Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à des auditions sur la prise en compte de la dette publique dans les comptabilités nationales.
Elle a tout d'abord procédé à l'audition de MM. Paul Champsaur, président de l'Autorité de la statistique publique, et Jean-Philippe Cotis, directeur général de l'INSEE.
a exprimé ses interrogations sur la fiabilité des statistiques européennes en matière de finances publiques.
a indiqué qu'Eurostat, « clef de voûte » du système statistique européen, joue un double rôle d'impulsion et de régulation. Il est juge de l'exactitude des comptes des Etats membres. Il est actuellement très impliqué dans l'audit des finances publiques grecques.
s'est interrogé sur l'existence de règles communautaires harmonisées dans le domaine des finances publiques.
a indiqué que le règlement (CE) n° 2223/96 du conseil du 25 juin 1996 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté, dit « SEC 95 », permet aux Etats membres de disposer d'un référentiel commun. Les problèmes de la Grèce, dont les statistiques de finances publiques ont connu des révisions importantes en 2004 et en 2009, proviennent des insuffisances de sa comptabilité publique.
s'est interrogé sur la capacité d'Eurostat à porter un jugement pleinement informé sur la situation des finances publiques des Etats membres.
et M. Paul Champsaur, président de l'Autorité de la statistique publique, ont souligné que, si les experts d'Eurostat ont des conversations approfondies avec les comptables nationaux des Etats membres, ceux-ci s'appuient sur les données de la comptabilité publique, qu'Eurostat n'a pas de raison de remettre en cause si eux-mêmes n'expriment pas de doutes à leur sujet. Or, il est souvent difficile au comptable national de porter un jugement sur les données de la comptabilité publique sur lesquelles il se fonde.
a jugé « stupéfiant » que les comptabilités publiques diffèrent d'un Etat membre à l'autre.
a indiqué que la qualité de la comptabilité publique dépend en particulier des pouvoirs du Parlement en matière de contrôle des comptes publics. Par ailleurs, si les comptes de l'Etat sont en général bien tenus, cela est souvent plus problématique dans le cas des autres administrations publiques, comme les administrations publiques locales : collectivités territoriales en France, Länder en Allemagne, régions en Espagne.
a souligné que les difficultés spécifiques de la Grèce proviennent du fait que, avant les réformes en cours, les services statistiques étaient de fait sous le contrôle du Trésor, lui-même subordonné au pouvoir politique, et n'étaient donc pas indépendants.
a considéré que les critères d'admission dans la zone euro doivent comprendre l'existence d'un organe statistique fiable dans le pays candidat.
s'est demandé s'il est arrivé à Eurostat de valider des statistiques de finances publiques erronées émanant de la Grèce.
a indiqué que cela s'est effectivement produit en 2009.
s'est interrogé sur la capacité d'un Etat membre à dissimuler réellement à ses partenaires l'état de ses finances publiques.
a indiqué que, lorsqu'il était directeur général de l'INSEE, les relations avec les services statistiques grecs étaient plus compliquées qu'avec ceux des autres Etats membres. Cependant, il n'était alors pas possible d'affirmer avec certitude que les statistiques grecques étaient faussées. Par ailleurs, on ne considérait pas alors la fiabilité des données transmises par cet Etat comme un sujet important.
a souligné que la situation a changé, le manque de confiance dans les statistiques grecques pouvant avoir des conséquences pour l'ensemble de la zone euro.
a souligné qu'il ne s'est posé de réel problème que dans le cas de la Grèce, et que celui-ci provient des dysfonctionnements du système grec de comptabilité publique.
a rappelé la soulte de France Télécom, qui a permis de réduire optiquement le déficit de 0,45 point de produit intérieur brut (PIB) en 1997, alors que la France voulait se « qualifier » pour l'euro, mettant ainsi en péril les relations franco-allemandes.
a estimé que, à cette époque, Eurostat s'est efforcé de faire en sorte que les différentes opérations soient traitées de façon identique dans les grands Etats et que, de ce point de vue, le système a bien fonctionné.
a évoqué le recours de certains Etats, comme l'Italie, à la titrisation, pour alléger optiquement le poids de leur déficit.
a indiqué que les Etats utilisent deux grands procédés pour améliorer la présentation de leurs comptes : changer le périmètre considéré, et modifier la répartition temporelle des recettes ou des dépenses.
