En application de l'article L.1451-1 du code de la santé publique, nous auditionnons M. Marc Mortureux, candidat au renouvellement de son mandat de directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Nous ne sommes pas dans le cadre de l'article 13 de la Constitution : cette audition ne sera donc pas suivie d'un vote.
L'Anses résulte de la fusion, en 2010, de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset). Investie de leurs missions respectives, elle évalue les risques pour la santé humaine, animale et végétale en s'appuyant sur une expertise dont l'indépendance est garantie notamment par un code de déontologie, l'obligation de publication de déclarations d'intérêts, et l'existence d'une instance spécialisée dans la prévention des conflits d'intérêts.
L'agence est placée sous la tutelle de cinq ministères : ceux de la santé, de l'agriculture, de l'environnement, du travail et de la consommation. Elle possède onze laboratoires de référence et de recherche répartis sur seize implantations géographiques, et fonctionne grâce à 1 350 agents et 800 experts extérieurs, qui se réunissent en divers collectifs. Son budget avoisine les 130 millions d'euros, alimenté pour l'essentiel par des subventions de l'Etat et des taxes affectées.
Le Gouvernement souhaite renouveler votre mandat. Quel bilan faites-vous du fonctionnement de l'Anses et quelles perspectives dégagez-vous pour les années à venir ?
Je suis ravi d'être à nouveau parmi vous. J'avais été auditionné par le Sénat en 2010 lors de la fusion de l'Afssa et de l'Afsset, ainsi qu'à diverses occasions : proposition de loi relative à l'interdiction du bisphénol A, publication de Gilles-Eric Séralini sur les effets des OGM, proposition de loi sur les lanceurs d'alerte et l'indépendance de l'expertise. L'Anses cultive de fortes relations avec le Parlement : d'une part parce que le Parlement est à l'origine de sa création, et d'autre part parce que nos activités sont à l'interface entre la science et la société, et à ce titre répondent aux préoccupations de tous nos concitoyens. Mon mandat de directeur général de l'Anses arrive à échéance le 6 juillet. Nos cinq ministres de tutelles ont proposé ma reconduction.
Ingénieur de formation, membre du corps des mines, j'ai commencé ma carrière dans le domaine environnemental comme responsable des installations classées de la région Île-de-France et secrétaire général d'Airparif, organisme chargé de mesurer la pollution atmosphérique dans l'agglomération parisienne. J'ai ensuite travaillé dans le secteur privé, en tant que responsable de la recherche et développement de la Compagnie nationale de géophysique, société d'imagerie du sous-sol, entreprise de taille moyenne mais cotée aux bourses de Paris et New-York. Je me suis familiarisé aux enjeux liés à la santé humaine à la tête du Laboratoire de métrologie et d'essais, établissement public industriel et commercial dont le rôle est notamment de contrôler les dispositifs médicaux sous l'autorité de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), puis en tant que directeur général adjoint de l'Institut Pasteur. J'ai ensuite occupé la fonction de directeur de cabinet du secrétaire d'Etat à l'industrie et à la consommation. En 2009, j'ai été nommé directeur général de l'Afssa et chargé de préparer sa fusion avec l'Afsset.
L'Afssa était une importante agence forte de 1 250 agents et de dix ans d'expérience dans le champ de la sécurité alimentaire. Son fonctionnement très intégré couvrait toute la chaîne, « de la fourche à la fourchette », y compris la santé animale et végétale. L'Afssa s'appuyait sur des collectifs d'experts chargés d'évaluer les risques, et sur des laboratoires disséminés sur le territoire pour collecter des données au plus près des lieux d'élevage et de culture. L'Afsset, plus petite, plus récente, était quant à elle compétente en matière d'environnement et de santé au travail.
