Séance en hémicycle du 2 octobre 2012 à 14h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création des emplois d’avenir est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle le débat sur l’application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, à la demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois (rapport d’information n° 635, 2011-2012).

La parole est à M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les rapporteurs, mes chers collègues, le débat thématique qui s’ouvre cet après-midi relève d’un genre tout à fait nouveau. Je suis particulièrement ému de prendre la parole pendant quelques minutes pour saluer l’introduction d’une innovation dans le fonctionnement du Sénat, car un tel débat est organisé pour la première fois, à la demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois. Nous aurons d’ailleurs l’occasion de réitérer cette procédure ce soir, avec le débat sur le contrôle de l’application de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, également inscrit par la conférence des présidents à l’ordre du jour du Sénat à la demande de la commission sénatoriale.

Pour cet après-midi, sans aborder la question sur le fond – je laisse ce soin à nos deux excellents rapporteurs, Mmes Claire-Lise Campion et Isabelle Debré –, je veux souligner brièvement l’intérêt de la procédure inaugurée aujourd’hui, qui marque un nouveau pas dans le développement des instruments du contrôle parlementaire.

Mon sentiment profond est que les modalités du contrôle doivent se moderniser et s’adapter aux évolutions de l’action publique, de manière à « coller » au plus près aux attentes de nos concitoyens. À mon sens, la question de l’application des lois est cruciale, car d’elle dépend la confiance que nos compatriotes peuvent placer dans la loi et dans ceux qui la font.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à cette tribune, la première condition de notre égalité républicaine est l’effectivité de la loi. De fait, à quoi bon « légiférer à tout va » si, en aval, nos textes ne s’appliquent pas, ou s’ils ne s’appliquent pas comme nous l’aurions souhaité ? Sur le terrain, le « citoyen de base » vit mal cette situation. Il voit que, dans nos hémicycles, nous parlons parfois beaucoup, mais que nos débats n’ont pas toujours de traduction concrète. C’est pourquoi nous devons adopter une posture nouvelle, et cesser de gérer la question de l’application des lois comme une simple donnée technique : c’est avant tout une exigence politique, au meilleur sens du terme.

L’enjeu n’est pas seulement de comptabiliser les décrets d’application ou leur délai moyen de publication, même si cela a son importance, mais bien de restaurer une pleine confiance dans la loi.

Souscrivant à cet objectif, le bureau du Sénat a souhaité renforcer l’efficacité de nos procédures de contrôle de l’application des lois, et a créé un organe nouveau, travaillant à côté des commissions permanentes et en étroite collaboration avec elles. Sa démarche s’inscrit dans le droit-fil de la révision constitutionnelle de juillet 2008, le constituant ayant désormais inscrit dans notre loi fondamentale la fonction de contrôle et la fonction d’évaluation.

Ces innovations participent de l’effort de réhabilitation de la loi et de l’action publique, mais peuvent aussi faire taire certaines critiques bien connues qui alimentent inutilement, et de façon très démagogique, l’antiparlementarisme.

Notre commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois est un organe nouveau, certes, si on le compare aux commissions permanentes qui s’appuient sur une expérience plus que séculaire, ou à la commission des affaires européennes, déjà installée depuis longtemps dans le paysage institutionnel du Sénat. Mais, en à peine un an, nous avons « mis les bouchées doubles », si vous m’autorisez cette expression. J’en veux pour preuve les deux débats inscrits aujourd’hui à l’ordre du jour en séance plénière, ou encore les sept rapports d’information déjà publiés dans l’espace des six premiers mois d’existence de la commission.

Je tiens à saluer, à ce propos, le concours précieux que nous ont apporté les rapporteurs issus des autres commissions, car leur « double casquette » a été un gage supplémentaire de qualité de nos travaux. Je n’oublie pas non plus l’apport des administrateurs mis à notre disposition par ces commissions. Je remercie enfin tout particulièrement les présidents de ces commissions, avec lesquels nous avons élaboré notre programme de travail, et qui ont « joué le jeu ». J’émets le souhait que ce climat de bonne coopération perdure et se renforce dans les travaux que nous allons entreprendre durant cette nouvelle session ordinaire.

Le 7 février dernier, lors du débat annuel sur l’application des lois, mon dernier mot avait été pour le gouvernement alors en place. Entre-temps, une autre majorité s’est installée à l’Assemblée nationale. Il reste que, sur ce point, le gouvernement d’aujourd’hui a la même responsabilité que celui d’hier pour assurer la meilleure application possible des lois. J’avais annoncé que nous serions vigilants et « proactifs » quant à la publication des mesures réglementaires ; je puis vous assurer que nous le resterons !

Cependant, à l’occasion du débat qui s’ouvre cet après-midi, je préfère conclure en mettant l’accent sur l’autre volet de notre travail, à savoir l’évaluation, qui débouche nécessairement sur des réflexions et des propositions. Au fond, pourquoi vouloir créer une césure artificielle entre le Parlement législateur, d’un côté, et un Parlement contrôleur, de l’autre ? C’est pourquoi, quand nous vérifions la manière dont les lois s’appliquent et que nous mettons le doigt sur les éventuelles imperfections des textes, il nous paraît logique de réfléchir aux mesures susceptibles d’y remédier. Comme vous avez pu le constater, et comme vous le montreront encore les interventions de nos deux rapporteurs sur la « loi handicap » de 2005, nos rapports comportent non seulement un « état des lieux » de l’application de telle ou telle loi, mais également un ensemble de préconisations en vue de l’améliorer.

Cette démarche répond bien, me semble-t-il, aux attentes de nos concitoyens. Elle est la parfaite illustration des synergies constructives à établir entre notre fonction de contrôle et notre fonction législative proprement dite.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, aboutissement de trois années de réflexions partagées entre les gouvernements successifs, le Parlement et les associations, la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a profondément modifié la politique du handicap, trente ans après le texte fondateur de 1975. Très ambitieuse, elle entend couvrir tous les aspects de la vie des personnes handicapées. Cette approche transversale constitue sa force, mais aussi sa faiblesse, car elle exige un travail important de pilotage et de mise en œuvre qui, sept ans après son adoption, n’est pas encore achevé.

D’un point de vue strictement réglementaire, le bilan est très positif puisque 99 % des textes d’application ont été publiés. En revanche, l’objectif, fixé par la loi, d’une publication de l’ensemble des mesures réglementaires dans les six mois suivant sa promulgation n’a pu être tenu, en raison des expertises juridiques nécessaires et des concertations menées. Tout n’a sans doute pas non plus été suffisamment mis en œuvre, après la publication de la loi, pour faire prendre conscience, sur le plan national, de la nécessité d’une large mobilisation et d’un engagement personnel à tous les niveaux.

Compte tenu du champ très vaste de la loi et du temps dont nous disposions, Isabelle Debré et moi-même avons décidé de nous concentrer sur ses quatre principaux thèmes : la compensation du handicap, l’accessibilité à la cité, la scolarisation des enfants handicapés et, enfin, la formation et l’emploi des personnes handicapées. Nous avons procédé, au cours du premier semestre de cette année, à de très nombreuses auditions et avons effectué plusieurs déplacements, ce qui nous a permis de mieux évaluer le degré d’application de la loi sur le terrain.

J’aborderai, en premier lieu, la question de la compensation du handicap.

La reconnaissance d’un droit à la compensation des conséquences du handicap par la solidarité nationale est l’avancée majeure de la loi de 2005. Prestation « cousue main », la prestation de compensation du handicap, la PCH, a permis une nette amélioration de la couverture des besoins, tant par le montant que par la diversité des aides attribuées.

La PCH demeure cependant incomplète au regard des objectifs initiaux : la couverture des besoins en aides humaines est encore trop restrictive ; la suppression des barrières d’âge, pourtant inscrite dans la loi, n’a pas été réalisée ; la prestation accordée aux enfants se révèle inadaptée à leurs besoins. Sachant que les dépenses de PCH pèsent déjà lourdement dans les budgets des conseils généraux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claire-Lise Campion

… la mise en œuvre de ces mesures se heurte inévitablement à un obstacle financier.

Aussi, les deux mesures que nous proposons s’attachent à mieux répondre aux besoins des personnes handicapées, tout en ne sous-estimant pas la contrainte financière qui est la nôtre aujourd’hui : il s’agit, d’une part, de la suppression de la limite d’âge, actuellement fixée à soixante-quinze ans, pour demander la PCH, pour les personnes qui étaient éligibles avant soixante ans et, d’autre part, de la pérennisation des fonds départementaux de compensation, dont l’action est indispensable pour diminuer le reste à charge des personnes handicapées et de leurs familles. Sur ce point, je note avec une grande satisfaction, madame la ministre, que le Gouvernement entend très prochainement abonder ces fonds à hauteur de 4 millions d’euros.

J’en viens maintenant aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH, innovation majeure dans l’architecture institutionnelle de la politique du handicap.

Même si de nombreuses difficultés de fonctionnement persistent, ces maisons ont apporté un réel progrès en termes de service public en permettant l’accès à un interlocuteur unique de proximité, une simplification des démarches administratives, une certaine « humanisation » de l’instruction des dossiers et une forte implication des associations dans la prise de décision.

Cependant, six ans après leur création, les MDPH font face à une inflation d’activité qui se révèle préjudiciable à la qualité du service rendu : les délais de traitement sont encore trop longs, l’approche globale des situations individuelles est parfois mise à mal, le suivi des décisions n’est pas toujours assuré. Il en résulte un profond sentiment de mécontentement et de déception chez de nombreux usagers.

Nous avons également constaté de très fortes disparités dans les pratiques des MDPH, contraires à l’objectif assigné de traitement équitable des personnes handicapées sur l’ensemble du territoire. Les efforts déployés jusqu’ici par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, la CNSA, n’ont pas permis de résorber les écarts entre départements, ce qui prouve la nécessité d’aller beaucoup plus loin dans l’harmonisation des pratiques.

Pour toutes ces raisons, améliorer le fonctionnement des MDPH est un impératif. Nous estimons que cela passe, notamment, par le transfert des compétences de notification et de fabrication de la carte européenne de stationnement aux directions départementales de la cohésion sociale, par la simplification des démarches administratives pour les demandes de renouvellement et par l’intensification des actions de la CNSA en matière d’harmonisation des pratiques des MDPH.

Par ailleurs, dans le contexte de raréfaction des ressources publiques, le principal sujet d’inquiétude pour les MDPH est d’ordre financier : comment leur garantir des moyens pérennes leur permettant d’assumer pleinement leurs missions ? En prévoyant la signature de conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens, la loi du 28 juillet 2011, dite « loi Paul Blanc », devrait offrir les conditions d’une meilleure visibilité financière, à supposer toutefois que ses textes d’application, non encore parus à ce jour, respectent les intentions du législateur.

J’évoquerai, en second lieu, la question de l’accessibilité.

La loi de 2005 a étendu la notion d’accessibilité à tous les types de handicap et à tous les domaines de la vie en société. On parle désormais d’« accessibilité universelle » pour désigner le processus visant à éliminer toutes les barrières qui peuvent limiter une personne dans l’accomplissement de ses activités quotidiennes.

Cette démarche s’adresse non seulement aux personnes atteintes d’une déficience, mais aussi à toute personne pouvant être confrontée, un jour ou l’autre, à une situation de handicap, qu’elle soit temporaire ou durable.

Au regard du vieillissement de la population, cette approche transversale représente un enjeu considérable.

Vous le savez, la loi pose un principe général d’accessibilité du cadre bâti, des transports et de la voirie, dans les dix ans suivant sa publication.

Le premier constat que nous faisons est celui d’une absence criante de données sur l’état d’avancement de la mise en accessibilité. En effet, la loi n’a pas prévu de remontées d’informations obligatoires de la part des acteurs publics ou privés concernés. Même l’Observatoire interministériel de l’accessibilité et de la conception universelle n’est pas en mesure de dresser un bilan exhaustif de ce chantier !

À défaut d’éléments chiffrés incontestables, la deuxième tendance qui se dégage est celle d’un important retard, en dépit de réels progrès. Le baromètre de l’accessibilité de l’Association des paralysés de France affiche, certes, des résultats en constante progression, mais seulement 15 % des établissements recevant du public seraient actuellement accessibles.

À trois ans de l’échéance fixée par la loi, force est donc de reconnaître que la mise en accessibilité de l’ensemble du cadre bâti, de la voirie et des transports ne sera pas réalisée. Tel est également le constat que dressent l’Inspection générale des affaires sociales, le Conseil général de l’environnement et du développement durable et le Contrôle général économique et financier dans un rapport commun que vous avez rendu public, madame la ministre, il y a quelques semaines.

Certes, la date de 2015 peut sembler ambitieuse au regard de l’ampleur de la tâche à accomplir et des contraintes techniques, financières et administratives qui y sont associées. La fixation d’un délai à moyen terme était néanmoins indispensable pour tirer les leçons des résultats décevants de la loi de 1975, éveiller les consciences et engager une nouvelle dynamique en faveur de l’accessibilité.

Nous avons identifié plusieurs facteurs expliquant le retard pris. Tout d’abord, l’échelonnement sur plusieurs années de la publication de la quarantaine de textes réglementaires nécessaires a retardé d’autant la mise en œuvre concrète des mesures. Ensuite, un portage politique insuffisant : autant la loi de 2005 a été voulue et soutenue au plus haut sommet de l’État, autant la mise en œuvre de son volet « accessibilité » n’a pas mobilisé les pouvoirs publics autant qu’elle aurait dû. J’en veux pour preuve les nombreuses tentatives de dérogations législatives ou réglementaires pour le bâti neuf. Enfin, nous avons relevé une appropriation insuffisante, sur le terrain, de l’objectif d’accessibilité, aussi bien chez les décideurs publics que chez les acteurs privés.

En tout état de cause, reculer la date de 2015 n’est pas envisageable : ce serait un très mauvais signal envoyé aux personnes handicapées et à leurs familles, chez qui la loi de 2005 a suscité un formidable espoir ; cela aurait, en démobilisant les acteurs et en décalant les travaux en cours ou programmés, un effet contre-productif. En outre, une telle décision serait, à coup sûr, interprétée comme une forme de renoncement à un chantier, certes très ambitieux, notamment du fait des coûts induits, mais dont l’enjeu sociétal justifie que l’on s’y attelle véritablement.

Aussi, nous estimons qu’il est indispensable d’impulser dès à présent une nouvelle dynamique à la fois en créant les conditions d’un meilleur pilotage national des enjeux de l’accessibilité, en mettant en place un système de remontées d’informations obligatoires et en dressant, d’ici à 2015, un bilan exhaustif de l’état d’avancement du chantier de l’accessibilité.

Madame la ministre, vous avez récemment annoncé que le M. le Premier ministre devait me confier dans les prochains jours une mission de concertation visant à déterminer si les propositions contenues dans le rapport que j’ai cité précédemment rencontrent, sur le terrain, un écho favorable ou non. J’en suis extrêmement honorée, même si j’ai pleinement conscience de la difficulté de cette mission. J’émets le souhait que celle-ci aboutisse à un nouveau point d’équilibre, supportable par les différents acteurs concernés et garantissant le maintien d’une dynamique forte en faveur de l’accessibilité.

Avant de passer la parole à ma collègue Isabelle Debré, je voudrais insister sur la nécessité de pérenniser l’approche transversale du handicap, qui constitue la grande avancée de la loi de 2005.

Il convient, d’une part, d’intégrer cette problématique dans l’ensemble des politiques publiques. Le Gouvernement s’y est engagé, et je m’en félicite. Une circulaire du Premier ministre du 4 septembre dernier impose en effet la prise en compte systématique du handicap dans les projets de loi. Il s’agit, d’autre part, d’organiser un pilotage national clair et cohérent des enjeux liés au handicap, lequel a fait défaut jusqu’à présent. §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Debré

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Claire-Lise Campion a présenté les principaux constats que nous avons effectués et les principales propositions que nous avons formulées en matière de compensation et d’accessibilité. Je vais, pour ma part, évoquer la question de la scolarisation des enfants handicapés et celle de la formation et de l’emploi des personnes handicapées.

La loi du 11 février 2005 reconnaît à tout enfant handicapé le droit d’être scolarisé dans l’école de son quartier ; la scolarisation en milieu ordinaire constitue le droit commun et le parcours de scolarisation repose sur une approche globale et pluridisciplinaire mise en œuvre par la maison départementale des personnes handicapées, à travers le projet personnalisé de scolarisation.

Cinq ans après la mise en application effective de la loi, le constat est unanime : un réel mouvement d’ouverture de l’école de la République sur le monde du handicap s’est opéré. Preuve en est l’augmentation d’un tiers du nombre d’enfants handicapés scolarisés en milieu ordinaire depuis 2006, soit 55 000 enfants supplémentaires accueillis.

Ces bons résultats doivent cependant être nuancés car, selon le rapport de notre ancien collègue Paul Blanc, 20 000 enfants handicapés demeureraient sans solution de scolarisation. La récente rentrée scolaire a été l’occasion pour les représentants associatifs de rappeler que de nombreux enfants sont encore laissés sur le bord du chemin.

J’insiste toutefois sur le fait que ce chiffre est à prendre avec précaution dans la mesure où il n’existe pas d’outil statistique national permettant de chiffrer précisément le nombre d’enfants handicapés scolarisables. Vous en conviendrez, madame la ministre, il est urgent que les pouvoirs publics s’attellent à l’élaboration d’un tel outil.

Par ailleurs, cette avancée quantitative indéniable ne s’est pas accompagnée d’une avancée qualitative de même ampleur.

Nous avons tout d’abord constaté une extrême diversité des situations vécues par les familles selon les départements : les temps hebdomadaires de scolarisation sont très aléatoires et les projets personnalisés de scolarisation sont de qualité hétérogène, voire inexistants.

Nous nous sommes ensuite rendu compte de l’existence de ruptures fréquentes dans les parcours de scolarisation en raison de la difficulté à poursuivre la scolarité en milieu ordinaire dans le second degré et d’un accès encore très limité à l’enseignement supérieur.

Enfin, nous avons relevé un important point noir : l’échec de l’accompagnement en milieu ordinaire. Le recours croissant aux assistants de vie scolaire individuels – AVSI – insuffisamment formés et embauchés avec des contrats précaires ne permet pas de répondre de manière pertinente aux besoins.

Le ministre de l’éducation nationale a annoncé le recrutement de 1 500 AVSI pour cette rentrée. Certes, il s’agit en apparence d’une bonne nouvelle, mais le problème ne se résume pas aux seuls effectifs. Nous devons aussi et surtout stabiliser les conditions d’intervention de ces personnels et leur offrir un cadre d’emploi pérenne.

Par ailleurs, il faut noter que l’insuffisante formation des enseignants les laisse souvent démunis face au handicap d’un élève.

Enfin, une dernière difficulté doit être promptement surmontée : il existe un manque patent de coopération entre le secteur médico-social et l’éducation nationale, qui se caractérise par un cloisonnement des filières très préjudiciable à la qualité de la prise en charge.

À partir de ce constat, nous formulons plusieurs propositions : l’élaboration d’un outil statistique national permettant d’évaluer précisément le nombre d’enfants handicapés non scolarisés ; la mise en place de référentiels communs entre académies et entre MDPH afin d’harmoniser les pratiques et, ainsi, de garantir l’équité de traitement sur le territoire ; la réactivation du groupe de travail sur les AVS – je crois que cela fait partie de vos projets, madame la ministre –, afin de définir un véritable cadre d’emploi et d’améliorer leurs débouchés professionnels ; le renforcement de la problématique du handicap dans la formation initiale et continue de tous les enseignants ; enfin, la promotion de la coopération entre les sphères médico-sociale et éducative.

Sur tous ces sujets, madame la ministre, nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement.

Avant d’en venir à la dernière partie de notre rapport, je souhaiterais dire quelques mots sur le déplacement que ma collègue Claire-Lise Campion et moi-même avons effectué en Belgique.

Vous le savez, l’autisme est déclaré « grande cause nationale 2012 ».

Si nous ne pouvions matériellement pas traiter ce sujet dans son intégralité, nous tenions à nous rendre sur place afin de comprendre pourquoi de plus en plus d’enfants autistes français sont scolarisés dans des établissements belges.

Contrairement à la France, qui a fait de la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire une priorité, la Belgique a privilégié la voie de l’enseignement spécialisé, même si l’intégration dans l’enseignement ordinaire y existe aussi. Dans les écoles d’enseignement spécialisé, comme celle que nous avons visitée en zone transfrontalière, les enfants sont accueillis dans des classes à petit effectif et encadrés par deux intervenants : un enseignant spécialisé et un professionnel paramédical.

Plusieurs raisons expliquent pourquoi 3 000 enfants français sont aujourd’hui scolarisés dans de tels établissements.

Tout d’abord, la prise en charge est centrée sur les besoins spécifiques de chaque enfant. Ensuite, les équipes éducatives, particulièrement bien formées, font preuve d’un grand pragmatisme en recourant à différentes méthodes d’apprentissage – programmes TEACCH ou ABA, par exemple. Enfin, l’enfant et ses parents sont accompagnés et conseillés tout au long du parcours scolaire par un service spécialisé.

Comme nous avons pu le constater, les progrès réalisés par les enfants sont tout à fait remarquables : des petits arrivés à l’école dans un état très grave parviennent, quelques mois plus tard, à communiquer, à participer à des activités, à ne plus être effrayés par la présence d’autrui, voire, pour certains, à tenir une conversation.

Bien sûr, il ne s’agit pas ici d’ériger la Belgique en modèle, mais simplement d’enrichir notre réflexion et, pourquoi pas, de lancer des pistes de réforme.

J’en viens maintenant à la formation et à l’emploi des personnes handicapées.

La loi de 2005 consacre un changement de paradigme s’agissant de l’emploi des personnes handicapées : jusqu’alors appréhendé à partir de l’incapacité de la personne, il s’apprécie désormais à partir de l’évaluation de ses capacités. L’intégration professionnelle des personnes handicapées est dorénavant un élément à part entière de leur citoyenneté.

Dans la continuité de la loi du 10 juillet 1987, la loi « handicap » maintient l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés pour tous les employeurs, privés et publics, ayant vingt salariés ou plus, dans la proportion de 6 % de l’effectif total, tout en leur permettant de répondre à cette exigence selon diverses modalités.

Surtout, elle étend aux employeurs publics le dispositif de contribution annuelle financière pour compenser le non-respect de l’obligation d’emploi, en créant le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

La loi prévoit par ailleurs la mise en œuvre de politiques régionales concertées d’accès à la formation et à la qualification professionnelles des personnes handicapées et charge les MDPH d’évaluer leur employabilité et de les orienter vers le marché du travail.

Certes, cette politique à la fois incitative et coercitive porte ses fruits. Malgré tout, le taux d’emploi demeure en deçà de l’objectif des 6 % : il ne s’établit qu’à 2, 7 % dans le privé et à 4, 2 % dans le public. Le taux d’emploi global des personnes handicapées est, quant à lui, nettement inférieur à celui de l’ensemble de la population en âge de travailler – 35 % contre 65 % – et le taux de chômage est deux fois plus important – 20 % contre 10 %.

Le principal obstacle identifié pour l’accès et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées est leur faible niveau de qualification : en effet, 83 % d’entre elles ont aujourd’hui une qualification égale ou inférieure au CAP ou au BEP.

C’est pourquoi nous insistons sur la nécessité de relever le niveau de qualification des personnes handicapées. Cela suppose, d’une part, d’agir prioritairement en direction des jeunes, en leur permettant d’accéder aux études supérieures, en les informant mieux sur les parcours d’études possibles et en les rapprochant du monde de l’entreprise. Cela suppose, d’autre part, de leur permettre un réel accès à la formation professionnelle, en rendant les lieux et le contenu des formations accessibles, en accompagnant les travailleurs handicapés tout au long de leur parcours professionnel et en accélérant la mise en œuvre des politiques régionales concertées.

Enfin, nous devrons encourager les entreprises à mettre en œuvre des actions positives comme l’aménagement des postes de travail, la prévention des licenciements pour inaptitude ou encore l’amélioration de la qualité des accords exonératoires.

Vous le voyez, mes chers collègues, jamais une loi n’aura à ce point structuré l’ensemble d’une politique publique. De l’avis de tous, la loi du 11 février 2005 est une très belle loi. Elle affirme de grands principes tout en posant les jalons pour mettre en œuvre une politique forte en faveur des personnes handicapées.

Certes, des avancées significatives ont été réalisées dans tous les domaines mais, comme toute réforme ambitieuse, le bilan reste, sept ans après, en deçà des espoirs que la loi avait initialement soulevés. Comme nous l’ont très justement fait remarquer plusieurs acteurs du secteur, « la loi de 2005 reste à déployer ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’ont déjà excellemment rappelé les deux rapporteurs de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, la loi du 11 février 2005 est une belle loi, dont nous pouvons être fiers, car elle résulte largement d’une initiative parlementaire, notamment du Sénat.

Permettez-moi d’ailleurs de rendre hommage à trois anciens parlementaires, Paul Blanc et Nicolas About, qui furent nos collègues au Sénat, ainsi que Jean-François Chossy, ancien député, qui ont porté ce texte depuis sa genèse et qui ont contribué à le faire vivre grâce à leur implication et à leur énergie, grâce aussi au suivi qu’ils en ont assuré. Ils ont défendu une vision qui nous semble aujourd’hui évidente : une loi globale, de portée transversale, ayant pour ambition de faire en sorte que l’on voie dans chaque personne en situation de handicap d’abord une personne, à laquelle on doit reconnaître toute sa dignité et tous ses droits.

Ce changement de regard est bien l’avancée majeure de la loi du 11 février 2005.

Je tiens également à rappeler la volonté politique des gouvernements précédents, dont le soutien à cette démarche n’a jamais faibli. Je ne doute pas, madame la ministre, que le gouvernement auquel vous appartenez aura à cœur de la soutenir à son tour. Ayant été secrétaire d’État chargée de la solidarité pendant deux ans, je peux témoigner de l’ampleur de l’effort consacré à la politique du handicap au cours du précédent quinquennat.

Ainsi l’allocation aux adultes handicapées, l’AAH, a-t-elle été revalorisée de 25 % entre 2007 et 2012.

Un plan a également prévu la création de 51 400 places supplémentaires en établissements. Au 31 décembre 2010, 73 % de ces crédits avaient été notifiés aux agences régionales de santé. À mi-parcours, 50 % des places étaient autorisées.

Par ailleurs, un effort sans précédent a été fait en faveur de la scolarisation des enfants handicapés : entre 2006 et 2012, 55 000 élèves handicapés de plus ont été scolarisés en milieu ordinaire.

De nouveaux plans sectoriels ont été mis en œuvre : le plan autisme, que vient d’évoquer Isabelle Debré, le plan handicap visuel, le plan en faveur des personnes sourdes et malentendantes.

La compensation du handicap a été améliorée. En 2005, le montant moyen de l’allocation compensatrice pour tierce personne, l’ACTP, s’établissait à 400 euros par mois. Le montant moyen de la prestation de compensation du handicap est de 850 euros.

Je tenais à rappeler ces chiffres parce qu’ils traduisent de véritables avancées, comme le rappelait le président du Conseil national consultatif des personnes handicapées, Patrick Gohet, à l’occasion d’une tribune publiée l’année dernière.

Cela dit, je ne souhaite pas non plus verser dans l’angélisme : si les progrès sont là, tout n’est pas réglé, il s’en faut. À cet égard, le travail de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois constitue un recensement utile des difficultés les plus criantes. Je souscris bien volontiers aux remarques et aux propositions de la commission concernant les difficultés de fonctionnement des MDPH, les conditions d’examen des dossiers de plans d’aide, la nécessité d’orienter la scolarisation des enfants handicapés vers une prise en charge plus qualitative, le défi que constitue toujours l’accessibilité universelle à l’échéance de 2015, le chemin qu’il reste à parcourir pour offrir un véritable parcours de vie, en particulier par l’accès à l’emploi.

En matière d’autonomie des adultes, on s’arrête trop souvent à la question des structures, en oubliant que de plus en plus de personnes handicapées sont aujourd'hui capables d’aller vers l’autonomie. Il nous manque simplement les outils adaptés.

Madame la ministre, permettez-moi maintenant de vous faire part de quelques remarques dans trois domaines qui devront, selon moi, être au cœur de la politique à mener au cours des cinq ans à venir et faire l’objet de toute l’attention des pouvoirs publics.

J’évoquerai tout d’abord l’équité territoriale, sur laquelle on ne peut manquer de s’interroger à la lecture du rapport. Cette question surgissait également très vite lors des auditions des associations et des familles lors de la préparation de mon rapport sur l’évaluation de l’impact du dernier plan autisme. Les disparités constatées dans les plans d’aide, dans les montants des PCH alloués, dans les projets personnalisés de scolarisation, les PPS, selon les départements, et pour des situations qui sont ressenties comme comparables, pourraient constituer, si elles continuaient de croître, un véritable danger. Elles pourraient en tout cas rompre l’égalité que toute personne handicapée ou tout parent d’enfant handicapé est en droit d’attendre.

Je me suis toujours battue pour que nous conservions à l’échelon national un socle de solidarité, lequel doit être, à mon sens, le même en tout point du territoire. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je n’avais pas souhaité, lors de la préparation de la loi du 28 juillet 2011, que l’on transfère entièrement la gestion des MDPH au département.

On voit bien quelles pourraient être les conséquences, en termes d’équité, pour les politiques territorialisées si d’aventure l’État continuait de s’en désengager totalement. À titre d’exemple, pour un budget du handicap d’un montant voisin, la Ville de Paris traite, par l’intermédiaire de sa MDPH, 90 000 dossiers par an, quand la MDPH du département du Nord en voit passer plus de 150 000.

Quant aux familles d’autistes, elles n’ont aucune possibilité, dans certaines régions, de trouver une place à proximité de leur domicile dans les structures pour enfants autistes mettant en œuvre des méthodes éducatives et comportementales. Même en Île-de-France, région pourtant la mieux dotée de toutes, ces structures sont inégalement réparties selon les départements.

Il est nécessaire que, dans l’acte III de la décentralisation qui nous est annoncé, le handicap fasse l’objet d’un traitement particulier afin que l’ajustement des moyens alloués aux départements soit à la hauteur des besoins. Lors cette nouvelle étape, et compte tenu de l’expérience acquise, l’effort devra être qualitatif et équitablement réparti, tout en tenant compte du contexte local, madame la ministre.

Ma deuxième série de remarques portera sur ce qui constituait l’ambition fondamentale de la loi de 2005 : la construction d’un parcours de vie optimisant les chances d’inclusion.

Il me semble que, aujourd’hui, le handicap est toujours vécu comme une suite de ruptures et de discontinuités. Les familles évoquent toujours un « parcours du combattant ». La complexité des dossiers, la lenteur de leur examen et les files d’attente, le besoin de justifier sa situation lors de chaque renouvellement : tout cela concourt à susciter un sentiment de précarité, qui pourrait être atténué par une plus grande souplesse. Simple à dire, difficile à faire ! Toutefois, c’est bien en agissant sur ces petits points d’achoppement que l’on pourrait gagner en efficacité. Face à des publics aussi fragiles, il faut combattre notre tendance à trop bureaucratiser.

En matière scolaire, et pour tous les handicaps intellectuels ou psychiques, les discontinuités sont particulièrement dangereuses, car elles sont trop souvent synonymes de pertes de chances et de régression. Or ces discontinuités pourraient être mieux gérées. L’éducation nationale et les établissements spécialisés doivent apprendre à travailler plus étroitement ensemble. Il existe malheureusement encore trop peu d’établissements dans lesquels voisinent école ordinaire et structure spécialisée.

