Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission entend Mme Anne-Marie Couderc, présidente de Presstalis.
Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation. Le sujet dont nous allons parler nous tient à coeur et il était nécessaire que nous vous entendions. Nous avons mené plusieurs auditions sur la distribution de la presse, sur les difficultés rencontrées par la société Presstalis et leurs conséquences sur les différents acteurs : les 20 et 21 février derniers nous recevions les représentants de l'Union nationale des diffuseurs de presse, du Syndicat général du livre et de la communication écrite et du Syndicat de la presse quotidienne nationale. Vous n'aviez pas souhaité être auditionnée alors, en raison du conflit en cours dans votre société et pour ne pas interférer avec la mission de médiation confiée à M. Redding. Un mois a passé. Quel est le bilan de la médiation ? La situation sociale s'est-elle apaisée ? Quelles sont les perspectives de la société dans les mois à venir dans le cadre de la mise en oeuvre du plan de sauvegarde ? M. Legendre est également présent ; vous savez que les sénateurs savent transcender les clivages pour sauvegarder la distribution de la presse.
Je souhaite d'abord vous remercier d'avoir compris les raisons pour lesquelles j'avais décliné votre invitation, il y a un mois. Nous étions en effet dans une sortie de conflit social complexe ; un médiateur avait été nommé et je m'étais engagée à ne pas trop m'exprimer publiquement - même devant la représentation nationale.
J'espérais pouvoir vous annoncer aujourd'hui la signature d'un accord sous les auspices du médiateur, mais nous n'y sommes pas encore : nous avons encore négocié ce matin pendant plusieurs heures et les discussions reprendront incessamment. Cette période de dialogue avec l'ensemble des organisations syndicales a permis une meilleure compréhension mutuelle, ce dont je me réjouis. C'était nécessaire, car les réformes de fond que nous préconisons ne se limitent pas à des réductions de coûts : il s'agit de remettre à plat le système, ce qui aura malheureusement un impact social non négligeable. En outre, dans la situation financière que connaît le pays, les pratiques d'hier ne sont plus de mise, même si nous nous efforçons de limiter les départs contraints. J'espère que nous aboutirons en évitant un conflit pénalisant pour tout le monde.
Nous avons signé le 5 octobre dernier avec les éditeurs et l'État un accord tripartite préconisant une réforme industrielle, qui comporte évidemment un volet social : nous avons lancé les différentes procédures afférentes.
Notre système de distribution comporte plusieurs niveaux : nous souhaitons mutualiser au maximum la messagerie, en particulier en région parisienne, et diminuer le nombre de dépôts (niveau 2), ce qui passe par la régionalisation, afin de dégager des économies substantielles. Quel est l'impact social de cette réforme ? La presse a annoncé la suppression de 1 250 emplois, mais nous espérons descendre en dessous de mille. La régionalisation du niveau 2 - nous comptons mettre en place cinq plateformes régionales, dont une seule sera sous-traitée - semble avoir été bien comprise par l'ensemble des organisations syndicales et nous sommes très proches d'un accord. Le point de blocage demeure la situation des établissements parisiens, mais nos positions se sont considérablement rapprochées ; il serait très regrettable qu'on ne parvienne pas à un accord. Les discussions se déroulent sous l'égide d'un médiateur qui a été désigné par l'État le 8 février dernier : M. Redding, grand connaisseur des problématiques industrielles et bon négociateur.
Nous devons d'abord tomber d'accord sur le volet industriel : il est indispensable de gagner en efficacité, en passant notamment de trois sites à un seul - là, je pense que l'on est tombé d'accord - et en mutualisant les niveaux 1 et 2 des quotidiens comme des magazines, avec une part de sous-traitance pour ces derniers. Une deuxième phase de discussion portera sur l'accompagnement financier : les pratiques passées ne correspondent plus aux moyens dont disposent les éditeurs, l'État ou la société Presstalis.
Nous avons énormément travaillé sur les reclassements internes : la réorganisation en province dégage plusieurs dizaines de postes ouvriers à pourvoir, ce qui diminue les départs à Paris et certaines entreprises publiques sont susceptibles de recruter nos agents sur des postes non qualifiés. Nous proposons plus d'un poste par poste supprimé - ce qui, dans le contexte actuel, est exceptionnel.
D'entreprises publiques, oui. Nous avons réussi, grâce au soutien de certains parlementaires et de l'État, à avoir des discussions très ouvertes avec leurs responsables emploi. Nous avons pris en compte la pyramide des âges, mais les précédents plans sociaux de certains établissements parisiens de Presstalis compliquent les choses. Le conflit social s'est durci en novembre, décembre et janvier, atteignant en février un paroxysme qui a suscité la nomination du médiateur.
Nous ne sommes pas vraiment entrés dans cette négociation. Différents paramètres peuvent jouer, par exemple la durée du congé de reclassement, où nous sommes passés des quatre mois prévus par la loi à neuf mois, ou encore le montant de l'indemnité de licenciement, qui peut être assez important compte tenu de conventions collectives et d'accords d'entreprise très favorables : au-delà de quinze ans d'ancienneté, il s'élève à un mois de salaire par année d'ancienneté, ce qui peut, pour les plus âgés, assurer une transition possible vers la retraite. Mais nous n'en sommes pas encore là. Pour l'instant les procédures des livre I et livre II sont ouvertes et nous sommes en phase de consultation dans l'attente des résultats de la médiation.
