Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission reçoit M. Charles Biétry, vice-président de la chaîne BeIN Sport.
Je remercie M. Biétry de nous présenter la chaîne BeIN Sport, nouvelle venue dans le paysage audiovisuel français.
C'est toujours et un plaisir, et un honneur, de me rendre à une invitation du Sénat.
BeIN Sport se compose de deux chaînes de télévision jumelles. La première, BeIN Sport 1, a commencé à émettre le 1er juin dernier. BeIN Sport 2 démarrera le 28 juillet, à l'ouverture des Jeux olympiques. Pourquoi deux chaînes ? Aucune n'a de spécialisation propre. Nous avons acquis beaucoup de droits, nous voulons que les diffusions soient les plus complètes. France 2 et France 3 ont depuis longtemps trouvé la solution face à l'incertitude des horaires. Personne ne peut prévoir l'heure à laquelle un match se terminera. Que faire si un Federer-Tsonga se prolonge, alors qu'un match de football en Ligue 1 commence à 18 heures ? Nous entendons traiter le sport dans toute sa vérité, sa diversité. L'abonnement se monte à 11 euros environ par mois, pour les deux chaînes. Ce ne sont pas, j'y insiste, des chaînes de football, même si nous nous y sommes beaucoup intéressés - c'est un point de passage obligé pour une chaîne de sport par abonnement. Nous avons donc acquis les droits de la Ligue 1, de la Ligue 2, de la Champions League, du championnat espagnol, allemand, italien. Mais nous retransmettrons aussi des compétitions en basket, handball, cyclisme, judo, boxe, etc. Il n'y a pas de petit sport, chacun peut susciter l'émotion, chacun a sa place à la télévision, pour peu qu'on le présente intelligemment, en racontant par exemple de jolies histoires. Nous avons signé avec la ligue nationale de handball, pour le championnat de France féminin...
Certes, a priori, un match PSG-Real Madrid réunit plus de téléspectateurs. Mais le handball est pratiqué à l'école, il intéresse donc beaucoup de monde. Et ces joueuses semi-professionnelles ont des vies fabuleuses : l'une quitte son travail pour venir jouer et repart travailler dès le match achevé, l'autre amène ses deux bébés dans un couffin, les installe dans la tribune d'honneur et jette un oeil de temps en temps pendant le match. Nous voulons raconter ces histoires, elles sont la vérité du sport, celui-ci ne se résume pas à l'or et aux paillettes, aux pétrodollars qui ruissellent...
Nos chaînes ne seront pas des robinets ouverts distribuant à jet continu des matchs ; oui, il y a dans le football de très beaux programmes qui assureront à la chaîne une rentabilité rapide. Mais la journée sera rythmée par des émissions : Expresso de 6 à 9 heures, présentée par deux jeunes qui parleront des évènements de la nuit et livreront de l'information, de l'actualité ; Midi Factory de midi trente à 13 h 30, pour un décryptage réfléchi des images ; une émission de football de 19 heures à 20 heures ; enfin, de 23 heures à minuit, le film de la journée sera repris avec une patte cinéma, pour trancher avec le style du reste de la journée. La moyenne d'âge de la rédaction est inférieure à trente ans et nous avons créé 170 emplois, sans compter le renfort de 1 000 à 1 500 personnes le week-end.
Nous diffuserons en direct huit matchs de Ligue 1 - deux en différé - ainsi que neuf matchs de Ligue 2. Al Jazeera a créé une chaîne en France pour faire de la télévision, mais le président M. Nasser Al-Khelaïfi l'a dit, nous souhaitons aussi apporter une aide au sport français. Nous aurions pu nous passer des matchs de la Ligue 2, mais les clubs de Guingamp, d'Angers ou d'ailleurs ont besoin de droits télévisuels. Nous éviterons la désaffection que pourraient connaître certaines disciplines ou certaines catégories de clubs. Ainsi, nous avons la volonté d'essayer de reconstruire la boxe, en organisant une fois par mois une réunion de néo-pro. C'est un travail en profondeur dans le sport français qui débute. Il a un aspect social. Par exemple, BeIN Sport proposera des cours d'anglais à partir du vocabulaire du sport : les langues étrangères sont plus ou moins bien enseignées en France, les enfants auront avec nous une chance de plus.
