Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 16 juillet 2008 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • alain le roy
  • barcelone
  • méditerranée
  • secrétariat
  • sommet

La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Alain Le Roy, ambassadeur chargé du projet d'Union pour la Méditerranée (UpM).

Accueillant M. Alain Le Roy, M. Josselin de Rohan, président, s'est tout d'abord réjoui de sa récente nomination au poste de Secrétaire général adjoint des Nations unies en charge des opérations de maintien de la paix. Il a également fait observer que, grâce à l'initiative du Président de la République, la quasi-totalité des chefs d'Etat de la Méditerranée s'était rendue à Paris. L'avenir dira si ce succès est durable.

Debut de section - Permalien
Alain Le Roy

s'est lui aussi félicité de ce que la France ait mené cette initiative au succès et ait su rassembler autant de chefs d'Etat et de gouvernement. Il a rappelé que, lors de la célébration des dix ans du processus de Barcelone, en 2005, seul Mahmoud Abbas, parmi les gouvernants arabes, avait fait le déplacement à Barcelone. La réalisation, difficile, de cette réunion a pu être menée à bien par l'accord entre la Chancelière Angela Merkel et le Président Nicolas Sarkozy, le 3 mars, à Hanovre. Quarante-trois chefs d'Etat ou de gouvernement, sur quarante-quatre, étaient présents ou représentés au plus haut niveau. Le Roi de Jordanie était représenté par son Premier ministre et le Roi du Maroc par son frère. Seul le Colonel Kadhafi n'était ni présent, ni représenté. L'adoption du projet de déclaration fut très complexe en raison, notamment, de divergences entre Israël et l'Autorité palestinienne, en particulier sur le paragraphe relatif au processus de paix. Le siège du secrétariat de l'Union pour la Méditerranée sera déterminé lors de la réunion ministérielle des 3 et 4 novembre 2008 à Marseille.

a ensuite indiqué les trois « valeurs ajoutées » de l'UpM par rapport au processus de Barcelone. En premier lieu, une volonté politique au plus haut niveau et pérenne. L'impulsion politique donnée au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement sera en effet renouvelée lors de sommets prévus tous les deux ans. En second lieu, le mode de gouvernance a été profondément modifié pour aboutir à une gouvernance partagée, avec notamment une coprésidence Nord-Sud, France et Egypte pour commencer, et un secrétariat également paritaire. Enfin, M. Alain Le Roy a évoqué l'élaboration de projets concrets pour créer des « solidarités de fait », selon l'expression chère à Jean Monnet : la dépollution de la Méditerranée ; des autoroutes de la mer, un plan solaire méditerranéen ; une coopération renforcée en matière de protection civile ; une coopération euro-méditerranéenne renforcée en matière universitaire méditerranéenne et, enfin, la création d'une agence de développement des PME.

a ensuite évoqué les dynamiques engendrées lors du sommet. La première est d'ordre politique et est à porter au crédit de la diplomatie française à laquelle les participants ont rendu hommage. La seconde dynamique est à chercher du côté des entreprises. Plus de 1 000 entreprises de toute la Méditerranée étaient présentes le 3 juin, à Marseille, à l'initiative de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) et 3 000 entreprises méditerranéennes étaient réunies, les 3 et 4 juillet, toujours à Marseille, à l'initiative du MEDEF. Enfin, la troisième dynamique est celle des collectivités territoriales méditerranéennes, dont plus d'une centaine ont montré leur vif intérêt pour le projet lors d'un forum organisé à Marseille les 22 et 23 juin, à l'initiative de la région PACA et de la ville de Marseille. Ces trois dynamiques contribuent fortement à renforcer la pérennité du projet. La prochaine étape sera la réunion des ministres des affaires étrangères euro-méditerranéens des 3 et 4 novembre prochain, à Marseille. Elle coordonnera les résultats des autres réunions ministérielles et aura à préciser les mandats des institutions et du secrétariat de l'UpM. Pour le choix du siège du secrétariat, trois pays sont en lice depuis plusieurs semaines, la Tunisie, le Maroc, et Malte ; les villes de Barcelone et de Marseille viennent d'ajouter leur candidature.