La profession dans son ensemble s'est mobilisée. Les instances professionnelles ont agi conformément à ce qui était prévu sur les délais de préavis pour changer de messagerie par exemple ou sur la distribution des quotidiens, pour laquelle la péréquation recommandée par l'Autorité de la concurrence a été mise en oeuvre par le Conseil supérieur des messageries de presses (CSMP) et rendue obligatoire par l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP). Cela assure une meilleure équité entre les éditeurs de presse magazine de Presstalis et les autres. Malheureusement de nombreuses procédures ont été intentées contre cette décision, au civil, devant l'Autorité de la concurrence, devant le Conseil constitutionnel, etc.
Oui. Une seule décision a été rendue contre les MLP, qui avaient gelé le montant de leur contribution à cette péréquation : la Cour d'appel a indiqué qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à l'exécution.
Les MLP ont intenté une procédure après le vote de la loi de juillet 2011 ?
Oui, en évoquant son inconstitutionnalité. Il y a encore un recours contre la péréquation, ainsi que sur la décision relative aux préavis de transferts de titres. Nous faisons enfin l'objet d'une plainte devant l'Autorité de la concurrence pour collusion et abus de position dominante : l'instruction est en cours, l'affaire sera plaidée la semaine prochaine. Saisie pour avis par le Gouvernement et par l'ARDP sur les préconisations qui figurent dans l'accord tripartite, l'Autorité de la concurrence les a validées. Cet accord recommande de mutualiser au maximum un certain nombre de moyens : transports, informatique, etc. Les éditeurs de Presstalis et de MLP se réunissent régulièrement pour trouver des solutions dans l'intérêt général en dépassant les clivages, dans un contexte économique tendu.
- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -
Je vous prie d'excuser mon retard. A l'initiative de M. Poncelet, président du groupe France-Vietnam, je recevais Mme Nguyen Thi Binh, signataire des accords de Paris, il y a quarante ans.
En octobre, il s'agissait de savoir s'il pouvait y avoir un dialogue assumé. Grâce à la médiation, vous avez approfondi certaines questions, votre état d'esprit me semble positif. Finalement, il était possible de rapprocher les points de vue - ce qui, vu de l'extérieur, peut surprendre.
Tant que l'accord n'est pas signé, je demeure prudente. S'agissant de la province, l'ensemble des organisations syndicales ont participé aux négociations d'une manière qui a rendu un accord possible, nous en sommes très proches. En région parisienne, la situation est différente. Le rôle du médiateur est crucial. Une aide financière complémentaire s'impose également.
Des deux, pour un montant encore inconnu. Le principe est de progresser ensemble : si des concessions sont faites sur le plan industriel, il y a un impact en termes de coûts. Le dialogue n'a pas été rompu. Certains ont consenti des efforts considérables mais quelques individualités bloquent encore la signature d'un accord.
Nous comprenons que les choses avancent. Nous avions bien perçu à travers les auditions qu'un accord était possible sur la réorganisation régionale, mais plus difficile en ce qui concerne Paris. Deux questions complémentaires : le Syndicat du livre et de la communication affirme que, depuis la sortie du groupe Lagardère de la société Presstalis, les barèmes ont été sous-évalués - M. Françaix le dit aussi dans son rapport, critiquant l'absence de solidarité de certains éditeurs. Que pensez-vous du modèle de gouvernance ? Ce que vous avez dit des contentieux n'apaise pas ma crainte sur la manière dont la concurrence s'exerce. Faut-il une fusion entre les deux messageries ? Convient-il au contraire de séparer la distribution des quotidiens et des magazines ? Nous avons voulu faire en sorte que la loi réduise les contentieux judiciaire mais l'objectif ne semble pas avoir été atteint.
Vous nous dites qu'ils n'ont pas cessé. Qu'en pensez-vous ? Le secteur sera-t-il plus vertueux à l'avenir ? Le portage, qui devient un mode de diffusion majoritaire en Europe, représente-t-il pour vous une concurrence réelle et la presse numérique vous met-elle en danger ?
La modernisation de la loi Bichet marque incontestablement une avancée considérable. On constate toutefois que l'objectif d'apaisement judiciaire n'a pas été atteint : les décisions du CSMP comme celles de l'ARDP peuvent faire l'objet d'un recours devant la cour d'appel. Trois magistrats, du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, rendent exécutoires les décisions du CSMP, mais un appel est possible. L'Autorité de la concurrence peut également être saisie, comme on l'a vu quand l'accord tripartite a été signé et que la préconisation d'organisation et de mutualisation entre les deux messageries avait risqué d'aboutir à une telle saisine. Les recours sont multiples, ce que peu avaient anticipé. Préavis, péréquation, schéma directeur : la loi a tout de même aidé à avancer en produisant des décisions exécutoires qui ont débloqué des situations.
En termes de gouvernance, cependant, nous ne sommes pas allés aussi loin que le réclame l'évolution du contexte économique et des données structurelles, notamment le développement du numérique, qui porte atteinte à la presse écrite. La vente au numéro des quotidiens décroche assez sérieusement, celle des magazines diminue également. Les hypothèses les plus pessimistes formulées en 2011 lors de l'élaboration de notre plan stratégique se réalisent, soit une baisse de 25 % en quatre ans. L'an dernier, la baisse globale a été de 6 %, et de 8 % pour les quotidiens - ce qui est considérable. Cela impose de réaliser des économies : en 2010-2011 nous avions économisé entre 25 et 30 millions d'euros, l'an dernier 40 millions, tout en absorbant l'effet plein du départ de certains éditeurs vers l'autre messagerie. Les données industrielles de distribution des quotidiens n'ont rien à voir avec celles des magazines.
Il y a de fait séparation sur le plan industriel.
