Notre programme de travail, chargé ces derniers temps, ne m'a pas laissé l'occasion de vous rendre compte du colloque consacré à l'autisme qui s'est tenu au Sénat le 6 décembre dernier sous l'égide de notre commission ; néanmoins, j'ai pensé utile d'en publier les actes sous la forme d'un rapport et, comme je m'y étais engagée, je prends le temps aujourd'hui de vous en faire un compte rendu.
Vous vous en souvenez, j'ai souhaité, sous l'impulsion de notre collègue Françoise Laborde, organiser sous la forme de tables rondes cette journée de réflexion sur l'autisme, déclaré « Grande Cause nationale 2012 ». Nous avons pensé associer Valérie Létard, auteure d'un rapport sur ce thème qu'elle nous avait d'ailleurs présenté en commission.
Il nous paraissait en effet opportun de dresser un bilan de l'année écoulée et de débattre des prochaines échéances puisqu'un troisième Plan Autisme a été annoncé pour le début de cette année.
Ce colloque a réuni plus de 250 personnes aux profils très divers mais toutes concernées d'une manière ou d'une autre par l'autisme : des parents, des responsables d'associations, des représentant(e)s des administrations publiques, des chercheurs, des professionnels de santé, des élu(e)s nationaux et locaux... Quelques personnes autistes étaient également présentes et se sont exprimées.
Nous avons malheureusement dû refuser un grand nombre de demandes en raison de la capacité d'accueil limitée de la salle Clemenceau. Aussi, la publication de nos débats et leur diffusion sur le site internet du Sénat devraient permettre à celles et ceux qui n'ont pas pu être présents d'en avoir connaissance.
Cette journée s'est déroulée en deux temps :
- la matinée, ouverte par le Président du Sénat, Jean-Pierre Bel, était composée de deux tables rondes, la première étant consacrée à un bilan de l'année de Grande Cause nationale, la seconde à la question centrale de la formation des intervenants ; entre ces deux tables rondes, Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, est intervenue pour confirmer le lancement en 2013 d'un troisième Plan Autisme et détailler ses grandes priorités ;
- l'après-midi était structurée autour de la problématique de l'accompagnement de la personne autiste tout au long de la vie, avec trois thématiques, chacune débattue dans le cadre d'une table ronde spécifique : le diagnostic, la scolarisation et l'inclusion dans la société.
Très brièvement - car je vous renvoie pour plus de détails au rapport -, quels enseignements peut-on tirer de ce colloque ?
Premièrement, la très grande souffrance des familles doublée parfois d'un sentiment de révolte devant les difficultés de la vie quotidienne, certaines pratiques médicales inadaptées, les inégalités territoriales en matière de prise en charge, l'inertie des pouvoirs publics...
Les échanges avec la salle, qui ont ponctué chaque table ronde, ont donc été particulièrement vifs, souvent chargés d'émotion, mais toujours instructifs. Les retours que nous avons eus sont d'ailleurs positifs : les parents ont apprécié d'avoir pu s'exprimer librement sur chacune des thématiques et débattre avec l'ensemble des intervenants.
J'avais souhaité réserver, entre chaque table ronde, un temps d'échange avec la salle, temps toujours trop court mais qui a néanmoins donné l'occasion à nombre de participantes et participants de s'exprimer...
Deuxième enseignement, l'année de « Grande Cause nationale » a permis d'accroître la visibilité médiatique de l'autisme et de sensibiliser le grand public, mais pas d'en appréhender la globalité, d'autant plus qu'elle a coïncidé avec les échéances électorales, ce qui en a limité l'écho dans les médias.
Mais surtout, le principal enseignement que je retiendrai est qu'il reste beaucoup à faire pour garantir aux personnes autistes un accompagnement de qualité tout au long de la vie :
- soutenir la recherche fondamentale comme appliquée pour avancer dans l'état des connaissances et des méthodes d'accompagnement ;
- améliorer le dépistage et le diagnostic précoces pour permettre une prise en charge adaptée dès le plus jeune âge ;
- former l'ensemble des intervenant(e)s pour faire évoluer les pratiques professionnelles, et pas seulement les intervenants de l'éducation nationale, mais bien toutes celles et ceux qui interviennent auprès des personnes autistes, enfants et adultes ;
- coordonner les parcours pour limiter les ruptures de prise en charge ;
- répondre aux besoins des personnes autistes vieillissantes.
Autant d'enjeux que devra prendre en compte le troisième Plan Autisme qui, selon les dernières informations dont nous disposons, devrait être présenté le 2 avril prochain. Il comporterait trois grands axes : la recherche, l'accompagnement tout au long de la vie et la formation.
A son échelle, je crois que ce colloque aura eu le mérite de poser les termes du débat et de donner la parole à l'ensemble des acteurs. C'est d'ailleurs l'une des conclusions qui s'imposaient à nous, à savoir la nécessité d'un lieu permanent d'échange et de réflexion associant les familles et les professionnels de tous les secteurs, ainsi que les acteurs de la société civile et politique, pour, ensemble, mettre en oeuvre les solutions d'accompagnement des personnes autistes. Je souhaite qu'une telle initiative voie le jour avec le prochain plan autisme, ou en complément de celui-ci.
Voilà, chers collègues, les quelques éléments que je souhaitais porter à votre connaissance.
Il nous faut maintenant autoriser la publication des actes du colloque.
Je vous remercie, madame la présidente, pour ce compte rendu du colloque. Parmi les participants, y-a-t-il eu des divergences sur les méthodes de prise en charge ?
Dans le Loiret, nous avons ouvert deux structures d'accueil pour les personnes atteintes d'autisme. Or, pour la deuxième d'entre elles, nous avons été confrontés à un conflit très fort entre des associations d'obédience différente. Il faut avoir conscience que ces oppositions stériles découragent les pouvoirs publics à entreprendre de nouveaux projets !
Il serait peut-être pertinent qu'une fois par an, soit présenté devant notre commission l'état d'avancée du troisième plan autisme afin que nous puissions suivre sa mise en oeuvre.
Les divergences sont en effet très marquées s'agissant des méthodes de prise en charge. Lorsqu'un psychiatre a voulu prendre la parole au cours d'une des tables rondes, il a eu beaucoup de difficulté à s'exprimer face aux protestations des parents présents dans la salle. Ces conflits sont contre-productifs et font perdre du temps à la cause de l'autisme.
C'est pourquoi, je plaide pour un lieu de réflexion et d'échange qui permette à tous de s'exprimer et de s'écouter. Je ferai cette proposition à la ministre, Marie-Arlette Carlotti.
Il me semble tout à fait intéressant de pouvoir suivre la mise en oeuvre du troisième plan autisme. Nous pourrions d'ores et déjà demander à la ministre de venir nous le présenter lorsque celui-ci sera rendu public.
Auditionner la ministre serait une bonne chose.
En tant que parlementaires, nous devons être vigilants à ne pas nous immiscer dans le débat sur les méthodes de prise en charge, comme certains de nos collègues le font en déposant des propositions de loi sur le sujet. Ce n'est pas notre rôle de nous prononcer pour ou contre telle ou telle méthode.
