Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande de M. le Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création du contrat de génération s'est réunie à l'Assemblée nationale le mardi 12 février 2013.
La commission mixte paritaire procède d'abord à la désignation de son bureau, qui est ainsi constitué :
Catherine Lemorton, députée, présidente,
Claude Jeannerot, sénateur, vice-président.
Puis ont été désignés :
Christophe Sirugue, rapporteur pour l'Assemblée nationale,
Christiane Demontès, rapporteure pour le Sénat.
La commission est ensuite passée à l'examen des dispositions restant en discussion.
Le projet de loi initial comportait cinq articles. Cinq articles additionnels ont été introduits par l'une ou l'autre de nos deux assemblées et cinq articles ont été adoptés conformes. Il reste donc cinq articles en discussion.
Nos rapporteurs nous le confirmeront : nos deux assemblées sont très largement d'accord sur ce texte, puisque nous sommes saisis de propositions de rédaction communes à nos deux rapporteurs.
Je ne vois pour ma part qu'un seul point de débat entre nos deux assemblées, à savoir la condition de non-licenciement pendant les six mois précédant l'embauche du jeune et plus particulièrement la référence, que le Sénat a supprimée, à la rupture conventionnelle.
Je vous remercie pour votre accueil. Le projet de loi a donné lieu à un travail approfondi à l'Assemblée nationale, dans le respect des grands équilibres du texte initial, approuvé par l'ensemble des organisations syndicales et patronales. Les débats au Sénat ont permis d'apporter des précisions et compléments. Je suis convaincu que notre réunion aboutira à un texte commun, dont le Sénat aura à connaître dès ce soir, et ce afin de permettre une mise en oeuvre rapide du nouveau dispositif.
Les principales modifications apportées par le Sénat peuvent être regroupées en cinq points : la promotion du dialogue social ; le renforcement du contenu des accords et des plans d'action ; la clarification des conditions d'éligibilité aux aides financières ; l'information du Parlement ; la suppression de dispositions obsolètes.
Sur le premier point, le Sénat a souhaité encourager le dialogue entre partenaires sociaux dans l'entreprise en restreignant les possibilités de recourir au plan d'action unilatéral de l'employeur. Désormais, le procès-verbal de désaccord doit être signé avec les délégués syndicaux s'ils sont présents dans l'entreprise, ou avec les membres des institutions représentatives du personnel, si des négociations ont été engagées avec eux, dans le cadre dérogatoire prévu par le code du travail.
S'agissant du renforcement du contenu des accords et plans d'action, le Sénat a prévu, d'une part, que le diagnostic obligatoire évalue la mise en oeuvre des accords seniors de 2009 et, d'autre part, que les accords et plans d'action comportent des engagements pour les jeunes les moins qualifiés, et attachent une attention particulière à la formation des référents et des salariés âgés. Ces documents doivent par ailleurs assurer la réalisation des objectifs de lutte contre les discriminations à l'embauche mais aussi durant le déroulement de carrière des salariés. Enfin, ils doivent obligatoirement traiter de l'amélioration des conditions de travail des salariés âgés et de la prévention de la pénibilité.
Sur le troisième point, la clarification des conditions d'éligibilité à l'aide financière de l'État, le Sénat a distingué les règles applicables à la catégorie professionnelle de celles relatives au poste sur lequel est prévue l'embauche. Il a également précisé que le montant de l'aide sera calculé au prorata de la durée hebdomadaire du travail des salariés du binôme.
Concernant l'information du Parlement, le Sénat a souhaité que le Gouvernement rende un rapport unique et annuel au Parlement sur l'application des contrats de génération, qui comprenne notamment une analyse spécifique relative aux départements et régions d'outre-mer. Ce rapport doit en outre évaluer l'opportunité, trois ans après la promulgation de la loi, de modifier les bornes d'âge pour bénéficier du contrat de génération et d'instaurer une pénalité à l'encontre des entreprises de 50 à 300 salariés non couvertes par un accord d'entreprise ou un plan d'action.
En dernier lieu, le Sénat a supprimé certaines dispositions jugées obsolètes, en l'occurrence le dispositif d'aide à l'emploi des seniors créé par la loi portant réforme des retraites de 2010 qui n'a jamais été mis en oeuvre, faute de décret d'application.
Les modifications apportées par le Sénat ne remettent donc aucunement en cause l'équilibre du projet de loi initial et de l'accord national interprofessionnel du 19 octobre 2012.
