Au cours d'une seconde réunion tenue l'après-midi, la commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. Philippe Marini, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 49, 49 bis et 49 ter).
Cette mission poursuit en 2012 les réformes engagées depuis plusieurs années avec la suppression de la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, et la réforme de la direction du service national (DSN).
Elle demeure sur sa pente baissière, avec une contraction de ses crédits de 4,3 % par rapport à 2011, contre 3,3 % en 2011 par rapport à 2010, soit un budget de 3,17 milliards en crédits de paiement. La baisse régulière des crédits de la mission s'explique pour l'essentiel par la diminution démographique des ayants droit. En effet, le nombre de bénéficiaires de la pension militaire d'invalidité (PMI) chute en 2012 de 15 250 unités, et celui des bénéficiaires de la retraite du combattant de 55 500.
Après le vote intervenu à l'Assemblée nationale, ce budget a été légèrement modifié par une économie de 14 millions d'euros. Cette diminution répond à l'exigence d'économie globale supplémentaire de 1 milliard d'euros annoncée par le Gouvernement au début de la discussion budgétaire. Cette économie est permise par des marges ponctuelles en gestion 2011 sur le programme 169. Les crédits non consommés seront reportés en 2012 conformément aux dispositions de la LOLF. Il est donc proposé d'annuler ce même montant dans le cadre de la réduction des dépenses affichées sur 2012.
Cependant, dans le contexte budgétaire que nous connaissons, cette mission préserve l'ensemble des droits des populations combattantes. Elle les renforce même par la majoration de 4 points au 1er juillet 2012 de la retraite du combattant en la portant à 48 points. Cette mesure n'est donc pas électoraliste en ne prenant pas effet avant les élections. Je vous rappelle que cette retraite concerne plus de 1,2 million de titulaires de la carte du combattant et que son montant annuel est ainsi porté à 665 €.
Ce budget consacre également l'Office national des anciens combattants et victimes de la Guerre (ONAC) comme opérateur majeur de la mission. Guichet unique avec une représentation départementale confirmée, il reçoit plus de 196 millions d'euros de la mission dont une subvention pour charges de service public de 57,5 millions.
Chacun des trois programmes présente des évolutions spécifiques.
Les crédits du programme 167 « Liens entre la nation et son armée » baissent de 12,1 % en crédits de paiement. Cette baisse s'explique essentiellement par la poursuite de la réforme de la DSN qui quitte son siège de Compiègne, où elle était très bien, pour Orléans. Ceci se traduit par une réduction des effectifs, avec la suppression de 526 emplois, ramenant le plafond d'emplois de la direction à 1 587 ETPT. L'année 2012 voit deux principales restructurations intervenir avec le transfert de la fonction archives au service historique de la défense et le déplacement, que je regrette à titre personnel, de l'administration centrale de la DSN à Orléans.
Ce programme comporte le soutien de la nouvelle Journée Défense et citoyenneté. Il convient à ce titre de relever une statistique qui laisse apparaître que seulement 97 % des jeunes d'une classe d'âge se fait recenser ce qui laisserait plus de 22 000 jeunes plongés dans ce que l'on peut appeler une « trappe civique ». Nous devrons certainement nous pencher sur ce dysfonctionnement.
Je note, par ailleurs, l'effort reconduit de 4,75 millions d'euros pour l'objectif de rénovation globale des nécropoles militaires pour le centenaire de la Grande Guerre.
Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant » reste lui marqué par la baisse de la population des anciens combattants qui se répercute sur l'action « Administration de la dette viagère », dont les crédits baissent de 115 millions d'euros.
Je veux également noter avec satisfaction l'engagement pris à l'Assemblée nationale par le Gouvernement pour revaloriser le plafond de l'aide différentielle servie aux conjoints survivants les plus démunis en 2012 à 869 € au lieu de 834 €. Le Gouvernement devra être interrogé sur les conditions de sa mise en oeuvre.
Le troisième programme, le programme 158, qui porte sur l'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale, voit sa dotation légèrement augmenter de 1,1 % en crédits de paiement. Il convient de souligner l'amélioration de sa gestion opérée tant par la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) que par l'ONAC.
Sous le bénéfice de ces quelques observations, je vous propose d'adopter les crédits de la mission sans modification.
Concernant les articles rattachés ils sont au nombre de trois :
- l'article 49 permet la revalorisation de 4 points au 1er juillet 2012 de la retraite du combattant. Son coût pour 2012 est de 18,5 millions d'euros pour une mesure en année pleine qui aura un coût de 74 millions. Cet article témoigne de la reconnaissance portée à nos anciens combattants et j'espère qu'il pourra être adopté de façon unanime par notre commission ;
- l'article 49 bis introduit par un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale vise à revaloriser de 360 points la réversion des conjoints survivants de grands invalides, pensionnés au delà de 11 000 points. L'objectif est de réduire l'effet de la perte de revenu au décès du grand invalide. Je vous propose son adoption dont le coût sera minime, environ 60 000 euros ;
- enfin, l'article 49 ter, introduit par un amendement du groupe Nouveau Centre à l'Assemblée nationale, demande un rapport au Gouvernement sur les modalités de révision du décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord. Aujourd'hui seuls les fonctionnaires et assimilés ayant liquidé leur retraite après la date du 18 octobre 1999 peuvent jouir de ces bénéfices de campagne. C'est un sujet qui ne concerne pas directement les crédits de cette mission mais qui fait l'objet de plusieurs propositions de lois. Je vous propose de donner un avis favorable à cet article.
Merci de ces précisions et de cet avis. Avant de donner la parole à nos collègues de la commission des finances, j'invite Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, à prendre la parole.
Je souhaite mettre l'accent sur la suppression de 14 millions d'euros intervenue à l'Assemblée nationale qui aurait pu servir à l'allocation différentielle versée par l'ONAC. Par ailleurs, la revalorisation de la retraite du combattant est une très bonne chose mais elle devrait intervenir au 1er janvier 2012 et non au 1er juillet. J'aurai l'occasion de revenir sur ces différents points en séance publique.
La rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales relaie ici une demande portée par nombre d'associations d'anciens combattants.
Je souhaite revenir sur la JDC. Je rappelle qu'après la disparition du service national puis du service civil, auquel s'est substitué l'excellent service civique qui avait comme objectif d'accueillir 10 % d'une classe d'âge, objectif à peu près atteint aujourd'hui, à tel point que les crédits vont manquer, l'un des objectifs de cette JDC est de faire la promotion du service civique. Un message devrait être passé aux autorités militaires pour qu'elles en fassent effectivement la promotion.
Sur l'article 49 ter, j'estime qu'alors que cette question de la campagne double pour l'ensemble des combattants d'Afrique du Nord est discutée depuis longtemps, la demande du dépôt d'un rapport est un affichage mais en rien une réponse.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué les prochaines élections au sujet de la revalorisation de 4 points de la retraite du combattant au 1er juillet 2012. J'estime que le dépôt d'un rapport d'information sur la campagne double, qui est un dossier parfaitement connu de tous les Gouvernements, au 1er juin 2012 ajouté à la revalorisation de 4 points de la retraite du combattant au 1er juillet en période d'élections législatives sont des mesures parfaitement électoralistes. Par ailleurs le coût de la revalorisation au 1er juillet de la retraite du combattant pèse surtout sur l'année 2013. C'est ainsi une façon de laisser la dépense aux suivants. Je vous indique que le groupe socialiste votera contre ce rapport.
Je voudrais poser une question complémentaire concernant le coût de la mesure de revalorisation de 4 points de la retraite du combattant au 1er juillet 2012. Comment se fait il que cette mesure n'ait qu'un coût correspondant au quart de la mesure en année pleine ?
Pour répondre aux analyses de Mme Gisèle Printz, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, je peux vous indiquer que la mesure de réduction de 14 millions d'euros sera indolore pour le budget 2012 puisque ces 14 millions seront pris sur les crédits non-consommés en 2011. Peu de missions peuvent participer à cet effort de réduction globale de 1 milliard dans ces conditions. Je peux comprendre la volonté de satisfaire certaines demandes mais la situation ne le permet pas.
Je veux rappeler suite à l'intervention de M. Yvon Collin le rôle essentiel qui a été le sien dans la naissance du service civique et, comme rapporteur spécial de cette mission, j'effectuerai un contrôle afin de déterminer les liens à établir entre JDC et service civique tout en tentant de trouver des réponses à la question soulevée par ces 3 % d'une classe d'âge qui échappent au recensement.
M. Jean-Marc Todeschini, ancien rapporteur spécial de la mission, qui représente tout comme moi un département particulièrement marqué par les conflits du vingtième siècle, s'oppose comme plusieurs de ses collègues, sur l'article 49 ter, à l'adoption de ce rapport sur la campagne double. Nous ne faisons pas de l'adoption de cet article, sur une question en effet déjà bien connue, un casus belli. Cependant qualifier d'électoraliste la promesse d'un rapport au 1er juin ou la revalorisation de la retraite du combattant me paraît excessif. Si le Gouvernement avait vraiment voulu être électoraliste, il aurait fait en sorte que cette retraite soit versée avant les élections. Enfin, pour répondre à l'interrogation du président Jean-Claude Frécon, il faut rappeler que la retraite du combattant est versée semestriellement à date anniversaire au titulaire de la rente. Les dates d'échéances correspondent aux dates d'anniversaire des bénéficiaires pour le premier versement et à celles-ci plus six mois pour le second versement. Ainsi, par construction comptable, son coût, selon les données des services de Bercy, équivaut à un quart de celui d'une mesure en année pleine soit 18,48 millions d'euros.
Je vous remercie pour cette réponse mais je m'interroge cependant sur le lien entre la date anniversaire et le coût de la mesure limité à un quart d'une année pleine pour une demi-année.
Pour préciser ma réponse, je vous indique que la retraite du combattant étant versée semestriellement à terme échu, les premiers versements revalorisés seront ceux de juillet. Ils ne concerneront, pour la période des six premiers mois impactés de janvier à juillet, au maximum que le mois de juillet. La revalorisation monte ainsi en puissance tout au long du deuxième semestre 2012. Ceci explique le décalage observé dans le besoin de financement. De plus par convention, les pensionnés ne résidant pas en France sont considérés sur la base d'une date d'anniversaire fictive au 1er janvier.
