La commission a entendu une communication de M. Josselin de Rohan, président, sur la session de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN tenue à Valence du 14 au 18 novembre dernier, au cours de laquelle il conduisait la délégation du Sénat comprenant également M. Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, Mme Nathalie Goulet et M. Xavier Pintat.
a indiqué que cette session avait été dominée par la question du conflit russo-géorgien et l'avenir des relations OTAN-Russie et OTAN-Géorgie. Il a précisé que la délégation française avait organisé une rencontre de travail avec la délégation parlementaire géorgienne, à laquelle s'était joint M. Giorgi Baramidze, vice-premier ministre et ministre d'Etat pour l'intégration euro-atlantique, et que le président de la République de Géorgie, M. Mikheil Saakashvili, s'était exprimé en séance plénière.
a souligné qu'une certaine unanimité s'était dégagée au sein de l'Assemblée, dans la droite ligne des positions officielles prises par l'OTAN comme par l'Union européenne, pour condamner la remise en cause de l'intégrité territoriale de la Géorgie par l'intervention militaire russe dans un premier temps, puis par la reconnaissance unilatérale de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie ensuite. Pour autant, la question des responsabilités géorgiennes dans le déclenchement de ce conflit avait été soulevée par plusieurs délégations, en se référant notamment aux observations effectuées par des représentants de l'OSCE et tendant à établir que la Géorgie avait pris l'initiative de l'action militaire. Les représentants géorgiens avaient alors rétorqué que face à une intervention militaire russe préparée de longue date et à leurs yeux inéluctable, il leur avait paru impossible de rester passifs.
a fait état de l'instauration, en Géorgie, d'une commission d'enquête parlementaire sur les origines et la gestion du conflit, ainsi que des interrogations sur l'assise politique du Président Saakashvili. Il a également indiqué que l'Union européenne venait de décider de créer une mission d'enquête sur les causes du conflit, qui sera dirigée par une diplomate suisse, Mme Tagliavini, qui représentait l'ONU en Géorgie de 2002 à 2006. Cette mission doit se dérouler jusqu'à l'été et présenter ses conclusions au Conseil de l'Union européenne et à l'OSCE.
S'agissant des perspectives d'adhésion de la Géorgie à l'OTAN, M. Josselin de Rohan, président, a rappelé qu'au sommet de Bucarest, en avril dernier, les chefs d'Etat et de gouvernement avaient décidé que la Géorgie, comme l'Ukraine, deviendrait membre de l'OTAN, sans précision de date, et que le « Plan d'action pour l'adhésion » (Membership action plan - MAP), représenterait la prochaine étape sur la voie de l'adhésion. Le MAP n'avait pas été accordé à Bucarest, les ministres des affaires étrangères devant effectuer « une première évaluation des progrès accomplis » lors de leur réunion de décembre 2008.
a souligné qu'un clivage était apparu, parmi les délégations des pays alliés, entre celles qui soutenaient une accélération du processus d'intégration de la Géorgie, au motif qu'il fallait clairement signifier à la Russie qu'elle ne pouvait imposer de veto en la matière, et celles qui considéraient que les évènements du mois d'août militaient au contraire pour l'ajournement de la décision. Il a précisé à ce sujet que la position française rejoignait celle de l'Allemagne, de l'Italie, de l'Espagne, de la Belgique, du Luxembourg, des Pays-Bas ou encore de la Grèce. Elle consistait à relever que l'évaluation des progrès de la Géorgie dans les domaines identifiés par l'OTAN n'était pas pour l'instant pleinement concluante, des réformes étant attendues dans les domaines de la défense et de l'état de droit. Il a ajouté que l'OTAN était avant tout une alliance militaire fondée sur une clause de défense collective, et qu'à cet égard, la politique menée par les dirigeants géorgiens avant le déclenchement du conflit avait fait naître des doutes quant à l'impact d'une éventuelle adhésion sur la sécurité d'ensemble de l'Alliance.