Mme Demontès a rappelé les apports du Sénat et nous avons encore tous à l'esprit l'ensemble des sujets. Ce texte a en effet été examiné dans des délais limités, afin de permettre une entrée en vigueur rapide du dispositif, qui est appelé à jouer un rôle important en faveur de l'emploi des jeunes et des salariés âgés, et va s'insérer dans un édifice plus large comprenant les emplois d'avenir et le dispositif de sécurisation de l'emploi dont nous débattrons prochainement.
Les modifications apportées au texte par nos collègues sénateurs constituent des avancées importantes, en renforçant notamment la portée du dialogue social dans les entreprises. Le Sénat a en effet prévu la mise en place d'une procédure de constat d'un éventuel désaccord dans les entreprises où la négociation serait menée avec les institutions représentatives du personnel, en cas d'absence de délégués syndicaux. Or, il faut rappeler que ce n'est qu'en cas d'échec de la négociation que l'employeur pourra recourir à un plan d'action mis en oeuvre de manière unilatérale.
Le Sénat a également supprimé certaines dispositions relatives au contenu des accords collectifs ou des plans d'action, qui ont vocation à figurer dans les textes réglementaires qui seront pris après promulgation de la loi.
Le Sénat a enfin souhaité introduire une clause de « revoyure » : un bilan de la mise en oeuvre du contrat de génération devra ainsi être réalisé, qui, le cas échéant, conduira à revoir les conditions d'accès à l'aide ainsi que le dispositif de pénalité applicable aux entreprises si celles-ci ne jouent pas le jeu.
Il appartient désormais à la commission mixte paritaire de prolonger le travail parlementaire, qui a été jusqu'ici particulièrement constructif. Ainsi, pour la très grande majorité des dispositions restant en discussion, nous vous proposons de retenir la version du Sénat, seules quelques dispositions méritant un examen complémentaire :
- tout d'abord, s'agissant du contenu du diagnostic préalable, l'Assemblée nationale avait apporté plusieurs précisions, qui ont été en grande partie supprimées au Sénat. Certaines nous semblent devoir être réintroduites ;
- ensuite, sur le contenu des engagements pris par les entreprises dans le cadre de leurs accords collectifs, le Sénat a indiqué qu'ils visaient en particulier la formation et l'insertion dans l'emploi des jeunes les moins qualifiés. Or, le contrat de génération, qui n'est pas un nouveau contrat aidé, n'a pas vocation à s'adresser particulièrement à des jeunes peu qualifiés. Si la situation de ces jeunes les moins qualifiés peut être prise en compte dans le cadre de l'accès au plan de formation de droit commun de l'entreprise, il n'apparaît pas opportun d'en faire un marqueur des contrats de génération. Nous ferons une proposition en ce sens ;
- s'agissant de la condition de non-licenciement pendant les six mois précédant l'embauche du jeune, le Sénat a supprimé la condition relative à l'absence de rupture conventionnelle sur le poste sur lequel est prévue l'embauche. Les députés tenaient à cette précision, nous souhaitons donc la rétablir. En outre, le Sénat a établi une distinction entre la condition de non-licenciement économique, sur les postes relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle est prévue l'embauche, et la condition de non-licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l'inaptitude, sur le seul poste pour lequel est prévue l'embauche. La position de l'Assemblée était plus stricte, l'ensemble de ces conditions devant s'appliquer sur l'ensemble des postes relevant de la catégorie professionnelle dans laquelle est prévue l'embauche. Nous devons donc rediscuter de ce point ;
- enfin, le Gouvernement a souhaité revoir au Sénat les conditions d'ouverture de l'aide, en prévoyant que celle-ci sera accordée aux entreprises à compter de la date de conclusion de l'accord collectif ou d'établissement du plan d'action. Il nous semble que cette date, outre qu'elle peut être difficile à déterminer, peut également être sujette à caution : l'Assemblée avait prévu à cet égard que l'aide soit accordée à compter du dépôt auprès de l'administration de l'accord ou du plan d'action, date qui a l'avantage d'être précise et objective. Nous proposerons donc de revenir à cette rédaction.
Sur la quasi-totalité de ces points, nous avons travaillé avec Christiane Demontès afin de vous proposer des rédactions communes autour desquelles je souhaite que nous puissions nous retrouver. Nous vous proposerons également des modifications d'ordre strictement rédactionnel ou des ajustements. Seule la question de la rupture conventionnelle ne fait pas l'objet d'une proposition commune de notre part.
La commission mixte paritaire est ensuite passée à l'examen des articles restant en discussion.
