Commission des affaires économiques

Réunion du 19 juin 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • RGPP
  • achats

La réunion

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La commission a procédé, conjointement avec la commission des finances, à l'audition de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, sur la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a rappelé que M. Eric Woerth était entendu en tant que rapporteur général du Conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP), présidé par le Président de la République, et que la RGPP, lancée en juillet 2007 à l'initiative du Président de la République, avait pour objectif d'aboutir à une réforme de l'Etat d'une importance sans précédent. Relevant que ce processus avait, par son ampleur, suscité des inquiétudes, il a jugé nécessaire, avant de passer à la mise en oeuvre des réformes, de mieux communiquer sur ce sujet. Souhaitant que le ministre précise la portée et le mode de calcul du chiffre de 7,7 milliards d'euros d'économies annoncées, il a jugé nécessaire, pour faciliter l'aboutissement des réformes, de faire comprendre leurs objectifs par les diverses parties prenantes.

Après avoir rappelé que le Conseil des ministres du 11 juin 2008 avait marqué la fin de la première étape de la RGPP lancée le 10 juillet 2007, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a indiqué que cette démarche, à laquelle avaient été associés les rapporteurs généraux des deux assemblées, avait consisté à examiner plusieurs fois chaque ministère et quelques grandes politiques d'intervention.

Il a précisé qu'il avait fixé quatre objectifs majeurs, dont le premier était la crédibilité de la réforme de l'Etat. Soulignant que les réformes avaient été bien préparées et pouvaient fonder une partie des travaux de préparation budgétaires pour l'année 2009, dans le cadre nouveau d'un budget triennal, il a relevé que la mise en place d'équipes mixtes d'audit public/privé et l'utilisation des travaux existants, notamment parlementaires, avaient débouché sur de nombreuses propositions de réformes actées par le Conseil de modernisation des politiques publiques.

Ces réformes concernent, en premier lieu, les administrations centrales qui, ayant « grossi » au fil du temps, ont été conduites à édicter des réglementations inutiles ou sources de complexité. Certaines mesures sont spectaculaires, comme celles touchant les ministères chargés du développement durable, de la santé ou de la culture. Au demeurant, lorsque les réformes proposées par les ministères ne répondaient pas aux objectifs de la RGPP, elles ont été rejetées. En outre, les fusions doivent permettre des allégements : celle de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique a abouti à la suppression de 15 % des bureaux, c'est-à-dire des cellules administratives de base du ministère. Au total, la RGPP devrait permettre de supprimer ou fusionner près de 50 directions d'administration centrale, ce qui représente proportionnellement un effort bien plus important que pour les services déconcentrés.

En deuxième lieu, la RGPP débouche sur une réforme d'ampleur des procédures administratives. Ainsi, il n'apparaît pas opportun de conserver un double examen des conditions d'accès sur le territoire français pour les 150.000 migrants légaux arrivant chaque année, alors que le travail effectué dans les consulats et les préfectures est identique : l'assimilation du visa de long séjour au permis de séjour pendant la première année permettra donc de supprimer des tâches inutiles, de simplifier les procédures - y compris pour les usagers - et non de démanteler le service public.

La RGPP entraîne, en troisième lieu, une réforme des fonctions « support » de l'administration avec, par exemple, la création d'un opérateur national de paie. Par ailleurs, la mise en place, en septembre 2008, d'une agence nationale des achats de l'Etat, permettra une rationalisation importante. La RGPP va d'ailleurs déboucher sur l'élaboration d'un nouveau statut des agences.

En quatrième lieu, la RGPP entraînera des modifications dans l'allocation des moyens. La création d'une agence nationale de remplacement devrait, par exemple, réduire le nombre d'enseignants qui ne font pas cours, actuellement au nombre de 23.000. Dans l'enseignement supérieur, les moyens seront distribués selon des critères discutés dans le cadre de la RGPP, portant sur le potentiel de chaque équipe de recherche ou chaque université, et non plus selon les critères du système actuel. Enfin, la rationalisation des investissements sera améliorée. A titre d'exemple, il n'est pas normal que le coût de construction d'une place de prison puisse varier du simple au double (de 88.000 à 175.000 euros).

