Déposé le 1er octobre 2018 par : MM. Sueur, Jacques Bigot, Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Durain, Leconte, Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Jasmin, M. Jeansannetas, les membres du groupe socialiste, républicain.
Après l'article 45
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre II du livre III du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 622 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle peut aussi être demandée au bénéfice de toute personne reconnue coupable d’un crime ou d’un délit lorsque sa culpabilité résulte d’aveux obtenus par l’usage de la torture. » ;
2° Au premier alinéa de l’article 624-2, après le mot : « application », sont insérés les mots : « du premier alinéa ».
Cet amendement vise à élargir les possibilités de saisir la cour de révision et de réexamen de demandes en révision d’une condamnation pénale, au bénéfice de toute personne dont la culpabilité́ résulte d’aveux obtenus par l’usage de la torture.
Issu d’une proposition de loi déposée par le premier signataire de cet amendement au Sénat et Jean-Paul Chanteguet à l’Assemblée nationale en 2016, ce dispositif fait suite au rejet de la sixième requête en révision du procès Mis et Thiennot. Raymond Mis et Gabriel Thiennot avaient été condamnés il y a plus de 60 ans pour meurtre. Les deux hommes, aujourd’hui décédés, avaient été condamnés à quinze ans de prison pour le meurtre du garde-chasse Louis Boistard, retrouvé mort le 31 décembre 1946 dans un étang de Saint-Michel-en-Brenne (Indre). Arrêtés avec un groupe de chasseurs début 1947, ils étaient passés aux aveux avant de se rétracter. Ils n’ont ensuite jamais cessé de clamer leur innocence, affirmant avoir subi de graves sévices durant leur garde à vue de huit jours et avoir été obligés de signer des aveux sous la torture. Les doutes sur une possible erreur judiciaire ont été tels qu’en juillet 1954, René Coty leur a accordé sa grâce. MM. Mis et Thiennot ont été libérés à la moitié de leur peine.
En inscrivant dans la loi ce nouveau cas de révision d’une condamnation pénale, les auteurs de l’amendement estiment que la France se conformera aux engagements internationaux qu’elle a signés et ratifiés et notamment à la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York en 1984. Elle se conformera également à l’article 4 du protocole n° 7 de la Convention européenne des droits de l’Homme stipule que :
« 1. Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même État en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet État.
2. Les dispositions du paragraphe précédent n’empêchent pas la réouverture du procès, conformément à la loi et à la procédure pénale de l’État concerné, si des faits nouveaux ou nouvellement révélés ou un vice fondamental dans la procédure précédente sont de nature à affecter le jugement intervenu».
Cet amendement fait également écho à la mission d’information sur l’évaluation de la loi n°2014-640 du 20 juin 2014 relative à la réforme des procédures de révision et de réexamen d’une condamnation pénale définitive, mise en place par la commission des lois de l’Assemblée nationale en 2016. Les rapporteurs de cette mission d’information ont notamment considéré qu’il est nécessaire de permettre la révision d’une condamnation en cas d’existence d’un vice de procédure fondamental, évoquant l’affaire « Mis et Thiennot ».
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