J'ai visité très récemment un service d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) accueillant des personnes autistes. Le personnel m'a effectivement parlé d'une de ces propositions de loi et m'a indiqué que nous n'avions pas à juger les méthodes de prise en charge.
En décembre 2010, l'Assemblée nationale et le Sénat adoptaient le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 dont l'article 67 entendait ouvrir une expérimentation relative aux maisons de naissance. Vous vous en souvenez, nos débats sur cette question ont été animés, tant dans cette salle qu'en séance et en commission mixte paritaire.
Nous avions abouti à une rédaction de compromis, assez largement approuvée dans chacun de nos groupes, mais qui a malheureusement été censurée par le Conseil constitutionnel pour une raison de forme, celui-ci estimant en effet que cette expérimentation avait « un effet trop indirect sur les dépenses » de l'assurance maladie.
Convaincue de l'intérêt de ce projet, j'ai déposé en mai 2011 la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui et qui reprend très largement la rédaction que nous avions adoptée dans la loi de financement.
Que prévoit ce texte ?
A titre expérimental, le Gouvernement pourra autoriser le fonctionnement de « maisons de naissance », qui sont des structures où des sages-femmes réalisent l'accouchement des femmes enceintes dont elles ont assuré le suivi de grossesse. Les maisons de naissance permettent donc un suivi global de la grossesse, de l'accouchement et des suites de couches par une même sage-femme ou un binôme de sages-femmes.
Ces structures sont destinées à accueillir des femmes qui souhaitent accoucher dans des conditions moins médicalisées que dans une unité d'obstétrique classique.
Comme il est déjà prévu à l'article L. 4151-3 du code de la santé publique auquel renvoie explicitement l'article 1er de la proposition de loi, la sage-femme doit faire appel à un médecin en cas de pathologie maternelle, foetale ou néonatale ou en cas d'accouchement difficile. De ce fait, les femmes concernées sont celles dont la grossesse et l'accouchement se déroulent de manière physiologique, c'est-à-dire normalement, sans pathologie particulière.
Pour autant, nous savons très bien que peuvent survenir des complications durant le travail. La proposition de loi pose donc deux éléments essentiels en termes de sécurité :
- les maisons de naissance devront être « attenantes à une structure autorisée pour l'activité de gynéco-obstétrique » ;
- elles devront conclure une convention avec cette maternité qui organisera notamment les conditions des transferts des parturientes en cas de complication.
En outre, l'ensemble des modalités de mise en oeuvre de l'expérimentation, notamment les conditions spécifiques de fonctionnement des maisons, seront définies par décret en Conseil d'Etat. Le Gouvernement pourra donc affiner encore l'encadrement de l'expérimentation, notamment en termes de sécurité de la prise en charge.
Dans le même temps, la Haute Autorité de santé rédigera un cahier des charges et, durant les deux années suivant la promulgation de la loi, les ministres en charge de la santé de la sécurité sociale arrêteront, après avis conforme de la HAS, la liste des maisons de naissance autorisées à fonctionner à titre expérimental.
Les maisons de naissance autorisées pourront alors fonctionner durant un maximum de cinq années et, un an avant la fin de l'expérimentation, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport d'évaluation. L'autorisation de fonctionnement pourra être suspendue à tout moment par l'ARS en cas de manquement à la sécurité.
Pourquoi examiner ce texte aujourd'hui ?
Tout d'abord, le contexte a évolué. Le collège national des gynécologues-obstétriciens, que nous avons auditionné, a changé d'avis par rapport à 2010 et il est maintenant complètement favorable à l'expérimentation, dans les conditions prévues ici : il l'a formalisé officiellement dans un document publié en décembre dernier. Ce point est évidemment essentiel.
Plus généralement, un débat est né en France, depuis plusieurs années, sur la « technicisation » de l'accouchement.
Le plan Périnatalité 2005-2007 en fait le constat dès 2004 et le rapport préparatoire à ce plan, rédigé par un épidémiologiste, un gynécologue-obstétricien et un pédiatre, est explicite : « si la nécessité de soins intensifs ne fait aucun doute dans les situations à haut risque, le débat est beaucoup plus ouvert dans les situations à faible risque. Dans ces situations, il a été montré que l'excès de surveillance pouvait être iatrogène. Les données disponibles laissent à penser qu'il faudrait à la fois faire plus et mieux dans les situations à haut risque et moins (et mieux) dans les situations à faible risque ».
Le taux de césarienne (20 %) et le taux de déclenchement des accouchements (environ 20 % aussi) est supérieur en France à ce qui est observé dans la plupart des pays européens ; le nombre d'échographies est également élevé. En outre, environ 80 % des femmes bénéficient aujourd'hui d'une péridurale.
Il est évident que la meilleure prise en charge des grossesses, notamment sur le plan médical, a permis de diminuer fortement les taux de mortalité infantile et maternelle. Rappelons-nous que le taux de mortalité infantile s'élevait à 151 décès pour 1 000 naissances vivantes il y a un siècle, qu'il se situait autour de 50 pour 1 000 dans les années 1950, 10 pour 1 000 dans les années 1980 et qu'il est de 3,4 pour 1 000 en 2011.
Pour autant, l'ensemble des pays occidentaux a évolué dans le même sens avec des modèles de prise en charge variés et la France se situe aujourd'hui dans la moyenne des pays européens, mais à un taux qui reste supérieur d'un point à ceux de la Suède ou de la Finlande.
Or, il n'y a pas un lien automatique et direct entre les modalités de prise en charge et le taux de mortalité ; de très nombreux facteurs interviennent. Une illustration en est la situation particulière de la Guyane, où malgré des maternités organisées sur le même modèle qu'en métropole, le taux de mortalité infantile atteint 11,8 pour 1 000, soit presque quatre fois le taux constaté en métropole !
En outre, l'approche française de l'accouchement, très technique on l'a vu, ne correspond pas à celle de la plupart de nos partenaires. Aux Pays-Bas, qui se situent certainement à l'exact opposé de la France de ce point de vue, moins de 10 % des femmes bénéficient d'une analgésie péridurale !
De nombreux pays ont ainsi mis en place des structures du type « maisons de naissance » : il en existe en Allemagne, en Belgique, en Suisse, en Suède, en Australie, aux Etats-Unis, au Québec... Le taux de mortalité infantile est quasiment identique en Allemagne, en Belgique et en France, alors qu'en Allemagne existent 150 maisons de naissance et 12 en Belgique. Au Québec, les trois quarts des accouchements ont lieu en maison de naissance.
Ces maisons ont été mises en place, selon des modèles divers, pour organiser au mieux le système de santé et pour répondre à la volonté d'un certain nombre de femmes de bénéficier d'un accompagnement global de leur maternité dans des conditions sanitaires satisfaisantes mais qui ne soient pas invasives.