La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission «Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » ainsi que des articles 49, 49 bis et 49 ter du projet de loi de finances pour 2012.
Présidence de M. Philippe Marini, président -
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Eric Bocquet, rapporteur spécial, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et article 61).
Monsieur le Président, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui retrace une partie de l'intervention de l'Etat au titre de la solidarité nationale et finance des actions disparates :
- l'insertion par l'emploi ;
- les tutelles des majeurs ;
- le handicap ;
- le soutien aux familles ;
- ou encore l'égalité entre les hommes et les femmes.
Elle porte surtout des dépenses d'intervention, qui sont obligatoires, et sur lesquelles les marges de manoeuvre restent faibles. Ces dépenses, pour les principales, sont connues, il s'agit de :
- l'allocation aux adultes handicapés : l'AAH ;
- le revenu de solidarité active, le RSA, pour sa partie activité ;
- l'allocation supplémentaire d'invalidité.
Nous ne saurions reprocher cette hétérogénéité qui n'est qu'un révélateur de la diversité des situations de détresse sociale. En revanche, nous pouvons regretter un certain manque de lisibilité de l'action publique.
D'ailleurs, la mission ne donne pas une vision exhaustive de la politique de solidarité nationale et ce pour trois raisons.
Tout d'abord, la politique de solidarité relève également, si ce n'est plus, de la responsabilité des départements et des organismes de sécurité sociale. Par exemple, le programme « Handicap et dépendance », hormis quelques crédits relatifs à la maltraitance des personnes âgées, ne contribue guère à la problématique de la perte d'autonomie.
Ensuite, l'intervention de l'Etat recoupe d'autres politiques publiques et est donc logiquement retracée dans d'autres missions du budget général, telles que « Ville et logement » ou « Travail et emploi ».
Enfin, l'Etat met en oeuvre une politique fiscale tout autant qu'une politique budgétaire. A titre d'illustration, les dépenses fiscales rattachées à la mission représentent près de 12,5 milliards d'euros cependant que les crédits budgétaires s'élèvent à 12,75 milliards d'euros, soit des montants quasiment équivalents.
Outre 11 milliards d'euros de dépenses d'intervention inscrites sur quatre programmes, la mission comprend également un programme support, qui rassemble tous les moyens des « ministères sociaux », tant au niveau national que déconcentré, étant précisé que, par la magie de la révision générale des politiques publiques (RGPP), les services du sport, de la jeunesse et de la vie associative sont désormais rattachés aux « ministères sociaux ».
Le programme support est doté d'environ 1,4 milliard d'euros, dont 1,2 milliard au titre des crédits de personnels.
Avant d'entrer dans le vif du sujet budgétaire, je voudrais d'abord m'arrêter sur l'intervention fiscale de l'Etat puisque trente dépenses fiscales sont rattachées à la mission en 2012. Je sais que mes prédécesseurs ont longtemps regretté ne pas disposer d'évaluations précises sur l'ensemble de ces niches.
Le contexte est désormais différent puisque le rapport Guillaume sur l'évaluation des dépenses fiscales a été rendu public le mois dernier. Hélas, le bilan n'est pas fameux ! Sur trente-deux niches étudiées en 2010, le Comité considère que dix-huit d'entre elles ne sont pas efficaces dans l'absolu ou pas suffisamment au regard de leur coût, pour un total de près de 9 milliards d'euros.
Les principaux reproches adressés à ces dispositifs dérogatoires sont les suivants :
- caractère anti-redistributif de la mesure ;
- redondance et mauvaise articulation avec d'autres dispositifs ;
- instrument fiscal inadapté au regard de l'objectif poursuivi.
A titre d'illustration, je liste, dans mon rapport écrit, une partie des dispositifs dont peuvent bénéficier les personnes invalides, soit une dépense sociale, une dépense budgétaire et, au moins, trois dépenses fiscales différentes, soit a minima cinq instruments !
Au fil des années, les dispositifs se sont empilés sans cohérence, ni réflexion d'ensemble. Les moyens et deniers publics sont mal organisés et par conséquent mal utilisés.
Alors, bien sûr, la solution de facilité serait de trancher d'un coup net, définitif, ce noeud gordien et de supprimer ainsi l'ensemble des niches jugées inefficaces.
Je ne crois pas à cette solution. Plus encore, je ne l'admettrais pas. Le droit fiscal est constitué d'un embrouillamini de dispositions hétéroclites qui supportent mal toute révolution en forme de « big-bang ». A cet égard, je rappellerai, pour mémoire, le triste précédent de la « suppression » de la taxe professionnelle...
Appliquée aux dépenses fiscales de solidarité, une telle méthode aurait des conséquences désastreuses avec des effets de bord non anticipés qui léseraient de nombreux foyers fragiles.
La méthode doit être plus chirurgicale. Je crois qu'il faut revoir, par catégorie de bénéficiaires, l'ensemble des dispositifs budgétaires, sociaux et fiscaux applicables et se fixer deux principes de réforme :
- assurer un montant de redistribution au moins équivalent à celui d'aujourd'hui ;
- et assurer une plus grande redistributivité des mécanismes fiscaux.
J'en viens maintenant aux considérations plus strictement budgétaires. Je l'ai dit, la mission rassemble plus de 12,75 milliards d'euros de crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 3,14 % par rapport à l'an passé. En réalité, cette augmentation résulte du très fort dynamisme de l'AAH, en hausse 6 %, et dissimule la baisse, parfois justifiée mais souvent inappropriée, des dotations des autres programmes.
Dans le temps qui m'est imparti, je me limiterai à quelques rapides observations.
En ce qui concerne le programme « Lutte contre la pauvreté : RSA et expérimentations sociales », l'analyse budgétaire est un peu ardue. En effet, il porte, à titre principal, la dotation d'équilibre du Fonds national des solidarités actives (FNSA) qui finance le « RSA activité », c'est-à-dire le complément de revenus versé aux « travailleurs pauvres ».
En conséquence, nous devons étudier en détail les recettes et les dépenses du Fonds pour savoir si la dotation d'équilibre apportée par l'Etat est correctement calibrée.
Or, par le passé, du fait d'une lente montée en charge du « RSA activité », le Fonds a accumulé les excédents de trésorerie, jusqu'à 1,3 milliard d'euros fin 2010 !
Pour 2012, la dotation du Fonds est fixée à 535 millions d'euros contre 700 millions en 2011. Néanmoins, sa trésorerie devrait toujours s'établir autour de 250 millions d'euros fin 2012.
Je n'ai donc pas d'inquiétude sur la dotation RSA. Je regrette simplement que l'Etat accumule les excédents sur le « RSA activité » pendant que les départements ont de plus en plus de mal à financer le « RSA socle ».
J'ajoute également que, les années passées, le Gouvernement a profité des excédents disponibles sur le FNSA pour financer, en fin d'année, la prime de Noël et cela, en dehors de toute autorisation parlementaire.
Je souhaite par conséquent que la prime de Noël soit inscrite de manière pérenne dans la loi de finances initiale, ce qui serait plus conforme aux règles budgétaires et qui, de surcroît, permettrait de lever l'hypocrisie selon laquelle la prime ne serait qu'un dispositif exceptionnel - alors même qu'elle a été renouvelée chaque année depuis 1998 !
En ce qui concerne, le programme « Actions en faveur des famille vulnérables », je constate tout d'abord une absence de dotation du Fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNPE), laissant les conseils généraux supporter une charge croissante en matière d'aide sociale à l'enfance.
Une fois de plus, le Gouvernement marque son refus d'appliquer les obligations issues de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. Combien de fois encore faudra-t-il qu'il soit condamné par les juridictions administratives pour qu'il assume enfin ses responsabilités ?
Par ailleurs, le programme porte, très majoritairement, des crédits destinés à financer la protection juridique des majeurs, à hauteur de plus de 216 millions d'euros. Nous aurons bientôt l'occasion d'étudier en détail ce chapitre lors de la présentation d'une enquête que notre commission a demandée à la Cour des comptes.
S'agissant du programme « Handicap et dépendance », les crédits de l'AAH représenteront, en 2012, la somme substantielle de 7,5 milliards d'euros. Et encore, je calcule qu'il devrait manquer au moins 200 millions d'euros à la fin de l'année.
Nous savons que la dépense d'AAH progresse de près de 8 % par an sous l'action d'un « effet-prix », la revalorisation du montant de l'AAH de 25 % sur cinq ans, et d'un « effet-volume », la hausse du nombre de bénéficiaires, qui est, en réalité, mal comprise.
Le Gouvernement nous annonce son intention de réaliser 100 millions d'euros d'économies sur cette prestation. J'en prends acte mais permettez-moi d'en douter !
Quant au programme « Égalité entre les hommes et les femmes », je voudrais distribuer un bon point malheureusement tout de suite balayé par un très mauvais point.
Je suis d'ailleurs un peu surpris que cette politique figure dans la mission « Solidarité ». La condition féminine, l'égalité entre les hommes et les femmes devrait relever d'un ministère dédié et ne peut se réduire à la simple notion de solidarité. Il me semble que nous avons besoin d'une politique plus vaste, plus ambitieuse.
Néanmoins, s'agissant du bon point, le Gouvernement nous offre une maquette budgétaire renouvelée, plus lisible, qui semble refléter une vision en matière d'égalité entre les hommes et les femmes.
Malheureusement, nous constatons dans le même temps une aggravation de la diminution des moyens de cette politique, ce que vient confirmer la baisse de 5 % des crédits. A vrai dire, je suis scandalisé que le Gouvernement ait choisi des économies de « bout de chandelle » sur ce programme et de surcroît par réduction des subventions aux associations. Ce sont les rouages indispensables pour la mise en oeuvre de la politique d'égalité sur le terrain !
Symboliquement, j'ai l'impression que le Gouvernement nous explique que, dans le projet de société français, les femmes n'ont plus leur place !
Enfin, en ce qui concerne le programme support « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », je me limiterai à une observation. Les crédits de personnel représentent 1,2 milliard d'euros, en baisse de près de 5 %.