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

a ensuite souligné que les réductions d'effectifs et de coûts de fonctionnement n'étaient pas un présupposé mais une conséquence des réorganisations. La RGPP a permis une documentation, en amont, sur le potentiel de productivité de chaque ministère, qui constitue un atout précieux pour l'élaboration du projet de loi de finances et modifie profondément les discussions entre le ministre du budget et les autres ministres. Cette démarche aboutit donc à améliorer l'efficacité de l'Etat et non à abandonner des missions comme l'a fait le Canada, qui en a transféré de nombreuses aux provinces. En conséquence, la place de l'Etat n'est pas fondamentalement modifiée.

a ensuite indiqué que la deuxième exigence était de respecter un principe de justice : toutes les structures sont concernées et l'ensemble des dispositifs d'aide doit être mieux ciblé. Dans cette perspective, les opérateurs, qui représentent près de 250.000 emplois, seront également concernés, conformément au voeu de nombreux parlementaires, par la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, et devront se réformer et rendre des services au meilleur coût : 39 d'entre eux seront supprimés ou fusionnés.

Abordant la troisième exigence, M. Eric Woerth a rappelé qu'une concertation s'était engagée depuis deux mois avec le Parlement, les équipes d'expertise ayant presque toutes été entendues, par près d'une trentaine de parlementaires dont 25 sénateurs. S'agissant, enfin, de l'exigence de responsabilité financière, les mesures décidées au cours des trois CMPP devraient entraîner les économies suivantes :

- sur la masse salariale (en brut, c'est-à-dire avant le retour aux fonctionnaires) : 3,5 milliards d'euros, soit 4,1 % des crédits pour 2008 ;

- sur les interventions et l'investissement : 2 milliards d'euros, soit 3,9 % des crédits pour 2008 des politiques d'intervention ;

- sur le fonctionnement (y compris les opérateurs) : 2,2 milliards d'euros, soit 6,3 % des crédits pour 2008.

a souligné que 7,7 milliards d'euros pouvaient être économisés au total sur les trois catégories de dépenses, soit 4,5 % de la base sur laquelle les décisions ont été prises, à savoir 173 milliards d'euros qui représentent les dépenses de l'Etat, hors pensions et hors intérêts de la dette. Sans être négligeable, ce chiffre est insuffisant pour parvenir à l'équilibre des finances publiques en 2012, et l'ensemble du champ de la dépense publique devra donc également être examiné. Pour cela, il faut « allonger » la chaîne de décision, en associant le Parlement ou les partenaires sociaux en fonction des sujets traités, afin d'éviter les blocages. Il convient d'éviter à cet égard une confusion entre les décisions techniques, prises dans le cadre de la RGPP, comme le changement de financeur pour la carte « Familles nombreuses » et les décisions politiques, en l'occurrence la politique familiale dans son ensemble, que la RGPP n'avait pas vocation à remettre en cause. C'est pourquoi les mesures concernant notamment les politiques sociales feront l'objet d'une très large association des acteurs concernés.

Rappelant qu'il rendrait compte, d'ici le 30 octobre 2008, devant le CMPP de l'état d'avancement des 355 mesures actées au cours de la première étape, M. Eric Woerth a insisté sur la nécessité que les décisions soient rapidement appliquées, sans être dénaturées. Il a tiré un premier bilan mitigé : sur les 265 mesures annoncées par les deux premiers CMPP, seules 4 sont achevées et 72 réellement lancées. Un effort considérable doit donc être effectué et chaque ministre doit impérativement veiller à l'application des mesures concernant son administration.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a souligné que la RGPP pouvait utilement s'inspirer des travaux du Parlement. Il a rappelé qu'au cours d'une réunion commune tenue le 10 juin 2008 avec la commission des affaires culturelles, la commission des finances avait entendu les conclusions de MM. Philippe Adnot et Jean-Léonce Dupont, corapporteurs, présentées au nom du groupe de travail commun sur la réforme de l'allocation des moyens par l'Etat aux universités.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Emorine