Pendant un an, nous avons suivi une équipe du Blanc-Mesnil, qui joue en division d'honneur, pour voir comment se passait la vie dans une banlieue où cohabitent des musulmans, des juifs, des blancs, des noirs... Nous sommes allés jusqu'au poste de police où un gamin membre du club était retenu après une bêtise. Dans le département, les habitants ont été contents de cette expérience. Nous aussi ! Nous avons le sentiment d'avoir fait bouger quelque chose.
Nous essayerons d'être très humains, alors que la société actuelle, la télévision et le monde du sport sont devenus agressifs - le monde du sport est également devenu bête, nous l'avons vu tout récemment. Si je prononce le mot amour, je vais faire sourire, mais nous sommes à la recherche de convivialité, de paix, contre l'agressivité ambiante dans les stades, à la télévision, et même dans la presse écrite. Cela ne nous empêchera pas d'évoquer les problèmes. Mais nous ne serons ni des procureurs ni des juges, on en a trop vu, il y a très peu de temps encore.
La chaîne sera diffusée via tous les supports ADSL et câble. Les discussions ne sont pas achevées sur le satellite.
Les discussions avec Canal Satellite avancent, elles entrent dans la dernière ligne droite.
Ce n'est pas à l'ordre du jour mais nous gardons l'esprit ouvert. La TNT payante n'est pas pour nous très attrayante.
C'est aussi en raison de la contrainte réglementaire que nous nous sommes détournés de ce support.
L'arrivée d'Al Jazeera Sport a changé rapidement la donne médiatico-sportive.
La question de l'accès gratuit aux images sportives me préoccupe. Votre chaîne est payante, même si le prix de l'abonnement n'est pas élevé. Votre président a affirmé l'intention de ne pas diffuser en exclusivité des évènements relevant du « patrimoine national ». Qu'entendez-vous par là ? Car vous avez été les seuls à diffuser le match de rugby France-Argentine. Nous entendons veiller à l'accès démocratique aux retransmissions des matchs de nos équipes nationales.
Quelle peut être la neutralité d'un organe de presse qui est aussi propriétaire d'un club appartenant aux championnats retransmis ? Je songe bien sûr au PSG, mais également au club Paris-Handball que vous êtes en train de racheter.
Enfin, les masses financières en jeu sont considérables, mais quelle sera la pérennité de cet investissement ? J'espère que votre engagement s'exprimera dans la durée, car votre démarche est très intéressante pour le financement du sport. Vous allez là où personne n'est encore allé, mais combien de temps resterez-vous ?
Il serait impensable pour moi de ne pas être abonné à Canal +, pour les matchs de football mais plus largement pour les émissions sur le sport, car j'aime le ton des journalistes et commentateurs. Vous avez emmené avec vous cet esprit... ainsi qu'une partie des équipes. J'hésitais à m'abonner à BeIN Sport, mon fils a insisté. Je suis probablement le seul abonné parmi tous les sénateurs réunis ce matin pour vous écouter. C'est ainsi que j'ai vu les meilleurs matchs de l'Euro.
Avec Canal +, l'accès gratuit au sport à la télévision avait déjà été écorné, mais les retombées étaient positives pour le financement du cinéma. Le fait que l'argent parte ailleurs fragilisait certes le monde du sport, mais l'État et Canal + avaient un accord assorti de contreparties pour la création audiovisuelle en France. Quelles retombées peut-on attendre de l'arrivée de BeIN Sport ? Plus d'argent dans les caisses des clubs de Ligue 1, certainement, mais on observera avec attention quels profits en tirera le football amateur. Et comme acteur de télévision, comment allez-vous contribuer à la création audiovisuelle ?
