Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu une communication de Mme Michèle André, rapporteure spéciale, sur les titres sécurisés et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).
a présenté les principales conclusions de la mission de contrôle budgétaire, menée en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et dans le cadre de ses fonctions de rapporteure spéciale des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat », sur les titres sécurisés et l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).
Cette mission s'inscrit dans la continuité des travaux menés par le Sénat à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2009. A l'automne dernier, la problématique des titres sécurisés s'est posée de manière cruciale aux élus, et en particulier aux communes à qui allait incomber la tâche de délivrer le nouveau passeport biométrique.
a rappelé que la commission a joué un rôle essentiel dans la préservation des intérêts légitimes des communes. Par un amendement co-signé par elle-même et le rapporteur général, M. Philippe Marini, l'indemnisation des communes retenues pour être équipées de stations d'enregistrement a pu être augmentée de manière substantielle, quoique encore insuffisante. Elle est passée de 3 200 euros par station à 5 000 euros.
De même, les préoccupations des professionnels de la photographie ont pu être prises en compte. La loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 a autorisé les maires à débrancher les appareils photographiques incorporés aux stations d'enregistrement, préservant ainsi le marché des photographes, dont une part importante du chiffre d'affaires dépend des photos d'identité.
Eu égard à l'augmentation importante du timbre fiscal requis pour un passeport (qui est passé de 60 euros pour un adulte à 89 euros en loi de finances pour 2009), Mme Michèle André a estimé nécessaire de poser un diagnostic sur ce passage à une nouvelle génération de titres d'identité.
Elle a souhaité analyser le « cycle » des titres d'identité, de la demande initiale à la délivrance finale. Son étude l'a amenée à identifier un certain nombre de dysfonctionnements, d'incertitudes et, même, de zones d'ombre, qui demeurent à ce jour.
Elle a souligné que la notion de titre sécurisé renvoie naturellement aux titres d'identité, mais aussi à la nouvelle carte grise instituée dans le cadre du nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV). Pour cette dernière, la sécurisation n'est pas liée à l'introduction d'un composant électronique, mais à la sécurisation de la production, de l'acheminement et du support physique du titre.
Elle a rappelé que le nouveau SIV est entré en application le 15 avril dernier pour les véhicules neufs. S'il paraît aujourd'hui opérationnel s'agissant des véhicules neufs, le ministère de l'intérieur a néanmoins différé, au 1er octobre 2009, son application pour les véhicules d'occasion.
Elle a indiqué que son système informatique souffre, en effet, de lacunes et de défaillances, qui rendent nécessaires de nouveaux tests. Déjà, la transition concernant la délivrance de certificats d'immatriculation pour les véhicules neufs s'était opérée avec quelques difficultés du côté des constructeurs, faute d'une concertation suffisante. Le risque étant d'entraver les transactions sur le marché automobile, on peut regretter qu'un « Plan B » n'ait pas été prévu avec, par exemple, la conservation de l'immatriculation temporaire en WW. Par ailleurs, l'ergonomie de ce système informatique nécessite encore quelques progrès : par exemple une meilleure visualisation de l'écran de saisie des données et la possibilité d'une relecture en mairie.
a précisé que ces difficultés ne sont, toutefois, pas entièrement imputables à l'ANTS, puisque l'agence n'a repris ce projet qu'en cours de route et qu'il était auparavant conduit par un autre prestataire.
Elle a souligné que l'émergence de la nouvelle génération de titres d'identité et de voyage renvoie aux préoccupations accrues, de la part de nombre d'Etats, en matière de sécurité intérieure et de sécurisation des transports internationaux depuis le 11 septembre 2001.
Elle a relevé que les avantages attendus de cette nouvelle génération de titres concernent tant les usagers que l'administration. Ils portent, en premier lieu, sur une meilleure protection des données d'identité contre la fraude. Cette sécurisation s'applique aussi bien aux titres eux-mêmes qu'au processus de leur délivrance. La lutte contre la contrefaçon et contre la falsification des documents d'identité représente ainsi un objectif prioritaire de cette politique.
Elle a ajouté que la conservation des données d'identité dans un système d'information doit permettre, au stade du renouvellement du titre, de s'assurer que le demandeur est bien la personne initialement connue du système sous cette identité. En outre, la transmission, sous forme dématérialisée, des actes de l'état-civil entre la mairie de naissance et la mairie de demande vise à répondre à un objectif de sécurisation des procédures touchant à l'identité des personnes.
Elle a indiqué qu'il est attendu de l'entrée en application de cette nouvelle génération de titres d'identité et de voyage une simplification administrative, une plus grande efficience des services, et une meilleure qualité du service rendu à l'usager. En effet, la nouvelle chaîne de traitement des demandes permet un suivi en temps réel des différentes étapes de la délivrance, depuis le dépôt de la demande jusqu'à sa remise. En cela, elle doit permettre de réduire le délai de délivrance du titre, grâce à une meilleure traçabilité des différentes étapes et à la transmission des données sous forme numérique.
a expliqué que les nouveaux titres sécurisés comportent des données de deux ordres. D'une part, certaines données sont directement inscrites sur le document : nom, prénom, date et lieu de naissance, photo... D'autre part, un composant électronique, c'est-à-dire une puce, est incorporée au document d'identité lui-même. Cette puce reprend les données présentes sur le document, ainsi que l'image numérisée de l'empreinte digitale de deux doigts. C'est ce dernier point qui justifie le recours au terme de titre « biométrique ». Les données contenues dans la puce électronique sont protégées, notamment, par des mécanismes de cryptographie rendant théoriquement impossible leur lecture à distance.
Elle a rappelé que l'installation, dans les communes, des stations d'enregistrement, nécessaires à la délivrance des passeports biométriques, a débuté par une phase expérimentale, dès l'automne dernier, et s'est poursuivie par phases successives jusqu'à ces derniers jours. En application du règlement européen du 13 décembre 2004, la France est en effet tenue, comme ses partenaires européens, d'opérer la transition au passeport biométrique d'ici au 28 juin, soit dans trois jours.