Ma dernière série de remarques portera sur le vieillissement.

Nous allons vers une société plus âgée, au sein de laquelle les personnes en situation de handicap vivront plus longtemps. La loi de 2005 prévoyait de lever les barrières d’âge, mais cela n’a pas été possible du fait de la contrainte financière. Pour autant, nous ne devons pas nous dispenser de conduire une réflexion sur une prise en charge adaptée du handicap chez la personne vieillissante. Cette question préoccupe particulièrement les familles, et à juste titre.

Il n’est pas certain, par exemple, qu’un adulte autiste vieillissant trouve sa juste place dans un EHPAD – établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Quels efforts financiers serons-nous prêts à consentir, dans un contexte qui nous laisse peu de marges de manœuvre ? Il nous faut rouvrir le débat sur le « cinquième risque » et donner tous les éléments à nos concitoyens, sans faux-semblants, car il n’y aura pas de choix facile. Ces sujets sont très complexes. Ils sont malheureusement devant nous et il nous faudra trouver des solutions les plus justes possible.

Je conclurai mon intervention par deux questions plus précises.

La première d’entre elles portera sur l’accessibilité. Comment comptez-vous avancer dans ce domaine, madame la ministre ? Quelle méthode allez-vous adopter ? Que pensez-vous de la proposition du président du CNCPH, qui a suggéré « de mettre en place un accord entre les demandeurs et tous les acteurs chargés d’appliquer la loi, à leur niveau de responsabilité, afin d’aboutir à une stratégie portant sur une orientation nationale » ?

Ma seconde question portera sur le troisième plan autisme, madame la ministre, sur lequel vous vous êtes engagée en juillet dernier. Pouvez-vous nous préciser quel sera le calendrier ? Prévoyez-vous la création de places supplémentaires, en particulier pour les adultes ? Lors d’un colloque auquel j’ai très récemment assisté, j’ai pu constater combien ce problème était aigu. Il est urgent d’agir.

Sept ans après le vote de la loi, les attentes demeurent toujours aussi fortes. De nombreuses avancées ont été accomplies, mais beaucoup reste à faire. Il nous appartient collectivement de nous mobiliser pour avancer le plus sereinement possible, en essayant de faire en sorte que les plus fragiles d’entre nous puissent être fiers du travail réalisé par le Parlement et le Gouvernement. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « bilan en demi-teinte », « des progrès, mais des objectifs non atteints », « de grandes ambitions, mais des réalisations insuffisantes » : de telles expressions reviennent de façon récurrente dans le rapport très complet réalisé, au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, par nos collègues Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, que je tiens à remercier pour leur important travail.

C’est peu dire que la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées était ambitieuse. Il s’agissait d’assurer l’égalité entre les valides et les personnes atteintes de handicap. Rien de moins ! Elle embrassait tous les aspects de la vie des handicapés : l’accès à l’éducation, au travail ; elle devait faciliter les démarches administratives tout comme l’accès aux bâtiments et aux transports. Elle devait aussi modifier le regard de la société sur les personnes handicapées, qu’elle devait faire entrer pleinement dans la Cité. Elle promettait l’égalité. C’était magnifique !

On a coutume de dire que cette loi était attendue et nécessaire. Néanmoins, lors de l’examen du texte, en 2004, notre ancien collègue du groupe RDSE Gérard Delfau avait relevé que ce texte « faisait planer quelques menaces et que manquaient cruellement les moyens de son ambition en termes de financement ». Il ajoutait que « le décalage entre les principes fixés par la loi et la réalité se trouvera souligné au terme de ce débat, d’où une grande frustration qui s’exprime déjà au sein de toutes les associations œuvrant dans le domaine du handicap ».

Ainsi, de manière presque prophétique, notre collègue avait résumé les écueils que nous constatons aujourd’hui, ce qui m’incite à penser que le principal problème de cette loi tient moins à son pilotage qu’à sa rédaction.

L’exemple de l’accessibilité dans la cité est, à ce titre, éloquent. La loi « handicap » fixait un objectif ambitieux : que les établissements recevant du public, les ERP, et les transports en commun soient accessibles à tous en 2015. Dans cette perspective, chaque département, ou presque, s’est doté d’un comité de pilotage et d’un observatoire de la mobilité, voire des deux. Mais les moyens, eux, ont rarement été mobilisés.

Au regard de l’accessibilité, les amendements apportés à la proposition de loi déposée par Paul Blanc, en 2011, ont constitué, il faut le souligner, un recul inadmissible en prévoyant des dérogations à l’obligation d’assurer l’accessibilité pour tous dans les bâtiments neufs, ouvrant ainsi une brèche dans le principe de « conception universelle ».

Il m’est impossible de traiter de toutes les ramifications de la loi de 2005 dans le temps qui m’est imparti. Vous me permettrez donc de m’attarder sur les dispositions de la loi qui concernent les départements. Ce sera également l’occasion de démontrer que, loin d’être un frein au travail parlementaire, la présidence d’un exécutif local enrichit son titulaire d’une expertise de terrain que la simple étude « hors-sol » ne pourra jamais remplacer !

Murmures et sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Vous le savez, les conseils généraux sont désormais identifiés comme l’échelon de la solidarité. C’est ainsi que, presque naturellement, il leur a incombé de piloter la mise en œuvre des grandes dispositions de la loi de 2005. Ces avancées se sont pourtant parfois heurtées à de grandes difficultés.

La première concerne les MDPH. Comment ne pas souscrire à cette belle idée consistant à simplifier les démarches des personnes handicapées en instituant un interlocuteur unique dans chaque département ?

Permettez-moi de citer l’exemple d’un département que je connais bien, le Tarn-et-Garonne, où nous nous sommes dotés d’une MDPH dès la fin de l’année 2005. Oh, il a fallu « essuyer les plâtres », au sens propre comme au figuré ! Comme dans les autres départements, nous nous sommes heurtés aux problèmes de gestion du personnel, du fait de la multiplicité des statuts en présence.

La loi « Paul Blanc » a apporté, c’est vrai, des améliorations dans le fonctionnement des MDPH. Elle prévoit notamment la mise en place de contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens afin de pérenniser les ressources des MDPH et leur permettre de ne plus naviguer à vue, comme ce fut le cas à leurs débuts.

Cependant, cela a été dit, nous sommes encore, tant d’années après, dans l’attente de l’ensemble des décrets d’application relatifs à ce texte.

La PCH était une autre innovation majeure. Se substituant à l’allocation compensatrice pour tierce personne, ou ACTP, elle opérait un changement de paradigme : elle considérait le handicap comme un préjudice et, à ce titre, celui-ci devait être réparé. Là encore, la MDPH est au centre du dispositif, car c’est elle qui, en lien avec les personnes handicapées, procède à l’évaluation des besoins.

La PCH, après des débuts en douceur, a vu le nombre de ses bénéficiaires augmenter rapidement. Cette forte croissance, si elle témoigne de l’efficacité du dispositif, suscite, vous le comprendrez, des inquiétudes dans les conseils généraux, car elle s’accompagne mécaniquement d’une hausse des dépenses à leur charge des départements.

De plus, nous avons pu constater une diminution inquiétante, en proportion, de la participation de la CNSA au financement de la PCH. Comme indiqué dans le rapport d’information, le concours de la CNSA est resté globalement stable en valeur absolue, mais il ne représente désormais plus qu’un tiers des dépenses au titre de la PCH. Il revient donc aux départements de supporter seuls l’accroissement des dépenses, qui culminent à plus de 1, 4 milliard d’euros.

Je m’interroge donc sur les propositions 8 et 9 du rapport, relatives à l’élargissement du périmètre de la PCH. Je ne remets pas en cause le bien-fondé de ces propositions, qui sont généreuses ; je me permets seulement de poser la question de leur financement. Et le fait que le Gouvernement envisage, compte tenu du contexte, une baisse de plus de 2 milliards d’euros des dotations aux collectivités sur la période 2013-2015 ne sera pas de nature à faciliter la tâche des conseils généraux !

L’élargissement des bénéficiaires de la PCH ne pourra être envisagé que si la proposition 10, qui consiste à pérenniser les fonds départementaux par le biais de règles contraignantes fixant les engagements des différents contributeurs, est réellement mise en œuvre.

Il en va de même pour les fonds départementaux de compensation, qui devaient être abondés par l’État, la CPAM, les conseils généraux et la MSA. Après deux années de fonctionnement, l’État, malheureusement, a suspendu unilatéralement – une fois de plus ! – sa participation au financement des fonds pendant trois années, en 2008, 2009 et 2010.

J’ai choisi l’exemple de la PCH et des fonds départementaux de compensation, mais j’aurais également pu parler du désengagement de l’État en matière de formation professionnelle des personnes handicapées. Ce dernier n’a-t-il pas confié à l’Association de gestion des fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, la gestion de plusieurs dispositifs relevant pourtant de sa compétence, et ce sans compensation financière ?

Au-delà du problème de l’état d’application de la loi, le législateur doit s’interroger sur sa faisabilité même. Dans le cas présent, le décalage entre des objectifs élevés et les moyens disponibles constituerait presque un motif de ne pas mobiliser les seconds pour s’approcher des premiers.

Ce décalage pose également la question des outils de pilotage, de suivi et d’évaluation des lois. Le 25 septembre dernier, à l’Assemblée nationale, lors de la séance de questions au Gouvernement, vous ne disiez pas autre chose, madame la ministre. Vous voyez que j’ai de bonnes lectures ! §

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Vous constatiez que cette loi n’avait « pas été conduite, ni managée, ni suivie ». J’ajouterai que, pour partie, la loi de 2005 constitue ce qu’on pourrait appeler une loi d’affichage.

Le Président de la République a souhaité opérer un changement de méthode en matière, notamment, de politique du handicap. Il a raison ! Dans son programme présidentiel, il s’engageait à garantir « l’existence d’un volet handicap dans chaque loi ». Ce fut le cas de la loi sur les emplois d’avenir, avec le recrutement de 1 500 auxiliaires de vie scolaire supplémentaires. Il sera de la responsabilité du Gouvernement et du Parlement qu’il en aille de même pour les contrats de génération et les réformes des dispositifs d’aide aux personnes âgées et de la dépendance. Nous attendons également, vous l’imaginez, la présence d’un tel volet dans la future loi de décentralisation.

Voilà, madame la ministre, ce que les radicaux pensent du bilan de l’application de la loi de février 2005. §

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier les rapporteurs pour leur travail très précis et très riche.

Le débat demandé par la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois permet de dresser un état des lieux utile, portant sur le respect des obligations fixées par la loi de 2005.

Tout d’abord, je rejoins le point de vue exprimé par les rapporteurs et par plusieurs des orateurs qui m’ont précédée, selon lequel le recul de l’échéance de 2015 pour permettre un égal accès à la Cité pour tous serait un très mauvais signal, décourageant et démobilisateur. Nous ne pouvons pas nous le permettre et nous devons résister aux fortes pressions qui s’exercent en ce sens.

Cela est d’autant plus vrai que le retard est très important. En effet, selon le rapport rendu public le 12 septembre dernier par Mme la ministre, le niveau de réalisation actuel ne dépasserait pas 15 %. Ce rapport met en cause l’ampleur des travaux, et donc de leur financement, le manque de proportionnalité des normes entre le neuf et l’ancien, le manque d’harmonisation entre les commissions d’accessibilité, mais aussi un portage politique parfois – pour ne pas dire souvent – insuffisant, ainsi que l’échelonnement dans le temps de la publication des textes réglementaires.

Il paraît donc indispensable de maintenir le cap et de conserver l’échéance finale, tout en distinguant les différentes catégories d’ERP, ce qui permettra de déterminer des niveaux de priorité différents et obligera à élaborer un calendrier précis de ce qu’il reste à faire.

En effet, l’accessibilité est une condition de la participation économique, sociale et citoyenne, car elle définit non seulement les aménagements rendant possible la mobilité de tous au sein de l’espace public, mais inclut également la notion d’accès aux services et d’implication active dans la vie sociale, à tous les niveaux.

Nous défendons une politique du handicap fondée sur la solidarité et sur l’autonomie des personnes en situation de handicap, qui vise à leur inclusion par une application pleine et entière de cette loi et par l’application de la convention internationale relative aux droits des personnes handicapées, qui prévoit notamment le droit à la santé, à des revenus suffisants, à la compensation intégrale du handicap et à l’accessibilité.

Plus généralement, notre société doit garantir aux personnes en situation de handicap les conditions de l’exercice plein et entier de la citoyenneté. Ainsi faut-il donner les moyens à ces personnes de s’intégrer dans la société par la mise à niveau de l’allocation aux adultes handicapés, l’amélioration de l’insertion professionnelle par le renforcement des moyens de l’AGEFIPH, un nouveau statut pour les employés des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, et un soutien des collectivités aux structures accueillant des travailleurs handicapés.

Parallèlement, une politique de « désinstitutionalisation » progressive nous paraît devoir être engagée, afin de permettre une meilleure intégration sociale pour un plus grand nombre de personnes en situation de handicap dont le placement en institution spécialisée n’est pas indispensable et dont le maintien ou le retour à domicile, total ou partiel, est possible.

J’en viens au fonctionnement des MDPH. Sur ce point, le rapport est très riche, et nous souscrivons d’ailleurs aux suggestions qui y sont faites. Nous proposons également de soutenir les services d’aide à domicile, avec une revalorisation des tarifs et de la qualification du personnel, en développant notamment la formation de ce dernier.

Le rapport analyse également la question très importante de la scolarisation des élèves handicapés au sein des établissements destinés à tous. Nous proposons d’augmenter significativement le nombre d’auxiliaires de vie scolaire – au demeurant, les annonces faites récemment par le Gouvernement vont évidemment dans le bon sens –, en les intégrant à l’éducation nationale, mais aussi en leur garantissant une professionnalisation et une formation de bon niveau, ainsi qu’un statut qui les sorte de la précarité dans laquelle ils vivent aujourd’hui.

Les enseignants doivent également recevoir une formation au handicap, ainsi que le matériel adapté. Pour les enfants ne pouvant être accueillis en milieu scolaire ordinaire, il est nécessaire d’augmenter la capacité d’accueil et le maillage des territoires par de petites structures spécialisées. Il est vrai que, pour certains enfants, le nombre d’heures de transport par jour pose problème.

Concernant l’égalité d’accès aux soins, nous proposons d’augmenter le seuil d’accès à la CMU complémentaire, en rattrapant le retard d’adaptation des structures hospitalières et médicales.

Plus généralement, il nous paraît important d’engager les collectivités territoriales dans la mise en place de ce que l’on appelle l’« Agenda 22 », en prévoyant, par exemple, un soutien à l’aménagement des logements particuliers, une aide financière au logement adapté et accompagné – usufruit locatif social, maison-relais, etc. – et surtout en répondant à la demande d’autonomisation des personnes handicapées. Par exemple, des lieux d’hébergement intermédiaires peuvent être créés pour les personnes souffrant d’un handicap psychique.

Enfin, l’accessibilité au transport, mais aussi à la culture et au sport, doit être garantie pour toutes et tous.

La loi de 2005 proposait un changement complet de regard dans tous les domaines, plusieurs orateurs ont eu l’occasion de le rappeler. J’entends par là l’adoption d’une approche à la fois transversale et positive, en ce sens que toutes les questions, y compris celle de l’intégration professionnelle, sont appréhendées à partir non plus des incapacités de la personne, mais de l’évaluation de ses capacités et compétences.

Ne nous arrêtons pas en chemin. Engrangeons les acquis tout en conservant les objectifs. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour donner une forte impulsion à l’important travail de pilotage engagé et à la mise en œuvre nécessaire des mesures prévues vu l’étendue et la transversalité des secteurs concernés. Les sénateurs du groupe écologiste vous assurent de leur soutien. §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’en venir au débat qui nous réunit aujourd’hui, je voudrais revenir sur l’examen du projet de loi portant création des emplois d’avenir qui a eu lieu la semaine dernière au Sénat.

J’avais déposé, avec le groupe CRC, un amendement visant à rendre obligatoire une formation préalable pour les jeunes qui, dans le cadre de ce recrutement, seraient appelés à travailler auprès de personnes dépendantes ou en situation de handicap.

Cette formation préalable est, à l’image de celle qui existe en matière de petite enfance, indispensable pour éviter des situations de maltraitance involontaire. Je suis d’autant plus étonnée du mauvais sort qui a été réservé à mon amendement que l’objectif qu’il sous-tendait rejoint celui que votre collègue chargée des personnes âgées et de l’autonomie, Mme Delaunay, a mis en avant le lendemain même, à l’occasion des troisièmes assises nationales de l’aide à domicile.

La commission mixte paritaire qui s’est réunie ce matin ne nous a pas donné satisfaction. C’est dommage car, vous le savez, madame la ministre, pour ce qui concerne l’accompagnement des personnes en situation de handicap, la seule bonne volonté ne suffit pas. Pourtant, sur ce sujet comme sur d’autres, il faudra bien que nous avancions, et que nous avancions vite.

S’il est indéniable que l’adoption de la loi du 11 février 2005 a permis une évolution notable des conditions de vie des personnes en situation de handicap, beaucoup de chemin reste à parcourir, ainsi que l’ont souligné plusieurs de mes collègues. La force de cette loi réside sans doute dans le fait que, pour la première fois, notre pays appréhendait la question du handicap dans son ensemble, suscitant ainsi un très grand espoir.

Plus de sept ans après son adoption, force est de constater que tous les objectifs ne sont pas atteints et que nous ne nous sommes pas dotés des outils nécessaires à leur pleine réalisation, surtout quand la détermination politique a fait défaut. Je pense particulièrement à l’objectif d’une société accessible pour tous en 2015. Cet engagement, qui est un véritable enjeu de société, est au croisement d’exigences différentes, mais convergentes.

Une Cité universelle est le gage d’une réelle prise en compte des besoins spécifiques des familles, des personnes vieillissantes et de la volonté des personnes en situation de handicap de ne plus être victimes d’une forme d’apartheid ou, à tout le moins, de relégation sociale.

Tant que l’espace urbain, les lieux de rencontre et de vie collective ainsi que les chaînes de déplacement ne seront pas accessibles à toutes et à tous, on privera, de fait, les personnes en situation de handicap de leur pleine citoyenneté.

Je rappelle d’ailleurs, que, comme nous l’avions signalé à Jean-Pierre Bel le lendemain de son élection à la présidence de la Haute Assemblée, les tribunes de notre hémicycle demeurent inaccessibles aux personnes à mobilité réduite, ce qui oblige une délégation à suivre en ce moment même nos travaux depuis le salon Victor-Hugo. Ce qui est vrai au Sénat l’est malheureusement également à l’extérieur, comme le rappelle fort bien le rapport de nos collègues.

Ce rapport explique notamment le retard pris en la matière par un manque de pilotage, ce qui est certainement vrai. Sans doute aurions-nous pu, ou dû, nous doter dès 2005 d’un outil statistique susceptible d’évaluer annuellement les progressions afin de pouvoir agir plus rapidement.

Dans le même temps, un autre rapport de l’IGAS précise que l’ampleur des travaux à réaliser impliquerait d’engager près de 20 milliards d’euros de dépenses si l’on maintenait le cap posé par la loi.

Cette somme colossale nous interpelle : si les collectivités ne peuvent en assurer seules la charge sur une période si courte, cette somme est d’abord et avant tout la conséquence du retard pris. En effet, les acteurs publics ont peu pris en compte les problématiques liées à l’accessibilité dans leurs choix en matière d’investissements.

Permettez-moi, madame la ministre, de dire que votre dernier communiqué de presse sur ce sujet nous rassure. Les propos tenus lors de la remise du rapport de l’IGAS nous ont fait craindre un renoncement non pas sur la date de l’échéance, mais sur les objectifs. Cela m’a d’ailleurs rappelé le débat que nous avions eu ici même sur les notions d’aménagements et de dérogations lors de l’examen de la loi « Paul Blanc ». Nous savons aujourd’hui que l’accessibilité universelle reste l’objectif, et nous nous en réjouissons.

Dès lors, il faut mobiliser toutes les énergies et mettre cette question au cœur de tous les projets. Plus aucune subvention publique ne doit être donnée, plus aucun chantier immobilier urbain engageant des fonds publics ne doit être lancé sans intégrer un volet accessibilité. Ces 20 milliards d’euros sont des dépenses légitimes dans la mesure où elles correspondent à un engagement de la Nation. De plus, il s’agit non seulement d’un investissement pour le « vivre ensemble », mais aussi d’une politique d’emploi judicieuse.

En outre, je veux profiter de cette intervention pour aborder la question de la compensation du handicap.

L’exposé des motifs du projet de loi du 11 février 2005 prévoyait que la politique de compensation devait permettre « à chaque personne handicapée d’obtenir la réponse appropriée à ses besoins et de disposer des moyens nécessaires pour faire face aux charges spécifiques liées à sa situation de handicap ». Cet objectif a malheureusement été démenti « à la source » tant la loi a posé de restrictions, à commencer par l’absence d’une véritable PCH enfant ou encore l’instauration de tarifs plafonds ou de critères d’éligibilité, qui se traduisent par une PCH dont le montant ne permet pas de répondre pleinement aux besoins des personnes en situation de handicap.

Cela explique sans doute pourquoi de nombreuses personnes en situation de handicap pourtant éligibles à la PCH continuent d’opter pour l’ACTP, et ce malgré le durcissement des conditions de contrôle.

Je dois dire qu’une formule utilisée dans le rapport de nos collègues concernant la PCH et les maisons départementales des personnes handicapées a attiré mon attention. En effet, s’appuyant sur les difficultés qu’ont pu connaître les MDPH, principalement en raison du non-respect par l’État de ses obligations en matière de personnels et d’une importante montée en charge de la PCH, le rapport pose la question d’une éventuelle remise en cause du statut actuel. Or celui-ci présente l’avantage de réunir les différents acteurs dont les départements, acteurs de proximité indispensables pour une évaluation au plus près des besoins, et l’État, acteur indispensable pour garantir la solidarité nationale.

Sans que soit directement remis en cause le statut actuel, celui du GIP – groupement d’intérêt public –, on devine toutefois la tentation de faire en sorte, notamment dans le cadre d’une nouvelle étape de décentralisation, que les MDPH deviennent des services intégrés aux conseils généraux. Ainsi, leurs présidents des assemblées départementales deviendraient définitivement les contrôleurs, les instructeurs des dossiers et les payeurs.

Si cette solution présente l’avantage, pour les départements, d’adapter au plus juste ces dépenses, elle entraîne de fait une dissolution du rôle de l’État en tant qu’autorité édictant des règles communes, garantes de l’égalité territoriale et de la solidarité nationale.

Le groupe CRC estime que, plutôt que de s’engouffrer dans ce chemin, les conseillers généraux doivent porter le combat de la juste participation financière de l’État à la PCH, comme aux deux autres allocations individualisées que sont l’APA et le RSA.

Faute de temps, je ne pourrai aborder la question de la scolarisation des enfants handicapés ni celle de la professionnalisation des auxiliaires de vie scolaire. Même si je note que le Gouvernement a fait des efforts importants en recrutant notamment 1 500 AVS, je déplore que trop d’enfants demeurent encore privés d’une scolarité en milieu ordinaire, ou n’y ont accès qu’à temps partiel.

Avant de conclure, je voudrais vous interroger, madame la ministre, sur l’AAH.

Si le Président de la République l’a bien augmenté de 25 %, …

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

… il n’a toutefois pas oublié de faire en sorte que le nombre de bénéficiaires se trouve réduit.

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Ainsi, sous couvert d’une nouvelle définition des conditions d’appréciation par les MDPH des besoins des personnes en situation de handicap, le gouvernement de Nicolas Sarkozy a promulgué un décret réduisant la portée de la notion de « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi », …

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

… qui permet à une personne dont le taux d’incapacité permanente est compris entre 50 % et 79 % de bénéficier de l’AAH.

Désormais, pour évaluer la « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi », seul le handicap sous son aspect médical est pris en compte, écartant, contrairement à ce qui prévalait auparavant, l’environnement économique et social de la personne en situation de handicap. Ce décret exclut des critères de détermination du montant de l’AAH les difficultés particulières liées au transport, ce qu’il est convenu d’appeler la « chaîne de déplacement ».

Pourtant, compte tenu du retard pris en matière d’accessibilité, cette question doit être regardée comme fondamentale. D’ailleurs, on voit bien que cette mesure n’est en réalité qu’une mesure d’économie, qui devrait logiquement éviter une dépense de 74 millions d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous me permettrez tout d’abord de remercier et de féliciter très sincèrement Mmes les rapporteurs pour la qualité de leur rapport, qui constitue la base de notre débat.

Ce rapport rend globalement justice à la loi de 2005, même si l’application de celle-ci n’est pas à la hauteur des ambitions du législateur sur tous les points, ce qui est d’ailleurs, hélas ! commun à nombre de lois. Vous avez, mesdames, examiné les avancées réalisées et les freins qui subsistent dans tous les domaines.

Cette loi ne comprend pas seulement un certain nombre de mesures articulées les unes aux autres : elle constitue un changement radical dans l’approche que les pouvoirs publics, comme notre société, ont ou doivent avoir du handicap. Elle est fondée sur le droit à la compensation du handicap, ce qui est une nouveauté radicale. Je suis convaincu que, un jour ou l’autre, ce droit à la compensation sera l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

En effet, la loi de 2005 s’intéresse d’abord non pas au handicap, mais aux capacités des personnes handicapées. Or compenser le handicap, c’est précisément faire en sorte que chaque personne handicapée puisse aller comme les autres au bout de ses capacités et puisse dépasser ses propres limites. C’est un apport essentiel de cette loi. Du reste, si l’on en examine les différents volets, on constate que tous ont pour objectif de permettre la concrétisation de cette très noble ambition dans un domaine ou un autre.

Aussi, vous comprendrez, mes chers collègues, que je veuille, à ce stade de mon intervention, rendre hommage à un homme qui, tout au long de sa vie publique, a confirmé et amplifié son engagement en faveur des personnes handicapées ; je veux parler du président Jacques Chirac, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… qui est à l’origine de la grande loi de 1975, laquelle a créé l’allocation aux adultes handicapés et les établissements médico-sociaux qui s’y rattachent, la loi de 1987 en faveur de l’emploi des travailleurs handicapés, ainsi que la loi de 2005, dont l’application fait l’objet du présent débat. Sur trente ans, ces trois grandes lois de la République sont toutes dues à l’action personnelle de Jacques Chirac.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous avez très bien montré, mesdames les rapporteurs, que, sur nombre de points, les résultats sont au rendez-vous, même si beaucoup reste encore à faire.

Tout d’abord concernant l’éducation, le nombre d’enfants scolarisés en milieu éducatif ordinaire et accompagnés a connu une progression tout à fait importante ; les capacités des sections spécialisées, mises en place surtout dans les collèges, ont considérablement augmenté.

J’évoquerai ensuite la prestation de compensation du handicap, qui est incomparablement supérieure à l’ancienne allocation compensatrice pour tierce personne, mais dont la diffusion rapide pose aujourd’hui un problème de financement.

J’insisterai aussi sur l’augmentation des ressources des personnes handicapées qui s’est produite au cours des dernières années, comme cela a été rappelé tout à l’heure, grâce à la hausse sans précédent de l’allocation aux adultes handicapés. Les conditions nouvelles qui ont été fixées pour l’accès à cette prestation sont certes négatives, mais elles n’effacent pas l’avantage immense que cette hausse exceptionnelle représente pour les personnes handicapées.

En revanche, en ce qui concerne l’emploi des personnes handicapées, les résultats se font davantage attendre. C’est sur cette question qu’il faudra, selon moi, concentrer nos efforts dans les mois et les années qui viennent.

Il en va de même pour l’accessibilité, qui est aussi un problème majeur. Dans ce domaine, malgré le délai de dix ans qui a été accordé aux responsables d’établissements recevant du public, le travail est très loin d’être terminé.

Sur ces différents points, il est plus que temps de dynamiser l’action des pouvoirs publics et de faire preuve d’une volonté politique inflexible pour rendre l’action de l’État et des collectivités territoriales beaucoup plus efficace et ses résultats, plus rapides.

S’agissant de l’éducation, des résultats tout à fait remarquables ont été obtenus. Chacun a pu prendre connaissance des chiffres fournis par Mmes les rapporteurs et constater qu’un élan formidable a été donné. L’augmentation d’un tiers du nombre d’enfants handicapés accueillis par l’éducation nationale depuis 2006 est un résultat dont notre République peut légitimement être fière. (

Je mesure néanmoins le nombre des situations qui restent aujourd’hui sans solution : dans ce domaine, si l’on est satisfait de noter les améliorations, on souffre toujours, par compassion, de voir des difficultés irrésolues. Mais que cela ne nous empêche pas de nous réjouir des progrès !

Quant au nombre des élèves accompagnés par des auxiliaires de vie scolaire individuels, il a bondi puisque, selon Mmes les rapporteurs, il est passé de 18 500 à 61 700 enfants, ce qui représente tout de même une augmentation de 230 %.

Mais ne nous endormons pas sur nos lauriers : des actions majeures restent à conduire. Je les mentionne pêle-mêle, compte tenu du temps encadré dont nous disposons dans ce débat.

Il faut d’abord améliorer la formation des enseignants. En effet, un certain nombre de professeurs des écoles se sentent démunis et ne s’en cachent pas : ils ont besoin d’être soutenus.

Il faut ensuite revaloriser le statut des auxiliaires de vie scolaire, dont la précarité est un problème auquel il n’a été porté remède ni par aucun de vos prédécesseurs – j’en fais partie – ni par vous-même, pour le moment, madame la ministre, quoiqu’il pénalise beaucoup l’accompagnement de nos enfants handicapés. (

Je sais bien que les budgets de l’éducation nationale sont toujours tendus et que le ministre, lorsqu’il a des choix à faire, qu’on me pardonne de le dire, préfère toujours les professeurs aux auxiliaires de vie scolaire. Il faut donc avoir une volonté politique très ferme de remédier à cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il importe aussi que le nombre des places en ITEP, ou institut thérapeutique, éducatif et pédagogique, soit augmenté. Nous mesurons dans nos départements leur insuffisance, d’autant plus criante qu’elle affecte des enfants particulièrement handicapés, notamment ceux qui souffrent d’autisme. Il faut également continuer à augmenter le nombre des places en CLIS – classe pour l'inclusion scolaire – et en ULIS – unité localisée pour l'inclusion scolaire.

La prestation de compensation du handicap est un autre sujet à propos duquel nous pouvons être globalement satisfaits.

Cette allocation est un outil extraordinaire en ce que son champ déborde le seul financement de l’aide humaine à la personne pour s’étendre aux aides techniques, aux aides à l’adaptation du logement et aux aides à l’adaptation des véhicules. Il y a là quelque chose de tout à fait novateur puisque c’est la première fois qu’est mise en œuvre une aide aussi finement individualisée.

Elle est d’autant plus individualisée que les associations de personnes handicapées qui siègent au sein des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, les CDAPH, portent sur la situation des personnes et sur leurs besoins pour réaliser leur projet de vie un regard personnel qui diffère de celui des professionnels et vient le compléter.

Seulement voilà : nous sommes aujourd’hui au pied du mur. La prestation de compensation du handicap a besoin d’être financée et les finances départementales sont dégradées, de même que les finances de l’État, celles de la sécurité sociale et celles de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.