a envisagé d'accroître le rôle des banques centrales indépendantes dans le domaine des statistiques relatives aux finances publiques.
a exprimé un certain scepticisme à cet égard, soulignant que, en revanche, les banques centrales jouent un rôle important dans le domaine des statistiques monétaires et financières.
a souligné que le rôle des banques centrales des Etats membres dans le domaine statistique est variable, celui de la banque centrale belge étant nettement plus important que celui de la Banque de France.
s'est interrogé sur les mesures à prendre afin que les problèmes de la Grèce ne se reproduisent pas.
ont, une nouvelle fois, souligné la nécessité de disposer d'une comptabilité publique fiable. Cela implique en particulier que les organismes chargés d'élaborer les statistiques soient indépendants du pouvoir politique. M. Paul Champsaur a rappelé que, lorsqu'il était directeur général de l'INSEE, il a consacré d'importants efforts à l'amélioration des comptes de la sécurité sociale.
s'est interrogé sur la qualité des organismes statistiques de certains Etats susceptibles de rejoindre la zone euro.
a estimé que le Parlement doit être le garant de la transparence de tous les comptes publics, et du bon fonctionnement des instituts statistiques. Lors de la récession de 1993, alors que la publication de certains chiffres pouvait être politiquement délicate, l'INSEE a fait l'objet de pressions, auxquelles il n'a pas cédé.
s'est demandé dans quelle mesure il est possible de faire pression sur un institut statistique, par exemple en réduisant ses effectifs.
a jugé que cela est théoriquement possible bien que, à sa connaissance, cela ne se soit pas produit. Par ailleurs, des gains de productivité considérables ont été réalisés dans le domaine statistique, grâce à l'informatique.
s'est interrogé sur la possibilité pour les instituts statistiques de calculer des provisions, en particulier en ce qui concerne les futures retraites des fonctionnaires.
a rappelé qu'il n'existe pas d'obligation de constituer ce type de dotation et considéré que le calcul de provisions, qui exige d'émettre certaines hypothèses, relève plus du domaine des études que de celui de la statistique.
a souligné que, si le rapport de la commission sur la mesure des performances économiques et du progrès social, remis en 2008 au Président de la République par MM. Joseph Stiglitz, Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi, recommande d'améliorer les mesures chiffrées relatives aux conditions environnementales, il juge excessivement difficile d'attribuer à l'environnement naturel une valeur monétaire.
a fait part de l'intention de la commission de réfléchir à la manière d'améliorer les statistiques du commerce international. Elle appréciera le concours de l'INSEE en ce domaine.
La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Benoît Coeuré, économiste en chef, directeur général adjoint de la direction générale du Trésor.
a demandé des précisions sur les conséquences de la crise grecque sur l'évolution du rôle d'Eurostat et la mise en oeuvre du principe d'indépendance des autorités statistiques nationales.
a souligné le caractère encore récent de l'Union économique et monétaire (UEM). Parmi les leçons à tirer de la situation des finances publiques grecques, il convient de retenir la mise en pratique imparfaite des règles communautaires. Dès 2004, Eurostat avait déjà demandé à la Grèce une révision de ses comptes et une réforme de l'autorité statistique. Le renforcement du pouvoir d'inspection et la demande de rapports annuels par Eurostat depuis 2009 sont la conséquence d'un durcissement de la jurisprudence européenne, notamment en matière de titrisation et de partenariat public-privé. En effet, la titrisation de créances de sécurité sociale n'est plus possible aujourd'hui. Pour autant, le procédé qui consiste pour un Etat à céder à une banque des droits sur des recettes futures peut présenter un intérêt économique, dans la mesure où il permet de disposer de ressources immédiates. Certains pays ont procédé de la sorte pour rendre liquides des recettes futures de loterie et d'impôts sur le revenu. Dans ce dernier cas, il s'agissait aussi pour l'administration fiscale belge d'améliorer le taux de collecte de l'impôt.
a mis en lumière le danger que de telles pratiques conduisent à réduire artificiellement le montant de la dette publique, estimant que le recours à la titrisation devrait suggérer que l'on entre dans une « période suspecte », annonciatrice d'une crise de la dette souveraine.
a considéré que les nouvelles règles statistiques, mises en place par Eurostat, limitent ce risque, citant l'INSEE qui a réintégré dans le montant de la dette publique les partenariats public-privé conclus en France pour la construction d'établissements pénitentiaires. La direction générale du Trésor estime que, dans certains cas, ces opérations financières peuvent présenter un intérêt économique, à condition qu'elles soient neutres sur le plan comptable et ne contribuent pas à diminuer optiquement la dette.
