La commission examine le rapport d'information de M. Michel Houel, rapporteur, sur l'impact de la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration.
Comme vous le savez peut-être, je suis membre du comité de suivi qui s'est mis en place au moment de l'entrée en vigueur du taux réduit de TVA dans la restauration et qui a pour mission de vérifier le respect des engagements du contrat d'avenir pour la restauration. Je travaille donc sur ce thème depuis plusieurs mois maintenant. Et en juin dernier, M. Hervé Novelli m'a demandé d'établir un rapport officiel sur l'impact de la baisse de la TVA dans ce secteur et de le lui remettre d'ici au 1er novembre prochain. J'ai trouvé le principe d'un tel rapport pertinent, mais, en tant que président du groupe « artisanat et services » et membre de la Commission de l'économie du Sénat, il m'a semblé que ce bilan trouvait tout naturellement sa place dans le cadre du travail de contrôle du Parlement. C'est pourquoi j'ai choisi de m'appuyer sur le groupe « artisanat et services » pour réaliser les auditions nécessaires et pour rassembler les informations règlementaires et statistiques utiles.
Je ne m'étendrai pas sur le contexte assez vivement discuté qui, depuis les origines, entoure cette mesure. La semaine dernière encore, un rapport très médiatisé du Conseil des prélèvements obligatoires est revenu sur le sujet pour dresser un bilan critique de la réduction du taux de TVA et préconiser sa suppression, en mettant en avant le coût important de la mesure (3 milliards d'euros aux dires du Conseil) et son effet incertain sur l'emploi.
Autant le dire tout de suite, j'estime que, si toutes les conclusions de la Cour des comptes ne sont pas infondées, certaines d'entre elles reposent sur une analyse des faits trop partielle, tandis que d'autres me semblent excessives. Rien n'est dit par exemple, dans ce rapport, au sujet des avancées conventionnelles qui ont eu lieu ces derniers mois entre les partenaires sociaux du secteur et qui aboutissent à des revalorisations salariales de l'ordre de 1 milliard d'euros en année pleine. 1 milliard d'euros de plus pour les salariés : ce n'est pas rien, que je sache !
Je ne dirais certainement pas que le bilan de la réduction du taux de TVA dans la restauration est parfait, mais, chiffres à l'appui, je voudrais montrer qu'il est bien meilleur qu'on le prétend souvent. L'observation minutieuse des faits montre en effet que l'impact positif de cette mesure n'a cessé de s'amplifier au fil du temps. Les constats décevants qui ont été dressés, sans doute à juste titre, dans les tout premiers mois d'application du taux réduit, me semblent donc, aujourd'hui, en grande partie obsolètes.
Comme le disait Bergson, nous devons bien attendre que le morceau de sucre fonde. Je crois que cette maxime s'applique à tous ceux qui souhaitent évaluer l'action publique. L'évaluation est bien entendu indispensable, mais elle doit laisser à une politique le temps de développer ses effets et aux informations le temps de remonter du terrain. Vouloir conclure trop vite, s'empresser de mettre fin à une expérience avant d'être en mesure d'estimer vraiment son impact, me paraît tout aussi peu souhaitable que de maintenir un dispositif inapproprié simplement parce que l'on n'aurait pas le courage de se désavouer. Je suis donc pour l'évaluation, mais contre l'acharnement et l'instabilité législative.
Pour ma part, plutôt que la suppression du taux réduit de TVA, je préconiserai plutôt la prolongation de cette mesure pendant trois ou cinq ans, de manière à tirer des conclusions sans ambiguïté sur ses effets. Cette stabilité du droit me semble d'autant plus nécessaire que l'analyse des mécanismes économiques en jeu démontre que les effets d'un taux réduit de TVA dépendent des anticipations des entreprises quant à sa pérennité. Si les entreprises craignent une remise en cause rapide de la mesure (et à mon avis elles sont nombreuses à le craindre depuis un an), alors cette mesure ne produit pas entièrement ses effets positifs, mais engendre de nombreux comportements opportunistes et des effets d'aubaine.
J'en viens maintenant à l'examen des faits qui m'ont conduit à la conclusion que je viens d'énoncer. Je présente par avance mes excuses à ceux qui n'apprécient que modérément les statistiques et les données chiffrées, mais je ne crois pas qu'on puisse dresser un bilan sérieux des effets du taux réduit de TVA en en restant à quelques vagues impressions qualitatives. Après tout, la collectivité a dépensé 3 milliards d'euros dans cette politique. Donc c'est bien calculette à la main qu'on doit se demander où sont passés ces trois milliards -ou plutôt ces 2,4 milliards, car 600 millions d'euros d'aides à la restauration ont été supprimées en même temps que le taux réduit entrait en vigueur.
