Déposé le 23 novembre 2017 par : MM. Raison, Milon, Daubresse, Huré, Mme Bories, MM. Bonne, Bizet, Lefèvre, Perrin, Gremillet, Rapin, Daniel Laurent, Paul, Mmes Imbert, Gruny, M. Brisson, Mme Deromedi, MM. Bouchet, Morisset, Mme Micouleau, MM. Paccaud, Bernard Fournier, Pointereau, Revet, Mme Garriaud-Maylam, MM. Danesi, Genest, Darnaud, Pierre.
Après l’article 10
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 209 B du code général des impôts, il est inséré un article 209 B… ainsi rédigé :
« Art. 209 B… – I. – 1.Une personne morale établie en France et redevable de l’impôt sur les sociétés, qui exploite des magasins de commerce de détail ou des établissements de vente établis en France, et qui détient directement ou indirectement des actions, parts, droits financiers ou droits de vote dans une entité juridique établie ou constituée hors de France (personne morale, organisme, fiducie ou institution comparable, une entreprise succursale ou établissement stable), est considérée comme ayant indirectement transféré des bénéfices ou revenus positifs à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d’achat ou de vente avec ces entreprises ou entités établies à l’étranger, soit lorsque les entreprises ou entités établies à l’étranger perçoivent des commissions non justifiées ou des redevances excessives ou sans contrepartie par un fournisseur établi en France ou par une entreprise ou entité liée établie ou constituée hors de France, lorsque ces prix, commissions ou redevances sont afférents à des produits commercialisés sur le territoire français.
« Les bénéfices ou revenus indirectement transférés, issus de ces prix, commissions ou redevances, doivent être réintégrés dans le bénéfice imposable de la personne morale française.
« Lorsqu’ils sont réalisés par une entité juridique, ils sont réputés constituer un revenu de capitaux mobiliers imposable de la personne morale établie en France dans la proportion des actions, parts ou droits financiers qu’elle détient directement ou indirectement.
« 2. Les actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus indirectement par la personne morale établie en France mentionnée au 1 s’entendent des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus par l’intermédiaire d’une chaîne d’actions, de parts, de droits financiers ou de droits de vote.
« La détention indirecte s’entend également des actions, parts, droits financiers ou droits de vote détenus directement ou indirectement :
« a. Par les salariés ou les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale établie en France mentionnée au 1 ;
« b. Par une personne physique, son conjoint, ou leurs ascendants ou descendants lorsque l’une au moins de ces personnes est directement ou indirectement actionnaire, porteuse de parts, titulaire de droits financiers ou de droits de vote dans cette personne morale ;
« c. Par une entreprise ou une entité juridique ayant en commun avec cette personne morale un actionnaire, un porteur de parts ou un titulaire de droits financiers ou de droits de vote qui dispose directement ou indirectement du nombre le plus élevé de droits de vote dans cette entreprise ou entité juridique et dans cette personne morale ;
« d. Par un partenaire commercial de la personne morale dès lors que les relations entre cette personne morale et ce partenaire sont telles qu’il existe entre eux un lien de dépendance économique.
« 3. Les dispositions du présent article sont également applicables aux personnes morales définies au 1 qui sont parties à un ou des accords d’achats groupés tels que définis à l’article L. 462-10 du code de commerce avec des entreprises ou entité juridiques établies à l’étranger.
« 4. La personne morale mentionnée au 1, qui exploite des magasins de commerce de détail ou établissements de vente établis en France, est redevable de l’impôt sur les sociétés sans qu’il soit nécessaire d’établir l’existence de liens entre elle et l’entreprise ou l’entité juridique établie à l’étranger au sens des 1 et 2 du I du présent article, s’il s’agit d’une entreprise ou entité située dans un pays à fiscalité privilégiée au sens de l’article 238 A du présent code ou un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A.
« 5. Le bénéfice ou les revenus positifs de l’entreprise ou entité juridique mentionné au 1 sont réputés acquis le premier jour du mois qui suit la clôture de l’exercice de l’entreprise ou de l’entité juridique établie ou constituée hors de France. Ils sont déterminés selon les règles fixées par le présent code à l’exception des dispositions prévues à l’article 223 A et à l’article 223 A bis.
« 6. L’impôt acquitté localement par l’entreprise ou l’entité juridique, établie hors de France, est imputable sur l’impôt établi en France, à condition d’être comparable à l’impôt sur les sociétés.
« 7. Lorsque les produits ou revenus de l’entreprise ou de l’entité juridique comprennent des dividendes, intérêts ou redevances qui proviennent d’un État ou territoire autre que celui dans lequel l’entreprise ou l’entité juridique est établie ou constituée, les retenues à la source auxquelles ont donné lieu ces dividendes, intérêts ou redevances sont imputables sur l’impôt sur les sociétés dû par la personne morale établie en France. Cette imputation est toutefois subordonnée à la condition que l’État ou le territoire d’où proviennent ces dividendes, intérêts ou redevances soit la France ou un État ou territoire qui est lié à la France par une convention d’élimination des doubles impositions en matière d’impôt sur les revenus et qui n’est pas non coopératif au sens de l’article 238-0 A, auquel cas l’imputation se fait au taux fixé dans la convention.
« II. – Le I n’est pas applicable si l’entreprise ou l’entité juridique est établie ou constituée dans un État de la Communauté européenne, et si l’exploitation de l’entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote de l’entité juridique par la personne morale passible de l’impôt sur les sociétés ne peut être regardée comme constitutive d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française.
« III. – En dehors des cas mentionnés au II, le I ne s’applique pas lorsque la personne morale établie en France démontre que les opérations de l’entreprise ou de l’entité juridique établie ou constituée hors de France ont principalement un objet et un effet autre que de permettre la localisation de bénéfices dans un État ou territoire où elle est soumise à un régime fiscal privilégié.