Le Gouvernement nous vante le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui est effectivement mis en oeuvre. Mais, en l'espèce, la diminution des crédits s'explique surtout par le transfert de personnels vers d'autres missions du budget général et non par la maîtrise de la dépense.
En conclusion je constate que :
- l'Etat accumule des excédents sur le RSA pendant que les départements ont de plus en plus de mal à financer leurs dépenses sociales ;
- le Gouvernement refuse délibérément de doter le FNPE et, là encore, fait peser sur les départements une charge croissante en matière d'aide sociale à l'enfance ;
- la politique du handicap fait l'objet d'un effort - certes méritoire - de budgétisation par rapport aux années passées, mais nous savons déjà qu'il ne sera probablement pas suffisant ;
- en matière d'égalité entre les hommes et les femmes, je viens de le dire, les choix d'économies sont dérisoires au regard du déficit public mais particulièrement brutaux pour les associations visées.
Pour l'ensemble de ces raisons, je ne peux pas adhérer au budget qui nous est proposé, qui reflète une politique prenant insuffisamment en compte nos concitoyens parmi les plus fragiles et les plus modestes.
Je vous propose par conséquent le rejet des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
L'article 61 rattaché, quant à lui, a pour objet de mettre à la charge du FNSA, et donc de l'Etat, l'intégralité des dépenses relatives au « RSA jeunes », pour l'année 2012, et de prolonger ainsi le dispositif dérogatoire appliqué depuis deux ans.
Il s'agit d'une disposition bienvenue qui évite la création d'une « usine à gaz » juridique et financière entre l'Etat et les départements pour des sommes très modestes. Je vous propose de l'adopter sans modification.
Je souhaiterais revenir sur le RSA, car le rapporteur souligne que son financement est « paradoxal » : d'un coté, le « RSA activité » est surdoté alors que, de l'autre, le « RSA socle » constitue une charge de plus en plus importante pour les départements.
Par ailleurs, le rapporteur évoque également un sujet intéressant, celui de l'avenir de la prime pour l'emploi (PPE) et de son éventuel fusion avec le RSA. C'est une question que nous avons déjà soulevée. Je permets de citer le rapport écrit : « en 2008, le pas n'avait pas été franchi mais les travaux d'analyse complémentaires demandés par le Parlement ne lui ont jamais été remis ».
Dans le cadre global de la réforme de la fiscalité des personnes, on peut effectivement s'interroger sur la place de la PPE. Il aurait été intéressant de disposer de ce rapport.
Madame la rapporteure générale, je m'associe à votre question et il serait utile que nous disposions d'éléments d'appréciation sur les arguments favorables et défavorables à une fusion du RSA, de la PPE et de l'allocation de solidarité spécifique (ASS). C'est un sujet qui mérite d'être élucidé et nous manquons de chiffres. Le rapporteur spécial peut contribuer à débroussailler ce sujet.
Vous le savez, le département du Nord, que je représente, croule sous les demandes de RSA auxquelles le conseil général a du mal à faire face. Et voilà que je découvre que le « RSA activité » comprend plus de crédits que nécessaires. Je me suis bien sûr interrogé sur ce hiatus.
En tout état de cause, à compter de sa création, un minimum social nécessite toujours un temps de montée en charge qui ne peut être réduit à un ou deux ans. Plus spécifiquement sur le RSA, on peut identifier des problèmes de communication puisqu'il semblerait que des allocataires potentiels ne connaissent pas le dispositif. Les caisses d'allocations familiales (CAF) nous indiquent également qu'il ne faut pas sous-estimer un ressort psychologique. Parfois, certains refuseraient d'entrer dans le RSA estimant - et c'est tout à fait légitime et louable - pouvoir vivre dignement d'un salaire, d'un travail, d'un métier. On assiste donc à une forme d'autocensure. Enfin, nous constatons un manque criant de référents au titre de l'insertion. Nous savons que le RSA ne va pas de soi pour diverses raisons : problèmes de santé, illettrisme, etc. Plus de 20 % des bénéficiaires sont dans le dispositif RSA depuis plus de cinq ans. On doit s'interroger sur la nécessité d'augmenter le nombre de référents. Car, au-delà de l'aide financière, il faut des personnes pour accompagner ces publics parfois très éloignés de l'emploi et même, tout simplement, de la vie sociale. Le jeu combiné de ces critères nous conduit à la situation paradoxale de crédits sous-consommés au niveau national.
Concernant la PPE, le RSA est imputé sur la prime, c'est-à-dire que son montant est diminué des sommes versées au titre du RSA. En tout état de cause, ce sont bien deux dispositifs qui visent le même objet et le même public, d'où l'idée, somme toute logique, de les fusionner.
Nous avions eu ce débat, à l'époque, avec Martin Hirsch. Les raisons pour lesquelles la PPE n'a pas été fusionnée avec le RSA ne m'ont jamais paru très convaincantes.
Le rapporteur spécial souligne, à juste titre, la sur-budgétisation du « RSA activité ». Le constat n'est pas nouveau, je l'avais fait moi-même, l'année dernière, en tant que rapporteur spécial. Nous avions considéré que les chiffres étaient très exagérés et que la consommation serait moindre. Notre prévision s'est révélée exacte.
Vous indiquez également que l'Etat refuse de se soumettre à ses obligations légales en matière de dotation du FNPE alors qu'il y a eu des décisions de justice. Notre constat est partagé et nous étions sur la même ligne l'année dernière. En revanche, nous n'étions pas arrivés à la même conclusion. En effet, nous avions voté un amendement qui avait pris une partie des excédents du « RSA activité », à hauteur de 50 millions d'euros, pour les transférer vers le FNPE. Cette somme avait été réduite à 10 millions d'euros en CMP.
Comme l'année dernière, je crois que nous pouvons voter les crédits de la mission mais proposer des transferts entre ce que nous considérons comme excédentaire et les sous-budgétisations que nous avons identifiées.
Quant au transfert des crédits entre « RSA activité » et « RSA socle », ce n'est pas possible de procéder par amendement sur cette mission, mais je partage bien évidemment le constat qui a été dressé.
Je fais mienne la position de notre rapporteur spécial sur la question de la volonté et des outils pour traiter de la problématique de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Il n'y a plus de secrétariat d'Etat. Il n'y a guère plus de visibilité dans les régions et dans les départements : les déléguées régionales et les chargées de mission départementales de ce ministère sont aujourd'hui rattachées, respectivement, au secrétariat général pour les affaires régionales (SGAR) et aux directions départementales de la cohésion sociale. Or nous savons bien que ces directions « ramasse-tout » voient leur dotation budgétaire diminuer.
L'an dernier, nous avions réussi, en concertation avec les rapporteurs spéciaux et l'Assemblée nationale, à augmenter les crédits inscrits sur le programme « Egalité entre les hommes et les femmes », en particulier les subventions aux associations. Cette année, je constate que nous perdons à nouveau 5 % sur cette enveloppe. Les associations s'interrogent. Par exemple, des foyers d'accueil pour les femmes victimes de violence - dont je rappelle qu'il s'agissait d'une grande cause nationale en 2010 - voient leurs crédits diminuer, voire supprimés.
Je regrette ces choix tout à fait détestables et je pense qu'il faut montrer notre désaccord. Le groupe socialiste suivra donc la recommandation de notre rapporteur spécial et votera contre les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Je crois que, aujourd'hui, il n'y a pas de volonté de promouvoir l'égalité entre les hommes et les femmes. Certains continuent de s'amuser en pensant qu'il s'agit d'un vieux combat. Or nous constatons, ici même, au Sénat, qu'il y a trois femmes de moins depuis le dernier renouvellement.
Le rapporteur spécial a-t-il une certitude sur le versement de la prime de Noël en 2011 ?
Parmi les remarques du rapporteur spécial, il y en a une que je partage, parce que je l'ai formulée à de nombreuses reprises, c'est celle relative à la prime de Noël. Bien que régulière depuis 1998, elle est traitée, chaque année, comme si c'était un geste exceptionnel. Ce n'est évidemment pas satisfaisant sur le plan des bonnes méthodes budgétaires.
Je n'ai pas de certitude mais il serait question - je parle bien au conditionnel - qu'elle soit versée cette année.
Mon interrogation porte sur l'AAH, pour laquelle notre rapporteur indique que l'effort de budgétisation ne sera peut-être pas suffisant. Est-il possible de faire la part, dans la progression de l'allocation, entre ce qui relèverait de la revalorisation de son montant et de ce qui relèverait de la hausse du nombre de bénéficiaires ?
Je confirme que l'imputation du RSA sur la PPE conduit à des économies non négligeables sur le budget général avec pour conséquence de réduire le pouvoir d'achat des foyers qui en bénéficient. J'aurai l'occasion d'y revenir à l'occasion de la présentation de mon rapport sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».
Je constate également la difficulté à prendre en compte la situation critique des demandeurs d'emploi qui perçoivent le RSA. Sur le terrain, je vois bien l'insuffisance des professionnels qui permettraient d'aider ces personnes vers le retour à l'emploi. Nous avons besoin de plus d'accompagnement, qui devrait être fortement privilégié, alors qu'il manque de moyens.
S'agissant de la proposition de M. de Montgolfier, nous pourrions tout à fait utiliser les excédents dégagés sur le « RSA activité » pour financer le FNPE. Mais ces excédents seront-ils suffisants pour combler les manques que nous avons identifiés sur l'AAH, sur l'égalité entre les hommes et les femmes, ou encore sur le « RSA socle » ? Non, bien évidemment. Voilà pourquoi, je préconise le rejet des crédits de la mission.
En ce qui concerne l'égalité entre les hommes et les femmes, je n'aborde pas ce sujet par esprit de polémique ou par démagogie - puisque le terme est à la mode - mais parce qu'il s'agit d'une vraie question. Quand les temps sont difficiles, on a tendance à en rabattre un peu sur ces politiques, en considérant qu'il s'agit d'un supplément d'âme dont on pourrait faire l'économie, pas tant d'un point de vue financier que politique. Ce n'est pas que l'affaire des associations, aussi volontaires, aussi engagées et déterminées soient-elles. Nous avons besoin d'axes structurants au plan national. Et on ne peut que déplorer l'absence d'un ministère dédié alors que l'on constate plutôt une phase de recul en ce moment tant au niveau professionnel qu'électoral, comme on vient de l'évoquer. Ce n'est pas parce que les temps sont durs qu'il faut abandonner cette politique.
