Je suis heureux de vous accueillir, à l'occasion de cette première réunion après la reconstitution de notre Office. Le premier point de notre ordre du jour consiste à nommer les rapporteurs de l'étude sur l'hydrogène, dont nous avons été saisis, en janvier 2012, par la commission des Affaires économiques du Sénat. J'en présenterai en quelques mots les principaux enjeux.
Le potentiel de l'hydrogène en tant que vecteur énergétique a été entrevu par Jules Verne dès la fin du XIXe siècle. C'est le plus petit élément et, en même temps, le plus répandu dans l'univers, et il a fasciné des générations de scientifiques et d'ingénieurs qui se sont attachés à exploiter ses propriétés physiques et chimiques, afin d'en extraire une solution pour le transport, le stockage et la restitution de l'énergie. L'intérêt pour cette solution est passé dans la sphère des décideurs et, depuis un demi-siècle, des investissements importants ont été réalisés dans ce domaine, notamment pour expérimenter des piles à combustible.
L'effort de recherche sur l'utilisation énergétique de l'hydrogène se poursuit aujourd'hui en France, au sein du CNRS, du CEA ou de l'IFP-EN, comme à l'étranger, notamment chez nos voisins allemands. La question du stockage et du transport de l'énergie s'avère en effet cruciale, en lien avec l'expansion des énergies renouvelables intermittentes que sont l'éolien et le solaire. Elle est évidemment également au coeur de la lutte pour la réduction de nos émissions de CO2.
Pour autant, une étude sur l'hydrogène ne doit pas se limiter à en présenter les promesses et applications possibles. Elle doit aussi mettre en évidence les obstacles qui restent à lever pour passer à une échelle industrielle. Il faut notamment analyser d'où vient l'hydrogène. L'étude devra donc considérer toute la chaîne qui va de la production de l'hydrogène à son utilisation, en passant par son transport et son stockage. Il conviendra aussi d'évaluer les atouts et faiblesses de ce vecteur énergétique par rapport à d'autres voies techniques possibles, notamment celle des hydrocarbures de synthèse.
À cet égard, il sera indispensable de faire le point sur les avancées réalisées depuis le rapport sur ce même sujet conduit par Robert Galley et Claude Gatignol en 2001, voire le rapport de Claude Birraux et Christian Bataille sur la recherche en énergie de 2008. Il s'agira aussi de restituer le rôle de l'hydrogène dans l'effort de recherche au service de la transition énergétique.
L'Office doit particulièrement s'attacher à donner une vue aussi complète que possible des enjeux, en termes positifs comme négatifs, des sujets qu'il traite. Je crois en effet que c'est sur sa capacité à produire des études complètes et équilibrées, ainsi qu'à dégager des orientations parfois inattendues, voir dérangeantes pour les acteurs en place, que notre Office a bâti, au fil des années, sa crédibilité, et qu'il pourra continuer à la consolider.
C'est d'autant plus vrai s'agissant d'un sujet comme l'hydrogène, qui a déjà été examiné à de nombreuses reprises, en France comme dans plusieurs autres pays, aussi bien au sein d'instances politiques que par des institutions scientifiques aussi réputées que notre Académie des sciences ou le National Research Council américain. Je suis donc particulièrement attaché à ce que notre étude sur l'hydrogène s'appuie sur les acquis de la démarche spécifique de notre Office pour parvenir à un résultat apportant une réelle valeur ajoutée par rapport aux réflexions existantes sur le sujet.
Après ces quelques précisions, j'ouvre la discussion pour le recueil des candidatures et la désignation des rapporteurs.
L'hydrogène suscite effectivement un intérêt renouvelé dans de nombreux pays, en particulier depuis la mise au point de la pile à combustible. C'est un constituant qui compose 75 % de notre planète, même si ce n'est pas le plus souvent à l'état brut. Les avantages procurés par cette ressource dépendent des conditions de sa mise en oeuvre ; c'est un vecteur intéressant pour le stockage d'énergie, face notamment au besoin de compenser l'intermittence de certaines énergies renouvelables, mais l'alternative d'une utilisation directe en combustion ou d'une utilisation indirecte en production d'électricité reste posée. Certains de nos voisins européens plus avancés dans ce domaine ont créé un cadre de réglementation pour l'utilisation de l'hydrogène. En France, les développements industriels correspondants s'effectuent à partir de quelques pôles technologiques encore isolés ; je suis depuis plusieurs années impliqué dans l'un d'eux, et cela m'incite à poser ma candidature pour la réalisation de l'étude, dont j'ai contribué par ailleurs à initier la demande.
Je souhaite dire tout le bien que je pense d'une telle étude, notamment en raison de son lien avec la réflexion sur le développement des énergies renouvelables, mais je tiens à souligner que le qualificatif d'« intermittentes » qui vient encore d'être utilisé pour décrire celles-ci est inapproprié, car il renvoie à un mécanisme de tout ou rien, alors que l'adjectif « variables » me paraît bien plus adapté, comme l'illustre le cas des énergies dépendantes du niveau des cours d'eau, par exemple. La question du stockage de l'électricité se pose pour toutes les formes d'énergies variables, y compris les énergies hydraulique et nucléaire.
En raison d'une proximité géographique avec un des quelques pôles technologiques impliqués, en l'occurrence celui d'Alphéa, je suis comme Jean-Marc Pastor très sensibilisé à la question du développement de l'hydrogène, notamment comme moyen de stockage de l'énergie, et je propose également ma candidature pour la conduite de l'étude.
