Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports.
a rappelé que l'audition de M. Dominique Bussereau par la mission se tient à double titre, en tant que membre du Gouvernement mais aussi en tant que président du conseil général de Charente-Maritime.
a précisé que les systèmes d'alerte ont correctement fonctionné en amont du déclenchement de la catastrophe. Suite à l'information des maires par le préfet de Charente-Maritime, plusieurs mesures d'évacuation ont ainsi été prises permettant de réduire le nombre de victimes. L'ampleur du vimer, conjonction particulièrement puissante dans le cas de Xynthia de vents violents et de fortes marées, n'avait pu, quant à elle, être anticipée. En dépit de la gravité et de l'étendue des phénomènes de submersion et d'inondation, les opérations de sauvetage ont été conduites de manière remarquable. Il convient de souligner la grande réactivité des pouvoirs publics face à la catastrophe. Les visites de terrain du Président de la République et des membres du Gouvernement ont ainsi permis d'apprécier rapidement les conséquences de la tempête Xynthia et de proposer des mesures d'urgence.
a souhaité savoir si les moyens aériens mobilisés en vue du sauvetage des victimes ont rencontré des difficultés.
a souligné que la réussite des opérations de sauvetage doit beaucoup au rôle essentiel joué par l'officier de liaison, qui a assuré une communication et une coordination particulièrement efficaces entre les différents services de secours.
s'est interrogé sur la présence éventuelle d'obstacles en matière de procédures et de délais d'indemnisation, ainsi que sur les dégâts causés aux exploitations agricoles.
a relevé la forte implication des assureurs dans la gestion des conséquences de la tempête Xynthia. M. Bernard Spitz, président de la fédération française des sociétés d'assurances (FFSA), a ainsi accompagné le Président de la République lors de son premier déplacement sur les lieux de la catastrophe, le lundi 1er mars 2010. Le médiateur des assurances, M. Yann Boaretto, a ensuite été nommé afin de faciliter l'exécution des procédures d'indemnisation.
Pour ce qui concerne les délais d'indemnisation eux-mêmes, s'il subsiste encore quelques cas de mécontentement, c'est principalement parce que l'ensemble des sinistrés n'ont pas encore reçu la visite des experts des sociétés d'assurance.
S'agissant enfin des agriculteurs, le ministre de l'Alimentation, de l'agriculture et de la pêche s'est fortement mobilisé pour répondre à leurs difficultés. Il convient à cet égard de distinguer les dommages réparables à court terme de dégâts plus indirects, à l'instar de la salinisation des terres qui nécessitera un gypsage conséquent. Pour le plan exceptionnel en faveur de l'aquaculture, un montant de 20 millions d'euros a été notifié et accepté par la Commission européenne. Cette somme devrait être consacrée pour 75 % aux agriculteurs de Charente-Maritime, le reste allant aux producteurs vendéens. L'attribution des aides devrait relever d'une commission associant des représentants des départements, des régions et de l'Etat, comme dans le cas de la tempête de décembre 1999. Cette commission aura aussi pour mission d'attribuer, au cas par cas, des avances aux professionnels.
a évoqué les difficultés liées au traitement des indemnisations au titre du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), ainsi que celles résultant du plafonnement du chiffre d'affaires des entreprises éligibles à un million d'euros. S'agissant des agriculteurs, il s'est interrogé sur le taux moyen de couverture des dégâts indemnisés par l'intermédiaire du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), qui pourrait s'établir autour de 35 %.
est convenu de la faiblesse du seuil d'éligibilité au FISAC. Il a ensuite souligné que le FNGCA constitue l'outil adapté pour les biens non assurables, surtout que le Gouvernement devrait proposer que le taux moyen de couverture par ce fonds soit porté à 40 % dans le cas précis des conséquences de la tempête Xynthia. Enfin, il a indiqué que l'indemnisation des exploitants agricoles devrait représenter la difficulté majeure en matière de réparation des dégâts causés par la tempête Xynthia. Ainsi, l'acheminement de gypse sur les sites submergés devrait représenter un coût considérable, dont le montant n'est pas connu à ce stade. En outre, la possibilité de recourir aux crédits communautaires reste encore incertaine, en particulier s'agissant du fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE). Une part des crédits du fonds européen de développement régional (FEDER) devrait faire l'objet d'un redéploiement. Ainsi, au moins cinq millions d'euros pourraient être destinés à des travaux de reconstruction des digues.