Monsieur Assouline, vous avez-vous-même répondu à votre question. Vous vous êtes abonné à BeIN Sport sur la pression de votre fils. Or vous ne vous êtes pas désabonné de Canal + ?
On a clamé que Canal + allait perdre des abonnés et du chiffre d'affaires, mais je ne connais personne qui ait résilié son abonnement à Canal + pour en prendre un à BeIN Sport. C'est que Canal + n'est pas une chaîne de sport, mais de divertissement, de cinéma, etc. Elle payait auparavant 600 millions d'euros de droits, elle n'en débourse plus que 420 mais n'a pas perdu d'abonnés : elle a donc amélioré ses bénéfices. Pourquoi réduirait-elle ses investissements dans le cinéma ? Nous sommes quant à nous une chaîne de sport. Nous avons eu affaire à un lobbying puissant. Personne n'avait songé à imposer une taxation à d'autres chaînes de sport comme L'Équipe TV ou Eurosport ! Nous ne sommes pas en concurrence avec Canal +. Et si le chiffre d'affaires de cette chaîne tend à diminuer, c'est peut-être parce que son modèle économique a vécu : aujourd'hui, les modes de consommation du cinéma ont changé, vidéo à la demande, DVD disponibles peu de temps après l'exploitation en salle, etc. Or on s'abonnait à Canal + pour le cinéma - non pour le sport. Et sans doute est-ce pour cela que Canal + veut acheter une chaîne TNT gratuite.
Vous avez cité les propos du président de la chaîne en conférence de presse. BeIN Sport est une société française, qui se soumet donc aux règles de l'État français. Cette société s'appelle BeIN Sport et non Al Jazeera Sport, j'y insiste - tout collaborateur, lorsqu'il se trompe, doit du reste verser un euro à notre cagnotte. Si les règles françaises sont modifiées, nous suivrons les nouvelles. Que dire de plus ? Je ne suis pas dans la tête des autorités du Qatar, je ne peux dire si elles souhaiteront un jour financer le cinéma. Quoi qu'il en soit, ceux qui chez nous, aujourd'hui, font mine de pleurer auraient des réactions autrement violentes si Al Jazeera annonçait la création d'une ou deux chaînes de cinéma !
Je confirme totalement la déclaration du président de la chaîne. Une liste des évènements protégés avait été dressée, il y a quelques années, par la Haute Autorité de l'audiovisuel, j'y souscris aujourd'hui comme hier. Si nous diffusions les matchs de l'équipe de France de football, le tennis à Roland-Garros ou le Tour de France, la population serait mécontente et l'opération contre-productive commercialement. J'habite un village de 3 400 habitants, il compte quinze abonnés à une chaîne payante... Si le sport cessait d'être gratuit à la télévision, il disparaîtrait des esprits, ce qui ne serait pas à l'avantage d'une chaîne à péage. Oui, nous avons diffusé le match France-Argentine de rugby - à 23 h 10, et disputé, côté argentin, par l'équipe de réserve, ce qu'on ne dit pas trop - mais nous l'avons décidé à peine dix heures avant le coup d'envoi, à l'arrache, en commentant le jeu depuis Paris ; et ce, parce que les demandes émanant du monde du rugby pleuvaient. Nous l'avons fait uniquement pour rendre service et cela ne nous a rien rapporté. C'est un cas à part. Je le répète, jamais un match de l'équipe de France ne sera diffusé en exclusivité. Pour l'Euro 2012 de football, TF1 et M6 entendaient diffuser cinq matchs chacun. Mais les droits pour la France ont été attribués à peine trois semaines avant le lancement de l'Euro et nous postulions. Les deux chaînes publiques ont donc, poussées par notre présence, finalement diffusé dix-neuf matchs, tandis que nous achetions les onze dont elles ne voulaient absolument pas. Nous avons co-diffusé les matchs de l'équipe de France, et comme nous n'avons pas 12 millions d'abonnés - nous en avions zéro à l'ouverture de l'Euro ! - nous n'avons pris de parts de marché à personne.
