Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après midi, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, sur le projet de loi relatif à la réforme du service public de l'emploi.
a indiqué que le projet de loi participe, avec l'ensemble des autres mesures prises dans les domaines de responsabilité du ministère, à la réalisation de trois objectifs majeurs : la réduction du chômage, l'augmentation de la croissance et celle de l'emploi. Le taux de chômage devra en effet être ramené à 5 % à l'horizon 2012, et le taux d'emploi être porté à 12 %.
La fusion de l'ANPE et de l'union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans le commerce et l'industrie (Unedic) est un élément du dispositif mis en place dans cette perspective. Il ambitionne de répondre aux évolutions profondes du marché de l'emploi, par exemple l'alternance de plus en plus fréquente entre les périodes d'emploi et celles de formation, en mettant à la disposition des « clients » du service public de l'emploi, entreprises et salariés, une plate-forme unique regroupant l'intégralité des services offerts.
a rappelé que le processus conduisant à la fusion a été engagé depuis plusieurs années, comme en témoignent l'adoption de la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, l'expérience des maisons de l'emploi et les nombreuses initiatives de terrain mobilisant les énergies en faveur de l'emploi. Elle a aussi observé que les partenaires sociaux sont plus favorables à la fusion que ce n'était le cas deux ans auparavant. Tout en rappelant la nécessité de réduire le nombre des offres d'emploi non satisfaites et en évoquant les succès engrangés par la politique de l'emploi au Royaume-Uni et au Danemark, elle a estimé que le projet de loi tire la leçon de l'expérience des neuf plates-formes fusionnées existantes qui rassemblent la totalité des deux réseaux dans le respect d'un certain nombre de principes.
La simplification des démarches de l'ensemble des utilisateurs est au premier rang des préoccupations du Gouvernement. En conséquence, la fusion devra accélérer la mise en place de guichets uniques. Le déploiement sur le terrain du plus grand nombre d'agents possible est une seconde manifestation de cette ambition, l'objectif étant de parvenir à un référent pour trente demandeurs d'emploi issus des catégories les plus éloignées de l'emploi, contre cent vingt actuellement.
Dans cette perspective, le projet de loi est articulé autour de cinq principes.
Le premier est le paritarisme. L'assurance chômage restera gérée de façon paritaire, les partenaires sociaux conservant la détermination des cotisations et des indemnisations.
Le deuxième principe est la mise en place d'une gouvernance efficace groupant l'Etat et les partenaires sociaux. Ceux-ci seront majoritaires au conseil d'administration de la nouvelle institution. De son côté, le Gouvernement nommera le directeur général, cette responsabilité étant justifiée par le fait que l'institution mettra en oeuvre la politique de l'emploi. Un conseil national de l'emploi présidé par le ministre en charge de l'emploi sera chargé d'assurer la cohérence d'ensemble des politiques de l'emploi. Il sera notamment consulté sur l'agrément de la convention d'assurance chômage.
En fonction du troisième principe directeur, le nouvel opérateur sera soumis à une obligation de moyens. Un comité d'audit et un comité d'évaluation seront constitués au sein du conseil d'administration
Le quatrième principe est la dimension territoriale des politiques de l'emploi, les bassins d'emploi étant le niveau d'action pertinent en la matière. Par ailleurs, les maisons de l'emploi devront être articulées avec la nouvelle institution.
Le cinquième principe est le pragmatisme. C'est pourquoi une instance nationale provisoire de préfiguration préparera la mise en place de la nouvelle institution, assurera l'information et la consultation des instances représentatives du personnel concernées, et préparera la transition vers une nouvelle convention collective.
Cette démarche devrait répondre aux préoccupations des élus qui ont créé les maisons de l'emploi et à celles des salariés des deux établissements fusionnés. Les appréhensions des agents devant la rencontre de deux cultures et de deux univers différents devront être prises en compte.
a approuvé les objectifs du projet de loi, spécialement en ce qu'il tend à améliorer le service rendu aux chômeurs. Rappelant que les agents des Assedic sont en moyenne mieux rémunérés que ceux de l'ANPE, elle a souhaité savoir si les rémunérations seront alignées vers le haut et si le coût d'une telle mesure a été estimé. Elle a demandé s'il a été prévu de mettre en oeuvre un programme de formation des agents de l'ANPE et des Assedic afin de les rendre plus polyvalents, spécialement ceux actuellement chargés du recouvrement des cotisations, et de maximiser les effets de la fusion. Elle a aussi remarqué que les régimes de protection sociale des personnels de l'ANPE et de l'Unedic sont dissemblables et a souhaité savoir quelles solutions seront retenues dans le cadre de nouvel organisme. Elle s'est inquiétée du maintien en activité de l'ensemble des salariés. Elle a enfin demandé comment les maisons de l'emploi existantes vont s'insérer dans la nouvelle architecture du service public de l'emploi et quel sera le sort des maisons en cours de labellisation.
a indiqué que la collecte des cotisations sera transférée en 2012 au plus tard à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf), dont le coût de recouvrement est de 3 % de la collecte, contre 7 % à 8 % pour l'Unedic. Outre l'économie ainsi produite, l'avantage attendu du transfert est la simplification des démarches des entreprises en matière de versement des cotisations. Le délai du transfert est justifié par la nécessité de former les six cents collecteurs concernés à leur nouvelle tâche.