s'est interrogé sur les motifs de la forte contestation des zones noires. Il a fait valoir que les différents discours tenus par les membres du Gouvernement concernant ce sujet ne sont pas toujours de nature à apaiser les tensions exprimées sur le terrain.
a rappelé que le Président de la République, dans son discours prononcé à La Roche-sur-Yon le 16 mars 2010, visait explicitement l'interdiction de la reconstruction d'habitations sur des sites exposant à un risque mortel. Il a toutefois déploré que ces mesures de zonage aient ensuite été prises par les services de l'Etat dans la précipitation et en l'absence de toute concertation. A cet égard, il a regretté la prise en charge de l'élaboration de ces mesures par les préfets alors que des hauts fonctionnaires moins engagés dans la gestion de la crise auraient pu être spécialement nommés pour mettre en place ce dispositif.
a ensuite plaidé pour une approche différenciée des zones selon le caractère plus ou moins inhabituel des inondations. Ainsi, dans les villes, à l'instar de La Rochelle, ou dans des îles comme l'île de Ré ou l'île d'Oléron, ces phénomènes ne sont pas connus et provoquent des effets d'autant plus lourds qu'ils ne sont pas anticipés. Il a enfin observé que l'affectation de marais à des activités économiques telles que la pisciculture les a empêchés de jouer leur rôle d'absorbeur naturel, ce qui a amplifié les dégâts causés par la submersion marine.
a évoqué le flou qui entoure le régime juridique des zones noires, alors que des objectifs clairs doivent être conciliés avec une méthode efficace sur le plan de la mise en oeuvre des moyens.
a estimé ces mesures suffisamment précises. D'une part, les zones jaunes, inondées mais non submergées, feront l'objet d'une prise en charge dans le cadre du plan digues. D'autre part, les zones orange ont vocation à devenir noires ou jaunes. Enfin, les zones noires, ou zones de solidarité, donneront lieu à des procédures de rachat à l'amiable des habitations. En cas de désaccord des sinistrés, une expropriation pourra intervenir suite à une enquête publique ayant débouché sur une déclaration d'utilité publique de l'opération. Celle-ci sera soumise au contrôle du juge administratif, tandis que le montant de l'indemnité pourra être contesté devant le juge civil.
s'est interrogé sur l'existence de procédures contradictoires préalables aux expropriations.
a indiqué que le Président de la République avait prévu la possibilité d'aménagements à la marge s'agissant des zones noires. Il a précisé que dans le cas d'accord des sinistrés sur la démarche à l'amiable proposée par le Gouvernement, les Domaines se rendent sur place pour évaluer la valeur du bien immobilier. Si les habitants souhaitent conserver leur maison, une enquête publique, soumise au principe du contradictoire, devra être ouverte et ce n'est qu'à son terme que l'Etat choisira de lancer ou non une procédure d'expropriation.
a observé que les services du conseil général de Charente-Maritime ont créé une ligne téléphonique gratuite, destinée à la fois à l'assistance aux victimes et à la gestion des sinistres.
a ensuite évoqué les difficultés liées à l'entretien des digues. Il a mis en exergue la contradiction potentielle entre les préoccupations environnementales et les objectifs de prévention et de protection des personnes.
a observé que les problèmes posés par la reconstruction et l'entretien des digues sont différents selon le type de digue, en particulièrement sur le plan de leur mode de financement et sur celui des procédures juridiques qui les régissent. Trois types de digues doivent ainsi être distingués :
- les ouvrages de protection en terre, propriété d'associations syndicales agricoles le plus souvent, relèvent du domaine privé bien qu'ils contribuent fréquemment à la protection de villages et d'infrastructures publiques ;
- les digues « en dur », construites sur le domaine public naturel (DPN) et qui sont donc la propriété de l'Etat, mais dont les départements assurent en réalité la maîtrise d'ouvrage des travaux ;
- les grandes digues entretenues directement par l'Etat, par le Conservatoire du littoral ou par de grandes entreprises publiques nationales, à l'image de Réseau ferré de France (RFF) ou la Société nationale des chemins de fer français (SNCF).