Concernant l'AAH, on ne sait pas dans quelle proportion exacte imputer sa progression à tel facteur ou tel autre. Les précédents rapporteurs spéciaux et la Cour des comptes, chacun de leur coté, ont montré qu'elle résulte de causes diverses : la revalorisation de 25 % - qu'il faut saluer - la crise ou encore l'attribution de l'AAH à des personnes qui pourraient ou devraient relever du RSA.
Je voudrais justement revenir sur l'harmonisation des pratiques des maisons départementales des personnes handicapées, dont vous redoutez un « nivellement par le bas » qui pourrait conduire à exclure des personnes du dispositif. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
En réalité, cette problématique recouvre ce que je disais à l'instant. Il peut exister des difficultés d'appréciation pour le handicap mental léger et on ne sait pas si certains bénéficiaires doivent plutôt bénéficier du RSA ou de l'AAH. C'est que l'on nomme parfois le « handicap social ». Concrètement, le décret devrait conduire à admettre moins de personnes dans le dispositif, mais nous jugerons sur pièces.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et l'adoption, sans modification, de l'article 61 du projet de loi de finances pour 2012.
Puis la commission examine le rapport de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Cette année, les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » sont présentés avec ceux du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». Les deux missions ont, en effet, en commun de traiter et de couvrir les dépenses de la politique de communication et d'information du Gouvernement.
S'il fallait caractériser la mission « Direction de l'action du gouvernement », je dirais que c'est une sorte de « couteau suisse » de l'action gouvernementale. Elle constitue un cadre budgétaire pour les différentes réformes en matière d'administration et de protection des droits. Elle vise notamment à mettre en oeuvre des procédures d'optimisation de la gestion des services du Premier ministre, des administrations déconcentrées et de neuf autorités administratives indépendantes.
Après de profondes évolutions ces quatre dernières années, la maquette de la mission semble s'être stabilisée au niveau des programmes puisqu'elle est composée de :
- la coordination du travail gouvernemental qui rassemble les crédits des fonctions stratégiques des services du Premier ministre ;
- la mutualisation des moyens des administrations déconcentrées qui met en oeuvre la réforme des administrations territoriales de l'Etat. Ce programme retrace les dépenses des moyens de fonctionnement courant des directions départementales interministérielles (DDI) ainsi que les charges immobilières de la plupart des services déconcentrés : les DDI, mais aussi les directions régionales, les préfectures et sous-préfectures, les SGAR, secrétaires généraux pour les affaires régionales... ;
- la protection des droits et liberté qui rassemble neuf AAI, ou devrais-je plutôt dire huit AAI, parmi lesquelles la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et une nouvelle autorité constitutionnelle indépendante, une ACI, le Défenseur des droits. Ce dernier est issu de la fusion à budget constant du Médiateur de la République, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) ainsi que du Défenseur des enfants.
L'architecture de la mission demeure toutefois particulièrement complexe car si l'on doit, par exemple, retracer les dépenses des SGAR, il faut interroger trois actions de trois programmes de deux missions, « Direction de l'action du Gouvernement » et « Administration générale et territoriale de l'Etat ».
S'agissant des crédits, le total des dotations de la mission s'élève à 1,14 milliard d'euros en crédits de paiement en 2012, en progression de 2,84 % par rapport à 2011. Cette hausse masque cependant des évolutions contrastées, selon les entités.
Les crédits du programme de la coordination du travail gouvernemental, qui s'établissent à un peu moins de 600 millions d'euros, demeurent relativement stables, à l'exception de ceux du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Ses dotations, d'un montant de 237 millions d'euros, enregistrent une hausse de 8 % par rapport à 2011. Ils sont essentiellement dédiés au développement de l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, dont la mission consiste notamment à lutter contre les cyber-attaques.
La hausse de 2 % de l'enveloppe du programme de mutualisation des moyens des administrations déconcentrées, qui est fixée à un peu moins de 450 millions d'euros en 2012, s'explique, quant à elle, par une augmentation des dotations de fonctionnement des DDI à hauteur de 14 %. Les besoins des directions départementales interministérielles ont été sous évalués en 2011. Les délais d'élaboration du programme dans le PLF de 2011 ont été trop courts.
Quant à la progression globale de 3 % des dotations des AAI, c'est, cette fois, au profit de la CNIL que le réajustement de crédits est effectué. Ces derniers augmentent de 9 % en 2012 afin de lui permettre de faire face à ses nouvelles attributions en matière de contrôle des dispositifs de vidéoprotection. La commission dispose donc en 2012 d'un peu plus de 17 millions d'euros.
Vous l'aurez compris, au-delà des chiffres, ce programme représente pour le Gouvernement une capacité stratégique pour agir dans certains domaines sensibles.
La volonté politique est cependant contrainte par la mise en oeuvre de la RGPP qui marque de son empreinte les trois programmes de la mission. Les services du Premier ministre voient leurs dépenses de fonctionnement réduites de 10 % sur la période 2011-2013. Le nombre de cabinets ministériels à la charge des services du Premier ministre est passé de six à deux en 2012, après le dernier remaniement ministériel. Les dépenses locatives des administrations déconcentrées du programme de mutualisation doivent également être réduites, comme celles des AAI du programme de protection des droits de la mission.
Sur ce point, la rénovation de locaux de 56 000 m², avenue de Ségur dans le septième arrondissement de Paris, prévus pour accueillir le centre du gouvernement en 2015, devrait permettre d'héberger 2 800 postes de travail, dont les effectifs des AAI qui le souhaitent comme la CNIL ou le Défenseur des droits.
Enfin, en matière de performance, celle-ci apparaît perfectible tant en matière de mesure que de résultats. Ainsi 68 % seulement des crédits du programme de coordination du travail gouvernemental font l'objet d'une évaluation. La performance du programme de mutualisation des moyens des administrations déconcentrées pourrait être complétée d'un indicateur mesurant l'efficience de la gestion du parc automobile. C'est l'un des points majeurs du programme, présenté par la circulaire du 2 juillet 2010, dite « Etat exemplaire », qui n'est toujours pas évalué.
Quant aux AAI, les indicateurs révèlent une marge de progression dans le domaine de la logistique que le Défenseur des droits devrait permettre de réaliser en partie.
Avant de vous présenter les crédits de la mission « Publications officielles et information administrative », je souhaiterais ajouter que le large spectre des missions des vingt-trois entités de travail gouvernemental m'amèneront à entreprendre, au cours du premier trimestre de l'année 2012, un cycle d'auditions de ces différents organismes afin d'évaluer la portée de leur action, l'adéquation de leurs besoins ainsi que l'articulation de leurs activités dans l'ensemble de la mission.
Les crédits du budget annexe « Publications officielles et information administrative » que je vais vous présenter maintenant sont atypiques en ce sens qu'ils ne bénéficient d'aucune subvention du budget général, mais au contraire reversent un excédent chaque année à celui-ci.
Le budget annexe retrace les crédits de la direction de l'information légale et administrative, ou DILA, dont la stratégie demeure celle du service public de l'accès au droit et à l'information administrative, d'éditeur et d'imprimeur public de référence, s'appuyant sur les ressources des annonces légales, avec un rôle interministériel accru.
L'année 2012 sera la troisième année d'existence de la DILA, depuis la fusion des directions des Journaux officiels et de la Documentation française. La restructuration a porté essentiellement sur la mutualisation des instances support. Une seconde étape portera, à partir de 2012, sur l'amélioration de l'organisation des services. La fusion a déjà permis une baisse substantielle des coûts de fonctionnement de la direction, un excédent budgétaire de 49 millions d'euros a été dégagé en 2010 et un montant identique est attendu pour 2011.
Les crédits sont estimés à 181,1 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit - 1,7 %, et à 187,1 millions d'euros en crédits de paiement, soit - 6 %. Les dépenses d'investissement marquent une légère pause, la modernisation de l'imprimerie et la restructuration des locaux sont terminés, les crédits sont concentrés sur des projets informatiques et la poursuite du renouvellement de la plate-forme éditoriale.
Cette année encore, les dotations sont couvertes par les recettes de la DILA, qui sont attendues à hauteur de 200,3 millions d'euros, en légère baisse. Le solde positif est estimé à 13,2 millions d'euros.
Afin de maintenir le bon niveau des recettes d'annonces légales, qui constituent l'essentiel des ressources du budget annexe, la direction multiplie les démarches commerciales, sous forme de forfaits dégressifs et d'avantages en termes de gestion aux collectivités publiques et aux entreprises.
Un projet d'externalisation des activités de stockage et de distribution mobilise à ce jour les personnels. La DILA envisage d'externaliser ces activités pour plusieurs raisons : sur le plan matériel et après l'abandon du site d'Aubervilliers, les stocks de la Documentation française ont été déplacés dans les locaux des services du Premier ministre de l'avenue de Ségur, qui doivent être libérés en milieu d'année.
Par ailleurs, la DILA, qui a vocation à devenir un grand pôle public d'édition, de diffusion, d'impression et d'information administrative de l'Etat, doit pouvoir se recentrer sur ces actions. Confier les activités de distribution à une entreprise spécialisée apportera un meilleur service aux libraires ainsi qu'une visibilité accrue de ses productions éditoriales. La direction s'engage à ce que chacun des trente-cinq salariés se voie confier une nouvelle affectation sans perte de rémunération. Des négociations sont en cours avec les organisations syndicales représentatives des personnels.
Enfin, en matière de performance, l'attention est portée plus particulièrement sur les coûts. La DILA est l'opérateur des sites internet ministériels les plus consultés : « Légifrance » et « Service-public », et du service de renseignement téléphonique « Allo 39-39 ». Au-delà de la performance, la question qui se pose est comment offrir un service public d'accès au droit et à l'information administrative tout en assurant les ressources nécessaires à la création de ces offres.
