La mission a procédé à l'audition de M. Claude Imauven, directeur général adjoint de la Compagnie de Saint-Gobain, directeur du pôle produits pour la construction.
a rappelé qu'il exerçait ses fonctions depuis 2004 et qu'il n'avait par conséquent pas personnellement connu la période d'exploitation et d'utilisation de l'amiante à Saint-Gobain. Il a indiqué avoir consulté les archives de la Compagnie afin d'être en mesure de répondre aux interrogations de la mission.
Il a précisé que le pôle produit pour la construction comprenait trois branches (canalisations, isolation, matériaux de construction).
Dressant un rapide historique, il a indiqué que l'amiante, exploité par la société Everitube, qui fabriquait des tuyaux et des plaques en amiante-ciment, était entré dans le Groupe Saint-Gobain avec Pont-à-Mousson en 1970.
Il a rappelé qu'à l'époque, Everitube était une filiale à 100 % de Pont-à-Mousson et comprenait quatre usines qui ont progressivement cessé leurs activités à partir du début des années 1980.
Il a indiqué que la société Everite subsistait comme personne morale, mais qu'elle était une « coquille vide » sans aucune activité, maintenue seulement pour les besoins des procès en « faute inexcusable » qui lui sont intentés par d'anciens salariés.
Il a précisé que Saint-Gobain était présent au Brésil, ayant hérité des usines de Pont-à-Mousson, ainsi qu'en Amérique du Nord, où l'amiante n'est toujours pas interdit.
Il a enfin souligné que Saint-Gobain avait remplacé, au Brésil, l'amiante par le polypropylène, notamment pour les plaques de couverture.
Interrogé par M. Gérard Dériot, rapporteur, sur le poids que représentait l'amiante à Saint-Gobain, M. Claude Imauven a indiqué que la branche matériaux de construction avait représenté jusqu'à 10 % environ du chiffre d'affaires du groupe, dont quelques pourcents dans des productions utilisant l'amiante.
s'est enquis de la connaissance qu'avaient les dirigeants de Saint-Gobain, et de ses filiales, de la nocivité de l'amiante pour la santé, avant son interdiction en 1997.
a répondu que les procès-verbaux des comités d'hygiène et de sécurité montrent que Saint-Gobain avait appliqué strictement la réglementation sur la protection des salariés, comme elle le faisait d'ailleurs pour l'ensemble des produits industriels dangereux pour la santé.
a souhaité connaître le nombre des salariés de Saint-Gobain susceptibles d'avoir été contaminés par l'amiante.
a indiqué que, concernant les usines d'exploitation, 250 à 300 procès en faute inexcusable étaient en cours et qu'une cinquantaine de cas étaient liés à l'utilisation de l'amiante dans d'autres sites.
a demandé si les dirigeants des usines avaient été alertés par les médecins du travail des dangers encourus par les salariés exposés à l'amiante.
a indiqué n'avoir eu connaissance d'aucune alerte particulière, tout en soulignant que des progrès dans la protection des salariés avaient été réalisés au fur et à mesure de l'évolution des connaissances et de la réglementation.
s'est interrogé sur les liens entretenus par Saint-Gobain avec le Comité permanent amiante (CPA).
a présenté le CPA comme un comité d'information et de dialogue, largement ouvert à l'ensemble des partenaires concernés (entreprises, syndicats, administrations publiques et experts scientifiques), tout en rappelant que Saint-Gobain avait contribué au financement et à la diffusion d'un certain nombre de documents visant à informer sur les dangers de l'amiante et sur les mesures à mettre en oeuvre pour protéger les salariés.
Il a estimé que le CPA avait correctement joué son rôle et qu'il résultait de ses comptes rendus qu'un certain nombre de débats avaient été consacrés aux effets pathogènes de l'inhalation des fibres d'amiante, en fonction de leurs caractéristiques.