Comme vous le savez, le contrat d'avenir pour la restauration signé au printemps 2009 comporte 4 volets et c'est dans les 4 domaines ainsi visés, à savoir les prix à la consommation, l'emploi, les salaires et les résultats des entreprises qu'il faut vérifier si le compte y est.
Je commence par la question des prix.
Cette question vient naturellement en premier pour deux raisons. La première, c'est que, du point de vue de l'analyse économique, la baisse des prix est le point de départ du raisonnement. La réduction du taux de TVA est en effet censée permettre la baisse des prix à la consommation, ce qui doit conduire à un accroissement de l'activité des entreprises et in fine à des créations d'emplois. La deuxième raison, c'est que l'essentiel de l'attention de la presse s'est jusqu'à présent concentrée sur ce point. Par un effet de loupe propre aux médias, toute la question de la TVA dans la restauration a eu tendance à se réduire à la question des prix, avec cette idée fausse que ce qui n'était pas restitué aux consommateurs sous forme de baisse des prix allait forcément dans la poche des restaurateurs.
Avant de parler de l'ampleur et du rythme des baisses de prix constatées, il est cependant indispensable de se poser une question préalable : quelle était la baisse de prix attendue ? De combien les prix étaient-ils supposés baisser ? Cette question fondamentale, qui est moins simple à résoudre qu'elle en a l'air, a été trop souvent négligée, ce qui a créé beaucoup de confusion et généré une certaine déception dans l'opinion.
Si la TVA sur un produit baisse de 14,1 points, un calcul rapide conclut que le prix de ce produit peut baisser au maximum de 11,8 %. Partant de là, les médias et le public se sont attendus à voir baisser les prix dans la restauration de 11,8 %. Hélas, c'était un calcul faux qui a alimenté des attentes excessives. Car ce calcul trop rapide oublie un détail : à savoir que tous les produits vendus par le secteur HCR n'ont pas été concernés par la réduction de la TVA de 19,6 à 5,5 %. C'est ce que montre le tableau qui vous est présenté. Une partie du chiffre d'affaires de la restauration était déjà sous le régime des 5,5 % avant juillet 2009 ; il s'agit des ventes à emporter. Une autre partie reste encore aujourd'hui à 19,6 % : il s'agit des ventes d'alcool. Enfin, les ventes en franchise de TVA réalisées par les micro-entreprises ne sont pas non plus concernées. Au final, à peine plus de la moitié du chiffres d'affaires TTC de la restauration est concernée par la baisse de 14 points du taux de TVA.
Si on refait le calcul de départ en tenant compte de cette réalité, on trouve que les prix dans la restauration ne pouvaient mathématiquement pas baisser de plus de 7,5 %. Cette estimation est d'ailleurs très proche de celle réalisée par la Cour des comptes.
Ainsi, on est déjà passé de 11,8 à 7,5 %, mais les choses ne s'arrêtent pas là. En effet, l'objectif politique et économique de la baisse de TVA n'a jamais été une répercussion intégrale sur les prix TTC. L'idée était plutôt de « partager » cette baisse de TVA entre les différents objectifs : un tiers pour les prix, un tiers pour les salaires, un tiers pour le résultat d'exploitation.
Un tiers pour les prix, cela signifie donc une baisse des prix possible non pas de 11,8 %, ni même de 7,5 %, mais de 2,5 %, autrement dit le quart de ce que le public non spécialiste attendait.
J'examinerai plus loin la question de savoir si une baisse des prix de cette ampleur était suffisante pour enclencher une dynamique économique positive. Ma réponse est oui : - 2,5 %, cela suffit pour créer de l'activité et de l'emploi. Mais à ce stade, je tiens seulement à souligner que, pour être honnête, le bilan du volet « prix » ne doit pas être établi par rapport au chiffre sans fondement économique de - 11,8 % à la recherche duquel les médias sont partis et qu'ils n'ont bien sûr pas trouvé. C'est normal, car la cible qui était visée, c'était une réduction d'environ 2,5 % sur les prix de vente TTC, pas davantage. C'est donc par rapport à cette cible que le succès doit être évalué.