Les modes de distribution de la presse quotidienne sont très différents de ceux de la presse magazine. La distribution de la presse quotidienne est soumise à des contraintes logistiques serrées : nous avons dix-huit centres d'impression en France, les journaux paraissent tard le soir et doivent être mis en place dans 29 000 points de vente à 6 heures 30 le matin. Ce cahier des charges induit donc des coûts élevés, que les quotidiens ne peuvent guère assumer et qui ne sont d'ailleurs pas absorbés par les barèmes. D'un point de vue industriel, une séparation de toute la partie amont serait donc logique. En revanche, la mutualisation du dernier kilomètre de distribution a un vrai intérêt.
Le départ des quotidiens de la messagerie Presstalis pour rejoindre la distribution des quotidiens régionaux pose un vrai problème économique à l'ensemble du secteur : cela supprime 25 % du chiffre d'affaires des dépôts, qui sont déjà fragilisés. Au niveau 2, la mutualisation induit du travail de nuit, mais a des avantages.
Plus on s'approche du point de vente, plus l'intérêt de la mutualisation entre quotidiens et magazines se fait sentir : c'est le dernier kilomètre comme la gestion du point de vente lui-même. La différenciation peut en revanche se faire en amont.
Nous essayons donc de déterminer région par région quel type d'accord nous pouvons passer avec la presse quotidienne régionale. Tous les acteurs recherchent des solutions de mutualisation afin de diminuer les coûts de distribution, notamment sur le dernier kilomètre. Le portage représente une solution pour les éditeurs ; cela fidélise le lecteur en rendant service. Bien sûr, toute aide au portage nuit à la vente au numéro. Pour trouver des solutions, il importe de réfléchir selon une logique industrielle. Les trois canaux principaux de distribution sont la Poste, le portage et la vente au numéro. Il faut une vision globale pour décider comment mutualiser au mieux ces trois vecteurs, avant de songer à distribuer des aides. C'est plus facile à dire qu'à faire, mais les évolutions actuelles l'imposent.
Avez-vous été associée aux travaux du groupe de travail confié à M. Maistre ?
Je serais juge et partie...
Nous n'avons pas été auditionnés pour le moment. Mais je n'hésite pas à m'exprimer sur ces sujets.
Comment le chiffre d'affaires des éditeurs se répartit-il par secteur entre les trois réseaux de vente que sont les kiosques, le postage et le portage ?
En volume, les ventes en kiosque représentent environ 50 % des ventes. Viennent ensuite le postage, puis le portage. Cela dit, les aides à la presse sont réparties à peu près à l'inverse : la vente au numéro est aidée à travers les quotidiens, La Poste est largement pour la distribution aidée en faveur des journaux et magazines d'information politique et générale et une aide au portage a été récemment mise en place, dont les effets sont contestables.
La montée du numérique est certes une menace. Une autre tient à la fermeture de kiosques de plus en plus nombreux, qui ne servent plus que de panneaux publicitaires. Le dimanche, en particulier, on n'en trouve plus. Le Journal du dimanche semble avoir passé des accords avec des boulangeries. Le maintien et le développement de l'accès à la presse écrite n'est-il pas un des enjeux majeurs ?
Le plan social que vous avez exposé pourrait causer la perte de la moitié des emplois, soit 1 200 personnes. Si l'on y ajoute les effets du numérique, on prend la mesure de la situation. Sur un réseau important comme le vôtre, quelle diversification envisager ?
Si j'osais une comparaison, je dirais que nous avons un problème de diésélisation de la presse. Nous sommes confrontés à des phénomènes très structurels. Le kiosquier de Sèvres-Babylone vous le confirmera : 95 % des enseignants et des étudiants de Sciences-po lisaient la presse il y a encore quelques années, ils ne sont désormais plus que 5 %.
Nous étions à Berlin lundi dernier : nos problèmes paraissent incompréhensibles à nos amis allemands si l'on ne fait pas appel à un autre facteur d'explication. Lorsque la qualité des produits n'est plus au rendez-vous, le contact est perdu avec les jeunes lecteurs et une partie des élites.
Vous abordez le débat de fond. Le numérique touche tous les pays, avec des effets différents selon les systèmes de presse nationaux, car ils sont aussi fonction de la qualité des produits vendus. Les systèmes français et allemand ne sont guère comparables en termes de distribution. Partout où les produits correspondent aux besoins des lecteurs, magazines et journaux se portent bien. En France, la presse magazine a un poids considérable, tandis que, pour des raisons historiques et structurelles, la presse quotidienne nationale y est moins développée. Lorsqu'elle propose des articles de fond, la presse magazine se vend, nous le voyons bien selon l'actualité. Sous ce rapport, et bien que le numérique constitue une évolution structurelle inéluctable, la presse papier conserve tout son sens.
La situation des diffuseurs est complexe. Ce sont les grands oubliés des réformes passées, notamment en matière de rémunération et de conditions de travail. Or ils travaillent énormément, pour une rémunération très faible. La situation des kiosquiers est particulière : ils ne sont que 700 sur 28 000 points de vente, dont plus de la moitié à Paris. On s'étonne qu'ils ne soient pas ouverts le dimanche, mais comment vivraient-ils ?
Forts de notre savoir-faire de distributeur, qui consiste à gérer les réseaux de proximité et à traiter la complexité du flux d'information sous de fortes contraintes, nous devrions parvenir à nous diversifier. Nous avions commencé à nouer des liens pour prendre le relais de certains sites Internet marchands, jusqu'à ce que des sociétés américaines disposant de fonds que nous n'avons pas, interviennent pour nous sortir du marché.
La diversification est liée aux points de vente. Ce sont des commerçants de proximité, que nos commerciaux passent voir chaque semaine. Tout le monde a intérêt à leur développement.