Sous réserve de ces observations, je vous propose l'adoption sans modification des crédits de la mission « Direction du Gouvernement » ainsi que ceux de la mission constituée par le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
Je constate qu'un grand nombre d'organismes relèvent de l'action 11 « stratégie et prospective » du programme 129 « Coordination du travail gouvernemental », tels que le centre d'analyse stratégique, le conseil d'analyse économique, le conseil d'orientation des retraites, le conseil d'analyse de la société et le conseil d'orientation pour l'emploi. Avez-vous eu l'opportunité de vous interroger sur les fonctions de ces différents organismes et l'utilité éventuelle de les regrouper afin de rechercher les cohérences et surtout éviter toute redondance? J'observe que l'Institut français des relations internationales (IFRI), l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES), et l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) figurent dans l'enveloppe budgétaire de l'action 11. Pourquoi sont-ils cités alors que ces entités, selon moi, constituent des associations d'utilité publique et non des organismes publics classés sous la responsabilité du Premier ministre ? Je m'interroge également sur l'objet de la mission ETALAB, ainsi que sur le rattachement du secrétariat général de la mer aux services du Premier ministre alors que le lien avec le ministère de l'écologie m'apparaît être plus évident. Enfin l'académie du renseignement suscite ma curiosité.
Pages 14 et 15 de votre note de présentation, vous mentionnez la création de la mission ETALAB, chargée de mettre en place un portail unique interministériel « data.gouv.fr », ainsi que celle de la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication de l'Etat (DISIC), à la même date. Je suis perplexe. On nous dit qu'il faut coordonner les actions des administrations de l'Etat. Je pensais qu'en ce domaine nous avions des structures existantes. Comment la diminution des effectifs de l'Etat a-t-elle pu conduire à la création de nouvelles structures en février 2011? En ce qui me concerne, je n'en vois ni la nécessité ni une plus grande efficacité sur le terrain.
Tout d'abord, je suis surpris de ne pas retrouver au niveau de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » l'effort de rigueur exigé dans le cadre du budget général. Les dotations de la mission sont, en effet, en hausse. Mon second point porte sur les réserves ministérielles : relèvent-elles de la mission ?
Je suis étonnée de lire dans votre rapport qu' « un réajustement des crédits du Défenseur pourrait s'avérer, néanmoins, nécessaire en 2013 afin de prendre en compte tant les synergies qui seront réalisées que les dépenses supplémentaires liées à la fusion des autorités ». On nous avait expliqué, en effet, que la mise en place du Défenseur des droits permettrait de réaliser des économies. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi il faudrait anticiper pour l'année prochaine un réajustement de ses crédits ?
M. le Président, pour revenir sur votre question financière et institutionnelle relative à l'académie du renseignement, je voudrais vous dire que celle-ci a été créée en 2010 et rattachée aux services du Premier ministre. La Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) appartient à l'organigramme du ministère de l'intérieur alors que le conseil national du renseignement relève, quant à lui, de la Présidence de la République. La question a pris plus de poids depuis quelques temps.
Concernant le Défenseur des droits, est-il certain qu'il rejoindra le nouveau Centre du Gouvernement ?
M. le rapporteur spécial vous constatez que les crédits de la CNIL sont en hausse de 9 % en 2012, en raison de ses nouvelles compétences dans le domaine du contrôle des dispositifs de vidéoprotection. Cela me paraît peu adapté. Ce sont les comités d'éthique et les associations qui réalisent un véritable travail de surveillance en ce domaine. En revanche, la commission a certainement besoin de moyens compte tenu des nouveaux défis technologiques auxquels elle fait face. Je ne pense pas que le contrôle de la vidéosurveillance justifie de tels moyens supplémentaires.
Je n'ai pas pu, depuis ma prise de fonctions, contacter l'ensemble des organismes que vous mentionnez. C'est pourquoi, à titre liminaire, je vous ai informés de mon intention de procéder à un cycle d'auditions, au premier trimestre 2012, afin d'évaluer la portée de l'ensemble des organismes relevant des services du Premier ministre, ainsi que leur cohérence afin d'écarter toute redondance. Vous émettez les mêmes interrogations que j'ai pu formuler lors de mon analyse des crédits de cette mission. Mon premier réflexe face au grand nombre d'organismes concernés a été de tenter de savoir s'il pouvait y avoir une plus grande harmonisation dans la recherche d'une certaine efficacité. Les services du Premier ministre nous expliqueront l'articulation des missions des différents organismes en matière économique et stratégique. Nous verrons s'il est possible d'affiner la démarche de rationalisation.
Monsieur le Président, je vous confirme que l'IFRI est bien une association qui reçoit une subvention du programme « Coordination du travail gouvernemental ». A ce titre, elle figure dans l'enveloppe budgétaire de la mission.
Madame Beaufils, en ce qui concerne la mission ETALAB, en charge de la réalisation d'un portail unique, elle sera mise en oeuvre par la Direction de l'information légale et administrative (DILA). Elle fait suite aux succès d'autres portails tels que « légifrance » et « service public ».
Le secrétariat général de la mer constitue effectivement une interrogation de votre rapporteur lorsque j'ai pris connaissance des entités couvertes par la mission. Je n'ai pas de précisions quant aux raisons de ce rattachement mais j'en aurai pour la séance plénière.
En ce qui concerne le grand projet de centre du Gouvernement qui consiste à rénover des locaux dans le septième arrondissement, avenue de Ségur, les travaux seront achevés en 2015. Ce centre accueillera des organismes notamment rattachés auprès des services du Premier ministre. Il appartiendra aux autorités administratives indépendantes d'indiquer leur intention de rejoindre ou non le centre. Certaines d'entre elles l'ont déjà proposé.
S'agissant de l'académie du renseignement, il semblerait qu'il existe un éclatement de la prise en charge de certains personnels. Mes travaux me conduiront à évaluer la portée de l'action de l'académie.
Madame Marie-France Beaufils, je vous ai répondu sur la mission ETALAB, j'obtiendrai des informations complémentaires sur la DISIC.
En réponse à Francis Delattre, je souhaiterais rappeler l'objectif de baisse de 10 % des moyens de fonctionnement de la mission sur la période de 2011 à 2013. Les hausses constatées répondent à des besoins très particuliers. Il s'agit notamment de la sécurité et de la lutte contre les attaques informatiques. La CNIL enregistre un surcoût de fonctionnement en raison de ses attributions de contrôle de 570 000 dispositifs de vidéoprotection.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».
- Présidence de M. Jean-Claude Frécon, vice-président -
La commission examine ensuite le rapport de MM. Yann Gaillard et Aymeri de Montesquiou, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Culture ».
Mes chers collègues, 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,7 milliards d'euros en crédits de paiement sont demandés, en 2012, au titre de la mission « Culture ». Les crédits progressent de 1,4 % en volume et dépassent de 60 millions d'euros le plafond du budget triennal, ce qui témoigne de la relative « faveur » dont bénéficie la mission au regard des normes appliquées aux dépenses de l'Etat.
Avant d'en venir au détail des crédits, je crois important de rappeler que la mission « Culture » ne retrace qu'un cinquième de l'effort financier total de l'Etat en matière de culture et de communication. Cet effort avoisine 13,5 milliards d'euros en 2012, à raison de 11,3 milliards d'euros de crédits budgétaires, de 879 millions d'euros de taxes affectées et de 1,3 milliard d'euros de dépenses fiscales.
Un effort de rationalisation des taxes affectées aux opérateurs culturels est aujourd'hui entrepris par le Gouvernement, notamment pour contenir le dynamisme de ces taxes. Cette rationalisation concerne plusieurs opérateurs culturels que sont le Centre des monuments nationaux, le Centre national du cinéma, le Centre national du livre et le Centre national de la variété, de la chanson et du jazz. Nous devrons être attentifs à ce qu'elle s'opère sans compromettre l'accomplissement des missions confiées aux opérateurs concernés. Sur ce sujet, je vous renvoie aux travaux de la Mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale, qui a consacré un excellent rapport à la fiscalité culturelle affectée.
Enfin, 19 dépenses fiscales rattachées à la mission « Culture » et représentant des enjeux financiers cumulés de 251 millions d'euros ont été évaluées par le « Rapport Guillaume ». Une seule est jugée pleinement efficiente. Il s'agit de la réduction d'impôt SOFICA, en faveur du cinéma.
J'en viens aux crédits des différents programmes. Ceux du patrimoine monumental sont stabilisés à 380,7 millions d'euros. Les grands projets absorbent 33 millions d'euros, dont 18,8 millions d'euros d'AE et 3,8 millions d'euros de CP pour la Maison de l'histoire de France, principale innovation de la budgétisation 2012.
15,5 millions d'euros vont au Centre des monuments nationaux, auxquels s'ajoutent 8 millions d'euros de taxe sur les paris en ligne. J'ai fait le point, avec Mme Lemesle, sa présidente, sur la mise en oeuvre des onze recommandations que notre commission avait formulées en 2010, à la suite des travaux de la Cour des comptes. Les résultats sont contrastés, sans que cela soit toujours imputable au CMN lui-même. Le contrat de performances de l'établissement devrait enfin être signé à la fin du mois de novembre, et formalisera un certain nombre d'objectifs que nous avions nous-mêmes assignés à l'opérateur, en matière de ressources propres ou de programmation des investissements.
S'agissant de l'archéologie, la recapitalisation de l'INRAP et la réforme de la redevance d'archéologie préventive devraient enfin intervenir en collectif budgétaire, permettant de sortir cet opérateur des difficultés financières chroniques qu'il connaît depuis plusieurs années. Je n'insiste pas sur cette question que nous connaissons tous bien, et sur le sort de l'INRAP, qui est un des opérateurs culturels les plus décriés parmi les collectivités territoriales ! Je me réjouis de ces avancées, et en particulier de l'adossement de la RAP à la taxe d'aménagement, qui devrait porter son produit global à 120 millions d'euros par an, au lieu de 80 millions d'euros actuellement.