Je veux d'ailleurs souligner qu'indépendamment des clauses du contrat d'avenir et de la volonté politique affichée de partager également la baisse de TVA entre les prix, les salaires et l'excédent d'exploitation, les prix n'auraient de toutes manières vraisemblablement pas pu baisser dans des proportions plus importantes que ces 2,5 %, et ce pour au moins trois raisons :
- vu le contexte de crise économique dans lequel est intervenue la baisse du taux de TVA, les nombreuses entreprises en difficulté du secteur n'étaient pas en mesure de baisser leurs prix de vente TTC au-delà de 2,5 % ; leur priorité était plutôt de reconstituer leur trésorerie et de maintenir l'emploi ;
- 2ème raison : les anticipations de hausse du coût du travail par les entreprises du secteur constituent un obstacle à une répercussion intégrale sur les prix. En effet, le marché du travail de la restauration est caractérisé par une pénurie relative de l'offre de travail. Dans ces conditions, les entreprises savent que tout ajustement de leurs effectifs pour répondre à une hausse de la demande des consommateurs va se traduire presque mécaniquement par une aggravation de la pénurie relative de main-d'oeuvre et donc par une augmentation du coût du travail. Cela ne peut que les inciter à répercuter partiellement la réduction de la TVA sur les prix TTC, la partie non répercutée étant utilisée pour prendre en charge la hausse du coût du travail ;
- enfin, 3ème raison, l'ampleur de la baisse des prix suite à une réduction de TVA dépend du caractère plus ou moins concurrentiel d'un marché. Or, diverses observations suggèrent que le marché de la restauration est moins concurrentiel que le laisse supposer le caractère très atomisé de l'offre.
Une fois qu'on a déterminé quelle était la baisse des prix attendue, la question suivante est de mesurer la baisse de prix effectivement survenue.
La seule méthode rigoureuse pour traiter cette question est de se référer à l'indice des prix à la consommation dans la restauration élaboré par l'INSEE.
On constate que les prix dans la restauration ont connu une baisse quasi immédiate de 1,5 % au cours de l'été 2009. Ils ont ensuite entamé une lente remontée à partir de l'automne, remontée qui ne les a toutefois pas ramenés à leur niveau initial. A priori, si on en restait là, le résultat serait plutôt décevant, puisqu'on aurait une baisse éphémère de 1,5 % au lieu du décrochage durable attendu de 2,5 %.
Cette analyse est cependant incomplète. Ce qui fait sens, c'est en effet de s'intéresser à la manière dont les prix dans la restauration ont évolué par rapport à l'inflation. C'est en effet l'écart par rapport au niveau général des prix à la consommation qui permet de mesurer l'évolution des prix « réels » dans la restauration.
Si l'on fait cela, la conclusion change sensiblement. On voit en effet que les prix « réels » à la consommation ont bel et bien baissé dans des proportions significatives. L'inflation a augmenté de 1,4 % en France de juin 2009 à août 2010, tandis que, dans le même temps, le recul des prix dans la restauration s'établissait à 0,7 %. La baisse réelle des prix (c'est-à-dire l'écart entre les prix du secteur et le niveau général des prix à la consommation) atteint donc les 2,5 points espérés en mai 2010.
Au final, le bilan du volet « prix » est loin d'être catastrophique. Le rythme de la baisse a été plus lent qu'on aurait pu le souhaiter puisque, sur les six premiers mois d'application de la réforme, le secteur de la restauration a restitué aux consommateurs environ 1/6 du montant total des gains liés à la réduction du taux de TVA, au lieu du tiers prévu. Cependant, la mesure est ensuite montée en puissance et a permis d'atteindre, entre mars et juillet 2010, la cible de baisse des prix visée initialement. Cela a été possible grâce à une progression très modérée des prix du secteur par rapport à l'inflation.
J'en viens maintenant au deuxième volet de l'évaluation : les créations d'emplois.
C'est évidemment le plus important, parce que la création d'emplois dans la restauration est l'objectif fondamental qui justifie le coût de la baisse de TVA.