Un article de la loi « hôpital, patients, santé et territoires » prévoyait la fusion de ces agences par ordonnance dans un délai de six mois. Cette perspective a suscité de nombreuses inquiétudes dans des structures de tailles et de cultures différentes. Pour les lever, j'ai conduit la fusion à partir de septembre 2009 dans le respect d'un certain nombre de principes : d'abord, forte concertation interne, mais aussi externe, compte tenu des relations étroites qui unissaient les agences aux partenaires sociaux, aux associations de consommateurs, aux ONG de défense de l'environnement, aux organismes professionnels et aux administrations. Les quinze réunions que nous avons organisées en six mois ont été l'occasion d'échanges avec quarante partenaires et ont permis à tous de comprendre les synergies attendues de l'opération.
Deuxième principe : faire du neuf, ne pas réduire la fusion à l'absorption d'une agence par une autre. Ce qui caractérise l'Anses, c'est son large champ de compétences, qui découle de la proximité des activités de l'Afssa et de l'Afsset. La première était par exemple compétente pour évaluer les pesticides, la seconde les biocides - c'est-à-dire les produits chimiques à usage non agricole ; l'Afssa étudiait l'eau destinée à la consommation humaine, l'Afsset l'eau de baignade. Enfin, dernier principe : créer une dynamique interne. Ce fut le cas, puisque j'ai eu la chance de réaliser le processus dans des délais rapides : l'agence a été créée le 1er juillet 2010.
Avec trois ans de recul, on peut dire que la sécurité sanitaire a fait d'importants progrès, en s'appuyant sur les acquis. D'abord, l'évaluation des risques s'appréhende de manière bien plus intégrée. Les risques encourus par l'homme en tant que travailleur, consommateur ou citoyen exigent une évaluation coordonnée, que l'agence fournit. Par exemple, répondre aux questions qui entourent le bisphénol A exige d'étudier toutes les sources d'exposition auxquelles nous sommes soumis : alimentation, matières plastiques, traces résiduelles dans l'environnement... Sous ce rapport, l'Anses est une structure unique au niveau international, où les risques alimentaires et environnementaux sont étudiés séparément, et elle commence à faire école.
Deuxième atout de l'agence : sa gouvernance originale, très ouverte à toutes les parties prenantes. Nos collectifs d'experts sont très protégés de toute influence particulière. En amont comme en aval de l'évaluation, des espaces sont aménagés pour la discussion contradictoire. Nous faisons en outre d'importants efforts pédagogiques pour expliquer les résultats de nos travaux.
Enfin, le cadre déontologique de l'agence a été renouvelé. Un code de déontologie a été élaboré. Un comité de déontologie et de prévention des conflits d'intérêts, indépendant de la direction de l'agence, publie des analyses et des recommandations. Tous les salariés et experts extérieurs établissent une déclaration - ce qui ne veut pas dire que nous n'acceptons pas les liens d'intérêts, indissociables de la compétence de terrain. Nous étudions avant chaque réunion, en fonction de chacun des points de l'ordre du jour, les risques de conflits d'intérêts. Écarter des scientifiques d'une discussion n'est jamais simple, car ils vivent cela comme une remise en cause de leur intégrité intellectuelle et professionnelle. C'est pourquoi nous travaillons beaucoup sur la dépersonnalisation de cette pratique, devenue chez nous systématique et banalisée.
Le principe de séparation entre l'évaluation et la gestion des risques est un pilier du fonctionnement de l'Anses. Nos travaux se bornent à faire l'inventaire des connaissances - mais aussi des ignorances ! - scientifiques dans certains domaines. Puis nous émettons des avis à l'attention des citoyens et des pouvoirs publics. Charge à ces derniers de prendre les décisions qu'ils estiment en découler.
L'Anses a rendu à ce jour plus de 5 000 avis. Elle peut être saisie par un ministère ou l'une des parties prenantes à ses travaux, mais examine aussi les dossiers que lui soumettent les industriels dans le cadre de la réglementation européenne, en matière de produits phytosanitaires, biocides ou vétérinaires. Les médicaments vétérinaires sont une exception au principe de séparation de l'évaluation et de la gestion des risques, puisque nous gérons également la mise sur le marché et le suivi de ces produits, en lien avec l'ANSM.