a indiqué que les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques avaient procédé à six auditions de responsables des équipes d'audit mises en place par le gouvernement dans le cadre de la RGPP. Il s'est interrogé sur les conséquences de la RGPP quant à l'organisation des services déconcentrés de l'Etat.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

a indiqué que les discussions à ce sujet avec le ministère de l'intérieur avaient été intenses. Le nombre de directions régionales doit passer de 18 à 8, celui des directions départementales de 13 à 5, et le préfet de région doit avoir autorité sur le préfet de département.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

s'est interrogé sur la compatibilité des préconisations du rapport d'étape remis en mars 2008 par la commission du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France, qui selon lui obéit essentiellement à une logique d'augmentation des moyens, avec les objectifs de la RGPP. Il s'est demandé en outre s'il n'aurait pas été opportun de fusionner ce Livre blanc avec celui sur la défense et la sécurité nationale, rendu public le 17 juin 2008.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

En réponse, M. Eric Woerth a indiqué que l'élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale avait été coordonnée avec la RGPP. La nouveauté de la RGPP est moins de faire de nouvelles préconisations - nombre d'entre elles ont en effet déjà été faites par le Parlement - que de les mettre en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

s'est interrogé sur les inerties de l'administration. Il a regretté les lacunes de l'« Etat-propriétaire », en évoquant les dysfonctionnements, en ce domaine, du ministère des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

En réponse, M. Eric Woerth a confirmé la volonté du gouvernement de réaliser des réformes d'ampleur en ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

a craint que la RGPP se traduise par des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales. Aussi, la répartition de la propriété des infrastructures entre l'Etat et les collectivités territoriales doit être clarifiée. Il s'est interrogé sur un possible « doublon » de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP) avec la future agence centrale des achats de l'Etat. Evoquant le mode de fonctionnement de certains pôles de compétitivité, il a jugé que la complexité administrative de ces dispositifs était excessive.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

s'est interrogée sur la finalité véritable de la RGPP : s'agit-il de moderniser l'Etat ou de réaliser des économies ? Dans le premier cas, il est « maladroit » de centrer la communication sur le montant des économies escomptées. Dans le second cas, il est « illusoire » de s'imaginer que des économies significatives pourront être réalisées à court terme car la réforme a un coût. Evoquant les travaux menés en qualité de rapporteure spéciale de la mission « Sécurité sanitaire », elle s'est interrogée sur la cohérence de la RGPP, et sur le chiffrage des économies attendues. La RGPP est déconnectée, en outre, de la LOLF, et risque de susciter des transferts de charges de l'Etat vers les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Cerisier-ben Guiga

a considéré que la RGPP conduisait, dans le cas de la mission « Action extérieure de l'Etat », à un véritable découragement des personnels. Elle s'est interrogée sur les effets des modifications de la législation sur la nationalité quant à l'activité des consulats, sur la politique des visas, sur les insuffisances de l'« Etat-employeur » à l'étranger, et sur l'efficacité de certains opérateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

a indiqué sa volonté de concilier la modernisation de l'Etat avec la préservation du service rendu aux usagers. Elle s'est inquiétée de la tendance croissante de l'Insee à facturer des prestations aux collectivités territoriales, et s'est interrogée sur les conséquences de la RGPP quant au maintien des déléguées régionales du service des droits des femmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

a souligné que les économies actuellement envisagées par le gouvernement dans le cadre de la RGPP étaient évaluées à seulement 7,7 milliards d'euros, soit moins de 5 % des dépenses concernées. Peut-on se satisfaire d'un tel niveau ? Et celui-ci pourrait-il être accru sans abandonner ou revoir à la baisse certaines politiques publiques ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Duvernois

s'est interrogé sur la possible évolution du statut de certaines agences de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) du ministère des affaires étrangères : CampusFrance, l'agence pour l'enseignement français à l'étranger et CulturesFrance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a fait part d'une préoccupation exprimée par M. Aymeri de Montesquiou, quant à la part particulièrement élevée, en France, des dépenses publiques dans le PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

a jugé que les comparaisons internationales en la matière étaient peu pertinentes, du fait des différences de périmètre entre administrations publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

s'est demandé si la RGPP n'avait pas trop tendance à privilégier la recherche immédiate d'économies, plutôt que l'amélioration durable de l'efficacité de l'Etat. Il a souhaité obtenir des précisions sur le calendrier de la revue générale des prélèvements obligatoires (RGPO).