Je rappelle que le contrat d'avenir tablait sur 40 000 créations de postes en deux ans, dont 20 000 en apprentissage. C'était un objectif plus ou moins ambitieux selon le point de comparaison qu'on choisit :
- si on se place dans une perspective de moyen terme, c'est un objectif qui peut paraître modeste, car depuis 30 ans, le secteur de la restauration est l'un des plus dynamiques, sinon le plus dynamique, de l'économie française, en termes d'emplois. Entre 2000 et fin 2007, il en a créé plus de 150 000, c'est-à-dire près de 20 000 par an, ce qui a représenté sur la période une hausse des effectifs + 22 %, contre seulement + 14 % pour l'emploi tertiaire et + 8 % pour l'ensemble de l'économie marchande ;
- si on se place dans une perspective de court terme, c'est en revanche un objectif ambitieux, car la restauration a connu une crise sévère, qui a commencé dès la fin de 2007, avec plus d'un semestre d'avance sur le reste de l'économie. Résultat : le secteur a perdu 15 000 emplois entre décembre 2007 et juin 2009.
J'estime pour ma part qu'un objectif de créations de 40 000 emplois en deux ans est ambitieux, car cela suppose de retrouver le rythme de création d'emploi des « belles années », alors même que le pays n'est toujours pas sorti de la crise économique.
Cet objectif de 40 000 créations de postes est-il en voie d'être atteint ? La réponse est clairement positive. Depuis l'automne 2009, le secteur de l'hébergement et de la restauration a recommencé à créer des emplois : près de 30 000 entre octobre 2009 et juin 2010, ce qui représente une croissance des effectifs de + 3,25 %.
Je comprends les nuances qu'on peut apporter à cette observation. Observer une croissance des emplois est une chose, l'attribuer aux effets de la réduction du taux de TVA en est une autre. C'est exact, mais tout de même, les faits sont là : la restauration a créé des emplois depuis un an à un rythme très supérieur à celui du reste de l'économie. Si l'emploi dans le tertiaire marchand a recommencé à croître en France depuis l'automne 2009, en liaison avec une amélioration progressive de la situation économique globale, la croissance de l'emploi dans la restauration a été près de trois fois plus forte que dans le secteur tertiaire marchand : + 3,2 % entre octobre 2009 et juin 2010, contre + 1,1 %. Cela témoigne, me semble-t-il, d'un effet « TVA » positif sur l'emploi dans ce secteur. Si l'emploi dans la restauration avait augmenté au même rythme que le tertiaire marchand depuis juin 2009, ce n'est pas 30 000 emplois qui auraient été créés, mais seulement 10 000.
J'en viens maintenant au 3ème volet du contrat d'avenir : les avantages salariaux.
Dans le contrat d'avenir, les restaurateurs s'étaient engagés à ouvrir une négociation sociale, dont la conclusion devait intervenir avant la fin de l'année 2009, dans les domaines des salaires, de la protection sociale et de la formation.
Cet accord a été signé, dans les temps, le 15 décembre 2009 par les organisations représentatives des employeurs et des salariés du secteur HCR et il est entré en vigueur au printemps 2010. Il s'applique à l'ensemble des salariés des hôtels, de la restauration traditionnelle, des cafétérias, des débitants de boissons, des traiteurs et des bowlings, soit environ 600 000 personnes. Son contenu est ambitieux. Lors de son audition, le négociateur de la CGT a d'ailleurs parlé, je cite, « d'avancée notoire pour le secteur » et il s'est félicité, s'agissant de l'accord sur la mutuelle santé, de la création, je cite à nouveau, « d'une véritable sécurité sociale de branche ». Je crois qu'on ne peut pas être plus royaliste que le roi : si les organisations représentatives de salariés se disent satisfaites, c'est qu'il doit y avoir quelques motifs de satisfaction pour elles.