Venons-en aux enjeux d'avenir. L'essentiel est d'anticiper les risques émergents. Cela implique d'abord de fournir un travail de prospective scientifique pour identifier les grands sujets qui se poseront à moyen terme, comme les cancers hormono-dépendants ou les troubles de la fertilité. A cette fin, l'Anses pilote et coordonne les travaux des membres du réseau R31, qui rassemble de nombreux organismes de recherche, dont le CNRS et l'Inserm.
Anticiper suppose ensuite de capter les signaux d'alerte, dont les lanceurs sont désormais protégés par la loi de 2012. Celle-ci crée en outre dans les agences comme la nôtre des registres d'alerte, destinés à assurer la traçabilité. Nous sommes à l'écoute, sans prendre pour argent comptant tout ce qui nous est rapporté, mais sans rien négliger. Ici encore, notre gouvernance pluraliste et ouverte est précieuse, qui permet de ne sélectionner que les signaux d'alerte témoignant d'un risque scientifiquement étayé.
La tendance générale est au renforcement de la surveillance. Nous croisons de plus en plus systématiquement les données de l'évaluation avec les informations recueillies sur le terrain par les centres antipoison, de toxicovigilance et de pharmacovigilance, bien que ceux-ci souffrent de sous-déclaration et que leurs données soient difficiles à exploiter. En matière de maladies professionnelles, le réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (RNV3P), présent dans les centres hospitalo-universitaires, récolte les observations faites dans les consultations, sur les risques spécifiques à certaines professions : coiffeurs, travailleurs exposés au bitume, agriculteurs manipulant des pesticides.
Nous menons aussi des travaux méthodologiques, concernant les effets cocktail des substances chimiques (alors que les risques sont encore étudiés le plus souvent individuellement) ou sur les faibles doses dans le domaine des perturbateurs endocriniens, ou encore, sur les effets de certaines substances à certaines périodes de la vie, comme pendant la grossesse.
Comme d'autres, nous sommes financièrement contraints. Pour la troisième année consécutive, nous subissons la réduction de nos effectifs. Les synergies créées par la fusion l'expliquent en partie. Mais nous sommes sans cesse sollicités pour de nouveaux travaux, par exemple sur la création d'une base de données des industriels utilisant des nanomatériaux. En outre, il est difficile de faire des choix et de fixer des priorités dans un champ si vaste, d'autant que les crises surviennent souvent là où on ne les attend pas.
L'international est un autre défi à relever. Nous sommes plus au fait des progrès scientifiques étrangers que nous ne l'avons jamais été. Le risque de prendre avec retard des décisions sanitaires s'estompe par conséquent. Mais il reste à aider nos partenaires moins avancés à se doter de dispositifs de surveillance crédibles. C'est le cas en Chine, qui vient de s'équiper d'une agence comparable à la nôtre.
Nous ambitionnons d'attirer les meilleurs scientifiques dans chaque domaine, en conciliant stricte indépendance et compétence. Nous réfléchissons donc à une meilleure valorisation de l'activité d'expert dans la carrière de scientifique. Dernier défi, restaurer la confiance des citoyens ébranlée par les crises sanitaires. L'excellence scientifique, l'indépendance, la transparence, doivent y concourir. Nous participons aux débats publics. Nous avons d'ailleurs créé au sein de l'agence des comités de dialogue sur des sujets très controversés, comme les radiofréquences ou les nanomatériaux. Parce qu'elle n'est pas en charge de la décision politique, l'Anses est un lieu de dialogue très ouvert.
Quelles sont les parts respectives des saisines par des acteurs extérieurs et de l'autosaisine ? Et quelles relations entretenez-vous avec les territoires, notamment à l'échelle régionale - avec les agences régionales de santé (ARS) par exemple ?
L'Anses et l'ANSM sont toutes deux des agences nationales de sécurité. Pouvez-vous préciser ce qui les distingue ?