Elle a souligné la place centrale de l'ANTS dans le dispositif. Cette agence a été créée à la suite de la publication d'un audit de modernisation, en octobre 2006.
Etablissement public administratif interministériel placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, l'ANTS a pour mission :
- la définition des normes techniques relatives aux titres ;
- le développement, la maintenance et l'évolution des systèmes et des réseaux informatiques permettant la gestion des titres et la transmission des données ;
- l'achat, pour le compte des administrations de l'Etat, des titres sécurisés ;
- l'acquisition et la mise à disposition des administrations, des matériels et des équipements nécessaires à la gestion et au contrôle de l'authenticité et de la validité des titres.
a indiqué que l'agence exerce ses missions depuis le 1er mars 2007 pour le passeport électronique, et, depuis le 1er juin de la même année, pour le passeport biométrique et la carte nationale d'identité électronique. Le transfert de compétences concernant le SIV est intervenu plus récemment, le 10 septembre 2008, tandis que l'ANTS exerce ses missions concernant le visa biométrique depuis le 8 décembre 2008. Le rapport issu de l'audit de modernisation envisageait également de confier à l'ANTS la compétence pour le permis de conduire et les titres permettant l'accueil et le séjour des étrangers en France, dont le titre de séjour. Toutefois, à ce jour, ces transferts n'ont pas encore été réalisés.
Elle a précisé que la montée en puissance de l'agence est prévue sur la période 2007-2010. En 2007, le financement de l'ANTS reposait sur 45 millions d'euros de taxes affectées, provenant des droits de timbre sur les passeports, et 0,8 million d'euros de subventions pour charges de service public.
En loi de finances pour 2009, ce financement s'appuie sur une fraction des droits de timbre sur les titres d'identité et de voyage, pour un montant de 131,2 millions d'euros s'agissant du passeport et de 12,5 millions d'euros s'agissant de la carte nationale d'identité. Il comprend également une fraction de la taxe sur l'immatriculation des véhicules (43 millions d'euros) et de la redevance pour cette immatriculation (28 millions d'euros). Par ailleurs, ce financement est complété par une subvention s'élevant à 52,8 millions d'euros pour charges de service public, retracée dans le programme « Administration territoriale » de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ».
a indiqué que le budget prévisionnel de l'agence pour 2009 se monte à 262,7 millions d'euros. Cette enveloppe budgétaire se décompose en 54 millions d'euros pour l'investissement, 202 millions d'euros pour le fonctionnement et 6,7 millions d'euros de frais de personnel.
Elle a observé que les dépenses d'investissement de l'ANTS croissent fortement depuis 2007, afin de faire face à la montée en charge des programmes et à l'équipement des mairies, des préfectures et des consulats. Par ailleurs, un centre d'appel téléphonique vient d'être mis en place à Charleville-Mézières.
Elle a relevé que les dépenses de fonctionnement, qui comptent pour 76,9 % du budget total de l'agence, s'expliquent notamment par l'achat et le transport des titres, produits et personnalisés à l'Imprimerie nationale à Douai, ce poste représentant à lui seul 160 millions d'euros. Ces dépenses comprennent également l'aide à l'installation des stations d'enregistrement versée aux communes.
Depuis sa création, l'agence a mis en oeuvre une politique de recrutement adéquate à sa montée en charge progressive. Pour 2009, la loi de finances prévoit un plafond d'emplois à 116 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT). Au 14 avril 2009, les effectifs de l'agence s'élevaient à 100 personnes et quelques recrutements étaient encore en cours.
a remarqué que, en matière de gestion des ressources humaines, l'une des spécificités de l'ANTS réside probablement dans la proportion de contractuels qu'elle gère. En effet, elle s'appuie aujourd'hui sur 64 contractuels, ce qui peut paraître important. Mais il lui a fallu rechercher des compétences spécialisées dans le domaine des technologies et des systèmes d'information. Elle a également recruté des personnels pour des fonctions de téléconseillers, l'ANTS comptant 34 téléopérateurs. Car la prime d'incitation à la mobilité, mise en place par l'agence, n'a permis de pourvoir qu'une vingtaine de postes sur les 93 ouverts au sein du service de gestion installé à Charleville-Mézières.
Elle a indiqué que l'implantation de l'agence est double, partagée entre Charleville-Mézières, pour son activité de centre d'appel et de gestion, et Levallois-Perret, qui accueille un sixième de ses effectifs. La localisation dans la capitale des Ardennes répond non seulement à un souci d'aménagement du territoire, mais aussi à une préoccupation de réduction des coûts et de fidélisation des personnels.
Parmi les principaux interlocuteurs de l'ANTS dans le cycle de production des titres d'identité, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a souligné le rôle essentiel de l'Imprimerie nationale. Celle-ci a en effet su faire évoluer ses métiers et s'adapter aux exigences technologiques nouvelles, résultant notamment des projets menés par l'agence.
Elle a salué la démarche volontariste, menée par l'Imprimerie nationale et ses personnels, ayant permis la modernisation incontestable de cet établissement.
Du point de vue des résultats obtenus, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a estimé qu'il est encore un peu tôt pour tirer des conclusions définitives. Toutefois, quelques éléments d'appréciation peuvent, d'ores et déjà, être mis en lumière.
Tout d'abord, elle s'est s'interrogée sur le maillage du territoire par 2 000 communes s'étant, selon le ministère de l'intérieur, portées volontaires pour l'accueil des stations d'enregistrement. En la matière, la notion de « volontariat » peut être sujette à caution, dans la mesure où les communes n'ont pas vraiment toujours eu le choix.