La lecture des accords et l'évaluation chiffrée de leur impact sur la masse salariale permettent de comprendre cette satisfaction. Dans quatre domaines-clé, les avancées sont en effet significatives :
- la grille conventionnelle des salaires a été revalorisée (avec une hausse moyenne de 3,04 % en pondérant la revalorisation de chaque échelon de la grille en fonction de la proportion des salariés situés à cet échelon). Cela induit un supplément de masse salariale de 507 millions d'euros en année pleine ;
- une prime TVA est créée : elle durera aussi longtemps que le taux réduit restera en vigueur. Son mécanisme est assez complexe, ce qui rend le chiffrage de son coût délicat. Le droit à la prime est ouvert à l'ensemble des salariés sous réserve qu'ils aient un an d'ancienneté à la date de versement de la prime. Les salariés saisonniers en bénéficient au prorata de la durée de leur contrat de travail, sous réserve qu'ils justifient de 4 mois d'ancienneté au sein d'un même établissement et/ou entreprise. Le montant de la prime est égal à 2 % du salaire de base annuel dans la limite de 500 € par an pour un salarié employé à temps complet. Enfin, cette prime, plafonds y compris, est modulée en fonction de l'activité de l'entreprise : elle est donc plus faible dans les hôtels et les débits de boisson. J'arrive au final à un coût estimé d'environ160 millions d'euros par an ;
- l'accord du 15 décembre 2009 prévoit également l'octroi de deux jours fériés supplémentaires, ce qui porte à dix le nombre total de jours fériés pour les salariés du secteur, en plus du 1er mai. Au passage, le nombre de jours fériés des salariés de la branche est passé en cinq ans de 4 à 11, ce dont on peut se féliciter compte tenu de la pénibilité des tâches dans la restauration. J'estime le coût total de cette mesure à 83 millions d'euros ;
- enfin, une mutuelle « santé » est créée. Son financement repose sur une participation paritaire des salariés et des employeurs, à hauteur de 15 euros par mois pour les uns et les autres. En année pleine, compte tenu de l'effectif total du secteur (600 000 personnes), la mise en place de cette mutuelle représente un effort pour les entreprises de l'ordre de 110 millions d'euros.
Je crois que toutes ces avancées vont dans le sens de la justice sociale et de l'efficacité économique. Elles apportent une réponse aux problèmes d'attractivité du secteur et devraient contribuer à réduire le nombre d'offres d'emplois non satisfaites.
Le 4ème volet du contrat d'avenir pour la restauration concerne le soutien à l'investissement des entreprises.
Le soutien public à l'investissement dans la restauration se justifie de deux façons. La première est que l'Etat impose aux entreprises du secteur des mises aux normes très coûteuses dans le domaine sanitaire ou de l'accès du public -notamment pour l'accueil des personnes handicapées. Il est donc légitime qu'il les aide à atteindre les objectifs qu'il leur impose. La seconde, c'est que, même dans un secteur très intensif en travail comme la restauration, le développement de l'emploi implique une accumulation du capital. Il faut donc favoriser les conditions de cette accumulation pour accompagner la croissance de l'emploi.
La réduction du taux de TVA sert ces objectifs en permettant de restaurer les conditions de la profitabilité des entreprises du secteur : la remise de TVA qui n'est pas répercutée sur les prix à la consommation et les salaires permet en effet d'accroître l'excédent d'exploitation des entreprises. De la sorte, celles-ci sont en mesure de constituer une épargne, qui pourra être investie dans un deuxième temps. Par ailleurs, l'amélioration de la situation comptable d'une entreprise lui permet d'accéder plus facilement au crédit. C'est donc aussi bien le financement externe qu'interne qui est favorisé.
Il est très difficile à ce stade de mener une évaluation satisfaisante de ce volet du contrat d'avenir. Pour l'instant, l'évolution du taux d'investissement des entreprises ne montre pas une reprise nette de l'accumulation du capital productif. Cela n'a en soi rien de surprenant, car la baisse de la TVA ne peut avoir un impact sur l'investissement qu'avec un délai assez long. Pour monter, financer et finalement lancer un projet d'investissement conséquent, il faut en effet aujourd'hui un à deux ans dans la restauration selon le témoignage fourni par certains des restaurateurs auditionnés. Si la réduction du taux de TVA a un effet positif sur l'accumulation du capital productif, cela se verra donc seulement dans les chiffres de l'investissement des mois ou des années à venir.
Autrement dit, pour l'heure, les entreprises du secteur se trouvent encore dans la phase intermédiaire où la baisse de TVA se traduit avant tout par la restauration des capacités de profit et d'épargne.
Pour mesurer cette formation d'épargne, on ne dispose encore que d'informations indirectes ou partielles, mais tout semble indiquer que la réduction du taux de TVA a bien eu l'effet attendu sur le résultat d'exploitation des entreprises du secteur.
Une étude a été réalisée à ma demande par la Fédération des centres de gestion agréés. Elle porte sur un gros échantillon, de près de 4 900 restaurants, qui regroupe des entreprises de taille plutôt réduite (3 salariés en moyenne). Cette étude montre que la marge brute des restaurants a bondi de 3,8 % entre 2008 et 2009 (après une croissance de seulement 0,8 % entre 2007 et 2008). Quant au résultat courant, c'est-à-dire le bénéfice avant impôt, il a augmenté de 5,4 % entre 2008 et 2009, alors qu'il avait chuté de 4 % entre 2007 et 2008.