Dans certains cas, les travaux sur les digues nécessiteront de plus un examen par les commissions des sites. Pour mettre en oeuvre efficacement le plan digues, le Gouvernement devra répondre aux deux enjeux que sont la répartition du coût des travaux et l'évolution des règles en vigueur. Par ailleurs, la région Poitou-Charentes pourrait utilement intervenir financièrement dans les travaux de reconstruction des digues, à l'image de ce que la région Pays-de-la-Loire s'est engagée à faire.
a estimé que la création d'un établissement public chargé de la gestion des digues représente une piste intéressante. Il serait également possible de confier au Conservatoire du littoral un rôle transversal dans le suivi et l'expertise de ces ouvrages. Une telle piste présente l'intérêt d'être plus consensuelle, puisqu'elle est compatible avec le maintien de propriétaires de proximité, à l'image des collectivités territoriales.
Le conseil général de Charente-Maritime a créé pour sa part une « mission littoral », dont l'expertise participera à la réflexion engagée par l'Etat et les régions. Cette mission s'appuiera notamment sur l'activité et les travaux de recherche de l'union des marais de la Charente-Maritime (UNIMA) et de l'institut du littoral et de l'environnement de l'université de La Rochelle.
a fait part de ses réserves quant à la création d'un établissement public national chargé de la gestion des digues, bien que le caractère public de la maîtrise d'ouvrage doive désormais devenir systématique.
a souhaité savoir si le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ou fonds « Barnier », constitue un instrument satisfaisant et si le régime d'assurance des catastrophes naturelles, dit « catnat », doit être révisé comme le recommandait le rapport de la mission d'enquête sur le régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles en 2005 et le rapport du groupe de travail du Sénat sur la sécheresse de 2003.
a plaidé pour une utilisation plus rationnelle du fonds Barnier : il convient en effet de conserver en son sein des réserves conséquentes et de réduire la part des crédits utilisée à des fins de recherches et d'études. Par ailleurs, il a indiqué que le régime « catnat » n'appelle pas d'observations particulières de sa part.
a fait état d'une pression importante en matière d'urbanisation du littoral. Selon une étude des Nations-Unies, 80 % de la population mondiale devrait ainsi habiter sur une bande côtière de 100 kilomètres au cours des prochaines années.
a rappelé que le rôle des maires en matière d'urbanisme procède d'une délégation de l'Etat : il s'agit en effet d'une compétence déconcentrée mais non décentralisée. Les politiques d'urbanisation sont donc théoriquement mises en oeuvre au niveau local sous un contrôle particulièrement strict de l'Etat. Celui-ci doit donc assumer la plénitude de ses responsabilités tout en veillant à conseiller les collectivités territoriales dans leurs prises de décision. Par ailleurs, il pourrait être envisagé d'associer avantageusement l'Etat à la définition des schémas de cohérence territoriale (SCOT). En revanche, le transfert aux intercommunalités de la compétence des communes en matière de droit de l'urbanisme n'apparaît pas opportun.
a ensuite évoqué le double rôle de l'Etat, dans l'instruction en amont et dans le contrôle de légalité en aval, ce dernier étant réalisé par échantillonnage.
est convenu que la coexistence ces deux fonctions ainsi que le mode de contrôle par simple échantillon pouvaient créer une difficulté. Mais il a souligné que l'urbanisme était un domaine sur lequel les citoyens exerçaient une particulière vigilance.
s'est interrogé sur la possibilité de transférer aux intercommunalités ou aux départements la compétence de délivrance des permis de construire, ainsi que sur l'opportunité pour l'Etat d'abandonner son rôle d'instructeur au profit d'un recentrage sur le contrôle de légalité.
a observé que les intercommunalités développent de fait une compétence en matière de droit de l'urbanisme. Sans leur confier la responsabilité de la délivrance des permis de construire, il pourrait être envisagé d'accroître leurs missions de conseil aux communes, au moins à titre facultatif.
En conclusion, il s'est félicité de la démarche de la mission d'information du Sénat sur les conséquences de la tempête Xynthia, qui a contribué, notamment par son déplacement en Charente-Maritime et en Vendée, à l'apaisement de la relation entre les pouvoirs publics et les sinistrés. En outre, il a fait état de deux attentes quant aux travaux de la mission : une analyse précise des événements, d'une part, et des préconisations utiles pour l'avenir, d'autre part.