Article 1er Définition et modalités d'application du contrat de génération
La commission mixte paritaire adopte deux amendements rédactionnels présentés par les rapporteurs, aux alinéas 16 et 20.
Elle examine ensuite un amendement des mêmes auteurs visant à détailler de manière plus approfondie le contenu du diagnostic préalable.
A la suite de la réécriture opérée par le Sénat consistant à supprimer le détail du diagnostic préalable introduit à l'Assemblée nationale et à y inclure la question des accords seniors, nous considérons qu'il convient à tout le moins de mentionner l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes au même titre que ces derniers : le présent amendement vise donc à insister sur cet objectif. L'objectif est que ces deux outils se complètent afin d'obtenir un diagnostic le plus précis possible sur la situation des ressources humaines dans l'entreprise.
Le diagnostic préalable doit certes prendre en compte un certain nombre d'actions, mais, pour que le dispositif fonctionne, il ne faut pas ajouter sans cesse des contraintes supplémentaires. C'est pourtant ce à quoi tend cet amendement, du moins en apparence. Car, en pratique, la loi prévoit déjà de telles dispositions. Elle est suffisamment explicite sur les obligations des entreprises en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, ne rajoutons donc pas de la complexité à la complexité.
Si nous sommes évidemment favorables à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, à niveau de compétences, de poste et de temps passé dans l'entreprise équivalents, il me paraît inutile d'alourdir encore les sanctions à l'encontre des entreprises.
L'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est une règle de droit, qui doit toujours être retenue. Pourquoi la mentionner ici ? Cela pourrait signifier qu'à chaque fois qu'on ne la signale pas, elle ne s'applique pas. Une telle précision est donc dangereuse car elle peut susciter des interprétations a contrario dans les textes où elle ne figure pas.
Il est normal que nous ayons un débat sur ces dispositions. Toutefois, il ne s'agit pas là de sanctions. Il s'agit de rappeler l'importance des engagements pris par l'entreprise et de faire en sorte que les accords sur l'égalité professionnelle et l'emploi des seniors ne soient pas balayés avec l'adoption d'un nouveau dispositif mais, au contraire, soient pris en compte dans le diagnostic, lorsqu'ils existent. Nous avons beaucoup de difficulté à faire avancer la question de l'égalité entre les femmes et les hommes, il est donc important d'insister sur cet objectif.
Si l'objectif n'est pas atteint, la prime ne sera pas versée : cela me paraît donc bien relever d'une forme de sanction.
Il y a manifestement confusion entre le contenu du diagnostic et les objectifs à réaliser. L'amendement porte sur le contenu du diagnostic : alors que les accords et plans d'action ont vocation à permettre la réalisation d'un certain nombre d'objectifs, au premier rang desquels l'égalité professionnelle, il serait surprenant que le diagnostic préalable ne prenne pas en compte ce qui a déjà été fait en la matière ! Cet amendement relève donc plus d'une coordination que d'une modification de fond. Il faut connaître précisément l'état des lieux avant de se fixer des objectifs pour atteindre un résultat !
La commission mixte paritaire adopte l'amendement des rapporteurs.
Elle est ensuite saisie d'un amendement proposé par les deux rapporteurs.
Cet amendement vise à déplacer la mention des jeunes les moins qualifiés à la dernière phrase de l'alinéa 25 relative à l'accès au plan de formation, qui paraît plus appropriée que sa position actuelle. Nous avons eu un débat important au Sénat et en avons discuté avec Christophe Sirugue. Nous souscrivons au fait que le contrat de génération ne doit pas être ciblé sur la catégorie des jeunes les moins qualifiés. Il est ouvert à tous les jeunes à condition qu'ils remplissent les conditions d'âge. Néanmoins, le débat au Sénat nous a incités à pointer la nécessité, pour les jeunes les moins qualifiés, de les faire bénéficier d'actions spécifiques dans le cadre du plan de formation de l'entreprise.
Le ministre, pendant la discussion à l'Assemblée nationale et au Sénat, a rappelé de nombreuses fois qu'il ne s'agissait pas de créer une nouvelle forme d'emplois aidés. Le fait de distinguer les jeunes les moins qualifiés est une façon de revenir vers des emplois aidés. Avec notre rapporteur Christophe Sirugue, nous avions cosigné un amendement qui indiquait que les jeunes embauchés dans le cadre du contrat de génération devaient bénéficier du plan de formation de l'entreprise. Le législateur manifestait ainsi sa volonté en insistant sur le fait que le plan de formation de l'entreprise devait bien s'appliquer à tous les salariés. Mais puisque les moins qualifiés sont déjà inclus, selon le texte, dans le plan de formation, ajouter une mention spécifique à leur intention ne me paraît pas utile.