Cent quatre-vingt-cinq maisons de l'emploi sont aujourd'hui labellisées, quarante sont en cours de labellisation. Un audit des maisons de l'emploi, qui rassemblent l'ensemble des acteurs de l'emploi et de la formation professionnelle et contribuent à la revitalisation des territoires, mais dont les plus récentes ont pu être parfois labellisées de façon insuffisamment rigoureuse, a été demandé à Jean-Paul Anciaux, député. Celui-ci fera des propositions pour articuler les maisons, y compris sous l'aspect financier, avec la nouvelle institution. Les grandes lignes de ses propositions seront présentées avant la fin du mois de décembre.
La nouvelle institution sera dotée d'une convention collective agréée privilégiant le caractère public de sa mission. Les questions relatives à la cotisation du personnel à l'assurance chômage, aux droits acquis, au droit d'option pour la convention collective, à la mise en place des institutions représentatives du personnel, seront examinées par l'instance de préfiguration et réglées soit par décret, soit par voie de convention collective. Chacun conservera son statut pendant une durée d'un an avant que la nouvelle convention collective minimale devienne une option pour tous.
Deux engagements ont été pris devant les partenaires sociaux : d'une part la fusion n'entraînera pas de licenciements, d'autre part une obligation de mobilité ne sera pas imposée aux membres du personnel.
S'agissant du parc immobilier, possédé aujourd'hui en pleine propriété dans le cas des Assedic et généralement loué dans le cas de l'ANPE, la recherche de la solution la plus efficace pour les finances publiques et l'utilisation de l'espace devra être soigneusement planifiée.
a noté que la qualité de l'emploi est de plus en plus une condition de l'efficacité économique et sociale, et que le directeur général de la nouvelle institution aura une influence cruciale sur sa réussite. Il convient donc de faire le choix d'une personnalité entreprenante. En ce qui concerne les relations du nouvel organisme avec les maisons de l'emploi, le dynamisme sera aussi déterminant pour le succès d'une réforme porteuse d'espoir.
a souhaité que le travail des missions locales ne soit pas remis en cause dans les quartiers en difficulté et que la mise à disposition de personnel par l'ANPE reste possible. Il a aussi relevé l'importance de poursuivre l'engagement financier de l'Etat envers les programmes locaux d'insertion (PLI).
a approuvé la création d'un lieu unique d'accueil, tout en notant que l'unité de lieu n'implique pas celle des métiers : l'accueil, assuré par les conseillers de l'ANPE, est très différent des tâches de suivi, assurées par les gestionnaires de dossiers.
Elle a souhaité connaître le rôle de la nouvelle institution à l'égard de certains allocataires de minima sociaux inscrits dans une logique d'accès à l'emploi, et à l'égard des jeunes demandeurs d'emploi accueillis aujourd'hui dans les missions locales.
Elle a souhaité savoir si les labellisations de maisons de l'emploi seront poursuivies et si l'Etat continuera à leur allouer des moyens.
En ce qui concerne enfin les conséquences de la fusion sur la formation des chômeurs, elle a demandé si la nouvelle institution, à l'instar de l'Unedic, achètera des formations.
a demandé selon quelle clé de répartition entre l'Etat et les cotisations sociales sera assuré le financement de la nouvelle institution, et a souhaité savoir si, en matière de placement des travailleurs handicapés, les relations actuelles entre l'ANPE et Cap emploi seront poursuivies : le placement et le suivi de ces travailleurs, spécialement les handicapés psychiques, demandent des compétences spécifiques. Il a aussi rappelé le besoin d'emplois aidés pour réussir le placement de ces travailleurs.
a estimé que les mission locales, les PLI et Cap emploi ont fait la preuve de leur utilité pour des publics particuliers. Ils seront maintenus dans des conditions fixées par conventionnement, selon des modalités favorisant le partage des expériences.
L'accueil et l'accompagnement des chômeurs mobilisent des compétences différentes de celles nécessaires pour gérer les dossiers. Ces différents métiers vont continuer à cohabiter. Une visite récente sur le site d'Issy-les-Moulineaux a montré que le simple fait de partager un espace commun change l'approche des équipes et accentue le sentiment d'implication des personnels.
La formation professionnelle n'est pas prise en compte dans le projet de loi, elle imprègne cependant toute la démarche de retour à l'emploi et fournit un outil essentiel pour améliorer la rencontre de l'offre et de la demande d'emploi. La nouvelle institution procédera à des achats de formations à l'association pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) et à d'autres prestataires. La durée des stages commandés sera réexaminée.
Les deux grandes sources de financement de la nouvelle institution seront, à 70 %, les cotisations versées à l'Unedic et, à 30 %, les financements consentis par l'Etat à l'ANPE et au régime des allocations de fin de droits. Les partenaires sociaux souhaitent que l'Etat maintienne son engagement financier, ce que justifient ses responsabilités dans la politique de l'emploi. Dans le contexte de la diminution du chômage, il faudra trouver une clé d'évolution des flux financiers en respectant les engagements de chacun et en partageant les économies d'échelle attendues.
a souhaité savoir comment le projet de faire basculer une partie des cotisations de l'assurance chômage vers la branche vieillesse dans le cadre de la prochaine réforme des retraites s'articulera avec la place des cotisations de chômage dans le financement de la nouvelle institution.
a indiqué que les transferts de ressources entre branches devront faire l'objet d'un arbitrage au moment de la réforme de retraites.
A Mme Catherine Procaccia, rapporteur, qui demandait si la nouvelle institution devra racheter le patrimoine de l'Unedic et des Assedic, Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a répondu que l'Etat n'a pas vocation à s'approprier ce patrimoine privé, qui pourrait être dévolu à une structure spécifique et loué par celle-ci à la nouvelle institution pour des montants symboliques.