Mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer

Réunion du 8 avril 2009 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • DOM
  • TVA
  • guyane
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  • octroi de mer
  • outre-mer
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La réunion

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La mission a procédé à l'audition de M. Patrick Besse, directeur de l'institut d'émission des départements d'outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

a rappelé que l'Institut d'émission des départements d'outre-mer (IEDOM) avait notamment la charge, pour le compte et sous l'autorité de la Banque de France, de la mise en oeuvre des missions de banque centrale dans ces départements et qu'il assurait également un rôle plus général d'observation de leurs économies, en particulier un suivi précis de la situation budgétaire des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

a souhaité disposer d'une analyse des recettes et des dépenses de fonctionnement de chaque strate de collectivités (communes, intercommunalités, départements et régions), avec leurs spécificités, notamment en matière d'octroi de mer ou de dépenses de personnel et d'aide sociale, ainsi que de leurs dépenses d'investissements et de leur niveau d'endettement.

Debut de section - Permalien
Patrick Besse, directeur de l'institut d'émission des départements d'outre-mer

a en premier lieu relevé le poids du secteur public, au sens large, dans les économies locales, évalué à 30 % à 35 % de la valeur ajoutée, les emplois publics représentant 25 % à 30 % des emplois totaux.

Il a ensuite évoqué les spécificités de la fiscalité applicable outre-mer :

- la fiscalité sur les produits pétroliers y est différente, puisque la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) est remplacée par une taxe spéciale sur les carburants dont le produit bénéficie non pas à l'Etat mais aux collectivités locales, principalement à la région ;

- un droit de consommation sur les tabacs abonde les recettes des départements ;

- l'octroi de mer touche à la fois les produits importés et certains produits locaux et représente une part importante des recettes fiscales des collectivités, entre 40 % et 50 % de celles des communes, 27 % et 44 % de celles des régions et 25 % de celles du département de la Guyane, seul département à en percevoir une partie. Son taux varie de 7 % à 12 % selon les communes et le taux régional est plafonné à 2,5 % ;

- la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) fonctionne comme en métropole, mais avec des taux inférieurs : 0 % en Guyane, 8,5 % pour le taux normal dans les autres DOM et 2,1 % pour le taux réduit.

a dressé par la suite un tableau de la situation financière des collectivités locales dans les différents DOM sur la base des comptes administratifs de 2006 :

- en Guadeloupe, la région connaît globalement une situation satisfaisante, malgré une dette importante ; les recettes sont en augmentation sensible et les dépenses sont maîtrisées, si bien que l'autofinancement est élevé. Le département, comme l'ensemble de ses homologues d'outre-mer et de métropole, est dans une situation moins favorable, du fait des transferts de compétences importants de la part de l'Etat, notamment dans le domaine social ; or, ces transferts sont souvent mal compensés. Outre-mer, ces transferts pèsent d'autant plus que la population y est plus jeune et en situation plus défavorisée. Les recettes et les dépenses de fonctionnement augmentent sérieusement, mais la gestion est maîtrisée et la dette limitée. En ce qui concerne les communes, il est important de relativiser l'intérêt des agrégats, car les situations sont très diverses. Pour autant, M. Patrick Besse a indiqué que, si les recettes progressaient, les dépenses de fonctionnement augmentaient parallèlement très fortement sous la pression, en particulier, des charges de personnel ; enfin, en dépit de la progression de la dette des communes, son niveau était bas ;

- en Guyane, les collectivités sont dans une situation beaucoup moins favorable. Pour le conseil régional, la faiblesse relative de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et l'importance d'une population jeune pèsent sur les comptes et posent des problèmes de financement. Le conseil général est également dans une situation financière tendue, avec un taux d'endettement élevé et de forts investissements. Les communes guyanaises voient leurs recettes, notamment fiscales, progresser et les charges de fonctionnement rester raisonnables, à l'exception des dépenses de personnel ; la capacité d'autofinancement des communes est limitée et leur dette élevée, et plusieurs d'entre elles sont sous le contrôle du préfet et de la chambre régionale des comptes ;