Une question sur l'alimentation : l'actualité récente a montré que la composition de certains plats cuisinés reste entourée d'une grande incertitude. Certes, ils ne sont pas pour autant nocifs, mais l'accumulation de certaines molécules peut avoir des conséquences médicales considérables. Il ne s'agit pas de faire de l'industrie agroalimentaire un bouc-émissaire, mais il faut reconnaître que l'alimentation et la santé ont un lien très étroit. Comment l'Anses l'envisage-t-elle, dans le cadre de la prévention ?
L'amiante a longtemps été paré de toutes les qualités. Désormais, on est tombé dans l'extrême inverse, et le désamiantage est soumis à des normes de protection si impressionnantes et si contraignantes que certains opérateurs pourraient être tentés de masquer la nature des matériaux qu'ils traitent, lorsqu'ils le peuvent. Comment réagissez-vous face à des changements de perception parfois radicaux ?
Quels liens avez-vous avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) ? Comment l'Anses agit-elle lorsqu'elle détecte un danger qui menace d'importants intérêts industriels ? Ôtez-moi d'un doute : le Parlement peut-il vous saisir ?
Vous évaluez des risques, mais également la qualité de la recherche conduite par d'autres organismes. Comment conciliez-vous ces deux activités ? N'est-il pas exagérément compliqué de dépendre de cinq tutelles ? On imagine que tous ne poursuivent pas les mêmes objectifs. Enfin, comment vous y prenez-vous pour choisir les experts et pour attirer les meilleurs ?
Nous sommes une instance scientifique indépendante de l'administration, ce qui nous soustrait à toutes les pressions. Nous offrons un panorama mis à jour des connaissances scientifiques dans un domaine donné, sans exclure, je l'ai dit, les zones d'ombres qui demeurent, afin de fournir une base à la décision politique. En vertu du principe de précaution, celle-ci peut d'ailleurs consister à ne rien faire. Nous ne prenons en compte que les aspects scientifiques et sanitaires. Le politique peut y adjoindre des considérations d'une autre nature. En matière de santé au travail par exemple, nous émettons des valeurs limites d'exposition à certaines substances en fonction des risques aigus ou chroniques que la recherche scientifique a considérés comme en résultant. Nous consultons ensuite les industriels et recueillons leurs commentaires, avant que les pouvoirs publics ne prennent les décisions réglementaires qu'ils jugent nécessaires.
Notre force réside dans la transparence de nos processus d'évaluation et de publication des résultats. Nos collectifs sont constitués de manière très large et comprennent plusieurs experts par champ d'expertise. Nos appels à candidature sont les plus ouverts possible, afin d'éviter la cooptation. Des procès-verbaux rendent compte des débats des collectifs. Enfin, nous entretenons des contacts avec les journalistes et les différents relais d'opinion pour faire la pédagogie de nos résultats. Par exemple, le bisphénol A fait l'objet d'avis très divergents : nous les confrontons.
Le domaine du médicament fonctionne autrement : des dossiers très aboutis nous sont présentés, et l'évaluation n'est pas réalisée uniquement pour l'autorisation de mise sur le marché, mais aussi pour en déterminer le remboursement, en suivant les recommandations de la Haute Autorité de santé. L'ANSM n'est donc pas la seule à intervenir. Dans les autres pays, en dehors du médicament, les agences séparent souvent l'évaluation et la gestion des risques. Ces dispositifs fonctionnent bien lorsque chaque acteur joue pleinement, mais exclusivement, son rôle.
La capacité de s'autosaisir est un des éléments de notre indépendance. Plus de 90 % de nos saisines sont le fait des ministères. Et dans 5 % à 6 % des cas, des partenaires sociaux - sur les travailleurs qui goudronnent les routes, ou sur les pathologies des égoutiers par exemple. Nous nous autosaisissons une dizaine de fois par an. A la création de l'Anses, la santé des travailleurs exposés aux produits phytosanitaires était un vrai sujet. Nous avons créé notre propre groupe d'experts, indépendant du cadre réglementaire mis en place à l'époque, pour approfondir le sujet. La fusion a facilité le croisement des données agricoles et environnementales. Nous travaillons aujourd'hui, à notre propre initiative, sur les compléments alimentaires, ou encore sur la résistance aux antibiotiques - les antibiotiques de dernier recours étant les mêmes en médecine humaine et vétérinaire, des recherches sont à conduire dans ces deux domaines.