Nous avons le souci de professionnaliser les diffuseurs. Notre réseau Seddif, qui regroupe les enseignes « Maisons de la presse », forme les diffuseurs à l'aspect commercial de leur métier. Le livre, les produits culturels sont d'autres opportunités de diversification. Nous devons réaliser ce potentiel, sans porter atteinte à l'activité de diffusion de l'information. L'urgence conduit en ce moment à esquiver ces débats.
Notre commission a souhaité organiser dès la mi-février une série d'auditions sur le conflit au sein de la société Presstalis, dont les conséquences sont nombreuses pour les différents acteurs de la distribution de la presse. Dans ce cadre, vous avez demandé que les Messageries lyonnaises de presse (MLP), concurrentes de Presstalis, soient également entendues.
Votre voeu est exaucé : nous vous écoutons sur les relations commerciales que vous entretenez avec Presstalis et avec les différents éditeurs, sur la façon dont se partage et évolue le marché de la distribution de la presse et sur la possibilité de conserver un régime de concurrence dans le système coopératif et solidaire instauré par la loi Bichet.
Nous vous remercions de nous donner la parole. Créée en France en 1945, avant même la loi Bichet, MLP a été la première coopérative de presse. Elle assure environ 33 % de la distribution de la presse magazine en tant que messagerie, pour un volume d'affaires d'environ 590 millions d'euros prix fort, c'est-à-dire selon la valeur faciale des titres. Au niveau 2, elle assure, avec ses dépôts, la distribution de toute la presse qui lui est confiée, qu'elle soit groupée par Presstalis ou par MLP. Son réseau Alliance, qui réunit ses propres dépôts comme des dépôts indépendants, réalise environ 31 % de la distribution de toute la presse pour un volume d'affaires de l'ordre de 650 millions d'euros prix fort.
MLP est le premier distributeur-dépositaire francilien, avec plus de 55 % de la distribution de la presse magazine et quotidienne, hors Paris intra-muros, qui reste un monopole de Presstalis. MLP, qui doit assurer par ses propres moyens la distribution de la presse magazine dans cette zone, offre une qualité de service de référence, plébiscitée par les diffuseurs parisiens.
En quatre ans, MLP a investi près de 25 millions d'euros sur le niveau 2, sans aucune subvention. Le groupe emploie 739 collaborateurs et n'a jamais bénéficié d'aucune aide publique, bien qu'il distribue des publications d'information politique et générale sur le niveau 1 et tous les quotidiens nationaux sur le niveau 2. En tant que pure coopérative, elle redistribue l'intégralité de ses marges nettes à ses éditeurs et réalise un chiffre d'affaires consolidé d'environ 90 millions d'euros.
MLP a toujours contribué davantage que Presstalis à la consolidation de la marge du réseau : sur le niveau 2, la rémunération versée au dépositaire est en moyenne de 8,6 % supérieure à celle versée par Presstalis, aussi bien sur les dépôts indépendants que sur les dépôts SAD et Soprocom appartenant à Presstalis : quand nous distribuons Le Point, cette différence équivaut à un mois de ventes supplémentaire. En outre, depuis 1996 et jusqu'aux dernières décisions du CSMP sur les frais de transport, MLP offrait les frais de transport aux diffuseurs parisiens, qui représentaient 2 % du chiffre d'affaires prix fort : Marianne rapportait 10 % de plus au dépositaire. Nous améliorons d'autant leur rémunération par rapport à celle que Presstalis leur accorde.
MLP contribue depuis 2008 au financement du système informatique de Presstalis P2000 par une redevance d'interopérabilité (1,5 million d'euros en 2013). Elle a également développé, à sa charge, un système informatique alternatif assis sur une architecture dénommée Edgar, qui fonctionne dans les dépôts et qui est capable de gérer toute la presse magazine et les publications hors presse. Sa généralisation ou l'adaptation des systèmes d'information MLP à la presse quotidienne dégagerait une économie de plus de 10 millions d'euros par an : les systèmes d'information MLP sont opérés avec un budget annuel inférieur à 5 millions d'euros, contre 20,2 millions d'euros pour celui de Presstalis, sans compter la redevance de 1,5 million versée par MLP à Presstalis.
Hors péréquation spécifique des quotidiens du CSMP, MLP contribue au secteur à hauteur de 16 millions d'euros de plus que Presstalis, sans aucune subvention. A cela s'ajoutent les économies de distribution dont bénéficient les éditeurs distribués par MLP, soit environ 20 millions d'euros par rapport à Presstalis. La généralisation d'un modèle industriel et commercial équivalent à toute la presse magazine rapporterait 60 millions d'euros, soit largement de quoi financer la distribution des quotidiens nationaux.
Enfin, MLP a financé, seule et sans subvention, le développement d'Agora Presse, seul réseau franchisé de magasins hyper-spécialistes de la presse. Ce réseau de vingt magasins détenus par des commerçants indépendants s'accroît de 40 % par an malgré un contexte difficile. Disposant de l'offre la plus large, pas moins de 3 000 références de presse, il résiste mieux que ses concurrents à la baisse du marché : le réseau n'a en effet perdu que 2 % en 2013 contre 8 % en moyenne. La rémunération moyenne d'un magasin Agora, inférieure de 25 % à celle d'un magasin Relay à l'offre plus réduite, reste encore inadaptée à sa performance. MLP milite pour une augmentation significative de la rémunération des points de vente hyper-spécialistes de la presse, quels qu'ils soient.
