A titre liminaire, se félicitant de recevoir, au nom de la mission commune d'information sur la notion de centre de décision économique, M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France, M. Philippe Marini, président, a rappelé que le groupe de la Hong Kong and Shanghai Banking Corporation (HSBC) avait été créé en 1865 par l'Ecossais Donald Sutherland pour financer la croissance du commerce entre la Chine et l'Europe. Soulignant la dimension internationale du groupe, devenu la première capitalisation boursière bancaire européenne, et le quatrième groupe bancaire mondial avec 9 500 agences implantées dans 77 pays, il a ajouté que la filiale française du groupe, HSBC France, n'était autre que l'ancien Crédit commercial de France (CCF).
Puis, à titre liminaire, M. Philippe Marini, président, a souhaité connaître l'analyse de M. Charles-Henri Filippi de la notion de nationalité d'une entreprise ou d'un groupe, ainsi que de celle de centre de décision économique, en particulier dans le cas d'une filiale détenue à 100 % par un groupe étranger. Il s'est demandé si une telle filiale pouvait encore constituer un centre de décision économique. Il a enfin interrogé M. Charles-Henri Filippi sur la problématique de localisation des sièges sociaux en Europe, ainsi que sur les considérations fiscales susceptibles d'affecter leur localisation.
a abordé la question de la nationalité du groupe HSBC par un bref historique. Il a tout d'abord indiqué que la Hong Kong and Shanghai Banking Corporation, créée à Hong Kong, s'était rapidement développée en Chine continentale de manière très profitable. Puis, il a rappelé les différentes localisations du siège social, et notamment son rapatriement à Hong Kong au moment de la prise de pouvoir par Mao en Chine, puis son transfert à Londres en 1993, lors de l'acquisition d'une grande banque anglaise.
Il a souligné que, du fait de la répartition à peu près égale des implantations du groupe sur les continents asiatique, européen et américain, HSBC pouvait être considéré comme un « groupe sans territoire dominant ». Nonobstant le caractère très international du groupe, il a ajouté que la culture d'HSBC demeurait, au-delà de la localisation de son pôle de décision en Grande-Bretagne, incontestablement britannique.
En conséquence, M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France, a considéré que si la démarche commerciale du groupe était décentralisée, ainsi que l'illustrait le slogan d'HSBC - « Votre banque partout dans le monde » (« The world's local bank ») - son fonctionnement en termes de contrôles et de procédures de gestion des risques était, en revanche, centralisé. Mentionnant la mise en oeuvre de la stratégie globale d'HSBC par un comité exécutif composé de douze personnes essentiellement d'origine anglo-saxonne, à l'exception de lui-même et de trois autres personnes de nationalité libanaise, chinoise et américaine, il a observé qu'il conservait, en tant que responsable de la filiale française, une importante liberté d'action.
S'agissant des perspectives de développement du groupe, il a confié que le plan stratégique quinquennal du groupe avait tendance à privilégier deux zones de puissant développement économique, dotées d'une démographie dynamique et d'une flexibilité sociale forte : l'Asie et le continent américain. Il a alors reconnu que le choix stratégique d'investir en Europe occidentale, notamment par l'acquisition du CCF, justifiée en son temps par la création de la zone euro, n'emporterait peut-être pas aujourd'hui le même degré d'adhésion des analystes financiers et des investisseurs.
Ensuite, M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France, a tenu à souligner l'effet bénéfique de la fusion du CCF avec HSBC sur les moyens de développement du CCF en France, ainsi que sur l'emploi : si la marque « HSBC » constituait naturellement un atout majeur pour la clientèle entrepreneuriale, en raison de la mise en oeuvre d'une stratégie de soutien aux entreprises françaises dans tous les pays d'implantation d'HSBC, elle n'en demeurait pas moins attractive pour la clientèle particulière.