J'observe qu'il est assez courant que l'Office confie des études à deux rapporteurs, partagés entre député et sénateur, ou majorité et opposition, et que le travail de fond conduit dans ces conditions n'en est qu'amélioré. Je rappelle aussi que les rapporteurs auront d'abord à réaliser une étude de faisabilité qui devra être présentée devant l'Office au bout de quelques semaines, et que l'Office pourra alors soit autoriser la poursuite de l'étude sur les bases proposées, soit en redéfinir les orientations. Ceci ayant été précisé, je soumets à l'approbation de l'ensemble des membres de l'Office la désignation de nos deux collègues candidats.
MM. Jean-Marc Pastor et Laurent Kalinowski sont nommés à l'unanimité rapporteurs de l'étude sur l'hydrogène.
Je salue notre collègue membre de la commission du Développement durable de l'Assemblée nationale, M. Julien Aubert, qui est chargé, avec Christophe Bouillon, de rédiger un rapport sur la gestion des déchets radioactifs.
Je salue bien entendu également M. Jean-Luc Lépine, président de la CNEF, que nous sommes satisfaits de pouvoir entendre aujourd'hui pour la présentation de son premier rapport, très attendu et ce depuis fort longtemps. Avant de lui donner la parole, je vais faire un bref rappel sur les conditions de mise en place de la CNEF et aussi une mise au point, pour ne pas avoir à y revenir par la suite.
Je voudrais souligner d'abord que cette audition devrait contribuer à apporter un démenti à l'idée souvent considérée comme admise dans l'opinion publique, et chez tous ceux qui n'ont pas été amenés à creuser le sujet, que la gestion des déchets nucléaires reste une question non traitée. Cette idée est même parfois véhiculée par des personnes qui sont pourtant par ailleurs généralement bien informées. Cette idée fait fi des efforts accomplis par notre pays depuis 1990, sous l'impulsion de l'OPECST, pour définir un cadre de gestion qui constitue aujourd'hui une référence en Europe et dans le monde.
Sur le plan du financement des charges de long terme, qui incluent la gestion des déchets radioactifs et les démantèlements, l'autorité administrative responsable du premier niveau de contrôle est la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC). La création de la CNEF, chargée d'un contrôle de second niveau, parachève en quelque sorte la construction de l'édifice. Car cette commission n'a de sens qu'une fois tous les autres éléments déjà en place.
Si le législateur a prévu, dans la loi de programme du 28 juin 2006, le principe d'une commission indépendante chargée d'évaluer les conditions du financement des charges de long terme de la filière nucléaire, ce n'est pas par hasard.
Cette disposition ne se trouvait pas dans le texte du projet de loi déposé par le Gouvernement en mars 2006. Elle résulte d'un amendement du député Claude Birraux, rapporteur de cette loi, longtemps membre de notre Office et qui en était d'ailleurs le président il y a encore quelques mois.
Comme l'a précisé Claude Birraux dans son amendement, sa proposition de création de la CNEF vise à garantir que les ressources nécessaires au financement des charges de long terme sont effectivement disponibles, sous forme non seulement de provisions, mais aussi d'actifs dédiés. Il avait en effet été frappé par l'exemple de la privatisation de British Energy qui avait révélé, malgré le contrôle public, la disparition des provisions pour les déchets et les démantèlements.
Le dispositif proposé par Claude Birraux pour assurer ce contrôle, ensuite devenu la loi, c'est à dire la création d'une commission formée d'experts indépendants, nommés par le Parlement et le Gouvernement, s'inspirait de celui mis en place, avec succès, en 1991, pour l'évaluation des recherches sur la gestion des matières et déchets radioactifs, avec la Commission nationale d'évaluation, plus connue sous l'acronyme CNE, qui constitue un aiguillon efficace et que nous auditionnons chaque année pour la présentation de son rapport.
Claude Birraux avait aussi prévu que la mise en oeuvre de cette mesure risquait de se trouver, malgré la volonté très claire du législateur, contrariée, ou du moins quelque peu retardée. C'est pourquoi il avait également veillé à fixer à deux ans l'échéance de publication du premier rapport de cette nouvelle commission. La suite des événements lui a donné raison, puisque nous nous retrouvons aujourd'hui pour la présentation de ce premier rapport, plus de six ans après la publication de la loi.
Depuis 2008, les membres de l'Office parlementaire ont pourtant appelé sans relâche le Gouvernement à accélérer l'installation de la CNEF, encore l'année dernière, dans le cadre des deux rapports de l'OPECST sur l'évaluation du Plan national de gestion des matières et déchets radioactif (PNGMDR) et sur la sécurité nucléaire. Nous avions d'ailleurs entendu pour la première fois le président Lépine dans le cadre du suivi de la mise en oeuvre des recommandations de ce dernier rapport, au mois de septembre 2011.
Même si je ne manquerai pas de faire quelques observations ensuite, je pense qu'il convient d'abord de féliciter son président de ce premier travail accompli par la CNEF.
Il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'évaluer le contrôle effectué, et cette mission est parfaitement remplie : au terme de la lecture du rapport, on connaît mieux le dispositif sur lequel s'appuie ce contrôle de la constitution d'actifs, du point de vue institutionnel comme du point de vue des moyens mobilisés, et certaines faiblesses en sont soulignées en toute objectivité ; je retiens particulièrement la difficulté juridique à solliciter, depuis son rattachement à la Banque de France, le service compétent en matière d'expertise pour l'appréciation des risques financiers, ou encore le départ programmé de l'unique fonctionnaire, ici présent, qui a suivi jusqu'ici ce dossier à la DGEC.