Ce résultat correspond à ce qu'on pouvait attendre : à partir du moment où la baisse de 14 points de TVA est répercutée seulement en partie sur les prix à la consommation et sur les salaires, il est normal que le solde se retrouve dans les bénéfices. Ce qu'il faudra vérifier désormais c'est que ce surcroît de bénéfice ne deviendra pas intégralement du bénéfice distribué, mais qu'il servira à renforcer les fonds propres des entreprises.
Je suis assez confiant sur ce point, à la condition que les pouvoirs publics assurent au secteur de la restauration une certaine stabilité de ses perspectives en ne remettant pas en cause les règles du jeu tous les ans. Je suis confiant, car l'ambition, je dirais même l'idéal, de la plupart des petits entrepreneurs, je suis moi-même issu du monde de l'entreprise donc je peux en parler en connaissance de cause, c'est avant tout de développer leur entreprise. Un restaurateur qui fait des bénéfices se rémunère dessus, et c'est normal, mais il ne le fait pas au détriment de son entreprise en rognant sur l'investissement. Si nous offrons au dispositif la stabilité suffisante pour donner le temps au profit de se transformer en investissement, si nous continuons à mettre la pression sur les restaurateurs en leur rappelant qu'ils ont pris des engagements et qu'ils doivent les tenir, je suis certain que les profits d'aujourd'hui feront bien les investissements de demain.
Voilà, mes chers collègues, les principales conclusions qui figurent dans mon rapport d'évaluation sur le taux réduit de TVA dans la restauration. J'ai cherché à vérifier si les engagements pris dans le contrat d'avenir avait été respectés et j'ai trouvé que, globalement, c'était bien le cas. Les effets positifs sont certes plus lents à se manifester qu'on pouvait l'espérer, mais ils se produisent néanmoins et ils continueront, je pense, à gagner en ampleur dans les mois qui viennent.
Si la réduction du taux de TVA dans la restauration est une mesure coûteuse pour les finances publiques, je ne crois donc pas qu'on puisse dire que c'est une mesure inefficace. Cela plaide, me semble-t-il, pour sa prolongation pendant 3 ou 5 ans, afin qu'on puisse décider ensuite, sur la base d'un bilan complet et détaillé, s'il convient de la pérenniser définitivement ou pas.
Peut-être que d'autres outils, plus ciblés, auraient pu atteindre, à un moindre coût, des résultats semblables à ceux du taux réduit. Je laisse à d'autres le soin d'examiner cette question. Pour ma part, je me borne à constater que nous nous trouvons dans un régime de taux réduit depuis à peine plus d'un an et je me dis que changer de nouveau la règle du jeu après si peu de temps présenterait de sérieux inconvénients économiques, sociaux et politiques. Qu'obtiendrions-nous en effet si nous relevions maintenant le taux de TVA ? Une forte inflation des prix du secteur, un recul de la demande et donc de l'emploi, une remise en question des importants avantages obtenus par les salariés. Pour éviter ces effets indésirables, il faudrait accompagner ce retour en arrière de mesures d'accompagnement elles-mêmes coûteuses.
Cela paraît compliqué et peu sérieux. Si le taux réduit était un échec complet, cela vaudrait sans doute la peine de le faire. Mais comme le taux réduit dans la restauration a finalement produit des effets positifs significatifs, je vois plus d'inconvénients que d'avantages à modifier à nouveau les règles du jeu.
Le rapport rappelle opportunément que le contrat d'avenir comporte une pluralité d'objectifs irréductibles à la seule baisse des prix. Parmi ces objectifs, il y a la volonté de faire disparaître la distorsion de concurrence qui existait jusqu'à présent entre la restauration traditionnelle et la restauration rapide.
Je voudrais demander au rapporteur quelles sont les mesures de rétorsion envisageables à l'encontre des restaurateurs qui n'ont pas respecté les engagements de la profession.
Le secteur de la restauration rapide n'a pas conclu d'accord de branches dans le domaine des salaires et n'a donc pas joué le jeu de la restitution aux salariés, contrairement au secteur des HCR. Malheureusement, il n'existe aucun moyen légal de contraindre les restaurateurs n'ayant pas respecté les engagements du contrat d'avenir à le faire.