Notre politique muséale bénéficie de 15,5 millions d'euros supplémentaires, principalement en faveur de la rénovation du Musée Picasso, qui est dans un état épouvantable, de la Maison de l'histoire de France, dont je me demande encore ce qu'elle sera exactement...
et du Musée des civilisations d'Europe et de la Méditerranée de Marseille (MuCEM). Si l'on y ajoute le Quai Branly, le Louvre-Lens ou encore le Centre-Pompidou Metz, il semble que les musées poussent en France comme les champignons sous la pluie. Cette politique de développement a pourtant été sévèrement jugée par la Cour des comptes en 2011. Selon la rue Cambon, en dix ans, le pilotage national de cette politique s'est affaibli, les moyens qui y ont été consacrés ont sensiblement augmenté sans que les musées développent significativement leurs ressources propres, et les objectifs de démocratisation de l'accès aux collections ont été très imparfaitement remplis. Les mesures de gratuité dans les musées pour les enseignants et les jeunes sont un exemple d'initiative coûteuse et dont l'efficacité reste à démontrer. Les pertes de recettes enregistrées par les musées ont, au demeurant, été largement surcompensées par l'Etat (19,5 millions d'euros). Le monde muséal est peuplé de personnalités dont certaines sont tout à fait prestigieuses, au point que je me demande si elles n'échappent pas quelque peu à l'autorité du ministre.
Qu'en est-il des crédits de la création ? 45 millions d'euros de crédits sont ouverts pour la poursuite du chantier de la Philharmonie de Paris. Il est vrai qu'en matière de grands équipements symphoniques, Paris semble en retard par rapport à d'autres capitales. Néanmoins, l'augmentation substantielle du coût prévisionnel de cet équipement, de même que sa budgétisation « chaotique », nous conduiront vraisemblablement à y consacrer un contrôle sur pièces et sur place en 2012.
5,5 millions d'euros sont dévolus à la rénovation du Palais de Tokyo, censé accueillir des créateurs confirmés vivant, enseignant ou travaillant en France. J'ai visité ce palais, qui ne s'est jamais remis du déménagement du musée d'art moderne au Centre Pompidou et a connu des affectations multiples et éphémères. Le contraste est infiniment triste, entre le néant du Palais de Tokyo et la vitalité de son voisin, le Musée d'art moderne de la ville de Paris ! Il faut souhaiter que la nouvelle affectation du palais sera pérenne et rencontrera le succès escompté.
J'ai d'ailleurs consacré, au premier semestre, une série d'auditions à la politique de soutien à la création contemporaine via la commande publique, les acquisitions ou les aides aux artistes et aux structures. J'avais envisagé de consacrer un rapport à l'Etat « mécène », mais il est difficile de tirer un constat objectif des appréciations que portent les uns et les autres sur cette politique. Il semble que le marché de l'art français « décroche » au niveau mondial et, dans ces conditions, je crois nécessaire de procéder à une évaluation approfondie qui dépasse les jugements subjectifs ou de goût.
J'en termine en vous indiquant que la diminution des effectifs imputés sur la mission se poursuit et se traduit par une légère diminution de la masse salariale. Néanmoins, le ministère ayant fait mieux que le « un sur deux » en 2008, il bénéficie d'un assouplissement de la règle en fin de législature, ce qui lui permet d'y soustraire les emplois d'enseignants des écoles d'architecture, d'art et des conservatoires. La Cour des comptes avait soupçonné la rue de Valois de contourner astucieusement la règle de non-remplacement en sous-évaluant systématiquement les départs en retraite. J'ai interrogé le ministère, qui est un modèle de discipline et a nié avoir opéré un tel contournement, qui aurait obéré le financement de nouvelles mesures statutaires et indemnitaires en faveur des agents. Nous pouvons lui donner acte de ces explications.
Comme l'a indiqué notre collègue Yann Gaillard, les crédits du patrimoine monumental sont stabilisés. Je souhaite apporter un complément à son intervention concernant la préservation du patrimoine des collectivités territoriales, et notamment du patrimoine rural. En 2012, le ministère consacrera 21,7 millions d'euros de subventions de fonctionnement aux collectivités et aux particuliers pour les travaux d'entretien des monuments, ainsi qu'aux associations qui organisent des chantiers bénévoles de restauration. S'y ajouteront 145,8 millions d'euros de subventions d'investissement pour les opérations de restauration engagées sous maîtrise d'ouvrage des collectivités locales ou des propriétaires privés. Ces montants sont stables par rapport à 2011, ce qui confirme que l'effort de l'Etat en la matière ne se dément pas.
Je m'interroge néanmoins sur le contexte et les modalités de mise en oeuvre de ces soutiens. Aux côtés de l'Etat, qui concentre son action sur le patrimoine inscrit ou classé, les collectivités territoriales mais aussi la Fondation du patrimoine et diverses associations interviennent pour préserver le patrimoine rural. Je rappelle que la Fondation du patrimoine aura consacré, en 2010, 23 millions d'euros aux projets de restauration du « petit » patrimoine, que Maeterlinck surnommait le « trésor des humbles ». Il serait intéressant de disposer d'un chiffrage de l'effort global consenti par les collectivités publiques, les associations et les fondations dans ce domaine.
S'agissant de l'échelon pertinent d'intervention, je rappelle que nous avions voté, dans la loi de décentralisation de 2004, des dispositions permettant aux régions ou aux départements de gérer, à titre expérimental, les crédits budgétaires affectés à l'entretien et à la restauration du patrimoine classé ou inscrit n'appartenant pas à l'Etat. Je serais curieux de savoir quelles conclusions ont été tirées de cette expérimentation.
Enfin, les crédits budgétaires sont complétés par un certain nombre de dépenses fiscales, dont l'ancien dispositif « Malraux » et l'imputation des déficits fonciers supportés par les propriétaires de monuments historiques. Le premier n'a pas été évalué par le « Rapport Guillaume » et le second n'a été gratifié que d'un score de 1, ce qui témoigne d'une efficience assez faible et mérite que l'on s'y attarde. Sur l'ensemble de ces points, les documents budgétaires demeurent muets. Je crois donc qu'il serait utile d'interroger le Gouvernement lors de l'examen en séance des crédits de la mission.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous proposons d'adopter les crédits de la mission « Culture ».
J'ai été intéressée par les analyses du rapporteur spécial sur le marché de l'art et sur le déclin de la place de Paris. Faut-il en conclure que l'exonération d'impôt de solidarité sur la fortune en faveur des oeuvres d'art ne fonctionne pas ? Mon avis est que Paris a perdu du terrain dans les années soixante, lorsqu'elle a laissé les grands artistes contemporains partir pour New-York !
Je suis en total désaccord avec l'analyse que vous faites du régime des oeuvres d'art dans le cadre de l'ISF !
S'agissant de l'accès à la culture, le Val d'Oise a entrepris des démarches pour faire en sorte que des oeuvres qui sont stockées par les musées parisiens - et menacées par des crues de la Seine ! - soient exposées. Un projet ambitieux concernait la ville de Cergy et un accord avait été trouvé avec le ministère pour créer un lieu d'exposition de ces oeuvres. Ce projet, porté par la ville et par la région, fait-il l'objet d'ouvertures de crédits ?
Sur le marché de l'art, le débat ne porte pas sur l'ISF mais sur l'absence d'actions et de priorités, comparativement à des villes comme Barcelone, New-York ou Berlin qui nous ont distancés ! Paris était la capitale de l'art et de la culture, elle a été rattrapée et elle est maintenant dépassée. Nous avons le Centre Pompidou, le Grand Palais et quelques structures importantes, mais nous manquons de grandes manifestations internationales. Ce n'est pas une question de fiscalité et de moyens, c'est une question de conception, de méthode. Nous sommes assez médiocres lorsqu'il s'agit d'organiser de grands rendez-vous, de grandes rétrospectives. New-York organise des rétrospectives tous les trois mois avec des oeuvres de la terre entière !
Faut-il décentraliser les musées ? Il y a des réussites exemplaires mais la décentralisation ne doit pas se faire au préjudice de la qualité des expositions. Le véritable défi est aujourd'hui, pour Paris, de redevenir une grande métropole culturelle.
Lorsque l'on discute avec les spécialistes, les positions sur ce sujet sont très tranchées. Certains affirment par exemple que le décrochage français résulte du caractère sur-administré de la création ! L'Etat s'occupe-t-il trop de l'art et décourage-t-il l'initiative privée ? Peut-être faut-il que l'art apprenne à exister par lui-même !
Exactement ! Le problème est peut-être que nous avons un ministère de la culture...
Au demeurant, tous les pays ne peuvent pas briller à toutes les époques !
Ne soyons pas trop sévères : certains restent moins biens lotis que nous et l'excellence a un prix et un coût ! Je suis toujours à la recherche d'économies et je me pose des questions sur les investissements que nous faisons. La Philharmonie de Paris mérite effectivement qu'on s'y intéresse de près. Est-ce bien le moment de mettre en oeuvre le projet de Maison de l'histoire de France ? Est-ce vraiment une priorité à l'heure où l'on demande des efforts à tous ? Cela nous engagera-t-il, à l'avenir, à financer le fonctionnement de ces structures ? Combien cela coûtera-t-il ? Je pose ces questions car, dans les collectivités, nous sommes attentifs à ne pas multiplier les investissements qui génèreraient trop de coûts de fonctionnement par la suite.
Nous en sommes au stade de la construction, mais on imagine mal que le fonctionnement ne fasse pas l'objet d'un soutien public à l'avenir !
Et sur la construction de la Philarmonie, nous en sommes déjà à 66 % de plus qu'initialement annoncé !
Les moyens du livre et de la lecture baissent, et sur le terrain, nous sommes souvent interrogés à ce sujet. De même, la mission « Enseignement scolaire » consacrerait 2,2 milliards d'euros à l'enseignement des disciplines artistiques et au soutien aux activités artistiques et de sensibilisation culturelle. J'ignore si l'effort est à la hausse ou à la baisse, mais là encore, le chiffre m'étonne car les personnels qui se consacraient à ces activités ont disparu ou ce sont les collectivités qui ont été sollicitées pour y pourvoir au lieu et place de l'Education nationale. Enfin, s'agissant du spectacle vivant, les crédits progressent mais cette progression se ressent peu au niveau local et les compagnies nous sollicitent toujours davantage !