Elle a rappelé que le montant de l'indemnisation des communes accueillant les stations d'enregistrement a été fixé, en loi de finances pour 2009, à 5 000 euros par station. Mais ce montant est forfaitaire, et ne prend donc pas en considération les situations spécifiques de chaque commune. Par ailleurs, cette indemnisation, indexée sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement (DGF), ne vise à couvrir que le coût supplémentaire induit par les demandes d'usagers non résidents de la commune. L'Etat part du principe qu'il ne lui revient pas d'indemniser la commune pour les titres délivrés à ses résidents, cette mission relevant de la charge du maire en tant qu'officier d'état civil.
a ajouté que le caractère forfaitaire de l'indemnisation ne prend en compte ni la spécificité des « villes-centres » (comme Clermont-Ferrand, par exemple), ni le caractère plus ou moins touristique de la commune, ni les horaires d'ouverture des mairies plus ou moins attractifs pour les usagers (ouverture le samedi matin, par exemple). Il va pourtant de soi que tous ces éléments sont autant de facteurs devant être pris en considération pour apprécier le nombre de passeports susceptibles d'être délivrés dans une commune. Ainsi, par exemple, pour le premier trimestre 2009, la ville de Beauvais a estimé que le nombre de demandes émanant de personnes non résidentes sur son territoire s'élevait à 46 % des demandes totales pour le passeport biométrique.
Par ailleurs, elle a souligné le caractère crucial de l'évaluation du coût de fonctionnement, pour les communes, des stations d'enregistrement. Les débats, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, s'étaient déjà largement faits l'écho de profondes divergences en la matière selon les acteurs.
Elle a indiqué que la variable principale déterminant ce coût de fonctionnement correspond au temps passé par l'agent de mairie à l'occasion de la délivrance d'un titre. A cet égard, les estimations divergent grandement. Du côté du ministère de l'intérieur et de l'ANTS, on estime ce temps à environ 10 minutes, après un certain délai d'apprentissage. Lors de son audition par la commission des finances, le mardi 16 juin, dans le cadre de l'examen du projet de loi de règlement pour 2008, Mme Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a d'ailleurs, à nouveau, évoqué un temps de l'ordre de 9 minutes. Mais, du côté des mairies, les remontées du terrain sont beaucoup moins optimistes. Il paraît raisonnable d'évaluer le temps consacré à la totalité de la procédure à 20-25 minutes. Celle-ci comprend en effet le temps d'accueil, celui de la saisie des données puis le temps de remise du document avec, au préalable, une vérification de l'identité. Encore cette estimation ne tient-elle pas compte du temps simplement passé aux renseignements, téléphoniques ou sur place, auprès des usagers.
a jugé absolument nécessaire de rediscuter le montant de l'indemnité aux communes, après une évaluation plus précise de la charge pesant sur elles. Le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, s'est engagé à conduire un audit, dont les conclusions pourraient être portées à la connaissance des parlementaires à la fin de l'année ou, plus vraisemblablement, dans le courant de l'année 2010. La discussion de la loi de finances pour 2010 constitue un rendez-vous important pour cette question. Le calcul de l'indemnité doit en effet pouvoir prendre en compte non seulement le temps réel consacré par les agents en mairie à la délivrance des titres, mais aussi une évaluation précise du nombre de demandeurs extérieurs à la commune.
Elle a estimé qu'une autre difficulté réside dans la prise de photo en mairie. Celle-ci est facultative et a été laissée à la discrétion des maires à l'issue des débats en loi de finances pour 2009. Or, selon l'Association pour la promotion de l'image (API), les photographes professionnels, comme les usagers et les agents en mairie, sont confrontés à de réelles difficultés. Parmi celles-ci, on peut évoquer le rejet de photos prises chez les professionnels, des problèmes de normes des photos d'identité, ou encore le refus de prendre les enfants en photo. Il est impératif que ces obstacles soient levés au plus vite par une concertation étroite entre l'ANTS, le ministère, les collectivités et les professionnels de la photographie.
a regretté vivement que cette concertation n'ait pas eu lieu en amont du projet, ce qui aurait permis d'éviter les difficultés actuelles pouvant conduire jusqu'à des délais d'attente de six à huit semaines avant d'obtenir un passeport.
Elle a constaté que ces réglages sont d'autant plus urgents que l'activité de délivrance des passeports est fortement saisonnière. Or, comme la presse l'a rapporté, des phénomènes d'embouteillage sont actuellement à déplorer dans les mairies, confrontées à un accroissement considérable du nombre de demandeurs en cette période de l'année. Le passage à la nouvelle génération de titres biométriques ne doit pas avoir pour conséquence une dégradation de la qualité du service rendu à l'usager.
Elle a rappelé que ce service a un prix. Avec la loi de finances pour 2009, le montant du timbre fiscal pour un passeport d'adulte est passé de 60 euros à 89 euros, soit une augmentation de près de 50 %. Selon le gouvernement, cette hausse vise simplement à couvrir le coût plus élevé d'un passeport biométrique.
Toutefois, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a déploré que cet argument ne soit pas démontré. Aucun coût complet du passeport biométrique n'a pu lui être communiqué. L'estimation du coût de production, qui lui a été indiquée lors de sa visite à l'Imprimerie nationale à Douai, est de l'ordre de 11 euros. L'évaluation du prix d'achat du passeport et de son acheminement, qui lui a été transmise par l'ANTS, est située entre 15 euros et 15,50 euros. Certes, d'autres coûts s'imputent (amortissement des investissements, frais de fonctionnement de l'ANTS...), mais on reste loin des 89 euros. L'application rigoureuse d'une comptabilité analytique est urgente, afin de justifier clairement, auprès du citoyen, le montant du timbre fiscal dont il s'acquitte.
Enfin, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a jugé ne pas pouvoir passer sous silence certaines implications, en matière de respect de la vie privée et de protection des libertés publiques. Dans un avis rendu le 11 décembre 2007, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) exprime des interrogations sur le système mis en place, dans le cadre de l'entrée en vigueur du passeport biométrique, en particulier au sujet de la conservation des données biométriques et de l'habilitation pour y accéder. Surtout, le règlement européen de décembre 2004 n'impose la saisie que de deux empreintes digitales. Or, la procédure mise en place en France pour le passeport biométrique s'appuie sur l'enregistrement de huit empreintes.
s'est interrogée, au même titre que la CNIL, sur un tel niveau d'exigence.