- en Martinique, le conseil régional connaît une très bonne situation financière, avec une capacité d'autofinancement importante. Le département est de son côté dans une situation plus dégradée, puisque ses charges augmentent plus vite que ses produits et que sa dette progresse fortement. Les communes sont également sous tension, avec une réduction de leur capacité d'autofinancement : les recettes de fonctionnement sont stables, alors que les charges, notamment de personnel, progressent ;

- à La Réunion, les charges de fonctionnement du conseil régional sont contenues et les recettes progressent, mais un risque financier existe pour l'avenir. Le conseil général, sous la pression des transferts de compétences, a vu ses recettes et ses charges de fonctionnement doubler en quelques années, avec un recours à l'emprunt important, lié à des dépenses d'investissement elles-mêmes soutenues. Pour les communes, la capacité d'autofinancement est bonne malgré des investissements en hausse, mais la part des dépenses de personnel atteint 60 % ; la dette reste à un niveau raisonnable.

Après avoir présenté l'endettement global des collectivités des DOM, qui a progressé en 2006-2007 plus rapidement qu'en métropole, M. Patrick Besse a commenté une série de comparaisons des principaux agrégats financiers exprimés en euros par habitant des collectivités des DOM et de métropole :

- les régions d'outre-mer connaissent des dépenses doubles par rapport à celles des régions de métropole, soit 848 € par habitant contre 420 € en moyenne en 2006 ; cela résulte notamment de l'importance des dépenses d'équipement, qui s'élèvent en moyenne à 375 € par habitant pour les conseils régionaux d'outre-mer, contre 52 € dans l'hexagone ; leur dette se situe en revanche à des niveaux très proches ;

- pour les conseils généraux, les dépenses sont également plus importantes outre-mer, au total 1559 € par habitant contre 1059 € en moyenne en métropole ; cet écart s'explique principalement par le niveau des aides sociales : 911 € par habitant contre 468 € en métropole ; la dette départementale est plus élevée outre-mer et le taux d'épargne plus faible ;

- enfin, pour les communes, les dépenses sont à un niveau plus élevé qu'en métropole, mais l'écart est moins fort que pour les conseils généraux.

Interrogé par M. Eric Doligé, rapporteur, M. Patrick Besse a indiqué qu'il était difficile d'isoler dans les comptes des collectivités territoriales les concours européens, même si l'on disposait des montants globaux dans la programmation pluriannuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

a estimé, d'une part, qu'il fallait prendre garde aux comparaisons, notamment en raison des différences de périmètres dans les compétences exercées par les collectivités d'outre-mer et celles de métropole, et que, d'autre part, il convenait de prendre la mesure des spécificités de chaque DOM. M. Serge Larcher, président, a confirmé que la mission disposerait d'informations et de chiffres plus précis durant ses déplacements.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

Estimant que l'établissement de moyennes statistiques pouvait être pertinent en métropole du fait de l'étendue des échantillons, M. Bernard Frimat s'est dit dubitatif sur leur signification pour l'outre-mer du fait de la disparité des situations. Il a d'ailleurs indiqué qu'on avait trop tendance à aborder la question de l'outre-mer en termes de moyennes. Approuvant ce propos, M. Eric Doligé, rapporteur, a relevé que le rôle de la mission était justement d'expliquer les écarts et leurs justifications.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

est alors revenu sur plusieurs points de la présentation en s'interrogeant sur la faiblesse de la DGF de la Guyane, alors que les réformes adoptées en 2004 et 2005 avaient créé au sein de la dotation une part liée à la superficie du territoire, sur l'impact de la surrémunération de 40 % dans le niveau élevé des dépenses de personnel des collectivités d'outre-mer et sur l'effet de ciseau que connaissent les collectivités, avec des dépenses de fonctionnement qui augmentent plus vite que les produits. Il a observé que le niveau élevé de l'investissement s'expliquait en partie par la situation géographique et météorologique des DOM : le fait d'être en zone tropicale humide entraîne un renouvellement plus fréquent des investissements du fait de l'usure accéléré des matériaux ; les risques sismiques et les risques cycloniques alourdissent les contraintes techniques sur les équipements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

s'est rallié à l'observation du rapporteur sur le défaut de pertinence des comparaisons et sur la diversité de situation des territoires. Il a cité en exemple la commune de Saint-Laurent du Maroni qui avait connu une augmentation exceptionnelle de sa population (78 %) lors du dernier recensement, ce qui était certainement unique en France.