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

En réponse aux différents intervenants, M. Eric Woerth a apporté les précisions suivantes :

- la réorganisation des collectivités territoriales, en vue, notamment, d'une meilleure spécialisation de chaque échelon, n'a pas donné lieu, dans le cadre de la RGPP, à consensus avec les associations d'élus ;

- les préfets ont reçu des instructions afin d'améliorer la cohérence de la gestion de l'immobilier local ; des progrès importants doivent encore être réalisés au niveau national, notamment par une centralisation de la gestion, comme l'indiquent les conclusions des deux premiers conseils de modernisation, mais les réticences des ministères restent fortes ;

- l'UGAP, qui est un opérateur commercial très performant sur un certain nombre de produits, et la nouvelle agence des achats, ont un rôle complémentaire, cette dernière n'ayant pas vocation à remettre en cause la politique d'achats de chaque ministère et pouvant même recourir à l'UGAP pour ses propres achats ;

- la RGPP crée des inquiétudes car elle induit des changements ; les ministres doivent donc impérativement s'impliquer dans sa mise en oeuvre et se saisir des réformes pour que les agents à leur tour les appliquent ;

- il aurait été préférable de pouvoir réaliser des économies supplémentaires, qui seront peut-être permises par la mise en oeuvre des réformes elles-mêmes ; toutefois, la RGPP n'est pas uniquement guidée par cet objectif d'économies, bien que celui-ci soit légitime dans un pays dont le déficit budgétaire dépasse 40 milliards d'euros ; en tout état de cause, l'ambition est de maintenir la qualité du service public ;

- l'image très négative donnée par certains intervenants du ministère des affaires étrangères et européennes n'apparaît pas du tout conforme à la réalité, dans la mesure où ce ministère a les moyens de fonctionner ;

- une démarche commune avec le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a été engagée afin que l'Etat rémunère les stagiaires qu'il emploie, notamment au sein du ministère des affaires étrangères et européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

a fait observer, à partir de l'exemple de la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), que les ministères avaient, souvent, un réflexe initial de refus de toute réduction de postes, alors même qu'en pratique, l'expérience montrait que ces diminutions étaient réalisables.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique

a ensuite précisé les éléments suivants :

- s'agissant du ministère des affaires étrangères et européennes, il n'est pas prévu de réduire de 30 % les crédits de la DGCID mais il est crucial de rationaliser les crédits de l'action culturelle extérieure ; même s'ils offrent des services particulièrement utiles, les services consulaires ne sauraient être assimilés à ceux d'une mairie ; les opérateurs comme l'Agence française de développement (AFD) et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) doivent être intégrés dans la stratégie globale de restructuration de l'organisation administrative ; enfin, pour répondre au problème de l'existence de nombreux cadres inemployés au sein du ministère des affaires étrangères et européennes, il est désormais possible de quitter la fonction publique dans des conditions financières intéressantes ; la DGCID doit être un opérateur au même titre que l'AFD, afin d'exécuter les politiques décidées par le ministère ;

- les services généraux compétents pour les droits des femmes ne sont pas remis en cause mais fusionnés au sein des directions locales adéquates ;

- la comparaison entre la part des dépenses publiques en France et en Allemagne montre que les services publics peuvent être organisés différemment sans altérer leur qualité ; tel est l'objectif de la RGPP, et non la réalisation d'économies à tout prix ;

- la revue générale des prélèvements obligatoires est pilotée par Mme Christine Lagarde, en sa qualité de ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, et devrait faire l'objet d'un débat ;

- le travail de la RGPP a bien été organisé sur la base de la répartition des crédits par mission au sens de la LOLF.