Déposé le 4 décembre 2019 par : M. Kennel, Mme Estrosi Sassone, MM. Reichardt, Savary, Bouchet, Charon, Danesi, Mouiller, Bonhomme, Bazin, Bonne, Mmes Lassarade, Gruny, Berthet, MM. Sol, Paccaud, Piednoir, Mmes Bruguière, Chain-Larché, Thomas, Lopez, M. Cuypers, Mmes Sittler, Lanfranchi Dorgal, MM. Bernard Fournier, Regnard, Pierre, Dufaut, Longuet, Laménie.
Supprimer cet article.
Il est proposé d'abroger l'article 61 du projet de loi de finances 2020 en raison de l'absence d'études d'impact abouties et indépendantes préalablement aux transferts de fiscalité projetés.
Compte tenu des recettes générées par ces droits indirects (dont les droits d’accises), représentant 36 milliards d’euros, il est indispensable de connaître au préalable les impacts budgétaires des transferts envisagés, afin d’en mesurer tous les effets et de poursuivre la rationalisation de leur gestion comme le haut niveau de leur contrôle.
Il convient notamment de mesurer les impacts de ces mesures sur les secteurs économiques concernés.
Ceux-ci bénéficient aujourd’hui d’un accompagnement élevé et personnalisé de la part du réseau douanier : pôles d’action économique dans les régions et bassins de production, interlocuteurs douaniers bien identifiés pour les procédures douanières d’importation, exportation, et pour les procédures de fiscalités indirectes (mouvements suspensifs, déclarations d’accompagnement électroniques, etc).
Certains de ces droits indirects sont désormais largement centralisés : par exemple, la TGAP (Taxe Générale sur les Activités Polluantes) fait l’objet d’une seule déclaration auprès d’un seul service centralisé pour l’ensemble des sites concernés d’un même industriel ; celui-ci dispose d’un référent unique pour son suivi déclaratif. Les transferts de fiscalité envisagés pourraient ainsi avoir pour effet d'augmenter sensiblement les coûts pour ces entreprises : dispersion et multiplication des déclarations, multiplication des points de contacts par site.
Pour les secteurs économiques exposés à une concurrence internationale dynamique, le fait que la gestion et le contrôle de ces fiscalités indirectes soit réalisés par l’administration qui dispose de la vision la plus fine des réalités du commerce international fait sens. Elle permet tout particulièrement de conforter des secteurs exportateurs et de lutter efficacement contre la contrefaçon ou les falsifications, préjudiciables à l’excellence française qu’ils véhiculent.
Dans le domaine énergétique, le projet envisage le transfert de la gestion et du contrôle de taxes assises sur une partie des énergies, sans réflexion d’ensemble sur la gestion des fiscalités énergétiques et leur contrôle. Il nie une gestion fiscale largement rationalisée et un réseau douanier présent au plus près des opérateurs. Le projet n’évoque aucun transfert ou accompagnement de l’expertise entre administrations, faisant fi de l’expertise réelle et de proximité aujourd’hui offerte par les services douaniers français.
Par ailleurs, la perception des taxes concernées est particulièrement sensible à la fraude, car il s'agit de marchandises et de moyens de transports en mouvement.
Les différentiels de taxation entre États génèrent des formes nouvelles de criminalité organisée, que seuls des douaniers sont aujourd’hui en mesure de contrôler, par l’interprétation de documents d’accompagnement des marchandises soumises à accises dans le flux de circulation (et non pas seulement par contrôles documentaires a posteriori), et par les liens tissés avec les autres services douaniers dans le monde au titre de l’assistance administrative mutuelle internationale.
S’agissant de la TGAP, n’y a-t-il pas du sens à conforter la douane dans ce domaine, lorsqu’elle traque dans le même temps les exportations ou importations de déchets illicites ou dangereux ? Quel intérêt pour un même produit de dédoubler les interlocuteurs selon qu’il s’agit d’une importation et de droits de douane, ou d’une circulation intracommunautaire et de droits d’accises ? Quels coûts de gestion pour les entreprises ?
Les services douaniers luttent efficacement contre ces formes nouvelles de fraude internationale, dont l’histoire récente a démontré qu’elles pouvaient servir les revenus non seulement d’organisations mafieuses, mais de surcroît favoriser l’enrichissement du terrorisme international. Seule l'administration des douanes dispose des pouvoirs, des moyens d'intervention et de l’expertise pour lutter efficacement contre ces types de fraude.
Ces fiscalités portant sur des droits de consommation, sur des produits, des quantités, des spécifications physico-chimiques nécessitent aussi une expertise technique élevée. La douane apparaît là aussi en capacité d’offrir des gages de professionnalisme, grâce à son service de laboratoires, dont elle assure l’animation conjointement avec la répression des fraudes, dans le cadre d’analyses déterminantes pour classer un produit et partant, en déterminer dans le même temps la position de nomenclature douanière et la fiscalité indirecte subséquente.
De même, quelle est la logique du transfert de la fiscalité des tabacs vers la DGFiP, alors que dans le même temps c’est la douane qui assure le rôle de gestionnaire du réseau des débitants de tabacs et qui vient de porter avec succès le projet de traçabilité des tabacs ? C’est aussi son métier que de lutter contre la contrebande de tabacs, dans les territoires et aux frontières, pour lutter toujours plus efficacement contre les importations frauduleuses de ces produits.
Enfin, le gouvernement envisage de procéder par voie d'ordonnance pour mettre en œuvre cet article, ce qui revient à déposséder les parlementaires du pouvoir législatif dans le domaine éminemment régalien de la fiscalité, et des modalités de collecte des impositions de toute nature.
Pour tous ces motifs, il paraît nécessaire, avant d’entamer un programme ambitieux de reconfiguration fiscale, de permettre à la représentation nationale de disposer d’une vision la plus complète des effets positifs ou négatifs qu’il pourrait générer.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
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