Le rapport se termine, comme on pouvait le souhaiter, par un ensemble de recommandations visant à améliorer le dispositif, et c'est là d'un apport précieux s'agissant d'une situation toute nouvelle reposant sur des fondements conceptuels qui restent encore à rôder au contact des situations pratiques. L'idée, par exemple, de sortir le CEA du champ d'application du dispositif nous apparaît peu conforme à la volonté initiale de transparence du législateur, mais rappelle les particularités de la situation financière de l'établissement public par rapport aux exploitants privés. Je laisserai mes collègues discuter de cette recommandation tout à l'heure.
Dans son introduction, le rapport de la CNEF impute paradoxalement au Parlement le retard de sa mise en route, du fait du temps mis à nommer certaines personnalités qualifiées. Je ne puis donner mon accord à cette interprétation, puisque le décret du 20 juin 2008, qui est cité dans le rapport de la CNEF avec un contenu non exhaustif, mentionnait bien tout à la fois les quatre personnalités qualifiées nommées par le Gouvernement et les quatre nommées, à l'époque, par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat. Par conséquent, rien ne s'opposait, à cette date, à l'installation de la CNEF, même si, le temps passant, il a bien fallu, par la suite, remplacer certains des membres initialement désignés, appelés à d'autres fonctions.
Aucune des explications successives données pour justifier ce délai d'installation de la CNEF ne nous ont convaincues, pas plus d'hypothétiques difficultés à dégager les ressources nécessaires à son secrétariat, que le manque de précision de la loi sur les modalités d'élection de son président, point qui relevait clairement du seul domaine réglementaire. Malheureusement, nous constatons fréquemment, en tant que parlementaires, indépendamment du gouvernement concerné, des insuffisances sur la mise en oeuvre réglementaire.
Ce premier rapport met une deuxième fois directement en cause le Parlement, cette fois concernant les difficultés rencontrées pour le réaliser. Je tiens à évacuer dès à présent ce second malentendu. D'une part, personne n'ignore qu'entre juin 2011, date de la première réunion de la commission, et aujourd'hui, les deux assemblées ont été renouvelées, tout comme les présidents des commissions parlementaires qui doivent être représentées au sein de la CNEF.
D'autre part, les présidents de commissions n'ont pas, dans l'esprit du législateur, vocation à intervenir dans l'écriture des rapports en lieu et place des huit personnalités qualifiées désignées à cette fin. Ils n'ont pas non plus à leur dicter un modus operandi pour organiser leur travail. D'ailleurs, je n'ai jamais entendu, dans les vingt années d'existence de la CNE, commission pourtant très proche de la CNEF par sa composition, ses membres réclamer au Parlement une aide quelconque pour la réalisation de leur rapport ou la façon d'organiser leurs travaux. Sur ce point, il faut au contraire que la CNEF puisse conserver toute liberté. A contrario, les représentants du Parlement seront bien entendu toujours à l'écoute pour fournir un appui à la commission si celle-ci venait à rencontrer des obstacles d'ordre institutionnel.
J'ai commencé en vous félicitant parce que vous posiez les bonnes questions, et j'ai levé deux malentendus. Je vais maintenant vous donner la parole pour présenter ce rapport.
Nous avons signalé dans ce rapport les difficultés d'installation de la commission. Ce problème est à présent derrière nous.
Nous avons tous été nommés par décret en 2008, mais la commission n'a été réunie pour la première fois qu'en juin 2011. Aucune disposition ne prévoyait les modalités de son organisation ou celles de la désignation de son président. Nous avons spontanément proposé à M. Jean-Paul Emorine, à l'époque président de la commission de l'Économie, du Développement durable et de l'Aménagement du territoire du Sénat, de prendre la présidence de la CNEF. Compte tenu de la proximité des échéances électorales au Sénat, il a décliné cette proposition. Pour sortir la commission de l'embarras, j'ai donc accepté d'en prendre la présidence et d'en organiser les travaux. Ce rapport constitue le résultat d'un travail collectif des personnes qui se sont investies dans ce sujet ; aussi, bien qu'ils soient absents, je souhaite les remercier pour leur assiduité.
Vous avez rappelé que la CNEF est née d'un souhait du Parlement, exprimé à l'occasion du débat sur la loi de 2006. Vous avez également évoqué l'exemple de la société British Energy, tombée en faillite. Faute d'avoir isolé les ressources nécessaires aux démantèlements à venir, ceux-ci se retrouvent aujourd'hui à la charge du contribuable britannique.
Deux types d'organisations existent, de par le monde, pour mettre à l'abri les ressources nécessaires aux charges futures. Un certain nombre de pays ont estimé préférable d'isoler ces fonds dans des structures extérieures aux entreprises, c'est le cas des Etats-Unis et des pays scandinaves. En revanche, en France, à la demande des principaux intervenants du secteur électronucléaire, ces fonds ont été maintenus dans le bilan des entreprises, d'où l'importance de l'amendement proposé par les parlementaires.
Vous avez, d'autre part, précisé que la CNEF assure un contrôle de second niveau, alors que celui de premier niveau est réalisé par l'autorité administrative, c'est à dire la Direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), en la personne d'Olivier Gallou, ici présent, qui assumait la gestion des flux d'information relatifs au financement des charges de long terme des exploitants nucléaires.