Je l'ignore, car nous ne sommes pas maîtres de notre distribution et chaque distributeur, qui connaît son chiffre, ne le communique pas. Le Figaro, à partir du chiffre d'un seul distributeur, a établi une estimation, entre 350 000 et 400 000 abonnés. D'après nos autres indicateurs, qui sont bons, ce niveau ne me semble pas invraisemblable. Sans CanalSat, c'est un très beau résultat, qui montrerait, s'il était confirmé, que nous avons bien travaillé.
Le propriétaire des chaînes n'est pas le propriétaire des clubs, ce sont des actionnaires distincts : prétendre qu'ils n'en font qu'un, c'est comme confondre Margarita Louis-Dreyfus et Gervais Martel ! J'ai déjà vécu ce genre de procès à Canal +, contre les gens qui gèrent le football, contre la rédaction, les commentateurs. Or je défie quiconque de trouver dans mes propos à l'antenne, à cette époque-là, quelque trace de partialité en faveur du PSG. Je me suis même fâché avec mon meilleur ami, président du PSG, qui aurait voulu que Canal + soit la chaîne du PSG. Je dirigeais le sport à Canal et je tenais à notre indépendance. Ici, le président est commun, mais nos journalistes ne favorisent pas le PSG - cela serait non seulement contraire à l'éthique mais stupide car nos abonnés sont lillois, toulousain, lyonnais, marseillais. Tous nous rejetteraient !
Le financement des clubs, qui est un élément positif, sera-t-il durable ?
Voyez les investissements que nous avons faits, visitez nos 3 500 mètres carrés de bureaux à Boulogne, songez à ce que nous avons payé pour les droits de retransmission pour quatre ans : trop d'investissements pour ne pas viser le long terme ! Nous avons embauché des jeunes afin qu'ils soient là pour longtemps.
Ce ne sont pas des investissements faramineux, cependant. Pour tous les droits de football que nous avons acquis, nous avons déboursé 30 % de moins que Canal + pour deux matchs de Ligue 1. Et pas question de jeter l'argent par les fenêtres, le service comptable s'émeut de tout dépassement de quelques centimes d'euros. Le Qatar est riche, mais la gestion de la société est stricte - plus qu'à Canal + ou France Télévisions ! - et BeIN Sport durera. Si TPS n'a pas duré, c'est que Canal + ne le voulait pas ; si Orange Sport a sombré, c'est qu'Orange a été victime de la concurrence. Notre mission est de fabriquer la plus belle chaîne possible, pour l'éternité !
Comment oeuvrez-vous pour le sport de masse ? L'argent gangrène le football. Parlerez-vous des pratiques scolaires, du sport dans les petites villes ? Montrerez-vous ce qui se fait dans les territoires ? Et la lutte contre le dopage, la moralisation du sport, la lutte contre la dérive d'adolescents qui ne font rien alors qu'ils pourraient s'épanouir dans des clubs sportifs et ainsi s'insérer dans la société ?
Ma marotte, c'est le sport féminin. À part le championnat de France de handball, qu'avez-vous l'intention de diffuser en la matière ?
Onze euros, ce n'est pas très cher, certes, mais c'est plus que l'augmentation du SMIC. Je me félicite que le patrimoine demeure visible par tous, sur le service public, malgré cette exception concernant le petit match France-Argentine.
Une pénalité quand on dit « Al Jazeera Sport » ? Mais le nom BeIN Sport ne sonne pas plus français ! C'est nous qui allons vous mettre à l'amende !
Montrerez-vous des documentaires sportifs ? Les amateurs y tiennent.
Enfin, je trouve inconcevable, quand on investit autant d'argent et d'énergie, de ne pas connaître le nombre d'abonnés.