On assiste au même phénomène en France : certaines femmes et certains couples souhaitent vivre la grossesse de manière différente, sans se focaliser d'abord sur la douleur et en se réappropriant le caractère foncièrement naturel de la maternité. Sans nécessairement le partager, je ne crois pas que nous soyons légitimes à critiquer ce choix, qui relève de l'intime, mais nous devons l'accompagner pour que les conditions de sécurité soient maximales.
Les accouchements à domicile restent marginaux dans notre pays mais la demande n'est pas négligeable et elle croît. L'ordre des sages-femmes a réalisé une enquête en 2008 : parmi l'échantillon des 1 615 sages-femmes ayant répondu, on dénombre 1 052 accouchements réalisés à domicile, mais 4 500 demandes non satisfaites. Les maisons de naissance peuvent offrir une alternative satisfaisante et sûre à ce type d'accouchement, dont on doit se prémunir contre le développement.
Face à cette demande réelle des femmes, plusieurs projets pilotes se sont mis en place malgré l'absence de cadre juridique défini. Pour préparer ce rapport, j'ai visité deux maisons de naissance, une à Pontoise avec notre collègue Dominique Gillot qui soutient cette initiative, et une à Paris. Je voudrais prendre quelques instants pour expliquer la manière dont les choses s'y déroulent.
Je dois d'abord dire que j'ai été marqué par la grande sérénité qui y règne, ainsi que par l'engagement des parents et des professionnelles. Les projets sont en effet soutenus à la fois par une maternité, des sages-femmes et une association dynamique de parents. Ce « triptyque » est essentiel à l'émergence d'un projet viable.
Un projet a démarré à Pontoise en 2006, dans un cadre strictement hospitalier et sous l'impulsion du chef de service de la maternité : la maison de naissance se situe à un étage du bâtiment femme-enfant de l'hôpital de la ville, elle est inscrite dans le Sros Ile-de-France et les deux sages-femmes qui l'animent sont salariées de l'hôpital.
Chaque sage-femme assure le suivi global et personnalisé de ses patientes : le premier entretien, les consultations prénatales, les séances de préparation à la naissance et à la parentalité, l'accouchement physiologique et la consultation postnatale.
Les statistiques parlent d'elles-mêmes :
- depuis 2007, une centaine de femmes sont suivies chaque année et autant d'accouchements sont pratiqués. Depuis 2010, la maison de naissance est obligée de refuser environ 150 femmes chaque année par manque de place.
La maternité, qui est de type III, a réalisé au total 4 200 accouchements en 2010. La maison de naissance constitue donc, du point de vue de la maternité, un moyen de mieux répartir la prise en charge de l'accouchement et d'alléger quelque peu le travail de l'équipe dédiée au plateau technique ;
- environ 20 % des femmes sont transférées vers l'unité classique d'obstétrique, située dans le même bâtiment. La moitié de ces transferts ont lieu « pré-partum » (c'est-à-dire durant la grossesse), en raison d'une complication ou par choix personnel de la parturiente, et l'autre moitié « per-partum ». Seules 10 % des femmes sont donc transférées en maternité durant le travail.
En 2009, un autre projet a vu le jour, à Paris, au rez-de-chaussée de la maternité des Bluets. Il est porté par une association de parents très active (le CALM) et les sages-femmes y exercent en libéral.
Contrairement à Pontoise où tout l'accouchement se déroule dans une salle de la maison de naissance, le travail commence ici dans les locaux de l'association mais la femme et la sage-femme se déplacent dans une salle de la maternité un peu avant l'accouchement pour des raisons d'assurance de la professionnelle. Ce déplacement n'entraîne pas de mobilisation du personnel de la maternité ; c'est la sage-femme du CALM qui continue l'accompagnement et l'équipe médicale de la maternité n'intervient qu'en cas de complication.
Dans ces deux maisons de naissance, le profil des femmes et des couples accueillis est très divers. Contrairement à ce que certains pourraient imaginer, l'envie d'un accouchement médicalisé de manière raisonnable ne signifie pas être « baba-cool » ou « bobo ». Les sages-femmes de Pontoise, qui ont cette pratique depuis plus de cinq ans maintenant, ont insisté auprès de nous sur cet aspect.
Les sages-femmes ne peuvent évidemment pas pratiquer de péridurale, mais elles disposent de l'équipement médical standard pour assurer le monitoring ou des perfusions. Si la femme souhaite une péridurale, elle est transférée en obstétrique ; grâce à un accompagnement permanent par une sage-femme connue de la femme et avec laquelle s'est nouée une relation de confiance et grâce à une préparation à l'accouchement adaptée, très peu de transferts sont effectués pour cette raison (2 en six ans à Pontoise).
Ces projets pilotes n'existent que par la bonne volonté des individus, notamment les chefs d'établissement et de service de ces maternités. Un cadre juridique leur assurerait donc une pérennité et un mode de fonctionnement plus clair. Il permettrait également aux sages-femmes libérales de contracter une responsabilité civile professionnelle adaptée permettant effectivement de pratiquer les accouchements dans la maison de naissance.
Je voudrais conclure cette présentation sur trois points qui me semblent essentiels.
Tout d'abord, le réseau des maternités a profondément changé depuis une vingtaine d'années : elles sont moins nombreuses, de taille plus importante et mieux équipées. La restructuration hospitalière et la classification des maternités en trois niveaux ont eu des conséquences que je crois indispensable d'évaluer ; je soutiens d'ailleurs la demande que notre présidente a faite auprès de la Cour des comptes allant dans ce sens.
Pour autant, il serait injuste de faire un lien entre la fermeture des « petites » maternités et la création de maisons de naissance : elles n'existent pas aujourd'hui ; surtout elles seront nécessairement attenantes à une maternité. S'il n'y a plus de maternité, il ne peut pas y avoir de maison de naissance !
En outre, par essence même, ces maisons resteront des petites structures, autour de 200, voire au maximum 300 naissances. Elles ne pourront, en pratique, être créées que dans des zones urbaines pour deux raisons : les femmes volontaires et susceptibles de pouvoir y entrer, c'est-à-dire qui remplissent les conditions d'absence de pathologie, et les sages-femmes prêtes à s'engager dans un tel projet doivent être suffisamment nombreuses pour que le projet soit viable. Cependant, afin d'éviter tout effet de seuil pour les maternités proches des 300 accouchements annuels, la proposition de loi prévoit explicitement que l'activité de la maison de naissance est comptabilisée avec celle de la maternité.
Ensuite, les conditions de sécurité, qui ont été améliorées lors du débat parlementaire de 2010, sont en définitive exactement les mêmes que la femme soit prise en charge en maternité ou en maison de naissance, puisque celles-ci sont attenantes à une unité d'obstétrique et concluront une convention organisant leur travail en commun, notamment les transferts de patientes.
Enfin, est-il nécessaire de rappeler que la maternité et l'accouchement touchent à l'intime et à la conviction personnelle des femmes et des couples ? Ouvrir des maisons de naissance à côté des maternités permet d'élargir l'offre de prise en charge par une approche complémentaire, pour celles qui le souhaitent et qui sont en état de conduire une grossesse physiologique.