En outre, la Cour des comptes a publié, en début d'année 2012, un rapport remarquable, auquel celui de la CNEF fait référence, sur les coûts de l'énergie électronucléaire. À cette fin, la Cour des comptes a mobilisé des moyens considérables, à hauteur d'une quinzaine de rapporteurs. Sur la base de cet acquis, nous avons orienté les efforts de la commission sur deux axes : d'une part, l'actualisation, à fin 2011, à partir des toutes dernières données disponibles, des chiffres fournis par la Cour des comptes, et, d'autre part, l'évaluation de la façon dont l'autorité administrative effectuait la vérification des conditions de constitution des provisions, et de gestion des actifs dédiés, par les exploitants.
Sur le fond du débat, il ne sera possible de connaître de façon certaine le coût des démantèlements et de la gestion des déchets que dans cinquante à soixante-dix ans. Aussi, la loi de 2006 prévoit-elle que les exploitants procèdent, sous leur propre responsabilité, à une évaluation prudente de ces coûts.
Début 2012, l'évaluation des charges fait état de 88,621 milliards d'euros de dépenses qui s'étaleront sur une cinquantaine d'années. Il faut donc savoir quelles provisions constituer aujourd'hui pour être en mesure de couvrir ces dépenses le moment venu. La somme que l'on trouve au bilan des entreprises (34,776 milliards d'euros) est-elle suffisante ? A-t-elle été calculée avec la prudence demandée par la loi ? La gestion des actifs dédiés permettra-t-elle de payer les dépenses de démantèlement ? Le rapport s'attache à étudier ces différentes questions.
Concernant la prudence requise, il convient de remarquer que le rapport de la Cour des comptes n'apporte pas de réponse catégorique, du fait des incertitudes pesant sur les dépenses futures. La CNEF s'appuie sur les commentaires de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui estime qu'il n'y a pas de marge de sécurité suffisante pour couvrir aléas et incertitudes. En matière de stockage géologique profond, il y a des risques de sous-estimation, ce qui a conduit l'ASN à demander la reprise de l'évaluation de ce coût, d'autant que la fourchette entre les évaluations des producteurs et de l'ANDRA va du simple au double.
Sur le montant des dépenses à venir, la CNEF estime qu'on ne dispose pas à l'heure actuelle de marge de précaution. L'évaluation de la valeur présente de dépenses brutes étalées sur cinquante ans repose fondamentalement sur une hypothèse concernant le taux d'actualisation. Actuellement fixé à 5 %, il pourrait devoir être réévalué, car un tel niveau ne permet pas de marge de précaution. De plus, ce taux est constant dans le temps. Or il serait prudent d'envisager une baisse de ce taux, ce qui entraînerait 4 à 5 milliards d'euros de provisions supplémentaires. Il faut que les exploitants puissent financer cette somme, ce qui n'est pas assuré dans les conditions actuelles.
L'on a donc identifié deux sources d'interrogation : d'une part, le montant des dépenses, en raison de la non-réévaluation du coût du stockage géologique profond et, d'autre part, celui du taux d'actualisation. Ces deux éléments montrent que la valeur actualisée des dépenses pourrait être supérieure aux prévisions actuelles.
Comment les exploitants se situent-ils par rapport à leurs obligations de constitution d'actifs ? Les provisions à couvrir atteignent 34,7 milliards d'euros et les valorisations des portefeuilles d'actifs constitués s'élevaient au 31 décembre 2011 à 31,6 milliards d'euros. La différence provient de deux éléments : le régime spécial consenti à EDF pour lequel l'obligation de couverture de 100 % a été reculée de cinq ans. En effet, pour EDF le taux de couverture minimal à respecter est resté fixé à 75 % et le taux de couverture constaté se maintient à 85 %. Un certain nombre d'autres exploitants ont un taux de couverture non complet, cette situation concernant particulièrement le cas d'Eurodif. La CNEF estime qu'à ce jour il manque 327 millions d'euros d'actifs dédiés, avant réévaluation éventuelle des charges futures.
Les évaluations sont-elles suffisamment prudentes ? La réponse n'est pas évidente, mais il est clair qu'il n'y a pas de marge de sécurité.
Par ailleurs, la CNEF, c'est l'une de ses spécificités, est juge de l'action de l'autorité administrative, en pratique la DGEC, à qui il faut rendre hommage car elle a coopéré de manière transparente. Fin juin dernier, l'ensemble des observations de la commission lui ont été présentées et cette autorité n'a pas contesté les critiques émises. En effet, cette direction générale gère un flux considérable d'informations qu'elle doit analyser pour interagir avec les exploitants. Si l'on fait une comparaison avec d'autres pays, elle ne dispose pas des ressources humaines suffisantes pour accomplir sa tâche, malgré la qualité des personnels ; cela gêne le suivi des observations auxquelles l'exploitation des documents peut conduire.
En outre, la notion d'autorité administrative figurant dans la loi est peu limpide : qui est véritablement cette autorité ? Est-ce la direction générale de l'énergie ou le ministre ? Comme les sujets traités dépassent souvent les aspects purement techniques, ne faudrait-il pas envisager un lien avec le ministère de l'économie et des finances ? La notion d'autorité administrative gagnerait donc à être mieux définie.