Elle a souligné que l'ensemble de ces questions mérite une attention d'autant plus grande que, après le passeport biométrique, il est envisagé une carte nationale d'identité biométrique.
En conclusion, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a noté que l'émergence d'une nouvelle génération de titres sécurisés marque une étape importante. Elle ouvre un champ inédit, sur lequel travaille actuellement l'ANTS, dans le domaine de la reconnaissance et de la sécurisation de l'identité sur Internet. Les futurs titres d'identité pourraient en effet contribuer à un essor sans précédent du développement de la e-administration et des e-transactions.
Elle a jugé que d'une manière générale, l'entrée en vigueur du nouveau SIV, comme celle du passeport biométrique, se déroulent dans des conditions, pour l'instant, globalement satisfaisantes. Aucun « plantage » total du système n'est à déplorer. Pour autant, certains « plâtres » n'ont pas pu être évités. Elle souhaite que sa mission soit notamment l'occasion de tirer le signal d'alarme et d'y remédier.
Enfin, d'un point de vue strictement budgétaire, Mme Michèle André, rapporteure spéciale, a conclu à l'urgence de la mise en place d'une réelle comptabilité analytique en matière de titres sécurisés. Cette comptabilité permettra une évaluation précise des coûts, seule base solide de justification du montant de la taxe acquittée par l'usager.
Elle a en outre estimé que la question du montant de l'indemnisation des communes accueillant les stations d'enregistrement reste en suspens. L'enjeu réside, notamment, dans le choix de la méthode de calcul. Il paraît souhaitable que le forfait actuel soit remplacé par une indemnité calculée au prorata des titres délivrés en année n-1 ou n-2. Cette méthode serait en mesure de pallier les inégalités choquantes entre communes, qui ne manqueront pas de se produire si le système du forfait est maintenu.
a considéré que cette question devra revenir à l'ordre du jour des échanges avec le Gouvernement, à l'occasion de la discussion de la prochaine loi de finances pour 2010.
Un large débat s'est alors instauré.
s'est interrogé sur le caractère plus ou moins spontané des candidatures des communes s'étant proposées pour l'accueil des stations d'enregistrement.
a indiqué que, lors de l'appel à candidatures, il a été suggéré aux communes un découpage géographique visant à délimiter leurs zones d'attraction. Cette vision était toutefois en décalage avec la réalité, selon laquelle le demandeur d'un passeport peut s'adresser à n'importe quelle commune sur l'ensemble du territoire. Du fait de l'affluence de demandeurs leur étant extérieurs, un certain nombre de communes voient d'ailleurs leurs services débordés.
a estimé que la suppression des sous-préfectures peut être le corollaire du transfert de ce type de compétences aux communes.
a souligné que les communes ayant passé une convention avec l'Etat en matière de délivrance de titres d'identité peuvent revenir sur cet engagement. Elle a ajouté que certaines mairies, comme celle de Chantilly par exemple, sont contraintes d'augmenter leur effectif pour faire face à cette nouvelle mission.
a rejoint Mme Michèle André dans sa demande de la mise en place d'une véritable comptabilité analytique dans le domaine des titres sécurisés.
a répété qu'une telle comptabilité est nécessaire et elle a rappelé qu'elle n'a obtenu aucune réponse à ses demandes de justification d'une hausse de près de 50 % du droit de timbre fiscal pour le passeport.
s'est en outre inquiété du devenir de la profession de photographe, au regard du dispositif mis en place dans le cadre du passeport biométrique.
a souligné les efforts accomplis par cette profession pour se conformer aux normes édictées par le ministère et elle a souligné le risque de mécontentement des photographes en réaction à la situation ainsi créée.
a indiqué que l'estimation d'un délai moyen de neuf à dix minutes pour le traitement de la demande d'un passeport biométrique, ne tient compte ni du dialogue nécessaire entre l'usager et l'agent, ni du temps passé lors du retrait du passeport. Les communes ne sont pas opposées à assumer la mission de délivrance du passeport, à condition d'être indemnisées au coût réel.
Face à l'allongement actuel des files d'attente devant les guichets en mairie, il a suggéré que la prise de rendez-vous puisse se faire par Internet, comme certaines communes le font déjà, et que le téléchargement du document administratif de demande soit possible.
A son tour, il a souligné le nombre important de rejets, par l'Imprimerie nationale, de dossiers du fait de photos d'identité non réglementaires, notamment dans le cas des enfants ou des personnes de couleur prises sur un fond foncé. Le photographe professionnel pourrait délivrer la photo d'identité sur un support numérique afin de réaliser des gains de temps et d'efficacité. Cette solution passe par l'équipement en lecteur adapté des stations d'enregistrement actuelles.
a indiqué que, dans son département, certaines communes se sont fait concurrence pour obtenir leur station. Il s'est interrogé sur le principe de l'indemnisation des communes au titre de la délivrance du passeport.
a rappelé que cette indemnisation s'élève à 5.000 euros par station et vise à couvrir les demandes émanant d'usagers extérieurs à la commune.
a souligné la condamnation de l'Etat à payer une amende pour les quatre dernières années, au cours desquelles la délivrance des titres a été transférée aux communes et s'est opérée sans base légale.
Il a regretté la complexité du dispositif actuel pour l'usager, qui doit s'acquitter de 88 euros s'il peut produire deux photos d'identité, et de 89 euros dans le cas contraire. Il a précisé que, devant une telle situation, la mairie risque de servir d'exutoire à l'irritation des usagers.
a déploré que cette question n'ait pas fait l'objet d'une concertation en amont avec tous les acteurs concernés.
a insisté sur le risque de blocage du système ainsi que sur le temps effectif passé à délivrer un passeport. Ce temps est de trente minutes pour remplir le dossier administratif, puis de vingt minutes consacrées au traitement du dossier.
a indiqué que le département de Seine-Saint Denis n'a pas encore procédé à la mise en place de ce dispositif, mais qu'il le fera d'ici au 28 juin 2009. Il s'est inquiété de la situation dans ce département, où certaines communes n'ont pas accepté les stations et où les demandeurs risquent de ne remplir le formulaire qu'avec beaucoup de difficultés.