Puis la mission a procédé à l'audition de M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur la qualité de l'alerte météo transmise aux maires et sur les actions entreprises par la préfecture avant le passage de la tempête Xynthia, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a indiqué que l'insuffisance de la culture du risque en France métropolitaine avait été pénalisante dans la phase d'alerte, mais que le bulletin envoyé par Météo France, par sa précision sur le niveau de surcote, avait permis aux services préfectoraux de réagir rapidement : ainsi, une cellule de crise a été réunie dès le 27 février à 22 heures, tandis qu'une cellule opérationnelle était installée dès minuit. Il a précisé que cinq messages d'alerte avaient été envoyés à chaque maire par plusieurs moyens de communication, mais que ceux-ci étaient restés lettre morte dans certaines communes, comme à La Faute-sur-Mer. Dans ce cadre, il a souligné qu'aucun maire n'avait sollicité l'appui de la préfecture pour organiser l'évacuation des populations dans les zones menacées d'inondation, mais que cette mesure pourrait être prévue à l'avenir ; il a estimé qu'une évacuation ne pouvait pas être improvisée et qu'il était nécessaire d'anticiper les modalités de sa mise en oeuvre en l'intégrant aux plans communaux de sauvegarde (PCS), qui devraient alors délimiter des « zones de repli » permettant de protéger les populations évacuées. Il a en outre fait valoir que, en tout état de cause, aucune évacuation n'aurait pu être menée au cours de la tempête, c'est-à-dire de nuit et avec des vents de plus de 130 km/h, puisqu'une telle décision aurait mis en danger la vie des personnes évacuées et des sauveteurs.
En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a indiqué que, parmi les 69 communes vendéennes qui devraient être couvertes par un PCS, 49 (dont les communes de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer) étaient dépourvues d'un tel document, ce qui avait poussé la préfecture à leur adresser un courrier le 12 mars 2010 afin de leur proposer son soutien dans l'élaboration de ce plan.
À Mme Nicole Bonnefoy, qui rappelait que M. Dominique Bussereau avait déclaré, lors de son audition par la mission, que des évacuations avaient été réalisées en Charente-Maritime sur instruction du préfet, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a répondu qu'il n'était arrivé en Vendée que depuis treize jours au moment du passage de la tempête et que s'il avait eu une plus grande connaissance des lieux (notamment la situation de la « cuvette » de La Faute-sur-Mer, dont il a considéré qu'elle était scandaleusement lotie), il se serait rapproché du maire de La Faute-sur-Mer en vue de procéder à une évacuation.
Interrogé par M. Dominique de Legge sur le contenu exact du message d'alerte envoyé par Météo France, M. Jean-Jacques Brot a rappelé que la tempête Xynthia avait fait l'objet d'une alerte rouge, ce qui signalait son caractère exceptionnel, et qu'elle avait été largement annoncée par les médias, si bien que les populations et les élus locaux avaient été parfaitement informés de la gravité de l'évènement ; dès lors, il a jugé que les maires des communes exposées à des risques d'inondation forts auraient dû tirer les conséquences de cette alerte en contactant la préfecture pour organiser, en amont, la gestion de la tempête.
En réponse à une remarque de Mme Gisèle Gautier, qui s'étonnait de l'absence de communication entre les préfets de Charente-Maritime et de Vendée, M. Jean-Jacques Brot a exposé que ces deux départements appartenaient à deux régions différentes et que les préfectures avaient dû agir dans l'urgence, ce qui expliquait qu'elles ne se soient pas concertées sur les mesures à prendre pour faire face à la violence de la tempête. Plus précisément, il a rappelé que la préfecture de Vendée, en l'absence de PCS comportant des plans d'évacuation et de demandes particulières des communes, n'avait pas pu évacuer les populations menacées.
a jugé que les questions relatives à la culture du risque, d'une part, et à la modélisation des risques complexes, comme les risques de submersion marine qui imposent de croiser plusieurs éléments et de modéliser l'impact de phénomènes maritimes sur la côte, d'autre part, devraient être traitées par la mission, qui serait amenée à formuler des propositions sur ces thèmes.