Au moment où la CNEF a initié ses travaux, la présence de membres de l'autorité administrative dans les conseils d'administration des sociétés contrôlées est apparue problématique. Il y avait là un mélange des genres, mais ce problème a été résolu. Depuis, des modifications ont permis aux membres de la DGEC concernés d'abandonner leur fonction d'administrateur, au profit de celle de commissaire du Gouvernement, plus conforme au rôle d'une autorité administrative chargée de faire appliquer par les exploitants les dispositions législatives et réglementaires.
La CNEF a, comme vous l'avez noté, fait une observation sur les conséquences administratives de la disparition du corps de contrôle des assurances, désormais intégré au corps des mines. Auparavant, celui-ci transmettait des diagnostics précieux sur les portefeuilles des exploitants nucléaires. La DGEC a sollicité l'autorité de contrôle prudentiel pour lui demander d'assurer cette fonction d'expertise, mais le Gouverneur de la Banque de France, M. Christian Noyer, a considéré cela comme impossible, faute de fondement législatif. Aussi, serait-il utile que les parlementaires fassent en sorte que l'appréciation portée sur les portefeuilles des exploitants nucléaires puisse être soumise aux observations des ex-contrôleurs des assurances en poste à l'autorité de contrôle prudentiel.
S'agissant de la réglementation très détaillée de la gestion des actifs dédiés, qui exige que ceux-ci soient sûrs et liquides, EDF a pris l'initiative d'inclure dans ses actifs 50 % de sa filiale RTE, dérogeant ainsi au caractère de sécurité antérieurement recherché. La DGEC a été saisie par les exploitants nucléaires d'une demande de modification de la réglementation en ce sens. Pour sa part, la CNEF a souhaité conserver la réglementation actuelle prévoyant des actifs liquides de valeur incontestable, estimant, de surcroît nécessaire que d'éventuelles modifications de la réglementation s'effectuent désormais dans la transparence.
Procédant à son auto-évaluation, la commission s'est demandée si d'autres institutions ne pourraient pas exercer ses attributions. Il en est ainsi de la Cour des comptes qui, ayant établi un excellent rapport sur les coûts de la filière nucléaire, pourrait, dans trois ans, se substituer à la CNEF.
En ce qui concerne la possibilité d'un transfert des compétences à l'ASN, elle a été écartée par la commission. Le président de l'autorité, André-Claude Lacoste, lors de son audition par la CNEF, a déclaré que l'ASN, certes clairement en charge de la sécurité technique, ne peut néanmoins se désintéresser de la sécurité financière, laquelle concerne, en matière nucléaire, le préfinancement des démantèlements futurs ainsi que la responsabilité civile des exploitants. Pour autant, la plupart des membres de la commission ont considéré que la fonction prioritaire et le coeur du métier de l'ASN résidaient dans le contrôle de la sécurité technique et que, probablement, elle n'aurait ni l'appétence, ni les moyens humains, pour aller au-delà.
Une autre hypothèse suggérée par l'autorité administrative, et soutenue par la commission, envisagerait la possibilité d'un appel à la CNEF dans le cadre de la supervision en continu des placements des exploitants, la CNEF remplissant ainsi une fonction consultative auprès de la DGEC.
Enfin, la commission a évoqué l'exemple britannique, qui est caractérisé par l'externalisation des fonds de démantèlement et la souplesse de la réglementation. Il existe en outre au Royaume-Uni une interface de spécialistes des questions financières auprès du Secrétaire d'Etat.
Il appartiendra in fine au Parlement de se prononcer sur les différentes modalités possibles d'évolution des missions de la CNEF.
Je remercie le président Lépine de cette présentation, et donne à présent la parole aux membres de l'Office parlementaire.
Je remercie aussi le président Lépine pour la grande transparence de ce rapport. Il serait souhaitable que celui-ci puisse être plus largement diffusé dans le grand public. Dans notre pays, alors que la construction d'une éolienne nécessite d'avoir provisionné au préalable l'argent nécessaire à son démantèlement, quarante ans après avoir lancé le programme nucléaire, la connaissance, sans parler du provisionnement, des moyens financiers nécessaires à la gestion des conséquences de cette industrie reste incertaine. L'absence de fonctionnaire permettant d'y travailler, la difficulté à réunir la commission, l'impossibilité de faire appel au corps de contrôle des assurances, sont autant d'éléments montrant que cette connaissance n'est pas jugée, aujourd'hui, prioritaire.
Je continue à considérer qu'en France la question des déchets nucléaires n'est pas réellement traitée : ces déchets sont déplacés, empilés, font l'objet de rapports et de réunions de commissions. Mais à ce jour, sans faire insulte à la loi portant le nom du président Bataille, leur sort final n'est pas connu, puisque nous aurons à en discuter au cours de cette législature.
D'autre part, ce que vous soulignez, tout comme l'a fait la Cour des comptes, sur les sous-évaluations manifestes de ces coûts, s'avère particulièrement préoccupant. Ainsi dans votre conclusion, vous indiquez qu'il « apparaît que les évaluations actuelles des exploitants ne comportent pas de marge de sécurité et qu'il y a un risque qu'elles aient à être revues en hausse à l'avenir. En particulier deux points mériteraient d'être réexaminés », vous les avez évoqués : « le taux d'actualisation utilisé par les exploitants nucléaires », pour lequel vous avez précisé qu'il devait être revu, « et l'évaluation du coût du stockage géologique profond ».