Il a souligné que la crise grecque révèle davantage un problème de gouvernance que de réglementation car, dès avant la crise, Eurostat avait procédé à plusieurs reprises à des « visites méthodologiques » auprès de l'institut de statistiques et du Trésor grecs. Estimant qu'il n'est pas du ressort de l'Europe de procéder à la certification de l'ensemble des comptes des pays ressortissants de l'Eurogroupe, il a appelé de ses voeux l'adoption rapide de la proposition de révision du règlement européen du 1er avril 2009 relatif à la statistique afin d'élargir le champ de compétences d'Eurostat aux comptes des administrations locales.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui s'est interrogé sur l'utilité d'élargir le contrôle de l'institut européen de statistiques aux prévisions de croissance présentées par les Etats membres, M. Benoît Coeuré a fait valoir que le travail de prévision relève du domaine des études économiques et non de la certification de comptes constatés. C'est ainsi que la notification des comptes certifiés de l'année précédente est de la responsabilité de l'INSEE alors que la présentation des comptes de l'année en cours est produite par la direction générale du Trésor.
a fait remarquer que l'INSEE émet également des prévisions sur des hypothèses de croissance.
a reconnu qu'un dialogue s'instaure entre ses services et ceux de l'INSEE mais que leurs prévisions respectives sont établies de manière indépendante. Il convient de distinguer les comptes certifiés par l'INSEE, qui sont audités par Eurostat, des prévisions présentées par le ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui sont examinées par la Commission européenne.
Revenant sur la situation de la France, jugée très favorable par les marchés financiers en raison de la qualité de sa signature, il a précisé que la direction générale du Trésor déconseille toute mise en oeuvre d'outils de titrisation. Il a admis que la soulte de France Telecom a pu être considérée, à l'époque, à juste titre, comme un « artifice comptable » et précisé qu'une telle opération ne pourrait plus se reproduire aujourd'hui.
a estimé nécessaire de garantir l'indépendance de la statistique vis-à-vis du pouvoir politique et a souhaité savoir si un travail de normalisation des comptes publics de l'Etat, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales est actuellement en cours.
a souligné que l'article 144 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, portant création de l'Autorité de la statistique publique, a constitué de ce point de vue un progrès notable. Le rattachement organique de l'INSEE au ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi n'est pas un obstacle à la sincérité, à l'indépendance et à la souveraineté de ses décisions.
En réponse à Mme Nicole Bricq qui s'est interrogée sur les conséquences des mesures prises par l'INSEE pour réintroduire certaines dépenses dans la dette publique, il a indiqué que la direction générale du Trésor prend acte des décisions souveraines de l'institut et les applique.
et Edmond Hervé ont fait observer que les partenariats publics-privés conclus pour la construction de gendarmeries ou d'hôpitaux devraient être comptabilisés dans la dette publique dès lors que l'INSEE a décidé d'y introduire les opérations sur les établissements pénitentiaires.
Revenant sur l'harmonisation des méthodes de travail des instituts statistiques nationaux, M. Benoît Coeuré a indiqué que l'INSEE respecte le système européen de comptes qui, lui-même, est la déclinaison du manuel de comptabilité nationale de l'Organisation des Nations-Unies. En revanche, il a mis en lumière l'absence de comptabilité patrimoniale au niveau européen, la France étant le seul pays à disposer d'un instrument de mesure de la dette financière de l'Etat ainsi que des éléments d'actif et de passif.
a souhaité savoir si le mauvais exemple grec a incité Eurostat à approfondir ses investigations sur d'autres pays à risque.
a insisté sur la distinction qui doit être opérée entre l'optimisation comptable, qui n'est pas forcément litigieuse, et les pratiques qui remettent en cause la sincérité des comptes, telles les modifications apportées aux comptes, l'absence d'indépendance des statisticiens et les problèmes de gouvernance constatés en Grèce. Il a jugé positive l'entrée d'un représentant d'Eurostat au conseil de surveillance de l'Institut grec de la statistique.