Lors de mes déplacements, les parents m'ont beaucoup parlé de la notion d'accompagnement global, c'est-à-dire au fond de la relation de confiance qui s'établit au fil des mois entre la femme et sa sage-femme. Cette approche permet une prise en charge personnalisée, sur mesure en quelque sorte, qui n'est guère possible dans une structure telle qu'une maternité, où les sages-femmes enchainent des gardes de douze ou vingt-quatre heures.
C'est au nom de cette démarche, au nom de toutes ces femmes et de tous ces couples, que je vous demande d'approuver l'expérimentation en France des maisons de naissance.
Nous voudrions tout d'abord remercier Mme Dini pour sa constance et sa persévérance sur le sujet des maisons de naissance. Par cette proposition de loi, elle revient sur un point dont nous avions débattu en octobre 2010 à l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et contre lequel j'avais alors voté. Les sages-femmes, qui constituent une profession paramédicale et non une profession médicale, s'étaient à l'époque prononcées pour le texte tandis que les gynécologues-obstétriciens, à l'exception du Professeur Frydman et de quelques autres personnalités, s'étaient déclarés contre. Le contexte a aujourd'hui évolué, puisque le collège national des gynécologues-obstétriciens a changé d'avis et soutient ce projet sous certaines conditions. A ce titre, le fait que les maisons de naissance soient attenantes à une maternité me paraît essentiel. Par ailleurs, vous n'avez pas évoqué les critères de sélection des femmes ou le niveau de médicalisation. Je suppose que ces structures n'accueillent pas de primipares et qu'elles ne pourront pratiquer les péridurales ni administrer d'ocytociques. Qu'en sera-t-il précisément ? Des conditions devront être observées par les sages-femmes qui tiendront les maisons de naissance.
Par ailleurs, dans certains départements, l'ouverture d'une maison de naissance et la fermeture par l'ARS d'une maternité qui réalise moins de 300 accouchements pourraient être concomitantes. La maison de naissance attenante à une maternité plus importante pourra alors récupérer les accouchements de la maternité qui aura été fermée. Comment de telles situations pourront-elles être expliquées par les élus à leurs populations ? Bien que je ne conteste pas l'utilité des maisons de naissance, elles me paraissent délicates à mettre en place sur certains territoires.
Quelles seront les incidences sur l'équilibre du budget des hôpitaux ? Les accouchements réalisés par les sages-femmes, qu'elles soient libérales ou fonctionnaires, seront payés par la sécurité sociale comme un acte et non comme une activité. Il s'ensuivra une diminution de l'activité et donc des recettes de l'unité d'obstétrique de la maternité attenante dans le cadre de la T2A.
Quelles seront les effets sur la répartition des naissances selon leur degré de complexité entre les maisons de naissance et les hôpitaux ? Il existe un risque que les maisons de naissance attenantes à des cliniques privées ne réalisent que des naissances faciles et laissent aux hôpitaux, et notamment aux maternités de niveau III, le soin d'assurer la plupart des accouchements compliqués.
En conclusion, le groupe UMP se prononcera en faveur de cette expérimentation, dans les territoires qui ne connaissent pas de fermetures de maternités, et à condition que l'équilibre des budgets des hôpitaux puisse être préservé.
J'adresse également mes remerciements à Mme Dini qui nous soumet un sujet passionnant. Le thème des maisons de naissances concerne aussi la question de la relation entre les professionnels de santé et les patients. C'est là un sujet central que nous devrions pouvoir remettre en débat ultérieurement.
Il est important de rappeler que la grossesse et l'accouchement ne sont pas des maladies. Il faut cependant souligner, comme vous l'avez fait dans votre rapport, que les femmes souffrant de pathologies ou celles qui accouchent prématurément ont largement bénéficié des progrès de la médecine.
Je souhaite reprendre certaines des interrogations qui viennent d'être soulevées par Alain Milon. L'accouchement assuré par les sages-femmes, qui appartiennent bien au personnel médical, sera-t-il reconnu comme un acte médical et valorisé comme tel ? L'expérimentation permettra certainement de répondre à cette question.
Sur la problématique de la fermeture des maternités, nous devons avoir une communication claire. Il me semble que ce sujet n'est pas le même que celui des maisons de naissance, puisque notre rapporteure nous propose de mettre en place des structures attenantes à une maternité. Il faut cependant aussi insister sur le fait qu'il faut arrêter de fermer des maternités, quitte à les transformer en des lieux de consultations prénatales, postnatales et de suivi, même s'il ne s'y pratique plus d'accouchements. Il est nécessaire de maintenir un lien très fort et très étroit entre la population et les maternités.
La question centrale sur ce sujet est celle de la sécurité. Les deux expériences de maisons de naissance que vous nous avez présentées sont situées à l'intérieur de maternités. Je m'interroge sur le terme « attenante », qui signifie « à côté ». Il faudrait faire en sorte que les maisons de naissance puissent à la fois être parfaitement autonomes et fonctionner à l'intérieur des maternités.
Par ailleurs, comment l'examen de l'enfant né en maison de naissance est-il assuré ? La consultation pédiatrique, qui permet de vérifier que le développement de l'enfant est normal, est fondamentale et doit être assurée.
Je voudrais signaler que le ministère de la santé s'est déclaré intéressé par cette proposition. Il a cependant indiqué qu'un texte de loi n'était peut-être pas nécessaire, la question pouvant être réglée au niveau réglementaire. Je ne suis pas totalement convaincue par cette assertion, qui mérite d'être vérifiée. En l'état actuel des choses, le groupe socialiste s'abstiendra aujourd'hui sur la proposition.
J'adresse tout d'abord mes félicitations à Mme Dini. Vous nous avez fait part des demandes des femmes et des couples d'avoir une relation privilégiée avec les sages-femmes. Je pense qu'il peut aussi exister une relation de confiance entre une femme et le gynécologue-obstétricien ou le gynécologue médical qui la suit pendant sa grossesse. La question est davantage celle des rapports humains que celle de la qualification de sage-femme ou de médecin.
J'aimerais vous poser quelques questions pratiques. Dans les maisons de naissance que vous avez visitées, y avait-il des primipares ? Parmi celles-ci, quelle est la part de celles qui optent pour une péridurale au dernier moment ? Combien de temps les femmes restent-elles dans la maison de naissance après l'accouchement ? Comment se déroule l'examen de l'enfant ? Comment la structure en elle-même est-elle financée, s'agissant notamment de sa construction et de son fonctionnement ? Comment la responsabilité civile est-elle répartie entre l'hôpital et la sage-femme qui pratique l'accouchement ?
Je m'associe aux interventions de mes collègues qui soulignent la qualité du travail de Madame Dini. On a observé une amélioration significative au fil des années de la mortalité infantile, ainsi que vous le rappelez à raison dans votre rapport. Il existe cependant encore aujourd'hui des risques d'accidents, dans une société qui est de plus en plus procédurière, et c'est pourquoi vous avez raison d'insister sur la sécurité de ces structures.
Concernant le problème des petites maternités qui ont été fermées, peut-on vraiment affirmer qu'il y a une relation de complémentarité et non de concurrence entre les maisons de naissance et les maternités ?