Il déplore que l'Etat n'ait pas su adapter ses méthodes de travail et que la responsabilité du passeport incombe désormais, aux yeux de l'opinion publique, aux maires.
a rappelé que cette situation est la conséquence de la position prise par les députés, en commission mixte paritaire (CMP), lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2008.
a annoncé qu'elle a conduit une enquête dans son département auprès de huit communes. Ces communes assument leur responsabilité en matière de délivrance de titres mais souffrent de graves problèmes de personnels et de stationnement, liés à l'afflux des demandeurs.
a estimé que pour pallier ce manque de personnel, il conviendrait de redéployer les effectifs des sous-préfectures.
a considéré que ces activités de délivrance de titres auraient pu être maintenues dans les sous-préfectures.
a remarqué que les sous-préfectures s'occupent encore, notamment, des étrangers.
a rappelé que les conventions passées entre l'Etat et les communes peuvent être dénoncées, sous réserve du respect de certains délais, par les communes.
a déploré que l'Etat s'en remette à la pression populaire, susceptible de peser sur les élus locaux en faveur du maintien en fonctionnement des stations d'enregistrement.
a rappelé que le maire de la commune est officier d'état civil. Il a toutefois regretté le manque de lisibilité du barème qui varie entre 88 et 89 euros, selon que le demandeur d'un passeport fournit sa photo d'identité ou pas. Il a en outre souhaité que le photographe professionnel puisse, à l'avenir, fournir à son client un support numérique réutilisable en mairie et que, à cette fin, les stations d'enregistrement soient équipées d'un lecteur adapté.
a souligné le caractère « rudimentaire » de l'équipement de ces stations et a relevé que certaines mairies rencontrent des problèmes d'utilisation des « douchettes » permettant la lecture de l'imprimé rempli par le demandeur.
s'est inquiété de la procédure visant à enregistrer huit empreintes de l'usager.
a répercuté les réserves de la CNIL sur cette question. Si l'ANTS dispose d'une réelle expertise en matière de développement technologique, elle n'a pas été en mesure de lever les interrogations sur le sujet du nombre d'empreintes prises, en dépit de demandes d'explication récurrentes. Les enseignements tirés du passage au passeport biométrique sont d'autant plus importants que la prochaine étape pourrait être une carte nationale d'identité biométrique. A cet égard, il est permis de douter de la nécessité d'introduire des données biométriques dans ce titre d'identité, dès lors qu'il n'est pas requis pour voyager.
La commission a ensuite donné acte, à l'unanimité, à Mme Michèle André, rapporteure spéciale, de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, préalable au débat d'orientation des finances publiques.
a indiqué que, face à une crise sans précédent, les mesures de relance ne sont pas à remettre en cause dans leur principe, dès lors qu'elles demeurent circonscrites et provisoires. Le risque existe néanmoins d'un relâchement de l'effort de maîtrise de la dépense. Ainsi, la dégradation des comptes publics constatée en 2008 a concerné quasiment toutes les administrations et ne résulte pas seulement des effets de la crise. En recettes, les baisses enregistrées l'an dernier traduisent principalement des tendances de fond, et sont notamment la conséquence de décisions de baisses d'impôts prises au cours des années précédentes. Ces décisions ont diminué les ressources publiques de 10 milliards d'euros, dont 6,5 milliards sont imputables à la loi pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat et 2,9 milliards aux dégrèvements de taxe professionnelle.
La dégradation s'explique également par l'insuffisante maîtrise des dépenses. Bien que la croissance récente de l'ensemble des dépenses publiques se soit établie à un niveau inférieur à la tendance observée sur la période 1998-2007, les objectifs affichés nécessitent des efforts d'une toute autre ampleur que ceux réalisés jusqu'à présent. A ce jour, seule la Suède a un taux de dépenses publiques plus fort que la France, mais son solde budgétaire était, au moins jusqu'à une date récente, très nettement excédentaire. Le déficit structurel français est estimé aux alentours des 3,5 % du produit intérieur brut (PIB), soit l'intégralité du déficit constaté fin 2008, ce qui démontre que le problème des finances publiques ne trouvait pas, à cette époque, son origine dans la conjoncture.
Au sens du traité de Maastricht, la dette publique brute a progressé de 10 %, passant de 1 209 milliards d'euros fin 2007, soit 63,8 % du PIB, à 1 327 milliards d'euros fin 2008, soit 68,1 % du PIB. La moitié de l'augmentation constatée est imputable au déficit et un cinquième résulte des emprunts contractés pour le financement des banques. Il convient en effet de rappeler que la Société de financement de l'économie française (SFEF) et la Société de prise de participation de l'Etat (SPPE) ont été classées par l'INSEE et Eurostat parmi les administrations publiques, ce qui a pour effet d'inclure dans la dette maastrichtienne les emprunts qu'elles contractent. Le niveau potentiel de la dette brute apparaît encore supérieur si l'on y inclut la moitié des 28 milliards d'euros de dettes de Réseau ferré de France ne pouvant être remboursée que par l'Etat, et si l'on tient compte des billets de trésorerie émis par l'ACOSS, pour un montant de 10 milliards d'euros fin 2008, qui ont minoré temporairement la dette brute consolidée des administrations publiques.
Le prix de cette dette s'affiche dans les intérêts substantiels que la France doit payer, soit plus de 54 milliards d'euros en 2008, ce qui représente 2,8 % du PIB. La croissance de notre endettement s'accompagnera d'une augmentation de la prime de risque qui y est associée et, par conséquent, de la charge d'intérêts. En conséquence, et bien que l'écart de financement avec l'Allemagne ait récemment diminué, la crédibilité de la signature de la France est désormais attentivement observée par les marchés. Enfin, redevenu positif en 2006, le solde primaire des administrations publiques s'est de nouveau dégradé en 2007 et 2008 pour atteindre - 0,6 % du PIB. Les administrations publiques doivent donc emprunter pour payer non seulement les intérêts de la dette, mais aussi une partie des dépenses courantes hors intérêt.