Contrairement à certaines idées, MLP exerce une concurrence hautement vertueuse pour le secteur. Ce n'est pas le cas de Presstalis. En effet, selon Jérôme Cahuzac, cité par l'Observatoire des journalistes et de l'information médiatique, les cinq plans d'aides publiques à Presstalis ont atteint 530 millions depuis 2002, soit une moyenne de 50 millions d'euros par an, sans même tenir compte des pertes constatées. La concurrence de MLP n'y est pour rien, puisqu'elle a sur la même période cumulé un chiffre d'affaires à peine supérieur à ce montant, et surtout une marge sur coût variable deux fois plus faible. Même en l'absence de MLP, Presstalis serait restée déficitaire et les aides d'État se seraient comptées en dizaines de millions d'euros.
L'avenir de la presse passe autant par la préservation de la concurrence sur le marché et ses garanties d'alternatives que par la restructuration de Presstalis et son retour à l'efficience économique.
MLP partage le souci de préserver le marché de la distribution par la vente au numéro, enjeu économique et social capital. Les seuls acteurs de la distribution représentent plus de 70 000 emplois directs, dont 3 % au sein de Presstalis : 1 700 au niveau 1, 2 500 au niveau 2, et 70 000 au niveau 3 répartis sur 28 000 points de vente - les 45 000 emplois chez les 12 000 diffuseurs traditionnels ou spécialistes de la presse sont menacés par l'affaiblissement du secteur.
Aux milliers d'emplois indirects chez les transporteurs et sous-traitants divers, il faut ajouter les emplois en amont (journalistes, commerciaux, personnels administratifs des éditeurs, imprimeurs, marchands de papier, etc.).
Des erreurs de diagnostic relatives à la situation du marché ont conduit à administrer des remèdes inefficaces, voire susceptibles d'aggraver le mal. Les éditeurs de presse magazine assurent 80 % de l'activité de la vente au numéro et plus de 90 % de ses charges ; ils ne seront bientôt plus en mesure d'assumer la péréquation de près de 50 % des charges spécifiques des quotidiens.
L'affaiblissement et la détérioration de la presse magazine constituent de loin les premières menaces pour la presse quotidienne, qui assure 80 % de l'économie des dépôts et des diffuseurs. Sans une presse magazine forte, la presse quotidienne serait dans l'impossibilité de compter sur le niveau 2 et sur le réseau capillaire des diffuseurs spécialistes de la presse, qui assument 60 % de ses ventes. Ainsi, opposer des catégories de presse dans un réseau mutualisé menace la stabilité de l'édifice.
Un plan de restructuration ou de consolidation du secteur ne tenant compte que de Presstalis menacerait l'ensemble du secteur, et Presstalis elle-même. Celle-ci doit être intégrée dans le plan, mais ne pas en être l'élément central ou unique. Parce qu'il est structurant, en France comme à l'étranger, l'organisation de la distribution de la presse doit reposer sur un niveau 2 fort, restructuré et concentré dans le cadre du schéma directeur régional adopté par le CSMP. Or le plan Presstalis prévoit une sous-traitance intégrale de la presse magazine à des tiers, sans valeur ajoutée compétitive, alors que MLP continue à intégrer ce savoir-faire dans de meilleures conditions.
Le diagnostic stratégique est clair : sur l'activité du niveau 1, le seul savoir-faire différenciant intégré au périmètre Presstalis est le monopole de distribution des quotidiens, un marché appelé à une forte contraction, du fait même de la stratégie des éditeurs de quotidiens. En sous-traitant l'intégralité de son activité logistique de niveau 1 pour les magazines, Presstalis ne se positionne plus comme un acteur industriel de sa distribution, elle joue de la péréquation pour amortir ses charges de structure, d'ailleurs non évaluées. Au passage, elle neutralise la concurrence de MLP et toute alternative concurrentielle nouvelle en faveur des magazines. Cette position, inquiétante pour tout le secteur, ne fera que repousser l'échéance inévitable d'une restructuration plus sévère encore.
Si Presstalis prépare son retrait du niveau 1, elle devrait rester un acteur référent sur le niveau 2. Le modèle économique de celui-ci peut et doit évoluer, en assurant la pérennité de Presstalis indépendamment de sa position sur le niveau 1. L'avenir de Presstalis passe sans doute par la réussite du schéma directeur du niveau 2 et la consolidation économique de son activité sur ce secteur essentiel de la distribution et les relais de croissance qu'il offre.
Ce n'est pas la taille du marché qui conditionne le nombre d'acteurs possible sur le niveau 1, mais bien leur mission et leur savoir-faire. Sur des marchés comparables ou plus petits, il y a à l'étranger plus de distributeurs nationaux qu'en France : 8 en Allemagne, 11 au Royaume-Uni, 4 en Espagne, 6 en Italie, 2 en Belgique, dont le plus petit réalise moins de 10 % du chiffre d'affaires national.
La vente au numéro de la presse et des publications assimilées distribuées par les messageries représente un marché de l'ordre de 2,2 milliards d'euros en 2012. Les ventes de quotidiens assurées par Presstalis rapportent 450 millions d'euros de chiffre d'affaires, 1 200 millions d'euros pour les magazines et hors presse, contre 590 millions d'euros pour MLP sur ce segment.
La presse quotidienne réalise environ 18 % du marché de la vente au numéro, partant de l'activité de l'ensemble des distributeurs, tous niveaux confondus. Il y a autant de cahiers des charges logistiques et commerciaux que de quotidiens, ce qui grève lourdement leur coût collectif de distribution. Les quotidiens font de plus en plus rapidement migrer leur distribution de la vente au numéro vers d'autres moyens : postage, portage, numérique, diffusion gratuite.