Il s'est à son tour interrogé sur l'incidence de la prime de vie chère de 40 % sur les budgets locaux et a observé que le degré de titularisation des personnels, très différent d'une capitale régionale à l'autre, avait également une incidence directe et forte sur les budgets locaux. Il a précisé que le conseil régional de Guyane avait décidé de développer des partenariats public-privé, ce qui avait pour effet de modifier la répartition comptable entre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissement en majorant les premières.

Il a ensuite expliqué que l'attribution d'une part de l'octroi de mer au département de la Guyane résultait d'une décision de l'Etat pour résorber les difficultés financières ponctuelles mais que l'Etat n'avait pas compensé cette perte de recettes pour la région et les communes, soit 27 millions d'euros en 2008. Enfin, concernant la part de la DGF liée au critère de la superficie du territoire, il a regretté l'existence de deux freins à sa juste application : d'une part, son plafonnement pour les communes de Guyane et, d'autre part, le fait qu'elle s'élève à 3,12 € par hectare, comme partout en métropole, sauf dans les zones de montagne où elle est majorée à 5,19 €.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

a déploré le quiproquo né de l'acte II de la décentralisation, les transferts de compétences n'ayant pas été accompagnés des transferts financiers suffisants comme le prévoyait pourtant la révision constitutionnelle. Saluant le travail et le rôle de l'IEDOM, il a souhaité obtenir des statistiques plus récentes et insisté sur le nécessaire travail d'analyse que la mission devrait effectuer sur les perspectives financières des collectivités territoriales. Il a également indiqué que, de son point de vue, le bilan financier des partenariats public-privé devait être regardé avec attention, car ils avaient pour effet de décaler dans le temps la charge des dépenses effectuées tout en majorant celles-ci des marges enregistrées par les financeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

a enfin souhaité que soit effectuée une analyse de l'évolution des valeurs locatives.

La mission a ensuite procédé à l'audition de M. Jérôme Fournel, directeur général des douanes et des droits indirects et de Mme Anne Cornet, chef du bureau de la fiscalité, des transports et des politiques fiscales communautaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

a rappelé en préambule l'importance des ressources fiscales indirectes, notamment de l'octroi de mer, dans les budgets des collectivités territoriales des départements d'outre-mer (DOM).

Debut de section - Permalien
Jérôme Fournel

a tout d'abord indiqué que, au-delà de l'octroi de mer, la compétence de la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) s'exerçait sur d'autres taxes, portant sur les carburants et sur le tabac, qui constituent également des ressources importantes pour les collectivités territoriales des DOM.

Revenant sur l'historique de l'octroi de mer, il a souligné que cet impôt visait initialement un objectif de protection douanière des productions locales et que ce n'était que tardivement, à partir des années 1980, puis avec la réforme de 2004, que sa justification avait évolué. Il a relevé que, sous la pression de l'Union européenne, l'octroi de mer était devenu une imposition portant à la fois sur les biens importés et sur les productions locales, mais que des exonérations spécifiques permettaient de conserver son caractère protecteur des économies domiennes. Il a signalé que cette évolution résultait d'un « durcissement » de la position de l'Union européenne, exigeant des listes plus limitatives de produits exonérés et un encadrement plus strict des modulations de taux.

a par ailleurs fait remarquer que l'accès de Mayotte au statut de DOM poserait, à moyen terme, la question de l'avenir de l'octroi de mer, cet impôt pouvant soit être étendu à cette collectivité soit laisser place à un régime fiscal alternatif. Il a en outre déclaré qu'il n'entrait pas dans les compétences de la DGDDI de juger de l'efficacité économique du dispositif de l'octroi de mer ni de la pertinence des secteurs exonérés.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Doligé

a jugé intéressant de faire un point sur l'octroi de mer, à mi-chemin de la période d'application du régime issu de la loi de 2004. Il s'est interrogé sur les pistes d'évolution envisagées, en lien avec Bruxelles, ainsi que sur les effets de l'octroi de mer sur le niveau des prix et son impact sur la préservation des productions locales exonérées.