Par ailleurs, que pensez-vous des propos tenus voici quelques semaines devant une commission sénatoriale par le président de l'ASN, M. André-Claude Lacoste : « S'agissant des provisions, nous avons été choqués par deux épisodes récents. D'une part, quand le Gouvernement a buté pour trouver des provisions conformes à la loi, il a publié un décret permettant de contourner l'esprit de la loi. C'est typiquement le cas des actions de RTE. D'autre part, certaines situations me paraissent rigoureusement contraires à la loi : c'est ainsi qu'une partie des provisions pour le démantèlement du CEA s'est transformée en créances sur l'État. Nous sommes nombreux à ne pas avoir une très haute opinion de la valeur d'une créance sur l'État dans un tel domaine. Historiquement, le démantèlement d'une installation nucléaire s'est déjà trouvé en grand péril faute d'un financement qui devait être assuré directement par l'État. » ?
Une autre question concerne les conséquences sur l'évaluation des charges de long terme d'une éventuelle décision d'abandon de la filière du retraitement et du MOX, ce qui aurait pour conséquence de transformer en déchets des matières aujourd'hui considérées comme des combustibles potentiels. Quelles en seraient les conséquences sur l'évaluation des besoins de stockage et sur leur coût ? Un facteur deux par rapport à l'évaluation actuelle de l'ANDRA, à hauteur de trente-cinq milliards d'euros, parfois évoqué, vous semble-t-il un ordre de grandeur réaliste ? À cet égard, la Cour des comptes a elle-même estimé qu'en l'absence de certitude sur la poursuite du retraitement, il convenait, pour le moins, d'envisager, en matière d'évaluation, toutes les hypothèses.
Je n'entrerai pas dans une polémique avec notre honorable collègue Denis Baupin, mais je tiens à marquer mon désaccord avec certaines affirmations. Lorsqu'il indique que les déchets radioactifs iraient à vau-l'eau, ou que l'on ne saurait qu'en faire, je me félicite que certains parlementaires puissent se trouver réélus plusieurs fois. En tant que mémoire, avec Jean-Yves Le Déaut, de notre Office, je rappellerais que la loi du 30 décembre 1991, aménagée en 2006, précise les modalités de gestion des déchets radioactifs. Nous pourrions y consacrer un long débat, en retracer l'histoire et en prouver l'actualité, puisqu'elle a servi dernièrement de modèle à la réglementation européenne.
Avec M. Lépine, nous essayons de discerner les contours du financement des charges de long terme, mais, en dépit de tous ses efforts, je dois reconnaître que la matière reste opaque à la plupart d'entre nous, et ce, pour une raison évidente : nous avons, avec Claude Birraux, institué la CNEF en 2006 et il a fallu attendre 2011 pour son installation. De ce fait, le rapport remis aujourd'hui est le fruit d'une unique année de travail. Pourquoi cette commission n'a-t-elle pas été installée plus tôt ? Sans doute en raison du poids et de la pression informelle de ce qui est pudiquement appelé « l'autorité administrative ». Nous trouvons-nous dans un pays sans parlement ni gouvernement, pour qu'une autorité administrative se trouve en position de décider quand une commission instituée par la loi pourra se réunir ? La difficulté à mettre en oeuvre cette disposition prouve bien qu'elle n'allait pas dans le sens souhaité. Au fond, EDF désirait conserver la mainmise sur ce dossier, au point de vue de ses implications techniques comme financières.
Au moment du vote de la loi de 2006, j'ai proposé à son rapporteur, Claude Birraux, la constitution d'un fonds dédié placé sous le contrôle de la Caisse des dépôts. Après avoir, dans un premier temps, acquiescé, Claude Birraux s'est rallié à la position de la majorité de l'époque qui estimait que ce fonds devait être, en quelque sorte, privatisé. Au départ, il s'agissait en effet de quasi fonds publics, puisqu'EDF restait encore dans la lancée de son ancien statut d'entreprise nationale. Depuis que la privatisation d'EDF est effective, ces fonds sont désormais placés, pour leur plus grande part, sous le contrôle d'une société privée, qui réagit en tant que telle, et non pas du point de vue de l'intérêt public.
Il me semble qu'il y a là matière à réflexion pour la majorité récemment élue. Pour assurer plus de transparence, ne serait-il pas préférable de créer un fonds placé sous le contrôle des pouvoirs publics et dont la gestion serait confiée à la Caisse des dépôts ? Vous avez vous même souligné des mouvements, avec RTE, qui démontrent que ces sommes ne sont plus véritablement sous contrôle public. Enfin, si nous sommes très satisfaits de vous entendre rapporter devant la représentation nationale, je crois qu'à l'avenir celle-ci doit avoir son mot à dire sur l'utilisation de ces sommes. Ainsi, les parties prenantes au futur centre de stockage débattent entre elles sur des estimations de coût qui vont du simple au double, sans que le Parlement n'ait jamais été informé à ce sujet par un rapport de l'ANDRA, l'organisme public en charge de la gestion des déchets radioactifs.
Sans remettre en cause le rôle de la CNEF, il faut désormais aller plus loin. Vous avez vous même suggéré plusieurs évolutions possibles, il appartient au législateur d'y réfléchir pour que ces fonds soient placés sous le contrôle permanent du Parlement, et non plus seulement scrutés tous les trois ans. Je crois en l'avenir de notre politique nucléaire, sous réserve d'une application transparente de la loi sur la gestion des déchets.