a jugé nécessaire de s'assurer de la qualité et de l'indépendance des statistiques produites par les pays candidats avant d'accueillir de nouveaux membres dans l'Eurogroupe.
a fait état d'un durcissement de la jurisprudence d'Eurostat, notamment dans l'utilisation des produits dérivés par les Etats tels que les échanges de devises. Il s'agit de parer à certaines pratiques « originales » mais répréhensibles, comme celle qui a consisté pour la Grèce à procéder à une conversion en euros de ses contrats militaires libellés en dollars à un taux différent du cours du marché, ce qui a eu pour effet de produire une recette immédiate de trésorerie, sous forme de soulte, aggravant économiquement la dette publique.
En réponse à M. Philippe Adnot qui s'est interrogé sur la nature des crédits non consomptibles du « grand emprunt », M. Benoît Coeuré a indiqué qu'il s'agit de fonds attribués aux opérateurs, mais conservés dans le compte unique du Trésor. Ces sommes ne seront décaissées que dans le cadre des décisions mises en oeuvre par le commissaire général à l'investissement. Il s'agit d'opérations financières qui n'impactent pas le déficit « maastrichtien ».
En réponse à Mme Nicole Bricq qui s'est interrogée sur la répartition et le fléchage des fonds destinés à la construction des grandes infrastructures, M. Benoît Coeuré a précisé que l'affectation budgétaire des crédits est différente de l'affectation financière. En ce qui concerne cette dernière, le financement du grand emprunt est assuré, pour 13 milliards d'euros, par le remboursement par les banques des fonds qui leur ont été prêtés, et pour les 22 milliards d'euros restants, par 9 milliards d'euros d'excédents du compte du Trésor au 31 décembre 2009 et 13 milliards d'euros émis sur les marchés financiers au moyen d'obligations assimilables du Trésor.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, il a indiqué que l'indépendance d'Eurostat par rapport à la Commission européenne n'est pas mise en cause par la tutelle administrative exercée par celle-ci, mais dépend avant tout des garanties apportées à la souveraineté de ses décisions. A cet égard, il a estimé transposable au niveau européen le dispositif français qui repose sur la présence conjointe d'une autorité de la statistique, qui a la qualité d'autorité administrative indépendante, et de l'INSEE, qui est une direction relevant du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.
S'agissant de l'intervention de la banque centrale dans l'examen de la sincérité des comptes publics des Etats membres, M. Benoît Coeuré n'a pas jugé pertinente l'implication d'une institution monétaire dans le processus budgétaire qui relève des autorités politiques.
Puis la commission a entendu M. Gallo Gueye, chef de l'unité C1 à la direction des comptes nationaux et européens d'Eurostat.
a souhaité connaître l'analyse d'Eurostat sur la crise grecque, notamment sur le constat selon lequel cet Etat membre a délibérément transmis à la Commission des données erronées sur sa situation budgétaire.
a rappelé qu'Eurostat intervient, dans le cadre de la procédure de déficit excessif, en application du règlement 479 du Conseil. La Commission européenne utilise des données transmises par les Etats membres, qu'elle assortit, le cas échéant, de réserves ou de corrections. En pratique, les Etats membres doivent transmettre deux fois par an à Eurostat leurs prévisions de déficit et de dette pour l'année en cours, ainsi que les chiffres du déficit et de la dette constatés l'année précédente et pour les trois années antérieures. Eurostat se consacre à ces données ex post, et procède à des vérifications sur pièces. L'office produit ensuite des communiqués de presse qui peuvent comporter des réserves, et peut redresser certains chiffres transmis par les Etats. Les Etats membres ont également l'obligation de transmettre un inventaire de leurs sources et méthodes statistiques. Eurostat mène des missions de dialogue pour mieux comprendre ces données et, si des difficultés surgissent, l'office procède à des visites méthodologiques. Ces visites ne consistent pas à contrôler l'exactitude des documents de comptabilité publique, ce dont Eurostat n'a pas le pouvoir, mais uniquement à vérifier la qualité du traitement statistique qui est fait de ces documents pour produire les données de comptabilité nationale.