Debut de section - Permalien
Jérôme Fournel

a relevé que, à la différence de la TVA, l'octroi de mer ne pesait que sur les marchandises, non sur les services, et qu'il ne constituait donc pas un impôt général sur l'activité économique. Il a estimé que le produit de l'octroi de mer en 2008, 1,36 milliard d'euros, était considérable et serait difficile à remplacer par une autre imposition et a jugé que l'alternative la plus pertinente à l'octroi de mer serait une hausse de la TVA, alternative qui se heurtait néanmoins à plusieurs problèmes : d'une part, l'absence de TVA en Guyane ; d'autre part, le risque de renchérissement du prix des services de proximité. Il a rappelé que le produit de la TVA outre-mer s'élevait à environ 900 millions d'euros en 2008. Il a par ailleurs estimé qu'il serait plus facile d'obtenir de la Commission européenne le maintien du régime de l'octroi de mer que l'adaptation à l'outre-mer du régime de la TVA. Enfin, il a affirmé qu'aucun élément probant ne permettait de conclure au caractère inflationniste de l'octroi de mer et que, par conséquent, le maintien du régime actuel paraissait la solution la plus pertinente.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

est convenue de ce que la complexité de l'adaptation des réglementations européennes à l'outre-mer plaidait pour un maintien en l'état de l'octroi de mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Virapoullé

a constaté qu'un consensus se dégageait pour le maintien du régime de l'octroi de mer. Il s'est interrogé sur l'inclusion ou non de l'octroi de mer dans le prix sur lequel les commerçants calculaient leur marge, ainsi que sur l'existence d'une directive européenne spécifique relative à l'application de la TVA outre-mer.

Debut de section - Permalien
Jérôme Fournel

a rappelé qu'un régime de TVA particulier était effectivement applicable outre-mer mais que cela n'impliquait pas la possibilité de l'aménager librement. Il a relevé que la Commission européenne encadrait strictement la possibilité pour les régions de moduler les taux de taxe intérieure sur les produits pétroliers.

Debut de section - Permalien
Anne Cornet

a précisé que l'octroi de mer s'imputait sur la valeur du produit déclaré en douane, ce qui ne permettait pas de contrôler les marges appliquées par le distributeur final du produit. Elle a ajouté que les exonérations protectrices des productions locales n'avaient pas eu d'effet négatif sur les flux commerciaux ou la concurrence, ce qui constituait un argument pour le maintien de ces exonérations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

s'est félicité du travail des douanes en Guyane. Il s'est toutefois interrogé sur le dispositif douanier prévu pour le futur pont reliant la Guyane au Brésil et, plus largement, sur les moyens humains disponibles. Concernant l'octroi de mer, il a rappelé que Mme Anne Bolliet avait, la veille, conclu à l'absence d'impact de l'octroi de mer sur l'augmentation des prix. Enfin, il s'est interrogé sur la faisabilité d'une taxation spécifique des services en outre-mer ainsi que sur celle des satellites en Guyane.

Debut de section - Permalien
Jérôme Fournel

a jugé que, techniquement, ces taxations étaient envisageables et, concernant les satellites, que le problème était davantage politique que technique. Il a par ailleurs souligné que la DGDDI s'investissait pleinement dans la modernisation de l'organisation des douanes. Il a annoncé que vingt à vingt-cinq douaniers seraient affectés au bureau des douanes du pont reliant la Guyane au Brésil. Il s'est félicité de l'efficacité des nouvelles méthodes de contrôle ciblé de la douane, qui avaient permis d'atteindre un montant record de redressements en 2008. Enfin, il a jugé que l'application de la TVA en Guyane était techniquement possible mais qu'elle serait complexe à mettre en oeuvre.

Debut de section - Permalien
Anne Cornet

a précisé que l'octroi de mer était recouvré selon deux modalités : d'une part, l'octroi de mer externe, assis sur la déclaration en douane et, d'autre part, l'octroi de mer interne, portant sur les déclarations trimestrielles des entreprises, dispositif nécessairement plus coûteux pour l'administration fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

En réponse à Mme Catherine Procaccia, qui cherchait une justification à une mention figurant sur une facture d'eau relative à l'octroi de mer, M. Jean-Etienne Antoinette a expliqué que cette ligne devait correspondre à l'impôt applicable aux produits introduits dans l'eau pour assurer sa potabilité.