Je crois qu’il est temps, au lieu de nous renvoyer la balle les uns aux autres, de tenir une sorte de lit de justice avec tous les acteurs concernés, pour examiner de quelle façon nous financerons à l’avenir cette prestation, dont le nombre des bénéficiaires est passé de 37 000 en 2007 à 160 000 en 2010.

Il s’agit d’un enjeu majeur, car la progression se poursuit au même rythme. Sans compter que les départements, précisément parce qu’ils ne gèrent pas cette prestation comme un guichet administratif mais que les CDAPH existent, n’ont pas la possibilité de resserrer les conditions d’attribution. Nous devons donc trouver un moyen de faire face à nos engagements.

Et puisqu’on reparle enfin de la réforme de la prise en charge de la dépendance des personnes âgées, il est plus que temps d’y associer celle de la prise en charge de la dépendance des personnes handicapées. Madame le ministre, je vous en supplie, ne restez pas à l’écart de ce débat, dont votre collègue en charge des personnes âgées n’a pas le monopole ! Le problème de la dépendance, dont les enjeux financiers sont extrêmement lourds, doit aussi être l’une de vos préoccupations majeures.

La création des maisons départementales des personnes handicapées est une avancée précieuse, pourvu que ces structures aient les moyens d’assurer leur avenir. Or il n’est pas toujours facile de faire fonctionner ces institutions encore jeunes, qui sont des lieux d’accueil conçus pour mettre fin au « parcours du combattant », comme il est dit dans le rapport, que les personnes handicapées devaient affronter auparavant pour faire reconnaître leurs droits.

L’avenir des MDPH sera menacé si des mesures urgentes ne sont pas prises pour en assurer le fonctionnement.

Au chapitre des progrès très sensibles qui ont été réalisés, il faut citer enfin les ressources des personnes handicapées.

Je reconnais bien volontiers que nous ne sommes pas allés au bout du chemin, mais tout de même ! Que dirait-on aujourd’hui si l’allocation aux adultes handicapés n’avait pas été augmentée de 25 % en cinq ans ?

Toutefois, prenons garde : quels que soient les progrès accomplis, nous devons en être conscients, l’enjeu de demain n’est pas seulement d’augmenter le niveau de ressources des personnes handicapées qui ne travaillent pas : il est de conduire un nombre croissant de personnes handicapées vers l’emploi.

Pour cela, il faut les accompagner sur le plan social, mais aussi au regard de la formation aux métiers et de l’insertion dans les entreprises et les services publics qui les emploient. De cette façon, les personnes handicapées ne seront pas enfermées dans l’inactivité. Il faut le savoir, un minimum de subsistance, à quelque rythme qu’il progresse, restera toujours un minimum de subsistance. C’est donc sur l’emploi qu’il faut, selon moi, mettre aujourd’hui l’accent.

Le fait est que, dans ce domaine, les résultats sont tout à fait décevants. Bien que le secteur public soit désormais plus ouvert à l’emploi des personnes handicapées, la loi du 11 février 2005 l’ayant soumis à la même obligation que le secteur privé, les améliorations se font attendre.

En réalité, on observe une sorte de stagnation de l’emploi des personnes handicapées, comme Mmes les rapporteurs l’ont parfaitement mis en évidence. Les majorités changent, les problèmes demeurent.

C’est pourquoi nous devons nous persuader que l’enjeu principal, l’horizon le plus important, la frontière qu’il nous faut franchir, c’est maintenant l’emploi des personnes handicapées. Songez, mes chers collègues, que leur taux de chômage est deux fois plus élevé que celui des autres Français !

Cette situation est totalement inacceptable. Elle montre les limites des mesures de coercition que nous avons voulu mettre en œuvre : elles ont beau être appliquées, elles n’empêchent pas qu’un certain nombre d’employeurs, privés ou publics, préfèrent payer pour ne pas employer plutôt que d’employer pour ne pas payer.

Il y a enfin le problème majeur de l’accessibilité. Il est temps que le décret sur l’accessibilité des lieux de travail paraisse ; c’est à juste titre, mesdames les rapporteurs, que vous le demandez.

Il faut aussi reconnaître, s’agissant des établissements recevant du public, que le délai de dix ans n’aura pas été bien mis à profit. Il n’était pas fait pour qu’on s’endorme en attendant l’échéance !

Les données manquant, il importe de mettre en place des systèmes de collecte de l’information. Mais il faut en outre qu’un nouvel élan soit donné, aussi bien pour la voirie que pour les transports collectifs ou l’aménagement des établissements recevant du public, afin que l’objectif fixé pour 2015 puisse être atteint.

J’observe que, sur ces travées, nous sommes partagés : certains ont déjà fait leur deuil de cet objectif quand d’autres veulent qu’on mette les bouchées doubles. Nous verrons ce qui se passera en 2015, mais, quoi qu'il en soit, il importe aujourd’hui de faire savoir à nos compatriotes qui ont des obligations dans ce domaine que nous voulons, autant qu’il est possible, atteindre notre objectif. Et il faut aussi leur montrer que, dès maintenant, nous commençons à prévoir ce que nous déciderons pour ceux d’entre eux qui n’auront pas atteint l’objectif en 2015.

Autrement dit, il va falloir encadrer dans un calendrier précis, avec des engagements de financement et un programme d’action, tous les établissements recevant du public qui ne se seront pas mis aux normes d’accessibilité.

Nous devons donc être fermes sur les objectifs mais, en même temps, trouver de nouvelles procédures pour accélérer les résultats.

Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, les observations que je souhaitais vous présenter. Je tiens, pour finir, à insister sur un certain nombre de vœux.

Que la réforme de la dépendance prenne en compte les personnes handicapées et que nous relancions le plan pluriannuel de création de places et de services en faveur des personnes handicapées et des enfants handicapés.

Que nous offrions un statut digne de ce nom aux auxiliaires de vie scolaire.

Que nous renforcions l’accompagnement dans l’emploi et la formation des travailleurs handicapés.

Que nous fassions face à l’impératif de la prise en charge du vieillissement des personnes handicapées.

Et, surtout, que nous prenions des mesures pour que l’accessibilité pour tous devienne une réalité, si possible en 2015.

C’est ainsi, madame la ministre, mes chers collègues, que nous réussirons à changer réellement la vie des personnes handicapées, pour que la différence des uns cesse de se heurter à l’indifférence des autres !

Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je veux remercier à mon tour nos collègues Claire-Lise Campion et Isabelle Debré pour la qualité du rapport d’information qu’elles ont préparé au sein de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, présidée par David Assouline.

Voter des lois est important ; en vérifier l’application est tout aussi nécessaire.

Nous voici à l’heure du premier bilan de la loi du 11 février 2005, dite « loi handicap ». Où donc en sommes-nous ?

La loi était ambitieuse, le bilan est mitigé. Il pouvait difficilement en être autrement. Mais ce bilan nous montre surtout dans quelle voie il faut poursuivre.

Je parlerai d’abord de la petite enfance, puis de la scolarisation, en insistant sur la continuité qui existe dans le parcours de vie de l’enfant et de sa famille.

L’arrivée dans une famille d’un enfant porteur de handicap est souvent source d’inquiétude, voire d’angoisse quant à son évolution et à son devenir. C’est aussi une charge importante pour les parents qui accompagnent leur enfant au quotidien. Les familles nous le disent : leur emploi du temps est très largement consacré à leur enfant, aux consultations médicales, aux bilans, aux accompagnements pour la scolarisation et aux activités adaptées, si l’enfant a la chance d’en bénéficier.

Beaucoup de mères cessent leur activité professionnelle pour prendre en charge l’enfant porteur de handicap ; pour la famille, c’est souvent un salaire en moins, alors même que les frais à sa charge augmentent. Parfois aussi, des couples se séparent ou des fratries sont mises à mal.

Je ne veux pas peindre un tableau trop noir, car de nombreuses familles rebondissent, se mobilisent, militent pour faire avancer leur situation et celle des autres. Mais il faut bien reconnaître que leur parcours est tout de même plus difficile au quotidien et dans la durée que celui des autres familles.

La loi du 11 février 2005 a suscité beaucoup d’espoir dans ces familles, celle-ci pensant qu’elle leur offrirait enfin des réponses adaptées à la prise en charge à long terme de leur enfant et qu’elle leur permettrait de vivre comme des familles presque ordinaires.

Bien sûr, tout n’est pas négatif dans les cinq premières années de mise en place de cette loi globale et ambitieuse, nous nous devons tout de même de constater que le chantier reste colossal.

Tout d’abord, sur la prise en compte des familles et du projet individualisé pour l’enfant, le rapport constate de nettes insuffisances. Pour que l’enfant et sa famille soient placés au cœur du dispositif, il faut impulser, voire imposer, un changement dans les mentalités et dans les cultures professionnelles.

En effet, la famille est toujours centrale dans l’accompagnement de l’enfant ou du jeune. C’est sur elle que tout repose, il faut bien le dire. Nous en avons la preuve dans nos départements lorsque l’aide sociale à l’enfance doit parfois prendre le relais auprès d’enfants présentant un handicap, et ce n’est pas simple !

Il faut être très attentif dans la période d’annonce du handicap, car c’est à ce moment crucial et difficile que des obstacles peuvent survenir, mais aussi être dépassés. Ces obstacles trouvent le plus souvent leur source dans l’incompréhension, la culpabilité et la colère. Il faut permettre aux parents de s’exprimer, de poser leurs questions, pour que leur regard sur leur enfant devienne bienveillant, autant qu’il est possible, et que chacun trouve peu à peu sa place. Il faut passer du « Pourquoi le handicap ? » à « Comment allons-nous accompagner notre enfant ? »

Le rôle des professionnels des maternités, des centres de protection maternelle et infantile et des centres d’action médico-sociale précoce dans les départements est, à ce titre, déterminant. Il faut pouvoir mobiliser aussi ces services lors de l’annonce d’un handicap acquis ou découvert plus tardivement. La cellule familiale doit tenir bon autour de l’enfant ; il y va de l’intérêt de l’enfant, de sa famille et de la société tout entière.

Ensuite, vient le temps social, où la famille se confronte, au-delà des discours d’intention, aux réalités locales de l’accueil des enfants ayant des besoins spécifiques. La nécessité du « sur-mesure » se heurte à nos dispositifs normés.

L’accueil en structure collective ou chez une assistante maternelle est la première épreuve pour les familles. Il en va de même pour les structures de loisirs. Pourtant, des solutions existent, élaborées ici et là en France à partir de la volonté et de l’intelligence des professionnels et des familles, et avec le soutien des collectivités locales. Il serait intéressant, madame la ministre, de pouvoir faire connaître ces montages, par exemple sur un forum dédié, placé sous la responsabilité de votre ministère.

À ce titre, il me semble aussi que les maisons d’assistantes maternelles pourraient jouer un rôle non négligeable dans la construction de réponses locales individualisées en matière d’accueil de la petite enfance, moyennant la formation de ces professionnelles volontaires et une petite réduction du nombre d’enfants accueillis en recherchant le moyen de prendre en charge financièrement une partie du manque à gagner qui en résulterait.

L’enfant, déjà habitué à un petit collectif, pourrait aborder sa scolarisation avec des acquis et moins de difficultés. Il pourrait être scolarisé à temps partiel tout en restant, dans un premier temps, à la maison d’assistante maternelle l’après-midi. Il en irait de même pour un enfant dont les difficultés exigent une orientation vers une structure spécialisée. Il s’agirait d’un temps d’observation et de première socialisation très utile en matière d’orientation scolaire de l’enfant.

Aujourd’hui, il est très difficile de trouver des solutions d’accueil permanent ou occasionnel pour des enfants en situation de handicap. Je fais ici le lien avec la volonté de Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille, de relancer ce grand chantier de l’accueil de la petite enfance. N’oublions pas les enfants en situation de handicap. Des volontés et des compétences existent ; il nous faut donc pouvoir les mobiliser.

La loi de 2005 prévoit la scolarisation comme étant le droit commun. L’affirmation de ce principe a déjà fait bouger les lignes, comme on le constate dans le rapport, du moins d’un point de vue numérique. C’est un début encourageant, car il a permis de démontrer que l’intégration est possible.

Toutefois, je ne suis pas la première à le dire, nous devons rester réalistes et faire preuve de ténacité, car les obstacles sont encore nombreux. Ils tiennent en très grande partie à des résistances de cultures professionnelles cloisonnées et peu formées à la transversalité. Ils s’illustrent notamment par la trop grande faiblesse dans la collaboration avec l’enfant et sa famille. C’est, en vérité, le constat qui m’a le plus choqué à la de ce rapport.

Selon l’Association pour adultes et jeunes handicapés, seulement 30 % des enfants bénéficieraient d’un projet personnalisé de scolarisation, et ceux-ci sont parfois établis sans consultation préalable des parents, alors que la loi l’exige ! Nous sommes loin du compte en matière de respect de l’enfant et de sa famille.

Comment peut-on ignorer à ce point qu’il est essentiel de rechercher des solutions avec la famille ? Celle-ci est bien souvent la meilleure spécialiste, car elle connaît le détail de la vie quotidienne de l’enfant, ses capacités, et l’accompagne, parfois jour et nuit, le plus souvent 365 jours par an. Bien sûr, on nous dira que certaines familles « étouffent » leur enfant handicapé ou pensent à sa place. C’est une raison supplémentaire pour impliquer l’enfant et sa famille, et faire évoluer cette situation dans l’intérêt de l’enfant.

Il nous faut donc renforcer la formation des professionnels par des rencontres et des apports des représentants des familles et de leur association, afin que celles-ci soient entièrement associées à toutes les étapes de l’intégration de l’enfant et du jeune.

La formation des enseignants, des professionnels des RASED et du périscolaire aux réalités des différents handicaps et au partenariat interinstitutionnel devrait pouvoir renforcer leur capacité d’intégrer des enfants différents au sein des groupes d’élèves. Nul doute que les futures créations de postes annoncées récemment par le ministre de l’éducation nationale constitueront autant de chances pour la prise en compte des enfants et des jeunes ayant des besoins spécifiques dans tous les cycles de scolarisation.

L’autre défi est de donner de la souplesse à nos dispositifs, pour les adapter aux besoins spécifiques. L’exemple de la Belgique, cité dans ce rapport, est, à ce titre, très intéressant du point de vue des différentes modalités d’intégration des enfants autistes.

Il s’agit de répondre aux besoins de l’enfant et non de répondre, comme trop souvent encore chez nous, par une scolarisation à temps très partiel, faute d’autre solution. Il nous faut construire localement, avec le concours de tous les acteurs concernés par le projet personnalisé de scolarisation, des solutions souples et évolutives qui prennent également en compte les besoins de transport, d’accueil périscolaire notamment, cela a été dit.

Je ne reviens pas sur la nécessité de former et de professionnaliser les assistants de vie scolaire ; la démonstration en est faite dans ce rapport.

Nous sommes contraints de poursuivre la tâche avec détermination de sorte que les 20 000 enfants et jeunes sans solution – pour peu que ce chiffre soit exact, tant la statistique est défaillante dans ce domaine – trouvent une solution correspondant à leurs besoins d’intégration sociale et scolaire.

Les trois quarts de ces jeunes sont en établissement et un quart, soit 5 000, seraient chez leurs parents, en attente de solution...

Ces situations doivent mobiliser prioritairement les MDPH et l’éducation nationale, afin que ces jeunes et leurs proches ne se sentent pas abandonnés par nos institutions.

Il me semble nécessaire, tant le chantier est important, d’inscrire un nouveau rendez-vous dans trois ou cinq ans, afin de faire le point sur l’évolution de la situation. En effet, il nous faut maintenir la vigilance et la volonté politique pour lutter contre les discriminations liées aux handicaps.

Madame la ministre, j’en suis convaincue, chaque fois que, d’une manière ou d’une autre, nous permettons à un enfant, à un adulte, de s’intégrer, au mieux de ses possibilités, dans notre vie sociale, scolaire et professionnelle, cela constitue une victoire sur l’injustice. Alors continuons à construire ensemble notre projet social vers toujours plus d’égalité ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées engagée par le gouvernement Raffarin nourrissait « l’ambition de concrétiser l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées ». Il nous faut saluer l’objectif de cette loi, ainsi que les nombreuses retombées positives qui ont découlé de son application.

Pourtant, malgré une ambition bien légitime, je souhaite aujourd’hui vous parler d’un point précis de la loi qui pénalise le bon fonctionnement de nombreux services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS.

En tant que rapporteur pour avis de la mission « Sécurité civile » du projet de loi de finances, j’ai interrogé à plusieurs reprises les représentants du Gouvernement sur les difficultés d’application de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés par les SDIS en raison des caractéristiques de leur métier, soumis à des conditions d’aptitude physique particulières.

Rappelons que, comme tous les employeurs publics qui emploient au moins vingt agents à temps plein ou leur équivalent, les SDIS sont soumis à l’obligation d’emploi de 6 % de personnes handicapés. La contribution est fondée sur l’effectif des titulaires. Or la plupart des fonctionnaires des SDIS sont des sapeurs-pompiers professionnels pour lesquels les conditions physiques et médicales sont incontestablement incompatibles avec un handicap.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Tenant partiellement compte des difficultés rencontrées par les SDIS, une circulaire du 26 octobre 2009 leur a offert la faculté de déclarer dans ce cadre l’ensemble des sapeurs-pompiers professionnels bénéficiant d’une affectation non opérationnelle.

Dès lors, ne pouvaient être comptabilisés au titre des effectifs déclarés au fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique, ou FIPHFP, que les sapeurs-pompiers professionnels reclassés sur un poste non opérationnel, notamment dans le cadre d’un projet de fin de carrière.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Ainsi, cet assouplissement ne permet toujours pas d’atteindre l’obligation d’emploi de 6 % et les conséquences financières qui en découlent, au travers de la contribution au FIPHFP, sont très lourdes pour les SDIS.

Si la circulaire du 26 octobre 2009 a un peu desserré la contrainte dans certains départements, elle n’a pas résolu la difficulté principale découlant de la condition d’aptitude médicale et physique pesant sur l’essentiel des effectifs des SDIS.

Aussi, l’année dernière, j’ai jugé utile d’interroger l’ensemble des SDIS sur les difficultés rencontrées pour honorer leur obligation d’emploi. Sur l’ensemble des réponses obtenues, à l’exception d’une seule, il s’avère que les SDIS ne parviennent pas à s’acquitter de cette obligation et doivent verser au FIPHFP une contribution financière qui peut dépasser, pour certains, 200 000 euros, cette somme venant alourdir un peu plus les dépenses contraintes des services départementaux.

Or, il convient de le souligner, certaines entreprises du secteur privé bénéficient d’une minoration de leur contribution lorsqu’elles emploient plus de 80 % des salariés occupant des emplois nécessitant des aptitudes physiques particulières ; je fais ici référence aux articles D5212-21 et D5212-24 du code du travail.

Dans l’article D5212-25 du code du travail, sont énumérées les catégories d’emplois exigeant des conditions d’aptitude particulières, comme les personnels navigants techniques et commerciaux de l’aviation civile ou les personnels navigants techniques de la marine marchande, les ambulanciers, les convoyeurs de fonds, les charpentiers en bois qualifiés, les conducteurs routiers, les livreurs, etc.

Or les SDIS, dont la plupart des emplois exigent aussi des conditions d’aptitude particulières, ne bénéficient pas d’une minoration analogue. Dans l’ensemble, les responsables de SDIS dénoncent l’iniquité de traitement avec le secteur privé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Certains proposent, pour résoudre ces difficultés, de ne soumettre à l’obligation d’emploi de 6 % que les seuls personnels administratifs et techniques.

En conséquence, je souhaite que ce débat soit l’occasion pour le Gouvernement d’envisager de rouvrir ce dossier pour apporter aux SDIS une réponse appropriée. §

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, pour ma part, après tout ce qui vient d’être dit, je concentrerai mon intervention sur l’emploi des personnes handicapées depuis la promulgation de la loi de 2005 en vue de dresser un bilan, puis j’essaierai de vous faire part, de manière synthétique, de l’expérience que j’ai tirée des différentes responsabilités que j’ai pu exercer dans ce domaine.

De manière générale, la situation de l’emploi des personnes handicapées n’est pas satisfaisante. Pour preuve, leur taux d’emploi est presque deux fois moindre que celui de l’ensemble de la population en âge de travailler : 35 % contre 65 %. Certes, leur taux d’activité est plus faible – 44 % contre 71 % –, mais leur taux de chômage est le double de celui de la population active : il s’établit à 20 %.

Aussi, bien que l’effet de la crise économique sur l’emploi des personnes handicapées soit difficilement mesurable, il faut souligner qu’en 2011, le nombre de demandeurs d’emploi handicapés a augmenté de 13, 9 %, tandis que cette hausse a été de 5, 3 % pour l’ensemble des demandeurs d’emploi.

Comme bien souvent, ce sont les plus vulnérables qui sont les premiers affectés par les crises, que ce soient les personnes handicapées, celles qui sont en situation d’extrême précarité, les jeunes ou les seniors.

Pour autant, depuis la promulgation de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le tableau est moins sombre et ressemble davantage à un clair-obscur.

À titre liminaire, rappelons, d’une part, que la loi de 2005 a maintenu l’obligation d’employer 6 % de travailleurs handicapés pour toute entreprise dont l’effectif atteint ou dépasse vingt salariés et, d’autre part, que, tout en préconisant des mesures incitatives, elle a étendu à la fonction publique le dispositif coercitif de contribution annuelle afin de compenser le non-respect de cette obligation en créant le fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique.

Toutefois, si secteur public et secteur privé sont soumis depuis 2005 à un mécanisme de sanction identique dans l’hypothèse où ils ne respecteraient pas l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés – ou OETH –, de fortes disparités subsistent.

En effet, dans le privé, le taux d’emploi des personnes en situation de handicap a augmenté de 0, 4 point entre 2006 et 2009. Cependant, d’après l’analyse effectuée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, cette évolution positive résulte principalement d’un changement des modalités de décompte des bénéficiaires de l’OETH. À périmètre constant, sur la même période, leur taux d’emploi n’aurait progressé que de 0, 1 point !

Néanmoins, les établissements privés ont effectué de réels progrès. À titre d’exemple, la proportion d’entreprises à quota zéro, c’est-à-dire n’employant aucune personne handicapée soit directement ou indirectement et n’ayant pas signé d’accord exonératoire, est passée de 35 % en 2006 à 11 % en 2009.

L’application, pour la première fois en 2009, de la pénalité financière prévue par la loi de 2005 a donc eu l’impact escompté, dissuadant les entreprises de ne pas se conformer aux dispositions en faveur de l’emploi des personnes handicapées.

À cet égard, on peut considérer que la mise en œuvre de mesures coercitives, par leur caractère dissuasif, a eu un effet bénéfique. Lors de l’examen de la proposition de loi relative à l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, discutée dans cet hémicycle l’hiver dernier, mes collègues de la majorité et moi-même avions d’ailleurs défendu des dispositifs analogues en vue de contraindre les employeurs à appliquer le principe d’égalité salariale sous peine de sanctions financières.

Quand une inégalité de traitement injustifiée perdure, que l’incitation et la pédagogie ne parviennent malheureusement pas à remédier à l’injustice, il convient d’agir différemment ; il ne s’agit aucunement de punir, il s’agit au contraire d’éduquer.

Cette parenthèse étant refermée, focalisons-nous sur l’emploi des personnes handicapées dans le secteur public. Entre 2006 et 2009, leur taux d’emploi y a grimpé de 0, 5 point pour s’établir à 4, 2 %. Par conséquent, ce dernier apparaît plus élevé que dans le privé.

Pour autant, il est nécessaire d’étudier ces chiffres avec précaution. En effet, dans une communication en date du 29 février 2012, la Cour des comptes a alerté les pouvoirs publics sur la différence de traitement entre secteur public et secteur privé en matière d’insertion professionnelle des personnes handicapées.

Tout d’abord, le mode de calcul des bénéficiaires de l’OETH favorise la majoration du taux d’emploi des personnes handicapées dans la fonction publique. Sont ainsi comptabilisés au titre de l’OETH les titulaires d’un emploi réservé, les agents bénéficiant d’une allocation temporaire d’invalidité et les agents reclassés.

Ce phénomène a pour conséquence de gonfler un peu artificiellement les statistiques en matière d’emploi des personnes handicapées, et donc de masquer la réalité de la situation.

En outre, certaines administrations sont d’office exemptées de l’OETH sur le seul fondement de leur statut juridique. C’est notamment le cas des autorités administratives indépendantes, des diverses juridictions, des institutions étatiques telles que la présidence de la République ou même des assemblées parlementaires.

La Cour conclut ainsi : « Ce constat appelle une clarification indispensable du champ d’application de l’obligation d’emploi au sein du secteur public, qu’il s’agisse d’institutions de l’État ou de certains organismes sui generis. »

Il semble d’autant plus impérieux d’appeler à cette clarification que la fonction publique a un devoir d’exemplarité en matière d’emploi des personnes en situation de handicap. Il serait incompréhensible et même intolérable que les autorités publiques prônent, à juste raison, une meilleure insertion professionnelle des personnes handicapées, tout en affranchissant certaines institutions et administrations de l’OETH. À l’avenir, il est donc impératif que le champ d’application de celle-ci soit le plus large possible et englobe l’ensemble des entités qui constituent le secteur public.

De surcroît, il faut bien avoir conscience que les difficultés d’accès à l’emploi des personnes handicapées se cumulent. Le profil des demandeurs d’emploi handicapés, établi par Pôle emploi en 2011, démontre ainsi que 53 % sont des chômeurs de longue durée – 39 % pour l’ensemble des demandeurs d’emploi –, que 41 % ont cinquante ans et plus – 19 % pour l’ensemble des demandeurs d’emploi –, que 83 % sont peu ou pas qualifiés – 58 % pour l’ensemble des demandeurs d’emploi.

Au regard de ces éléments, il ressort une priorité absolue : l’accompagnement. Cet accompagnement doit débuter très en amont, dès l’enfance et l’entrée dans le parcours scolaire. Sans trop m’étendre sur ce sujet qu’ont déjà abordé mes collègues, je veux néanmoins dire qu’il paraît essentiel de donner les moyens aux auxiliaires de vie scolaire individuels d’effectuer leur travail dans les meilleures conditions et au service de l’élève handicapé. Cela requiert notamment de leur prodiguer une meilleure formation et de revoir leur statut afin de leur assurer une véritable stabilité et, par là même, mettre fin à l’extrême précarité à laquelle ils doivent faire face.

En ce sens, je ne peux que souscrire à l’une des propositions du rapport rédigé par mes deux collègues, qui vise à « définir un véritable cadre d’emploi » et à « améliorer les débouchés professionnels » des auxiliaires de vie scolaire individuels. C’est ainsi qu’ils seront en mesure d’accompagner au mieux l’élève handicapé, de prendre en compte ses besoins, de parfaire son orientation, ses compétences et, in fine, son niveau de qualification.

Parallèlement, il est fondamental de réformer l’accès à la formation professionnelle pour les travailleurs handicapés. Rendez-vous compte : ces derniers accèdent quatre fois moins à la formation professionnelle que les travailleurs valides ! À cet égard, dans son rapport de 2010, le Conseil national consultatif des personnes handicapées met en exergue que « l’accès des travailleurs handicapés à la formation ne s’est pas sensiblement amélioré au cours des vingt dernières années ». Preuve en est : la loi du 24 novembre 2009 relative à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie ne contient aucune disposition portant sur l’accompagnement des travailleurs handicapés.

De plus, pour améliorer l’efficacité de l’accompagnement, il est indispensable de revoir et de simplifier le maelström administratif actuel. Entre l’AGEFIPH, les maisons départementales des personnes handicapées, les politiques régionales concertées qui font intervenir une foultitude d’acteurs, il paraît judicieux de clarifier et de rationaliser les missions de chacun, car cette trop grande dispersion, au final, risque de nuire au service offert aux personnes handicapées.

Enfin, j’aimerais aborder ce qui me paraît être l’une des barrières majeures d’accès à l’emploi des personnes handicapées. Elle est beaucoup plus insidieuse, mais elle se concrétise par des mots, des attitudes : il s’agit du regard porté sur le handicap.

Depuis la loi du 30 juin 1975, qui a créé la politique française d’insertion professionnelle des personnes handicapées, ce ne sont pas tant les mesures qui ont changé que la philosophie des textes. Ainsi, la loi de 2005 a opéré un revirement de paradigme ; alors que la question de l’emploi des personnes handicapées était auparavant appréhendée sous le seul prisme de l’incapacité de l’individu, il s’agit désormais de se concentrer sur son projet professionnel à partir d’une évaluation objective de ses capacités. En somme, il s’agit d’honorer, autant que faire se peut, son projet de vie.

En d’autres termes, nous ne partons plus du postulat, faussement généreux, selon lequel la société doit s’attacher à trouver une place à la personne handicapée, ses capacités étant jugées, par essence, résiduelles. Nous affirmons que la personne handicapée, telle qu’elle est, et indépendamment de son handicap, a pleinement sa place dans la société ; nous affirmons qu’au même titre que tout individu valide elle a des potentialités qui ne demandent qu’à être mises en valeur. Les pouvoirs publics doivent précisément avoir un rôle d’impulsion afin de favoriser les aménagements nécessaires à la mise en valeur de ces potentialités.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

En procédant de cette manière, et sans renier le handicap de la personne, ce qui constituerait un déni de réalité, nous garantissons sa liberté de choix et lui permettons de mener à bien les projets qu’elle entend former. Nous agissons en faveur de son épanouissement et de son bien-être personnels. Surtout, alors que le handicap naît principalement dans le regard d’autrui, nous contribuons, humblement et en notre qualité de législateur, à lutter contre l’un des fléaux de notre temps, qui prospère sur le terreau fertile de la crise : l’intolérance à la différence.

Nous devons plus que jamais tout faire pour parvenir à ce que nous avions essayé de faire dans un film que peu de personnes connaissent, Le regard des autres : modifier ce regard sur le handicap.

Bien que la loi de 2005 ait contribué à faire évoluer les mentalités, parfois par la menace et la crainte de la sanction financière, nous devons poursuivre implacablement nos efforts en vue d’améliorer l’emploi et, plus généralement, la vie des personnes handicapées. Car, si le destin a fait de la vie de ces personnes un parcours qui peut se révéler accidenté, les pouvoirs publics et la société doivent tout faire pour que, elles aussi puissent essayer de vivre ensemble, avec nous, cette belle aventure qui s’appelle la vie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Deroche

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, trop longtemps, les personnes en situation de handicap ou à mobilité réduite ont été oubliées. Certes la loi de 1975 avait été un progrès, mais la loi du 11 février 2005 était très attendue par nos concitoyens handicapés et leur famille.

Cette loi pose le principe de l’accessibilité à tous. Elle rénove ainsi la notion d’accessibilité, l’étendant non seulement à tous les types de handicap, qu’il soit mental, sensoriel ou psychique, mais aussi à tous les domaines de la vie en société, qu’il s’agisse du cadre bâti, de la voirie, des espaces publics ou des transports.

L’accessibilité pour tous et à tout – à l’école, aux lieux publics, à l’emploi, à la culture, aux loisirs –, c’est l’accessibilité universelle.

Cela a été dit, la loi Handicap a apporté des avancées considérables en termes de compensation, de scolarisation et de formation. Des avancées significatives ont également été obtenues concernant l’accessibilité à la cité.

Je centrerai mon propos sur ce dernier point, plus particulièrement sur les obligations à la charge des collectivités locales, que nous représentons.