Lors de son allocution devant l'Assemblée, le secrétaire général de l'OTAN, M. Jaap de Hoop Scheffer, a souligné que des Etats indépendants devaient pouvoir librement choisir leur propre avenir et a réfuté la notion de sphère d'influence, que la Russie semblait vouloir imposer. Il a également contesté que l'Alliance doive choisir entre de bonnes relations avec la Russie et la poursuite de l'élargissement. Mais il a très clairement réaffirmé que toute nouvelle adhésion passait par la satisfaction de certains critères et que l'Alliance ne devait pas abaisser ses exigences à cet égard.
a indiqué que, lors de leur réunion des 2 et 3 décembre, les ministres des affaires étrangères de l'OTAN devraient décider d'utiliser le cadre offert par la commission OTAN-Géorgie créée cet été pour aider cette dernière à progresser sur la voie des réformes qui lui sont demandées, la question de l'octroi du MAP étant renvoyée à un examen ultérieur.
En ce qui concerne les relations OTAN-Russie, leur importance stratégique avait été soulignée par l'ensemble des délégations alliées. M. Josselin de Rohan, président, a cependant exprimé des doutes sur la possibilité, à court terme, de réduire les points de désaccord avec la Russie. En effet, l'Alliance ne renoncera pas au principe même de l'élargissement à des pays qui souhaitent la rejoindre. De même, rien n'indique que la future administration américaine voudra opérer un changement de cap radical sur l'installation d'un site de défense antimissiles en Europe.
a ensuite évoqué les débats que l'Assemblée parlementaire de l'OTAN a consacrés aux opérations d'Afghanistan. Il a indiqué que la nouvelle stratégie définie à Bucarest avait fait l'objet d'un large soutien, mais qu'au plan militaire, un appel à un renforcement global des effectifs avait été lancé, tant par le secrétaire général de l'OTAN que par le Commandant suprême des forces alliées en Europe (SACEUR), le général Craddock. Celui-ci avait indiqué que depuis le sommet de Bucarest, le nombre de « caveats » avait été légèrement réduit, revenant de 83 à 73, ces restrictions d'emploi auxquelles sont soumis certains contingents continuant de limiter considérablement l'efficacité des forces de l'OTAN.
a également mentionné la volonté de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN d'élaborer au cours de l'année 2009 une contribution à l'élaboration du futur concept stratégique de l'OTAN, celui-ci devant en principe être adopté par les chefs d'Etat et de gouvernement en 2010. Il a évoqué les premiers éléments débattus au sein de l'Assemblée, en soulignant qu'une vigilance particulière devrait être portée aux propositions touchant à l'organisation interne de l'Alliance, afin de préserver le rôle des nations et la primauté du contrôle politique.
A la suite de ce compte-rendu, Mme Nathalie Goulet a confirmé les différences d'appréciation sur la question du conflit russo-géorgien, entre les délégations du Royaume-Uni et des pays d'Europe centrale et orientale d'une part, et celles de la plupart des autres pays européens d'autre part. Elle s'est également interrogée sur la compatibilité entre un renforcement de l'OTAN et le développement de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD).
a souhaité savoir si la position intérieure du président Saakashvili était fragilisée et s'il existait une véritable alternative politique en Géorgie.
a tout d'abord souligné le rôle décisif du président Sarkozy dans la cessation des hostilités, alors que le maintien du président Saakashvili à la tête de l'Etat géorgien paraissait menacé. Il a indiqué que l'action de ce dernier avant et pendant le conflit était certainement critiquée dans son pays, tout comme son mode d'exercice du pouvoir, mais que la pression militaire russe renforçait également l'unité nationale autour des dirigeants géorgiens.
a estimé que le conflit russo-géorgien illustrait les risques que faisait courir à l'OTAN un élargissement aux pays du Caucase. Si la Géorgie avait été membre de l'OTAN en août dernier, les pays alliés n'auraient eu le choix qu'entre un engagement dans ce conflit très éloigné de leurs véritables intérêts stratégiques, ou une non-intervention qui aurait constitué un grave manquement à l'obligation de défense collective.
a tout d'abord rappelé que l'adhésion à l'OTAN supposait la satisfaction, par les pays candidats, d'un certain nombre de critères, et il a constaté que les conditions n'étaient pas aujourd'hui réunies pour la Géorgie, cette dernière devant progresser sur la voie des réformes avec l'aide, notamment, de la nouvelle commission OTAN-Géorgie créée cet été. Il a ensuite estimé que la politique d'élargissement devait éviter deux écueils. Le premier écueil serait d'intégrer sans précaution des pays dont l'adhésion pourrait affaiblir, et non renforcer, la sécurité de l'Alliance dans son ensemble, du fait de l'invocation de l'article 5 du traité de Washington dans un conflit localisé, ne mettant pas en cause les intérêts stratégiques de la communauté des alliés. Il a précisé à ce propos que l'article 5 n'impliquait pas un engagement militaire automatique, chaque membre de l'Alliance appréciant la forme sous laquelle il entend accomplir son devoir d'assistance. Le second écueil serait de reconnaître à la Russie un droit de décider des pays qui doivent ou ne doivent pas adhérer à l'OTAN, ce qui serait inacceptable au regard du droit souverain de chaque Etat de décider librement de ses alliances.