Une nouvelle fois, nous stigmatisons une partie des jeunes alors qu'il n'y a pas de différence à faire entre les moins qualifiés et les plus qualifiés. C'est à l'entreprise elle-même ou au référent de prendre en charge la formation nécessaire à chaque jeune, qu'il soit ou non qualifié. Comme le ministre l'a indiqué et Christiane Demontès l'a rappelé, on ne cible que l'âge dans le contrat de génération et non pas la qualification ou les compétences. L'amendement proposé ne correspond donc pas à l'esprit du projet de loi.
Je rejoins ce qui a été dit par nos collègues et j'estime que c'est aux entreprises de définir leurs plans de formation. A titre personnel, je laisserai donc l'initiative de cet amendement à ma collègue du Sénat. Je crains effectivement une stigmatisation des non-qualifiés.
Je crains que cet amendement ne remette en cause l'égalité des salariés devant le plan de formation dans l'entreprise.
Les débats au Sénat sur ce sujet ont été longs. L'amendement initial du groupe UDI, trop contraignant, prévoyait une formation qualifiante obligatoire pour les jeunes non qualifiés. Il a ensuite été rectifié pour aboutir au dispositif qui vous est soumis.
Quant à l'égalité des salariés devant la formation, vous savez bien, mes chers collègues, ce qu'il en est. Qui bénéficie le plus de la formation tout au long de la vie sinon ceux qui sont déjà les plus formés et les plus qualifiés ? Je pense que le dispositif proposé n'introduit pas de rupture nouvelle. C'est un dispositif incitatif qu'il me semble important de maintenir, comme point de vigilance pour les entreprises. Cela servira non seulement aux jeunes mais aussi aux salariés plus âgés qui aujourd'hui, dans l'entreprise, n'ont pas accès à la formation.
Je vais peut-être dénoter par rapport à ce que disent mes collègues mais je trouve dommage que l'on retire la mention des jeunes les moins qualifiés du dispositif du contrat de génération pour la remettre dans le plan de formation. Je pense qu'elle pourrait figurer aux deux endroits. J'imagine bien que cela ne simplifiera pas la tâche de tout le monde mais je ne crois pas qu'il faille se poser ce genre de questions.
Je ne vais pas reprendre l'argumentaire de Christiane Demontès mais je voudrais préciser que ce point a fait largement consensus au Sénat. Il importe que la commission mixte paritaire en soit informée.
Je rejoins la position de la rapporteure du Sénat pour souligner l'inégalité qui existe aujourd'hui dans les entreprises à l'égard de la formation et je trouve souhaitable d'ajouter une mention dans le texte à propos des jeunes les moins qualifiés parce que cela pourrait bénéficier aussi aux autres salariés les moins qualifiés. Cette question se retrouvera dans la prochaine loi sur la sécurisation de l'emploi, dans laquelle la formation des salariés qui bénéficient le moins du plan de formation aura toute sa place.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement présenté par les deux rapporteurs.
Elle est ensuite saisie d'un autre amendement des mêmes auteurs.
Cet amendement est relatif au contenu des accords collectifs. L'Assemblée nationale avait souhaité travailler de manière approfondie sur le contenu de ces accords, notamment sur un point qui nous semblait particulière faible, à savoir la transmission des savoirs et des compétences. Le Sénat est revenu sur ce point. Mme la rapporteure du Sénat et moi-même en avons rediscuté. Il m'a semblé important que les modalités de mises en oeuvre de la transmission des savoirs et des compétences soient précisées dans les accords. L'amendement qui vous est soumis prévoit de compléter en ce sens l'alinéa 25. Il est important que l'on sache comment la transmission de ces compétences va être mise en oeuvre.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement des deux rapporteurs, puis trois amendements rédactionnels et un amendement de coordination des mêmes auteurs.
Elle est ensuite saisie de deux amendements mis en discussion commune, le premier du rapporteur pour l'Assemblée nationale, le second de la rapporteure pour le Sénat.