A la demande de M. Jean Arthuis, président, M. Gallo Gueye a précisé qu'il existe une Cour des comptes en Grèce, mais que son organisation ne repose pas sur un maillage territorial aussi étoffé que celui des chambres régionales des comptes en France. Par ailleurs, l'application du principe de subsidiarité emporte pour conséquence que chaque Etat membre est responsable de la certification de ses propres comptes.
s'est interrogé sur la connaissance qu'avait Eurostat des pratiques grecques.
a rappelé que le rapport de la Commission a identifié un problème d'intégrité et d'indépendance des instituts statistiques grecques. Cela recouvre des problèmes méthodologiques, un manque de coopération entre les institutions chargées de produire ces statistiques et une identification insuffisante des responsabilités respectives desdites institutions. Ces éléments favorisent la manipulation des données. Eurostat connaissait ces manquements depuis 2004 et une procédure d'infraction avait été lancée contre la Grèce, en raison de certaines pratiques de sous-estimation des dettes. Ces pratiques, intéressant notamment les hôpitaux, consistaient à transférer de la dette vers des opérateurs non compris dans le champ des administrations publiques au sens du traité de Maastricht. Elles ont porté sur environ 710 millions d'euros. Un suivi a donc été opéré et, en 2007, la Commission a considéré que la Grèce avait apporté des garanties suffisantes pour que la procédure d'infraction soit close.
Cela ne signifie pas que les comptes grecs étaient exempts de toute défaillance. En 2010, une nouvelle procédure a été lancée contre cet Etat, portant à la fois sur la méthodologie, l'intégrité et l'indépendance des statistiques. Dans le prolongement de cette procédure, la Grèce a adopté le 4 mars 2010 une loi créant un nouvel institut statistique désormais indépendant du ministère des finances et rendant compte au Parlement.
Les révisions des statistiques grecques intervenues en 2004 et 2009 résultent, par exemple, du fait que les subventions européennes ont été enregistrées comme des recettes de l'Etat grec, mais que leurs versements aux bénéficiaires finals ont été comptabilisés en prêts et non en dépenses.
a souligné que le travail d'Eurostat repose sur une collaboration avec les opérateurs statistiques européens. Il est inévitable que des pratiques de contournement ou d'amélioration de la présentation des comptes se développent. Il existe néanmoins un comité des statistiques monétaires, financières et de la balance des paiements (CMFB) qui regroupe les statisticiens des instituts nationaux et des banques centrales. Il est consulté sur les cas les plus complexes.
s'est interrogé sur le rôle de la Cour des comptes européenne en la matière.
a rappelé que la Cour n'a pas vocation à intervenir directement dans le cadre de la procédure de déficit excessif et M. Jean Arthuis, président, a précisé que son rôle consiste à contrôler le bon emploi des fonds communautaires.
s'est demandé de quels pouvoirs supplémentaires Eurostat devrait disposer pour mieux remplir ses missions et si d'autres Etats membres sont susceptibles de connaître les mêmes difficultés que la Grèce.
a estimé que le cas grec est très spécifique, en raison de l'ampleur et de la fréquence des révisions opérées sur les statistiques de ce pays. Eurostat n'a pas connaissance de cas similaires ailleurs en Europe. Il est impossible d'empêcher un pays de réviser ses comptes de façon substantielle, mais on peut prévenir ces révisions et minimiser leur impact en édictant des principes généraux et en demandant aux Etats membres de communiquer très précocément au Conseil Ecofin les révisions envisagées.
a souhaité obtenir quelques exemples de la « créativité comptable » telle qu'elle est pratiquée par certains Etats membres et s'est interrogé sur l'état de mise en oeuvre des comptabilités patrimoniales au sein de l'Union européenne.
a cité des exemples de titrisations de recettes fiscales futures, toutefois circonscrites depuis qu'Eurostat a décidé de les comptabiliser en opérations financières. De même, les échanges de devises (swaps) permettent de diminuer la dette. On peut également comptabiliser les recettes fiscales en droits constatés plutôt qu'en comptabilité de caisse, ce qui permet de jouer sur les montants. L'ensemble de ces questions ont été traitées dans le cadre du CMFB (Comité des statistiques monétaires, financières et de la balance des paiements), mais il existera toujours des montages.