Vous nous avez parlé des exemples étrangers, en Allemagne ou en Belgique par exemple, pays pionniers en matière de santé. J'aimerais souligner que dans les départements frontaliers, et en particulier dans les Ardennes, beaucoup d'accouchements ont déjà lieu en Belgique dans le cadre de partenariats.
Pour ma part, je soutiendrai la proposition de loi.
Nous sommes ici saisis d'un sujet difficile. Dans la vie d'une femme, un accouchement est un événement physiologique et non pathologique. Mais quand il devient pathologique, toutes les réponses médicales doivent pouvoir être mobilisées dans l'urgence et en même temps, de la réanimation néonatale à l'intervention chirurgicale et à la transfusion sanguine.
Je pense qu'il ne faut pas faire d'amalgame entre les maisons de naissance et la fermeture des petites maternités de campagne. Je fais partie de ceux qui se sont battus, malgré les oppositions que nous rencontrons naturellement sur le terrain, pour faire fermer ces petites structures, pour des raisons de sécurité.
Le projet proposé me semble intéressant sur le plan éthique : il permet de prendre en compte le fait qu'un accouchement n'est pas un événement pathologique tout en assurant la sécurité des patientes et des enfants lorsqu'il le devient.
J'aimerais qu'il soit explicitement indiqué dans le texte que les maisons de naissance doivent être non pas attenantes à une maternité, mais placées sous l'autorité médicale d'un service d'obstétrique.
Il est essentiel de souligner que la présente proposition de loi a pour objet non de créer des maisons de naissance mais de mener une expérimentation. Il me semble que c'est une très bonne démarche avant une éventuelle institutionnalisation définitive de ces structures dans quelques années.
Je remercie à mon tour Mme Dini pour son rapport, qui illustre bien l'humanisme de son auteure. Nous n'examinons pas aujourd'hui cette proposition de loi sous un ciel serein en ce qui concerne la politique de santé. Le gouvernement précédent, par exemple avec la loi HPST, a mené un mouvement massif de fermeture d'hôpitaux et notamment de maternités de proximité, parfois pour des raisons de sécurité, souvent au détriment des populations. Or la logique de la proposition de loi est d'apporter une amélioration et un renforcement de l'offre médicale là où existent déjà des structures, et non pas dans les déserts médicaux.
Les maternités continuent aujourd'hui à fermer, comme l'illustre la bataille menée en ce moment à Vire. Je ne vois pas la logique qui nous conduirait à adopter l'expérimentation des maisons de naissance dans des conditions de financement et de responsabilité qui ne sont pas encore définies, alors qu'aucune réponse ne sera apportée aux maternités qui se trouvent en grande difficulté du fait d'un manque de financements.
Il faut en revanche réfléchir à ce que les maisons de naissance puissent être constituées sous forme de services à l'intérieur des maternités. De très nombreuses maternités de proximité, qui permettaient l'écoute des patientes, ont été fermées tandis que des maternités de niveau III ont été créées et se sont développées. On a ainsi détricoté un savoir-faire, comme nous en voyons l'exemple dans nos régions. Je pense qu'une expérimentation de ce type peut être menée dans un cadre sécurisé, en assurant la possibilité d'une intervention sur le plateau technique dans l'enceinte de la maternité, et avec la possibilité d'un choix des patientes.
Par ailleurs, le seuil de 300 accouchements au maximum dans les maisons de naissance nous semble en contradiction avec les critères qui président à la fermeture des maternités de proximité.
Il nous semble donc y avoir de très nombreux points de contradiction dans ce texte, et pour ces raisons le groupe CRC y est défavorable.
J'aimerais vous poser quelques questions précises. Nous avons eu l'occasion de nous pencher à de nombreuses reprises sur le problème de la responsabilité civile des professionnels de santé. Il est indiqué dans votre rapport que les sages-femmes pourraient contracter une responsabilité civile professionnelle adaptée. Avez-vous pu entendre, au cours de vos auditions, des spécialistes en matière d'assurance ? Il me semble qu'il s'agit d'un élément essentiel.
80 % des femmes accouchent aujourd'hui sous péridurale, ce qui constitue un progrès important. N'y a-t-il pas une ambiguïté à proposer des accouchements sans péridurale dans les maisons de naissance, alors que de plus en plus de femmes en sont demandeuses ? Je m'interroge sur les risques liés à un éventuel changement d'avis à la dernière minute d'une parturiente, puisqu'il faut avoir vu un anesthésiste à l'avance pour qu'une péridurale puisse être pratiquée. D'ailleurs, disposez-vous d'une typologie sociale des femmes qui seraient susceptibles de faire le choix d'un accouchement en maison de naissance ?
Pour ma part, je voterai cette proposition de loi. Je la trouve cependant très restrictive puisque, si j'ai bien compris vos explications, les maisons de naissance n'ouvriront pas en milieu rural ni dans les territoires où des maternités ont été fermées, et elles devront être attenantes à une maternité.
J'adresse mes remerciements à la rapporteure pour l'important travail qu'elle a accompli et le rapport précis qu'elle nous soumet. Le groupe écologiste soutient les initiatives qui visent à limiter la surmédicalisation. Une femme qui accouche n'est pas, en général, une femme malade et redonner à cet acte une vision naturelle nous paraît une bonne chose. Comme l'a expliqué Fernand Lamaze, l'accouchement dans la douleur correspond à une vision philosophique particulière et on peut en avoir une autre. Laisser la possibilité à celles qui souhaitent accoucher sans douleur de bénéficier d'une péridurale comme à celles qui ne souhaitent pas surmédicaliser leur accouchement de mettre leur enfant au monde dans une maison de naissance me semble aller dans le bon sens.
Notre groupe pose cependant quelques conditions à cette expérimentation. Celle-ci doit d'abord être très encadrée sur le plan de la sécurité. Nous pensons que les maisons de naissance doivent être rattachées à des hôpitaux, de manière à pouvoir intervenir immédiatement en cas de problème durant l'accouchement - et c'est souvent une question de minutes dans ce cas. On ne peut pas transiger sur ce point.
Concernant le financement des maisons de naissance, il serait d'abord intéressant de voir quelles économies peuvent être faites en évitant la surmédicalisation. N'y a-t-il pas actuellement des actes inutiles qui sont pratiqués ? Ensuite, une femme qui accoucherait dans une maison de naissance paierait-elle le même tarif qu'une femme qui accouche dans un hôpital public ? Cette question me paraît importante du point de vue de l'égalité et de l'accès aux soins.
Nous sommes favorables à cette expérimentation, à condition qu'elle soit très encadrée. Face à la crise du système de santé public, expérimenter pendant cinq ans d'autres façons de prendre en charge la grossesse et l'accouchement peut permettre de faire avancer les choses. Le ministère aurait indiqué qu'il mène une réflexion en ce sens ; nous, parlementaires, pouvons également progresser. Nous voterons aujourd'hui cette proposition de loi afin qu'elle puisse avancer, mais notre position dans l'hémicycle dépendra de la réponse aux questions et aux conditions que nous avons posées.