Mon amendement touche le point important qui a été évoqué aux débuts des travaux de notre commission mixte paritaire. Dans le texte qui est sorti des débats du Sénat, parmi les clauses qui excluent les entreprises du bénéfice de l'aide liée au contrat de génération, le Sénat a choisi de supprimer totalement la mention de la rupture conventionnelle. Cette approche méconnaît la réalité actuelle de ce dispositif, qui est totalement intégré dans la gestion des ressources humaines des entreprises et qui a ses côtés positifs et ses côtés négatifs. Loin de nous l'idée de parer la rupture conventionnelle de tous les vices et de prétendre qu'elle camouffle des pressions. Mais loin de nous aussi de considérer que c'est désormais le dispositif idéal de gestion des relations dans l'entreprise. Nous estimons que la rédaction établie par l'Assemblée nationale, qui suggérait que, dans les six mois qui précèdent la conclusion d'un contrat de génération, on soit attentif à ce qu'il n'y ait pas eu de rupture conventionnelle dans la catégorie professionnelle concernée par l'embauche du jeune, avait pour avantage de prévenir de tels risques. J'entends les objections selon lesquelles nous interdirions du même coup la quasi-totalité des ruptures conventionnelles dans l'entreprise. Ces objections faites à notre rédaction sont infondées. La rupture conventionnelle peut tout à fait intervenir après la signature du contrat de génération et je ne vois pas en quoi nous interdirions, par notre texte, cette pratique dont personne ne prétend qu'elle soit entièrement bonne ni entièrement mauvaise. Ce dispositif est utilisé parfois avec un intérêt partagé, parfois à la demande du salarié lui-même mais il camoufle parfois aussi, nous le savons tous, un moyen de se séparer du salarié. L'amendement propose donc d'en revenir à la rédaction de l'Assemblée nationale selon laquelle une rupture conventionnelle intervenue, dans les six mois précédents, dans la catégorie professionnelle considérée, ne permet pas l'ouverture au droit du contrat de génération.
L'amendement que je vous propose reprend le texte de la commission des affaires sociales du Sénat. Il réintroduit la mention de la rupture conventionnelle qui a été supprimée par le Sénat lors des débats en séance. C'est une proposition de compromis entre la version issue des travaux de l'Assemblée nationale, que vient de nous présenter Christophe Sirugue et le texte adopté par le Sénat. Pour clarifier le débat, je rappellerai que le projet de loi initial interdisait les aides au titre du contrat de génération dans les entreprises de moins de 300 salariés quand l'entreprise a procédé, dans les six derniers mois, à un licenciement économique sur le poste sur lequel est prévue l'embauche. Comme l'a rappelé le rapporteur, l'Assemblée nationale a rendu plus strictes ces conditions, d'une part en substituant la notion de poste à celle, plus large, de catégorie professionnelle et, d'autre part, en remplaçant la référence au licenciement économique par celle de la rupture conventionnelle ou du licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l'inaptitude. Mon amendement distingue ces deux niveaux d'analyse : celui de la catégorie professionnelle et celui du poste concerné. Pour la catégorie professionnelle, l'aide sera interdite si l'entreprise a procédé à un licenciement économique au cours des six derniers mois. Pour le poste sur lequel est prévue l'embauche, les conditions sont plus sévères puisque l'aide ne pourra être accordée si l'employeur a procédé à une rupture conventionnelle homologuée ou à un licenciement pour un motif autre que la faute grave ou lourde ou l'inaptitude. Pour faire simple, l'aide est interdite si une rupture conventionnelle ou un licenciement économique ou pour faute simple a eu lieu sur le poste concerné.
J'avais déposé, au Sénat, cet amendement de suppression de la référence à la rupture conventionnelle identique à un amendement de M. Jacques Mézard. Lors du scrutin public, les groupes UMP, Union des démocrates et indépendants - Union centriste, le groupe du Rassemblement démocratique et social européen et le groupe écologiste ont voté pour. La rupture conventionnelle, je le rappelle, résulte d'un accord entre employeur et salarié ; ce n'est pas un licenciement. Elle ne devrait donc donner lieu à aucune pénalité à l'encontre de l'employeur. Je vous rappelle aussi que ni l'accord national interprofessionnel, ni le projet de loi initial ne contenaient de disposition relative à la rupture conventionnelle.
Les députés à l'origine de cette disposition souhaitaient lutter contre les ruptures conventionnelles forcées. Celles-ci n'existent pas : elles sont interdites par la loi et jugées par les prud'hommes !