Debut de section - Permalien
Jérôme Fournel

Sollicité par M. Serge Larcher, président, sur les alternatives envisageables à l'octroi de mer, M. Jérôme Fournel a estimé que l'alternative la plus crédible était une hausse de TVA mais a rappelé qu'une telle hausse serait nécessairement très lourde si elle devait produire un montant équivalent à celui de l'octroi de mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Payet

s'est interrogée sur deux points : la possibilité d'expérimenter la TVA sociale dans les DOM et la légitimité des justifications avancées concernant les spécificités ultramarines en matière de taxes sur le tabac.

Debut de section - Permalien
Jérôme Fournel

Concernant la TVA sociale dont l'objectif est la réduction des charges sociales sans pertes de recettes pour rendre l'emploi plus attractif, M. Jérôme Fournel a souligné le risque d'une répercussion violente sur le niveau des prix. Il a par ailleurs rappelé que le monopole de distribution du tabac visait initialement à lutter contre la contrebande, l'objectif de santé publique n'étant apparu que dans un second temps. Jugeant que la fraude en cette matière n'était pas aujourd'hui un sujet majeur outre-mer, il a toutefois reconnu qu'un encadrement plus strict des ventes pouvait être envisagé ainsi qu'une modulation de la fiscalité applicable.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

a relevé que le remplacement de l'octroi de mer par la TVA pouvait être une idée séduisante, mais que la TVA ne pourrait, comme lui, constituer un outil de la politique de développement économique. Tout en récusant l'idée de l'impact inflationniste de l'octroi de mer, aucune étude n'ayant permis d'étayer cette thèse, il s'est interrogé sur la possibilité de placer l'intégralité de l'octroi de mer sous le régime de la déclaration afin de réduire la tentation, pour les distributeurs, d'inclure l'impôt dans l'assiette utilisée pour le calcul de leur marge.

Du fait du jeu des anticipations et des rattrapages qui joue un grand rôle en matière économique, M. Jérôme Fournel a exprimé son scepticisme sur la possibilité de « leurrer » les acteurs économiques en modifiant les modalités d'application de l'octroi de mer pour le rendre invisible et l'extraire de la chaîne de formation des prix. En outre, il a estimé qu'il fallait prendre garde à ne pas compliquer à l'excès les circuits de perception de l'impôt.

Puis la mission a procédé à l'audition de Mme Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général, président de chambre à la Cour des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

Après avoir rappelé que la mission commune d'information souhaitait s'intéresser à la situation budgétaire, comptable et financière des collectivités territoriales ultramarines, M. Serge Larcher, président, a indiqué que, outre l'audition des présidents des chambres régionales des comptes programmée lors des déplacements de la mission, cette dernière avait jugé utile d'entendre la Cour des comptes afin d'obtenir un éclairage global sur la situation des collectivités territoriales des quatre départements d'outre-mer.

Debut de section - Permalien
Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général, président de chambre à la Cour des comptes

Après avoir indiqué qu'elle serait le porte-voix des présidents des deux chambres régionales des comptes des départements d'outre-mer (Guadeloupe-Guyane-Martinique et Réunion), la Cour des comptes n'exerçant aucune compétence directe sur les collectivités territoriales d'outre-mer, Mme Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général, président de chambre à la Cour des comptes, a relevé que la Cour des comptes évoquait régulièrement l'outre-mer dans le cadre de son rapport public, mais aussi lors des travaux menés en commun avec les chambres régionales des comptes de ces départements, à la manière de l'évaluation lancée cette année sur la situation des collectivités territoriales ultramarines.

S'agissant des difficultés rencontrées outre-mer, elle a relevé certains éléments communs aux départements français d'Amérique (DFA) et à La Réunion, comme des charges de fonctionnement par habitant plus élevées qu'en métropole, notamment les charges de personnel, du fait des régimes spécifiques de rémunération et de politiques locales de recrutement plus ambitieuses. Elle a souligné par ailleurs la faiblesse relative de l'autofinancement et du niveau d'emprunt par habitant, cette dernière caractéristique étant liée à la double réticence des banques à prêter aux collectivités territoriales en difficulté et des collectivités elles-mêmes à recourir à l'emprunt.

a ensuite évoqué plus précisément les situations locales. S'agissant des DFA, elle a salué l'amélioration progressive de la situation, malgré quelques difficultés persistantes, notant en particulier la situation difficile des quatre grandes agglomérations de ces départements (Fort-de-France, Pointe-à-Pitre, Basse-Terre, Cayenne). Elle a souligné la situation financière saine de la région Martinique, l'amélioration de la situation de la région Guadeloupe, et relevé que la région Guyane faisait aujourd'hui l'objet d'une procédure de vigilance.