« Cette condition est réputée remplie notamment lorsque l’entreprise ou l’entité juridique établie ou constituée hors de France a principalement une activité industrielle ou commerciale effective exercée sur le territoire de l’État de son établissement ou de son siège.
« IV. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article et notamment les modalités permettant d’éviter la double imposition des bénéfices ou revenus effectivement répartis ainsi que les obligations déclaratives de la personne morale. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1erjanvier 2018.
Cet amendement a été déposé à plusieurs reprises - tant à l'Assemblée Nationale qu'au Sénat - lors des discussions des précédents projets de loi de finances. Il est par ailleurs défendu par des groupes de sensibilité politique différente. Les réponses ministérielles apportées jusqu'à aujourd'hui sont identiques, expliquant que les dispositions législatives existantes couvraient le champ de l'amendement, ce que les signataires réfutent et tiennent une nouvelle fois à démontrer.
Les distributeurs exigent des contributions à leurs centrales européennes dont les sommes sont croissantes.
Ces contributions prennent le plus souvent la forme de rémunérations de prestations de services excédant la valeur réelle de celles-ci, voire relatives à des prestations fictives. Il en est de même des redevances.
Ces centrales sont établies dans des pays à fiscalité réduite (Belgique, Luxembourg, Suisse), de sorte qu’une partie significative d’assiette fiscale se trouve délocalisée au détriment des finances publiques, sans que cette délocalisation soit justifiée par une activité effective dans ces pays.
Le présent amendement vise notamment à réintégrer le montant de ces prestations ou redevances dans les bénéfices ou revenus imposables des distributeurs dès lors que les produits livrés par les industriels, et au titre desquels sont rémunérées ces prestations, ou sur la base desquelles sont déterminées les redevances, sont mis sur le marché dans une surface de vente implantée en France.
Aussi, et contrairement à ce qui a pu être avancé à l'occasion de l’examen de cet amendement sur le projet de loi de finances pour 2017, le présent amendement se distingue à plusieurs égards des dispositions existantes.
Il est distinct de l’article 209 B du CGI car les liens juridiques entre les sociétés françaises et étrangères visées par le projet d’article 209 B-0 sont à la fois plus précis et plus larges que ceux visés par l’article 209 B. Aucun seuil de détention minimal n’est fixé s’agissant des relations capitalistiques. Le projet d’article 209 B-0 vise, plus précisément, les sociétés françaises exploitant des magasins ou établissements de vente en France, liées à des centrales à l’étranger.
Il vise en outre les sociétés françaises qui soit sont parties à un ou des accords d’achats groupés (article L. 462-10 du Code de commerce) avec des entreprises ou entités juridiques établies à l’étranger.
Enfin, aucune limitation aux entités établies dans un pays à régime fiscal privilégié n’est prévue.
De plus, le présent amendement vise des revenus spécifiques. Alors que l’article 209 B du CGI vise de façon large les résultats bénéficiaires (bénéfices ou revenus positifs) de l’entreprise ou entité étrangère, l’amendement proposé a plus précisément pour but d’appréhender les redevances ou commissions, excessives ou sans contrepartie, perçues par l’entité étrangère d’un fournisseur français/en lien avec des produits commercialisés en France.
Le présent amendement se distingue également de l’article 57 du CGI. L’article 57 du CGI vise les entreprises étrangères qui sont sous la dépendance de droit ou de fait d’une société française, alors que l’amendement vise de façon générale les sociétés françaises qui détiennent des entreprises ou entités juridiques à l’étranger - sans seuil de détention minimal.
L’amendement vise également plus spécifiquement les sociétés françaises qui exploitent des magasins de commerce au détail ou établissements de vente en France, mais également celles qui sont parties à un ou des accords d’achats groupés (alors que l’article 57 vise en principe les relations capitalistiques).
L’article 57 du CGI vise les prix de transfert entre la société française et l’entreprise étrangère liée, alors que l’amendement vise plus précisément à appréhender les « revenus » (redevances/commissions) perçus par l’entité étrangère d’un fournisseur français, en lien avec des produits commercialisés en France. Ainsi, l’amendement vise, comme sources de revenus, les flux financiers dans le cadre des relations commerciales entre une entité étrangère, les centrales internationales des distributeurs, et le fournisseur. L’article 57 ne permet ni de viser spécifiquement la relation fournisseur/entité étrangère, ni les relations commerciales et non capitalistiques.
L’amendement permet également de pallier aux difficultés de mise en oeuvre de l’article 57 du CGI par l’administration fiscale, sur qui repose la charge de la preuve. Dans de nombreux exemples
jurisprudentiels récents, les redressements de l’administration en matière de prix de transfert ont été annulés pour insuffisance de preuve (comparables pertinents, majoration des prix,
etc.). L’amendement instaure une présomption dans les cas de disproportion ou de fictivité identifiés.
L’amendement permet également de pallier aux difficultés de preuve des dispositions en matière d’abus de droit fiscal, et aux difficultés de mise en oeuvre du concept d’établissement stable qui permettrait à la France d’imposer les revenus délocalisés à l’étranger, difficultés liées aux définitions restrictives de cette notion par les conventions bilatérales.
Conformément à la jurisprudence communautaire (« Cadbury Schweppes »), les dispositions de l’article 209 B-0 ne s’appliqueront pas lorsque la réalité de l’implantation et l’exercice effectif d’une activité seront établis.
Les éventuelles situations de double imposition peuvent être éliminées, comme en matière de prix de transfert, dans le cadre de la procédure amiable et/ou d’arbitrage prévue par la convention fiscale bilatérale applicable, et/ou la convention européenne d’arbitrage.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
Irrecevabilité LOLF
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