Il a ainsi considéré que les industriels ne pouvaient être accusés de « savoir » ou d'avoir sciemment dissimulé des informations, rappelant en outre que les entreprises les plus importantes utilisant l'amiante (SNCF, DCN...) appartenaient au secteur public.
a souligné que le CPA, dirigé par un professionnel de la communication, pouvait difficilement se réduire à un simple comité d'information, et s'est interrogé sur son rôle en tant que groupe de pression.
a estimé qu'on ne pouvait assimiler le CPA à un véritable lobby, tout au moins si l'on se réfère au modèle du lobby américain, le CPA ne disposant ni des moyens ni de la culture pour exercer une véritable influence d'intérêt.
a souhaité savoir si les salariés étaient aujourd'hui correctement avertis des dangers liés aux produits toxiques utilisés chez Saint-Gobain et s'est interrogée, de manière plus générale, sur les moyens de renforcer l'information concernant les produits industriels toxiques.
Etablissant un parallèle avec la procédure d'autorisation de mise sur le marché des médicaments, elle s'est demandé si une telle procédure ne pouvait être mise en place pour ces produits.
a souligné la grande quantité de produits dangereux utilisés aujourd'hui dans l'industrie, en précisant qu'il convenait, à cet égard, de distinguer le « process » du produit final.
Il a estimé qu'une procédure d'autorisation préalable serait de nature à tuer toute innovation industrielle, et qu'elle serait par ailleurs inefficace compte tenu des effets toxiques différés de ces produits.
a également évoqué la procédure d'autorisation de mise sur le marché de l'industrie pharmaceutique, qui serait susceptible d'être étendue aux produits toxiques.
a rappelé que la directive européenne REACH, qui s'inspire de cette procédure, avait été bloquée à Bruxelles par le lobby des industries chimiques.
Evoquant les procédures en cours, elle s'est interrogée sur les motifs pour lesquels la faute inexcusable du groupe a été reconnue.
S'agissant du calorifugeage, elle a souhaité obtenir des précisions sur les produits de substitution aujourd'hui utilisés et a demandé si des recherches étaient en cours en ce domaine.
Elle s'est enfin interrogée sur les conditions de cession des mines d'amiante ayant appartenu à Saint-Gobain.
a indiqué que la Compagnie estimait avoir pris toutes les précautions requises, en l'état des connaissances de l'époque, et qu'elle ne pouvait évidemment que se plier aux décisions des tribunaux.
s'est enquise de la connaissance que Saint-Gobain pouvait avoir des risques encourus par ses salariés avant que la réglementation ait été édictée et s'est demandé si des tribunaux avaient pu reconnaître la faute inexcusable sur ce motif.
a indiqué qu'il vérifierait ce point. S'agissant du calorifugeage, il a précisé que les fibres céramiques réfractaires n'étaient pas les seuls produits de substitution à l'amiante. Il a également rappelé la difficulté à faire admettre la dangerosité de l'amiante et son interdiction à l'étranger, et notamment, au Brésil, ajoutant que les Etats-unis et le Japon n'avaient pas interdit ce matériau.
s'est inquiétée des dangers encourus par les populations de ces pays et des risques résultant de l'importation en France de produits contenant de l'amiante, en particulier du Canada.
a indiqué que ces pays avaient reconnu le caractère dangereux de l'amiante, mais soutenaient une politique d'usage contrôlée, comme la France l'a fait pendant très longtemps pour ce matériau, et comme elle le fait aujourd'hui pour d'autres produits toxiques.
a souhaité savoir si la compagnie avait constitué des provisions pour l'indemnisation de ses salariés.
a répondu par l'affirmative, tout en précisant que ces provisions étaient surtout destinées aux Etats-unis, où la procédure des « class actions » tend à se généraliser.
a demandé des précisions sur les raisons du recrutement par Saint-Gobain, en 1987, comme médecin-conseil, d'une ancienne fonctionnaire du ministère du travail, où elle était directement chargée du dossier de l'amiante.
a précisé que cette personne n'avait jamais travaillé sur l'amiante dans la Compagnie, mais qu'elle avait été chargée d'étudier le problème de la toxicité éventuelle des fibres minérales.