous l'avez souligné, il s'élèverait à 21, 6 milliards d'euros, un montant inférieur à celui de 2023. Il est très proche de celui que nous connaissions avant la pandémie de covid-19.

La France étant deuxième contributeur au budget de l'Union, sa participation est évidemment clé pour la mise en œuvre de l'accord entre le Conseil et le Parlement européen sur le budget 2024. Plus largement, et plus gravement, alors que la France et l'Europe font face à une somme inédite de défis, elle est essentielle pour permettre à l'Union européenne d'avancer et de répondre aux priorités que sont les crises géopolitiques, les flux migratoires et les défis de la transition écologique. La contribution française n'a d'autre vocation que de permettre la réalisation de ce projet global.

Monsieur le rapporteur spécial, monsieur Capus, monsieur Fernique, vous avez mentionné la révision en cours du cadre financier pluriannuel. C'est bien par ce biais que nous allons assurer la pérennisation d'aides à l'Ukraine, au travers de la proposition de facilité pour l'Ukraine sur la période 2024-2027. À ce sujet, vous vous êtes inquiétés d'éventuels amendements au projet de loi de finances pour le prélèvement sur recettes. Je vous rassure, il n'y en aura pas, parce que les négociations du cadre financier pluriannuel sont toujours en cours. À ce stade, il demeure encore trop d'incertitudes, la seule certitude étant que l'effet de cet accord sera mineur sur le budget 2024.

Vous m'avez aussi interrogée sur les priorités de la révision du CFP. Je viens de le dire, le soutien à l'Ukraine est la première d'entre elles. Je rappelle à cet égard que nos prêts à ce pays sont garantis par le budget de l'Union européenne.

Ensuite, le budget européen permettra également de financer la réponse européenne aux défis migratoires. Ces financements doivent permettre la mise en œuvre du Pacte sur la migration et l'asile, au sujet duquel un accord doit impérativement être trouvé avant la fin de la législature actuelle du Parlement européen. Ils doivent également servir à renforcer nos partenariats avec les pays tiers, notamment les pays d'origine et de transit des flux migratoires.

Je veux aussi rappeler ce que signifie en pratique notre contribution au budget européen. Celle-ci permet à l'Europe de disposer des moyens nécessaires à la mise en œuvre des politiques communes, qui agissent directement au service de notre pays et de nos concitoyens. Je pense d'abord à la politique agricole commune, mais aussi aux programmes pour la jeunesse ou au financement de la transition écologique.

Avec le budget européen, nous finançons la PAC. Vous avez été nombreux à le rappeler, nous sommes de loin le premier bénéficiaire de cette politique, qui représente 31 % du budget de l'Union européenne et assure à la France un retour de près de 9, 5 milliards par an. Financer le prélèvement sur recettes, c'est donc aussi financer notre agriculture. Et c'est mieux qu'un rabais, puisque nous en sommes les premiers bénéficiaires ! Pour mémoire, je précise que l'Allemagne paie deux fois plus, contribue à 25 % du budget européen et reçoit, en net, deux fois moins que la France. Cela s'appelle la solidarité…

Avec le budget européen, nous renforçons aussi la résilience de notre économie, notamment grâce à la politique de cohésion et au plan de relance qui a été adopté lors de la crise sanitaire. Le plan de relance européen assure ainsi à la France 40, 3 milliards d'euros de subventions jusqu'en 2026. La Commission européenne vient en outre d'approuver, vendredi 17 novembre dernier, le versement, avant la fin de l'année, de 10, 3 milliards d'euros au titre de la deuxième demande de décaissement. Ces financements, vous ne l'ignorez pas, monsieur Fernique, monsieur Arnaud, contribueront grandement à accélérer la transition verte en France.

Plus largement, le budget européen est un levier essentiel pour atteindre nos objectifs de souveraineté européenne, comme l'a rappelé le Président de la République lors du sommet de Versailles, et comme vient aussi de le faire M. le sénateur Lemoyne, que je veux remercier. La mise en œuvre de l'agenda de Versailles doit permettre de réduire nos dépendances dans tous les secteurs critiques en renforçant la production et la puissance européennes, avec des objectifs chiffrés à l'horizon 2030. Nous pouvons nous réjouir à ce titre de l'accord obtenu en trilogue, le 13 novembre dernier, sur l'une des législations issues de l'agenda de Versailles, le Critical Raw Materials Act.

Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ses 440 millions de citoyens, l'Europe est un moyen pour la France de peser beaucoup plus dans le monde quand il s'agit de négocier des accords commerciaux ou des investissements stratégiques tels que le Critical Raw Materials Act.

Par ailleurs, j'ai entendu vos remarques et inquiétudes sur la capacité de l'Union à trouver de nouvelles ressources propres. Vous avez été nombreux à évoquer ce problème, notamment M. le rapporteur spécial, ainsi que Mmes les sénatrices Girardin, Blatrix Contat et Lavarde.

La France est favorable, vous le savez, à la mise en place de ces nouvelles ressources. Sur le plan politique, elles nous permettront de sortir de la logique délétère d'examen des taux de retour et, sur le plan financier, elles nous mettraient à l'abri d'un ressaut de nos contributions nationales pour rembourser le plan de relance européen. La présidence espagnole poursuit en ce moment des travaux à cet égard.

Les nouvelles ressources, notamment celles qui concernent le marché carbone européen (EU Emission Trading System, ou ETS) et le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, sont estimées en moyenne à 36 milliards d'euros par an à partir de 2028, ce qui serait suffisant pour le remboursement du plan de relance et pour le Fonds social pour le climat.

Il faut s'en féliciter, la France est leader dans la construction d'une Europe puissante et souveraine. Elle a à cœur de défendre les intérêts de l'UE et a su jouer un rôle essentiel au cœur des crises, notamment, comme vous l'avez rappelé, pour le plan de relance Next Generation EU.

Je veux désormais m'adresser à M. Durox. Vous me peinez, monsieur le sénateur, car vous cachez à vos électeurs les enjeux auxquels nous devons faire face, qui ont été maintes fois rappelés : menaces russes, ingérence chinoise, repli possible des États-Unis. Il est évident que l'Union européenne nous apporte des bénéfices en matière de sécurité, car la défense ne peut être que nationale.

Nous retirons également des bénéfices en matière commerciale – à 440 millions de citoyens, nous sommes bien plus forts qu'à 60 millions –, ainsi qu'en matière de climat, la transition énergétique ne pouvant pas se faire isolément, car elle serait à la fois plus difficile et plus coûteuse. Et il y aurait tant d'autres bienfaits de l'Europe à énumérer. Comme l'a dit M. le sénateur Capus, l'Europe est un levier pour nous rendre plus forts, plus souverains et plus puissants.

M. Joshua Hochart s'exclame.

Debut de section - Permalien
Laurence Boone, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée de l'Europe

En conclusion, je me réjouis que l'examen de notre contribution au budget européen soit l'occasion d'avoir ce débat démocratique sur les priorités européennes et sur la manière dont la France entend y répondre et y contribuer.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI . – M. Emmanuel Capus applaudit également.

Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne est évalué pour l'exercice 2024 à 21 609 624 014 €.

L'article 33 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Mes chers collègues, par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l'inscription à l'ordre du jour du lundi 18 décembre, sous réserve de sa transmission par l'Assemblée nationale, de la proposition de loi visant à prolonger en 2024 l'utilisation des titres-restaurant pour des achats de produits alimentaires non directement consommables.

Il demande également l'inversion de l'ordre d'examen de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition visant à revaloriser le métier de secrétaire de mairie et de celle sur la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels, prévues le même jour.

En outre, il complète l'ordre du jour du jeudi 21 décembre le matin, avec l'inscription, sous réserve de leur dépôt, de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire ou de la nouvelle lecture sur la proposition de loi relative au titre-restaurant.

Acte est donné de cette demande.

En conséquence, pour ce texte, nous pourrions fixer le délai limite pour le dépôt des amendements en séance le vendredi 15 décembre à douze heures et le délai limite d'inscription des orateurs dans la discussion générale sur ce texte le même jour à quinze heures.

Par ailleurs, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi visant à prolonger en 2024 le dispositif exceptionnel d'utilisation des titres-restaurants pour soutenir le pouvoir d'achat seraient retirés de l'ordre du jour du mardi 12 décembre.

Y a-t-il des observations ?…

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à demain, vendredi 24 novembre 2023 :

À seize heures et le soir :

Suite du projet de loi de finances pour 2024, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution (texte n° 127, 2023-2024) ;

Suite de l'examen des articles de la première partie.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à dix-neuf heures quarante.