Au Sénat, le ministre Michel Sapin s'était déclaré défavorable à mon amendement, faisant valoir qu'il souhaitait préserver l'équilibre trouvé par la commission des affaires sociales du Sénat. Mais je vous rappelle qu'il avait émis, à l'Assemblée nationale, un avis de sagesse sur votre amendement, en notant que « la majorité a[vait] tapé large » et que la disposition qu'elle proposait était « un peu excessive ». Je lui avais demandé, en séance publique, ce qui se passerait lorsqu'un membre du binôme est licencié pour un motif autre que la faute grave. Je vous cite ses propos : « Le dispositif que nous proposons est le suivant : quelles que soient les raisons du départ du salarié, qu'il soit naturel, dû à une démission ou entraîné par une faute extrêmement grave, cause de licenciement, il est toujours possible de s'appareiller autrement pour maintenir le dispositif lui-même. De ce point de vue, nous avons veillé à garantir une certaine souplesse ». On nous parle de souplesse, mais six mois avant de créer un binôme, on ne pourrait pas procéder à une rupture conventionnelle ! Ces amendements posent un réel problème de lisibilité.
Je crois nécessaire de souligner que le nombre de ruptures conventionnelles augmente aujourd'hui dans des proportions inquiétantes, compte tenu de l'importance de la crise économique. Un salarié souhaite-t-il vraiment, dans ce contexte, rompre son contrat de travail ? On peut en douter, d'autant que la rupture conventionnelle concerne surtout des salariés de plus de cinquante-sept ans dont l'employabilité est des plus faibles. J'ajoute que dans le court délai de six mois précédant la conclusion du contrat de génération, la rupture conventionnelle n'aura éventuellement pas pu être requalifiée par l'administration. Enfin, le Parlement n'est pas contraint à une simple retranscription de l'accord national interprofessionnel : il peut aussi tenir compte de tous les salariés qui ne sont représentés par aucun délégué du personnel. Notre rôle est aussi de les protéger.
Je partage les propos de la présidente sur l'accord national interprofessionnel, dont l'objet n'était pas de traiter les conditions d'application du contrat de génération.
Je me réjouis car, quel que soit l'amendement qui sera adopté, il permettra d'intégrer les cas de rupture conventionnelle dans ceux ne pouvant ouvrir droit à l'aide accordée pour les contrats de génération. Les ruptures conventionnelles sont aujourd'hui devenues un instrument de gestion des ressources humaines : lorsqu'elles concernent des salariés de cinquante-six ou cinquante-sept ans, on peut douter qu'elles soient volontaires.
La différence entre nos amendements réside dans la référence que nous souhaitons faire, pour la rupture conventionnelle, soit au poste, soit à la catégorie professionnelle dans lesquels est prévue l'embauche.
Le contrat de génération, contrairement à ce que Mme Debré a développé, ne repose pas sur un binôme au sens nominatif du terme...
et heureusement ! Vous vous abritez derrière l'accord : je vous rappelle la position des partenaires sociaux qui ont alerté sur le risque de constituer des binômes nominatifs concernant des seniors qui ne souhaitent ou ne peuvent pas assurer le suivi d'un jeune. L'important est pourtant bien l'accompagnement dans l'entreprise, du jeune embauché. C'est la raison pour laquelle, après un long débat à l'Assemblée nationale, nous avons décidé de traiter de la rupture conventionnelle en nous référant à la catégorie professionnelle car une identification des binômes de poste à poste ne nous semblait pas praticable.
Notre débat porte sur un sujet en réalité plus large, à savoir l'avenir de la forme des contrats de travail. Les propos qui ont été tenus à l'Assemblée nationale sur la rupture conventionnelle ont été très forts. L'exposé sommaire de l'amendement de la commission évoquait des ruptures conventionnelles forcées. Je rappelle que celles-ci peuvent être requalifiées par des décisions prud'homales. Vous aviez également mis en cause la rupture conventionnelle lors de l'examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, en instaurant une taxe pesant sur les indemnités versées dans le cadre de ce dispositif.
J'ai donc le sentiment que le durcissement du texte qui nous est soumis obéit à un objectif politique de remise en cause de la rupture conventionnelle, dont je rappelle que sa création avait été décidée par les partenaires sociaux. Sans doute, certaines ruptures sont-elles plus volontaires que d'autres, mais l'on sait aussi que certains responsables syndicaux poussent les salariés, dans les entreprises, à demander un licenciement pour motif économique afin de percevoir l'indemnité qui l'accompagne.
Le ministre Michel Sapin avait appelé, à l'Assemblée nationale, à la sagesse sur l'amendement présenté par le rapporteur concernant la rupture conventionnelle. Le rapporteur nous déclare que le binôme n'est pas nominativement identifié, mais telle était bien l'idée défendue par le candidat socialiste à l'élection présidentielle. Vous avez fait disparaître le lien entre les membres du binôme. Vous acceptez que soit conclue une rupture conventionnelle au lendemain de la signature du contrat de génération, ce qui suppose de remplacer l'un d'eux. C'est, pour moi, la preuve que ce binôme est, en réalité, bien identifié. En conclusion, je suis défavorable aux deux amendements qui nous sont présentés.