Sur le fondement de ces constatations, M. Philippe Séguin a fait observer que la France est entrée avec des finances publiques dégradées dans une crise dont l'impact s'annonçait extrêmement violent. Selon la Cour, si une récession de 3 % se confirme, le déficit devrait s'élever à la fin de l'année à au moins 7 % de la richesse nationale et la dette publique dépasser 75 % du PIB, ou 80 % en comptabilisant les emprunts de la SFEF. Le doublement du déficit s'explique par l'impact du plan de relance, mais surtout par la baisse spontanée des rentrées d'impôts et de cotisations sociales et, plus secondairement, par l'augmentation spontanée de certaines dépenses, notamment celles d'assurance chômage. Bien que le déficit français s'annonce moins important que celui du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, il dépassera celui de l'Allemagne, dont le plan de relance est pourtant plus important mais le déficit structurel plus faible.
Aucune catégorie d'administration publique n'échappera à la dégradation. L'Etat devrait ainsi voir son déficit doubler et passer de 56,3 milliards d'euros en 2008 à plus de 120 milliards en 2009, ce qui représente plus de la moitié de ses recettes nettes.
Le déficit du régime général de la sécurité sociale devrait doubler et dépasser les 20 milliards d'euros, ce qui n'ira pas sans poser, dès l'automne, un problème de dépassement du plafond d'avances à l'ACOSS. Si le relèvement du plafond est envisageable, il implique que la Caisse des dépôts soit en mesure d'apporter un montant supplémentaire de ressources. Or celle-ci estime que, dans les conditions actuelles du marché monétaire, de tels montants se traduiront par des pertes, raison pour laquelle elle a dénoncé la convention censée courir jusqu'en 2010. Une autre solution, de facilité, consisterait à faire reprendre ces déficits par l'Etat. La Cour estime toutefois que la maîtrise de la dette de la sécurité sociale implique qu'elle demeure isolée, et non « noyée dans l'océan des déficits » de l'Etat. A l'instar des régimes complémentaires de retraite et du Fonds de solidarité vieillesse, l'assurance chômage devrait enfin, après deux ans d'excédents, renouer avec les déficits, estimés par l'UNEDIC à 1,3 milliard d'euros fin 2009.
S'agissant des administrations publiques locales, 2009 connaîtra probablement une importante baisse des droits de mutation. Toutefois, à l'exception de la taxe professionnelle, les bases des principaux impôts directs locaux sont protégées des effets immédiats de la crise. Par ailleurs, nombre de collectivités ayant majoré leurs taux, le ralentissement du produit des impôts locaux devrait être limité en 2009. Les dotations de l'Etat devraient connaître, dans le même temps, une augmentation sensible et les dépenses risquent de continuer à croitre à un rythme soutenu, compte tenu de l'alourdissement des prestations sociales en lien avec la crise.
Pour l'ensemble des finances publiques, M. Philippe Séguin a fait valoir que les perspectives à l'horizon de 2012 ne sont guère meilleures. Même en retenant des prévisions de croissance proches de celles du Gouvernement et une progression des dépenses en ligne avec la tendance (soit 2,2 % en 2011 et 2012), le déficit serait encore supérieur à 6 % et la dette approcherait les 90 % du PIB en 2012. Dans ces conditions, les objectifs fixés pour 2012 en termes de finances publiques ne pourront être approchés qu'au prix d'un effort supplémentaire considérable. S'il convient de saluer le principe d'une loi de programmation des finances publiques et l'adoption d'un budget triennal de l'Etat, plusieurs éléments intervenus depuis le vote de la loi de programmation 2009-2012 brouillent la lisibilité de la stratégie affichée par le Gouvernement et pourraient remettre en cause sa crédibilité. Le respect des orientations fixées dans ce cadre supposerait, par exemple, que la baisse du taux de TVA sur la restauration et la réforme de la taxe professionnelle soient compensées par une augmentation d'impôts ou une suppression d'avantages fiscaux de même ampleur.
De même, et sauf à se résigner à augmenter les prélèvements obligatoires, la perspective d'une réduction sensible du déficit et de la dette à l'horizon 2012 n'est pas réaliste sans un effort drastique de réduction des dépenses. La France s'approche d'une « zone dangereuse » et parsemée de risques. Le premier est économique : la dégradation des finances publiques pourrait, en effet, nourrir l'inquiétude des agents économiques. L'anticipation, par ces derniers, de hausses d'impôts et de cotisations sociales pourrait les conduire à différer consommation et investissement et à plonger l'économie nationale dans un cercle vicieux retardant la sortie de crise. Un deuxième risque réside dans l'appauvrissement d'un Etat qui consacre davantage sa dépense au fonctionnement et aux interventions qu'à la préparation de l'avenir. L'emballement de la dette constitue un troisième risque, dans la mesure où, dans un contexte de déficit structurel et d'endettement très élevés, une faible aggravation du déficit liée, par exemple, aux dépenses de vieillissement, pourrait provoquer un accroissement exponentiel de la dette. Certains scénarios font ainsi état d'un niveau de dette proche de 100 % du PIB en 2018 et 200 % avant 2040. A titre de comparaison, la dette de la France était de 118 % du PIB au sortir de la Première Guerre mondiale et de 170 % en 1945. Sur la base d'un taux d'intérêt à 4 %, la charge d'intérêt pourrait atteindre 8 % du PIB, soit davantage que le produit de la TVA. Le quatrième risque concerne enfin la crédibilité de la signature de la France. Les charges d'intérêt ne pouvant pas mobiliser une part indéfiniment croissante des ressources, les créanciers de l'Etat pourraient refuser tout nouveau prêt et un ajustement brutal de nos finances publiques serait alors nécessaire.