La loi affiche une ambition forte : non seulement elle prévoit que toutes les nouvelles constructions destinées à accueillir du public doivent être accessibles – ce n’est pas le plus difficile –, mais elle impose également que soient rendus accessibles l’ensemble des établissements recevant du public, les ERP, ce qui comprend bien entendu les établissements déjà existants, et ce d’ici au 1er janvier 2015.

Cette loi ambitieuse est malheureusement confrontée à certaines réalités. En effet, si son ambition est légitime, elle n’en pose pas moins de réelles difficultés dans de nombreux cas, compte tenu de la structure des bâtiments existants, souvent non modifiables ou difficilement aménageables, des monuments ou sites historiques, mais aussi de la configuration ou de la topographie locale.

De plus, les normes techniques sont particulièrement exigeantes et rigides pour les établissements existants, car elles s’avèrent le plus souvent identiques à celles qui sont établies pour des constructions nouvelles. Certes, des dérogations restent possibles, mais elles sont qualifiées d’« exceptionnelles » par la loi.

Par ailleurs, c’est l’ensemble du parc existant d’établissements recevant du public des collectivités locales qui est concerné, et leurs bâtiments sont très nombreux : mairies, écoles, collèges et lycées, sans parler des gymnases, salles polyvalentes, médiathèques ou piscines. Et n’oublions pas que, dans le cadre de la loi, s’ajoutent les coûts de mise en accessibilité de la voirie et des transports collectifs. Le chantier à réaliser d’ici à 2015 est donc immense.

Selon une étude réalisée par Dexia, l’accessibilité des établissements recevant du public nécessiterait 20 milliards d’euros d’investissement, dont 17 milliards d’euros incomberaient aux collectivités territoriales et 3 milliards à l’État.

En raison des difficultés que je viens d’évoquer, de nombreux retards sont à déplorer, même si le chantier a avancé.

Tout d’abord, l’ensemble des établissements recevant du public, les ERP, étaient tenus de réaliser un diagnostic de leurs conditions d’accessibilité au plus tard au 1er janvier 2010 ou 2011.

Si une démarche de diagnostic est souvent engagée, seule une commune sur cinq a achevé le processus à la date prévue par la loi. Seulement 60 % des plans d’accessibilité de la voirie et des aménagements publics sont en cours d’élaboration ou achevés, et 5 % de ces plans ont été adoptés par délibération.

Par ailleurs, en ce qui concerne la réalisation de l’accessibilité, seuls 15 % des ERP seraient actuellement accessibles.

En dépit de la prise de conscience des collectivités et de leur volonté, à trois ans de l’échéance, et dans le contexte budgétaire actuel, la mise en accessibilité de l’ensemble du cadre bâti, de la voirie et des transports ne sera sans doute pas achevée à l’échéance 2015.

Dès le 1er janvier 2015, des contentieux seront ouverts à l’encontre de l’État et des collectivités locales.

Vous l’avez dit, repousser l’échéance de 2015 serait un très mauvais signal, qui ne manquerait pas d’être interprété comme une forme de renoncement. Mais on ne peut nier la situation dans laquelle se trouvent les collectivités. Il faut donc, selon moi, trouver des solutions.

L’an dernier, Mmes les ministres Roselyne Bachelot-Narquin et Nathalie Kosciusko-Morizet ont demandé à une mission conjointe de l’Inspection générale des affaires sociales et du Conseil général de l’environnement et du développement durable un rapport sur les difficultés rencontrées dans l’application des dispositions de la loi de 2005 et sur les mesures de substitution envisageables.

Il est ainsi préconisé de reconnaître accessibles les équipements conformes aux règles d’accessibilité en vigueur avant la loi de 2005, au moins pour dix années supplémentaires ; c’est une piste à explorer.

Par ailleurs, dans son excellent rapport, notre collègue Éric Doligé recommande, entre autres propositions, de substituer à la définition réglementaire de l’accessibilité une approche fonctionnelle. On passerait ainsi de la notion de « personne handicapée qui doit pouvoir occuper un bâtiment exactement comme un valide » à la définition suivante : « La personne handicapée doit avoir accès à toutes les fonctions du bâtiment. »

L’échéance de 2015 est maintenant très proche, et une augmentation des demandes de dérogation est à prévoir.

Éric Doligé a également proposé une procédure permettant au représentant de l’État d’apporter ponctuellement des assouplissements au vu des circonstances locales.

Notons enfin, mes chers collègues, l’inquiétude des élus face aux sanctions et à leur responsabilité pénale.

Toutes ces propositions méritent, à mon sens, d’être prises en considération.

Les lois relatives au handicap font toujours naître d’immenses espoirs. Il n’en reste pas moins que ce délai de trois ans est très court.

Il est important, à ce stade de la mise en application de la loi de 2005, de trouver des solutions, mais surtout d’établir des priorités, voire des échéanciers, lesquels, sans remettre en cause l’objet du texte et l’échéance du 1er janvier 2015, permettent de garantir un avancement réel de l’accessibilité, dans une optique plus réaliste au regard des possibilités de nos collectivités locales. Il convient d’agir en concertation avec tous les acteurs concernés.

Applaudissements sur les travées de l'UMP. – M. Gilbert Barbier applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, je tiens à vous rappeler que la loi de 2005 dite « loi Handicap » entend couvrir tous les aspects de la vie des personnes handicapées. Ce texte est l’aboutissement du long chemin parcouru par les représentants des personnes handicapées, leurs familles et leurs amis, qui avaient déjà obtenu la reconnaissance par la nation de l’indispensable solidarité collective due à ceux d’entre nous qui présentent des particularités de nature à les priver de leurs droits fondamentaux.

En effet, les lois de 1975 ont été une étape essentielle pour sortir cette prise en charge du huis clos familial ou associatif et introduire une obligation nationale de prise en charge par l’ensemble de la société, en vue d’assurer aux personnes en situation de handicap l’autonomie à laquelle elles aspirent.

La mise en chantier de cette réflexion, qui a abouti à la loi de 2005, reposait sur l’exigence d’une reconnaissance de la citoyenneté des personnes à besoins spécifiques, quelle que soit leur singularité. « Citoyen à part entière, parmi les autres » était un slogan de rassemblement puissant au tournant des années deux mille.

S’il exalte effectivement cette aspiration forte à la participation citoyenne des personnes en situation de handicap, le texte de 2005 introduit surtout un nouveau droit imprescriptible, celui de la compensation du handicap.

De l’excellent rapport de nos collègues, il ressort clairement que la politique volontariste d’intégration a permis de réelles avancées, exigeant une mobilisation de moyens financiers d’autant plus importants que l’approche privilégiée est celle des normes, des contraintes et des sanctions, notamment à l’échéance de 2015. C’est donc un texte à la fois incitatif et coercitif. Il est ainsi source d’inégalités, de rigidités et, malheureusement, de résistances à satisfaire.

Qu’en est-il de l’approche culturelle, sociale, humaniste ?

Qu’en est-il du changement de regard de la société sur celles et ceux qui sont porteurs de singularité au point d’avoir des besoins spécifiques, pour qu’ils contribuent à leur place, parmi les autres, à la bonne marche de la société ?

Le temps est venu, dans le cadre de ce bilan, de revoir les enjeux de ce texte.

À trois ans de l’échéance fixée, il convient, dans un contexte de contrainte économique qui restreint les capacités d’investissement des collectivités territoriales, d’analyser les retards et inerties dénoncés dans le rapport au regard des avancées significatives constatées dans tous les domaines, ainsi que l’évolution des mentalités, qu’il faut continuer d’encourager et de nourrir par des orientations susceptibles de définir un vrai projet de société participatif et inclusif qui ne devrait pas ignorer la juste place de l’entraide et de la solidarité. La compensation du handicap ne doit pas nous exonérer de l’attention qui humanise le lien.

Madame la ministre déléguée, construisons un projet de vivre ensemble où chacun contribuera, à sa place, à l’enrichissement des potentialités d’une société actuellement trop tournée vers l’individualisme et la sanction.

Il faut privilégier la « participation sociale », approche qui ouvre des possibilités en s’adaptant aux aptitudes et aux aspirations de la personne. Les façons de participer sont multiples : elles peuvent être sociales, relationnelles, culturelles, professionnelles ou affectives.

Le changement culturel vers une société « inclusive » impose que la société humaine s’adapte aux besoins spécifiques des personnes tout autant qu’à leur environnement. Il faut créer les conditions d’une véritable participation sociale en instaurant une accessibilité non seulement spatiale et physique, mais aussi professionnelle, culturelle, sociale, affective, civique et créative. L’égalité réelle est à ce prix.

La société inclusive est celle qui s’adapte aux différences de la personne, va au-devant de ses besoins et de ses aptitudes, afin de lui ouvrir toutes les chances de réussite dans la vie, sans tabou ni compassion, avec réalisme et humanité, en respectant ses désirs et sa parole pour l’accompagner, la porter au plus haut d’elle-même.

Cette inclusion est possible ; elle se développe déjà sur bien des terrains, à l’école notamment, mais elle requiert un minimum d’investissements et d’efforts de l’État pour garantir la qualité des accompagnements et des services proposés, assurer une considération et une reconnaissance à part entière de la personne handicapée.

L’inclusion doit être appréhendée comme un investissement durable, source d’humanité et de richesses pour la société tout entière : nous sommes tous appelés à y contribuer, elle ne concerne pas seulement les passeurs d’ordre ou les recruteurs.

L’inventaire de cette loi le montre, les moyens existent, les contraintes et les sanctions aussi. Ce sont l’adhésion politique, les disponibilités financières, le bon sens et le pragmatisme qui ont manqué et risquent de faire défaut de façon grandissante. La nouvelle étape doit donc être, à mon sens, plus culturelle que réglementaire, de façon à assurer une prise en charge globale et naturelle du handicap. Il faut voir les individus avant leur infirmité, et envisager leurs aptitudes avant leurs insuffisances, comme certains orateurs l’ont brillamment expliqué.

La sensibilisation à la connaissance et à l’approche du handicap doit, au-delà de la formation des enseignants précédemment évoquée, s’adresser aussi aux médecins, aux professionnels de santé, aux gestionnaires des ressources humaines, aux directeurs d’établissements culturels, à l’ensemble de la population.

Recherchons une approche globale, qui rende le handicap, la déficience, le besoin spécifique plus visibles, en considérant l’apport des personnes handicapées comme un atout dans la construction d’une société plus juste et plus égalitaire. Sachons faire preuve de pragmatisme et de bon sens dans l’application de la loi.

Des obligations normatives insupportables sont sources de clivages néfastes à la cohésion sociale, à une pensée sociale progressiste garante de cette société inclusive que nous appelons de nos vœux. La circulaire du Premier ministre du 4 septembre dernier impose que tous les actes législatifs prennent dorénavant en considération les besoins et la dignité de nos concitoyens en situation de fragilité au regard de leur autonomie et de leur autodétermination. C’est une bonne démarche.

Monsieur le président, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, l’accomplissement du projet de vie de nos semblables ayant des besoins spécifiques leur permettra de donner le meilleur d’eux-mêmes au collectif, sans durcissement des contraintes, mais en s’appuyant sur une vraie générosité du cœur et de l’intelligence, adossée au courage et à la sincérité politiques, qui devrait nous épargner toute surenchère sur le dos des personnes handicapées.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Monsieur le président, mesdames les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’existence, au sein de votre institution, d’une commission pour le contrôle de l’application des lois est une très bonne nouvelle pour la démocratie. Je tenais à saluer le président de cette commission, David Assouline, et, plus largement, l’ensemble de ses membres, qui contribuent, par leur vigilance, à ce que nos lois ne restent pas lettre morte. Je vous remercie d’avoir inscrit ce débat à l’ordre du jour d’une semaine sénatoriale de contrôle.

Le rapport qui nous rassemble aujourd’hui met particulièrement à l’honneur Mmes Claire-Lise Campion et Isabelle Debré, vice-présidentes de cette commission. Qu’il me soit permis de leur adresser tous mes remerciements pour le travail remarquable et sans concession qu’elles ont réalisé. Je tiens également à saluer l’engagement des sénateurs dont témoigne la qualité des interventions que j’ai pu entendre aujourd’hui ; elles me seront fort utiles dans le cadre de ma mission.

Que vaut une loi qui ne serait pas appliquée ou qui le serait mal ? Vous veillez à ce que cela n’arrive pas, et, en l’espèce, vous attirez mon attention sur une situation quelque peu préoccupante : la loi du 11 février 2005 est sans doute une grande loi de la République, mais sa mise en œuvre a été certainement défaillante.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux saisir l’opportunité de la publication de ce rapport pour faire un état des lieux de la prise en charge du handicap en France et vous dire quels seront les grands axes de mon action au service des personnes handicapées.

Dans les quatre grands domaines traités par le rapport – l’accessibilité, la scolarité, l’emploi et les prestations –, qui sont ceux de la loi de 2005, j’agirai avec principes et méthode.

Mes principes sont les suivants : apporter aux personnes handicapées des réponses personnalisées, car les situations de handicap sont multiples, ainsi que les histoires de vie et les projets, et faire du handicap, autant que possible, une situation ordinaire.

Par conséquent, les besoins diffèrent d’une personne à l’autre. Ce n’est pas l’architecture figée de nos dispositifs actuels qui doit justifier le parcours de prise en charge de la personne handicapée, mais bien, a contrario, les besoins de cette dernière, à titre individuel et à chaque moment de son existence.

Je m’efforce d’aller à la rencontre des acteurs de terrain, sur l’ensemble du territoire national. À ce titre, lorsque j’ai inauguré la maison d’accueil spécialisée « Les Acacias » à Pierrefeu-du-Var, certaines personnes handicapées m’ont fait part de leur soulagement de n’être plus internées en hôpital psychiatrique, et d’être enfin encadrées et respectés. J’ai rencontré d’anciens usagers des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, qui m’ont exprimé leur bonheur de travailler, parce qu’ils le pouvaient et le voulaient, dans une entreprise adaptée, voire dans une entreprise ordinaire. C’est possible !

Chaque personne handicapée a le droit d’être reconnue dans sa singularité : sa parole doit être écoutée et une réponse adaptée doit lui être proposée.

Je le répète, mon but est de faire du handicap une situation ordinaire, car je repousse la perspective d’une société dans laquelle la dépendance plus ou moins grande de certaines personnes deviendrait un prétexte pour les exclure ou les reléguer.

Faire du handicap une situation ordinaire, c’est réaffirmer notre volonté et notre faculté de vivre ensemble, dans le respect de nos différences et la conscience de ce qui nous unit tous.

C’est dans cet esprit que François Hollande, alors candidat à l’élection présidentielle, s’était engagé à ce que chaque projet de loi, chaque politique publique comprenne à l’avenir un volet handicap : cette promesse a été tenue ! Tout récemment, le Premier ministre a du reste adressé une circulaire à l’ensemble de ses ministres, afin que chacun d’entre eux prenne en compte, dans l’ensemble de ses propositions, le critère du handicap. Tel est le cas de la loi portant création des emplois d’avenir. D’ores et déjà, nous incluons le handicap dans chacune de nos réformes, et nous poursuivrons dans cette voie pour l’ensemble des politiques de l’emploi. Je développerai ce sujet dans quelques instants.

Ma méthode est claire : je veux agir dans la concertation et la transparence.

Certains se sont moqués des corps intermédiaires, des élus et des associations. Le Gouvernement veut, au contraire, consulter ces derniers et les associer systématiquement aux concertations mises en œuvre.

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Pour assurer l’application de la loi de 2005, les élus locaux sont, certes, des partenaires essentiels. Mais, au-delà, je souhaite mobiliser tous les acteurs concernés par le champ du handicap pour mettre notre intelligence collective au service des personnes handicapées.

La transparence, c’est la condition de la confiance sur laquelle repose notre travail en commun.

Ainsi, j’ai tenu à rendre public un rapport relatif au handicap, qui a été remis au mois d’octobre 2011, par lequel trois inspections pointent les défaillances qu’a subies la mise en application de la loi de 2005. De fait, il me semblait urgent de sortir de la situation de non-dit et de défiance qui s’installait entre l’État, les associations de personnes handicapées, les collectivités territoriales et, plus généralement, les acteurs du monde économique.

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

J’ai souhaité cette publication parce que nous devons la vérité aux personnes handicapées, à leur famille et aux associations qui les représentent. J’ai l’habitude de prendre les problèmes à bras-le-corps : encore faut-il avoir conscience des enjeux et porter un regard lucide sur ces derniers.

Je distinguerai, à ce titre, les quatre principaux champs d’intervention énumérés dans ce rapport.

Le premier est celui de l’accessibilité. En la matière, je souhaite maintenir l’échéance de 2015. De fait, nous n’avons pas le droit de reculer : emprunter les transports en commun, faire ses courses, aller chez le médecin, c’est un parcours du combattant pour la plupart des millions de personnes en situation de handicap vivant dans notre pays.

Rendre nos villes, nos territoires, notre espace public accessibles aux personnes en situation de handicap, c’est également y faciliter les déplacements de nos aînés, des jeunes parents, des jeunes enfants eux-mêmes, du plus grand nombre de nos concitoyens, bref rendre service à la société tout entière.

L’accessibilité universelle est une grande et belle idée. Tout le monde doit pouvoir avoir accès à tout, notamment aux moyens modernes de communication, qui occupent une si grande place dans nos vies. Voilà pourquoi un appel d’offres sera lancé à la mi-octobre pour la création de centres relais téléphoniques généralistes, destinés à briser l’isolement des sourds et malentendants.

Par ailleurs, l’accès au débat public, et donc à la citoyenneté, qui est au fondement du vivre ensemble, doit encore être facilité. Dans cette perspective, le Gouvernement a publié, à l’intention des personnes déficientes intellectuelles, une version facile à lire et à comprendre du discours de politique générale du Premier ministre. Ce travail a été accompli en partenariat avec des personnes en situation de handicap, ainsi qu’avec les associations chargées de les représenter. Pour aller plus loin, les services de communication de l’État seront associés à cette démarche, afin que l’ensemble des sites officiels deviennent totalement accessibles.

La traduction en langue des signes française et la vélotypie seront systématiquement employées lors des interventions du Président de la République et du Gouvernement. Toutefois, nous travaillons également à plus long terme : à cet égard, je souligne dès à présent qu’une mission de simplification des documents et des processus administratifs sera confiée à la direction générale de la modernisation de l’État, la DGME.

Néanmoins, comme l’ont rappelé les orateurs qui se sont succédé, le dossier le plus lourd, c’est celui de l’accessibilité du bâti et des transports.

Tous les lieux accueillant du public devraient être accessibles aux personnes handicapées dès 2015. Nous sommes loin du compte, il faut l’admettre. C’est d’ailleurs à cette conclusion qu’aboutissent le rapport de l’IGAS et votre propre rapport, mesdames les rapporteurs. Il ne s’agit pas d’un écueil, ce n’est pas grave de dresser ce constat, au contraire : il faut jouer le jeu de la vérité, et présenter les faits de manière claire et précise pour garder le cap, car tel est mon objectif.

Ainsi, sur mon initiative, le Premier ministre a confié à Mme Claire-Lise Campion la responsabilité de prolonger ces deux rapports par une mission parlementaire chargée de définir, avec l’ensemble des acteurs de terrain, les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés pour 2015. Cette mission sera courte – trois mois – et permettra de définir un échéancier et un plan d’action crédibles sur la base des propositions synthétisées dans le rapport de l’IGAS.

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Nous procéderons avec volonté et pragmatisme pour avancer, essentiellement, sur ces deux sujets capitaux que sont le bâti et les transports. J’annoncerai des mesures précises à l’issue de ces travaux, certainement au début de l’année 2013.

Le deuxième champ d’intervention est celui de la scolarité des enfants en situation de handicap. Les divers orateurs ont longuement évoqué ce sujet.

Les enfants qui souffrent de handicap font partie de la jeunesse de notre pays. Ils incarnent son avenir et son espoir, comme tous les enfants. Or un élève qui ne peut pas suivre convenablement sa scolarité, c’est non seulement une tragédie personnelle, mais aussi un énorme gâchis collectif. Il n’est pas acceptable que l’école de la République ne se donne pas les moyens d’accueillir tous ses enfants dans de bonnes conditions.

Je vous signale, madame la rapporteur, qu’une mission a été confiée à l’IGAS et à l’Inspection générale de l’éducation nationale, pour déterminer le nombre d’enfants concernés. De fait, derrière les données quantitatives, il faut considérer les vies humaines. On évoque le chiffre de 10 000 enfants. La réalité est sans doute plus proche de 6 000 individus. Quoi qu’il en soit, vous avez raison, il est impératif de connaître l’état précis de la situation : même si des progrès ont été accomplis, il ne faut laisser aucun enfant sur le bas-côté. §

Dans cette perspective, je précise qu’une partie des créations de postes dans l’éducation nationale sera destinée à accompagner les élèves en situation de handicap. Certains orateurs l’ont souligné à la tribune : dès la rentrée scolaire 2012, nous avons créé 1 500 postes d’auxiliaires de vie scolaire individuels supplémentaires. À ce jour, nous comptons donc, globalement, 24 500 AVS individuels.

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Le but est de répondre aux besoins d’accompagnement, capitaux pour nombre de familles.

À l’heure actuelle, dans le cadre de la refondation de l’école, trois chantiers sont en cours, sur lesquels je travaille précisément avec Vincent Peillon et George Pau-Langevin.

Premièrement, j’évoquerai la professionnalisation des AVS, que l’on nomme plus couramment les accompagnants.

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Un groupe de travail a été réuni. Il a d’ores et déjà commencé ses travaux, et rendra normalement ses préconisations à la mi-mars 2013.

Mon objectif est simple : il s’agit de créer un métier pérenne, accessible au terme d’une formation, sur la base d’un niveau requis, afin de ne pas ajouter la précarité au handicap. Soit dit en passant, les enfants en situation de handicap sont les seuls pour lesquels les accompagnants se voient imposer un si faible degré de qualification ! Globalement, pour les autres enfants, les règles en vigueur sont bien plus rigoureuses.

Le but est donc d’avancer sur ce dossier, en mutualisant les moyens : évidemment, il ne sera pas possible de recruter un AVS pour chaque enfant handicapé. Il faut donc impérativement dégager des moyens via des mutualisations.

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Madame Debré, comme vous, je souhaite éviter les ruptures, en accompagnant ces enfants vers la scolarité. Aujourd’hui, 80 % des enfants en situation de handicap achèvent leur scolarité par l’obtention d’un BEP ou d’un CAP. Il n’est pas tolérable que, parmi les élèves handicapés, certaines intelligences soient abandonnées. La France ne compte que 11 000 étudiants handicapés. Ce n’est pas acceptable ! Il faut accompagner les enfants en situation de handicap vers le plus haut niveau de scolarisation. Les universités font des efforts : elles concluent des conventions, travaillent avec les grandes écoles, lesquelles ont d’ailleurs de plus grandes difficultés à mettre en œuvre ce chantier. J’espère donc que nous travaillerons également en ce sens dans le cadre de la refondation de l’école.

Deuxièmement, la question de la formation des enseignants et, plus largement, de l’ensemble des personnels de l’éducation nationale, a été longuement abordée. Les enseignants exercent leur métier avec passion, mais ils sont souvent démunis face aux enfants en situation de handicap. À cet égard, le Gouvernement tient à rétablir la formation initiale des enseignants, en y intégrant l’approche du handicap. Les professeurs ne deviendront certes pas des spécialistes en la matière, mais ils ne bénéficieront pas moins d’une approche de ces enjeux, que nous souhaitons également promouvoir dans le cadre de la formation continue.

Il faut saluer le travail exceptionnel que les enseignants accomplissent au service de la jeunesse de notre pays, en leur donnant les moyens d’exercer leur métier dans de bonnes conditions.

En outre, nous allons conclure une convention avec l’Association pour adultes et jeunes handicapés, l’APAJH, qui dispose d’un réseau à l’échelle nationale, et dont les membres sont souvent d’anciens enseignants, connaissant bien l’univers de l’éducation nationale. C’est préférable, dans ce domaine ! À la prochaine rentrée scolaire, dès qu’un enfant en situation de handicap sera signalé, ces derniers s’efforceront de se tourner vers les écoles, collèges et lycées, pour accompagner, aider et préparer les personnes concernées.

Troisièmement, et enfin, dans le cadre de la refondation de l’école, la coopération entre les établissements ordinaires et spécialisés doit devenir systématique. L’engorgement des unités localisées pour l’inclusion scolaire, les ULIS, ainsi que l’absence de recrutement d’AVS ces dernières années ont conduit à une triste situation : de nombreux enfants sont en effet « assignés » à domicile, si vous me passez l’expression !

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Souvent, cet état de fait emporte des conséquences terribles sur la carrière des parents, plus exactement sur celle des mères.

Nous devons rester fidèles à l’esprit de la loi de 2005 et adopter une logique de parcours, pour penser l’articulation entre les établissements ordinaires et les établissements spécialisés d’une part, entre ces établissements et la scolarisation à domicile de l’autre. Il ne doit pas exister deux filières, l’une spécialisée et l’autre ordinaire, collaborant à l’occasion. Au contraire, une seule forme de scolarisation est acceptable : le projet personnalisé de scolarisation.

Dans la même perspective, il nous faut renforcer l’aide apportée par les professionnels de la filière médico-sociale – un orateur l’a précédemment souligné –, à savoir les psychologues, orthophonistes, kinésithérapeutes, par le biais, notamment, de services d’éducation spéciale et de soins à domicile.

Après l’école, le troisième champ capital est celui de l’emploi : M. Teulade l’a amplement évoqué il y a quelques instants.

Comment ne pas opérer le rapprochement entre notre économie et le sort réservé aux personnes handicapées en France, lorsqu’on constate que la carte européenne des pays les plus gravement plongés dans la crise se superpose à celle des États les plus négligents quant à la prise en compte du handicap ? Cette corrélation ne se double peut-être pas d’une causalité évidente, mais j’ose en souligner le caractère frappant.

Au reste, aucune nation ne peut se permettre d’écarter de son économie une part considérable de ses forces vives, et surtout pas la France, déjà fragilisée par de nombreuses exclusions.

Le taux de chômage des travailleurs handicapés est deux fois supérieur à celui des travailleurs valides. Il est urgent d’agir pour que le seuil de 6 % de personnes en situation de handicap dans les entreprises et la fonction publique soit enfin respecté.

Notre économie ne doit se priver d’aucun talent, d’aucune force. Or, dans ce domaine, le bilan du pouvoir sortant n’est pas très bon.

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée

Il faut à la fois inciter davantage les employeurs et sanctionner plus sévèrement les entreprises défaillantes dans ce domaine. L’État doit, quant à lui, se comporter de manière exemplaire en se conformant à la loi.

Évidemment, il nous faut toujours agir avec pragmatisme et discernement. Aussi, je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir attiré mon attention sur la situation des services départementaux d’incendie et de secours, les SDIS. Nous aurons l’occasion d’aborder ce sujet plus avant.

Avec le ministre du travail, Michel Sapin, et les syndicats, nous avons tracé le cadre d’une grande négociation interprofessionnelle sur l’emploi des travailleurs handicapés, qui se tiendra au début de l’année 2013. Elle traitera notamment de l’accès à la formation et de l’adaptation des postes.

Les jeunes adultes sont particulièrement touchés par le chômage. L’accès à un premier emploi stable est une gageure pour nombre d’entre eux, puisqu’on leur demande de disposer d’une expérience sans jamais leur donner la possibilité de faire leurs preuves.

Certains de ces jeunes sont en situation de handicap et cumulent, partant, les difficultés. Avec les dispositions spécifiques au handicap, la loi portant création des emplois d’avenir apporte une première réponse à leurs problèmes. L’ensemble de notre politique en faveur de l’emploi visera le même objectif, en particulier dans le cadre du prochain dispositif présenté, relatif aux « contrats de génération ». Celui-ci concerne non seulement l’insertion des jeunes, mais aussi le maintien dans l’emploi des salariés désignés par le terme de « seniors ». Vous le savez, l’éviction précoce dont sont victimes ces actifs touche particulièrement les travailleurs handicapés.

J’ai également la conviction qu’il nous faut consolider le réseau des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, et faciliter la mobilité des travailleurs entre ESAT, entreprise adaptée et entreprise ordinaire.

Chaque travailleur handicapé doit pouvoir se réaliser dans la structure qui lui convient et dans laquelle ses compétences seront mises en valeur.

La politique de création de places dans les ESAT menée ces dernières années a été bénéfique, mais elle s’est faite au détriment des structures existantes. Je souhaite inverser complètement cette logique.

Je veux aussi aider les ESAT à conforter leur situation financière – certains sont aujourd’hui en grande difficulté – et faire une pause dans l’obligation de convergence tarifaire, qui s’impose à ces établissements et les fragilise.

Nous procéderons également à la revalorisation des rémunérations des salariés, en dégageant plus de 10 millions d’euros supplémentaires pour 2013, et développerons de nouveaux projets d’accompagnement de sortie des ESAT.

Un effort particulier est demandé à Pôle Emploi et au réseau Cap Emploi pour améliorer la situation des travailleurs handicapés, qui souffrent plus que les autres encore des effets de la crise. L’association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, ou AGEFIPH, doit intensifier son action d’information des employeurs sur leurs obligations et les aides dont ils peuvent bénéficier.

Enfin, je veux parler des établissements et services accueillant des personnes handicapées. Notre responsabilité est d’être à l’écoute de ces personnes, afin de leur proposer des soins adaptés, dans l’environnement qui leur convient le mieux.

De ce point de vue, il est contre-productif d’opposer milieu ordinaire, médico-social et sanitaire, car c’est bien par la diversité de l’offre et la combinaison des approches que l’on peut espérer accompagner efficacement la personne handicapée, au plus près de son parcours de vie.

Les personnes handicapées doivent avoir le choix. Celui-ci est rendu possible, entre autres, grâce aux acteurs du secteur médico-social, qui, par leur professionnalisme et leur dévouement, apportent à des centaines de milliers de personnes les soins et l’accompagnement social et éducatif que nécessite leur handicap. Comme les salariés des ESAT, ces professionnels verront leur rémunération revalorisée.

Ils doivent en outre recevoir une formation adéquate qui les prépare, notamment, à un travail en réseau avec l’ensemble des autres professionnels impliqués dans le suivi de la personne handicapée.

Tout à l’heure, nous avons évoqué le plan de création de 50 000 places, engagé en 2008. Nous assurerons la mise en œuvre de ce plan, en créant 3 000 places en 2013.

Mais nous avons aussi relevé des besoins spécifiques, cela a été souligné au cours du débat. Tout d’abord, on observe dans notre pays un énorme déficit dans la prise en charge de l’autisme, tout comme dans celle du handicap psychique. Ensuite, nous devons répondre à un phénomène de société, celui des personnes handicapées vieillissantes. Car les personnes handicapées vieillissent, elles aussi, et il faut trouver des solutions adaptées. Nous y travaillerons dans le cadre de la préparation du prochain plan. Par ailleurs, des déséquilibres territoriaux très marqués ont été constatés. Il s’agit par conséquent de procéder à un redéploiement plus homogène sur l’ensemble du territoire. Dans certains départements ou régions, on observe de vraies défaillances, de vrais retards.

La prestation de compensation du handicap, ou PCH, est un acquis majeur de la loi de 2005. L’idée même qu’un handicap peut être compensé est centrale, comme l’indiquait tout à l’heure Philippe Bas. On souligne ainsi que le handicap est toujours un handicap en situation. Si nous sommes capables de faire évoluer les situations, d’adapter l’environnement, alors le handicap s’estompe.

