Déposé le 13 février 2023 par : Mmes Poncet Monge, Mélanie Vogel, MM. Benarroche, Breuiller, Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique, Gontard, Labbé, Parigi, Salmon.
Supprimer cet article.
Cet amendement vise à supprimer l’article 3 bis. Ce dernier a été créé à la suite de l’adoption d’amendements en commission sociale consistant à mettre en place une indemnisation du médecin à la charge du patient fautif en cas de rendez-vous médical non honoré.
D’une part, il est dommage que cette volonté de mettre en place une pénalité auprès de l’usager n’ayant pas décommandé, comme solution face à ce phénomène, ne tienne pas compte de l’amplification du phénomène suite au remplacement des prises de rendez-vous auprès d’un.e secrétaire au profit de plateformes numériques de prise de rendez-vous tel Doctolib qui se font quelquefois par la médiation ou l’aide d’une autre personne compte tenu de la mauvaise maîtrise des outils informatiques par une partie de la population.
Le remplacement des secrétariats par les plateformes numériques rend les cabinets médicaux quasi injoignables pour annuler ou déplacer des rendez-vous. Cette numérisation de la prise de rendez-vous ne peut que déresponsabiliser dans certains des cas par son apparence d’anonymat soit constituer un obstacle supplémentaire en cas de volonté d’annulation pour les milliers de personnes en difficultés avec cet outil.
Rappelons-le, selon une étude de l’INSEE datant de 2019[1], l’illectronisme concerne 17 % de la population. Les personnes les plus âgées, les moins diplômées, aux revenus modestes, celles vivant seules ou en couple sans enfant ou encore résidant dans les DOM sont les plus touchées.
Pénaliser, pour autant que cela soit possible, sans analyser le problème risque de proposer une solution qui n’aura qu’une faible efficacité.
Car, d’autre part, nous craignons que cette mesure précarise davantage des patients qui sont vulnérables socialement. Une étude écossaise datant de 2019 conclut que « les patients souffrant d’un plus grand nombre d’affections de longue durée présentaient un risque accru de manquer des rendez-vous en médecine générale, en particulier chez les patients souffrant de troubles mentaux, et ce, malgré le contrôle du nombre de rendez-vous pris ». Elle indique que les patients » qui manquaient plus de deux rendez-vous par an ont un risque de mortalité toutes causes confondues plus de huit fois supérieur à ceux qui ne manquaient aucun rendez-vous ».
Une étude indique que les patients en tiers-payant social manqueraient plus fréquemment leurs rendez-vous. La solution n’est pourtant pas de supprimer l’accès au tiers-payant social ou de lui appliquer une amende pour une population difficilement solvable ! Dans une thèse intitulée « Rendez-vous manqués en médecine générale par les patients précaires : quels sont les motifs ? » (datant de 2022)[2], le Docteur Francis Gatier démontre que les absences aux rendez-vous médicaux des patients précaires « surviennent dans le contexte d’un quotidien difficile où la santé n’est pas forcément une priorité » : quotidiens marqués par la précarité au travail, contraintes de temps et de rendez-vous multiples, difficultés de gestion. L’absence aux rendez-vous peut aussi être un marqueur de violences subies (notamment des violences conjugales).
Le docteur invite donc à considérer les absences, liées au niveau de précarité sociale, comme des signaux d’alerte.
Enfin, la mesure consistant à mettre en place une indemnisation du médecin à la charge du patient fautif en cas de rendez-vous médical non honoré semble, au niveau pratique, inapplicable.
Inapplicable, la proposition de taxer l’usager n’ayant pas annulé son rendez-vous sans pour autant comprendre les différentes facettes du phénomène, nous semble ne résoudre en rien le problème qu’il nous faut cependant traiter.
In fine, cet amendement de suppression de l’article 3 bis vise donc à penser la problématique des rendez-vous médicaux non honorés sous le prisme en partie de l’ubérisation de la santé via les plateformes en ligne, des difficultés d’accès au personnel médical, et des inégalités sociales de santé.
[1] Une personne sur six n’utilise pas Internet, plus d’un usager sur trois manque de compétences numériques de base – Insee Première – 1780
[2] 2022_GATIER_Francis (unistra.fr)
Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.