Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, et Mme Christine Ockrent, directrice générale déléguée de cette société, sur la situation de Radio France Internationale (RFI).
a indiqué, en préambule, que le plan de relance de RFI devait répondre aux trois objectifs suivants :
- mettre un terme aux déficits qui n'ont cessé de s'accumuler ces dernières années ;
- restaurer une audience considérablement érodée ;
- développer la compétitivité de la radio vis-à-vis de ses principaux concurrents.
Afin d'atteindre ces trois objectifs, le processus de modernisation de RFI doit s'appuyer sur l'expertise exceptionnelle de ses équipes. M. Alain de Pouzilhac, président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, a rappelé que la société Audiovisuel extérieur de la France avait sollicité de l'État une enveloppe supplémentaire de 16,9 millions d'euros afin de combler les déficits accumulés par la radio en 2006, 2007 et 2008. En dépit des observations de la Cour des comptes, qui, dès 1999, avait souligné l'engagement de RFI dans une spirale déficitaire, aucune réponse n'a véritablement été apportée, jusqu'à présent, aux difficultés financières de la radio. Or, il est indispensable de remédier à la situation budgétairement insoutenable de RFI, dans la mesure où, si aucun plan de restructuration n'intervenait dans l'immédiat, un déficit de 15 millions d'euros pourrait venir s'ajouter, en 2009, aux 17 millions d'euros de besoins de financement de la station.
a notamment relevé que RFI était la seule société audiovisuelle publique française à accuser des déficits alors même qu'elle dispose, parmi les entités composant l'audiovisuel extérieur de la France, du budget le plus conséquent, celui-ci atteignant près de 130 millions d'euros en 2009, contre 91,5 millions d'euros pour France 24 et 70 millions d'euros pour TV5 Monde.
Dans ces conditions, le message de l'État sur la nécessité de redresser la situation financière de RFI est parfaitement clair : les moyens consentis par le Gouvernement pour soutenir le processus de modernisation de la radio seront conditionnés aux efforts menés par la direction pour résorber ses déficits.
a insisté sur le fait que RFI cumulait des déficits financiers, mais également des déficits d'audience. En effet, si RFI est reconnue comme une grande radio internationale à l'expertise incontestée, elle a longtemps été gérée sur la base d'un postulat erroné, à savoir que la station continuait d'être écoutée partout et par tous.
Or la réalité des chiffres doit conduire RFI à se ressaisir très rapidement et à prendre conscience de l'évolution de l'environnement international, hautement concurrentiel, dans lequel elle évolue. En l'espace de quatre ans, de 2004 à 2008, la radio a en effet perdu 8,4 millions d'auditeurs réguliers. Cette baisse est d'autant plus préoccupante que la démographie mondiale a connu, sur la même période, un bond de 8,7 %.
Les parts de marché de RFI dans la plupart des grandes régions du monde se sont ainsi considérablement érodées. Ses défauts de compétitivité ne tiennent pourtant pas à son statut de société nationale de programme puisque ses principaux concurrents, la BBC et la Deutsche Welle, sont également des entreprises publiques. En 2008, la part de marché globale de RFI était descendue en dessous de la barre symbolique de 1 %, pour n'atteindre que 0,75 %.
a relevé que, même en Afrique francophone, RFI est en perte de vitesse significative. Si le nombre de ses auditeurs y a légèrement augmenté en valeur absolue, sa part de marché est passée de 19,3 % en 2004 à 17,2 % en 2008, alors que la zone connaissait dans le même temps une croissance démographique de 14,7 %. Le constat est identique pour la grande majorité des zones géographiques couvertes par RFI, tant en Amérique du Nord et du Sud qu'au Proche et Moyen-Orient ou en Europe. Seule l'Afrique non francophone présente un maintien de l'audience de RFI à un niveau stable.
Les performances décevantes de RFI en termes de parts de marché traduisent l'incapacité structurelle de la station à s'adapter aux évolutions démographiques et géopolitiques de son environnement international. RFI accuse, en particulier, un retard significatif en matière de diffusion via les nouvelles technologies de l'information et de la communication. Celles-ci ont produit une véritable révolution de l'accès à l'information au cours des quinze dernières années. Les faiblesses de RFI sont d'autant plus criantes que ses principaux concurrents jouissent d'un dynamisme exceptionnel, notamment la BBC qui continue de battre régulièrement des records d'audience. La station radiophonique britannique s'est appuyée notamment sur une politique d'adaptation de ses effectifs et de ses compétences aux besoins du marché : après avoir supprimé 7 400 postes en quatre ans, elle a procédé récemment à l'embauche de personnels en leur offrant une formation spécifique à l'usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
a regretté que les rédactions de RFI en langues étrangères ne soient pas toujours coordonnées, sur le plan éditorial, avec la ligne suivie par la rédaction française. Elle a souligné, de plus, que le maintien de certaines rédactions en langues étrangères ne se justifie plus dès lors que celles-ci ne bénéficient plus que d'une audience presque nulle, comme c'est le cas en Allemagne.
a insisté sur la nécessité pour RFI de rattraper son retard de compétitivité sur le plan technologique. Il a souligné que le passage des ondes courtes aux ondes moyennes relevait d'un débat essentiellement dépassé et qu'il était désormais indispensable pour la radio de prendre la pleine mesure de la révolution numérique.