Eurostat aimerait pouvoir mieux contrôler les comptabilités publiques dans le cadre de ses visites méthodologiques. Il serait opportun de contraindre les Etats membres à mettre à disposition d'Eurostat des comptables nationaux dans le cadre de ces visites. De même, les Etats membres ne devraient pas pouvoir s'opposer à ce que leurs comptes soient vérifiés par Eurostat avec le concours de comptables d'autres Etats membres.
s'est interrogé sur la façon dont sont traitées les différences de doctrines comptables entre Etats membres.
a indiqué que les Etats membres peuvent saisir Eurostat en amont d'une opération qu'ils souhaitent réaliser, afin de savoir quel sera son traitement statistique. Sur les questions les plus complexes, telles que le recours aux swaps ou le classement de certaines activités en activités marchandes ou non marchandes, une procédure de consultation du CMFB est prévue par la réglementation européenne. Sur la base des conseils prodigués par le comité, Eurostat prend ensuite une décision qui a valeur de règle. Le système européen de comptes (SEC 95) est en cours de révision et l'intégralité des règles et jurisprudences existantes y seront consolidées.
En réponse aux remarques de M. Jean Arthuis, président, qui s'étonnait du caractère policé et en définitive peu opérant des remontrances adressées à la Grèce par la Commission, M. Edmond Hervé a fait observer qu'il s'agit là d'une constante du langage diplomatique.
a toutefois fait valoir que la Grèce a reçu des instructions fortes et que le Conseil européen des 25 et 26 mars 2010 a affirmé la nécessité d'accroître les pouvoirs de la Commission dans le suivi des comptes des Etats membres.
a objecté que tous les Etats membres ne souscriront pas nécessairement à l'élargissement des prérogatives de la Commission.
a cité l'exemple de la sous-estimation des dépenses d'équipement militaire grecques, prétendument motivée par des impératifs de confidentialité, avant de s'interroger sur l'existence de telles pratiques en France.
a salué l'excellence des relations d'Eurostat avec l'INSEE, dont l'expertise est reconnue au niveau international. La coopération et l'amélioration des statistiques est d'intérêt général pour l'Union. Un plan d'action est prévu pour aider la Grèce à fiabiliser ses données.
En réponse à M. Jean Arthuis, président, qui a souhaité savoir si Eurostat est consulté dans le processus d'adhésion de la Croatie, M. Gallo Gueye a confirmé que les chapitres de négociation incluent une adaptation des procédures et données statistiques sur laquelle Eurostat donne son avis.
A la demande de M. Jean Arthuis, président, M. Gallo Gueye a ensuite précisé que le statut de la Société de financement de l'économie française (SFEF) a été examiné par Eurostat et une consultation du CMFB a été menée. Eurostat a ensuite décidé que la SFEF devait être exclue du champ des administrations publiques, compte tenu des caractéristiques de son activité et des modalités de son contrôle. S'agissant plus généralement des pratiques en matière d'engagements hors-bilan, un durcissement des règles européennes est aujourd'hui envisagé.
Il a ensuite décrit l'organisation administrative d'Eurostat, qui emploie entre 800 et 1 000 agents, dont 15 sont affectés à l'unité de contrôle de la procédure de déficit excessif et 10 supervisent la qualité des statistiques gouvernementales. L'agence ne dispose plus de correspondants nationaux et collabore directement avec ses homologues dans chaque Etat membre.
a estimé que le nombre d'agents chargés de suivre les comptes nationaux est très faible et que les moyens d'Eurostat ne sont pas à la hauteur des ambitions du pacte de stabilité et de croissance.
a souscrit à la nécessité de disposer d'effectifs supplémentaires en faveur de ces missions et a précisé qu'une équipe de cinquante personnes serait mieux dimensionnée. Les redéploiements sont toutefois malaisés à opérer, car le suivi des comptes nationaux requiert des compétences techniques de très haut niveau.
A la demande de M. Pierre Bernard-Reymond, M. Gallo Gueye a précisé que les dettes des systèmes de pension sans constitution de réserve sont exclues des comptes nationaux et aussi de la dette « maastrichtienne ». Une information complémentaire est toutefois délivrée sur ces engagements hors bilan.
Enfin, la commission a autorisé la publication, sous la forme d'un rapport d'information, des travaux de M. Jean Arthuis, président, sur la prise en compte de la dette publique dans les comptabilités nationales.