J'ai des doutes quant à la pertinence de la préconisation du rapporteur de pérenniser le taux réduit de TVA dans la restauration pendant trois ou cinq ans, car j'estime qu'elle est inefficace. Les consommateurs n'ont pas perçu clairement l'impact sur les prix de la réduction de TVA dans la restauration, à la différence de ce qui s'était produit avec les travaux à domicile. Par ailleurs, les effets positifs décrits par le rapporteur se seraient manifestés dans n'importe quel autre secteur de l'économie si on y avait injecté des sommes comparables. La question se pose donc de savoir pourquoi le Gouvernement a choisi de privilégier la restauration et la réponse est purement politique. L'injustice de cette mesure, dont le coût en fait la cinquième niche fiscale en termes d'importance, n'échappe pas à l'opinion publique.
La baisse des prix constatée dans la restauration, bien qu'elle soit inférieure à celle qu'attendaient les consommateurs, n'en a pas moins eu un effet objectivement mesurable s'agissant de la dépense de restauration. Le soutien à la restauration s'inscrit de manière plus générale dans une politique d'appui à l'économie du tourisme, qui est le deuxième secteur le plus important de l'économie française et qui a l'avantage de générer des emplois non délocalisables.
L'uniformisation des taux de TVA à 5,5 % permet de mettre fin aux pratiques existantes dans les hôtels-restaurants et consistant à optimiser les déclarations de TVA en jouant sur la dualité des taux. La réduction de taux de TVA a également permis de sauvegarder de nombreuses entreprises, ce qui est bon pour l'emploi et pour l'animation de nos villes. Enfin, la pérennisation de la mesure est nécessaire pour que se manifestent les effets positifs espérés dans le domaine de l'investissement.
Les restaurants sont effectivement un élément important pour l'animation des centres dans les villes moyennes et la réduction du taux de TVA dans la restauration, en assurant la survie de ce type d'établissements, contribue donc à l'aménagement et à l'attractivité de nos territoires.
On peut reconnaître que la réduction du taux de TVA a permis des avancées significatives pour les salariés du secteur des HCR, mais elle reste malgré tout l'objet de plusieurs critiques. Concrétisation d'une promesse électorale ancienne, elle est avant tout une mesure clientéliste. C'est une décision coûteuse pour les finances publiques qui n'a convaincu ni les consommateurs ni la Cour des comptes, ni même l'ensemble des parlementaires de la majorité. D'ailleurs, la divergence des conclusions du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires et du rapport de M. Michel Houel est une source d'étonnement. Enfin, on peut se demander si c'est bien le rôle du contribuable de financer la reconstitution de la trésorerie et des profits des entreprises de la restauration. Pour conclure, je déplore que le rapport n'explore pas la piste d'un relèvement du taux de TVA applicable aux ventes à emporter ou à consommer sur place à un niveau intermédiaire entre 5,5 % et 19,6 %.
Le coût de la réduction du taux de TVA dans la restauration constitue un effort limité si on le rapporte au coût global des niches fiscales.
Je regrette que le bénéfice de la baisse de la TVA n'ait pas été suffisamment répercuté aux consommateurs à travers des baisses de prix. La mesure n'a pas non plus été accompagnée d'un travail de pédagogie suffisant pour en expliquer les conséquences exactes aux consommateurs. Elle constitue une mesure avant tout clientéliste quels que soient les effets positifs par ailleurs pointés par le rapport.
La baisse des prix à la consommation n'est qu'un des objectifs d'une mesure qui vise aussi à revaloriser les salaires et à consolider le haut de bilan des entreprises. En particulier, cette consolidation est nécessaire pour faciliter l'accès des restaurants au crédit bancaire.
La mise en conformité avec les normes imposées aux établissements par les pouvoirs publics est une source de coûts importants. À ce sujet, je regrette d'ailleurs que les services de l'Etat fassent preuve d'une sévérité plus grande pour les établissements de province que pour les établissements parisiens. Je déplore aussi que la restauration de prestige n'ait pas joué suffisamment le jeu de la baisse des prix.
On ne peut pas escamoter les interrogations sur le coût considérable des emplois générés par la réduction du taux de TVA dans la restauration. On peut aussi s'interroger sur le fait que le bénéfice des entreprises du secteur a augmenté de manière bien plus conséquente que leur niveau de chiffre d'affaires. Enfin, je déplore que le rapport n'ait pas étudié de manière approfondie la piste d'un relèvement du taux de TVA à un niveau intermédiaire.
Je ne suis pas, par principe, opposé à l'instauration d'un taux intermédiaire mais j'estime préférable, avant d'opérer un tel relèvement, d'évaluer sur plusieurs années les effets du taux réduit.