a marqué son accord avec ces propos et a estimé que la tempête Xynthia devait inciter les communes littorales à modéliser des plans d'évacuation et mettre en place des actions de préparation (entraînements, exercices...) afin de renforcer leur culture du risque.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur l'organisation des secours, M. Jean-Jacques Brot a déclaré avoir été impressionné par le professionnalisme, le dévouement et l'héroïsme de tous ceux qui avaient contribué aux sauvetages, malgré des problèmes matériels particulièrement graves : il a indiqué que les téléphones mobiles avaient connu des pannes lourdes, si bien que pendant douze heures, les services de secours n'avaient disposé que d'une seule ligne fixe ; toutefois, il a précisé que la zone de défense Ouest, basée à Rennes, ainsi que la direction de la sécurité civile, avaient apporté une aide précieuse aux secours vendéens.
a relevé que le problème de l'effondrement des réseaux de communication s'était également posé lors de la tempête Katrina à la Nouvelle-Orléans, et qu'il était nécessaire que la stratégie française de réponse aux crises intègre, à l'avenir, cet élément.
a rappelé que, lors de la visite de la mission au SDIS de Vendée, il avait été fait état de lourdes difficultés avec l'opérateur SFR, qui avait mis plusieurs jours à rétablir son réseau alors même que ce rétablissement était d'une importance capitale pour les services de secours, ce que M. Jean-Jacques Brot a confirmé ; elle a estimé que cette situation était aberrante et que la mission devrait faire état de ce problème dans son rapport.
Répondant à M. Bruno Retailleau, président, qui soulignait que l'urbanisation excessive du littoral avait contribué à alourdir le bilan de Xynthia, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a estimé que l'implantation de maisons dans des zones à risque découlait d'un insuffisant contrôle de l'État sur les actes délivrés par les communes en matière d'urbanisme et, partant, d'une application dévoyée de la décentralisation : à ce titre, il a rappelé que le Président de la République avait déclaré, dans son discours du 16 mars 2010, que les conséquences dramatiques de la tempête étaient le fruit non seulement d'évènements climatiques, mais aussi d'une accumulation de confusions. Ainsi, il a estimé que tous les acteurs impliqués dans la délivrance des autorisations d'urbanisme avaient été, à des degrés divers, complaisants et laxistes : à titre d'exemple, il a cité les procès-verbaux de la commission départementale des sites, celle-ci ayant approuvé, parfois à l'unanimité, la construction de lotissements exposés à des risques majeurs et totalement détruits par Xynthia. De même, il a affirmé que la loi « Littoral » n'avait pas été correctement appliquée, que des décisions avaient été prises au mépris du bon sens, et que l'occupation illégale du domaine public maritime de l'État avait été tolérée (à L'Aiguillon-sur-Mer, dans le secteur de La Pointe, 150 maisons ont ainsi été illégalement construites), ce qui est d'autant plus problématique que l'occupation illégale du domaine public maritime de l'État est prescrite au bout de trois ans. Dès lors, il a estimé que l'esprit de la décentralisation, qui impose qu'un dialogue franc et loyal se noue entre les représentants de l'État et les collectivités territoriales, n'avait pas été respecté, et que les responsabilités de chacun des acteurs (État, élus locaux, habitants...), qui seraient établies par la justice, étaient conjointes.
Interrogé par M. Alain Anziani, rapporteur, sur les actions entreprises par la préfecture lorsqu'elle avait constaté que le droit en vigueur était mal appliqué par les collectivités, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a indiqué que la mise en application anticipée du PPRI en juin 2007 dans les communes de L'Aiguillon-sur-Mer et de La Faute-sur-Mer avait permis de déférer une trentaine d'autorisations d'urbanisme, qui avaient toutes été censurées par le juge administratif ; il a toutefois déploré que ce sursaut ne soit intervenu que tardivement. En outre, il a regretté que les instruments dévolus aux représentants de l'État dans le cadre de leur mission de contrôle de légalité soient utilisés de manière très inégale, et que la fréquence du recours à ces outils dépende largement de la personnalité et du style des préfets en place ; de plus, il a estimé que cette application discontinue et inconstante du droit était une source d'incompréhension pour les élus locaux.
a rappelé qu'une très faible proportion des actes relatifs à l'urbanisme était finalement déférée au juge administratif (0,024 % en 2008) ; il s'est demandé si ce constat n'était pas lié au fait que les préfectures étaient « juge et partie », dans la mesure où elles étaient chargées à la fois de l'instruction des demandes de permis de construire pour le compte des petites communes, et de l'exercice du contrôle de légalité.