Ce sont les distributeurs qui maîtrisent les abonnements, pas nous. Ceux-ci sont ouverts depuis quinze jours seulement. N'oublions pas en outre que l'offre est sans engagement : on peut se désabonner à tout moment. Dans ces conditions, difficile de connaître les chiffres exacts. Plutôt que de se focaliser sur le nombre d'abonnés, comme d'autres sur l'audience, je souhaite que l'on travaille à faire la plus belle chaîne possible. Si nous travaillons bien, les abonnés suivront. Nous regarderons les chiffres au 1er janvier, d'autant que l'arrivée de CanalSat, si elle se concrétise, changera la donne - mais moi qui crains toujours de possibles pièges, je ne peux que répéter : rien n'est signé...
Une chaîne à péage a besoin d'abonnés pour vivre : avec le Real Madrid ou le PSG, c'est plus facile. Cependant, pour beaucoup d'entre nous, le sport de masse a été toute notre vie et je veux donc le traiter le mieux possible. Mais nous ne sommes ni le ministère des sports, ni les directions techniques, ni les actions régionales, ni le Parlement... Oui aux actions pour favoriser la pratique sportive chez les jeunes, mais cela reste très difficile. Les cours d'anglais que j'ai évoqués sont une première marche. Je souhaiterais mener des actions avec l'éducation nationale, proposer des programmes éducatifs autour du sport. Nous n'avons que quinze jours d'existence : rien n'est encore prêt, mais l'envie est là. Dès que nous aurons réussi notre lancement, nous pourrons rendre service, faire quelque chose pour les autres. C'est l'esprit des autorités qatariennes, dont la passion du sport est sincère. Nous utiliserons nos moyens, comme vous les vôtres.
Moraliser le sport ? Lutter contre le dopage ? Je ne sais pas comment faire ! Si l'on me proposait un cachet pour jouer au tennis comme il y a 25 ans, le refuserais-je ? Le dopage a toujours existé. Lors d'une campagne électorale, ne faut-il pas tenir la distance, être plus en forme que l'adversaire ? Les candidats n'absorbent-ils pas quelque stimulant ? N'ont-ils jamais transgressé les lois ? Il faut être plus fort que l'adversaire. C'est un sujet extrêmement délicat. On ne va pas éradiquer le dopage. Il est partout. Par contre, on ne va pas faire en plus sa promotion. Je n'ai pas de solution.
Absolument ! Notre président lui-même... Mon père prenait sans doute quelque chose avant de jouer ; j'espère que mon petit-fils n'en fera pas autant. Mais je doute que la télévision soit le moyen d'éradiquer le dopage. Cette mission est plutôt la vôtre !
Le sport féminin ? Il serait stupide de ne pas le diffuser, ne serait-ce que pour des raisons commerciales. Le sport féminin a en outre beaucoup progressé techniquement : c'est un superbe spectacle, aussi agréable à regarder que le sport masculin. Nous montrons le handball féminin, mais aussi le volley, le foot. Il n'y a aucune distinction.
Quid du nom de la chaîne ? Pourquoi n'avoir pas choisi un nom français pour une chaîne française ?
Le Qatar a choisi un nom générique qui pouvait être décliné dans plusieurs pays. La France est une tête de pont. D'ici trois semaines, il y a aura une chaîne BeIN Sport aux États-Unis, puis ailleurs.
Les documentaires ne font guère d'audience, même le magnifique « Intérieur Sport » sur Canal +. Sur une chaîne à péage, il faut avant tout éviter les désabonnements. Comme le disait André Rousselet, « c'est est un pullover : si une maille se détricote, tout part ! » Un documentaire coûte 100 000 euros minimum, mais une chaîne de sport ne peut s'en passer, pour son image, pour donner aux téléspectateurs les clés des matchs à venir. Aucun documentaire n'est programmé pour l'heure, mais cela changera dès que nous aurons trouvé notre rythme de croisière. Le sport de masse, notamment, sera abordé par ce biais.