Alors que la presse magazine a accru la part de son chiffre d'affaires provenant de la vente au numéro, la presse quotidienne l'a réduite significativement. Selon la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), la part de la diffusion payée dans le chiffre d'affaires de la presse quotidienne est passée de 73,6 % à moins de 58,2 % en vingt ans. En 2012, les ventes payées au numéro constituaient moins de 45 % de la diffusion totale des quotidiens. La diffusion gratuite et par tiers représente désormais presque 38 % de la diffusion totale des ventes au numéro payées ; elle est même supérieure pour certains quotidiens nationaux. Si ces tendances se poursuivent, le modèle économique de la distribution de la presse, organisé pour elle mais lourdement contraint par les cahiers des charges de la presse quotidienne, sera fortement remis en question.
La situation du marché et les orientations stratégiques de la presse quotidienne rendent plus hypothétiques que jamais les choix de restructuration retenus pour le secteur en général, et pour Presstalis en particulier. L'absence sur le niveau 1 d'un cahier des charges unique pour la presse quotidienne, interdit de mutualiser les coûts de distribution et fait peser sur le secteur des charges désormais excessives.
Les coûts spécifiques des quotidiens incorporent des charges spécifiques et atypiques ; concédées par les ex-Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP), elles sont désormais incompatibles avec la situation générale du secteur de la vente au numéro. C'est la raison pour laquelle MLP a contesté non pas le principe d'une contribution exceptionnelle sous forme de péréquation des charges réellement spécifiques aux quotidiens, mais le modèle retenu par le CSMP dont les mécanismes menacent tout autant MLP et la concurrence que la presse magazine dans son ensemble.
Je crains que, dans votre réquisitoire, vous ayez perdu votre auditoire...
Je comprends. Le sujet est compliqué.
C'est plutôt la forme qui est inhabituelle pour notre commission : nous avons l'habitude de plus d'interactivité.
Je termine rapidement mon propos. Le financement est un premier problème. Moins de 5 % des besoins de financements spécifiques à la restructuration Presstalis sont assurés par des aides spécifiques, le reste étant réparti en économies, pour 30 %, et en hausses de barème, à hauteur de 65 %.
Second problème, les comptes d'exploitation des éditeurs qui payaient déjà très cher leur distribution vont être dégradés par ces augmentations, accélérant la dépression du secteur par un effet de désinvestissement, voire de retrait des éditeurs de presse magazine. Une baisse de 33 % sur quatre ans est donc désormais possible au lieu des 25 % envisagés initialement.
Le format de votre intervention nous fait encore plus regretter de n'avoir pas organisé de table ronde. Il est vrai que la guerre semble ouverte avec Mme Couderc, qui n'a guère fait référence aux MLP dans son intervention. Je comprends que vous défendiez vos intérêts, mais on peut regretter que la solidarité placée au coeur du système après la guerre ne soit plus d'actualité. Une fusion avec Presstalis pourrait-elle améliorer la gouvernance du secteur ? Faut-il au contraire séparer plus nettement les activités de distribution des quotidiens et des magazines ?
La presse magazine est un terme générique qui recouvre beaucoup de choses. Les produits qui en font partie doivent-ils tous être aidés ?
La réforme de la loi Bichet de juillet 2011 donnait le sentiment de répondre à vos attentes. Elle avait pour contrepartie de créer une instance de régulation, au moment où la situation paraissait bloquée par de nombreux contentieux. Les efforts de Presstalis ne méritent pas le réquisitoire que vous avez prononcé, car si la société venait à disparaître, tout le secteur serait fragilisé. Ne peut-on, à nouveau, plaider pour plus de solidarité ?
La loi de juillet 2011 prévoyait une refonte du CSMP destinée à entendre tous les acteurs. Ce dialogue est aujourd'hui inexistant car Presstalis et MLP ne sont pas membres du bureau décisionnaire du Conseil. Nous ne pouvons formuler qu'un avis positif, négatif, ou nous abstenir sur les projets qu'il élabore.
Nous ne formulons aucun réquisitoire contre Presstalis, car nous savons que sa situation est difficile, mais plutôt contre la façon dont les solutions y ont été apportées. Nous pensons que les comportements de consommation conduisent les volumes d'activité à la baisse, et que les décisions qui ont été prises ne font que pousser les acteurs vers la sortie. L'absorption de Presstalis par les MLP ne rendrait donc pas le système plus viable. Aujourd'hui, la presse magazine est dissuadée d'investir...
C'est le cas pour les titres d'information politique et générale, mais pas uniquement. Par exemple, dissuader les supports récréatifs de poursuivre leur activité ne permettrait plus aux diffuseurs d'amortir leurs charges fixes, qui sont importantes.
Pas nécessairement. Le CSMP a adopté des règles qui sont en train d'être mises en oeuvre, notamment la possibilité pour un diffuseur de refuser de distribuer un titre. Imaginons un titre habituellement vendeur que 20 % de ses diffuseurs cessent d'offrir aux clients. Le titre interrompt sa parution, ce qui pèse sur les 80 % qui voulaient continuer à le diffuser, et ampute par contrecoup les flux de niveau 2.
Adapter l'offre d'un point de vente à son environnement est une idée qui tombe sous le sens. Mais nous mettons en garde contre les mécanismes dangereux qui ont été introduits. Les cahiers des charges ne sont plus supportables. Il s'agit d'un problème de modèle industriel. La fusion n'y changerait rien.
Nous pensons que Presstalis et les MLP peuvent exister ensemble sur le marché, mais pas selon les méthodes qui ont été retenues. Regardez ce qui se passe dans les pays étrangers : en l'absence d'un dispositif législatif comparable au nôtre, les problèmes de gouvernance sont des problèmes habituels de concurrence.
Nous avions l'espoir que la loi de juillet 2011 règle un certain nombre de sujets. Or aujourd'hui nous payons sans être partie aux décisions prises pour le secteur. De plus, les MLP payent partout plus cher que Presstalis et payent Presstalis elle-même !