a fait part des interrogations grandissantes sur la vocation de l'OTAN dans le nouveau contexte stratégique. Il a observé que l'OTAN était engagée en Afghanistan, fort loin de la zone euro-atlantique, et il s'est inquiété d'une forme de dérive qui la détourne de sa vocation initiale en la transformant en instrument au service de la politique américaine.
a estimé qu'une implication forte de la France dans l'élaboration du futur concept stratégique de l'OTAN n'en était que plus nécessaire.
a estimé qu'il serait utile de se référer aux travaux de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur le suivi des réformes démocratiques en Géorgie et en Ukraine pour apprécier la candidature à l'OTAN de ces deux pays.
a rappelé que l'un des arguments avancés par le Président de la République en faveur d'une participation pleine et entière de la France aux structures de commandement de l'OTAN était qu'une modification de la position française lèverait les obstacles au développement de la PESD. Or il a constaté qu'en ce domaine, aucun progrès significatif n'était perceptible.
a lui aussi regretté que la France envisage une implication plus forte dans l'OTAN sans avoir préalablement tracé les perspectives d'une PESD plus affirmée.
a estimé que la présidence française de l'Union européenne avait permis des avancées concrètes en matière de défense : une opération navale de lutte contre la piraterie maritime a été lancée, et ce sera la première opération européenne autonome commandée par un officier britannique ; des projets précis, dans les domaines du transport aérien, des hélicoptères, des capacités aéronavales, de l'observation par satellite, ont été engagés. Il a rappelé les encouragements exprimés ces derniers mois par l'administration américaine à l'égard de la PESD, mais aussi les réticences persistantes du Royaume-Uni, notamment sur les capacités de planification et de conduite d'opérations. Il a indiqué que la France ne pouvait faire abstraction de ces réticences et que l'on ne pouvait lui imputer l'absence de développements plus importants de la PESD.
est convenu qu'une clarification préalable du concept stratégique de l'OTAN aurait sans doute été souhaitable, avant toute décision de la France sur sa position dans les structures de commandement. Il a toutefois rappelé que la France était en pratique très fortement impliquée dans l'OTAN, particulièrement dans les opérations. L'évolution de sa position est avant tout une question politique et il appartient aux autorités françaises d'une part, de bien souligner, à l'attention notamment des pays tiers, qu'elle ne signifierait en rien un abandon des spécificités de notre politique étrangère, et d'autre part, de démontrer les avantages d'une participation pleine et entière aux structures de l'organisation.
a estimé que la perception de notre politique étrangère dans le monde était en partie liée à la position particulière que nous avions adoptée au sein de l'OTAN. Il a par ailleurs réitéré ses interrogations sur la finalité de l'OTAN et mis en garde contre toute tentation de créer un bloc occidental qui accentuerait les clivages avec les pays du Sud.
a souligné qu'il avait été clairement annoncé que toute évolution de la position française dans l'OTAN ne remettrait pas en cause l'indépendance des forces nucléaires françaises, la liberté d'appréciation des autorités françaises, qui excluait toute automaticité dans notre contribution aux opérations de l'OTAN, et la liberté de décision sur l'engagement des forces françaises, aucune force française ne pouvant être placée en permanence sous le commandement de l'OTAN en temps de paix.
Il a par ailleurs estimé que la pérennisation de l'OTAN comme instrument de sécurité matérialisant le lien transatlantique supposait que ses contours et ses objectifs soient plus clairement définis.
La commission a ensuite nommé rapporteurs sur des missions de contrôle effectuées conjointement avec la commission des finances :
sur le réseau diplomatique : implantations communes avec d'autres pays de l'Union européenne ;
sur l'influence de la France au sein des institutions de Bretton Woods au travers des financements qu'elle leur accorde ;
sur les conditions financières et industrielles de l'exécution du programme A400M.