Il n'est pas tolérable que ces fonds soient sous le contrôle des exploitants. La politique de gestion des déchets et la réalisation du stockage géologique profond, l'un des tout premiers en Europe, engagent l'avenir de l'ensemble de la population. Ce stockage fait d'ailleurs partie intégrante de la sécurité et de la sûreté nucléaire, sujets sur lesquels j'interviens prochainement en séance. En conclusion, tout en donnant quitus à la commission pour le travail accompli, je tiens néanmoins à marquer mon insatisfaction sur la façon dont les textes ont été appliqués par l'autorité administrative. Je considère qu'il est temps de rendre le pouvoir au Parlement. L'autorité administrative doit écouter les décisions du Parlement.
Si je suis sévère, c'est que depuis six ans ce dossier fait l'objet d'une véritable occultation. Il faut en tirer les conséquences. La loi doit être appliquée et, si nécessaire, réformée, pour que le Parlement puisse assurer, dans l'intérêt public, un meilleur contrôle, au nom des citoyens qui l'ont élu.
Je vous remercie pour la qualité de votre rapport, mais aussi pour y avoir inclus vos réflexions sur les conditions de réalisation de votre propre travail, dans un contexte où la définition des mots et des concepts utilisés n'est pas partagée par tous. Aussi, je souhaite vous demander de préciser certains aspects. S'agissant de la période de cinquante ans mentionnée dans le rapport, celle-ci correspond-t-elle à une échéance commune ou propre à chaque installation ? Quel en est le début et la fin ? Qu'en est-il de la disponibilité des fonds évoqués et à quel moment ceux-ci devront-ils être mobilisés ? Sur le coût du stockage, comment expliquer le différentiel de l'ordre de 15 milliards entre les estimations ? Résulte-t-il d'une mésestimation du volume des déchets à stocker, de la taille du stockage à creuser ou de la charge d'exploitation ? D'autre part, comment les évaluations parviennent-elles à réconcilier le différentiel temporel entre des démantèlements, à la durée relativement courte, et un stockage de déchets radioactifs, dont la vie, ou la demi-vie, s'avère beaucoup plus longue ? Enfin, comment définir l'autorité administrative ? L'imprécision sur ce terme a d'ailleurs pu contribuer à créer les malentendus entre exécutif et législatif à la source du retard d'installation de la CNEF.
Je vais d'abord répondre aux questions de Mme Marie-Yvonne Le Dain. La période de cinquante ans mentionnée dans le rapport se rapporte à la durée de vie des centrales, lesquelles auront, pour la plupart, atteint les quarante ans dans la période 2025-2035, mais pourraient se trouver prolongées. S'y ajoute, a minima, une dizaine d'années, à partir d'une décision de démantèlement, même immédiat, pour le démontage des installations principales. Ensuite, les déchets à vie longue rejoindront, pour une période beaucoup plus étendue, le centre de stockage géologique profond. L'actualisation permet de ramener ces coûts futurs à une valeur courante par l'application d'un taux d'actualisation. Sur l'origine du différentiel dans l'estimation des coûts annoncés par les producteurs et l'ANDRA pour le stockage géologique profond, respectivement quinze et trente-cinq milliard d'euros, celui-ci résulte de désaccords techniques sur le dimensionnement des galeries, les modalités de leur creusement ou encore la réalisation de la réversibilité. Tout comme l'ASN, nous souhaitons vivement que ces évaluations puissent converger, ce qui nécessite une concertation. Quant au terme « autorité administrative », il provient de la loi. Enfin, j'estime que le retard dans l'installation de la CNEF résulte d'un malentendu entre les présidents des commissions du Parlement et les ministres, plutôt que d'une volonté délibérée de ces derniers.
Ce ne sont pourtant pas les commissions parlementaires qui ont demandé à retarder l'installation de la CNEF.
L'utilisation du terme « autorité administrative » est d'ailleurs, en l'occurrence, impropre, puisqu'il ne s'agit pas d'une délégation de l'autorité de l'État.
Ces fonds seront-ils bien mobilisables, le moment venu, pour la construction du centre de stockage géologique profond ?
Je reviens à la gestion des fonds. Tous les trimestres, l'autorité reçoit des relevés des portefeuilles des actifs dédiés des exploitants. Il n'y a donc aucune crainte sur la consistance de ces fonds. À l'égal de ceux destinés à garantir le paiement de retraites d'un individu à une échéance de vingt ou trente ans, la bonne gestion financière de ces fonds doit permettre de disposer des sommes nécessaires à une échéance donnée. Actuellement le problème est de déterminer quelle évaluation sera choisie pour le stockage ultime, compte tenu du différentiel existant en valeur actuelle, à hauteur de cinq milliards d'euros.
D'abord une remarque préliminaire : vous n'avez pas indiqué les noms des personnes auditionnées. D'autre part, avez-vous l'impression d'avoir obtenu d'elles l'ensemble des informations que vous recherchiez ? Vous avez dit tout à l'heure qu'il y a deux doctrines : isoler les fonds, comme aux Etats-Unis, ou les intégrer aux actifs des entreprises, ce qui correspond à notre situation. Jugez-vous cette dernière situation pertinente et suffisante pour pouvoir faire appel, le moment venu, à ces fonds, afin de faire face aux frais de démantèlement et de stockage souterrain ? Notre collègue, M. Denis Baupin a indiqué, tout a l'heure, que ces fonds étaient peut-être insuffisants, ou du moins difficiles à apprécier. Pouvez-vous donner votre avis à ce sujet, même si vous n'avez disposé que de peu de temps pour procéder une telle évaluation ? Avez-vous pu consulter les experts à même de formuler un avis autorisé à ce sujet ? Pensez-vous souhaitable d'instaurer un contrôle en continu plutôt que tous les trois ans ?