S'agissant de La Réunion, elle a souligné la vulnérabilité de la situation des vingt-quatre communes, du fait notamment de l'absence d'autofinancement : tous les programmes d'investissement connaissent ainsi aujourd'hui des difficultés.

Plus globalement, elle a fait part de son inquiétude quant à l'évolution de la situation des collectivités territoriales ultramarines sous l'emprise de la crise économique, avec une augmentation, comme en métropole, des dépenses d'aide sociale et une diminution des recettes fiscales (notamment la taxe professionnelle et l'octroi de mer). Elle a également observé que le protocole de sortie de crise conduirait en Guadeloupe à de moindres recettes et à des charges supplémentaires pour les collectivités territoriales.

S'agissant du contrôle budgétaire, Mme Claire Bazy-Malaurie a salué l'amélioration de la situation dans les DFA, notant que les saisines des chambres régionales des comptes connaissaient une nette décrue depuis 2003, la juridiction de Guadeloupe-Guyane-Martinique demeurant cependant la première juridiction française pour le nombre de saisines (20 % du nombre de saisines). S'agissant des travaux d'audits, elle a souligné la récurrence de certaines observations formulées par la chambre, telles que le défaut de fiabilité ou de transparence des comptes, mais aussi le manquement des collectivités à leurs obligations sociales ou fiscales, ou encore les retards dans la production des comptes, des amendes étant régulièrement prononcées.

S'agissant de La Réunion, elle a relevé un nombre de saisines comparable à la métropole et un taux satisfaisant de suivi des observations de la chambre.

Après avoir salué la bonne coopération des chambres avec les services de l'Etat dans les départements d'outre-mer, Mme Claire Bazy-Malaurie a noté que les relations étaient parfois crispées avec les élus locaux, les chambres n'ayant pas le pouvoir de demander à l'Etat d'intervenir en soutien pour rétablir l'équilibre financier des collectivités territoriales rencontrant des difficultés.

S'agissant des solutions recherchées pour améliorer la situation financière des collectivités territoriales ultramarines, elle a évoqué l'audit en cours, par les chambres régionales des comptes, du dispositif mis en place entre l'Etat et l'Agence française de développement (AFD) afin d'enclencher des mécanismes plus vertueux de redressement financier. Elle a indiqué que les présidents des deux chambres régionales soulignaient par ailleurs les besoins importants en matière d'encadrement et de soutien à la formation à la maîtrise de la gestion, d'importantes marges de progrès existant en effet en matière d'application des règles budgétaires et comptables.

s'est également inquiétée de la capacité des collectivités ultramarines à faire face à des investissements importants, notamment en matière d'environnement et de déchets.

Elle a enfin souligné qu'une des difficultés en matière de contrôle était liée au fait que la Cour des comptes était compétente pour contrôler l'administration centrale et les établissements nationaux tandis que les chambres régionales des comptes exerçaient leur compétence sur les collectivités territoriales. Afin de réaliser les contrôles nécessaires, des montages administratifs complexes doivent donc être mis en oeuvre, à l'image de l'enquête lancée sur la situation des collectivités territoriales pour laquelle les chambres régionales des comptes s'appuient sur la Cour des comptes. Les compétences séparées de la Cour et des chambres constituent ainsi aujourd'hui un carcan, une solution étant la mise à disposition croisée, sujet qui pourrait être évoqué dans le cadre du projet de réforme de la Cour.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

En réponse à une question de M. Serge Larcher, président, Mme Claire Bazy-Malaurie a souligné la diversité des situations des conseils généraux des départements d'outre-mer, ceux-ci étant par ailleurs confrontés, comme ceux de métropole, à l'augmentation des transferts de solidarité et à une diminution des ressources fiscales.