Je prends acte de ces observations. S'agissant du livre, auquel j'ai consacré un rapport d'information, je vous indique que cette politique relève désormais de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».
Les débats que nous avons eus démontrent que ce budget manque d'espace pour la créativité. Nous constatons, en région, que les directions régionales des affaires culturelles ont quasiment disparu du paysage ! Lorsque l'on lance un schéma départemental de la musique ambitieux et que l'on cherche des partenaires, l'Etat ne prend plus sa part. Les collectivités font face, mais elles font moins faute de ressources. Dans ces conditions, nous ne pourrons voter ces crédits.
L'aide de l'Etat se concentre sur les projets parisiens ! La Cour des comptes l'a d'ailleurs noté sur les musées. Sur le marché de l'art, nous sommes devenus conformistes et conservateurs, voire moralisateurs. L'art contemporain est plus libre, plus provocant et plus vivant à l'étranger. Buren fait des expositions à l'étranger, alors qu'en France, certains se demandent encore si c'est de l'art. L'art est peut-être trop administré et, bien que nous n'en soyons pas à l'époque du « réalisme socialiste », nous n'en sommes pas très loin de la part de certains conservateurs.
Je suis ébahi par la richesse des interventions et je n'ose plus rien dire !
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Culture ».
La commission procède enfin à l'examen du rapport de M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial, sur la mission « Sécurité ».
La sécurité est, selon moi, un sujet de société primordial. C'est non seulement une mission régalienne de l'Etat, mais avant tout une nécessité pour la garantie les libertés publiques de nos concitoyens et concitoyennes.
Je suis très heureux d'avoir été nommé rapporteur spécial de cette mission, même si certains pourront être surpris qu'un écologiste s'intéresse à la sécurité ! Pas encore assez entendue, ma formation politique apporte pourtant de vraies réponses à la fois novatrices et pertinentes en la matière.
Attaché aux valeurs républicaines, j'ai donc naturellement souhaité m'investir sur cette thématique.
Il y a sur ce sujet une véritable attente de la part des Français et des Françaises.
Nous voulons, bien sûr, tous nous sentir en sécurité dans notre pays, dans notre foyer, dans la rue ou lorsque l'on prend le train, par exemple. Il est essentiel de faire respecter les règles du jeu de la vie en collectivité pour que chacun puisse s'épanouir.
Nous sommes d'accord là-dessus, mais les propositions de la Gauche (et des écologistes) pour les mettre en oeuvre sont bien différentes. Les choix de politique publique du Gouvernement en matière de sécurité ne m'apparaissent pas adaptés : la répression ne peut pas être l'unique réponse.
Inutile de vous rappeler l'attachement des écologistes pour la prévention, la réparation et le respect absolu des libertés individuelles. Je pense qu'une autre conception de la sécurité et une autre organisation des forces dans notre pays est possible et, je dirais même, souhaitable.
Mais pour revenir au sujet qui nous réunit aujourd'hui, je vous propose de nous concentrer sur l'analyse du projet annuel de performance que nous présente le Gouvernement pour la mission « Sécurité ».
En tant que rapporteur, j'ai d'ailleurs eu l'occasion de rencontrer des personnes très intéressantes avec qui j'ai pu avoir des échanges enrichissants. A cet égard, j'ai notamment eu le plaisir d'auditionner le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Jacques Mignaux, et je m'entretiendrai très prochainement avec Frédéric Péchenard, directeur général de la police nationale.
Le rapport qui vous est présenté, vous l'aurez compris, est assez critique envers la politique menée par le Gouvernement pour cette année budgétaire.
Je dois dire que je suis particulièrement inquiet quant aux conséquences de la RGPP. J'ai notamment été très attentif :
- aux pertes d'emplois, qui ne permettent plus d'assurer la sécurité de façon satisfaisante ;
- au bilan de la lutte contre la délinquance qui me paraît décevant ;
- aux dépenses, qui ne se justifient pas toujours, comme pour la vidéosurveillance ;
- mais également à la performance, jugeant que de nombreux indicateurs sont biaisés. Je vous en propose d'ailleurs un certain nombre pour l'avenir dans mon analyse.
De manière plus précise, permettez-moi de vous faire une rapide présentation du rapport.
La mission « Sécurité » est dotée de 17,168 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 17,063 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours).
Sa trajectoire budgétaire est dictée par deux textes fondamentaux :
la loi de programmation budgétaire sur la période 2011-2014 ;
et la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (la LOPPSI 2).
Concernant la programmation budgétaire triennale, la mission « Sécurité » présente un dépassement des plafonds initialement fixés. A périmètre constant, cet écart se traduit par une augmentation de 2,1 % en autorisations d'engagement et 0,4 % en crédits de paiement. Ces dépassements résultent de deux phénomènes :
d'une part, des moyens supplémentaires de fonctionnement et d'investissement sont accordés par rapport à la programmation initiale ;
et, d'autre part, une nouvelle minoration de 40 millions d'euros est réalisée en matière de dépenses de personnel.
Dans ce cadre d'ensemble, les crédits programmés par la LOPPSI 2 se montent, en crédits de paiement, à 101,7 millions d'euros pour la police, et à 99,6 millions d'euros pour la gendarmerie.
Le programme « Police nationale » comporte :
9,276 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 1,5 % par rapport à 2011 ;
et 9,21 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une augmentation de 1,4 %.
Les dépenses de fonctionnement enregistrent une baisse de 2,3 % et se montent à 743,7 millions d'euros en crédits de paiement. Etant donnée la tendance à la baisse continue de ces crédits, un seuil a été atteint concernant les moyens de fonctionnement de la police. Aller au-delà ferait peser un risque sur le potentiel opérationnel de cette force.
En 2012, les dépenses d'investissement enregistrent un redémarrage à la hausse. Alors que les crédits de paiement augmentent de 9,1 % (174,5 millions d'euros), les autorisations d'engagement bondissent de 207,9 % (279,9 millions d'euros). Cette évolution des autorisations d'engagement s'explique par la nécessité de couvrir plusieurs projets immobiliers, dont le relogement de la direction régionale de la police judiciaire de la préfecture de police (DRPJ) sur le site de la zone d'aménagement concertée (ZAC) des Batignolles à Paris, pour une enveloppe de 131 millions d'euros.
Le programme « Gendarmerie nationale » comporte :
7,914 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 2,9 % ;
et 7,875 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 1,7 %.
Les dépenses de fonctionnement (égal à 1,062 milliard d'euros) enregistrent une très légère hausse de 0,6 %. Le choix a été fait de « sanctuariser » les dépenses de fonctionnement courant au détriment des investissements.
La dotation en crédits de paiement consacrée à l'ensemble de l'effort d'investissement s'élève ainsi à 249,2 millions d'euros et se situe donc en retrait de celle prévue pour 2011 (- 4,9 %).
L'opération en Afghanistan explique, pour une très large part, les surcoûts prévisionnels des OPEX pour la gendarmerie nationale en 2011. Alors que l'autorisation initiale de dépense était fixée à 15 millions d'euros, un surcoût de 15,4 millions d'euros est à déplorer. A elle seule, l'OPEX en Afghanistan représente un budget total de 17,4 millions d'euros.
La baisse de la délinquance, sous toutes ses formes, est le premier objectif de la mission. Or, si la délinquance constatée en matière d'atteintes aux biens a reculé de 43 189 faits entre 2009 et 2010, celle concernant les atteintes à l'intégrité physique des personnes a en revanche augmenté de 11 437 faits.
L'évolution du nombre de crimes et délits en matière d'escroqueries et d'infractions économiques et financières n'est pas non plus satisfaisante : la prévision actualisée pour 2011 (- 1,5 %) est bien inférieure à la prévision initiale (- 2,5 %). Le Gouvernement n'a donc pas atteint ses propres objectifs.
S'agissant de ces résultats et de la mesure de la performance de nos forces de sécurité, je veux ici souligner que la « Sécurité » ne peut se résumer à une « politique du chiffre », essentiellement orientée vers la sanction et la répression. La prévention représente l'autre pilier indispensable de la mission, et cette dimension devra, à l'avenir, être mieux prise en compte dans l'évaluation de la police et de la gendarmerie.
Comme je vous le disais, je m'inquiète des dégâts de la politique menée depuis plusieurs années sous l'empire de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Celle-ci s'est en effet traduite, depuis 2009, par une réduction massive des emplois au sein de la police et de la gendarmerie. Dans la police, 3 594 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) ont été supprimés entre 2009 et 2011.
Pour 2012, la « RGPP 2 » débouchera encore sur 1 682 ETPT supprimés au sein de la police et 1 466 ETPT en gendarmerie.
Il y a lieu de s'inquiéter de ces suppressions d'effectifs, car elles mettent en péril le niveau de sécurité dû à nos concitoyens et elles sont préjudiciables à la présence des forces de sécurité sur le terrain. Mon échange avec le Général Mignaux a ainsi fait ressortir qu'en zone gendarmerie un seuil a été atteint. Or, cette zone couvre 95 % du territoire...
Par ailleurs, ces suppressions de postes se sont doublées d'une « dégradation qualitative » des emplois, induite par la logique de recrutement d'adjoints de sécurité (ADS) en nombre. Une substitution de fait a eu lieu entre des « policiers-fonctionnaires », relevant du statut stable de la fonction publique, et des agents contractuels, au statut beaucoup plus précaire. Cette tendance s'est accompagnée d'un surcroît de tensions professionnelles pesant sur les agents et d'un recours aux heures supplémentaires pour compenser les manques.
Dans ce paysage d'ensemble dessiné par la RGPP, plusieurs points noirs doivent être tout spécialement relevés.
Le premier concerne la police de proximité. Les mutations successives, au cours des dernières années, des dispositifs visant à assurer cette police traduisent en réalité le malaise du Gouvernement sur cette question et son incapacité à l'appréhender correctement. Il est désormais temps de réinventer cette police en l'axant sur le lien de confiance à nouer réellement avec la population, l'action de prévention et l'ancrage dans le temps ;
Par ailleurs, il faudra suivre avec attention, en 2012, la poursuite de la mise en oeuvre de la réforme des transfèrements engagée en 2011. Plusieurs facteurs conditionnent la réussite de cette réforme : le transfert effectif des emplois de la police et de la gendarmerie vers l'administration pénitentiaire, le maintien du niveau de sécurisation des transfèrements et la formation des personnels pénitentiaires affectés à cette nouvelle tâche.