a conclu en indiquant qu'il s'agissait d'une initiative audacieuse qu'il appartenait désormais à son successeur, l'ambassadeur Serge Telle, de continuer. L'impulsion est donnée pour de nombreuses années, a-t-il espéré. Il s'agit d'une ambition économique : le développement de la région Méditerranée ; mais aussi d'une ambition politique, afin que l'Europe joue un rôle plus important dans cette région stratégique.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

a interrogé M. Alain Le Roy sur la façon dont l'administration américaine considérait cette initiative et sur son financement. En réponse, M. Alain Le Roy a indiqué que l'administration américaine avait lancé une initiative en 2004, dénommée BMENA (Broadder Middle East and North Africa Initiative) et qu'elle paraissait consciente des limites de cette initiative. L'administration américaine a compris que l'Union pour la Méditerranée aurait aussi pour effet de stabiliser la rive sud de la Méditerranée et l'a donc vue avec sympathie. S'agissant du financement, il a précisé que les crédits européens attendus n'avaient qu'une importance relative, une nouvelle donne budgétaire européenne ne pouvant intervenir qu'en 2013. De nombreuses autres sources de financement sont disponibles. La Banque européenne pour l'investissement s'impliquerait à hauteur de huit milliards d'euros pour la période 2007-2013, de même que s'investiraient la Banque africaine de développement, la Banque mondiale et, bien sûr, les agences européennes de coopération, dont l'Agence française de développement et la KfW allemande. De même, l'Algérie a fait connaître son souhait de participer financièrement, voire d'entrer au capital de l'agence pour les PME. Enfin, des financements proviendraient probablement du secteur privé à travers des partenariats public-privé et les pays du Golfe, en particulier le Qatar, se sont montrés très intéressés par l'initiative.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

a déclaré que ce sommet avait montré la place importante qu'occupe notre pays en Méditerranée et que l'avenir trancherait sur sa destinée. En dépit des retrouvailles syro-libanaises, qu'il faut porter au crédit du sommet de Paris, il a regretté que certains dossiers lourds n'aient pas été évoqués, comme l'impasse au Sahara occidental. En outre, la déclaration ne mentionne pas le droit des Palestiniens à avoir un Etat. Il a souhaité que l'on tire davantage les leçons de l'échec du processus de Barcelone et regretté que le lien établi à Barcelone entre développement économique et démocratie politique ait été abandonné. Il a encore regretté que n'aient pas été évoquées, à Paris, les atteintes aux libertés et aux Droits de l'Homme.

Debut de section - Permalien
Alain Le Roy

En réponse, M. Alain Le Roy a indiqué que les problèmes politiques n'avaient pas été évacués, même si un nouvel accent est mis sur les aspects économiques et le développement. La déclaration finale souligne les efforts à accomplir sur les questions politiques, mais l'idée sous-jacente est de ne pas attendre la résolution des conflits pour lancer des projets afin d'améliorer le sort des populations. En outre, le fait que l'Union européenne se réinvestisse dans la Méditerranée va avoir inévitablement des conséquences au plan politique. L'annonce du prochain établissement de relations diplomatiques entre le Liban et la Syrie peut être considérée comme faisant déjà partie des acquis politiques. La déclaration fait référence à celles de la réunion ministérielle euro-Méditerranée de Lisbonne, en novembre 2007, et au processus d'Annapolis qui visent explicitement la création rapide d'un Etat palestinien souverain, viable et démocratique. Enfin, il a contesté la non-prise en compte des Droits de l'Homme. Le document final mentionne les efforts à accomplir par tous dans ce domaine et fait référence à la déclaration de Barcelone de 1995, qui est très claire sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de André Rouvière

a souhaité savoir sous quelle forme se concrétise l'engagement des pays participants, si des fonctionnaires participent au secrétariat général, et si la France prévoit un budget pour le fonctionnement des institutions. Enfin, il a demandé s'il y avait des raisons données au refus du colonel Kadhafi de venir à Paris.

