Déposé le 21 avril 2020 par : MM. Raynal, Féraud, Kanner, Éblé, Botrel, Carcenac, Mme Espagnac, MM. Patrice Joly, Lalande, Lurel, Mmes Taillé-Polian, Rossignol, MM. Bérit-Débat, Joël Bigot, Martial Bourquin, Courteau, Daunis, Mmes Grelet-Certenais, Gisèle Jourda, M. Kerrouche, Mmes Préville, Monier, MM. Temal, Todeschini, les membres du groupe socialiste, républicain.
Après l’article 17
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Art. L. 312-1-3. – I. – Les commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d’un compte bancaire et les facturations de frais et de services bancaires sont plafonnées, par mois et par opération, pour les personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels. Parmi ces personnes, celles qui souscrivent l’offre mentionnée au II du présent article ainsi que celles qui bénéficient du compte assorti des services bancaires de base ouvert en application de la procédure mentionnée au III de l’article L. 312-1 se voient appliquer des plafonds spécifiques, d’un montant inférieur au tiers du plafond mentionné au présent I.
« II. – Les établissements de crédit proposent aux personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels qui se trouvent en situation de fragilité, eu égard notamment au montant de leurs ressources, une offre spécifique qui comprend des moyens de paiement, dont au moins deux chèques de banque par mois, et des services appropriés à leur situation et de nature à limiter les frais supportés en cas d’incident.
« III. – La Banque de France, le président du conseil départemental, le président du centre communal d’action sociale ou le président du centre intercommunal d’action sociale peuvent, pour les personnes résidant sur le territoire de leur compétence, enjoindre sous huitaine un établissement bancaire à proposer cette offre spécifique à un de leurs clients et ainsi à appliquer le plafond spécifique mentionné au I.
« IV. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
« V. – Les personnes relevant du régime de l’activité partielle tel que défini par l’ordonnance n° 2020-386 du 1eravril 2020 adaptant les conditions d’exercice des missions des services de santé au travail à l’urgence sanitaire et modifiant le régime des demandes préalables d’autorisation d’activité partielle sont de fait considérées comme en situation de fragilité bancaire durant une période ne pouvant être inférieure à trois années, et ne peuvent se voir facturer des commissions à raison du traitement d’irrégularités durant la période allant du 1ermars 2020 au 1erseptembre 2020.
« VI. –Les personnes physiques bénéficiaires du fonds de soutien défini par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation sont de fait considérées comme en situation de fragilité bancaire durant une période ne pouvant être inférieure à trois années, et ne peuvent se voir facturer des commissions à raison du traitement d’irrégularités durant la période allant du 1ermars 2020 au 1erseptembre 2020. »
II. – La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales du présent article est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
Le groupe socialiste et républicain du Sénat déposait il y a peu une proposition de loi relative aux frais bancaires dont l’acuité apparait sans conteste encore renforcée par la crise économique découlant de la pandémie de Covid-19 que connait actuellement la planète.
Dans ce contexte, il y a lieu de préserver par tous les moyens disponibles le pouvoir d’achat de nos concitoyens, et notamment des plus fragiles et de celles et ceux qui connaissent des pertes de revenus conséquentes.
La problématique des frais bancaires doit être traitée par les pouvoirs publics dans ce contexte. En effet, en 2018, les frais bancaires payés par les Françaises et les Français aux établissements bancaires s’élevaient à 6, 5 milliards d’euros. Ces montants ont été prélevés par les banques directement sur les comptes de celles et de ceux qui ont du mal à terminer leurs fins de mois, et pour lesquels d’ailleurs la fin du mois commence de plus en plus tôt.
L’association 60 millions de consommateurs considérait en 2018 que ces frais liés aux incidents de paiement coûtaient chaque année, en moyenne, 34 € à chaque Français. Pour les Françaises et les Français qui rencontrent des difficultés financières persistantes, la facture est presque multipliée par dix et avoisine les 300 €.
Toujours selon cette étude, un foyer en difficulté financière sur cinq était prélevé à hauteur de 500 € par an. Une telle somme doit être mise en comparaison avec le montant perçu par un bénéficiaire du RSA, ou encore avec le niveau du seuil de pauvreté.
De tels prélèvements hypothèquent très largement toute possibilité de sortie des difficultés que rencontrent les personnes concernées. Le groupe socialiste et républicain du Sénat estime que cette situation n’est pas acceptable sur un plan tant politique que moral. En France, en 2019, 3, 6 millions de personnes sont considérées comme étant en situation de fragilité bancaire, selon le l’Observatoire de l’inclusion bancaire. Ce sont ainsi autant de Français qui auraient dû bénéficier d’un plafonnement des frais bancaires.
D’après une étude d’octobre 2019, réalisée conjointement par l’association 60 millions de consommateurs et l’UNAF, 78 % des personnes en situation d’endettement n’ont bénéficié d’aucun plafonnement. De plus, 91 % des clients ayant moins de 1 800 € de revenus payaient plus de 40 € de frais pour incidents par mois.
Or, le Président de la République s’était engagé, le 11 décembre 2018, à plafonner les frais bancaires pour les plus fragiles de nos concitoyens. À ce jour, cette parole n’a pas été suivie d’effet. À l’heure où la pauvreté a augmenté dans notre pays, à hauteur de 0, 6 % en 2018 d’après l’Insee et que la crise actuelle n’incite pas à l’optimisme en la matière, le groupe socialiste et républicain du Sénat souhaite que la Haute Assemblée se saisisse de cette problématique. La présente proposition de loi s’inscrit donc dans cette démarche.
Nous souhaitons remédier à cette problématique. Nous voulons protéger nos concitoyens les plus fragiles en instaurant un plafonnement effectif et efficient des frais bancaires et de gestion.
Son article unique vise à modifier l’article L. 312-1-3 du code monétaire et financier. Plus précisément, il intègre dans les plafonnements définis par décret la problématique des frais bancaires, qui connaissent une croissance très soutenue ces dernières années et servent aux établissements bancaires de variables d’ajustement pour leurs marges.
Ainsi, les plafonnements s’appliqueraient à la fois aux sommes perçues par les banques pour les incidents de paiement et pour la gestion des comptes bancaires. Ces derniers étant clairement définis par voie décrétale [1], il n’y a pas lieu d’intégrer dans la loi une liste précise et exhaustive de ces frais bancaires.
En deuxième lieu, l’article établit que les plafonds applicables aux personnes en situation de fragilité bancaire sont inférieurs au tiers du plafond général.
De plus, dans la mesure où il est avéré que les établissements bancaires ne sont pas suffisamment coopératifs en matière de reconnaissance des personnes en situation de fragilité bancaire, l’article ouvre à la Banque de France, aux Présidents de conseil départemental, de centre communal d’action sociale ou de centre intercommunal d’action sociale la possibilité d’exiger d’un établissement bancaire, sous huitaine, l’application du statut de personne en situation de fragilité bancaire.
Enfin, les personnes frappées par le recours au chômage partiel d’une part et les personnes physiques ayant été contraintes de faire appel au fonds de soutien mis en place par le Gouvernement ne pourront être facturées par les établissements bancaires pour des incidents de paiement durant une période de six mois, et bénéficieront pendant au moins trois années du statut de personne en situation de fragilité bancaire, ce qui les aidera à reconstituer des réserves financières au sortir de cette crise.
[1] Décret n° 2014-373 du 27 mars 2014 relatif à la dénomination commune des principaux frais et services bancaires
Irrecevabilité LOLF
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