Absolument. Pour faire naître l'intérêt autour d'un match de handball féminin Mios-Besançon, par exemple, il faut raconter des histoires, montrer, dans de petits documentaires, ce qu'il y a autour, les dirigeants bénévoles, les entraîneurs... C'est aussi ça, le sport de masse.
En effet, il faut donner à voir des tranches de vie pour intéresser les spectateurs à l'exploit sportif.
Le lien entre sport et éducation ? Avec l'association Diambar, Bernard Lama veut créer en France des écoles de football populaires, mettant l'accent sur les bons comportements. Espérons que grâce à elles, nous aurons, dans dix ans, des champions qui correspondent davantage à nos idéaux que certains mauvais garçons mal élevés...
Chaque sport a sa place sur votre chaîne, dites-vous. Le handisport me paraît de nature à provoquer l'émotion. Le nageur Philippe Croizon, le sprinteur Oscar Pistorius réalisent des exploits. Il est temps que ce sport-là gagne ses galons de produit commercial.
Vous dites défendre les sports peu médiatisés, aider les clubs en difficulté. En tant que supporter du Racing Club de Lens, je m'interroge sur les horaires retenus pour les matchs de Ligue 2 : comment remplir un stade, encourager la ferveur populaire quand le matche débute le vendredi à 18 heures ou 18 h 45 ? Vous parlez de pérennité, mais la Ligue 2 va-t-elle survivre longtemps avec de tels horaires ?
Le sport spectacle l'emporte désormais sur la pratique sportive, sur la promotion du geste sportif comme élément éducatif. M. Biétry, grand commentateur sportif dont nous connaissons tous les valeurs, ne sert-il pas de caution à une opération purement commerciale de Al Jazeera ? On porte un coup supplémentaire au sport sur le service public, avec ce mariage entre argent et sport de haut niveau, réservé à ceux qui ont les moyens de se l'offrir.
J'ai beaucoup apprécié la présentation de M. Biétry. En tant que supporter du Mans FC, je partage les inquiétudes de M. Bailly sur la question des horaires. Les villes moyennes, qui peinent à réunir plus de huit à dix-mille spectateurs pour un match, craignent la désaffection...
Par ailleurs, quel est le pourcentage du football - Ligue 1 et Ligue 2 - dans vos retransmissions ?
Ce n'est pas BeIN Sport qui fixe les horaires mais la Ligue elle-même. Les présidents de clubs, dont MM. Legarda et Gervais Martel, ont défini eux-mêmes l'appel d'offres, qui proposait des matchs de Ligue 2 entre 18 heures et 18 h 30 le vendredi. Nous avons remporté l'appel d'offres, pour 12 millions d'euros... Nous apportons de l'argent pour produire ces matchs de Ligue 2, qui auparavant n'étaient vus par personne ! BeIN Sport n'est pour rien dans le changement d'horaires, qui a été voulu par les clubs. Nous n'aurions simplement pas répondu à un appel d'offres pour des matchs commençant à 20 h 30, car à cette heure là, il y a des matchs de Ligue 1 !
Merci de ces précisions. M. Gervais Martel ne m'a pas fait la même réponse.
Nous avons proposé comme solution de programmer les matchs le samedi à 14 heures : les présidents de club n'en ont pas voulu. J'habite Carnac ; pour aller voir l'équipe de Rennes, je fais 120 kilomètres de route. Si le match commence à 21 heures, je ne rentre pas avant minuit trente, de nuit, souvent sous la pluie... Les présidents de Ligue 2 qui craignent de perdre des spectateurs oublient que beaucoup ne viennent pas, aujourd'hui, parce que le match finit trop tard ! Je suis sûr qu'à la fin de la saison prochaine, il y aura plus de spectateurs qu'aujourd'hui. Sans compter que beaucoup de personnes ne travaillent pas le vendredi après-midi...