Debut de section - Permalien
Alain Le Roy

En réponse, M. Alain Le Roy a précisé que l'engagement avait pris non pas la forme d'un traité, mais d'une déclaration, comme cela avait été le cas à Barcelone. Les quatre pays absents lors de la déclaration de Barcelone, mais signataires de la déclaration de l'Union pour la Méditerranée (Croatie, Bosnie, Montenegro et Monaco), se sont du reste engagés à reprendre « l'acquis de Barcelone ». Le budget du secrétariat devrait être apporté, à parts égales, par la Commission européenne et par les Etats participants. Ce budget est destiné à financer essentiellement des expertises. S'agissant du colonel Kadhafi, M. Alain Le Roy a indiqué qu'il l'avait rencontré personnellement à Syrte, en janvier, et que celui-ci lui avait fait part de son raisonnement. Le colonel Kadhafi a décidé que la Libye ne participerait pas à l'Union pour la Méditerranée, pour les mêmes raisons qu'elle n'avait pas participé au processus de Barcelone, jugeant ce processus déséquilibré, avec, du côté de la rive sud, les seuls pays riverains, et, du côté de la rive nord, l'ensemble de l'Union européenne. Il aurait souhaité que l'accord porte sur l'ensemble des pays de l'Afrique. Il a estimé, en outre, que la rive « asiatique » de la Méditerranée n'avait pas à être impliquée dans cette initiative. Enfin, il a réitéré son refus de principe de s'asseoir à la même table que les Israéliens, non pour des raisons tenant au caractère juif de cet Etat, mais parce que cet Etat occupe illégalement une terre appartenant à d'autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

a félicité M. Alain Le Roy et fait remarquer que même la presse britannique avait salué le succès de l'initiative.

Debut de section - Permalien
Alain Le Roy

En réponse, M. Alain Le Roy a indiqué que les diplomates britanniques étaient au départ sceptiques sur l'initiative, mais qu'ils avaient néanmoins soutenu le projet dès lors qu'ils avaient compris que celui-ci n'avait pas vocation à offrir un substitut à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

s'est interrogé sur la réaction de la Turquie. En réponse, M. Alain Le Roy a précisé qu'il avait fallu préciser plusieurs fois que l'Union pour la Méditerranée ne constituait pas un substitut à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. La déclaration de Rome, adoptée conjointement par l'Italie, la France et l'Espagne le 20 décembre 2007, était du reste parfaitement claire de ce point de vue. Il a également souligné que le vote du Sénat dans la réforme constitutionnelle en cours, de même que l'appel téléphonique personnel du Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, à son homologue turc, avaient fortement contribué à décider celui-ci à participer en personne au sommet.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

a estimé que le temps serait le meilleur juge du succès ou de l'insuccès de cette initiative. Il a questionné M. Alain Le Roy sur l'existence d'une initiative similaire « Grand Est », dont la Suède et la Pologne seraient à l'origine. Il s'est demandé si l'on n'était pas en train de « détricoter » l'Union européenne.

Debut de section - Permalien
Alain Le Roy

En réponse, M. Alain Le Roy a rappelé l'argumentaire développé par la Chancelière Angela Merkel, à savoir qu'il faut, quand l'Europe s'occupe de ses voisins, qu'elle le fasse à 27. Si l'initiative « Union de l'Europe orientale » devait voir le jour, il vaudrait mieux que les 27 Etats membres s'en occupent, plutôt qu'uniquement les pays frontaliers.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

En conclusion, M. Josselin de Rohan, président, a déclaré que l'Union pour la Méditerranée était un pari et que son succès dépendrait de la volonté de tous les participants de dépasser les clivages. On pouvait être fier que la France en soit à l'origine.