Nous n'avons pas de délégations régionales, mais des implantations à proximité des grands territoires d'élevage ou de culture. Nous avons un laboratoire à Ploufragan, près de Saint-Brieuc, compétent notamment sur les filières volaille et porcine ; un autre à Niort sur les caprins ; un autre encore à Sophia-Antopolis sur la santé des abeilles, sujet particulièrement épineux sur le plan scientifique en raison de la multiplicité des facteurs à prendre en compte. Ce dernier a d'ailleurs été nommé laboratoire de référence de l'Union européenne. Le lien avec les ARS n'est que ponctuel, mais les thématiques liées à la santé, à l'eau, à l'environnement justifieraient une coopération plus structurelle.
Le secteur de l'alimentation ne peut que nous interroger. Le scandale de la viande de cheval n'était certes pas de nature sanitaire, mais la complexité des circuits économiques suscite une préoccupation sur le plan sanitaire. Si nos laboratoires ne sont pas compétents pour faire des contrôles, ils conçoivent les méthodes qui servent à harmoniser les analyses décidées par les pouvoirs publics. Dans un contexte d'érosion des moyens, renforcer leur efficacité est une priorité : nos outils analytiques permettent désormais de rechercher jusqu'à 150 contaminants à la fois ; nos outils de séquençage identifient plus rapidement les gènes responsables d'une crise comme celle causée par la bactérie escherichia coli en 2011, responsable de 52 morts en Europe.
L'Anses suit également l'évolution de la qualité nutritionnelle des aliments. Notre observatoire de la qualité des aliments (OQALI) mesure la réalité des engagements pris par les industriels en matière de réduction de la teneur en gras ou en sel, et l'impact global de ces évolutions, en fonction des parts de marchés de chacun.
Nous travaillons étroitement avec l'Anact, bien que nous soyons plus investis dans les problèmes d'exposition aux produits chimiques. Nous sommes en outre très mobilisés dans le Plan de santé au travail.
Nous ne jugeons pas la qualité des travaux de recherche. Nous initions certains chantiers ; nous mobilisons les acteurs, comme nous l'avons fait avec l'Inserm sur les effets des pesticides sur la santé. Nous sommes certes parfois sollicités pour faire office de super comité de lecture, comme ce fut le cas pour les travaux de Gilles-Eric Séralini sur les OGM. Ce n'est toutefois pas notre rôle. Nous nous bornons, le plus souvent, à resituer les publications scientifiques dans un contexte plus large. Jamais une publication n'apporte la preuve unique et définitive : c'est le nombre de publications convergentes qui compte.
Nous avons cinq ministères de tutelle. Ce n'est pas simple, mais garantit paradoxalement notre indépendance, car nous ne sommes la chose d'aucun ! Certes, les positions des ministères divergent sur certains points. Mais le pilotage se fait de manière tournante tous les six mois, et nous échangeons trois ou quatre fois par an avec les cinq directeurs généraux. Cela fonctionne bien.
Notre seul souci est d'attirer des scientifiques de qualité, de langue française. Nous faisons de gros efforts d'explication sur les règles qui encadrent nos méthodes d'évaluation, qui peuvent paraître contradictoires. La présence d'un expert lié à l'institut Danone dans un collectif chargé d'étudier les liens entre les produits laitiers et la croissance, par exemple, nous paraissait impossible : l'intéressé l'a mal pris. Aujourd'hui, chacun l'admet plus facilement, car nous avons fait de la pédagogie. Cependant, nous ne pouvons souhaiter avoir affaire à des moines chercheurs, qui n'auraient aucune connaissance concrète des procédés technologiques ni aucun lien avec le monde extérieur !