Je m'associe aux félicitations qui ont été adressées à Mme Dini pour la qualité de ce rapport. La grossesse et l'accouchement ne sont pas, en effet, une maladie ; ce sont les complications qui peuvent survenir avant et après l'accouchement qui peuvent nécessiter une prise en charge particulière.
Je vous propose d'insérer explicitement la notion de « maison de naissance hospitalière » dans le texte afin de lever toute ambiguïté et d'indiquer clairement que ces structures, tenues par des sages-femmes, doivent être dépendantes de l'hôpital, notamment s'agissant de la responsabilité.
Je voudrais préciser que l'accouchement ne peut être réalisé sous péridurale que lorsqu'on le prévoit à l'avance. On ne peut pas décider de faire une péridurale au dernier moment, lorsque le travail est largement engagé.
Cette expérimentation va permettre d'alléger le travail de l'équipe médicale, qui pourra rester auprès des malades qui en ont besoin. Je voudrais souligner que dans les maternités publiques, ce sont déjà souvent les sages-femmes, et même les élèves sages-femmes, qui réalisent les accouchements - sous l'oeil vigilant des médecins.
A condition qu'elles soient à proximité des maternités, et à condition qu'une attention particulière soit portée à la prévention des maladies nosocomiales, l'expérimentation des maisons de naissance me paraît tout à fait acceptable. Ces structures permettront d'offrir plus de confort et d'intimité et une moindre médicalisation. Pour ma part, je voterai pour cette proposition de loi.
Vous indiquez dans votre rapport que ce sont les sages-femmes qui réalisent les accouchements en maison de naissance, un médecin n'intervenant qu'en cas de complication. Comment les responsabilités seront-elles partagées, tant au plan civil que pénal ? Ne risque-t-on pas de voir se développer des problèmes de conflits de responsabilités, si par exemple le médecin estime qu'il n'a pas été alerté suffisamment tôt par la sage-femme ?
Je tiens à remercier la rapporteure. J'ai beaucoup appris à vous écouter dans ce domaine que je connais mal. Même si je ne partage pas tout à fait sa conclusion, je me suis pleinement reconnu dans la position exprimée par Laurence Cohen. Il faut faire droit à la volonté exprimée par les femmes et les couples de se réapproprier « le caractère foncièrement naturel de la maternité », selon la formule qui figure dans le rapport de Mme Dini. C'est pourquoi une offre de services doit exister de manière intégrée dans les maternités. Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas trouver ce type de services directement dans les maternités. Est-il nécessaire d'inventer une nouvelle structure qui vienne se surajouter aux autres ?
Cependant, votre proposition ne me semble pas éloignée des propositions que nous formulons et je pense que nous pourrions, moyennant quelques ajustements, nous retrouver sur un texte commun.
Il me vient une idée en vous écoutant. Puisqu'il s'agit de mettre en place une expérimentation, pourquoi ne pas essayer deux formules : on pourrait expérimenter à la fois des structures indépendantes, attenantes à des maternités, et des services dédiés, qui seraient proposés au sein même de certaines maternités. Nous pourrions ensuite évaluer l'intérêt et les coûts associés à chacune de ces structures et ainsi les comparer.
Il s'agit certes de mener une expérimentation, mais je vous rappelle que tout cela nécessite des financements, dans un contexte où l'équilibre budgétaire de nos maternités est très fragile.
Le point le plus important de ce texte me semble être celui de la sécurité des accouchements. Si nous sommes aujourd'hui heureux d'observer des progrès dans la mortalité infantile, c'est grâce aux maternités qui se sont développées sur l'ensemble du territoire. Je ne comprends pas pourquoi on souhaiterait aujourd'hui proposer de réaliser des accouchements hors de ces structures sécurisées. Une surmédicalisation est peut-être observée dans les grands centres urbains, mais on peut encore accoucher de manière simple dans nombre de nos maternités, comme par exemple à Grenoble. Je suis inquiète à l'idée que l'on va permettre à certains territoires de bénéficier de maisons de naissance au détriment d'autres territoires, dont les maternités sont en difficulté et n'offrent pas toutes les conditions de sécurité en raison de problèmes de financement.
Cette proposition de loi s'inscrit évidemment dans un contexte de difficultés de fonctionnement pour l'ensemble des maternités présentes sur le territoire.
Je pense que cette expérimentation ne peut être conduite que si elle est effectuée à l'intérieur des services hospitaliers, pour deux raisons importantes. On ne peut tout d'abord transiger sur les conditions de sécurité, puisqu'une femme dont l'accouchement se passe mal doit pouvoir être prise en charge en quelques minutes de manière adéquate. Ensuite parce que cette proposition de loi met à égalité les hôpitaux publics et les cliniques privées - dans lesquelles le taux de césariennes est par ailleurs souvent plus élevé.
Cette demande de placer les maisons de naissance à l'intérieur d'établissements hospitaliers est corroborée par les deux exemples que vous nous avez présentés : au CALM comme à Pontoise, la maison de naissance se situe à l'intérieur d'une maternité. Plutôt que d'autonomiser certaines structures, il faudrait faire évoluer l'ensemble des maternités afin qu'elles puissent proposer une offre graduée aux femmes selon leur état clinique.
Je soutiens Mme la rapporteure dans son projet d'expérimentation. Je trouve que c'est une idée formidable. Nous avons en France une idéologie sécuritaire, que je peux comprendre ; mais nous voyons pourtant que ces maisons de naissance existent dans d'autre pays sans que cela ne pose de problèmes incommensurables.
Pour le débat en séance, il serait intéressant de voir dans quelle mesure les maisons de naissance pourraient entraîner un surcroît de dépenses ou, au contraire, permettre de réaliser des économies. Nous pourrions aussi examiner les résultats des audits menés dans le cadre des expériences étrangères. Les maisons de naissance fonctionnent par exemple très bien au Québec. Le taux d'accident en maison de naissance à l'étranger est-il plus important que celui que l'on constate dans les maternités françaises ? Il faut garder à l'esprit que des accidents surviennent aussi dans les maternités très médicalisées. Je trouve que nous nous montrons très frileux sur ce sujet, d'autant qu'il ne s'agit à ce stade que d'une expérimentation qui peut être arrêtée à tout moment.
Je voudrais remercier Mme Dini, qui fait preuve de constance et de proposition. Nous partageons le constat de la surmédicalisation et des problèmes financiers qui touchent nos maternités. Nous avons ici une proposition qui vise à répondre à l'enjeu de la surmédicalisation tout en permettant de dégager des économies. On peut discuter des conditions de cette expérimentation, mais il serait dommage que le législateur refuse d'en adopter le principe alors que cela se fait ailleurs et que le dispositif serait très encadré.
Je voudrais faire une réponse à Mme la Présidente sur un point soulevé précédemment. La diminution de la mortalité infantile, qui est associée à une diminution de la mortalité maternelle, n'est pas due à la multiplication des maternités. Elle résulte des progrès de la surveillance faite au cours de la grossesse et au pronostic délivré avant l'accouchement.