A titre d'exemple, il a relevé qu'un nombre significatif de Chinois écoute la radio sur Internet, dans un pays où les ondes courtes sont facilement censurables ; c'est également le cas de 23 % des leaders d'opinion iraniens. En outre, il a constaté que 4,4 milliards de personnes, dans le monde, accèdent désormais à l'information via Internet et la téléphonie mobile. Ces éléments doivent conduire RFI à relancer ses efforts pour relever le défi de la production numérique de ses contenus.
a fait savoir qu'une nouvelle grille de programmes en français avait été mise au point pour RFI à la mi-janvier 2009, afin d'offrir à ses audiences une palette plus diversifiée d'émissions. La légitimité et la qualité des services de RFI ne sont absolument pas remises en cause et doivent, au contraire, lui permettre de repartir à la conquête de son public.
a regretté que le conflit social en cours conduise au blocage de RFI qui connaît à l'heure actuelle sa cinquième semaine de grève. Il a déploré que trois syndicats (la Confédération générale du travail, le Syndicat national des journalistes et Force ouvrière) refusent de revenir à la table des négociations et organisent la reconduction quotidienne de la grève, alors même que la principale organisation syndicale -la Confédération française démocratique du travail- et la Confédération générale des cadres continuent de négocier avec la direction en vue d'améliorer les conditions des départs volontaires. Il a dénoncé le fait que, depuis plus de dix ans, le recours systématique au conflit social a servi de technique d'obstruction pour faire échouer les tentatives des directions successives de moderniser RFI. Il a réaffirmé son entière détermination, partagée par Mme Christine Ockrent, à conduire les réformes nécessaires pour assurer la pérennité de la station.
après avoir déploré le ton polémique des dirigeants de RFI, a déclaré qu'elle ne pouvait, dans ces conditions, continuer à participer aux travaux de la commission.
a rappelé que la commission des affaires culturelles était particulièrement inquiète de la situation actuelle à RFI et que ses membres étaient attachés à ce que la qualité exceptionnelle de ses services et de ses personnels, tout autant que son rang de radio internationale incontournable, soient préservés. Ces exigences seront naturellement défendues par la commission avec autant de passion que celle manifestée par la direction de la société Audiovisuel extérieur de la France.
a souligné que cette audition n'était pas destinée à stigmatiser un responsable dans l'analyse des problèmes qui affectent RFI, mais qu'elle devait être l'occasion pour sa direction d'exposer à la commission les détails du projet de développement qu'elle envisage pour redresser la situation de la station. Il a souhaité ainsi avoir des précisions sur la stratégie de Radio France Internationale à moyen terme.
a insisté sur le fait que le développement stratégique de RFI se décline pays par pays et cible par cible. Ainsi, dans le prochain contrat d'objectifs et de moyens de la radio, les objectifs seront détaillés précisément sur la période 2009-2013. En Afrique, la diffusion en langue véhiculaire sera développée pour éviter une chute des parts de marché de la radio. Le portugais et l'anglais seront aussi davantage utilisés. En Asie, il s'agit de créer des « web radios » moins onéreuses et susceptibles de pénétrer plus largement des marchés tels que la Chine ou l'Iran. En Amérique du Sud, l'accent est mis sur les partenariats universitaires avec pour objectif de toucher les leaders d'opinion. En France, enfin, le chantier des prochaines années sera celui de la radio numérique terrestre.
a insisté, quant à lui, sur l'échec de la tutelle à réformer RFI ces dernières années, ce qui a entraîné les problèmes d'aujourd'hui, et a demandé quelles étaient les perspectives de sortie de crise pour RFI.
a indiqué que les évolutions suivantes pouvaient être attendues :
- d'une part, le contrat avec TDF arrivera à échéance en 2011 et devra impérativement être renégocié, afin que de nouvelles marges de manoeuvre soient dégagées ;
- et, d'autre part, les ressources propres devront être développées sur le modèle de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne dont les radios publiques à vocation internationale s'autofinancent assez largement.
La suspension du plan social par décision judiciaire aurait pour conséquence d'augmenter le déficit de RFI de deux millions d'euros.
Prenant acte du déficit de RFI, M. Ivan Renar s'est interrogé sur le périmètre des missions de RFI, sur son sous-financement chronique et sur le versement par France 24 à TF1 d'une somme de deux millions d'euros, au moment de sa sortie du capital de la chaîne internationale, ainsi que sur l'existence d'un contrat d'un montant de 1,7 million d'euros portant sur l'achat d'images de TF1.
a estimé que la principale difficulté de RFI résidait dans le volume de sa masse salariale qui représente 52 % du budget global, ce qui est un taux bien supérieur aux autres chaînes de radio. La dotation de l'Etat à RFI lui paraît au demeurant assez élevée au regard de celles attribuées à France 24 et à TV5. Les informations relatives à TF1 sont effectivement exactes, deux millions d'euros ayant été versés à TF1 et à France Télévisions au moment de leur sortie du capital et un contrat ayant été signé avec TF1 sur l'utilisation d'images d'archives de la chaîne privée.
Enfin, Mme Christine Ockrent a considéré que les missions de RFI, radio francophone devant faire rayonner l'expertise française à l'étranger, étaient bien calibrées.