Il a également mis en lumière, avec satisfaction, les atouts qu'apportait la filiale française au groupe HSBC, notamment en matière de mathématiques financières et de gestion d'actifs. Il a fait savoir que la vaste expertise des services bancaires français en ce domaine plaidait pour une localisation en France de l'activité de gestion d'actifs, ainsi que des produits dérivés sophistiqués de taux et d'actions.
Puis M. Christian Gaudin, rapporteur a questionné M. Charles-Henri Filippi sur l'attractivité de la France, ainsi que sur le risque de délocalisation des services bancaires. Après l'avoir invité à préciser sa position sur le patriotisme économique, il lui a demandé de porter un jugement sur l'expansion de l'activité des fonds d'investissement, tels que les fonds de « leverage buy out ».
En ce qui concernait l'attractivité du territoire français, M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France, a rappelé, en premier lieu, que l'implantation dans un pays n'avait pas pour objet l'installation d'un siège social « perse », mais le développement d'activités. Il a ajouté que le choix d'une telle implantation était généralement déterminé d'abord par la dynamique du marché local. Il a constaté, en second lieu, qu'une telle approche consistant à comparer les différences de potentiel de développement conduisait, dans le cas français, à s'interroger sur sa capacité à gagner des parts de marché sur les concurrents, dans un contexte de croissance relativement faible.
Abordant les handicaps grevant l'attractivité du territoire français, il a estimé que la fiscalité française ne constituait pas un véritable obstacle à l'implantation en France pour deux raisons : la fiscalité française sur les sociétés n'était pas radicalement différente de celle de ses partenaires ; les salaires directs restaient moins élevés, malgré des charges sociales plus lourdes, ce qui rendait le coût de la main d'oeuvre en France dans le secteur financier inférieur à ce qu'il était au Royaume-Uni.
En revanche, il a relevé les deux obstacles majeurs à l'attractivité française à savoir, d'une part, les délais des procédures, et d'autre part, l'insuffisante maîtrise de la langue anglaise. Illustrant le premier handicap par les 18 mois de la discussion réalisée dans le cadre du plan « Efficacité pour la croissance », il a déploré la lourdeur et la lenteur des procédures. Quant au problème de la langue, il a souhaité que s'opère un changement de mentalité, afin que la langue anglaise devienne également le moyen de communication des hommes d'affaires français, et plus particulièrement des acteurs de la place de Paris. Un tel changement, accompagné d'une amélioration du statut des impatriés, lui semblait crucial pour le développement de la place de Paris.
Evoquant la question du patriotisme économique, M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France, a insisté sur la notion de réciprocité, de telle sorte que tous les pays, même ceux entrés le plus récemment dans l'économie de marché, pussent se conformer réellement aux même règles.
S'agissant des dangers issus de l'activité des fonds d'investissement réalisant des leverage buy out (LBO), il a, également, fait valoir que l'effort de rentabilisation qui découlait de telles opérations, n'entraînait pas uniquement une rationalisation à court terme des coûts, mais pouvait, dans certains cas, contribuer au développement de l'entreprise par l'amélioration de ses pratiques managériales.
En réponse à Mme Nicole Bricq sur le caractère apatride ou non du groupe, au sens originel du terme, M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France, a jugé que le groupe était « la moins nationale des entreprises globales ». Il s'est félicité que sa dimension globale ait créé un sentiment d'appartenance à toutes les patries, plutôt qu'une déconnexion totale des considérations nationales. Il a poursuivi sa démonstration en qualifiant le groupe de « multi-patriote », en prenant l'exemple du soutien aux entreprises françaises.
Réfutant la qualification de « groupe opportuniste », évoqué par une question de Mme Nicole Bricq, il a tenu à rappeler que le groupe était doté d'une stratégie globale qui inspirait l'ensemble des filiales du groupe. Mais, mettant l'accent sur le caractère local du métier de banquier dans un cadre multi-géographique, il a insisté sur la nécessité du groupe de respecter la diversité culturelle de l'entreprise.