Je tiens à insister sur le rôle d'animation de la restauration pour les communes, ainsi que sur la place de la restauration dans le secteur du tourisme et sur son rôle dans la promotion de l'économie vinicole.
La réduction du taux de TVA sur les ventes à consommer sur place corrige une distorsion de concurrence injustifiable. Je suis néanmoins réservé sur l'opportunité de mettre en oeuvre une mesure coûtant 2,4 milliards d'euros lorsque les caisses publiques sont vides. L'injection d'une telle somme aurait eu des effets positifs dans n'importe quel secteur de l'économie, ce qui pose de nouveau la question de savoir pourquoi la restauration a été choisie de préférence à un autre secteur. Enfin, je me demande si, au bout du compte, les grandes entreprises du secteur de la restauration ne seront pas les principales bénéficiaires d'un dispositif qui visait pourtant avant tout à soutenir les plus petites entreprises.
Je souhaite savoir si les golfs sont concernés par la réduction du taux de TVA. Je veux aussi dire que la mesure a eu un impact très positif dans les zones frontalières.
La réduction du taux de TVA n'est pas un cadeau aux entreprises de la restauration car elle a un impact positif sur l'emploi, les salaires, les consommateurs et l'animation des centres villes. Son abrogation constituerait un véritable recul social.
Je tiens à souligner plusieurs choses. L'évaluation du coût de la mesure pour les finances publiques doit prendre en compte les recettes supplémentaires qu'elle génère sous forme de cotisations sociales, d'impôt sur le revenu, d'impôt sur les sociétés et de TVA. Le coût net ex post sera inférieur aux 2,4 milliards d'euros annoncés. L'appui à la restauration participe aussi d'une politique d'aménagement du territoire. Enfin, les avancées conventionnelles conclues entre les employeurs et les salariés du secteur contribueront à son attractivité auprès des salariés. Je pense qu'il faut donner de la visibilité aux restaurateurs en pérennisant le dispositif.
La présence d'établissements de restauration contribue à l'aménagement des territoires, cela a été dit à plusieurs reprises. A cet égard, je rappelle que les collectivités territoriales, de gauche comme de droite, apportent un soutien important depuis longtemps aux grands établissements. Au-delà de son effet sur l'animation des centres-villes, la restauration traditionnelle exerce un effet d'entraînement pour le commerce local et contribue au développement des circuits courts de production.
Je souhaite que la publication de ce rapport fasse l'objet d'une publicité importante et que le contrôle du respect des engagements du contrat d'avenir soit poursuivi. Je suis convaincu que le coût final de la mesure sera inférieur à 2,4 milliards d'euros. Enfin, je voudrais soulever le problème du manque de formation des travailleurs saisonniers, qui constituent pourtant une part importante des effectifs dans la restauration.
Je ne suis pas, par principe, opposé à la réduction du taux de TVA mais je considère que celle-ci s'est opérée dans de mauvaises conditions. En pleine crise des finances publiques, il n'était pas opportun d'opérer cette dépense. Par ailleurs, l'octroi du taux réduit, en réponse aux revendications des restaurateurs, s'est fait sans véritable contrepartie. Il aurait été plus judicieux de conditionner la baisse de taux à la conclusion préalable d'un accord juridiquement contraignant sur les salaires, l'emploi, la formation et l'investissement.
Je souhaite savoir si les données chiffrées contenues dans le rapport concernent également les territoires d'outre-mer.
Je me demande si la baisse des prix sur la nourriture n'a pas été compensée par une augmentation du prix des vins. Je suis également préoccupé par la question du coût de la mise en conformité avec les normes règlementaires. Cela constitue un véritable problème économique et j'aimerais que s'engage une véritable réflexion pour identifier les causes de cette inflation normative.
Je trouve moi aussi que les restaurateurs appliquent trop souvent des coefficients excessifs sur les vins. Néanmoins, il faut savoir que dans la grande restauration qui requière une main d'oeuvre nombreuse, les bénéfices ne peuvent pas se faire uniquement sur les plats.
Puis, la commission adopte le rapport d'information de M. Michel Houel sur l'impact de la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration, l'UMP et les centristes votant pour, les socialistes s'abstenant.
Puis, la commission nomme M. Marcel Deneux rapporteur sur la proposition de loi n° 711 (2009-2010) visant à limiter la production de viande provenant d'animaux abattus sans étourdissement aux strictes nécessités prévues par la réglementation européenne.