Enfin, je déplore vivement les investissements coûteux réalisés dans les systèmes de vidéo surveillance attentatoires aux libertés publiques et dont aucune étude sérieuse n'a prouvé l'efficacité en termes de sécurité publique. C'est plus de 251,9 millions d'euros investis à Paris uniquement, sur quinze ans !
Je demande donc un moratoire sur ce type d'investissement dans l'attente d'une étude scientifique indépendante sur les apports véritables de la vidéosurveillance en termes de sécurité - plus précisément, en termes de taux d'élucidation, de lutte contre la délinquance, de prévention, de sentiment de sécurité, d'aspects psycho-sociaux, de suppression de la présence humaine, de garantie des libertés publiques.
Au total, la RGPP a atteint ses limites. Elle mène à une « privatisation rampante » de la sécurité dans notre pays, faute de moyens humains suffisants, à une précarisation des agents et à un désengagement de l'Etat faisant peser une charge supplémentaire sur les collectivités territoriales.
En conclusion, au vu de ces motifs de profonde inquiétude, je vous propose de rejeter les crédits proposés pour la mission « Sécurité » et pour chacun de ses programmes.
Vous avez évoqué l'évaluation des radars pédagogiques et je crois, en effet, qu'il s'agira là d'un travail très utile.
Je suis admiratif devant la sérénité et la force de conviction de Jean-Vincent Placé, mais ces qualités ne font pas une vérité. Faut-il donc arrêter la RGPP dans la police et la gendarmerie ? Vous vous inquiétez des suppressions d'emplois, mais alors vos amis politiques auraient pu voter les deux LOPSI qui augmentaient les effectifs ! Où est la cohérence ? Entre 2002 et aujourd'hui, la délinquance a baissé, même si elle a évolué en devenant plus jeune, plus violente, mieux organisée et même militarisée.
Dans les grandes villes, la vidéoprotection a été mise en place et elle a vocation à avoir un effet de dissuasion dans les endroits fermés, sans parler de l'aide qu'elle peut apporter dans le domaine de l'élucidation des affaires. Vous dites qu'elle est attentatoire aux libertés publiques, mais ce n'est pas le sentiment de nos concitoyens.
Sur ces sujets, il ne faut pas être idéologue, mais pragmatique. Je voterai donc en faveur des crédits de la mission.
A propos du prétendu désengagement de l'Etat et de ce que vous appelez la privatisation de la sécurité, je veux rappeler que le rapport entre les personnels des sociétés privées de sécurité et les agents des forces de police et de gendarmerie s'établit à un pour cent. On ne peut pas non plus parler de transferts financiers lourds à la charge des collectivités territoriales. Ainsi, en Ile-de-France, la dépense pesant sur la région est dérisoire par rapport aux montants engagés par l'Etat.
Je partage certaines des observations précédentes. La mise en oeuvre de la RGPP, dans le domaine de la sécurité publique, est un peu provocatrice pour les communes et les départements. En Ile-de-France par exemple, les effectifs de la préfecture de police de Paris sont le double de ceux que l'on observe en grande couronne. On a créé des polices municipales qui correspondent à la vraie police de proximité. Ces polices ont des véhicules, mais elles souffrent d'une absence de moyens de surveillance. Il y a bien eu des transferts de charge et les collectivités territoriales n'ont eu d'autre choix que de les assumer. Il en va de même dans le domaine de la vidéosurveillance, puisque la délinquance a tendance à se déplacer vers les zones qui n'en sont pas dotées. On nous explique que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) va surveiller ces systèmes vidéo, mais c'est une erreur. C'est le procureur de la République, avec le cas échéant un comité d'éthique, qui devrait assumer cette responsabilité de contrôle.
S'agissant des effectifs mal répartis sur le territoire, les groupements d'interventions régionaux (GIR) intègrent une grande pluridisciplinarité en leur sein afin de lutter contre une économie souterraine que l'on a largement sous-estimée. Je me demande pourquoi ces groupements n'ont pas été développés : ils sont aujourd'hui en voie d'extinction. Pour réfléchir à la répartition des effectifs, il conviendrait d'organiser une conférence générale permettant de déboucher sur une remise à niveau.
Il faut aussi faire attention à certains discours, comme celui tendant à admettre les drogues douces. Si M. Placé devait proposer un programme de gouvernement, celui-ci s'appuierait-il sur la poursuite du rapprochement entre la police et la gendarmerie ?
Je partage une partie des idées développées par le rapporteur spécial, mais je veux y ajouter une nuance et une inquiétude. Pour ce qui est de la nuance, je veux dire que, pour les territoires qui ne sont situés ni en Ile-de-France, ni en zone rurale, il n'est pas possible d'échapper à la vidéosurveillance, qui sécurise les gens. Il est également vrai de dire que la RGPP a conduit à la création de polices municipales. Pour ce qui est de l'inquiétude, l'un des paragraphes de votre conclusion, M. le rapporteur spécial, pourrait prêter à confusion s'il était écrit par quelqu'un d'autre que vous. Sous la Vème République, la justice est devenue une autorité et même un pouvoir. Il est donc délicat de formuler des préconisations qui pourraient porter préjudice à l'indépendance de l'institution.
La RGPP pose effectivement problème car elle entraîne une inégalité absolument catastrophique de traitement entre les territoires. Certaines communes, faute de moyens financiers, ne pourront pas mettre en place de police municipale. Les policiers, quant à eux, savent qu'ils ne peuvent pas assurer toutes leurs missions. J'ai, pour ma part, eu connaissance d'un rapport sur l'efficacité des systèmes de vidéosurveillance. Je crois qu'il faudrait analyser ce type d'étude et en tirer profit.
Concernant les statistiques, je dis « attention » car il y a plusieurs manières de les collecter. Evitons aussi le faux problème de la vidéosurveillance ! Certes, il faut la placer sous le contrôle des magistrats. Mais dans les stades par exemple, elle est très efficace et permet une identification immédiate. Des études prouvent aussi, cependant, que la vidéosurveillance ne constitue pas l'alpha et l'oméga dans le domaine de la sécurité.
On a effectivement dû créer des postes dans les collectivités territoriales afin d'assumer des missions. En matière de police, ce fut une erreur que de supprimer la police de proximité. Claude Guéant est revenu aux patrouilleurs. La police de proximité est une orientation essentielle avec laquelle il faut renouer.
Vous avez, M. le rapporteur spécial, une certaine capacité à réécrire le bleu budgétaire. Depuis 2002, les résultats en matière de police et de gendarmerie ont chaque année été améliorés, du fait notamment de la coopération entre ces deux forces. Concernant les considérations sur la RGPP, je suis assez d'accord avec ce qui a été dit, mais on ne peut pas retenir uniquement cela de cette politique. Sur la vidéoprotection, vous n'êtes pas en phase avec ce qui vient d'être exprimé par notre commission et je souhaiterais que vous en teniez compte. En tant que maire d'une petite ville de 20 000 habitants, j'ai mis en oeuvre un dispositif de vidéoprotection en m'appuyant sur un diagnostic préalablement mené par la gendarmerie. Dans une petite ville, il existe des équipements (maison des associations...) qui sont situés dans des quartiers isolés. Par ailleurs, il faut aussi appréhender des flux stratégiques, ce que j'ai fait grâce à la gendarmerie qui m'a orienté dans les emplacements retenus pour les caméras. Avec le système de lecture automatisée des plaques d'immatriculation (LAPI), on peut désormais zoomer sur les plaques minéralogiques. Dans ma commune, je n'ai pas un policier municipal constamment derrière les écrans de ces caméras, mais les images sont conservées pendant vingt et un jours. Tout cela constitue une aide à l'élucidation des affaires. Je crois aussi à la vertu de prévention de ces systèmes. Dans ma ville, une caméra permet de filmer les alentours du stade et, notamment, l'emplacement où se situe un défibrillateur. Depuis qu'elle est en place, ce défibrillateur n'a plus jamais été dégradé.
Je suis heureux de constater le souci que chacun porte à la sécurité de nos concitoyens et l'attachement à l'esprit républicain, qui est ici un sentiment partagé. Je ne veux pas polémiquer avec Roger Karoutchi, mais les chiffres sont catastrophiques. Entre le mois d'octobre 2010 et celui de septembre 2011, les cambriolages sur les habitations principales ont augmenté de 17,5 %. En matière de lutte contre les stupéfiants (sans engager le débat sur la légalisation ou la dépénalisation), le résultat est encore pire. Entre 2005 et 2010, les délits pour usage de stupéfiants ont progressé de 32,9 % et les interpellations pour trafic ont baissé de 3,2 %. Il s'agit vraiment là de la politique des coups de menton.
S'agissant des GIR, on ne peut que dresser un constat d'échec. A propos de la RGPP, les collègues de la majorité sénatoriale posent la bonne question. On peut s'interroger sur cette politique et sur l'absence de priorité dont elle souffre. Selon moi, ces priorités devraient être l'éducation, la santé, la sécurité... On peut s'interroger sur l'application uniforme de la RGPP, sans priorité. Comment faire plus de sécurité avec moi de policiers et de gendarmes ? Les polices municipales sont une conséquence de la politique menée par l'Etat, elles visent à compenser les inégalités dans les affectations d'effectifs sur les territoires (entre les centres villes, les quartiers difficiles et les zones rurales).
Concernant la vidéosurveillance, je vous propose d'amender mon rapport pour faire part des divergences de vues qui se sont exprimées ici. Jean Germain est manifestement encore plus attaché que moi à l'indépendance de la justice et je suis donc tout disposé à supprimer un alinéa qui pourrait être mal interprété.
Je veux rappeler qu'il y aura aussi le compte rendu de cette séance qui permettra à chacun de retrouver le point de vue qu'il a exprimé. En outre, lors de la discussion des crédits de cette mission en séance, le rapporteur spécial pourra aussi faire part de ses orientations.
A l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat le rejet des crédits de la mission « Sécurité ».