Répondant à l'interrogation de M. Philippe Marini, président, sur les conséquences de la composition majoritairement britannique des organes centraux de décision sur les choix stratégiques du groupe, notamment en termes d'emplois ou d'investissement, M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France a souligné l'absence de toute préférence stratégique en faveur des sites britanniques. Il a estimé que les pays émergents, et plus particulièrement l'Inde, constituaient aujourd'hui une cible privilégiée, en raison du potentiel de croissance.
souhaitant connaître le degré de décentralisation de la filiale française par rapport au siège, a interrogé M. Charles-Henri Filippi sur la marge de manoeuvre d'HSBC France en matière d'investissement. En réponse, M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France, a indiqué qu'il détenait le pouvoir de décision dans la limite de 100 millions d'euros de crédits, et qu'au delà, une vérification du dossier, qui ne donnait pas lieu à une nouvelle instruction, était réalisée au siège dans un délai de 24 heures.
Après que Mme Nicole Bricq fut revenue sur le lien existant entre l'implantation commerciale dans une zone donnée et le potentiel de croissance de cette dernière, M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France, a confirmé la forte corrélation entre ces deux points en nuançant, toutefois, la portée de cette affirmation. Il a ainsi souligné que toute zone à fort potentiel de croissance constituait également une zone de risque supérieur, et qu'il fallait en tenir compte dans l'allocation de capital entre pays.
Souhaitant que M. Charles-Henri Filippi développe sa remarque sur le manque d'attractivité de l'Europe occidentale, Mme Elisabeth Lamure l'a ensuite interrogé sur le potentiel des pays d'Europe de l'Est et centrale. Confirmant que l'Europe occidentale ne constituait pas, pour la majorité des investisseurs dans le titre HSBC, dans le contexte actuel de croissance modérée, une zone prioritaire, M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France, a souligné que le choix stratégique d'HSBC d'investir en priorité dans les pays émergents était conforme aux attentes de ces investisseurs. S'agissant de l'Europe de l'est et centrale, zone aujourd'hui prioritaire pour le groupe, il a regretté qu'HSBC n'y ait encore qu'une présence faible, au contraire de la Société Générale, par exemple, eu égard au fort potentiel que présentait cette zone géographique.
Relayant la question de Mme Nicole Bricq sur l'éventuel caractère « opportuniste» du groupe HSBC, M. Michel Teston a cité un article de la Tribune du 4 décembre 2006, traitant du possible transfert du siège d'HSBC en Irlande. M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France, a néanmoins démenti une telle information. Il a souligné, en outre, le caractère non stratégique de la localisation d'un siège social, indépendamment de toute analyse du potentiel du marché ou d'autres considérations de développement. En d'autres termes, il a fortement insisté sur le fait que le succès d'une implantation était conditionné par la mise en oeuvre d'une stratégie de développement, et non par la simple localisation du siège social. Il a réitéré que le groupe HSBC était doté d'un plan d'expansion clairement défini et ne pouvait aucunement, en conséquence, être qualifié d'opportuniste.
Puis M. Michel Teston a invité M. Charles-Henri Filippi à développer son propos sur les marges de manoeuvre d'HSBC France, en tant que filiale entièrement détenue par le groupe. Convenant que le rachat d'une entreprise par un groupe mondial conduisait inévitablement à un déplacement de son centre de gravité vers la maison-mère, M. Charles-Henri Filippi, président-directeur général de HSBC France, a néanmoins fait valoir que ce déplacement était variable selon les situations. S'agissant d'HSBC, il a indiqué que si le centre de décision ultime était Londres, chaque filiale disposait, toutefois, d'une importante marge de manoeuvre. En outre, il a ajouté qu'aucune décision ne pouvait être prise sans l'avis favorable des dirigeants de la filiale concernée. Enfin, il a constaté qu'une stratégie alternative fondée sur les « lignes de métiers » en dehors de toute considération de pays, telles que mises en oeuvre par certaines entreprises bancaires américaines, pouvait conduire à de graves erreurs.
A l'issue de cet échange, M. Philippe Marini, président, a vivement remercié M. Charles-Henri Filippi de son intervention.