Le Gouvernement souhaite confier à M. Marc Meunier, administrateur civil, la direction générale de l'Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus). Nous l'entendons donc, en application de l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, issu de la loi du 29 décembre 2011 sur la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. A la différence des fonctions entrant dans le champ de l'article 13 de la Constitution, il ne s'agit pas ici de délivrer un avis : cette simple consultation préalable ne donnera pas lieu à un vote.
L'Eprus a été créé en 2007 pour gérer les moyens de lutte contre les menaces sanitaires graves : moyens matériels, comme les stocks de médicaments et de produits de santé, moyens humains avec les équipes de la réserve sanitaire susceptible d'intervenir en France ou à l'étranger. L'établissement dispose d'une trentaine d'emplois et d'un budget alimenté par l'Etat et l'assurance maladie. Ces crédits, après avoir sensiblement varié ces dernières années, s'établissaient à un peu plus de 50 millions d'euros en 2012.
Je présente devant vous ma candidature au poste de directeur général de l'Eprus. Agé de cinquante et un ans, j'ai mené une carrière assez diversifiée avec pour un fil conducteur le service public. Vétérinaire de formation initiale, j'ai tout d'abord été chargé de l'inspection des produits carnés au marché d'intérêt national de Rungis. Je suivais parallèlement les cours de l'institut d'administration des entreprises de Paris. Diplôme en poche, j'ai été missionné par le ministère de la coopération pour exercer pendant trois ans les fonctions de directeur administratif et financier d'une société d'élevage à Dakar à laquelle le gouvernement français apportait des subsides. A mon retour j'ai eu la responsabilité, en Dordogne, de la lutte contre les grandes maladies animales contagieuses.
C'est là, en côtoyant préfet et sous-préfets, qu'est né mon désir d'intégrer le corps préfectoral, ce qui m'a conduit, après l'Ecole nationale d'administration, à des fonctions d'administrateur civil du ministère de l'intérieur. J'ai alors exercé différentes fonctions classiques de sous-préfet : directeur de cabinet du préfet du Cher, sous-préfet de l'arrondissement de Gourdon dans le Lot, puis secrétaire général de la préfecture de Saint-Lô dans la Manche.
En 2007, j'ai changé d'activité en devenant sous-directeur de l'éducation routière à la délégation ministérielle à la sécurité et à la circulation routières. Cette administration est en charge du permis de conduire, ce qui inclut la gestion de 1 300 inspecteurs sur tout le territoire.
Depuis huit mois, en qualité de chef de cabinet de la ministre des affaires sociales et de la santé, j'ai participé à l'installation et aux débuts du cabinet de Mme Marisol Touraine. Très récemment, la ministre m'a proposé de prendre la direction générale de l'Eprus.
Jeune opérateur de l'Etat, créé en 2007, l'Eprus intervient essentiellement en matière de logistique. Il ne gère donc pas les menaces sanitaires. C'est un outil de préparation et de réponse rapide aux crises, en France ou à l'étranger. Sa première mission consiste à acquérir, gérer et distribuer un stock de médicaments pour faire face à la fois aux risques nucléaire, chimique, biologique ou radiologique, aux grandes pandémies comme la grippe aviaire et aux grandes catastrophes naturelles. Ces produits peuvent aussi être utilisés dans le cadre des plans grand froid. Sa seconde mission est la mise en place et la gestion d'une réserve sanitaire, composée aujourd'hui de 6 000 volontaires, actifs, retraités ou étudiants, souvent issus du monde médical. Ils prennent un engagement vis-à-vis de l'Eprus et peuvent ainsi être mobilisés au pied levé pour des missions en France ou à l'étranger.
Les fonctions de directeur général de l'Eprus me semblent intéressantes car elles portent sur une matière que j'aime et correspondent aux expériences que j'ai acquises tout au long de mon parcours professionnel. En tant que vétérinaire, j'ai établi des plans de lutte contre des maladies contagieuses des animaux. Puis, en qualité de sous-préfet, j'ai géré un certain nombre de crises comme la disparition des sept spéléologues dans le Lot pendant dix jours ou, dans la Manche, des épisodes neigeux bloquant des nuits entières des dizaines voire des centaines d'automobilistes sur l'autoroute A 13. Dans ce département, j'ai aussi réalisé de nombreux exercices nucléaires. J'ai ainsi acquis une culture de la gestion de crise et une expérience des opérations de terrain.