Nous faisons face à deux problèmes. D'une part, la situation des éditeurs, quels qu'ils soient. D'autre part, celle des diffuseurs. Des économies sont possibles, si l'on affronte les rigidités des cahiers des charges.
Le niveau 2 est central pour la distribution de la presse. La France est le seul pays à fonctionner avec une logique d'intégration verticale, qui ne correspond pas nécessairement aux besoins des acteurs locaux, ni des consommateurs.
Je suis heureuse que nous ayons trouvé un point d'accord commun à Presstalis et à vous-même : la nécessité d'une refonte du système économique des diffuseurs. Nous prendrons connaissance attentive de la documentation que vous nous avez laissée. Je retiens votre regret de n'être pas associés aux décisions prises par le CSMP, contrairement à l'esprit du texte initial. Je vous remercie.
L'audition de MM. Jean-Pierre Roger, président, et de M. Guy Delivet, directeur général du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) clôt la série de consultations que nous avons débutée le 20 février dernier.
Le CSMP est chargé, avec l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) de la régulation et du contrôle de la distribution de la presse, dans le respect des grands principes de la loi Bichet. Pourtant, votre efficacité comme votre proximité avec les éditeurs sont bien souvent critiquées. Pouvez-vous nous éclairer sur vos missions et plus particulièrement sur votre rôle dans le cadre du conflit Presstalis ? Quels sont les moyens dont vous disposez pour réguler la concurrence entre les messageries et assurer le bon fonctionnement du système ? Pensez-vous qu'il faille modifier les modes de gouvernance actuels du système de distribution ?
Vous nous présenterez rapidement le rôle du CSMP et vos propositions en matière de régulation de la distribution de la presse, avant que notre collègue David Assouline, rapporteur pour la presse, puis les membres de notre commission, ne vous posent leurs questions.
Merci de m'avoir invité. Je vous prie d'excuser l'absence de M. Guy Delivet, retenu par des ennuis de santé.
Il est indispensable de rappeler brièvement le contexte dans lequel s'inscrit le CSMP. Les bases du système de diffusion de la presse ont été posées par le Conseil national de la Résistance. Il obéit aux principes suivants : solidarité, mutualisation, coopération, gestion donnée aux éditeurs de presse, système commercial reposant sur le mandat.
Dès la loi d'avril 1947, il est apparu nécessaire d'écarter de la presse et de sa distribution les influences des puissances de l'argent et de la puissance publique. Porté par un fort consensus, le système a bien fonctionné pendant des années. D'aucuns y voyaient le meilleur du monde. Il était envié par beaucoup.
Depuis la fin des années 1980, la concurrence a progressé dans le secteur, y compris parmi les éditeurs, tandis que les grands monopoles publics d'après-guerre étaient démantelés. Les MLP n'existaient alors que sous forme de sous-traitance. Les principes de solidarité et de concurrence se sont vite révélés difficile à concilier et les contentieux se sont multipliés.
Les États généraux de la presse écrite ont tracé la voie des réformes souhaitables.
La proposition de loi du 20 juillet 2011 a abouti et je tiens à saluer le travail réalisé par MM. Legendre et Assouline.
Depuis le changement de gouvernance en 2011, cinq réformes ont été engagées par le CSMP :
- l'assortiment des titres servis aux points de vente est en cours de déploiement, avec 4 000 points de vente assortis. Cette mesure constituait une demande forte des diffuseurs ;
- le schéma directeur des dépositaires de presse, qui doit refondre l'organisation du niveau 2, a été voté et doit aboutir d'ici fin 2014 à la baisse du nombre de dépôts, de 134 à 63 ;
- la rémunération transport des dépositaires ne sera plus faite uniquement à la commission mais au drop, c'est-à-dire en fonction de la notion d'unité d'oeuvre : cette première française dans les systèmes de distribution permet, dans un marché en baisse, de garantir un niveau élevé de rémunération transport ;
- le délai du préavis pour changer de messagerie, de trois mois, dérogeait aux règles commerciales, notamment celles qui régissent les relations entre les éditeurs et les imprimeurs : il est désormais compris entre trois et douze mois, en fonction de l'ancienneté. Cette mesure importante est intervenue opportunément, au moment où Presstalis menaçait d'être en cessation de paiement ;
- enfin, une péréquation inter-coopératives a été mise en place : c'est la pièce maîtresse de la solidarité entre messageries. Il est en effet légitime que l'ensemble des messageries participent au surcoût lié à la distribution des quotidiens d'information politique et général supporté par l'une d'entre elles. Sur un total de 26 millions d'euros de frais spécifiques, les MLP participent pour un montant évalué entre 7 à 8 millions d'euros par an.
Toutes ces mesures responsabilisent les éditeurs, qui ont compris qu'ils évoluaient désormais au sein d'un système solidaire et mutualisé. Dans l'ensemble, la mutualisation et la concentration des coûts fonctionnent bien.
D'autres décisions ont été prises. Après avoir envisagé de s'associer avec la presse quotidienne régionale (PQR), la presse quotidienne nationale (PQN) demeure distribuée par Presstalis.
Le préavis visant à rendre plus pérenne l'engagement des éditeurs au sein de leur messagerie a été accepté.
Dans une déclaration du 10 mai 2012, le CSMP a averti les pouvoirs publics et les acteurs de la distribution des menaces imminentes qui pesaient sur Presstalis et de la nécessité de participer à son sauvetage, ce qui a permis de débloquer 90 millions d'euros de fonds.
L'institution de la péréquation est l'élément le plus manifeste de la solidarité.