La contribution de la PCH à l’autonomie des personnes handicapées ne fait aucun doute. Nous devons donc agir pour pérenniser cette prestation. Certes, je garde en tête que certains besoins en termes d’aide à domicile ou de soutien à la parentalité ne sont pas couverts par celle-ci. Mais je voudrais reprendre les propos de Jean-Michel Baylet et affirmer que la pérennisation de la PCH implique de mieux encadrer le marché des aides techniques, pour éviter que les prix ne dérivent au détriment des finances publiques et, en fin de compte, des personnes handicapées. J’ai demandé à l’inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, une mission sur ce sujet.

La PCH coûte aujourd’hui 1, 5 milliard d’euros aux départements, l’État ne compensant ces dépenses qu’à hauteur de 500 millions d’euros. Nous devons véritablement pérenniser cette prestation, mais aussi la consolider, en veillant à éviter les dérapages.

Par ailleurs, comme Mme Campion l’indiquait tout à l’heure, le Gouvernement est attentif à la situation des fonds départementaux de compensation. Je vous confirme que nous les abonderons prochainement à hauteur de 4 millions d’euros.

Nous devons cependant assurer l’équité sur l’ensemble du territoire, alors même que nous constatons de vraies disparités entre départements. Tous les acteurs – conseils généraux, maisons départementales des personnes handicapées, caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et associations de personnes handicapées – doivent se mettre autour de la table pour homogénéiser les prestations et les simplifier.

Une autre innovation remarquable de la loi de 2005 est précisément la création des maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH.

À la fois « maisons communes » et « guichet unique », les MDPH jouent un rôle central dans l’accueil, l’évaluation et l’orientation des personnes en situation de handicap. Il est très commode d’avoir un interlocuteur unique et proche de son domicile pour accomplir ses démarches. Il est rassurant de pouvoir s’adresser à une personne connue quand on parle de choses aussi essentielles que la prise en charge de son handicap. Toutefois, la gouvernance des MDPH doit être clarifiée pour que la qualité du service rendu aux personnes handicapées soit améliorée.

En 2013, là aussi, l’État contribuera à hauteur de 62, 8 millions d’euros au fonctionnement des MDPH, sans compter les personnels mis à disposition, qui représentent environ un millier de fonctionnaires.

J’ai entendu vos suggestions de réorganisation et de simplification des démarches pour les demandes de renouvellement. Il s’agit en effet de pistes sérieuses sur lesquelles nous pouvons travailler.

Par ailleurs, j’ai la conviction qu’il est possible de repenser notre système de financement et de tarification en vue d’une plus grande équité, efficacité et simplicité. La mission IGAS-IGF rendra ses conclusions dans les prochains mois. Elles seront discutées avec l’ensemble des acteurs, les gestionnaires d’établissements et de services, mais aussi les ARS, les conseils généraux et, bien sûr, les représentants des personnes handicapées et de leur famille.

La réforme de la tarification sera certainement un chantier de moyen, voire de long terme, mais cela ne nous empêchera pas d’avancer plus rapidement en ce qui concerne l’objectif de simplification.

Mesdames, messieurs les sénateurs, globalement, je me félicite de ce que, dans cette période de grande tension budgétaire, alors que le Gouvernement met en œuvre le redressement dans la justice, pour lequel les Français ont investi le président François Hollande, la solidarité envers les personnes handicapées reste une priorité. En 2013, les crédits alloués aux personnes en situation de handicap dépasseront 20 milliards d’euros, avec 11, 2 milliards d’euros au titre du projet de loi de finances, soit une augmentation de 6, 3 %, et 9 milliards d’euros au titre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit une augmentation de 3, 3 %.

Les défis que nous avons à relever sont à la fois nombreux et de taille. Votre concours est indispensable et, sans jamais remettre en cause votre indépendance, je vous associerai tout au long du chemin.

Nous n’avons pas d’autre alternative que de réussir : nous le devons aux personnes handicapées, qui souffrent encore trop souvent d’être reléguées de l’école, de l’emploi, de la citoyenneté… bref, de la société. Une société qui, souvent, les oublie, une société atteinte de cécité, une société qui ne voit pas qu’en excluant, elle se prive de ressources précieuses ; qu’en excluant, elle s’abîme ; qu’en excluant, elle cesse d’être la République, cet idéal qui nous rassemble, dans le respect de nos différences et de nos singularités.

Je veux que vous m’aidiez à construire une société dans laquelle chacun peut s’épanouir, une société dans laquelle les différences ne sont pas autant de justifications à la stigmatisation, à la relégation ou à la discrimination, une société qui fait sienne cette évidence fondamentale : oui, nous sommes tous différents, c’est notre richesse ; mais nous sommes aussi tous unis, c’est notre fierté, la fierté de la République.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Nous en avons terminé avec le débat sur l’application de la loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L’ordre du jour appelle le débat sur l’économie sociale et solidaire, à la demande de la commission des affaires économiques, à la demande de la commission des affaires économiques (rapport d’information n° 707, 2011-2012).

La parole est à M. Marc Daunis, président du groupe de travail sur l’économie sociale et solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le 22 février dernier, notre commission, alors commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, a décidé de créer un groupe de travail sur l’économie sociale et solidaire, l’ESS, dont elle m’a confié l’honneur de la présidence et d’une co-animation avec mon excellente collègue Marie-Noëlle Lienemann.

Permettez-moi de remercier ici tous mes collègues de la commission, particulièrement notre président, Daniel Raoul, ainsi que l’ensemble des membres du groupe de travail pour la qualité de nos échanges. Cette création préfigurait, d’une certaine manière, la décision prise quelques mois plus tard par le Gouvernement de mettre en place un ministère consacré à cet important secteur de notre économie. Je me félicite de ces deux initiatives, car, par le passé, les pouvoirs publics n’ont pas toujours su accompagner avec toute la constance et la détermination souhaitables un secteur qui contribue pourtant de façon significative à la création de richesses, mais aussi à la cohésion sociale dans notre pays.

De surcroît, la création de ce groupe de travail intervient à un moment-clef. En effet, la crise économique et financière que nous traversons n’est pas simplement due aux errements de la finance. Elle est aussi la conséquence de la montée d’égoïsmes, d’individualismes sans rivage, de la logique d’un système et de la remise en cause progressive du rôle de la puissance publique.

La cohésion sociale s’en trouve gravement menacée. Le chômage de masse s’installe, en même temps que la précarité pour des catégories de plus en plus nombreuses de la population, notamment les classes moyennes. Dans un tel contexte, il est aisé de constater un regain d’intérêt manifeste pour l’économie sociale et solidaire dans son rôle de « réparateur social ».

Au-delà, il est intéressant de porter un regard sur l’origine de l’économie sociale. La croyance en la capacité d’une économie sociale et solidaire de répondre à une exigence de justice et d’efficacité est une vieille utopie, portée par certains penseurs dès le XIXe siècle. La critique à l’encontre du laisser-faire allait alors de pair avec la crainte et le refus d’une économie administrée centralement.

L’économie sociale et solidaire investit ainsi des champs qui ne sont pas occupés par les acteurs économiques traditionnels. Plus humaine, elle crée des richesses tout en préservant l’environnement et les ressources naturelles durables.

Une première approche, assez répandue, attribue aux coopératives, mutuelles, associations et fondations qui constituent l’économie sociale et solidaire un rôle de complément de l’économie capitaliste de marché et d’aide à la reconstruction d’un lien social mis en danger par la crise.

L’ESS traduit également une volonté de se rapprocher des territoires. Je pense en particulier aux territoires ruraux qui, présentant des atouts indéniables en termes de qualité de vie, attirent une nouvelle population résidentielle.

L’avenir de ces territoires, nous le savons, dépendra de leur capacité à maintenir un lien social fort, à proposer une vie associative locale dynamique, ainsi que des services nouveaux et diversifiés. Ainsi, nous avons pu mesurer au cours de nos travaux et des nombreuses auditions que nous avons menées à quel point l’économie sociale et solidaire foisonne de projets qui peuvent sans aucun doute contribuer au désenclavement des territoires ruraux et favoriser l’installation des populations, en particulier des jeunes.

Au cours de ces mêmes auditions, nous avons aussi vu combien il serait réducteur d’appréhender l’économie sociale et solidaire principalement au travers d’une fonction de réparation sociale : elle constitue plus largement un secteur économique à part entière, créateur de richesses et porteur d’innovations, qui a pris une importance croissante ces dernières années. D’après les statistiques officielles, il représente 10 % de l’emploi en France, soit 2, 3 millions de salariés ire.

Majoritaires dans le domaine social, ces emplois sont aussi très nombreux dans les domaines de l’assurance et du crédit ou bien encore dans l’agroalimentaire et le commerce, au travers de sociétés coopératives. Si on peut noter une présence moins soutenue dans d’autres branches de la production, comme l’artisanat, l’industrie ou le logement, je suis pourtant convaincu que l’économie sociale et solidaire a le potentiel pour s’y développer rapidement, si l’on met en place des dispositifs de financement adaptés et qu’on lève certains freins juridiques qui brident le potentiel d’innovation des acteurs, sur lequel je reviendrai.

Stratégique par son poids économique, fortement territorialisée, l’économie sociale et solidaire présente aussi l’avantage essentiel d’offrir une importante ressource d’emplois non délocalisables. En relation beaucoup plus étroite avec son environnement territorial que l’économie capitaliste, l’économie sociale et solidaire se caractérise aussi par un maillage de PME et de TPE, qui contribuent à la dynamique des territoires. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais plaidé, dans le cadre de notre rapport, pour la mise en place d’un Small Business Act à la française en faveur des PME et des TPE et demandé qu’un volet dédié à l’économie sociale et solidaire y soit intégré.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

J’aimerais enfin aborder un autre constat majeur concernant la place qu’occupe aujourd’hui l’économie sociale et solidaire. De plus en plus de citoyens, d’entrepreneurs et de responsables politiques voient en effet dans ce secteur une alternative d’avenir à un modèle économique fondamentalement déséquilibré, qui a fondé la suprématie de la recherche opportuniste et individualiste des gains financiers de court terme. Par opposition aux dérives de ce modèle, l’intérêt de l’ESS réside principalement dans sa capacité à produire des idées et des pratiques réconciliant performance et solidarité, croissance et justice, prospérité et développement durable.

Dans le contexte actuel, qui révèle clairement les limites, l’essoufflement, d’un capitalisme globalisé et financiarisé, l’économie sociale et solidaire fait figure de potentiel alternatif.

Naturellement – cela mérite de s’y arrêter quelques instants –, l’économie sociale et solidaire ne saurait être considérée comme une alternative globale au capitalisme et à ses dérives. Comme je l’ai déjà suggéré, il n’est nullement question que se substitue au marché une planification centrale. Il est au contraire question de laisser libre cours à des initiatives locales et de leur donner les moyens de réussir, particulièrement là où le marché est en échec.

Historiquement, dans les cycles de « bon fonctionnement » du marché, se produit presque mécaniquement un alignement des entreprises sur le modèle capitalistique classique. En revanche, quand le marché dysfonctionne, on peut noter que les entreprises de l’économie sociale et solidaire sont sollicitées. Ce fut le cas dans le passé avec les mutuelles, y compris les banques mutualistes. La distinction s’est estompée dans la période de croissance forte et régulière, au point d’ailleurs que les statuts juridiques ont été alignés. Elle pourrait redevenir d’actualité.

Ainsi, il apparaît aujourd'hui erroné de présenter l’ESS comme un creuset, une matrice, un modèle de développement, mais il est certain qu’elle concourt, eu égard à ses dynamiques et modèles originaux, à la création d’une alternative. Or, nous le savons tous, historiquement, les modèles économiques se sont succédé et ont connu des phases de mutation avec des périodes plus ou moins intenses.

Prenons l’exemple concret de la reprise par des entreprises de l’économie sociale et solidaire d’activités auxquelles renoncent des entreprises capitalistes classiques. Je n’aborderai pas ici les raisons d’une telle évolution. Mais les conditions de cette reprise sont forcément délicates à établir, car elles renvoient à la situation du marché, aux conditions de demande et de concurrence, bref à un environnement qui demeure, quant à lui, inchangé. C’est la raison pour laquelle il paraît important – j’y reviendrai ultérieurement – d’adapter certaines de ces règles à l’économie sociale et solidaire.

Notre rôle de législateur pourrait être de fixer ces règles ainsi que les critères d’attribution des subventions publiques au secteur de l’économie sociale et solidaire, afin qu’il puisse remplir les missions que les entreprises traditionnelles ne sont plus en mesure d’assumer.

Ainsi, si l’ESS ne constitue pas l’unique matrice de ce qui supplantera de façon inéluctable l’actuel modèle économique dominant, elle contribue indiscutablement à son émergence. Dès lors, son développement nécessite impérativement d’être encouragé et facilité par les pouvoirs publics.

À ce sujet, je relève que la nécessité de replacer l’humain au centre des préoccupations économiques ne concerne pas seulement notre pays. L’Union européenne dans son ensemble cherche désormais à promouvoir ce qu’elle appelle un objectif de « croissance inclusive, plus juste socialement et écologiquement durable ». La Commission européenne multiplie ainsi les initiatives depuis quelques mois en faveur de « l’entrepreneuriat social ».

Bien que je me félicite, cela va de soi, de l’intérêt de la Commission en la matière, je souhaite toutefois appeler à une certaine vigilance. Les acteurs de l’ESS que nous avons auditionnés ont en effet unanimement souligné l’enjeu crucial d’une présence forte de la France dans le débat européen. Les règles juridiques qui seront mises en place dans les années à venir au niveau européen devront conforter, et non pas déstabiliser, l’économie sociale et solidaire tel que nous la concevons dans notre pays. Il convient de nous assurer que, derrière ce qui ne pourrait être qu’un glissement lexical et sémantique – l’Europe parle d’entrepreneuriat social là où la France utilise les termes d’économie sociale et solidaire –, ne s’opère pas aussi un glissement de sens susceptible de conduire, à terme, à la dissolution de l’économie sociale dans un droit étroit de la concurrence. La redéfinition des frontières de l’économie sociale et solidaire doit permettre d’enrichir la notion, et non de la diluer. Le Sénat, pour sa part, peut, à son niveau, contribuer à peser sur les débats européens au moyen de propositions de résolutions européennes.

Après ces propos de portée générale destinés à rappeler la place de l’ESS en France et en Europe, permettez-moi de revenir sur les travaux du groupe de travail mis en place par le Sénat sur ces questions.

Il y avait, à l’origine de sa création, le constat d’une carence dans l’organisation institutionnelle et l’agenda de travail des pouvoirs publics français. L’ESS a été marginalisée au cours des dix dernières années. La création, en mai dernier, d’un ministère de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, rattaché au ministère de l’économie et des finances et qui vous a été confié, monsieur le ministre délégué, a constitué un très beau signal et une très belle reconnaissance.

Au-delà de la mission conduite par le député Francis Vercamer entre 2008 et 2010, il nous appartient maintenant de présenter, conformément à votre volonté, des mesures législatives et financières, afin que la mise en place d’un dialogue renforcé avec l’ensemble des ministères concernés et les instances représentatives puisse concerner tout le secteur de l’économie sociale et solidaire.

Pour sa part, le groupe de travail sénatorial a entamé, dès le mois de mars dernier, des travaux qui ont suivi deux axes : d’une part, appréhender globalement la situation de l’économie sociale et solidaire et, d’autre part, de façon plus circonscrite, établir un diagnostic précis du système coopératif en France, l’objectif étant de dégager des propositions concrètes en faveur de son développement. Cela a donné lieu à la publication le 25 juillet, d’un rapport que nous avons cosigné avec Marie-Noëlle Lienemann, laquelle a impulsé un remarquable travail concernant le système coopératif.

Avant de lui céder la parole, je souhaite mettre l’accent sur les trois questions clés qui se dégagent de la consultation transversale menée auprès des acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Tout d’abord, il est nécessaire de réfléchir à une définition des frontières de l’économie sociale et solidaire. Celle-ci inclut aujourd’hui les organismes qui se rattachent à l’une des quatre grandes familles statutaires : coopératives, mutuelles, associations et fondations. Autour de ce noyau dur, on trouve cependant un grand nombre d’entreprises qui, bien qu’empruntant la forme juridique d’une société classique, revendiquent leur appartenance à l’ESS du fait des valeurs de désintéressement, de solidarité et de démocratie auxquelles elles se réfèrent et des objectifs d’utilité sociale qu’elles cherchent à promouvoir. Faut-il inclure ces organismes dans l’ESS ?

D’un côté, il n’y a pas de raison de penser que les quatre statuts qui définissent aujourd’hui les frontières officielles de l’ESS constituent l’horizon ultime du secteur. Ces frontières ont d’ailleurs été redéfinies plusieurs fois par le passé. Je rappelle, par exemple, que jusqu’au début des années deux mille, on parlait d’économie sociale et non pas d’économie sociale et solidaire. Aujourd'hui, tout cela est entré dans les mœurs. Pour l’avenir, on peut s’interroger sur la vocation de l’ESS à intégrer plus largement toutes les formes de production se développant hors de la logique capitalistique.

D’un autre côté, la référence aux valeurs qui sont celles de l’ESS ne constitue pas à elle seule un critère d’appartenance suffisant, d’autant que toutes les entreprises communiquent désormais sur le thème de la responsabilité sociale et environnementale. N’y a-t-il pas là un risque de dilution auquel il convient de réfléchir ? Cette question est d’autant plus pertinente que j’ai noté tout à l’heure, en évoquant les travaux actuels de la Commission, la nécessité de renforcer et non pas de diluer ce secteur lors d’une redéfinition de ses frontières.

Je souhaite insister sur un point : dès lors que l’on met en place des politiques publiques assorties d’outils fiscaux ou financiers spécifiques, il importe d’en désigner avec précision les bénéficiaires. Jusqu’à présent, la réflexion sur la question des frontières s’est structurée dans un débat sur la création d’u nouveau label. Mais il serait intéressant également de réfléchir aux moyens d’une inclusion statutaire.

La deuxième question importante sur laquelle il convient de se pencher est celle du financement de l’ESS. Même lorsqu’elles évoluent dans la sphère marchande, les structures relevant de l’économie sociale et solidaire ont en effet beaucoup de mal à trouver des financements externes, car leur logique de profit limité et leurs principes de gouvernance démocratique les rendent peu intéressantes pour les investisseurs financiers. Il faut donc réfléchir aux moyens d’orienter l’épargne vers l’économie sociale et solidaire en créant des outils et des circuits de financement spécifiques. Mobiliser l’épargne solidaire et l’épargne populaire, mettre en place des mécanismes de cofinancement ou de garantie publics, utiliser plus largement les fonds européens ou le mécénat, favoriser le renforcement des fonds propres : il s’agit là d’un vaste chantier. Je sais, monsieur le ministre délégué, que vous vous y êtes attelé. Le Sénat, pour sa part, est prêt.

D’ailleurs, la création de la future banque publique d’investissement, avec un compartiment dédié au financement de l’ESS, est un élément de réponse pragmatique à ces difficultés. De même, la facilitation de l’accès aux marchés publics pour les entreprises de l’ESS constitue l’un des objectifs prioritaires. Cela permettra de répondre au besoin de fonds propres que ces entreprises ont clairement exprimé.

Un troisième axe de réflexion concerne la question de l’emploi. Je ne reviendrai pas sur les emplois d’avenir. Cependant, notre conviction est qu’il existe, dans l’économie sociale et solidaire, d’autres gisements d’emplois importants à exploiter, y compris dans le cadre d’une activité marchande. Il convient donc de réfléchir à des moyens complémentaires, notamment financiers, pour les stimuler.

Le dernier point sur lequel je souhaite attirer votre attention est la participation au dialogue institutionnel. La réforme du cadre normatif relatif à l’économie sociale et solidaire donne une place importante au Sénat, qui doit jouer un rôle d’intermédiaire pour faciliter la contractualisation entre l’État et les acteurs de l’ESS.

Monsieur le ministre délégué, au niveau national, vous avez indiqué qu’une loi de programmation sur l’économie sociale et solidaire serait présentée au cours du premier semestre 2013 au Parlement. L’occasion devra être saisie pour aborder la question controversée de la gouvernance de l’ESS.

Je conclurai en soulignant la nécessité de pérenniser l’existence d’une structure consacrée à l’ESS au sein de notre Haute Assemblée. Le tableau que j’ai brossé montre que nous devrons nous impliquer dans des chantiers lourds et complexes. Il nous a donc paru hautement souhaitable de créer un groupe d’études sur l’économie sociale et solidaire, c’est-à-dire une instance visible, pérenne et transversale permettant d’irriguer les différents champs du travail législatif. Tout comme le ministère de l’ESS est rattaché au ministère de l’économie, ce groupe d’études sénatorial serait rattaché à la commission des affaires économiques.

Par ailleurs, nous avons également appelé de nos vœux un travail de veille législative tous azimuts, afin de mettre en place un véritable volet ESS dans les différents textes législatifs. En effet, si une loi-cadre peut être utile pour affirmer des principes communs et des objectifs stratégiques relatifs au développement de l’économie sociale et solidaire, il faut coupler l’approche législative transversale avec une approche sectorielle plus ciblée, en veillant à ce que chaque texte à portée économique et sociale prenne en compte les attentes des acteurs de l’ESS sur le terrain. §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le président du groupe de travail sur l’économie sociale et solidaire, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur le fait coopératif en France et la nécessité de lui donner un nouvel élan pour lui permettre de se développer.

Si l’ONU a consacré l’année 2012 comme l’Année internationale des coopératives, c’est que, partout dans le monde, cette forme d’activité, le plus souvent inscrite dans l’économie de marché, a fait la preuve de son efficacité, de sa singularité et, en même temps, de sa capacité à se développer dans des champs extrêmement variés.

Dans ce contexte, et en écho à la volonté du Gouvernement de préparer une loi sur l’économie sociale et solidaire pour renforcer ce secteur majeur de notre économie et de notre société, il nous a paru utile, au sein de la commission des affaires économiques, de concentrer nos travaux sur des volets très particuliers, susceptibles d’être opérationnels à court terme.

Dressons d’abord un bilan du fait coopératif. À cet égard, il me semble nécessaire de rappeler quelques éléments. Les principes sur lesquels les coopératives se fondent sont très anciens ; ils datent du milieu et de la fin du XIXe siècle, époque de la deuxième révolution industrielle. Mais ils n’en sont pas moins résolument contemporains et modernes.

Premier principe : ce sont des sociétés de personnes, et non de capital. On mesure toute l’importance de cette caractéristique dans le monde actuel, marqué par la crise de la financiarisation !

Deuxième principe : un homme, une voix. Il y a bien profit, il y a bien valorisation de l’entreprise, mais les gains sont redistribués soit sous la forme de ristourne coopérative au sociétaire usager, soit pour pérenniser l’outil, le moderniser, et permettre son développement. Il n’y a donc pas de captation de la richesse aux seules fins d’accumulation de capital. Là encore, c’est un élément extrêmement important.

Troisième principe : l’ancrage territorial de nos coopératives, qui fonde d’ailleurs toute leur actualité. À partir du moment où une coopérative est constituée, elle est en général adossée à des hommes et des femmes qui sont liés à une histoire, un territoire, des projets, et qui n’ont pas du tout l’intention de délocaliser pour aller faire du profit ailleurs. La plupart du temps, l’outil leur appartient justement pour garantir leur emploi, celui de leurs voisins ou de leurs enfants, ainsi que le développement de leur territoire. D’ailleurs, pour le Sénat, l’ancrage local est évidemment un point très important : chacun d’entre vous a l’occasion de voir dans son département combien les coopératives constituent un levier de développement économique.

Ce bilan étant dressé, il faut aussi observer que les coopératives ont mieux résisté que beaucoup d’autres secteurs d’activité à la crise économique. Ainsi, le taux de pérennité des coopératives à trois ans est supérieur à celui des autres sociétés en France. L’écart est encore plus net si l’on considère les longues durées, par exemple le taux de pérennité à cinquante ans. Les coopératives sont donc des sociétés pérennes, qu’il convient de consolider.

Fort heureusement, depuis l’apparition du phénomène, le droit des coopératives a évolué. Il y a notamment eu dans notre pays des évolutions qu’il est important de souligner, voire de conforter, monsieur le ministre délégué.

Premièrement, au-delà des simples sociétaires, il peut y avoir des apports capitalistiques, certes minoritaires, mais qui peuvent s’adosser au projet coopératif. Bien entendu, la rémunération de ce capital est extrêmement encadrée. Il ne s’agit pas de tuer l’esprit coopératif. Mais nous savons que cet apport peut se révéler nécessaire, que ce soit dans certains secteurs industriels, pour l’exportation ou encore l’agrandissement d’activité.

Deuxièmement, on a créé les sociétés coopératives d’intérêt collectif, les SCIC, ce qui permet aux collectivités locales d’entrer dans un mécanisme coopératif. Jusqu’à présent, aux termes de la loi, elles peuvent atteindre 20 % des parts sociales. Dès lors, elles sont parties prenantes du projet coopératif, ce qui s’avère indispensable dans bien des cas. Je pense notamment aux coopératives HLM, mais aussi aux coopératives d’activité médicale ou paramédicale, lorsque des médecins ou des professions paramédicales décident de s’unir. En l’occurrence, la collectivité peut apporter un soutien logistique et garantir la présence sur l’ensemble du territoire, en particulier là où ce n’est pas forcément évident, d’un certain nombre de services médicaux, tout en respectant l’indépendance d’acteurs comme les infirmières ou les médecins.

Nous voyons donc ces formes de coopératives se développer. Je pense qu’il serait intéressant de renforcer un tel mécanisme en augmentant le taux de participation des collectivités locales. En effet, le taux de 20 % reste encore assez faible, eu égard à un certain nombre d’investissements dans différents domaines.

Parmi les autres activités coopératives qui se sont développées figurent les coopératives d’activité et d’emploi, les CAE. En général, elles regroupent des salariés indépendants qui auraient pu faire le choix de l’auto-entreprenariat ; mais, comme vous le savez, le statut d’auto-entrepreneur est très décrié et n’a pas toujours l’efficacité souhaitée. Avec les CAE, les personnes concernées gardent leur autonomie, mais mettent en commun des moyens, des projets, des compétences, des transferts de savoirs et d’idées, ce qui se révèle particulièrement utile dans les domaines de la comptabilité, du marketing ou de la formation.

Monsieur le ministre délégué, nous serions demandeurs d’un travail d’évaluation des CAE. Pourquoi demeurent-elles au stade embryonnaire alors que, aux dires de nombreux acteurs, elles devraient se développer ?

Troisièmement, certaines coopératives qui existaient déjà sont aujourd’hui boostées.

Par exemple, le nombre de sociétés coopératives artisanales a augmenté de 35 % en sept ans. Dans notre pays, les artisans sont en train de faire une mutation culturelle, comme ce fut jadis le cas des agriculteurs. Il y a de plus en plus de coopératives artisanales, soit pour procéder à des groupements d’achats, soit pour faire de la valorisation de produits de manière conjointe, soit pour mener des actions très simples ; je pense notamment aux bouchers indépendants qui se regroupent en coopératives parce qu’ils ont besoin de réaliser de gros investissements pour les ateliers de découpe. On découvre ainsi que de multiples synergies peuvent être mises en valeur. L’artisan garde son autonomie, les traditions et la présence territoriale sont préservées, mais certains aspects sont mis en commun. On peut également mentionner les coopératives de pêche.

Autre secteur qui s’accroit fortement et pourrait se développer encore lourdement et massivement, celui des SCOP, anciennement « sociétés coopératives ouvrières de production », désormais « sociétés coopératives et participatives ». Dans la période récente, les SCOP ont fait leur preuve en tant qu’outil de reprise des entreprises ou de transmission, dans le cas d’un patron désireux de laisser sa société à ses salariés.

Pour franchir un cap quantitatif important, il faut lever toute une série de verrous ; je les évoquerai dans quelques instants.

Les autres coopératives émergentes sont les coopératives d’habitants. Existent aujourd’hui les coopératives HLM, qui ont été très fortement liées historiquement à la location-attribution, puis se sont reconverties, essentiellement en coopératives d’accession sociale à la propriété, avec la disparition de ce produit.

Les coopératives d’HLM pourraient se développer. Mais il existe aussi d’autres attentes de la part des habitants. Cela concerne moins directement le secteur du logement social, car il s’agit de catégories sociales variées. Par exemple, des populations urbaines très sensibilisées aux questions de développement durable peuvent souhaiter développer les coopératives d’habitants, à l’instar de ce qui s’est passé en Suisse ou dans d’autres pays. Nous avons formulé des propositions pour permettre à de tels projets de prospérer.

Par ailleurs, les gros bastions coopératifs existant – il ne faut pas les négliger – peuvent parfois rencontrer des difficultés. Je pense bien sûr aux coopératives agricoles ou aux banques coopératives, dont il faudra évoquer la gouvernance, mais aussi à toute une série d’autres secteurs, comme les coopératives de pêcheurs, que j’évoquais tout à l’heure, ou les commerces associés, une forme de coopératives très importante dans notre pays ; d’ailleurs, tout le monde ne sait pas toujours qu’il s’agit de coopératives…

Dans le rapport, nous ciblons des priorités. Le développement des SCOP en fait partie, notamment pour ce qui concerne la reprise et la transmission d’entreprises, car plusieurs facteurs de blocage existent aujourd’hui.

Prenons le cas des reprises d’entreprise. Actuellement, les seules indemnités perçues par les salariés en cas de licenciement économique ne sont pas suffisantes pour constituer la base de départ nécessaire au rachat d’une entreprise fortement capitalisée. Et les organismes bancaires ne se lancent pas facilement dans des aventures d’une telle nature.

Le Québec a institué un système de progression vers la coopérative. C’est un système transitoire où les coopérateurs sont actionnaires minoritaires de la coopérative, elle-même actionnaire minoritaire de l’entreprise. Tous les profits accumulés leur sont remis pour que leurs parts deviennent de plus en plus importantes, le reste étant porté par la caisse Desjardins vers une banque un peu spécialisée dans le monde coopératif. Chez nous, un tel dispositif pourrait être géré soit par des banques coopératives, soit par un fonds d’investissements coopératif, la coopérative dont les salariés sont minoritaires ayant vocation à devenir à terme une coopérative définitive.

Cela suppose également une adaptation de toute la législation, notamment fiscale.

J’insisterai quelques instants sur la question de la fiscalité. On entend parfois dire que de considérables avantages fiscaux seraient accordés aux coopératives. C’est inexact. Les coopératives ne bénéficient nullement d’avantages fiscaux particuliers.

La Cour de justice de l’Union européenne, dont chacun connaît le laxisme…

Sourires sur le banc de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Très relatif !

La Cour de justice de l’Union européenne, disais-je, a reconnu que l’application du droit de la concurrence à l’échelle européenne pouvait exercer un effet de discrimination à rebours au détriment des coopératives. Le statut des coopératives ne leur permet pas d’avoir accès au marché des capitaux, qui autorise la libre concurrence.

La Cour, dans sa « sagesse » – c’est une qualité que je ne lui reconnais pas sur tous les sujets –, a considéré que les États membres pouvaient prévoir des contreparties fiscales destinées à compenser certains des handicaps que rencontrent les coopératives, notamment dans l'accès aux marchés de capitaux.

Pour favoriser la reprise d’entreprise sous forme de SCOP, plusieurs solutions sont proposées.