De par mes fonctions au Sénégal ou comme secrétaire général de préfecture, j'ai aussi été un gestionnaire public. Je possède une bonne connaissance des ministères puisque j'ai travaillé aux ministères de l'agriculture, de la coopération, de l'intérieur, des transports et enfin des affaires sociales. Au sein de ce dernier, j'ai eu, au cours des derniers mois, l'occasion de rencontrer les différents acteurs de la santé. Je crois disposer d'un certain nombre d'atouts pour accéder à la direction de l'Eprus... et d'une appétence forte pour la matière à traiter !
Mon intérêt pour l'Eprus tient aussi au fait qu'il s'agit d'une jeune structure. Sa mise en place depuis 2007 a certes été un peu perturbée par la grippe aviaire en 2009 mais ce fut aussi l'occasion d'accélérer la définition des procédures et de tirer les enseignements de la pratique.
Je mettrai mes pas dans ceux de mes prédécesseurs, qui se sont attachés à la structuration interne, à la définition de procédures d'acquisition et de renouvellement des stocks, à la constitution de la réserve sanitaire, à la définition d'une doctrine d'emploi : quelles missions leur confie-t-on, où, dans quelles conditions ?
Je souhaiterais à présent faire porter l'effort sur les relations avec les autres acteurs tels que le service de santé des armées, la sécurité civile et les services d'urgence des hôpitaux. L'Eprus, petite structure de 35 personnes, est loin d'être le seul intervenant ; mais dans la mesure où il n'a pas d'étiquette particulière, il pourrait jouer un rôle de chef d'orchestre, notamment à l'étranger. Tous les intervenants entretiennent déjà des relations mais il me semble que des synergies plus consistantes pourraient être trouvées en matière d'acquisition des médicaments, d'action des volontaires sur le terrain - et de formation, car si chacun a son programme, il y aurait néanmoins des rapprochements intéressants à envisager. Le Parlement portera sans doute un regard vigilant sur ces sujets, avec le souci du bon emploi des deniers publics.
Lors de la création de l'Eprus, le groupe CRC avait exprimé son scepticisme : car il existait déjà une réserve civile, qui avait démontré une grande capacité d'intervention. N'aurait-il pas été plus simple de modifier les règles de son fonctionnement ?
Nos craintes semblent se confirmer à la lecture d'un article paru dans le Quotidien du médecin du 18 mai 2012 faisant état des critiques de l'association Samu-urgences de France, sur l'absence de concertation avec les structures de soins, la mauvaise utilisation des ressources humaines, les risques de désorganisation des services d'urgence et l'inefficience globale du dispositif. Ces critiques vous paraissent-elles fondées, et le cas échéant, comment remédier aux faiblesses signalées ?
Je vous poserai également trois questions en ma qualité de rapporteur de la mission santé du budget de la nation : suite aux difficultés rencontrées par le passé, l'Eprus a-t-il amélioré l'adéquation de ses stocks aux besoins ? Souvenez-vous des dérapages lors de l'épisode H1N1. Ne pourrait-on en outre mieux négocier les dates de péremption avec les industriels ? Le financement de l'établissement, qui actuellement pèse largement sur l'assurance maladie, ne devrait-il pas plutôt relever d'une dotation du budget de l'Etat ?
Et comment mettre en place la réserve sanitaire, alors que des territoires sont sous-dotés en professionnels de santé ?
Outre les synergies de type horizontal avec l'armée et la sécurité civile, nous devons aussi assurer une coordination « descendante » entre l'Eprus, les agences régionales de santé (ARS) et les hôpitaux, services d'urgence essentiellement. Les réflexions engagées consacrent le rôle majeur des ARS, particulièrement des ARS de zone. L'Eprus leur confiera la gestion d'une partie du stock de médicaments. Les trente-trois centres de stockage actuels seront ainsi remplacés par un grand entrepôt national - en construction à Vitry-Le-François - regroupant 80 % des produits, les 20 % restants étant répartis entre sept points de stockage, correspondants aux sept zones de défense et gérés par les préfets de zone et les ARS.
Pour la gestion des réservistes, les ARS seront également intégrées dans la boucle : grâce au partage des fichiers, elles pourront, en cas de crise, faire appel aux réservistes situés dans leur zone. L'organisation qui se met en place repose donc sur le principe de subsidiarité.