a estimé que ce constat du faible nombre de déférés préfectoraux à l'échelle nationale était affligeant. Il a fait valoir que l'Etat devait avoir un dialogue loyal avec les collectivités territoriales mais qui puisse, le cas échéant, déboucher sur un contentieux. Il a considéré que les préfets devaient privilégier l'exigence républicaine consistant à faire respecter le droit, en n'hésitant pas à déférer les actes apparemment illégaux. À cet égard, il a affirmé qu'il ne fallait considérer le contentieux comme un échec en soi, mais qu'il devait à l'inverse être assumé comme un moyen de faire respecter la loi. En outre, il a souligné que des directives orales incitant les préfets à exercer leur mission de contrôle de légalité avec moins de rigueur avaient été données par les membres de tous les gouvernements depuis plusieurs années, et que l'exercice du contrôle était complexifié par la révision générale des politiques publiques (RGPP), qui avait provoqué une diminution drastique et brutale des effectifs consacrés à cette tâche sans pour autant atténuer la responsabilité de la puissance publique qui peut, quelles que soient les conditions matérielles de mise en oeuvre du contrôle de légalité, être engagée en cas de faute lourde. Il a estimé que, en réponse à cette baisse de moyens, les préfectures seraient contraintes de mieux hiérarchiser leurs priorités et qu'il serait souhaitable qu'elles contrôlent en priorité les actes ayant un impact sur la sécurité des personnes et des biens. Enfin, il a jugé que la dualité de fonctions des services de l'Etat, souvent chargés de contrôler des autorisations d'urbanisme dont ils avaient eux-mêmes réalisé l'instruction, posait un réel problème dont le législateur devait se saisir en interdisant aux services de l'État d'intervenir dans l'instruction des demandes de permis.
En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, sur le renforcement de l'effectivité des plans de prévention des risques (PPR), M. Jean-Jacques Brot, préfet de Vendée, a émis le souhait que l'adoption des PPR soit encadrée dans un délai raisonnable à l'expiration duquel le préfet pourrait, sous le contrôle du juge, les mettre en application ; dans ce contexte, il a rappelé que, en neuf ans, quatre projets de PPR avaient été préparés pour les communes de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon-sur-Mer, mais qu'aucun document n'avait été adopté. En outre, concernant l'évaluation de l'aléa, il a estimé que les services de l'État devaient, à l'avenir, mieux tenir compte des données historiques et géographiques dont ils disposaient et des évolutions climatiques probables ; il a précisé que cette méthode avait été employée par le ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer (MEEDDM) pour la délimitation des « zones noires », et que des éléments de terrain, comme l'état des digues, avaient également été pris en compte.
Ayant fait état de la diversité d'appellation des zones exposées à de forts risques de submersion marine, celles-ci étant nommées alternativement « zones noires » ou « zones de solidarité », M. Bruno Retailleau, président, a rappelé que M. Dominique Bussereau avait affirmé devant la mission d'information que les experts nationaux en charge du zonage avaient fait preuve d'amateurisme et que le choix des préfectures de département n'était peut-être pas le plus pertinent pour gérer la question des « zones mortelles ».
Ayant relevé que M. Dominique Bussereau, en sa qualité de secrétaire d'Etat chargé des transports, était présent à la réunion du 1er avril 2010, au cours de laquelle les cartographies des « zones noires » avaient été approuvées par le gouvernement, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a rappelé que les zonages avaient été établis par les préfectures, mais en fonction de critères figurant dans une circulaire du 18 mars 2010 et fixés par l'administration centrale. Il a indiqué que, sur la base de cette circulaire, une première cartographie avait été élaborée par les préfectures et qu'elle avait ensuite été affinée, au cours de visioconférences successives, par un jeu itératif entre les experts nationaux, les cabinets des ministères compétents et les services préfectoraux ; à ce titre, il a précisé que, dans la cartographie définie pour la Vendée au tout début du processus, les « zones noires » étaient sensiblement plus étendues que dans la version finale du gouvernement. Il a estimé que les délais impartis pour élaborer ce zonage, bien que courts, avaient été suffisants dans la mesure où, en Vendée, seules deux communes étaient concernées, et où leurs caractéristiques en termes de risques étaient parfaitement connues des services de l'État grâce au long travail de préparation des PPRI qui avait été mené depuis 2001. En outre, il a indiqué que chacune des 915 habitations classées en « zone noire » n'avait pas été visitée en amont de la définition de la cartographie, et que les conseils municipaux n'avaient pas été formellement consultés.