Comme l'a dit le rapporteur Christophe Sirugue, la rupture conventionnelle est trop souvent considérée comme un outil de gestion des ressources humaines. Ces deux amendements ont le mérite de mettre en évidence cet effet pervers.
Je pense que l'amendement présenté par la rapporteure Christiane Demontès constitue un juste milieu entre la position d'alerte des députés et l'avis de sagesse émis par le ministre. Il constitue, selon moi, une solution permettant de sortir par le haut du problème qui nous est posé.
Vous nous dites que le binôme ne repose sur aucun lien nominatif entre ses membres. Nous sommes pourtant attachés à la formation et à la transmission des savoirs. Je regrette que le lien intergénérationnel, souhaité par le Président de la République et figurant dans sa proposition n° 33 lorsqu'il était candidat, soit devenu un lien simplement comptable. Il est dès lors identifié : le ministre a déclaré que si l'un des deux membres du binôme devait partir, quelle qu'en soit la raison, il devrait être remplacé par un autre salarié.
C'est le poste sur lequel est recruté le jeune qui est identifié. Je suis favorable à l'amendement présenté par Mme Christiane Demontès. Il est positif d'introduire, dans le dispositif, la rupture conventionnelle, afin d'éviter tout effet d'aubaine.
Un travail reste évidemment à mener sur ce dispositif de rupture conventionnelle dont la plus grande dérive est de se substituer à des préretraites. En l'espèce, le risque est faible puisque la conclusion d'un contrat de génération suppose le maintien d'un senior dans l'emploi. Je pense par ailleurs qu'il ne faut pas faire d'amalgame entre rupture conventionnelle et licenciement et donc ne pas procéder à une généralisation du dispositif à l'ensemble des ruptures conventionnelles.
Le Président de la République n'a pas conçu le dispositif du contrat de génération comme le tutorat d'un salarié à l'égard d'un autre. Le principe est que l'arrivée des uns ne se traduise pas par le départ des autres. Là réside le caractère intergénérationnel du dispositif : l'entrée dans l'emploi de jeunes en contrat à durée indéterminée est conjuguée au maintien dans l'emploi de seniors. Le binôme n'est pas nominatif - du reste, les partenaires sociaux ne l'ont pas souhaité. Ce sont les postes concernés qui sont identifiés.
Je salue la capacité d'Olivier Véran de réécrire l'Histoire... Nous n'avons, lui et moi, pas entendu les mêmes choses pendant la campagne présidentielle !
La notion de catégorie professionnelle me paraît trop large, au vu de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation qui la définit comme « l'ensemble des salariés qui exercent des fonctions de même nature ». Je crains les risques de contentieux.
La notion de catégorie professionnelle est couramment employée en matière de licenciements pour motif économique. Elle est bien connue de la jurisprudence. Il ne s'agit donc pas d'un nouveau concept qui obligerait la jurisprudence à le clarifier dans les dix ans à venir.
Vous nous renvoyez à la proposition n° 33 du candidat socialiste à l'élection présidentielle. Je suis surpris de constater que l'opposition cite davantage que la majorité les engagements du Président de la République, précisément pour en empêcher la mise en oeuvre.
Sur le fond, il est nécessaire d'intégrer la rupture conventionnelle dans le dispositif prévu. Leur nombre augmente et les études montrent que les salariés n'en sont à l'initiative que dans 40 % des cas. On compte aujourd'hui pratiquement autant de ruptures conventionnelles que de licenciements. Cela signifie qu'elles constituent un outil important dans la panoplie dont dispose l'employeur pour provoquer la rupture du contrat de travail. Il convient donc d'en tirer les conséquences pour éviter les effets d'aubaine.
C'est un débat intéressant sur la rupture conventionnelle mais c'est surtout un débat entre la majorité de l'Assemblée nationale et celle du Sénat. Nous ne ferons pas d'ingérence dans le fonctionnement de la majorité mais je partage le constat de Jean-Patrick Gille : il va falloir trancher entre ces deux amendements.