Premièrement, nous pourrions mettre en place un mécanisme de portage.

Deuxièmement, il faut pouvoir trouver les financements nécessaires. Diverses possibilités sont envisagées, dont la création d’une banque publique d’investissement. Notre rapport, monsieur le ministre délégué, souligne que les critères d’attribution des crédits d’OSEO ne s’adaptent pas toujours parfaitement aux coopératives. C’est un problème qu’il faudra résoudre.

Troisièmement, nous pourrions instaurer un fonds de développement coopératif. En Italie, cet outil existe déjà. Il est financé grâce à un prélèvement de 3 % sur les bénéfices des coopératives. Ce fonds pourrait soutenir la création et le développement de sociétés coopératives.

Il serait utile que le monde coopératif français s’inspire du modèle italien. Je rappelle, au passage, que le fait coopératif n’est pas géré par l’État, même si celui-ci peut donner un coup de pouce, encadrer et être partenaire, pour permettre les reprises d’entreprise sous forme de SCOP.

Quatrièmement, enfin, il faudra également adapter les procédures concernant l’aide au reclassement. Aujourd’hui, pour pouvoir bénéficier de l’aide à la reprise d’entreprise, il faut être chômeur, c'est-à-dire que l’entreprise doit avoir fermé ou être déclarée en faillite.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Il est absurde d’attendre, pour agir, que l’entreprise soit fragilisée. Nous pourrions la favoriser plus en amont !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Voilà pourquoi le rapport prévoit toute une série de mécanismes pour lever les freins à la constitution de groupes coopératifs. Nous souhaitons, notamment, que soit institué un droit de préférence pour les salariés qui souhaitent présenter une offre de reprise coopérative. S’il n’y a pas de repreneur et que l’entreprise est viable, pourquoi ne pas favoriser une reprise par les salariés, afin de maintenir, ainsi que nous y sommes tous attachés, le maintien de certaines activités sur le territoire national ?

Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, pour ne pas trop dépasser mon temps de parole, je vous renvoie à la lecture du rapport pour ce qui concerne la partie bancaire, que nous aborderons plus particulièrement lors du débat sur les banques, et la partie habitat. Sur ce dernier point, le groupe de travail a repris les travaux déjà engagés par le Parlement, en particulier par le Sénat.

En conclusion, monsieur le ministre délégué, je voudrais insister sur un aspect particulièrement étonnant de mon point de vue.

Bien qu’appartenant au monde coopératif, j’ignorais que les programmes scolaires faisaient l’impasse sur la notion de coopérative.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Les cours d’économie au lycée l’ignorent. Sous votre amicale pression, votre collègue Vincent Peillon, attentif à juste titre à l’avenir des programmes scolaires, ne pourrait-il pas remédier à cet état de fait ?

La remarque s’adresse également à votre collègue ministre de l’agriculture pour ce qui concerne l’enseignement agricole. C’est d’ailleurs un comble quand on connaît la force du monde coopératif dans ce secteur !

S’il ne devait ressortir qu’une seule chose de nos débats, je privilégierai ce devrait être le souci d’inscrire du réel dans les programmes scolaires, car il est important que l’enseignement reconnaisse l’économie sociale et solidaire, donc les coopératives, qui constitue un pan entier de la société française. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la crise qui touche l’ensemble de l’économie mondiale depuis 2008 a au moins eu un mérite, celui de mettre en lumière un modèle auparavant sous-estimé : l’économie sociale et solidaire.

Source d’emplois non délocalisables, conciliant performance économique, progrès social, préservation de l’environnement et développement local, l’économie sociale et solidaire, dans le contexte actuel, ne manque pas d’atouts.

De manière générale, si les structures se réclamant de l’économie sociale et solidaire ont mieux résisté à la crise que les entreprises traditionnelles, certaines ont été affectées par la baisse des crédits.

En effet, entre 2007 et 2012, l’État s’est nettement désengagé, comme le reflète symboliquement la suppression, en 2010, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, de la délégation interministérielle à l’innovation, à l’expérimentation sociale et à l’économie sociale.

De plus, le gel des dotations d’État aux collectivités a contribué à fragiliser les acteurs associatifs de l’économie sociale et solidaire.

La nouvelle majorité a pris la mesure de l’importance de l’ESS, qui emploie environ 2, 3 millions de salariés en France et a créé quelque 440 000 emplois ces dix dernières années. La création, dont nous nous réjouissons, d’un ministère délégué chargé de l’économie sociale et solidaire est l’illustration de cette reconnaissance.

Le Sénat s’est également saisi de cette thématique en constituant, en février dernier, au sein de la commission des affaires économiques, un groupe de travail dédié. Ce dernier, dont je salue ici le travail, a publié à la fin du mois de juillet un premier rapport comprenant plusieurs recommandations, relatives notamment aux coopératives, que Mme Marie-Noëlle Lienemann vient d’évoquer.

S’appuyant sur ces travaux, le Gouvernement s’est attelé à la préparation d’un texte de loi annoncé en conseil des ministres le 5 septembre dernier. La concertation, menée en liaison avec les commissions du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, devrait s’achever à la fin de l’année.

Ce futur texte suscite une grande attente dans l’ensemble de la galaxie de l’économie sociale et solidaire. Cependant, certaines pistes évoquées posent question.

La première interrogation porte sur la nature même du futur texte de loi que le Gouvernement entend présenter au Parlement. Il était initialement prévu une « loi fondatrice d’orientation et de programmation pour l’économie sociale et solidaire ». Qu’en est-il aujourd’hui ?

La seconde question qu’il faudra traiter concerne les modalités de définition du périmètre de l’économie sociale et solidaire. Il importe que toutes ses formes – associations, fondations, mutuelles et coopératives – soient prises en compte et que des impératifs, notamment celui de propriété impartageable, soient requis pour qu’une structure puisse être considérée comme relevant de l’économie sociale est solidaire.

La future banque publique d’investissement est elle aussi au centre des préoccupations. L’enjeu du financement des structures relevant de l’économie sociale et solidaire est crucial. Sur les 20 milliards d’euros dont la banque publique d’investissement disposera, une première tranche de 500 millions d’euros devrait être réservée à ce secteur. Une question subsiste : ce financement, monsieur le ministre délégué, constituera-t-il un premier volet qui en appellera d’autres ?

Par ailleurs, le Gouvernement envisagerait de créer des « certificats mutualistes », afin de permettre aux acteurs de l’ESS de lever des capitaux. Vous le savez, les représentants de grandes mutuelles ont émis des réserves quant à cette mesure. Qu’en est-il de cette disposition ?

Plus généralement, les acteurs de l’économie sociale et solidaire sont en quête de représentativité, voire de reconnaissance, eux qui sont encore largement exclus, fort injustement d’ailleurs, du dialogue social et de l’élaboration des grands chantiers gouvernementaux.

Du fait de leur transversalité, les organisations représentatives doivent être associées aux grandes réformes du quinquennat : la réforme territoriale, le chantier de la petite enfance ou ceux de la dépendance et de la lutte contre la pauvreté.

Ce qui est en jeu, ce n’est rien de moins que l’aggiornamento de l’économie sociale et solidaire. Pour ce faire, celle-ci devra pouvoir bénéficier d’un cadre législatif et réglementaire modernisé, de ressources pérennisées, et ses représentants devront être écoutés et considérés comme des partenaires. Ce faisant, elle pourra constituer un des leviers incontournables du redressement de notre économie et de la France ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce débat sur l’économie sociale et solidaire fait suite au très bon rapport rédigé par mes collègues Marie-Noëlle Lienemann et Marc Daunis dans le cadre du groupe de travail sur l’économie sociale et solidaire.

Je souhaite débuter mon intervention en insistant sur la nécessité de prendre en considération la grande diversité existant au sein des coopératives. Comme l’a proposé Marc Daunis, il est important de réfléchir aux périmètres et aux valeurs des grandes et des petites coopératives.

J’insiste également sur la nécessité de pousser l’innovation et d’encourager un certain nombre de structures coopératives, qui me paraissent particulièrement pertinentes dans le contexte social et économique actuel.

Je souligne fortement que les SCIC, les sociétés coopératives d’intérêt collectif, créées par la loi du 17 juillet 2001, permettent une coopération concrète très intéressante, pour ce qui concerne notamment l’accès au capital des collectivités locales, des communes, des agglomérations, des conseils généraux et des régions avec les structures financières de l’économie solidaire, mais aussi avec de simples citoyens. Ces collectifs sont opportuns, car ils permettent de porter un projet pendant des années. J’ai pu le constater concrètement en Seine-Saint-Denis, comme sur tout le territoire. Il serait bon que les pouvoirs publics et votre ministère, monsieur le ministre délégué, soutiennent ce type de coopératives.

Mes collègues ont également évoqué les coopératives d’activités et d’emploi. Il est vrai que les créateurs d’entreprise ont besoin d’un accompagnement, et pas seulement pendant quelques mois. Ces structures offrent la possibilité de mettre en place cet accompagnement, et donc de soutenir des créations durables, qui se consolident.

L’importance des coopératives d’habitat a également été soulignée, car elles permettent de lutter contre la spéculation immobilière, qui est un vrai souci dans bon nombre de territoires, tout en restant dans une logique solidaire et collective, mais en n’attendant pas tout de l’État.

Tous ces dispositifs sont à encourager. C’est dans ces secteurs qu’il faut porter l’effort pour alléger des procédures encore un peu lourdes et améliorer le régime juridique. Les préconisations du rapport sur ce sujet paraissent extrêmement importantes. Il faudrait également créer un statut adapté aux coopératives d’habitants.

Dans la période difficile que nous traversons, toutes ces dynamiques doivent être fortement encouragées.

Il est également urgent, je rejoins mes collègues sur ce point, d’inciter à la reprise d’entreprises sous forme de SCOP. Il convient de lever l’obstacle que constitue la nécessité pour les salariés de disposer d’emblée de la majorité du capital social. Il faut leur laisser le temps, comme le souligne le rapport, soit cinq à dix ans, de parvenir à cette majorité. Il serait utile, également, d’instaurer un droit d’information des salariés, ainsi qu’un droit de préférence systématique à leur profit lors des projets de cession.

Je l’ai constaté encore très récemment, y compris dans le cas de PME en difficulté – elles sont aujourd’hui nombreuses dans le tissu industriel –, lorsque des salariés apprennent tardivement qu’ils sont licenciés, il est compliqué pour eux de rassembler l’argent et de monter, en quelques semaines, le dossier visant à créer une SCOP.

Il nous paraît donc essentiel de favoriser de façon systématique la reprise d’entreprises par les salariés

M. Jean Desessard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Il y a là un gisement colossal d’emplois durables et soutenir cette démarche serait, monsieur le ministre délégué, réellement contribuer à la relance industrielle que le Président de la République a appelée de ses vœux et à laquelle nous travaillons tous.

On pourrait aussi envisager la mise en place de dispositifs d’appui à ces salariés, qui ne se limiteraient pas à un soutien financier de l’État ; cette aide pourrait prendre la forme d’un encouragement à des réseaux d’accompagnement de salariés. Dans la période de crise et de mutation que nous connaissons actuellement, il y a là aussi une opportunité de créer de nouvelles entreprises et de répondre à nos objectifs. Ainsi, favoriser une mutation industrielle répondrait à notre volonté de mettre en place une transition énergétique.

En cette période de crise financière, économique, sociale, écologique, en cette heure où nous observons une montée préoccupante de la précarité et du chômage, mais où nos concitoyens expriment aussi une aspiration démocratique, l’économie sociale et solidaire démontre qu’il est possible de faire autrement, de créer des structures viables économiquement tout en respectant l’humain.

L’économie sociale et solidaire prolonge, en la renouvelant, en l’actualisant, la belle tradition de l’économie sociale, tant il est vrai que, depuis la fin des années quatre-vingt, un certain nombre de réseaux sont venus l’enrichir. Aujourd’hui, c’est un réel moyen de nous aider à faire face à la crise de façon non marginale.

À côté du secteur public et du secteur privé, ce troisième secteur économique présente de multiples atouts.

Premièrement, il contribue, avec l’État et les collectivités territoriales, à la mobilisation citoyenne, qu’il s’agisse de salariés, de créateurs d’activités, d’épargnants, de cadres acceptant d’apporter gratuitement leur parrainage et leurs compétences aux créateurs d’emplois, de consommateurs ou d’habitants.

Tout cela constitue pour notre pays un réseau de compétences, de vigilance, d’action, de démocratie économique ; dans le contexte national et international que nous connaissons, c’est un plus qui peut être très précieux.

Deuxièmement, l’économie sociale et solidaire participe traditionnellement de la volonté d’internaliser des coûts sociaux et écologiques en concourant activement à la création de nombreux emplois utiles socialement, des emplois d’insertion, et en s’efforçant toujours de privilégier les services et produits utiles sur les plans social comme environnemental, ce qui réduit d’autant les coûts en aval.

Troisièmement, l’économie sociale et solidaire – cet aspect a déjà été largement développé par les orateurs qui m’ont précédée, mais il est important – permet un enracinement dans les territoires tant ruraux qu’urbains, notamment ceux qui sont en grande difficulté. Cet enracinement est très intéressant, dans la mesure où, depuis de nombreuses années maintenant, les collectivités locales, à tous les niveaux, se sont engagées dans ce secteur, qu’elles sont même organisées en réseau national et qu’elles peuvent être des partenaires très utiles pour le ministère.

De ce point de vue, la création récente d’un ministère chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation est pour le groupe écologiste porteuse d’un grand espoir. Il s’agit de rompre avec les dix années pendant lesquelles nous n’avions plus de ministre chargé de ce secteur, le secrétariat d’État à l’économie solidaire piloté par Guy Hascoët ayant disparu en 2002. Les réseaux ont connu dix années difficiles.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président du groupe de travail, madame la rapporteur, mes chers collègues, le secteur de l’économie sociale et solidaire rassemble en France plus de 200 000 entreprises : coopératives, mutuelles, associations et fondations.

Avec près de 2 millions de salariés, ce secteur est fortement créateur de richesses pour notre pays. Les entreprises qui le constituent jouent un rôle de premier plan dans plusieurs secteurs, comme la banque, l’assurance, l’agriculture, la santé ou la distribution. Elles doivent ainsi constituer, par leur nature et leur histoire, un point de référence dans la lutte contre le chômage.

Cependant, l’économie sociale reste, dans certains secteurs, moins développée que chez nos voisins européens. Notre économie est ainsi privée de l’apport d’entreprises qui sont souvent celles qui favorisent l’émergence de nouvelles activités et proposent des projets structurant le développement national ou local.

Il nous paraît essentiel d’améliorer l’environnement dans lequel les entreprises de cette nature peuvent se développer et de favoriser l’essor de nouveaux projets et d’entrepreneurs sociaux.

C’est un défi pour notre pays, car nous sommes convaincus que ces activités constituent un gisement de richesses et d’emplois considérables. Je souhaite que notre pays relève ce défi et poursuive une politique ambitieuse de développement de l’économie sociale et de l’entrepreunariat social.

En effet, le précédent gouvernement a beaucoup œuvré pour ce secteur. Dans le cadre du programme d’investissements d’avenir – précédemment appelé « Grand emprunt » –, la Caisse des dépôts et consignations s’est vu confier, à la fin de 2010, une enveloppe de 100 millions d’euros pour soutenir le secteur de l’économie sociale et solidaire, via un appel à projets.

L’objectif est d’aider au développement de plus de 2 000 entreprises et à la création ou à la consolidation de plus de 60 000 emplois. Il était alors également prévu de faciliter l’accès de ces entreprises à des financements bancaires ou liés au marché de l’épargne solidaire.

Un appel à candidatures visait à retenir les partenaires financiers avec lesquels des co-investissements seront obligatoirement réalisés en complément de l’apport du programme d’investissements d’avenir. Il possède un caractère pérenne afin de permettre l’entrée régulière de nouveaux intervenants jusqu’au 31 décembre 2014. Tout financeur de l’économie sociale et solidaire souhaitant se porter candidat peut le faire à tout instant, dès lors qu’il répond aux conditions du cahier des charges.

Je tiens à préciser que ce niveau d’ambition, jamais atteint, avait été salué par l’ensemble des acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Il nous plairait donc, monsieur le ministre délégué, que vous puissiez nous faire un état des lieux de cet appel à projets que le précédent gouvernement avait lancé.

L’une des caractéristiques majeures du secteur de l’économie sociale et solidaire, qui en fait sa richesse mais engendre également une difficulté d’appréhension à la fois sectorielle et globale, c’est sa très grande diversité.

En découlent donc, j’en conviens volontiers avec vous, des sujets de préoccupation, des besoins, des attentes très diverses à l’égard de la puissance publique, avec des spécificités particulières correspondant à ses nombreuses composantes.

Rappelons en effet qu’historiquement la sphère de l’économie sociale et solidaire englobe les coopératives, les mutuelles, les associations, les fondations. Plus récemment, le secteur de l’entrepreneuriat social revendique aussi son appartenance à cette grande famille.

Les différentes composantes de ce secteur considèrent que les approches qu’elles privilégient, les valeurs et les principes sur lesquels reposent les activités qu’elles développent se sont avérés pleinement appropriés au contexte de crise économique et sociale que connaît le monde depuis 2008. Ces activités sont d’autant plus pertinentes qu’elles ont, dans l’ensemble, mieux résisté à la crise que les secteurs de l’économie classique, notamment en termes d’emplois.

Incontestablement, nous avons pu voir les limites et les risques que comporte une approche purement économique.

C’est donc dans ce contexte que le secteur de l’économie sociale et solidaire peut constituer un modèle alternatif qui pourrait contribuer à surmonter la crise. Il serait une référence pour le nouveau modèle de développement à concevoir pour les décennies à venir.

Au vu de ces éléments, mais aussi de l’annonce faite par le gouvernement Fillon à la fin de 2010 et selon laquelle une fraction du grand emprunt, à hauteur de 100 millions d’euros, serait consacrée au soutien et au développement de l’économie sociale et solidaire dans notre pays, les acteurs de ce secteur ont un degré d’attente très élevé.

Aussi serait-il bon, monsieur le ministre délégué, que le Gouvernement tienne pleinement compte de cette espérance et veille à prendre les décisions nécessaires pour éviter de susciter des déceptions légitimes, alors que les besoins d’aide et d’accompagnement sont réels et que le secteur recèle des potentialités insuffisamment mises à profit jusqu’à présent.

Nous ne nous prononcerons pas sur le caractère alternatif du modèle incarné par le secteur de l’économie sociale et solidaire. Nous prenons acte des évolutions qu’il connaît dans notre pays et constatons que son histoire est rythmée par différentes phases évoluant d’une logique statutaire à une logique entrepreneuriale, sans que la seconde s’impose d’ailleurs au détriment de la première. Si l’entrepreneuriat social succède, dans le temps, à la conception statutaire de l’économie sociale, il ne la supplante pas à ce jour, mais se développe aux côtés de structures dont la dimension associative, mutualiste ou coopératiste conserve toute sa pertinence.

Cependant, une importance particulière doit être accordée au sens de l’action entreprise plus qu’à la maximisation du profit, qui pourrait, certaines fois, utilement inspirer l’économie classique, et être largement partagée par nombre d’acteurs.

Il nous semble en effet que les principes et les valeurs revendiqués par l’économie sociale et solidaire sont compatibles avec une vision de l’économie qui valorise le projet et l’apport de celui-ci à la société dans son ensemble plus que le rendement financier à court terme.

L’ESS répond en outre à une aspiration profonde de toute une nouvelle génération de jeunes entrepreneurs et de futurs cadres formés dans les écoles de commerce, qui cherchent à donner un sens à leur engagement professionnel.

Ce sentiment est d’autant plus fort que notre pays est en recherche de voies et moyens pour relancer la croissance, une croissance plus riche en emplois, plus à même d’accroître le bien-être collectif tout en contribuant à maîtriser la dépense publique. Il s’agit d’associer les citoyens à un nouveau modèle de croissance, qui reste à inventer, porteur de développement durable, avec toutes les facettes que cela comprend, en particulier l’émergence de métiers nouveaux ou la mutation de métiers existants liées aux enjeux d’une croissance économique plus respectueuse de l’environnement.

Certes, les entreprises classiques ne sont pas exemptes de considérations sociales. Bien des sociétés de la sphère privée proprement dite développent des politiques qui rendent compte de leurs préoccupations pour l’environnement social et sociétal dans lesquelles elles s’inscrivent ou des politiques de valorisation des ressources humaines qui prennent en considération l’apport de chaque collaborateur dans une communauté de travail et de valeurs formée par l’entreprise.

Il n’en reste pas moins vrai que l’économie sociale et solidaire, par ses valeurs et ses modes d’action, est porteuse d’une dimension humaniste de l’activité économique, qui, dans le contexte actuel, peut trouver un écho particulier dans notre société, irriguer celle-ci et inspirer de nombreux acteurs de l’économie classique.

En la matière, une attention plus grande doit être portée à ce secteur qui connaît des réussites réelles et recouvre des réalités très diverses. Je souhaiterais ici en évoquer certaines.

Je citerai en premier lieu la contribution de nombre d’acteurs de l’économie sociale et solidaire au développement d’activités à forte utilité sociale répondant à des besoins pas ou mal couverts, et ce avec une faible mobilisation de capital mais avec une forte mobilisation en ressources humaines.

J’évoquerai en second lieu une contribution notable aux politiques de l’emploi par le biais notamment des acteurs de l’ESS, très impliqués en matière d’insertion sociale et professionnelle par l’économique, mais aussi par le biais des nombreuses structures associatives recourant largement aux contrats d’insertion ou de professionnalisation et facilitant ainsi la formation et l’insertion professionnelle des jeunes.

Un rôle actif est également joué par certains acteurs, qui constituent de vraies pépinières pour la création d’emplois nouveaux à fort potentiel de développement dans le cadre, notamment, d’activités de recyclage des déchets et de reconditionnement.

Un rôle non négligeable est joué aussi en matière de revitalisation de certains territoires délaissés par des activités traditionnelles frappées par les incidences de la mondialisation ou l’obsolescence technologique.

En conclusion, monsieur le ministre délégué, j’espère qu’avec ce débat nous pourrons mieux appréhender la façon dont l’État, par votre ministère, compte prendre en charge ce secteur multiforme, faire le point sur les actions conduites, examiner le champ des possibles, afin de répondre aux attentes et aux besoins exprimés par les différentes composantes de ce secteur. §

Debut de section - PermalienPhoto de Isabelle Pasquet

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer la qualité du travail réalisé par le groupe de travail sur l’économie sociale et solidaire. Nous sommes convaincus que le rapport de Mme Lienemann constituera un outil très utile à l’appui des réflexions qui s’engagent sur ce sujet.

Comme vous l’avez rappelé, ma chère collègue, ce travail s’inscrit « dans un contexte général de crise économique et sociale propice à la redécouverte et à la défense des valeurs et de l’action des acteurs de l’ESS ».

En effet, face à la crise économique, à la montée de la précarité et de la pauvreté, à la destruction de l’emploi, notamment à travers le délitement du tissu industriel, l’économie sociale et solidaire joue un rôle essentiel. Sa dimension territoriale, l’expression des valeurs de solidarité et de responsabilité qu’elle porte en font à juste titre un outil économique et social pertinent.

Cependant, il ne faudrait pas laisser croire à l’omnipotence de cet outil.

La France a passé le cap des 3 millions de chômeurs ; si le chômage partiel est pris en compte, il y a près de 5 millions de personnes en sous-emploi en France. Selon la CGT, 75 000 emplois sont menacés.

Tous les secteurs sont touchés : l’automobile, les transports, l’agroalimentaire, l’industrie lourde, le bâtiment, les télécommunications. Les exemples n’ont pas manqué ces derniers temps.

La situation de notre pays appelle donc des mesures d’urgence en faveur de l’emploi et de l’industrie, ainsi qu’une volonté politique forte pour garantir un véritable redressement productif, sans quoi non seulement on coupera les ailes aux projets portés par l’économie sociale et solidaire, mais, en plus, on laissera de côté des sites industriels pour lesquels l’ESS n’est pas adaptée.

Il est urgent de décréter un moratoire sur tous les plans sociaux pour rechercher des solutions de remplacement s’appuyant sur les contre-propositions des salariés.

Il est urgent que l’Assemblée nationale examine et adopte la proposition de loi tendant à interdire les licenciements boursiers, adoptée par la majorité de gauche du Sénat. Nous avons déjà perdu trop de temps ! Il n’est pas acceptable que les entreprises qui réalisent des bénéfices licencient en vue de profits supplémentaires.

Il est urgent d’accorder aux salariés des pouvoirs nouveaux pour réorienter les choix de gestion, mobiliser autrement l’argent des entreprises, des banques et des fonds publics pour une utilisation de la monnaie et du crédit favorisant la création, la sécurisation, la promotion de l’emploi et de la formation.

Il n’est pas acceptable que des groupes industriels ferment des sites en France au prétexte de difficultés économiques, alors que, dans le même temps, ils réalisent leurs investissements productifs dans des sites étrangers afin de bénéficier du dumping social. Il n’est pas question d’autre chose avec la fermeture de PSA-Aulnay, avec la menace de fermeture de la raffinerie Petroplus de Petit-Couronne ou avec l’arrêt des hauts fourneaux d’Arcelor-Mittal à Florange.

Le ministre du redressement productif annonçait la semaine dernière le dépôt d’un projet de loi visant à obliger un industriel à céder une usine viable. Hélas, le temps législatif s’accorde mal avec l’urgence sociale !

Nous devons aller plus loin que la recherche de repreneur ; l’État doit renforcer sa présence dans le capital d’entreprises stratégiques pour leur sauvegarde et leur développement et reprendre sa part de responsabilité dans l’activité industrielle de notre pays.

En ce qui concerne les situations pour lesquelles l’économie sociale et solidaire peut jouer un rôle, nous avons accueilli avec intérêt les mesures que vous avez avancées cet été, monsieur le ministre délégué, notamment en vue de l’amélioration des conditions de reprise des entreprises sans entrepreneurs ou en difficulté par les salariés eux-mêmes, avec un droit préférentiel, sous forme de société coopérative participative.

Mais quels moyens donnons-nous aux salariés pour que leurs projets aboutissent et qu’ils ne cèdent pas à la pression de la finance et de la concurrence mondiales ?

Je voudrais prendre ici l’exemple des salariés de Fralib qui représentent un espoir pour tant d’autres, ceux de Paru Vendu, Hélio Corbeil, Merck-Organon, M-Real, Petitjean, Sodimedical, Still-Saxby ou Pilpa. On pourrait en citer d’autres, car la liste est longue.

En septembre 2010, le groupe Unilever annonce la fermeture du site rentable de Gémenos. En 2011, il réalise un chiffre d’affaires de 46, 47 milliards d’euros, avec des bénéfices atteignant plus de 4 milliards d’euros.

La totalité des salaires des 182 salariés et dirigeants de l’usine représente 15 centimes de chaque boîte de thé vendue, mais le groupe veut encore faire des bénéfices et délocaliser son activité en Pologne. Les salariés ont d’ailleurs découvert dans un supermarché des boîtes de thé fabriquées en Pologne avec le code de traçabilité de Gémenos, alors que leur usine a arrêté toute production depuis des mois !

Le capitalisme financier est bien rodé. Unilever a créé une structure financière en Suisse pour éviter de payer des impôts en France. Encore un bel exemple d’évasion fiscale, légale cette fois !

C’est dans ce contexte que, depuis 2010, les salariés se battent pour avoir le droit de travailler. Quand on évoque les sociétés coopératives, il faut avoir à l’esprit que la meilleure volonté des travailleurs se heurte aux appétits de grands groupes, qui mènent une réelle politique de casse de l’emploi. Les salariés ont été victimes de comportements innommables de la part de la direction, avec la caution de l’ancien ministre du travail qui était intervenu pour bloquer une lettre d’observation préparée par la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE. Un certain nombre d’entre eux revivent la douloureuse fermeture, en 1997, de l’usine du Havre, pourtant rentable.

À ce passé traumatisant pour les travailleurs et leurs familles s’ajoutent les pressions psychologiques incessantes de la direction, comme les coupures de courant et l’interdiction d’accès au site, mais également la mise en œuvre d’un véritable harcèlement judiciaire.

Il faut savoir que des salariés ont été déclarés grévistes dans le seul but de les priver de leurs salaires. Ils ont subi trois plans sociaux. Ils se sont heurtés au refus du groupe de relancer l’activité, alors même qu’une décision de justice l’y obligeait. À chaque fois, Unilever a été condamné, mais comment préserver les salariés qui luttent pour porter un projet industriel de ces attaques sournoises ?

Heureusement, de bonnes nouvelles sont tombées. La communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole, pas encore contrainte par un traité européen imposant l’austérité aux collectivités territoriales, a procédé à l’acquisition des terrains, bâtiments et machines de Fralib.

Les salariés le méritent, ils portent un projet industriel solide, conforme à l’histoire et à l’exigence de qualité de la marque Éléphant née il y a 120 ans à Marseille.

Seulement, un écueil de taille demeure : la propriété de la marque. Comme vous le savez, Unilever a déclaré cet été qu’il ne participerait à aucune réunion sur un projet impliquant la marque Éléphant ou des volumes de sous-traitance, réclamant de l’État une « attitude impartiale » sur « le respect des lois en matière de propriété intellectuelle et de droit des marques ».

Aujourd’hui, malheureusement, rien n’oblige juridiquement le groupe à céder sa marque. Tout porte à croire que l’opposition d’Unilever sert un objectif de sabordage du projet des salariés et non une réelle volonté de faire vivre la marque.

En effet, depuis 2002, le groupe industriel procède à une politique de regroupement des marques, qui sont passées de 1 600 à 400. La stratégie commerciale a organisé, au détriment de la qualité des produits naturels Éléphant, leur glissement vers Lipton, avec le conditionnement en pyramides et le logo Lipton apposé à côté du logo Éléphant.

Demain, une table ronde devrait se tenir entre les salariés et la direction, sous la présidence du préfet. Nous attendons tous beaucoup de cette rencontre. Mais, au-delà des décisions qui seront prises, monsieur le ministre délégué, nous aimerions connaître les intentions précises du Gouvernement pour protéger l’outil de production, les brevets, les marques. Le ministre Arnaud Montebourg avait envisagé une réquisition des marques : qu’en est-il de ce projet ?

Au travers de leur lutte, les salariés de Fralib, comme beaucoup d’autres, défendent notre patrimoine industriel et la vitalité économique de tout un pays. Que proposez-vous aujourd’hui pour garantir demain aux salariés la pérennité de leur projet de SCOP s’il n’y a pas de réforme du droit de la propriété intellectuelle ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Tandonnet

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, si les contours de l’économie sociale et solidaire demeurent encore l’objet de débats, la notion a acquis une reconnaissance dans l’espace public au cours de ces trois dernières décennies.

Force est de constater que ses frontières sont difficiles à cerner. En effet, les principaux organismes constituant le cœur de l’ESS se rattachent à l’une des quatre grandes familles statutaires – coopératives, mutuelles, associations et fondations –, qui représentent 2, 3 millions de salariés, soit plus de 10 % de l’emploi en France, selon l’INSEE.

Autour de ce noyau dur gravitent beaucoup d’entreprises. Certes, il existe une définition légale de l’entreprise solidaire issue de la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 et précisée par le décret du 18 mars 2009. Cependant, la réalité nous laisse voir une ESS à géométrie variable, en raison de la grande diversité de statut de ses acteurs et de l’absence d’une représentation réellement unifiée.