Craignant que le fait de répéter que les caisses sont vides n'accrédite l'idée qu'elles sont inépuisables, M. Philippe Séguin a jugé que la dérive des finances publiques aurait des conséquences concrètes sur la vie quotidienne des Français, qui se verraient contraints de « payer plus pour rembourser plus », cependant que l'Etat serait amené à remettre en cause radicalement une grande partie des interventions et des politiques publiques. Le retour dans des délais relativement brefs à une croissance dynamique étant peu crédible, deux voies d'amélioration demeurent envisageables : la réduction des dépenses et l'augmentation des recettes, notamment par la réduction des niches sociales et fiscales. Si le défi peut paraître considérable, l'ampleur de l'effort à accomplir n'est pas exceptionnelle au regard des ajustements menés dans les autres pays de l'OCDE ou de mesures de redressement prises par la France au cours de son histoire.
La limitation des dépenses de 2008 à 2012, telle que prévue par le Gouvernement, ne peut contribuer à ce redressement que pour environ un point de PIB, soit 20 milliards d'euros. A cet égard, les économies annoncées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques sont estimées par le Gouvernement à 6 milliards d'euros, ce qui démontre la nécessité de réformes beaucoup plus ambitieuses.
La dérive des prestations sociales appelle également une poursuite des réformes. La dégradation rapide des comptes de l'assurance vieillesse justifie de nouvelles négociations sur les retraites, y compris sur les avantages familiaux. Dans le domaine de la santé, une révision du cadre des négociations conventionnelles avec les professions de santé, une réflexion sur certaines prestations et la poursuite de la réorganisation du système hospitalier sont nécessaires. S'agissant de l'Etat, des économies supplémentaires pourraient venir d'une meilleure gestion budgétaire « en mode LOLF », c'est-à-dire centrée sur la mesure des coûts et sur la performance, d'une réforme de la gestion des ressources humaines affectées aux missions de l'Etat et d'une maîtrise de la masse salariale ainsi que du coût des pensions. Les effectifs et les charges de fonctionnement des opérateurs de l'Etat, de plus en plus nombreux, ne doivent pas non plus être négligés. Enfin, la maîtrise des dépenses locales peut passer par une rationalisation de l'intercommunalité, de la fiscalité locale et des concours financiers d'un Etat encore trop enclin à faire financer par les collectivités les politiques dont il n'a plus les moyens budgétaires.
Résumant les trois « messages-clés » adressés par la Cour à la commission, M. Philippe Séguin a contesté l'idée selon laquelle la « France s'en tirerait mieux » que ses voisins dans la crise. Il a conditionné le rétablissement des comptes à un effort accru de vérité sur l'état de nos finances publiques, et jugé indispensable la réalisation de 70 milliards d'euros d'économies. Un tel montant ne saurait être atteint par des réformes ponctuelles axées sur les gaspillages ou les dysfonctionnements les plus flagrants, et implique une véritable réflexion sur le rôle de l'Etat, les missions du service public et les modalités de leur financement.
a relevé que certains discours convenus sur l'attractivité de la France en matière d'investissements internationaux dissimulent une réalité moins flatteuse : si des capitaux étrangers sont placés dans notre pays, c'est d'abord pour financer notre déficit budgétaire.
a salué la lucidité du propos de M. Philippe Séguin. Trois points de méthode doivent néanmoins être soulevés. La notion de déficit structurel repose sur une référence à la croissance potentielle de l'économie. La crise ayant très probablement une incidence négative sur cette croissance potentielle, ne convient-il pas de réviser les modalités d'évaluation du déficit structurel ? En deuxième lieu, les évolutions divergentes des dettes publiques constituent un enjeu crucial pour la pérennité de la zone euro. Or l'appréciation de ces évolutions peut être biaisée par des méthodes d'évaluation des agrégats différentes entre les Etats membres. Dans la mesure où Eurostat ne constitue qu'une réunion d'instituts statistiques nationaux, la Cour des comptes et les autres certificateurs européens ne peuvent-ils mener des travaux garantissant l'homogénéité des définitions nationales de l'endettement ? Enfin, « l'agencisation » de l'Etat, qui consiste à déléguer un nombre croissant de missions à des opérateurs, semble prospérer. Que penser, ainsi, d'un Plan campus financé par des dotations non consomptibles aux universités, soit autant de « poches » de trésorerie ayant vocation à être placées en bons du Trésor ?
a ensuite abordé la question du financement croissant de la dette de l'Etat au moyen de titres à court terme. Si cette démarche traduit la volonté de l'Agence France Trésor de tirer le meilleur parti des conditions de marché, ne prive-t-elle pas l'autorisation parlementaire de sa portée, dans la mesure où celle-ci ne concerne que le financement à moyen et long termes ? En outre, s'agissant de l'endettement, quelle appréciation la Cour porte-t-elle sur l'opportunité de recourir à un emprunt national, le cas échéant obligatoire ?
a enfin interrogé M. Philippe Séguin sur l'impact budgétaire d'une suppression de la taxe professionnelle qu'il faudra nécessairement compenser, et sur l'opportunité de différer temporairement l'amplification de la révision générale des politiques publiques, afin de ne pas compromettre une cohésion sociale dont la fragilisation causerait un grand préjudice à l'économie nationale.