Vous avez raison, ce n'est pas uniquement la multiplication des maternités qui a permis ces progrès. Mais le fait que le suivi des femmes et les accouchements se déroulent maintenant dans des lieux tout à fait sécurisés explique tout de même cette amélioration.
Je vais essayer d'apporter une réponse à l'ensemble de vos questions.
Tout d'abord, la profession de sage-femme est une profession médicale au sens du code de la santé publique et je rappelle qu'elle nécessite cinq années de formation.
Ensuite, il n'y a pas de corrélation entre l'expérimentation des maisons de naissance et la fermeture des maternités. Je ne vous propose pas d'ouvrir des maisons de naissance à la place de maternités. Il s'agira d'une simple expérimentation, ce qui signifie que cinq ou six maisons de naissance seulement devraient ouvrir dans les prochaines années si nous adoptons ce texte, dix au maximum. Il suffit de comparer ce chiffre avec celui des 535 maternités qui existent en France pour constater que les maisons de naissance n'ont pas vocation à se substituer aux maternités. On estime en outre à environ 3 % à 5 % le nombre de femmes enceintes qui pourraient souhaiter accoucher dans ces structures, ce qui est peu par rapport aux 800 000 accouchements qui ont lieu chaque année en France.
S'agissant du problème de la diminution de l'activité hospitalière qui serait induite par le fonctionnement d'une maison de naissance, il est bien évident qu'à la diminution du nombre d'actes pratiqués à l'hôpital sera associée une diminution de ses charges. En outre, l'ouverture d'une maison de naissance pourrait permettre à l'hôpital de concentrer les moyens sur les grossesses pathologiques. Si plusieurs centres hospitaliers, Pontoise ou certains CHU comme Nancy ou Marseille, ont de tels projets, le bilan en termes d'activité ne doit pas être si déséquilibré...
Il est certain qu'un accouchement en maison de naissance est moins onéreux qu'un accouchement à l'hôpital. Un accouchement par voie basse sans complication est facturé au total environ 2 000 euros à l'hôpital, hors prise en charge du nouveau-né, tandis qu'on estime son coût à 600 euros en maison de naissance. Je pense personnellement que cette estimation est trop basse et ne permettrait pas de couvrir l'ensemble des charges, mais je ne fais pas de cette expérimentation une affaire économique. Ce qui est certain, c'est qu'elle n'entraînera pas un surcroît de dépenses. Il faut trouver un équilibre, mais il n'y a pas de raison que ça ne fonctionne pas.
Je passe à la question relative à la répartition des accouchements entre les secteurs public et privé selon leur complexité. Le texte prévoit que les maisons de naissance soient accolées soit à une maternité publique, soit à une maternité privée, à laquelle elles sont liées par une convention. Les transferts qui interviendront en cas de complication seront faits vers la maternité à laquelle la maison de naissance sera accolée, qu'elle soit publique ou privée, et non pas seulement vers l'hôpital public.
Sur la question de la qualité de la relation entre les professionnels de santé et les patients, les sages-femmes et les mères que nous avons rencontrées nous ont dit apprécier la globalité du suivi pratiqué en maison de naissance. Lorsqu'un problème est décelé par la sage-femme, la patiente est bien sûr immédiatement transférée vers un obstétricien. Mais lorsque la grossesse se déroule normalement, le suivi est assuré par la même sage-femme du début de la grossesse à la fin de l'accouchement. Actuellement, et sans mettre en cause la qualité des personnels, les femmes voient le plus fréquemment une sage-femme différente à chacune de leurs visites à l'hôpital. L'organisation du travail et du temps n'est tout simplement pas la même entre les deux structures, ce qui contribue à l'intérêt des maisons de naissance.
S'agissant de la question des primipares, les deux maisons de naissance que nous avons visitées ont opté pour des solutions différentes. La maison de naissance de Pontoise ne prend en charge que des multipares. Ce critère objectif a été posé en raison du manque de places offertes par rapport à la demande. De son côté, le CALM accueille aussi des femmes qui accouchent pour la première fois. Ce point pourra être réglé dans la convention qui sera passée entre la maison de naissance et la maternité, être imposé par la réglementation ou figurer dans le cahier des charges qui sera défini par la Haute Autorité de santé. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire de l'inscrire dans la loi.
L'examen du nouveau-né après l'accouchement n'est pas modifié par le texte de la proposition de loi. Il n'y a pas actuellement d'examen pratiqué en maison de naissance, mais le nouveau-né est transféré dans un service pédiatrique par la sage-femme si le moindre problème survient. Le cahier des charges de la HAS pourra là aussi prévoir certains éléments.
S'agissant du temps passé par les mères à la maison de naissance après l'accouchement, l'objectif affiché par les structures qui fonctionnent est qu'il ne dépasse pas douze heures. La situation est particulière à l'heure actuelle à Pontoise, puisque la maison de naissance ne dispose que de 1,8 ETP de sage-femme pour 100 accouchements par an. Cet effectif ne permet pas à la structure d'assurer le suivi post-naissance à domicile ; les mères peuvent s'adresser à des sages-femmes libérales ou choisir de passer un ou deux jours à la maternité. Au CALM en revanche, les femmes sortent dans les douze heures qui suivent l'accouchement. Celles qui accouchent dans ces structures sont volontaires, informées et préparées et peuvent par ailleurs rester plus longtemps si elles ressentent des difficultés.
Il n'y a pas, à proprement parler, de salles d'accouchement dans les maisons de naissance. On y trouve des chambres équipées d'un lit double et de baignoires, qui permettent aux femmes d'accoucher en présence de leur conjoint, dans la position qu'elles souhaitent, et éventuellement d'effectuer le travail dans l'eau. Ce cadre, qui offre la possibilité d'un accouchement « comme à la maison », permet de répondre aux attentes de certaines femmes qui souhaiteraient pouvoir accoucher à domicile en toute sécurité. Il permet également aux femmes de se mouvoir, de changer de position, ce qui est un point faible dans les enquêtes de satisfaction des maternités.
A propos de la mortalité infantile, l'évolution des chiffres est très intéressante. Dans les années 1960, on observait encore en France un taux de 50 décès pour 1 000 naissances ; ce taux est passé aujourd'hui à 3,4. Voici les chiffres des autres pays européens : 3,3 en Belgique, 3,4 en Espagne et en Italie, 3,5 en Allemagne et au Danemark, 3,6 en Autriche, 2,1 en Suède, 2,4 en Finlande, 2,7 en République tchèque, 3,1 au Portugal.
Dans le cas des femmes qui traversent le fleuve en provenance du Surinam pour venir accoucher à Saint-Laurent du Maroni par exemple, le suivi de grossesse est quasi inexistant et les hémorragies sont très fréquentes. En outre, il s'agit souvent d'adolescentes ou de très jeunes femmes.
En réponse à la question de Marc Laménie, je rappelle, comme je l'ai expliqué précédemment, que les maisons de naissance constituent une offre complémentaire à celle des maternités, et non une offre de substitution.