Je souhaite d’abord saluer la réflexion menée dernièrement au sein du groupe de travail sur l’ESS, présidé par M. Daunis, dont nous pouvons lire les conclusions dans le rapport d’information sur les coopératives en France, rédigé par Mme Lienemann.

Cette réflexion nous a permis d’appréhender globalement la situation de l’ESS et de proposer des mesures en faveur du développement des entreprises coopératives qui représentent une grande partie de l’activité de cette économie, particulièrement dans nos territoires ruraux où les deux tiers des agriculteurs participent à des coopératives.

Cette problématique, qui est désormais traitée dans un ministère à part entière, s’inscrit dans une logique d’évolution, d’amélioration et d’identification.

Monsieur le ministre délégué, vous avez précisé le 4 juillet dernier devant les élus du Réseau des territoires pour l’économie solidaire, le RTES, les contours du projet de loi que le Gouvernement présentera au Parlement à la fin de l’année.

Ce texte, qui devrait être discuté durant le premier semestre de 2013, prévoit certaines mesures intéressantes. Je pense notamment à un accès facilité à la commande publique, en promouvant l’innovation sociale.

Ce projet de loi représente également, selon moi, une opportunité pour favoriser les coopératives de production et de distribution, pour moduler la fiscalité des entreprises en fonction des résultats et des efforts fournis en matière de responsabilité sociale, sur la base de normes européennes communes, ou encore pour promouvoir toutes les forces de distribution en circuit court, du producteur au consommateur.

J’espère, monsieur le ministre délégué, que ces idées seront retenues.

En revanche, vous avez évoqué la création d’un label pour les entreprises sociales, ce qui me paraît plus discutable. Par qui sera-t-il décerné ? Comment sera-t-il vérifié ? Sera-t-il vraiment reconnu par le public ? Quelle en sera la portée normative ? Voilà autant de questions qui s’apparentent à la constitution juridique de règles strictes et contraignantes. Encore un label de plus, pourrait-on dire ! Il me semble que la plus grande prudence est nécessaire en la matière.

Si l’on doit améliorer les fondements juridiques de l’ESS, il faut le faire dans une perspective européenne. La réflexion de l’Union européenne sur ce sujet est en effet favorable, l’économie ne se réduisant plus désormais à ses yeux au marché, puisqu’elle inclut les principes de redistribution et de réciprocité.

Encourager cette économie ne veut pas dire la cloisonner. Il faut donc veiller à ce que la mise en place d’un label pour les entreprises ne vienne pas créer un fossé entre les structures considérées comme « sociales » et celles qui seraient « non sociales ». Une certaine souplesse doit être conservée.

Depuis peu, l’ESS fait face à un fort marquage politique qui laisse penser que ces entreprises se différencieraient très nettement des entreprises dites classiques. Veillons à ne pas tomber dans la caricature, c’est-à-dire à établir une différenciation entre une ESS « vertueuse » et une ESS « spéculative ».

Les problématiques de l’ESS sont très souvent concrètes et identiques à celles des entreprises classiques. Les priorités sont le financement, la croissance de l’activité, les ressources humaines, la fiscalité, l’innovation. Permettez-moi d’évoquer la situation problématique, sur mon territoire, des CUMA, les coopératives d’utilisation du matériel agricole, qui se trouvent exclues du bénéfice de l’exonération des cotisations sociales employeur pour les emplois saisonniers.

La loi doit avant tout permettre de remédier à des rigidités ou à des insuffisances statutaires, grâce à l’adaptation de certains des statuts en vigueur.

La complexité de l’ESS, qui fait aussi sa richesse, réside dans son aspect transversal, qui s’inscrit dans la diversité de ses structures et de ses objets.

Certaines des entreprises sociales et solidaires sont 100 % marchandes, d’autres le sont très peu et combinent des ressources non marchandes et non monétaires. Certaines ont plusieurs milliers de salariés, d’autres aucun. Il est particulièrement difficile d’édicter des lois communes pour toutes ces structures.

C’est pourquoi il faut à tout prix éviter de surcharger ce secteur de nouvelles normes, lesquelles devront, autant que faire se peut, être adossées aux dispositifs de droit commun.

Il faudra aussi aborder le contrôle de la gestion des fonds publics qui financent une grande partie des associations chargées de véritables services publics. Une commune de 500 habitants qui gère un budget de 100 000 euros est particulièrement encadrée. Il n’en va pas de même d’une association à qui une grande collectivité peut confier un service social doté d’un budget de plusieurs millions d’euros.

Il faut donc s’interroger sur le mode de contrôle de gestion qui pourrait être mis en place. Un chantier doit être ouvert en la matière.

Notons, à ce titre, les difficultés des acteurs associatifs. Bon nombre d’entre eux ne peuvent fonctionner comme une entreprise. Ils rencontrent des difficultés internes particulièrement importantes. Les moyens humains, juridiques et financiers manquent. Aussi sont-ils inquiets quant à leur faculté d’assumer toutes les responsabilités qui leur incombent.

Enfin, il me semble que d’autres pistes, sur lesquelles nous n’insistons pas assez, devraient être creusées. Je pense ici à l’enseignement. Mme la rapporteur a d’ailleurs insisté dans sa conclusion sur ce point.

Si l’ESS nous tient à cœur, c’est avant tout parce que ses fondements sont respectueux de l’homme. Ils s’incarnent dans une finalité d’utilité sociale, voire d’intérêt général.

À la notable exception des collectivités territoriales, qui soutiennent de plus en plus l’ESS, ayant compris son intérêt pour le développement local durable, les autres acteurs de la société continuent à la méconnaître largement.

Selon moi, l’une des réponses à son développement passe par la promotion de l’enseignement et de la formation à l’économie sociale auprès des jeunes.

Dès 2011, a été lancé, sur l’initiative de l’État et de six fondations d’économie sociale, le programme Jeun’ESS, qui comporte un volet entrepreneurial. L’appel à projet a été pris d’assaut !

Aujourd’hui, les jeunes souhaitent à la fois pouvoir observer le résultat de ce qu’ils font, être autonomes, prendre des initiatives, exercer les responsabilités d’un entrepreneur, tout en recherchant un travail qui ait du sens, qui serve l’intérêt général.

Pour conclure, monsieur le ministre, l’économie sociale et solidaire peut constituer un renouveau de l’économie, sur la base des principes de solidarité et de proximité auxquels aspire la jeunesse.

Il nous appartient, à nous comme à vous, monsieur le ministre, de ne pas ralentir son foisonnement en créant de nouvelles barrières, en voulant trop bien faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’économie sociale et solidaire souffre de beaucoup d’idées reçues ; c’est le moins que l’on puisse dire !

Comme elle est associée au secteur associatif, au bénévolat, à l’absence de profits – et donc de rentabilité exponentielle –, on oublie trop souvent à quel point ses acteurs sont producteurs de richesses, de cohésion sociale et d’aménagement du territoire.

À cet égard, je sais gré au Président de la République d’avoir pleinement reconnu cette spécificité, en nommant, dans le champ de l’économie traditionnelle, un ministre délégué à l’économie sociale et solidaire. En effet, notre économie, telle qu’elle fonctionne aujourd'hui, a besoin à la fois de normes et d’un secteur associatif et coopératif extrêmement fort pour que nous puissions relever les défis de la croissance.

Bien évidemment, je salue la grande qualité du rapport qui sert de support à ce débat : sans nier la diversité des formes de l’économie solidaire, ses auteurs ont pris acte de la nécessité de s’appuyer, de manière ciblée, sur ses acteurs pour contribuer à la croissance de notre pays.

La croissance est affaire de moyens, de redistribution et de justice sociale. Elle est aussi affaire de mise en réseau ; je sais que Marc Daunis ne me démentira pas sur ce point. L’économie solidaire n’est pas l’économie solitaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Elle est fortement ancrée dans les territoires. Par conséquent, elle n’est pas ou n’est que peu délocalisable.

À ce sujet, je me permets de vous faire part de mon expérience. Il y a quatorze ans, dans la commune de 15 000 habitants dont je suis le maire, nous avons créé un pôle local d’économie solidaire, sur lequel nous avons aujourd'hui des bilans chiffrés et un recul important.

Ce pôle, dont les statuts sont ceux d’une association « loi 1901 », s’articule autour de trois réseaux : un réseau de créateurs, un réseau d’intervenants volontaires et un réseau de financement solidaire.

Il a pour missions non seulement l’aide à la création, au maintien et au développement d’entreprises, mais aussi un développement local participatif de qualité.

Il mobilise un club d’investisseurs, des dons de particuliers et des associations d’entreprises, qui alimentent des projets directement générateurs d’emplois, mais qui prennent également en compte l’insertion professionnelle globale de la personne accompagnée.

Quatorze ans plus tard, le bilan est extrêmement positif. Avec un budget annuel de 50 000 euros et un chargé de mission, le pôle a accompagné six cent cinquante-six personnes et permis cent quarante-trois créations d’entreprise, cent seize emplois directs et cent quarante-deux accompagnements vers l’emploi. Depuis sa création en 2001, la cagnotte solidarité emploi a été à l’origine d’une cinquantaine d’emplois et a directement soutenu une trentaine de projets individuels.

Mes chers collègues, ces initiatives fonctionnent : elles créent de l’emploi ; elles créent de la valeur. Mais elles sont arrivées à un stade où leur développement nécessite des évolutions statutaires, financières et culturelles.

À cet égard, monsieur le ministre, nous attendons beaucoup du projet de loi dont vous avez annoncé la présentation au cours du premier semestre 2013 lors du conseil des ministres du 5 septembre dernier.

Le rapport de la commission des affaires économiques contient un certain nombre de préconisations ciblées, qui, je le crois, seront très utiles car leur mise en œuvre est déterminante pour passer le cap de croissance.

Le premier levier porte sur le statut des coopératives, que nous devons impérativement faire évoluer, ainsi que l’ont déclaré tout à l'heure Marie-Noëlle Lienemann et Marc Daunis.

Certes, la coopérative est une forme originale mais elle est trop souvent le dernier recours quand toutes les voies ont été explorées. §

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Dans un rapport publié en 2011 à l’issue d’un an de travaux, la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires avait rappelé la grande fragilité de la transmission ou de la reprise d’entreprises.

Les coopératives doivent pouvoir être mobilisées beaucoup plus souvent, ce qui passe par la refonte de leur statut. Dans nos centres-villes, les reprises de commerces ou d’entreprises d’artisanat pourraient alors avoir lieu dans des conditions renouvelées.

Je souhaite que nous ne sombrions pas non plus dans l’angélisme : certains choisissent la formule de la coopérative pour bénéficier d’une niche fiscale. Nous le savons, même si les cas sont minoritaires. Néanmoins, la coopérative doit garder les caractéristiques qui la différencient d’entreprises plus traditionnelles.

Le deuxième levier porte sur le financement de l’économie solidaire. Les acteurs de l’économie sociale et solidaire doivent être incités à bénéficier des fonds régionalisés de la future Banque publique d’investissement. La possibilité que des sociétés coopératives de production – les SCOP – se multiplient, créent de la valeur, de la richesse et de l’emploi ou que des coopératives industrielles voient le jour en sortirait renforcée. En effet, l’investissement dans le secteur industriel nécessite l’apport de capitaux.

Monsieur le ministre, l’idée d’une fondation, contenue dans le rapport, qui interviendrait de manière complémentaire me paraît aller dans le bon sens. Il s’agit non pas de suppléer les clubs d’investisseurs ou les dispositifs actuels, mais, là encore, de jouer les accélérateurs de projets.

Le troisième levier auquel je suis favorable est celui de la mise en réseau. C’est la force de l’économie sociale et solidaire ; elle est dans sa nature. Mais, pour que certains projets voient le jour et puissent passer à la vitesse supérieure, d’autres travaux en commun doivent être recherchés.

Par exemple, je suis de ceux qui plaident pour une réflexion sur une meilleure intégration de l’économie sociale et solidaire au sein de pôles de compétitivité profondément remaniés.

Je suis aussi de ceux qui souhaitent que ces acteurs de l’économie solidaire ne s’interdisent ni de pénétrer le champ de l’innovation et de la recherche ni de recourir à la mutualisation des moyens, qu’il s’agisse des transports, de l’énergie, des ressources humaines, de la commercialisation ou de l’exportation.

Mes chers collègues, je suis originaire de Franche-Comté, le pays de Victor Hugo et de Proudhon. Leur région abritant des coopératives de comté, des coopératives laitières, les Francs-Comtois savent que de telles entités fonctionnent, y compris à l’exportation.

Permettez-moi de vous faire une dernière suggestion, à laquelle j’espère, monsieur le ministre, que vous serez sensible : le développement de l’économie sociale et solidaire au service de l’emploi passe aussi par des simplifications administratives majeures.

En effet, la simplification des normes administratives est bonne pour toute l’économie. Or la France est malade de la norme.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Cette situation est très compliquée pour les élus, pour les entreprises – qu’il s’agisse d’entreprises artisanales ou de grandes entreprises –, comme pour nos coopératives. Nous devons donc aller vers un travail de simplification pour développer nos territoires et nos entreprises. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Aline Archimbaud et M. Gérard Le Cam applaudissent également.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur de l’économie sociale et solidaire fait partie intégrante de notre économie.

De surcroît, il est un recours parmi d’autres en période de crise économique et financière. Incarnant une autre vision des relations économiques entre les hommes et les femmes, il représente un espoir. Faisant la part belle à toutes les formes de coopération, il constitue une espérance. Surtout, il est à la fois espoir et espérance parce qu’il permet l’innovation sociale.

Pour l’ensemble de ces raisons, il mérite toutes les attentions, et en particulier la vôtre, monsieur le ministre.

L’économie sociale et solidaire est aujourd’hui à la croisée des chemins : elle a besoin qu’évoluent tant son statut juridique que ses modes de financement. À défaut, ses structures seront condamnées, condamnées soit à vivoter, soit à perdre leur âme. Tel est le cas des coopératives vinicoles, qui ne disposent pas des fonds propres nécessaires pour faire face à la concentration du secteur ainsi qu’aux nécessaires investissements de développement commercial et de croissance externe.

Le moment semble venu de permettre au secteur de l’économie sociale et solidaire, porteur d’innovation et de progrès social et pourvoyeur d’emplois non « délocalisables », de jouer pleinement le rôle qui lui revient, à côté du secteur caritatif et du secteur commercial. Il convient toutefois de combattre fermement les dérives financières qui, çà et là, gangrènent ce dernier.

Pour continuer non seulement de voir le jour, mais aussi de croître, les multiples structures – associations, sociétés coopératives et participatives, sociétés coopératives d’intérêt collectif – qui composent l’économie sociale et solidaire gagneraient à bénéficier d’un statut juridique approprié.

En effet, nous savons que la constitution d’une société coopérative de production, une SCOP, peut comporter des risques, lesquels découragent bien trop souvent les salariés à racheter leur entreprise, quand bien même cette dernière est tout à fait viable.

De façon générale, monsieur le ministre, ne peut-on pas réfléchir à un cadre juridique spécifique et commun aux différents types d’associations œuvrant dans le secteur de l’économie sociale et solidaire ? Une piste de travail consisterait à mettre en place un type de société inspiré de la société anonyme à responsabilité limitée, propre à l’économie sociale et solidaire, qui garantirait le respect de ses principes fondateurs comme la protection des apporteurs.

Cette réflexion sur le statut juridique ès qualités dont on pourrait doter les structures d’économie sociale et solidaire prendra inévitablement du temps. Pour l’heure, le financement est la question urgente à régler. À défaut, l’économie sociale et solidaire manquera un rendez-vous historique et ne pourra que stagner, voire régresser.

Monsieur le ministre, tel est le défi que l’économie sociale et solidaire doit relever ! Il faut trouver des capitaux plus « patients », moins « gourmands », et imaginer une autre forme de rémunération des capitaux que la seule rentabilité financière.

Hélas ! en l’état actuel, le mode de financement des entreprises coopératives accuse encore un retard dans la mobilisation d’outils pourtant classiques, qu’il s’agisse des leasings, des garanties, des adossements ou des partenariats. Cette lacune, qui s’accompagne, de fait, d’une très faible innovation en matière d’ingénierie financière, freine l’évolution et la croissance des structures, tout en les privant d’une stratégie économique digne de ce nom.

Aussi, c’est de matière grise que le secteur de l’économie sociale et solidaire a le plus besoin pour effectuer la mutation essentielle pour son avenir.

Tout l’enjeu consiste à lui permettre de disposer, pour son financement, de fonds dédiés à l’amorçage de projets socialement innovants et présentant un potentiel, mais ne pouvant atteindre leur équilibre économique qu’à moyen terme, à savoir trois à cinq ans. Par exemple, ces fonds pourraient prendre la forme de prêts pour le financement de la phase de « lancement-maturation ».

L’économie sociale et solidaire gagnerait également à ce que des fonds de garantie spécifiques – associant, le cas échéant, les collectivités – soient mis sur pied.

Enfin, des fonds d’investissement en fonds propres tels les titres participatifs doivent pouvoir soutenir les structures qui souhaitent se développer, en les accompagnant dans leur changement d’échelle.

Dans ces conditions, comme nombre de mes collègues, j’attends beaucoup de la future banque publique d’investissement, dont l’une des vocations, vous l’avez dit, monsieur le ministre, consiste à rassembler l’ensemble des missions et structures orientées vers le financement de l’économie sociale et solidaire.

J’estime en effet qu’elle doit pouvoir jouer un rôle important dans la dynamique que j’appelle de mes vœux, au côté d’autres acteurs publics : je pense notamment aux conseils régionaux qui font beaucoup. Vous vous doutez, monsieur le ministre, que je les porte dans mon cœur, celui de Languedoc-Roussillon plus particulièrement ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’illustre l’excellent rapport de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann, l’économie sociale et solidaire couvre un grand nombre de secteurs. À ce titre, elle est appelée à prendre toute sa part dans l’entreprise de redressement de notre pays que mène actuellement le Gouvernement. Dans cette logique, je consacrerai mon intervention au logement au travers du prisme singulier des « coopératives d’habitants ».

Si le rapport de Marie-Noëlle Lienemann précise que « l’habitat coopératif est un phénomène récent et embryonnaire en France », pour autant, ce sujet n’est pas inconnu de notre assemblée. Ainsi, en 2009, à l’occasion du débat sur la loi « de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion », la gauche avait déposé des amendements relatifs à ce sujet. Le gouvernement Fillon s’était bien engagé à travailler la question, mais cet engagement est resté de l’ordre de la déclaration d’intention.

Plus récemment, lors du dépôt par le groupe socialiste de la proposition de loi « visant à faire du logement une priorité nationale », notre attention avait été attirée sur ce sujet par le titre V, visant à « doter les initiatives solidaires et coopératives spécifiquement orientées sur le logement d’un cadre légal ».

Le sujet ne nous est donc pas totalement étranger. Cependant, dans notre pays, les coopératives d’habitants restent encore peu nombreuses : on en dénombre seulement une cinquantaine. Or, en Suisse, les coopératives d’habitation représentent 8 % du parc immobilier et 20 % des logements dans une ville comme Zurich. En Norvège, plus de 650 000 personnes ont opté pour ce mode d’habitat, soit l’équivalent de 15 % du parc immobilier national. Des initiatives de ce type existent dans toute l’Europe : en Allemagne, en Italie, en Belgique...

Ce mouvement s’inscrit dans un contexte national où, pendant les dix dernières années, le coût du logement a crû de 107 %, quand les revenus n’augmentaient que de 17 %. Le bilan est sans appel : la crise du logement frappe près de 10 millions de personnes dans notre pays. Ainsi que le précise le professeur Marty, le logement est devenu, pour l’essentiel, un objet de spéculation et de rente. Cette dynamique « mercantile » induit deux effets conjoints : d’une part, le citoyen se retrouve dans l’obligation de s’effacer devant les intérêts privés qui composent la chaîne immobilière et marchande ; d’autre part, au fil des politiques de défiscalisation, le logement neuf devient abondant et de qualité, mais reste inaccessible à une très grande majorité de nos concitoyens, compte tenu de son coût.

Face à cette réalité, et pour emprunter à Durkheim, « les coopératives d’habitants » opèrent un travail « d’administration de la preuve ». Cette solution alternative aux politiques de logement traditionnel est non seulement réaliste, mais elle peut constituer un élément important dans une politique renouvelée d’accès au logement. À ce titre, elle entend dépasser l’opposition entre propriété et location et elle est sous-tendue par une double logique : la première, qui est horizontale, renvoie à la solidarité envers nos contemporains ; la seconde, qui est verticale, s’exerce à l’endroit des générations à venir, compte tenu des procédés de fabrication retenus.

D’un point de vue théorique, les « coopératives d’habitants » peuvent prendre la forme de « coopératives locatives d’habitation » ou de « coopérative d’habitants par capitalisation ». Dans les faits, les porteurs de projets se tournent vers un modèle mixte, alliant les logiques économiques de la capitalisation et de la location.

Néanmoins, quelle que soit la forme retenue, les « coopératives d’habitants » présentent des caractéristiques communes. Il s’agit notamment de la propriété collective de logements dont tous les locataires sont les coopérateurs, car propriétaires des parts sociales de la coopérative. Ainsi, en cas de départ d’un coopérateur, ce qui est revendu, ce ne sont pas des murs, mais des parts sociales dont le prix de cession est encadré.

Le modèle est démocratique, puisque fondé sur la gouvernance démocratique et le principe « une personne égale une voix ». Il est solidaire, puisque la dimension individuelle n’exclut pas le développement de la mutualisation de services et d’espaces ; il est solidaire aussi du fait de la prise en compte des préoccupations environnementales. Enfin, il est non spéculatif, puisque la cession s’effectue sur une base de parts sociales à prix encadré.

Comme l’affirme Marie-Noëlle Lienemann dans son rapport, cette forme d’habitat participatif s’inscrit parfaitement dans une démarche de coopérative, telle que l’entend la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. Cependant, les coopératives d’habitation ont été supprimées par la loi Chalandon de 1971. De ce corpus législatif ne subsistent que les coopératives de construction et les coopératives d’HLM ayant pour objet la construction de logements en accession à la propriété individuelle.

Convaincue de la pertinence de ce modèle qui propose « d’habiter un territoire » et non pas de « consommer du logement », j’estime qu’il est désormais temps de faciliter son développement et je compte sur votre action en ce sens, monsieur le ministre, ainsi que sur celle de vos collègues.

Sans reprendre toutes les propositions du rapport, je voudrais en rappeler quelques-unes.

La première concerne les nécessaires modifications à apporter à la loi de 1947. Ce texte est la base légale sur laquelle les projets sont actuellement produits, mais il n’a pas été pensé spécifiquement pour encadrer des projets de coopérative d’habitants. Ainsi, la rédaction d’un article visant à définir les sociétés coopératives d’habitants, la qualité d’associé, les possibilités que pourraient offrir des statuts précis, notamment au regard de tiers non-associés, constituerait une avancée importante.

Un vide juridique existe aussi pour les conditions de cession de parts. Il serait souhaitable d’y remédier en permettant que ces cessions se fassent librement, avec un prix qui serait bien sûr encadré, afin d’éviter toute dérive spéculative. Dans ce sens, permettre à la coopérative de pratiquer des loyers inférieurs au niveau du marché, sans risque juridique ou fiscal de pénalisation, me semble important. Dans le respect de l’esprit coopératif, il en va de même de la possibilité de moduler les loyers demandés aux coopérateurs selon l’ancienneté et le montant de l’apport initial.

La question du régime fiscal appliqué aux « coopératives d’habitants » constitue également un volet essentiel. Il serait intéressant de procéder à la modification du premier alinéa du I de l’article 150 U du code général des impôts pour que les bénéfices provenant d’opérations effectuées avec un tiers soient assujettis à l’impôt sur les sociétés à titre normal, pour que ces coopératives puissent provisionner sur le long terme en vue de travaux et pour organiser fiscalement la cession de parts sociales, initiales ou acquises, de la coopérative.

Enfin, la mauvaise articulation entre le droit coopératif et le droit du logement obère le développement de partenariats avec les sociétés d’HLM. De plus, elle rend problématiques les conditions d’attribution des logements sociaux produits au sein de la coopérative : il est donc nécessaire de réformer, à la fois dans une perspective de faisabilité et d’efficacité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Vous l’avez compris, mes chers collègues, la forme coopérative est adaptée à l’habitat groupé. Elle replace tous les habitants, même les plus fragiles, au cœur des dispositifs immobiliers des métropoles urbaines. Elle oppose un démenti formel aux logiques urbaines reposant sur « l’entre-soi » et la marchandisation de l’habitat.

Faire évoluer notre droit afin de rendre ces dynamiques coopératives plus aisées et plus effectives me semble donc constituer un objectif à atteindre. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Chastan

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président du groupe de travail, madame la rapporteure, mes chers collègues, en parallèle aux auditions du groupe de travail sur l’économie sociale et solidaire, ou ESS, j’ai souhaité mener une étude de ce secteur dans le département de l’Ardèche, en procédant à une série d’entretiens avec les principaux acteurs sur le territoire, représentant d’ailleurs différentes formes d’activités. Mon intervention dans ce débat en rendra compte succinctement.

Je note tout d’abord qu’en Ardèche, département très touché par la crise, avec de nombreuses fermetures d’usines ou des compressions d’effectifs, dans l’industrie textile et les équipements automobiles, en particulier, l’ESS est un secteur en expansion ces dernières années : ses effectifs ont en effet augmenté quatre fois plus que ceux de l’ensemble de l’économie ardéchoise.

Ainsi, le poids de l’ESS est plus important en Ardèche qu’au niveau national et régional : elle représente 15 % des emplois salariés privés, soit 12 847 salariés, avec 1 400 établissements œuvrant principalement dans les domaines de la finance et des assurances, de l’enseignement, de l’action sociale, des arts et spectacles, mais aussi du sport et des loisirs, ou également dans la production artisanale ou industrielle. Par exemple, la SCOP Ardelaine, qui emploie 45 salariés dans une commune de moins de 500 habitants, traite et valorise la laine des moutons de 300 éleveurs d’Ardèche et de Haute-Loire et commercialise ses produits sur place, dans les foires, salons et magasins bio.

Cette étude m’a ensuite permis d’identifier les initiatives innovantes de ce territoire et de les porter à la connaissance du groupe de travail, comme expériences transposables à d’autres départements.

Lors des auditions réalisées, j’ai également pu relever des obstacles au développement de l’ESS en Ardèche : certains d’entre eux, notamment dans le domaine financier, figurent dans les conclusions du groupe de travail, d’autres viennent les compléter.

Plusieurs questions essentielles ont été posées au cours des différents entretiens. Tout d’abord, comment améliorer la professionnalisation des acteurs de l’ESS ?

En effet, la professionnalisation des acteurs associatifs, qui constituent une grande partie des structures de l’ESS, constitue un enjeu important. Les associations, ne disposant souvent pas de « culture économique et financière », ont tendance à écarter, par éthique, l’objectif de « bons résultats », qu’ils confondent avec les « profits » du secteur libéral et concurrentiel. Des évolutions me semblent souhaitables à cet égard dans les mentalités et les comportements, y compris au niveau des services de l’État, qui considèrent parfois négativement les soldes excédentaires des comptes des associations, alors que ces bons résultats leur permettent bien sûr de réinvestir et de développer leurs activités, sans objectif de rentabilité « capitalistique », et donc de maintenir et de créer des emplois.

Avec la complexification des actions des associations, la relation et le partage des tâches entre les bénévoles et les salariés tendent également à devenir problématiques. C’est pourquoi l’idée a été émise de constituer un statut pour les bénévoles, qui permettrait notamment de valoriser leur travail non salarié, de les pérenniser et d’articuler leur rôle avec celui des salariés.

Autre question posée : quelle politique d’encouragement de l’ESS faut-il mener et à quels acteurs la confier ?

Le rôle des élus, locaux et nationaux, et des institutions, pour donner le goût d’entreprendre, en l’occurrence « autrement », et inculquer les valeurs de l’ESS à un public élargi, est ici primordial. La suggestion de désigner un élu « référent économie sociale et solidaire » dans les échelons administratifs a notamment été formulée, tout comme l’insertion de clauses sociales dans les appels d’offres des marchés publics – même si cet outil doit être manié avec les précautions juridiques indispensables.

Outre des problèmes de cohérence entre les politiques menées à différents niveaux administratifs, on peut remarquer que trop peu d’élus sont sensibilisés à l’ESS, car ils en ont une image évoquant trop fortement l’aide sociale, sans avoir conscience du réel potentiel économique qu’elle représente aussi.

Les chambres consulaires, quant à elles, déconseillent trop souvent aux porteurs de projets de choisir les statuts coopératifs, malgré tout l’intérêt qu’ils comportent.

Ensuite, il existe trop peu de « lieux-ressources » capables de former et d’orienter les acteurs de l’ESS sur le territoire, et ceux qui existent sont mal répartis. Divers acteurs de l’ESS ont souligné le besoin de territorialisation de la chambre régionale de l’économie sociale et solidaire, la CRESS, ou encore de la présence de permanences des coopératives d’activité plus nombreuses sur tout le territoire.

Enfin, il apparaît nécessaire d’améliorer différents aspects juridiques. Les acteurs du secteur sont assez unanimes pour dire qu’un réel travail sur la définition même de l’ESS est indispensable, une simple énumération des statuts des établissements considérés comme relevant de l’ESS leur paraissant insuffisante.

Très brièvement, je me bornerai à évoquer quelques points. La société coopérative d’intérêt collectif, ou SCIC, est reconnue sur le terrain comme présentant de nombreux avantages, mais quelques inconvénients ont tout de même été soulignés, je n’en mentionnerai que deux. Tout d’abord, l’adhésion obligatoire à la Confédération générale des SCOP lors de la création d’une SCIC paraît relativement onéreuse pour les petites structures, même si le coût de l’adhésion est proportionnel au chiffre d’affaires et à la masse salariale. Ensuite, ce statut de création récente manque encore de reconnaissance, car, située entre l’entreprise et l’association, la SCIC n’est considéré ni comme l’une ni comme l’autre, ce qui constitue parfois un frein.

En ce qui concerne les SCOP, les entrepreneurs souhaitent la création d’un statut « d’entrepreneur-salarié », qui existe, de fait, pour le personnel, mais qui n’est pas sécurisé juridiquement.

Enfin, l’article 200 du code général des impôts ne permet pas aux associations œuvrant dans le domaine du développement local d’être reconnues comme « d’intérêt général ». S’il était possible d’y remédier, cela ouvrirait sans doute des champs d’initiative nouveaux.

En conclusion, j’espère que les obstacles que j’ai mis en évidence, et d’autres davantage explicités et illustrés dans mon rapport, seront susceptibles d’alimenter les réflexions qui se poursuivront, notamment au Sénat, et, avec quelque prétention peut-être, vos propres réflexions, monsieur le ministre.

Je ne doute pas cependant, monsieur le ministre, que vous ferez votre miel de l’ensemble des constatations et des suggestions qui ressortent du débat organisé ce jour au Sénat sur le thème de l’économie sociale et solidaire, secteur à part entière de l’économie à visage humain. §

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le président du groupe de travail sur l’économie sociale et solidaire, madame la rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, je vais tenter à la fois de répondre à vos questions et de revenir sur le contenu du rapport de Mme Lienemann, notamment sur les perspectives que le Gouvernement entend donner à plusieurs de ses préconisations sur l’avenir du secteur coopératif dans le cadre du projet de loi que je prépare pour le printemps 2013 et qui sera consacré à l’économie sociale et solidaire, l’ESS.