Vous avez peut-être entendu des points de vue différents sur le fonctionnement du système. Le couple CSMP-ARDP est opérant : le CSMP élabore et vote les décisions, l'ARDP les vérifie et les rend exécutoires. La loi de juillet 2011 met en place « un système de régulation bicéphale qui adosse à un CSMP, devenu instance professionnelle dotée de la personnalité morale de droit privé, détenteur en premier instance du pouvoir d'élaboration des normes de régulation, une autorité de régulation de la distribution de la presse, autorité indépendante dans sa composition, chargée de contrôler les décisions prises par le CSMP, sans pour autant disposer d'un pouvoir autonome », comme l'écrivait M. Assouline dans son rapport.
Il est inexact de dire que l'ARDP ne peut qu'accepter ou réfuter les décisions du CSMP. Elle peut refuser les décisions du CSMP par un avis motivé ou demander une nouvelle délibération. La loi a ouvert un espace de dialogue plus que formel entre les deux instances.
Le système n'est pas davantage une source extraordinaire de contentieux comme certains le lui reprochent. Mais il est vrai que les acteurs n'acceptent pas toujours le pouvoir normatif de l'organisation bicéphale : une fois homologuée par l'ARDP, la décision devient exécutoire. Le nombre de contentieux se situe cependant au même niveau que celui de toute nouvelle autorité administrative.
La loi partage le pouvoir entre le conseil supérieur et l'ARDP. La technicité des normes rend la validation de l'ARDP souhaitable, et celle-ci incite le CSMP à argumenter ses décisions.
Ce fonctionnement implique des procédures et des consultations publiques, mais dans l'ensemble, la rapidité des décisions n'est pas entachée : l'ARDP statue en moyenne dans un délai de à quatre à six semaines. Les relations de confiance entre les responsables ont donné aux décisions une légitimité, que renforce la sécurité juridique.
Une commission de suivi de la situation économique et financière des messageries a été constituée au sein du CSMP. Compte tenu du fait qu'elle est amenée à étudier les comptes des messageries, qui lui sont communiqués à l'avance de façon confidentielle, ses effectifs sont volontairement restreints.
Le programme de travaux du CSMP pour 2013 est le suivant :
- au niveau 1, nous suivons en premier lieu la situation de Presstalis. Si une société commune de moyens devait voir le jour, elle serait probablement suivie et organisée par le CSMP. L'unification des systèmes d'information est en cours de discussion, et nous nous saisirons bientôt de la question. Nous étudierons également le barème des coopératives ;
- concernant le niveau 2, le schéma directeur est en cours de réalisation ;
- enfin, faute de moyens, la réforme technique du niveau 3 ne sera mise en oeuvre partiellement que le 28 mars : le plafonnement des quantités servies ne sera réalisé qu'un mois plus tard, au terme d'une consultation publique.
Merci pour cette présentation tonique qui contraste avec nos précédentes auditions.
Les MLP vous reprochent un certain parti pris, de façon assez catégorique. Est-ce le cas ?
Cette organisation bicéphale ne semble pas idéale, mais pouvons-nous aller plus loin sans repenser globalement la gouvernance de la distribution ?
Je vous remercie de rester fidèle à l'esprit de la loi, ouvert à la modernisation et d'oeuvrer à l'apaisement des tensions dans le secteur.
Vous avez pris la décision courageuse de surseoir pour neuf mois aux migrations vers les MLP, pour laisser à Presstalis le temps de se restructurer. Est-ce un recul ou un simple sursis ?
La décision du 22 décembre 2012 a instauré la péréquation. D'après l'étude réalisée par le cabinet Mazars, il faut compter environ six mois de délai pour les transferts entre organismes. Dans la même décision, figurait le gel pendant neuf mois des transferts entre les messageries, mais l'ARDP a invalidé cette mesure. Elle a proposé d'instaurer un préavis plus long, une solution moins risquée juridiquement que le gel, fondé sur les pratiques commerciales en vigueur, notamment avec les imprimeurs. Comme le gel, ce préavis mettait fin aux transferts, sauf quand le contrat avait déjà été dénoncé.
Les groupes de presse qui utilisent une messagerie depuis longtemps ont droit à la tranche la plus élevée du préavis, de dix à douze mois. En 2012, certains ont pris les devants, déposant des préavis de précaution, ce qui est peut-être juridiquement contestable. Depuis, les tensions se sont apaisées, notamment grâce à la pérennisation de Presstalis.
Le fait que votre avis soit à prendre ou à laisser n'est-il pas gênant ? Les messageries ne pourraient-elles pas être associées en amont à vos décisions ?
Dans les faits, cette critique ne concernerait qu'une seule messagerie.
L'Assemblée du CSMP est composée majoritairement d'éditeurs nommés par les syndicats de presse et cela a été voulu. Y figurent également trois représentants des MLP, trois de Presstalis, des représentants des agents de la vente et des représentants du personnel. Les éditeurs délibèrent et décident dans l'intérêt et au nom de leur famille de presse, et non des messageries.
Les messageries ont sans doute créé de fortes rivalités, mais celles-ci s'apaisent. Je m'en réjouis, car ces querelles n'ont pas beaucoup de sens : aujourd'hui, tout le monde est partout.
Vous avez souhaité un certain formalisme. Une commission des bonnes pratiques composée d'éditeurs prépare les décisions. La loi prévoit des auditions des organismes professionnels et une consultation publique pour chaque décision.
Les décisions sont très souvent amendées.
En amont de l'assemblée, le bureau, qui n'est pas prévu par la loi mais par le règlement, est constitué uniquement d'éditeurs, et notamment de deux représentants du syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN), d'un représentant du syndicat de la presse quotidienne régionale et de trois représentants du syndicat de la presse magazine.