Notre mission consiste à évaluer le contrôle réalisé par l'autorité administrative, en l'occurrence la DGEC. Nous avons tenu néanmoins à auditionner les exploitants nucléaires ainsi que les personnes qui formulent, à destination de la DGEC, des avis sur les documents fournis par ceux-ci. À ce titre, nous avons entendu le président de l'ASN, très soucieux des aspects financiers des opérations de fin de cycle, ainsi que le commissaire contrôleur des assurances, auteur, avant son intégration en début d'année à l'autorité de contrôle prudentiel, de rapports approfondis sur l'adéquation des provisions constituées à la couverture des dépenses futures. C'est l'intérêt de ces rapports qui nous a conduits à demander que l'autorité de contrôle prudentiel puisse apporter son concours à la DGEC.
Sur la question de la difficulté de l'évaluation des dépenses de fin de cycle, il convient de distinguer deux situations. D'une part, les opérations de fin de cycle à la charge de l'entreprise qu'elle met en oeuvre directement : ainsi, EDF a provisionné 4 milliards d'euros pour la déconstruction des installations aujourd'hui arrêtées, dont 2,5 ont déjà été dépensés ; à ces sommes vont s'ajouter les 18 milliards nécessaires au démantèlement des réacteurs en cours de fonctionnement. D'autre part, les opérations, tel le stockage géologique profond, qui, n'étant pas réalisées par l'entreprise, impliquent que celle-ci y concourt par le versement d'une participation financière à une entité tierce.
À ce sujet, s'agissant du litige, entre EDF et l'ANDRA, sur le coût du stockage géologique profond, je considère, comme mes collègues, qu'il aurait été préférable d'en débattre au sein des commissions du Parlement, plutôt que dans la presse. Il ne s'agit pas ici de s'interroger sur l'utilisation de tunneliers pour creuser des galeries, mais sur le choix d'une solution permettant de garantir la sûreté et la réversibilité du stockage. Avez-vous eu l'occasion d'évoquer cette question durant vos auditions ?
Nous avons interrogé les uns et les autres. Mais derrière les débats techniques, se profilent des positions d'opportunité tactique. Ainsi, EDF, futur utilisateur du centre de stockage géologique profond, souhaite, à l'évidence, diminuer sa contribution, en discutant les premiers devis. L'ASN a pris position à ce sujet, en jugeant insuffisantes les sommes actuellement provisionnées dans les bilans des entreprises, et demande la convergence vers des évaluations réalistes.
Disposez-vous d'un compte rendu de l'audition de M. André-Claude Lacoste ? A défaut, l'Office parlementaire devrait sans doute l'entendre, puisque les interprétations à ce sujet divergent. Il s'agit d'un point important car nous aurons à débattre de la réversibilité du stockage d'ici 2017.
Dans le rapport, nous nous sommes bornés à citer des passages d'un courrier de M. André-Claude Lacoste qui ne concordent pas exactement avec la déclaration citée par M. Denis Baupin.
Je précise, pour éviter toute ambiguïté, qu'il s'agit d'une déclaration faite sous serment, devant une commission d'enquête du Sénat.
L'ASN présente chaque année son rapport annuel devant l'Office. Cela n'a pas été possible au premier semestre, compte tenu de la période électorale. Nous aurons donc la possibilité de reposer ces questions à l'occasion de l'audition de l'ASN prévue à la rentrée.
J'en viens à ma dernière question. S'agissant des créances croisées entre exploitants, notamment avec AREVA, considérez-vous qu'elles représentent un risque substantiel, compte tenu des sommes en jeux ? Qu'en est-il des parts d'EDF dans RTE ?
Ces créances croisées résultent du dénouement d'opérations de démantèlement confiées à l'un des exploitants, les autres y apportant leur contribution financière. Compte tenu des montants limités, les exploitants disposent de liquidités suffisantes pour en assurer, le cas échéant, la couverture. En revanche, nous sommes plus inquiets de la dépendance du CEA vis-à-vis de l'Etat qui ne correspond pas au principe de la loi, puisque celle-ci vise à isoler au sein de chaque entité des liquidités suffisantes pour couvrir les futurs besoins.
Je relève que si le CEA se trouve ainsi dispensé de l'obligation, imposée aux autres exploitants, de constituer des actifs dédiés, le coût de démantèlement de ses installations et de stockage de ses déchets devra in fine être supporté par le contribuable.
Je remercie M. Jean-Luc Lépine d'avoir répondu, de la façon la plus franche possible, à nos interrogations. Je remercie également tous les membres de la CNEF pour le travail accompli. Nous avons retenu un certain nombre de leurs suggestions, notamment celle relative à l'autorité de contrôle prudentiel.
Une étude de la commission du Développement durable de l'Assemblée nationale va se pencher sur la question de la gestion des déchets radioactifs. L'Office continuera, pour sa part, à en assurer le suivi. Indépendamment de nos positions respectives, comme mes collègues, j'estime nécessaire de mobiliser des ressources suffisantes pour assurer le contrôle du financement des démantèlements et de la gestion des déchets, lesquels devront être réalisés, quelles que soient les décisions prises à l'avenir dans ce domaine.