Une difficulté s'est présentée dans le passé entre l'Eprus et les Samu et urgences ; il faut sans doute là encore revoir le circuit, car l'établissement a jusqu'à maintenant fonctionné de façon un peu fermée. Les chefs de service étaient prévenus la veille au soir de l'absence pour dix ou quinze jours d'un membre de leur équipe. Ils sont partants pour nous aider, mais demandent d'une part à être prévenus aussi tôt que possible, d'autre part à choisir qui ils mettent à notre disposition, afin de perturber le moins possible le fonctionnement de leur service. Nous veillerons à satisfaire ces attentes compréhensibles.
L'adaptation des stocks aux besoins ne relève principalement pas de l'Eprus : celui-ci a un rôle de logisticien, sous la tutelle du ministère de la santé. C'est le département des urgences sanitaires (DUS) du ministère qui détermine quels médicaments l'établissement doit acheter et quelles quantités. Le DUS s'appuie du reste sur l'expertise de l'Institut de veille sanitaire (InVS), qui identifie et évalue les menaces, et sur celle de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), qui dit quels produits acheter et en quelles quantités. Sans jouer un rôle majeur dans ces décisions, l'Eprus pourrait toutefois y être associé plus en amont.
Plusieurs améliorations pourraient être apportées dans la gestion des stocks. Vous évoquez les dates de péremption : l'allongement de la durée de vie de certains produits par rapport au droit commun pourrait être obtenu, sous le contrôle de l'ANSM, sans nuire à la qualité des produits. Autre piste, quelques mois avant d'être périmés, les médicaments pourraient être réinjectés dans un circuit traditionnel, sans doute pas celui des officines de ville, mais peut-être celui des pharmacies des hôpitaux, même si elles ont leur propre politique d'achat. La réflexion n'est pas close mais les sommes en jeu nous imposent de trouver des solutions.
Une réserve gérée au niveau national a des atouts, mais n'exclut pas une utilisation déconcentrée par les ARS et les préfets de zone. Dans le cas où les effectifs de la zone ne suffiraient pas, l'Eprus serait sollicité pour faire appel aux réservistes d'autres régions. Enfin, je ne connais pas toutes les raisons ayant justifié que l'Eprus soit financé à 50 % par l'assurance maladie. Vous en savez sûrement plus que moi sur l'origine des choses !
Pourriez-vous nous donner des précisions sur les interventions de l'Eprus à l'étranger ? A-t-on bien analysé ex post la crise H1N1, dont nous gardons au Sénat le souvenir vif, car elle a donné lieu à des discussions mémorables au sein de notre assemblée ?
Avant la création de l'Eprus, la France ne disposait pas, à la différence de tous les autres grands pays, d'un organisme de gestion des crises capable de prendre en charge la logistique de A à Z et d'assurer des conditions de travail optimales aux personnes mobilisées. Les volontaires se félicitent de pouvoir désormais se concentrer sur leur tâche sans perdre de temps à régler des questions matérielles. La gamme des interventions de l'établissement est plus large que celle de l'armée, dont les conditions d'emploi sont moins souples, et de la sécurité civile, spécialisée dans des missions de courte durée. En outre, la réserve comprend des praticiens de très nombreuses spécialités. L'armée n'a pas de pédiatres, requis en Haïti. J'ajoute que si l'Eprus compte des militaires et des sapeurs-pompiers parmi ses réservistes, il les emploie sous sa bannière, bien acceptée à l'étranger. Bilan : chacune des interventions s'est bien déroulée.
Les critiques formulées par la Cour des comptes concernant la gestion de la crise H1N1 ne visent pas l'Eprus, qui est d'abord et avant tout un logisticien ; la Cour estime au contraire que l'établissement a correctement assumé sa mission. Puisque vous me demandez mon avis, je vous dirai qu'il existe manifestement des marges de progrès dans la gestion de tels épisodes. En particulier, la réponse pourrait être plus graduée et la communication auprès du grand public, plus fine. En s'appuyant sur des centres de vaccination créés ex nihilo plutôt que sur les médecins libéraux et les hôpitaux, les pouvoirs publics se sont privés de relais de communication puissants dans le monde médical. De plus, les accords passés dans l'urgence avec les laboratoires n'ont pas été à l'avantage de l'administration, qu'il s'agisse des conditions de rupture des contrats ou des options de réduction des quantités. Mais reconnaissons que la critique est facile après-coup et n'oublions pas que les délais de décision imposés par la situation étaient très serrés.
Monsieur Meunier, merci et bonne chance. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous ne sommes pas appelés à voter sur cette nomination.