Nous offrirons une couverture inédite de la Ligue 2, qui va enfin exister. Jamais un sponsor de Ligue 2 n'est passé à la télévision. Je défie quiconque ici de me citer les cinq premiers clubs de Ligue 2 ! J'aurai préféré que les matchs commencent plus tard, mais ce n'était pas possible : il y a un match de Ligue 1 tous les soirs. Encore une fois, ce sont les présidents de clubs qui l'ont voulu.
Ils auraient très bien pu refuser notre argent, et jouer quand bon leur semble !
Le public lensois vient de loin, beaucoup font deux heures de route. Pas facile d'être au stade pour 18 h 45... Je crains que les clubs ne perdent des spectateurs. Espérons que la visibilité accrue de la Ligue 2 attirera de nouveaux partenaires.
Les clubs perdront quelques spectateurs, mais gagneront ceux que le nouvel horaire arrange. Ils retrouveront un public plus familial.
J'ignore le pourcentage que représente le football dans nos programmes. Indéniablement, nous en diffusons beaucoup, mais je m'attache à ce que BeIN Sport n'apparaisse pas comme une chaîne dédiée au football. Samedi dernier, nous avons montré sept sports différents avant l'Euro : beach volley, derby d'Epsom, rugby à treize, etc. Je vous donnerai un chiffre quand la Ligue 1 et la Champions League auront commencé.
Considérer que je sers de caution est un peu réducteur... À mon âge, je n'aurais pas accepté d'être un pion ! J'ai pris ce poste avec sincérité, parce que je pense que nous pouvons faire quelque chose de bien. La démarche de l'actionnaire est commerciale, évidemment : il s'agit de créer une entreprise, de créer des emplois, de la richesse. Mais une démarche qui ne serait que commerciale n'aurait aucune chance d'aboutir. Pour avoir dirigé les sports sur France Télévisions, je sais combien il est difficile d'être écartelé entre les exigences de l'audience, d'une part, du service public, d'autre part. Les chaînes publiques devraient diffuser le handball féminin, le tir à l'arc, ... Oui, mais l'audience serait proche de zéro et le président du groupe risquerait d'être mis à la porte ! Nous ne prenons rien au service public, avec lequel nous passons des accords. À France Télévisions la couverture des Jeux olympiques ; BeIN Sport pour sa part diffusera l'intégralité du tennis, du handball et du basketball, masculin et féminin. Nous partagerons également la diffusion de la Coupe d'Angleterre de football. Je suis pour des accords avec les autres chaînes : nous ne recherchons pas l'exclusivité et ne sommes nullement le cheval de Troie de l'Argent dans le sport français !
Les droits, avec ceux des Jeux olympiques, appartiennent à France Télévisions. Le handisport est un sujet très complexe à traiter. Oscar Pistorius court avec les valides ! Malgré les discours politiquement corrects, il est difficile de filmer le handicap. J'ai beaucoup fait pour le handisport, pour que les sportifs aient des stades, des entraîneurs, des voitures pour leurs déplacements. Mais en faire un sport de télévision ? Le handicap n'est pas facile à montrer, même si l'on peut toujours se dédouaner en diffusant une ou deux courses...
Je ne parle pas des handicapés sportifs mais des sportifs de haut niveau qui sont handicapés. Avant de voir la personne handicapée, c'est l'exploit sportif que l'on voit ! Il n'y a pas de voyeurisme à regarder Philippe Croizon nager !
J'adhère totalement à ce propos. J'ai vu Philippe Croizon, son exploit sportif est remarquable.
Certaines personnes handicapées développent des aptitudes supérieures à celles des valides, du fait même de leur handicap.
Nous savons votre passion !
Je remercie M. Biétry. Son enthousiasme et sa sincérité à défendre le sport, y compris dans sa pratique quotidienne, ont séduit la commission. Nous serons vigilants à ce que la démarche commerciale de l'actionnaire ne l'emporte pas sur ce que vous nous avez donné à voir.