Les deux amendements ne sont pas contradictoires et je me réserve le droit de choisir entre les deux. Le fait que ces deux propositions sont débattues est un signe de vitalité démocratique et s'inscrit dans le rôle de la représentation nationale. Cependant, je me demande si ces modifications ne rendent pas le dispositif plus complexe. Quand un salarié est confronté à une rupture conventionnelle imposée, il rencontre de nombreuses difficultés administratives pour saisir les prud'hommes. La rupture conventionnelle présente des avantages, mais elle peut être aussi dévoyée : il faut préserver la sécurité du salarié et éviter les effets d'aubaine.
Il faut faire un choix. Néanmoins en tant que représentant du groupe écologiste du Sénat, je tiens à rappeler que je défends la rupture conventionnelle car je trouve l'existence d'un dispositif intermédiaire entre la démission et le licenciement nécessaire. La démission ne donne pas droit, dans la plupart des cas, à l'assurance chômage, ce qui est regrettable.
Je rappelle que la majorité est favorable la rupture conventionnelle. Cependant, une telle position ne nous dédouane pas d'en faire une évaluation critique, compte tenu du contexte économique actuel et de la progression très forte du nombre de ruptures du contrat de travail dans ce cadre.
Il n'y a pas lieu de remettre en cause l'existence de la rupture conventionnelle. Cependant, on ne peut être qu'inquiet quand on constate son utilisation parfois abusive. Certains salariés sont confrontés à de fortes pressions pour accepter une rupture conventionnelle. Le contrat de génération permet de favoriser une coopération des salariés au sein de l'entreprise mais s'il existe des risques d'effets d'aubaine, il est important de les limiter. Nous évaluerons dans quelque temps l'impact de ce contrat, pour éventuellement en modifier certaines modalités.
Je me délecte de voir nos collègues de l'opposition tirer leurs arguments des positions de M. Michel Sapin et du Président de la République et afficher ainsi de nouvelles références politiques : j'espère que vous les conserverez...
Ces deux amendements ne sont pas contradictoires mais proposent une graduation différente. Nous voulons poser la question de la rupture conventionnelle et ils poursuivent le même objectif. C'est pourquoi, après le débat que nous venons d'avoir, je retire mon amendement au profit de celui de Christiane Demontès auquel j'apporte mon soutien.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement proposé par Mme Christiane Demontès.
Elle est ensuite saisie d'un amendement proposé par les deux rapporteurs proposant une nouvelle rédaction de l'alinéa 65 du texte du Sénat.
Cet amendement propose d'harmoniser la date de déclenchement de l'aide avec celle déjà retenue pour les accords de branche étendus. Il est en effet plus sûr de s'appuyer sur la date de transmission de l'accord ou du plan d'action à l'administration, date qui est plus objective et plus précise que la date de conclusion d'un accord et a fortiori que la date d'établissement du plan d'action, qui est entièrement laissée au libre arbitre de l'employeur.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement proposé par les deux rapporteurs, puis l'article 1er ainsi modifié.
Je n'étais pas favorable à la disposition adoptée par le Sénat qui précise que le montant de l'aide est calculé au prorata de la durée hebdomadaire de travail des salariés concernés. Je regrette que personne n'ait proposé de revenir dessus, puisque cela aboutit à pénaliser le temps partiel choisi, par exemple par une mère de famille. Il sera également plus difficile de modifier ses horaires de travail en cours d'année et de passer à temps plein du fait des formalités administratives à mener. C'est une erreur, il aurait fallu faire plus simple.
Article 1er bis Rapport sur le contrat de génération en outre-mer
La commission mixte paritaire maintient la suppression de l'article 1er bis.
Article 6 Rapport sur l'application de la loi
La commission mixte paritaire est saisie d'un amendement des deux rapporteurs proposant une nouvelle rédaction du deuxième alinéa de l'article 6.
Cet amendement rédactionnel fait apparaître clairement que les modalités d'application du contrat de génération sont les mêmes en métropole et dans les départements et régions d'outre-mer, afin de dissiper tout risque de malentendu.
La commission mixte paritaire adopte l'amendement proposé par les deux rapporteurs et un amendement rédactionnel des mêmes auteurs, puis elle adopte l'article 6 ainsi modifié.
Article 7 Suppression d'une aide à l'emploi des seniors inappliquée
La commission mixte paritaire adopte un amendement rédactionnel proposé par les deux rapporteurs, puis elle adopte l'article 7 ainsi modifié.
Article 8 Prolongation d'un bonus exceptionnel versé aux salariés outre-mer
La commission mixte paritaire adopte l'article 8 dans la rédaction du Sénat.
La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, les dispositions restant en discussion du projet de loi portant création du contrat de génération.