a jugé que les décisions issues de la révision générale des politiques publiques ont tendance à « s'étioler » au gré de leur mise en oeuvre, aboutissant à des résultats sensiblement plus modestes que les ambitions affichées. S'il ne faut pas nier le péril que la crise fait peser sur la cohésion sociale, le remède semble davantage résider dans un effort de pédagogie à l'égard des citoyens, consistant à leur expliquer que le report de réformes indispensables impliquerait des ajustements encore plus douloureux. Sur les autres points soulevés par le rapporteur général, M. Philippe Séguin a formulé les réponses suivantes :
- la notion de croissance potentielle apparaît à bien des égards fragile et sujette à débats ; les controverses méthodologiques entourant cette notion ne sont pas pour autant de nature à remettre en cause le diagnostic de fond portant sur nos finances publiques ;
- la zone euro n'a pas été conçue pour résister à des divergences structurelles de la nature de celles qui sont en train d'apparaître en matière de finances publiques. S'agissant de la fiabilité des comparaisons entre niveaux d'endettement nationaux, l'indépendance et l'absence de complaisance d'Eurostat ne semblent pas devoir être remises en cause ;
- il est exact que la part de la dette négociable à court terme a considérablement augmenté en 2008, dans un contexte de forte demande pour les valeurs du Trésor et de taux courts peu élevés. L'accroissement des émissions à court terme a notamment eu pour objet de préfinancer les mesures du plan de relance. Cette politique d'émission présente le risque de rendre la charge d'intérêts plus sensible à une tension sur les taux courts, et suppose donc une anticipation fiable des évolutions de taux, de manière à transformer une part de la dette à court terme en dette à moyen et long termes. Il est par ailleurs opportun d'informer plus régulièrement et plus complètement le Parlement de l'évolution de la dette à court terme ;
- s'agissant de l'emprunt national, la Cour n'a connaissance ni de son montant, ni de ses modalités, ni de sa destination. N'ayant pas délibéré sur ce thème, il lui est difficile d'émettre une opinion, sauf à rappeler que des circonstances exceptionnelles peuvent justifier des mesures exceptionnelles. Il convient néanmoins de cantonner strictement l'usage de ce type d'instrument à la lutte contre les effets de la crise et d'en limiter au maximum le coût ;
- la Cour partage les interrogations de la commission sur le remplacement de la taxe professionnelle et sur son impact budgétaire, et le Conseil des prélèvements obligatoires publiera prochainement des travaux consacrés aux prélèvements obligatoires dans une économie globalisée, analysant notamment la situation des finances locales.
Rappelant l'exemple suédois, M. François Marc a relevé qu'un niveau élevé de dépense publique n'est pas forcément exclusif d'un solde excédentaire. En revanche, la Cour peut-elle évaluer l'impact budgétaire et l'efficacité économique de l'ensemble des baisses de recettes opérées et annoncées ?
a indiqué que la Suède préserve un solde excédentaire en raison du niveau très élevé de sa fiscalité et se caractérise par une dépense publique globalement plus efficace qu'en France. Au demeurant, il n'appartient pas à la Cour de définir quel niveau de prélèvements obligatoires est politiquement acceptable pour les Français. L'impact budgétaire des allègements d'impôts s'élève à 39 milliards d'euros sur les cinq dernières années. Leur impact économique n'est pas mesuré à ce stade, mais entre bel et bien dans le cadre des nouvelles missions constitutionnelles de la Cour des comptes relatives à l'évaluation des politiques publiques.
a vu dans les analyses de la Cour un encouragement pour le Parlement à ne pas s'en tenir à la seule contestation de certaines mesures coûteuses pour les finances publiques, telle la baisse du taux de taxe sur la valeur ajoutée dans la restauration. S'agissant des finances sociales, la Caisse nationale d'assurance vieillesse appréhende un déficit de 50 milliards d'euros en 2012. Quel rôle la Cour peut-elle jouer pour faire la lumière sur l'avenir de notre système de retraite ? Par ailleurs, si nos stabilisateurs automatiques épargnent à la France une situation aussi délicate que celle que traversent certains de ses voisins, quelles difficultés faut-il s'attendre à affronter lors de la sortie de crise ?
a estimé que l'équilibrage du financement des retraites ne permettra ni d'éluder la question de l'âge du départ à la retraite, ni celle du niveau de cotisation et de pension. Le déficit de financement de la protection sociale n'est pas lié aux fraudes ou aux excès de certains usagers, mais à des déséquilibres structurels appelant des mesures elles-mêmes structurelles. A titre d'exemple, l'incompatibilité entre un système de distribution des soins fondé sur une logique libérale et un principe de socialisation de la dépense est diagnostiquée de longue date.
a affirmé partager les constats de la Cour et souhaité qu'une analyse si clairvoyante sur l'état des finances publiques tempère l'optimisme dont fait traditionnellement preuve le Gouvernement.
Citant l'exemple de la mise en oeuvre du revenu de solidarité active, M. Philippe Adnot a regretté que l'empilement de dispositifs législatifs et réglementaires nouveaux accroisse continuellement la dépense, et que les règles de recevabilité financière encadrant l'initiative parlementaire ne s'appliquent pas au Gouvernement.
Bien que la Cour n'ait pas eu à connaître les conditions de mise en oeuvre du RSA, M. Philippe Séguin a consenti qu'une forme de « schizophrénie » transparaissait entre des discours vertueux sur le plan des principes et des pratiques conduisant à accumuler les mesures ponctuellement coûteuses.
s'est interrogée sur l'appréciation que la Cour porte sur la dichotomie entre bons et mauvais déficits.
Considérant qu'« un bon déficit est un déficit inexistant », M. Philippe Séguin a toutefois admis qu'il est courant de distinguer les dépenses d'avenir des autres dépenses. Ce débat renvoie à la définition de la règle d'or, qui voudrait qu'il soit exclusivement recouru à l'endettement pour financer lesdites « dépenses d'avenir ». La définition de ces dépenses demeure toutefois sujette à controverse.
a souhaité connaître la part de la dette locale dans l'ensemble de la dette publique et s'est interrogé sur la part de la masse salariale des collectivités dans l'emploi public.
En réponse, M. Philippe Séguin a indiqué que la dette des administrations publiques locales représente environ 10 % de la dette publique au sens du Traité de Maastricht.
A la question de M. Pierre Bernard-Reymond, relative aux conséquences du creusement des écarts caractérisant la situation des finances publiques entre les Etats de la zone euro, M. Philippe Séguin a admis que l'existence même de l'euro pourrait être menacée.