a regretté que la compensation des différents transferts de compétences réalisés par l'Etat ne soit pas toujours assurée, conduisant les collectivités à recourir à l'emprunt. Il a également rappelé le rôle de « buvard social » des communes, résultant de la forte proportion d'emplois publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

a souligné que la comparaison de la situation des collectivités territoriales ultramarines avec celles de la métropole devait être nuancée, relevant qu'elles n'étaient pas soumises aux mêmes contraintes du fait de taux de chômage différents. Il a relevé que ces contraintes variaient d'un département à l'autre, la quasi-totalité des agents publics territoriaux bénéficiant de la surrémunération en Guadeloupe, contre une minorité à la Réunion.

Debut de section - Permalien
Claire Bazy-Malaurie, rapporteur général, président de chambre à la Cour des comptes

a confirmé que les collectivités territoriales ultramarines n'avaient souvent pas les moyens de faire face à certaines obligations, comme en matière d'environnement, et a rappelé que le protocole de sortie de crise en Martinique comprenait l'application de la surrémunération aux agents publics, ce qui devrait aggraver la situation des collectivités territoriales de ce département.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

a souligné à son tour le poids des obligations qui pèseraient à l'avenir sur les collectivités territoriales ultramarines en matière de déchets ou d'assainissement. Il a également souligné les difficultés auxquelles se trouvaient confrontées des collectivités guyanaises, dans l'incapacité de réaliser certains investissements comme la construction de groupes scolaires supplémentaires, du fait des frais de fonctionnement induits, et qui risquaient ainsi de se voir infliger des pénalités.

La mission a enfin procédé à l'audition de MM. Edward Jossa, directeur général des collectivités locales et Frédéric Iannucci, chef du service des collectivités locales à la direction générale des finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

a rappelé que la mission commune d'information avait notamment souhaité s'intéresser à la situation budgétaire et financière des collectivités territoriales des DOM et qu'il lui avait paru utile, dans ce cadre, d'entendre conjointement des représentants de la direction générale des collectivités locales (DGCL) et de la direction générale des finances publiques (DGFiP).

Debut de section - Permalien
Edward Jossa

a tout d'abord rappelé que le secrétariat d'Etat à l'outre-mer était pilote sur la question des finances des collectivités territoriales ultramarines, la DGCL n'intervenant qu'en second. Il a dressé un tableau des principales difficultés budgétaires rencontrées par les collectivités territoriales des DOM : faiblesse de la fiscalité directe locale perçue sur les ménages, corrigée par l'octroi de mer et les taxes sur les carburants ; moindre capacité de modulation des taux qu'en métropole ; dépenses par habitant plus élevées que dans l'hexagone. Il a parallèlement souligné l'importance des besoins résultant notamment du dynamisme démographique des DOM et a évoqué le haut niveau des dépenses de personnel. Enfin, il s'est inquiété de la situation de l'emploi dans les DOM, qui implique d'importantes dépenses sociales pour les collectivités territoriales, tout en observant que le niveau de compensation par l'Etat des dépenses de RMI était en proportion similaire à celui observé en métropole.

a constaté que les collectivités disposaient dès lors de marges insuffisantes à consacrer à l'investissement et que deux d'entre elles devaient en particulier être surveillées : la Guyane, en raison de son dynamisme démographique et du retard qu'elle connaissait en matière d'investissement public, et Mayotte, dont la départementalisation constituait un sujet de préoccupation. Il a dressé un bilan positif de l'application du dispositif Cocarde de soutien aux collectivités en situation financière difficile et jugé que les efforts devaient prioritairement porter sur la mobilisation de la ressource fiscale locale.