Je commencerai cependant par faire le point sur l’approche du Gouvernement en matière d’économie sociale et solidaire et sur la nature des politiques publiques que nous entendons mettre en œuvre. Elles procéderont non seulement de la loi, mais aussi d’un certain nombre d’engagements forts, notamment dans le cadre de la Banque publique d’investissement, la BPI, des emplois d’avenir et de toute une série d’actes politiques qui ne relèvent pas strictement du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire.

Un point important a été évoqué par plusieurs d’entre vous : nous sommes arrivés à un moment où soit l’État, les collectivités locales, la puissance publique se dotent des moyens de permettre à l’économie sociale et solidaire de changer d’échelle, soit ce secteur, qui a peut-être mieux résisté que l’économie classique en période de crise, sera confronté, en raison d’une concurrence féroce dans les domaines dans lesquels il s’est développé, à un risque de déclin qui s’accompagnera de destruction d’emplois.

Pour la première fois, en 2011, le secteur associatif, qui a créé 440 000 emplois au cours des dix dernières années, a perdu 22 000 emplois. La question qui se pose aux pouvoirs publics, au Gouvernement et à votre assemblée est la suivante : sommes-nous arrivés à un palier que nous voulons franchir en inscrivant le développement de l’économie sociale et solidaire dans la stratégie de croissance de la France ou à un plafond au-delà duquel nous ne parviendrons pas à développer l’ESS, avec sa mission si originale conciliant activité économique, utilité sociale et service de l’intérêt général ?

C’est donc à cette question que le Gouvernement a voulu répondre, pour commencer par la création d’un ministère de l’économie sociale et solidaire logé à Bercy, qui profite de la voilure, de la compétence des directions de l’administration centrale de l’économie et des finances. La politique que va mettre en œuvre ce ministère sera axée autour de trois principes : la reconnaissance de l’économie sociale et solidaire, sa structuration, dans un deuxième temps, en valorisant les expériences des territoires et, enfin, son développement. Je présenterai tout d’abord le contenu que nous entendons donner à ces trois priorités en faveur de l’ESS, avant de vous dire comment nous avons réagi à vos propositions en faveur du secteur coopératif proprement dit.

La reconnaissance de l’économie sociale et solidaire va passer par la loi. Pour ma part, j’ai une approche très inclusive de la reconnaissance légale de l’économie sociale et solidaire. Je ne crois pas qu’il faille, ici ou ailleurs, chercher à arbitrer une forme de querelle entre les anciens et les modernes, les anciens appartenant à l’ESS par statut – les coopératives, les fondations, les associations, les mutuelles – et les modernes étant de l’ESS par finalité, à savoir le mouvement de l’entrepreneuriat social. Ces deux traditions concourent aujourd’hui en France à créer non seulement de l’activité mais aussi de l’emploi et à articuler activité économique et utilité sociale. De ce point de vue, que l’on soit un entrepreneur social ou un mutualiste, on rend un service important à la collectivité française. Je vous proposerai donc d’adopter une approche inclusive de l’économie sociale et solidaire.

Je souhaite créer, dans le cadre du projet de loi qui vous sera présenté, un label de l’entreprise sociale et solidaire. Ce label, de type inclusif, n’exclura aucun statut. Il vise surtout à permettre la reconnaissance d’une entreprise de l’économie sociale et solidaire. Comment la Banque publique d’investissement, qui consacrera 500 millions d’euros au financement des structures de l’ESS, pourrait-elle mettre efficacement en œuvre cette politique si elle n’est pas en mesure de reconnaître une telle entreprise ? Cette labellisation vise d’abord à permettre aux instruments de financement de l’ESS de reconnaître les entreprises qui relèvent du secteur.

Si nous voulons orienter la commande publique vers l’économie sociale et solidaire, il importe aussi, plusieurs d’entre vous l’ont souligné, que les donneurs d’ordre soient capables de reconnaître une entreprise sociale et solidaire, comme demain le législateur, s’il souhaite orienter la politique fiscale en faveur de l’ESS, en sortant du maquis qui parfois distingue le mouvement mutualiste, le mouvement coopératif, les fondations, le mouvement associatif ou l’entrepreneuriat social.

Nous voulons avoir une approche plus générique de l’entreprise sociale et solidaire, qui fixera à côté les contreparties fiscales, réglementaires, l’accès à la commande publique, ainsi que les conditions d’éligibilité à la Banque publique d’investissement.

C’est un débat qui anime le monde de l’économie sociale et solidaire. Le but de la labellisation n’est pas d’exclure qui que ce soit, encore que l’on puisse aussi s’entendre sur ce que n’est pas l’économie sociale et solidaire : elle n’est ni le social business, ni la responsabilité sociétale des entreprises, la RSE, ni, à l’évidence, l’économie low cost. Nous avons besoin, au-delà de la définition de ce que n’est pas l’économie sociale et solidaire, de fixer le périmètre légal de l’ESS à travers des principes : la non-lucrativité ou la lucrativité limitée, la gouvernance démocratique, le partage du pouvoir, le principe « un homme - une voix », l’ancrage territorial, autant de principes qui concourent aujourd’hui à définir le champ de l’économie sociale et solidaire. Ce label permettra aux entreprises sociales et solidaires, au sens générique du terme « entreprise », de bénéficier des contreparties qu’aura voulu mettre en œuvre le législateur pour favoriser le développement de ce secteur.

La reconnaissance, ce n’est pas simplement le fait d’inscrire dans une loi-cadre l’existence de l’économie sociale et solidaire, c’est aussi, comme plusieurs d’entre vous l’ont souligné, notamment la rapporteur Marie-Noëlle Lienemann, permettre qu’elle soit enseignée. J’ai commencé à discuter avec mon collègue Vincent Peillon afin que figurent, demain, dans les programmes et les manuels scolaires, dans les cours d’économie, l’existence de modèles d’entreprise alternatifs à l’entreprise classique contribuant à la création d’activités. Il n’est pas question de porter un jugement, mais simplement de pouvoir enseigner l’ESS, en tant que modèle économique, davantage que lors d’une semaine de l’économie sociale et solidaire au collège ou au lycée. Nous voulons que l’activité de ce secteur soit intégrée aux manuels et aux programmes scolaires.

Je rebondis sur une proposition de M. Jean-Michel Baylet, qui insistait sur l’importance de la reconnaissance des employeurs de l’ESS. Lors de la dernière conférence sociale, Mme Parisot a ouvert le chantier de la rénovation de la représentativité patronale, faisant suite à une demande de l’USGERES, l’Union de syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale, qui souhaite être intégrée au dialogue social, aux discussions interprofessionnelles. Un chantier sera ouvert dans le cadre de la négociation sociale et devrait permettre, au-delà de la reconnaissance par la loi et dans le système éducatif, la reconnaissance des employeurs de l’économie sociale et solidaire dans le dialogue social interprofessionnel.

La deuxième priorité, qui rejoint les propos de M. Chastan, concerne la contractualisation et la nécessité de structurer, dans les territoires, l’économie sociale et solidaire. L’ESS existe sur tous les territoires. Souvent, les citoyens ne la reconnaissent pas, mais ils sont sociétaires d’une mutuelle, inscrivent leurs enfants dans une association de soutien scolaire ou de théâtre. Ils ont donc des contacts multiples avec l’économie sociale et solidaire, mais ne voient pas forcément le lien qui unit les structures de ce secteur.

Les collectivités territoriales, à travers leurs choix stratégiques, en particulier les régions qui ont, pour beaucoup d’entre elles, inscrit dans leur schéma régional de développement économique le développement de l’ESS, connaissent parfaitement les besoins du monde associatif, coopératif, mutualiste, parce qu’elles ont d’ores et déjà des stratégies de filière.

Je reviens de Toulouse, dans la région Midi-Pyrénées, où j’ai visité trois coopératives. La première, une SCOP de douze personnes, est spécialisée dans la transformation de déchets de la ferme en biogaz, en énergie renouvelable : j’ai ainsi appris qu’une chèvre valait 80 litres de fuel par an et une vache 40 litres ! La deuxième, Scopélec, dans le domaine du câblage électrique, compte 1 600 salariés. La troisième, Éthiquable, associe le modèle coopératif et la logique du commerce équitable. Ce sont trois mondes totalement différents. Il existe aujourd’hui des coopératives ou des structures de l’économie sociale et solidaire dans tous les domaines. Dans les services à la personne, le monde de l’industrie, des secteurs parfois terriblement concurrentiels, ces structures, robustes, gagnent des marchés, se développent et créent de l’emploi.

J’insiste sur le fait que, pour disposer d’une stratégie de filière, il faut pouvoir s’appuyer sur la contractualisation et sur les territoires. Dans le projet de loi vous sera proposé un modèle de contractualisation à l’échelle des régions, des départements, des agglomérations ou des communes, qui, entre l’État, les acteurs de l’économie sociale et solidaire et les collectivités locales, permettra de construire des stratégies à court, à moyen et à long terme.

Nous avons besoin, dans l’ESS, de temps, de nous projeter dans l’avenir et rien ne serait pire que des annonces qui ne seraient pas suivies d’effet. C’est pourquoi nous voulons construire cette contractualisation et la formaliser par la loi. Ce sera un point important de cette deuxième priorité : structurer l’ESS dans les territoires.

Je ne développerai pas tous les points. Vous constaterez que le projet de loi se nourrit largement des travaux du Sénat, du Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, du rapport du député Vercamer et du groupe d’étude de l’Assemblée nationale. Il y aura d’autres propositions pour structurer l’ESS, mais je voulais insister particulièrement, devant la Haute Assemblée, sur l’importance de la contractualisation au niveau des territoires.

La dernière priorité, c’est le développement de l’économie sociale et solidaire. À l’évidence, le programme des emplois d’avenir est naturellement dédié aux structures de l’ESS, puisqu’il concerne toutes les structures d’insertion par l’activité économique, en particulier le monde associatif qui a besoin d’embaucher non seulement des jeunes peu ou pas qualifiés, mais aussi un certain nombre de jeunes qualifiés. Dans nos territoires, nous constatons aujourd’hui que les difficultés d’embauche concernent bien sûr, surtout, les jeunes peu qualifiés, mais également les jeunes qualifiés. La commission mixte paritaire qui s’est réunie aujourd'hui sur le projet de loi portant création des emplois d’avenir a permis de préciser cette question entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Le monde associatif aura la possibilité d’embaucher des jeunes de niveau bac et bac+3 pour encadrer un certain nombre d’activités essentielles, notamment dans les zones urbaines sensibles ou dans les zones rurales en déshérence économique. Le programme des emplois d’avenir sera naturellement très orienté vers l’économie sociale et solidaire.

J’évoquerai maintenant un second instrument, dont plusieurs d’entre vous ont parlé, à savoir la Banque publique d’investissement.

La BPI consacrera 500 millions d’euros au financement de l’économie sociale et solidaire. Nous avons tiré les conséquences, je le dis à M. Magras, des investissements d’avenir mis en œuvre par le précédent gouvernement. Cette initiative a été tout à fait utile pour le développement de l’économie sociale et solidaire. Une partie des investissements d’avenir ont en effet été orientés vers le développement de cette économie.

Nous avons mobilisé la mission de préfiguration de la banque publique d’investissement et étudié ce qui, dans ce dispositif, avait bien et mal fonctionné. Nous allons maintenant essayer d’orienter ces financements afin qu’ils répondent parfois aux besoins de haut de bilan, parfois aux besoins de bas de bilan, et qu’ils permettent de boucher le plus gros trou existant aujourd'hui dans la raquette du financement public de l’économie sociale et solidaire, à savoir l’absence d’instrument de financement de l’innovation sociale. Nous ne disposons pas actuellement d’instrument spécifiquement dédié au financement de l’innovation sociale. À cet égard, il faudra d’ailleurs définir ce qu’est l’innovation sociale.

La Banque publique d’investissement permettra de boucher les trois trous de la raquette : les besoins de financement en haut de bilan, les besoins de financement en bas de bilan et le financement de l’innovation sociale.

Nous avons voulu que l’instrument soit le plus adapté aux besoins très variés des différentes entreprises de l’économie sociale et solidaire, de la petite association qui a un découvert de 5 000 euros et qui a donc besoin de facilités de trésorerie, aux grands établissements sanitaires et sociaux du secteur privé non lucratif, tels les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui ont besoin de plusieurs millions d’euros afin de pouvoir reconstituer leurs fonds propres.

La Banque publique d’investissement proposera l’ingénierie, un accompagnement et des solutions aux différents besoins qui sont aujourd'hui ceux des structures de l’économie sociale et solidaire.

De surcroît, je me réjouis que, dans son rapport sur la réforme de l’épargne réglementée, M. Duquesne propose que parmi les nouvelles obligations d’emplois des crédits décentralisés de l’épargne réglementée gérés par les banques figurent désormais, du fait notamment du doublement du plafond du livret de développement durable et de l’augmentation du plafond du livret A, outre le financement des PME et la rénovation thermique des bâtiments anciens, le financement de l’économie sociale et solidaire. Cela permettra à l’économie sociale et solidaire de bénéficier des financements du secteur bancaire privé, en plus des moyens mis en œuvre par la Banque publique d’investissement.

Ce sont là des instruments tout à fait nouveaux et performants, destinés à muscler et à doper le financement de l’économie sociale et solidaire. J’espère, en tout cas c’est notre vœu, qu’ils contribueront à permettre ce changement d’échelle voulu par nombre d’entre vous.

Je n’esquiverai pas les questions qui m’ont été posées sur les certificats mutualistes.

Nous réfléchissons aujourd'hui, à la demande notamment d’une grande société d’assurance mutualiste, Groupama, au principe de la création d’un certificat mutualiste qui permettrait aux mutuelles de lever des fonds propres, parfois indispensables pour respecter les exigences prudentielles de Solvabilité II – celles qui s’imposent au monde mutualiste et au monde assurantiel sont fortes –, mais aussi pour faire face aux difficultés auxquelles il leur arrive d’être parfois confrontées.

À titre personnel, ma religion n’est pas encore totalement faite sur ce sujet, sur lequel nous travaillons actuellement avec la direction générale du Trésor. Les titres mutualistes sont peut-être le troisième instrument, avec les titres associatifs et les titres participatifs, qui manque. Il pourrait nous permettre de consolider le modèle économique des sociétés d’assurance mutualiste et des mutuelles en France, qu’elles relèvent du code de la mutualité ou du code des assurances.

En tout cas, nous réfléchissons à cette piste, mais nous n’avons pas encore, à ce stade, tranché la question. Notre débat avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous y aidera.

Telles sont les informations dont je souhaitais vous faire part en guise d’introduction sur ce que seront les grandes priorités du projet de loi-cadre et des politiques publiques que nous voulons mettre en œuvre dans le domaine de l’économie sociale et solidaire.

Il manque à cet inventaire beaucoup de propositions, dont plusieurs, monsieur Daunis, figurent dans le rapport de Marie-Noëlle Lienemann. Je vais maintenant en dire un mot.

Le secteur coopératif, comme l’un d’entre vous l’a dit, est très ancien. Il commence avec Charles Fourier et ses phalanstères à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle, se poursuit avec Proudhon – cher au sénateur Bourquin –, qui, entre le communisme et le capitalisme, a inventé le mutualisme et s’est beaucoup inspiré du système coopératif, et, plus récemment, avec Charles Gide et ses phalanstères. Nous avons donc quelques solides expériences dans ce domaine.

La France compte aujourd'hui 21 000 entreprises coopératives, un million de salariés en intégrant les filiales et 330 000 si on ne prend en compte que les coopératives au sens strict, ainsi que 23, 7 millions de membres – c’est beaucoup, mais cela intègre évidemment les clients des banques coopératives. Les entreprises coopératives représentent 288 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Le monde coopératif contribue donc de manière extrêmement importante au PIB, mais également, et surtout, à la structuration de l’économie sociale et solidaire.

Toutefois, ce secteur présente des lacunes. Un certain nombre d’entreprises coopératives se sont en effet un peu libérées de leurs obligations ou de leurs grands principes pour tenter elles aussi l’aventure sur les marchés financiers.

Je rappelle que, schématiquement, on peut aujourd'hui distinguer les coopératives d’entreprises, dont les associés, c'est-à-dire les coopérateurs, sont des entrepreneurs ; les coopératives d’utilisateurs ou d’usagers, dont les associés sont les utilisateurs des biens et des services produits ; les coopératives de production – les plus célèbres d’entre elles sont les SCOP, dont nous allons beaucoup parler et dont nous cherchons, vous comme nous, à favoriser le développement – ; les coopératives multi-sociétariales, les plus connues étant les SCIC, les sociétés coopératives et d’intérêt collectif, qui associent collectivités locales, simples citoyens, acteurs divers, notamment du monde coopératif ; enfin, les banques coopératives, dont les associés sont les clients ou les sociétaires.

Quelles sont les limites de ce modèle ?

On peut objectivement constater que si elles développent des grands principes, toutes les coopératives, notamment dans le secteur bancaire, ne sont pas passées à côté du mirage de « l’économie casino ». Plusieurs banques coopératives ont été prises la main dans le pot de confiture, si je puis dire. Elles ont créé des filiales cotées en bourse et leurs pratiques ont donc de fait été agrégées à celles des autres banques. La BPCE a ainsi créé Natixis, le Crédit agricole le Crédit agricole SA. Ces filiales ont pris des risques financiers considérables, car elles ne se sont pas fondamentalement distinguées de leurs concurrents du secteur bancaire privé classique.

Le monde coopératif n’est donc pas, par définition, plus vertueux que les autres. Un certain nombre de banques coopératives se sont affranchies du modèle coopératif pour gagner des parts de marché, dans une logique de développement. Elles ont alors fait des choix qui les ont exposées à des risques considérables.

Dans le monde coopératif agricole, on distingue deux modèles : les coopératives de comté en Franche-Comté, chères à Martial Bourquin, et un certain nombre de grandes coopératives agricoles ayant beaucoup servi le modèle productiviste et l’agriculture intensive. Ces deux types de coopératives ne défendent pas le même modèle de développement. On pourrait dans ce secteur également formuler quelques critiques et essayer de réorienter une partie de ces coopératives vers les grands principes qui étaient les leurs au départ.

L’objectif du Gouvernement, c’est un renouveau du modèle coopératif. Disons, d’abord, qu’une coopérative n’est pas de la magie. Elle ne transforme pas une entreprise en difficulté, dont le carnet de commandes est vide, en une entreprise qui, du jour au lendemain, parce que les salariés se sont substitués au chef d’entreprise, gagnerait de l’argent.

Nous devons collectivement tordre le coup à l’idée selon laquelle toute entreprise en difficulté, dès lors qu’elle est reprise par les salariés, se met soudainement à découvrir de nouveaux marchés, à être innovante et performante, alors qu’elle ne l’était pas avant.

Parfois, la reprise d’une entreprise sous forme de SCOP permet cela. Nous connaissons de très beaux exemples. Ainsi, dans la Drôme, la CERALEP – Didier Guillaume aurait pu nous en parler – est une coopérative qui fabrique des isolateurs en porcelaine. Alors que cette entreprise fondée en 1921 était prospère, elle a été rachetée par un fonds de pension américain en 2000 et a été conduite au dépôt de bilan en 2003. Les salariés l’ont reprise, elle fait aujourd'hui de nouveau des bénéfices et gagne des marchés.

Dans d’autres cas, le modèle coopératif, en tout cas le modèle de SCOP, n’est pas forcément la réponse la plus adéquate. À cet égard, le cas de la société Fralib est révélateur.

À la demande des salariés, le Gouvernement étudie, notamment avec l’Union régionale des SCOP, les conditions dans lesquelles les salariés pourraient être les repreneurs de leur entreprise. Une réunion a eu lieu lundi 1er octobre entre Arnaud Montebourg, les représentants syndicaux de Fralib et la direction d’Unilever : il est très clair que la viabilité de l’entreprise dépend très largement des conditions dans lesquelles Unilever acceptera d’être le client de la société et la marque Éléphant sera transmise aux salariés.

SCOP ou non, si ces conditions ne sont pas réunies, cela fragilise la reprise de l’entreprise et sa viabilité. L’enjeu est considérable. Le Gouvernement, Arnaud Montebourg en tête, a beaucoup agi pour donner des garanties aux salariés et permettre la revitalisation du site et pour investir à cet effet.

Mon ministère, en liaison avec celui d’Arnaud Montebourg, est intervenu pour assurer l’expertise du modèle de SCOP. Nous sommes arrivés à la conclusion que ce qui permettrait de débloquer la situation ce n’est pas le passage en SCOP, mais le fait de disposer de la marque et des moyens d’Unilever, qui constituent la clef permettant de déverrouiller la situation.

Voilà où nous en sommes, puisque vous m’avez interrogé sur ce point, madame Pasquet. Je vous informe qu’une table ronde aura lieu à la préfecture de Marseille le 3 octobre prochain. Elle devrait, je l’espère, permettre de clore ce dossier. J’espère, tout comme vous, qu’une sortie positive sera trouvée pour les salariés, pour l’activité et pour la région de Marseille, en l’occurrence la région PACA.

Notre objectif en matière de renouveau des coopératives sera d’abord de développer les structures existantes. Dans un second temps, il sera d’étendre les principes coopératifs à de nouveaux acteurs, notamment aux coopératives d’habitants, madame Demontès.

Concernant le développement des structures existantes, en lien avec l’administration, la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, la DGCIS, qui est représentée aujourd’hui à mes côtés au banc du Gouvernement et qui travaille avec le ministère du redressement productif, nous réfléchissons aux conditions de la mise en œuvre de l’engagement du Président de la République de créer un droit de préférence pour le rachat d’entreprises par les salariés sous forme de SCOP.

Le droit de préférence aurait pour but d’obliger le cédant à faire une proposition aux salariés par la voie des institutions représentatives du personnel et à leur donner les conditions de temps et de réflexions nécessaires à la formulation d’une offre de reprise. Il ne suffit pas en effet de disposer d’un droit de préférence, encore faut-il que les salariés aient le temps d’élaborer un dossier et les moyens de le faire. Il faut qu’ils disposent de l’accompagnement et de l’ingénierie nécessaires. On ne s’improvise pas du jour au lendemain repreneur d’une entreprise dans laquelle on a travaillé toute sa vie. Devenir, même collectivement, chef de l’entreprise ne s’improvise pas. Il faut du temps. Il faut pouvoir construire les conditions de cette reprise.

Le projet de loi distinguera le cas des cessions d’entreprises en bonne santé et celui des entreprises en difficulté, reprises à la barre du tribunal de commerce. Ce n’est pas la même chose de reprendre une entreprise en difficulté et une entreprise saine.

Comme l’un d’entre vous l’a rappelé tout à l’heure, on estime aujourd'hui qu’entre 50 000 et 200 000 emplois disparaissent faute de reprises d’entreprises saines, simplement parce que le patron de la PME prend sa retraite. Il considère qu’il a bien travaillé et qu’il est temps pour lui de se reposer, mais il n’a pas préparé sa succession. Il s’agit d’entreprises qui gagnent de l’argent, pas suffisamment pour qu’un fonds spéculatif se jette sur elles, mais assez pour faire vivre entre dix et quarante salariés. Faute de repreneurs, ces entreprises disparaissent. Nous voulons favoriser la reprise par les salariés de ces entreprises saines, grâce au droit de préférence pour le rachat d’entreprises par les salariés sous forme de SCOP. Telle sera la réponse du Gouvernement à ce problème.

Par ailleurs, toujours afin d’encourager la reprise par les salariés de leur entreprise sous forme de SCOP, nous prévoyons de créer une dérogation temporaire quant à la possession majoritaire du capital par les salariés. Cette disposition vise à faciliter l’entrée d’investisseurs tiers au capital de la SCOP. Les salariés conserveront 65 % des droits de vote sans pour autant être majoritaires au capital, pour une durée qu’il nous reste à définir ensemble.

Pour les salariés, détenir la majorité du capital représente un véritable défi, qu’il leur est parfois impossible de relever. Nous voulons donc, pour les aider, leur permettre de détenir la majorité des droits de vote sans pour autant être majoritaires au capital, par l’entremise d’une dérogation nécessairement temporaire, de façon à ne pas remettre en cause le principe et la philosophie mêmes des SCOP. Durant le court laps de temps dans lequel la dérogation prendra place, les excédents, venant alimenter le capital, permettront aux sociétaires de détenir la majorité des droits de vote comme du capital. Ce sera une des propositions importantes contenues dans le projet de loi que nous vous soumettrons au printemps prochain.

Par ailleurs, nous allons mener un audit des pratiques de cessions d’entreprises dans le cadre de la justice commerciale. La Chancellerie s’y livrera, de manière à rendre les procédures plus efficaces et à mieux connaître les conditions de cessions des entreprises, une fois celles-ci passées par le tribunal de commerce. Il permettra également d’améliorer l’information des salariés, et portera sur les outils d’analyse financière et économique, le montage du financement et l’élaboration du business plan nécessaire à la reprise.

J’ajoute que, naturellement, la Banque publique d’investissement leur sera en partie – en partie seulement ! – dédiée.

Nous réfléchirons également aux dispositifs fiscaux applicables aux SCOP. Nous avons ainsi veiller à ce que, au sein de la loi de finances rectificative pour 2012, la hausse du forfait social pour l’intéressement et la participation ne concerne pas les coopératives, et notamment les SCOP. De même, le régime fiscal lié à la provision pour investissement, propre aux SCOP, a été préservé. Les taux sont en effet restés les mêmes, à 8 %, là où le forfait social pour la participation est passé à 20 % pour l’ensemble de l’économie dite « classique ». La volonté de ce gouvernement, actée par la loi de finances rectificative, est donc bien de favoriser le modèle coopératif, et notamment celui des SCOP.

Telles sont donc les informations que je tenais à vous livrer à propos des SCOP. Je vois que j’ai largement dépassé le temps qui m’était imparti !

Je tiens néanmoins à insister sur le fait que nous allons développer les coopératives d’activité et d’emploi, les CAE. Nous devrons notamment répondre au problème d’insécurité juridique qui les frappe.

En effet, vous n’êtes pas sans savoir que le salarié d’une CAE est économiquement et professionnellement autonome. Il est son propre employeur, puisqu’il crée son propre emploi. Cela occasionne des situations d’insécurité juridique puisque, par conséquent, le lien de subordination n’est pas vérifié, l’obligation pour l’employeur de fournir du travail au salarié n’est pas satisfaite dans la mesure où le porteur de projet crée lui-même sa propre activité, la rémunération du salarié est fonction non pas du temps travaillé mais du chiffre d’affaires qu’il dégage, et les charges sociales patronales pèsent sur le salarié au titre de son activité.

Il s’ensuit un risque permanent de requalification de ces contrats et de condamnation pour fraudes fiscale et sociale, face auquel nous ont alerté les CAE. Il convient d’y mettre fin. C’est ce que nous allons essayer de faire dans le cadre du prochain projet de loi. Nous allons également tenter de mieux adapter les dispositifs existants – l’aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise, l’ACCRE, le nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise, le NACRE – pour qu’ils correspondent mieux à la réalité des CAE, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Un travail important reste donc à faire sur l’environnement juridique et sur les conditions dans lesquelles les CAE peuvent bénéficier des dispositifs d’aide à la reprise d’entreprise ou à la création d’activités pour les chômeurs, qui ne sont pas très adaptés à leur statut spécifique.

Je terminerai mon intervention en vous disant que nous voulons élargir le principe coopératif à de nouveaux secteurs d’activité. C’est le cas d’un domaine dans lequel le Sénat a été particulièrement en pointe : les coopératives d’habitants.

En la matière, le Sénat a un temps d’avance sur l’Assemblée nationale comme sur beaucoup d’autres acteurs. Dans un texte d’origine sénatoriale, la Haute Assemblée a en effet déjà formulé quelques propositions en ce sens.

Nous considérons que les coopératives d’habitants présentent une multitude d’atouts. Elles permettent, tout d’abord, la sortie du logement du marché spéculatif. La valeur des parts sociales du logement étant définie à l’avance, les logements sortent du marché spéculatif et les prix restent encadrés.

La coopérative permet, de surcroît, d’accéder à un logement d’autant plus adapté aux besoins du locataire que ce dernier a participé à sa conception.

La coopérative d’habitants autorise, en outre, la mise en commun d’espaces et de services – salle polyvalente, salle commune, buanderie – pour favoriser l’entraide, la vie sociale et les solidarités de voisinage, ce qui apporte une vraie réponse à l’individualisme et à l’isolement.

L’implication des coopérateurs, les efforts de mutualisation des moyens et des espaces permettent d’éviter les intermédiaires et d’offrir, ainsi, des loyers inférieurs aux prix du marché.

Enfin, la construction ou la rénovation de ce type d’habitat prend souvent en compte les besoins des habitants, couplés avec le respect de critères écologiques. Le choix des matériaux, la conception du bâtiment sont beaucoup plus conformes à nos souhaits visant à développer un habitat respectueux des exigences du développement durable, économe en énergie et fonctionnant grâce aux énergies renouvelables.

Tous ces avantages nous poussent à vouloir créer un statut de coopérative d’habitants, qui intégrera largement les propositions et travaux du Sénat.

Voilà ce que, à gros traits, je tenais à vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les propositions qui pourront figurer dans le prochain projet de loi sur l’économie sociale et solidaire, et notamment sur le renouveau du monde coopératif.

Ce projet de loi sera important, car il marquera la reconnaissance du secteur de l’économie sociale et solidaire, dont vous avez tous dit qu’il pesait autour de 10 % du PIB français, et embauchait 2, 3 millions de salariés.

C’est un grand rendez-vous, que les acteurs de l’économie sociale et solidaire attendent impatiemment.

Surtout, nous avons, à travers ce texte, la possibilité de construire une vraie stratégie de croissance. En effet, la croissance, ce n’est pas simplement la restauration de la compétitivité de l’économie française grâce aux capacités d’innovation de ses entreprises ou au coût du travail, questions discutées, à l’heure actuelle, dans le cadre de la conférence sociale. La stratégie de croissance de la France repose également sur la consolidation et la valorisation d’un modèle économique qui a été, je vous le rappelle, plus robuste que tous les autres en période de crise. Ce constat donne, me semble-t-il, ses lettres de noblesse à l’économie sociale et solidaire. Il nous revient donc de la valoriser et de faire en sorte qu’elle contribue, demain, à la création d’activités, d’emplois, et au service de l’intérêt général, ce qui constitue sa principale valeur ajoutée.

Je vous donne donc rendez-vous au printemps prochain, lors de l’examen de ce projet de loi.

J’imagine, cependant, que nous aurons l’occasion de nous revoir d’ici là, notamment sur les sujets liés à la consommation, autre compartiment de mon portefeuille dans lequel le Sénat est en pointe.

En tout état de cause, je vous donne rendez-vous pour construire, au printemps prochain, une vraie politique publique de l’économie sociale et solidaire. Je peux vous assurer que, d’ores et déjà, les travaux du Sénat irriguent et structurent ce que sera le projet de loi dont vous serez alors saisis. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Nous en avons terminé avec le débat sur l’économie sociale et solidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Au cours de sa réunion de ce jour, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a demandé que le projet de loi autorisant la ratification de la convention du travail maritime de l’Organisation internationale du travail soit examiné selon la procédure simplifiée, le mardi 9 octobre prochain.

Le délai pour revenir, le cas échéant, à la procédure normale pourrait être fixé au vendredi 5 octobre, à dix-sept heures.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Charles Guené.