En réponse à M. Alain Anziani, rapporteur, qui soulignait que la rapidité avec laquelle le processus de délimitation des « zones noires » avait été mené avait suscité l'incompréhension des habitants, et qui s'interrogeait sur le nombre de demandes d'acquisition amiable reçues par la préfecture, M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a rappelé que le classement en « zone noire » permettait aux propriétaires concernés de bénéficier d'un système d'indemnisation exceptionnellement favorable et sans précédent en France. En outre, il a indiqué que les évaluateurs du service des Domaines avaient reçu 613 personnes désireuses de recourir à la procédure d'indemnisation amiable, qu'ils avaient procédé à 109 évaluations et qu'ils devraient en avoir mené 138 d'ici la fin de la semaine en cours ; sur ce terrain, il a souligné que les premières acquisitions seraient actées dans la semaine à venir et qu'elles seraient définitives dès la fin du mois de juin.
Interrogé par M. Bruno Retailleau, président, sur les critères de définition des « zones de solidarité », M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a souligné que l'État s'était attaché à délimiter des zones homogènes afin d'éviter le mitage urbain. De plus, il a indiqué que les périmètres ainsi définis n'étaient pas intangibles et que des modifications à la marge pourraient être opérées, ainsi qu'en témoignait la mise en place de « délégués de solidarité » envoyés sur le terrain par le Premier ministre pour examiner les cas litigieux. Il a estimé que les zones d'expropriation finalement retenues devraient tenir compte des observations formulées par les élus locaux et des conclusions des commissaires-enquêteurs chargés de mener l'enquête publique préalable à toute expropriation et que ces enquêtes publiques devaient être lancées rapidement, simultanément dans les deux départements de Vendée et de Charente-Maritime, et dans une période où les résidents secondaires pourraient faire valoir leur point-de-vue : il a donc envisagé que la phase d'expropriation débute dès le mois de juillet, sous réserve que ce calendrier convienne à la préfecture de Charente-Maritime. Ayant indiqué qu'il ne disposait pas encore d'instructions gouvernementales sur le déroulement de cette phase, il a déclaré que, selon lui, il était logique que les enquêtes parcellaires dont la mise en place a été annoncée par le Premier ministre soient organisées pendant l'enquête publique. De plus, il a estimé nécessaire que plusieurs enquêtes publiques soient mises en oeuvre, chaque « zone noire » étant couverte par une enquête séparée, afin qu'une éventuelle annulation contentieuse de la déclaration d'utilité publique sur un secteur n'entraîne pas mécaniquement l'annulation de l'intégralité de la procédure.
En réponse à une question de M. Bruno Retailleau, président, qui l'interrogeait sur le rôle exact des « délégués à la solidarité », M. Jean-Jacques Brot, préfet de Vendée, a indiqué que ces délégués étaient chargés de réexpliquer le processus de définition des « zones noires » aux sinistrés et de prendre note des cas les plus complexes afin que ceux-ci soient réexaminés avant la délimitation du périmètre d'enquête publique.
Concernant le plan « Digues », M. Jean-Jacques Brot, préfet de la Vendée, a émis le souhait que l'État prenne un rôle central dans la gestion des ouvrages de protection ; à titre personnel, il s'est déclaré favorable à une gestion des digues par l'Etat. En tout état de cause, il a estimé que les expériences étrangères récentes, et notamment le mouvement de « dépolderisation » qui est à l'oeuvre aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, devraient être pris en compte, et que l'État devrait s'attacher à éviter que les digues ne soient utilisées à des fins de spéculation immobilière.
a fait valoir que l'information sur le zonage établi était essentielle. Il a jugé nécessaire que le dossier soit solide juridiquement et souhaité que l'indemnisation des sinistrés soit rapide et équitable. Il a estimé que, si cet objectif était rempli, les expropriations seraient peu contestées devant le juge administratif.
a marqué son accord avec ces déclarations ; il a en outre estimé judicieux d'organiser des enquêtes publiques séparées.