Je passe maintenant aux questions qui m'ont été posées par Gérard Roche. Mon souci comme le vôtre est d'assurer la sécurité en cas de grossesse ou d'accouchement pathologique, ce qui suppose que la maison de naissance soit à proximité immédiate de la maternité. Si le terme de maison de naissance « attenante » doit être amélioré, je n'y suis pas opposée.
Cependant, il n'est pas possible que la maison de naissance se trouve à l'intérieur d'une maternité et soit rattachée à un service d'obstétrique. Si nous options pour cette solution, l'expérimentation que je vous propose de conduire n'aurait plus de sens, puisqu'il est déjà possible à un chef de service de mettre en place une offre de ce type aujourd'hui. Depuis la mise en oeuvre du plan périnatalité 2005-2007, les pouvoirs publics ont en effet tenté de développer des espaces physiologiques à l'intérieur de certaines maternités. Les résultats sont très inégaux selon les établissements. Surtout, ces espaces sont très nettement différents d'une maison de naissance : ils ne permettent pas un suivi global par une sage-femme et ne disposent pas de personnels dédiés. La pérennité de ces espaces n'est pas assurée, puisqu'ils peuvent être réaffectés et puisque les personnels associés peuvent être redéployés à tout moment selon les besoins du service.
Prenons l'exemple du CALM. Lors de la construction du nouveau bâtiment de la maternité des Bluets, une maison de naissance a été intégrée au projet. Celle-ci occupe seule le rez-de-chaussée de l'établissement et bénéficie d'une entrée dédiée. Elle est gérée de manière indépendante par une association de parents et de sages-femmes, qui a conclu une convention avec la maternité. Pour autant, toutes les conditions de sécurité sont réunies. Lors de ma visite, j'ai emprunté le passage qui permet d'accéder à la maternité depuis la maison de naissance : une porte, un ascenseur et quelques mètres séparent les chambres de naissance du plateau technique de la maternité !
Si la maison de naissance se trouve à l'intérieur d'un établissement, elle est obligatoirement rattachée à un service d'obstétrique et il n'y a aucune possibilité de gestion et d'exercice autonomes par des sages-femmes libérales.
Le fonctionnement du CALM est assuré par les honoraires perçus par les sages-femmes et une adhésion à l'association. Le tarif de la sécurité sociale s'élève à 313 euros pour un accouchement et les visites sont au tarif de 21 euros.
L'expérience du CALM est extrêmement intéressante. Je ne suis pas étonnée qu'elle ait été menée à la maternité des Bluets, qui est une maternité très symbolique. Elle se bat actuellement contre une fermeture éventuelle.
Si l'on souhaite intégrer les maisons de naissance à l'intérieur des maternités, ma proposition de loi ne présente plus aucun intérêt. Il suffirait alors de créer un service particulier et la question relèverait à peine du niveau réglementaire...
Sur la question de la responsabilité professionnelle, l'ordre des sages-femmes a pris contact avec des sociétés d'assurance ; elles sont prêtes à proposer des contrats pour les accouchements pratiqués en maison de naissance alors qu'elles s'y refusent pour les accouchements à domicile. Une sage-femme exerçant dans une maison de naissance qui aura commis une erreur, par exemple en n'effectuant pas le transfert d'une parturiente suffisamment tôt ou en n'alertant pas le médecin de la maternité en cas de complication, pourra toujours voir sa responsabilité engagée, comme toute sage-femme à l'intérieur de l'hôpital.
Nous recherchons une sécurité absolue des maisons de naissance, mais il faut garder en tête qu'il sera difficile de descendre en dessous d'un certain taux de mortalité périnatale. Il existera toujours des risques associés à la naissance. Il est d'ailleurs intéressant de constater que dans les autres pays où le taux de mortalité constaté se situe entre 3,3 et 3,6 pour mille, les maisons de naissance ne sont pourtant pas accolées aux services des maternités, mais peuvent se situer jusqu'à trente minutes d'un plateau technique comme au Québec.
Sur le sujet de la responsabilité civile, je voudrais amoindrir l'enthousiasme de notre rapporteure. Les sages-femmes qui pratiquent des échographies doivent contracter une assurance à un tarif très élevé. Je pense sincèrement que le prix de l'assurance va être très important pour les sages-femmes libérales qui exerceront à temps plein en maison de naissance.
Par ailleurs, si on définit un cahier des charges précis qui reprend vos conditions, je ne vois pas pourquoi il ne serait pas possible de développer des maisons de naissance à l'intérieur des services hospitaliers. Au-delà du principe de sécurité, j'y vois la question de l'égalité entre les structures publiques et privées.
Comment le financement d'une maison de naissance sera-t-il assuré ? Je pense à sa construction et au matériel dont elle a besoin.
J'ai répondu à la question du financement en ce qui concerne le fonctionnement de la structure. S'agissant des dépenses d'investissement, il ne faut pas oublier qu'une maison de naissance est avant tout une maison, et non un hôpital ; l'investissement est donc moindre. Dans le cas du CALM, il n'y a pas eu d'investissement : les locaux du rez-de-chaussée sont loués à la clinique par l'association. Il n'existe pas juridiquement de maison de naissance en France ; le modèle économique et financier est à inventer, ce que permettra justement l'expérimentation.
J'ai l'impression que nous voulons trancher toutes les questions avant même la mise en place de l'expérimentation. Mais la question du coût et du financement des maisons de naissance, comme celle de leurs relations avec les services des maternités, sera examinée dans ce cadre.
Le texte de ma proposition de loi prévoit que le Gouvernement organisera par décret en Conseil d'Etat le financement des maisons de naissance. S'agissant de l'assurance des sages-femmes qui pratiquent l'échographie, il n'est pas question qu'elles le fassent dans le cadre des maisons de naissance.
J'ai pu observer la formule juridique, qui a existé un temps, de la clinique ouverte dans un cadre hospitalier. Elle reposait sur un système de convention et permettait d'associer des médecins, des sages-femmes et des infirmières libéraux. Cette formule a maintenant disparu.
Il existe toujours la possibilité d'ouvrir les plateaux techniques aux professionnels libéraux mais elle n'est pas mise en pratique.
Enfin, pour répondre à la question de Jean Desessard, plusieurs études ont été publiées à l'étranger pour évaluer les maisons de naissance, notamment au Royaume-Uni et aux Etats-Unis : elles ne montrent pas de différences entre ces structures et les hôpitaux en ce qui concerne les complications ou les résultats sanitaires.
La commission adopte la proposition de loi sans modification, les groupes UDI-UC, UMP et écologiste votant pour, le groupe CRC votant contre et le groupe socialiste s'abstenant.
La commission procède à la nomination de :
Ronan Kerdraon en qualité de rapporteur sur la proposition de loi n° 350 (2012-2013) relative à l'instauration du 27 mai comme journée nationale de la Résistance ;
Aline Archimbaud en qualité de rapporteure sur la proposition de loi n° 352 (2012-2013) visant à améliorer l'accès aux soins des plus démunis.