Sur la question des spécificités des dotations de l'Etat aux collectivités territoriales des DOM, il a rappelé, concernant les communes, que plusieurs évolutions de la dotation forfaitaire avaient bénéficié aux DOM : réévaluations en 1993 et en 2000, introduction d'une part superficiaire plafonnée en 2005 et dispositif spécifique pour les communes situées dans des parcs naturels en 2006. Il a également observé que, en matière de dotations de péréquation, l'outre-mer bénéficiait de quotes-parts égales au rapport, majoré de 33 %, entre leur population et celle de la métropole, ce qui leur était très favorable. Concernant les départements, il a indiqué qu'ils bénéficiaient d'un ratio égal à deux fois leur rapport démographique avec la métropole, majoré de 10 %, et que ce ratio était porté au triple du rapport démographique avec l'hexagone pour les dotations aux régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

a confirmé la nécessité d'accroître les ressources fiscales mais a jugé qu'un traitement spécifique de l'outre-mer en matière de dotations de l'Etat se justifiait, en particulier en raison de l'obligation de rémunérer davantage les fonctionnaires territoriaux et des risques naturels majeurs auxquels l'outre-mer était soumis. Il a reconnu l'importance des effectifs de fonctionnaires et estimé que l'Etat pourrait soutenir les collectivités territoriales en proposant des exonérations de cotisations sociales, en contrepartie de l'engagement des communes de limiter les recrutements. Il s'est par ailleurs fait l'écho des présidents de conseils généraux des DOM, qui déplorent la sous-compensation des transferts de compétence ainsi que les retards de versement de ces compensations. Enfin, il est convenu que la Guyane faisait face à une situation difficile, notamment en matière d'équipements scolaires, en raison de son accroissement démographique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

En réponse à M. Jean-Etienne Antoinette, qui s'était étonné de la contradiction apparente entre la diminution de la DGF par habitant de Guyane, dont avait fait état le directeur de l'Institution d'émission des DOM, et les déclarations de M. Edward Jossa, ce dernier a rappelé que l'augmentation de DGF de Guyane qu'il avait évoquée s'entendait en valeur absolue.

a également déploré la différence de traitement entre les intercommunalités de métropole et celles des DOM en matière de dotation globale d'équipement et rappelé que l'accroissement démographique en Guyane appelait, pour les collectivités territoriales, des mécanismes de solidarité nationale. Enfin, il a souligné que les communes ne recevaient aucune compensation de l'obligation légale qui leur était faite de majorer les rémunérations des fonctionnaires.

Debut de section - Permalien
Edward Jossa

a affirmé que les dotations de l'Etat avaient été calibrées pour répondre à l'ensemble de ces impératifs. Il a relevé que le taux d'augmentation de la DGF en Guyane était cette année très important, en lien avec le taux d'accroissement démographique. Enfin, il a observé que l'importance des effectifs de fonctionnaires était la preuve que les majorations de rémunérations ne constituaient pas, pour les collectivités territoriales, un obstacle au recrutement.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Larcher

a fait état des difficultés financières des collectivités territoriales des DOM qui rendaient plus difficiles qu'en métropole la nécessité d'assumer la sous-compensation par l'Etat des transferts de compétence.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Marsin

a jugé qu'un des objectifs de la mission commune d'information devait être de fournir des éléments objectifs de mesure de la situation des DOM, qui serviraient par la suite dans le cadre des Etats généraux, et pris pour exemple l'action efficace du gouvernement en matière de clarification des modalités de fixation des prix des carburants. Il est par ailleurs convenu que l'idée, parfois avancée trop rapidement, de supprimer l'octroi de mer, serait « une folie ».

Debut de section - Permalien
Frédéric Iannucci

a souligné que la DGFiP partageait les éclairages apportés par la Cour des comptes et par la DGCL. Il a jugé, en matière de recettes fiscales, que les marges de manoeuvre étaient faibles sur les taux, déjà élevés, mais qu'elles étaient en revanche importantes sur les bases, dont la détermination restait lacunaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Étienne Antoinette

s'est ému du fait que l'Agence française de développement et Dexia appliquent des taux d'intérêt plus élevés aux communes des DOM qu'à celles de métropole. Il a par ailleurs estimé que les services fiscaux avaient une part de responsabilité en matière d'identification des bases fiscales, rappelant que l'Etat avait été condamné à indemniser la Guyane pour des retards de mise à jour des matrices cadastrales.

Debut de section - Permalien
Frédéric Iannucci

Enfin, M. Frédéric Iannucci a relevé que les communes des DOM ne souffraient pas, globalement, d'un problème de surendettement mais d'une faible capacité de remboursement, ce que M. Edward Jossa a confirmé, ajoutant que les taux d'intérêt supportés par les communes avaient également beaucoup augmenté en métropole.