Le Parlement ne peut pas, pour l'heure, saisir l'Anses. Nous pouvons certes nous autosaisir si vous attirez notre attention sur un point précis. Mais nous sommes très demandeurs d'un mécanisme plus direct.
Notre budget est de 130 millions d'euros au total. Son champ de compétence fait de l'Anses la plus grande agence de ce type en Europe. Nous employons 1 350 personnes, soit cinquante de moins en trois ans, au rythme d'1,5 % d'effectifs en moins chaque année. Les deux tiers de nos financements proviennent de subventions des ministères, le tiers restant des taxes perçues pour nos activités relatives aux produits réglementés, c'est-à-dire acquittées par les industriels qui déposent des dossiers de produits phytosanitaires ou vétérinaires. A cela s'ajoutent les financements alloués sur les projets de recherche par l'ANR ou l'Union européenne.
Oui, mais nous n'avons jamais été saisis de la question.
Nous publierons à l'automne des avis sur les nanotubes de carbone et le nano-argent, grâce à la base de données déclarative dont j'ai parlé. Nous souhaitons savoir quels produits industriels incluent des nanoparticules manufacturées. Nous déciderons ensuite des sujets sur lesquels les risques mériteront d'être approfondis.
Je souhaite vous rendre compte de la réunion du bureau de la commission tenue le 22 mai dernier, qui a fait le point sur la suite des travaux de l'année 2012-2013 et l'avancement du programme de contrôle, et vous donner quelques précisions sur la session extraordinaire de juillet et la reprise des travaux en septembre.
Depuis le début de l'année parlementaire 2012-2013, en octobre dernier, notre commission a étudié pas moins de 22 textes législatifs, dont 17 textes pour lesquels nous étions saisis au fond. S'y ajoutent bien entendu les travaux du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances. Dans le même temps, nous avons publié quatre rapports d'information. Il faut également mentionner la commission d'enquête sur les dérives sectaires dans le domaine de la santé, présidée par Alain Milon et à laquelle plusieurs membres de la commission ont participé.
Par ailleurs, la mission annuelle de la commission s'est déroulée au Québec durant la première semaine de juin. Le compte rendu de ce déplacement sera présenté le 3 juillet. Les entretiens ont porté sur deux sujets : l'organisation des soins et la prévention du suicide, domaine dans lequel le Québec a développé une politique intéressante. Nous avons prévu la semaine prochaine de consacrer à ce thème une audition avec des spécialistes français et le rapporteur du Conseil économique, social et environnemental.
S'agissant des travaux à venir, la session extraordinaire de juillet comporte deux textes intéressant notre commission : la proposition de loi relative aux réseaux de soins et un projet de loi relatif à l'arrêté d'admission en qualité de pupille de l'Etat visant à prendre en compte une décision du Conseil constitutionnel suite à une question prioritaire de constitutionnalité. Ces deux textes devraient être examinés en séance publique le 24 juillet et en commission la semaine précédente.
Par ailleurs, en vue du débat d'orientation sur les finances publiques du 4 juillet, notre rapporteur général établira comme chaque année un rapport d'information sur la situation des finances sociales.
Il m'a paru nécessaire d'entendre la ministre déléguée à la famille, Dominique Bertinotti, sur les mesures annoncées en matière de politique familiale. Cette audition aura lieu le 26 juin à 18 h 30.
Enfin, nous auditionnerons Yannick Moreau le mercredi 3 juillet au matin sur le rapport de la commission sur l'avenir des retraites qu'elle a présidée et sur les débats intervenus sur ce thème lors de la conférence sociale.
Sur un plan plus général, j'envisage de solliciter Michel Sapin et Marisol Touraine pour nous présenter dans le courant du mois de juillet les résultats de la Conférence sociale et la feuille de route qui en résulte pour le Gouvernement et les partenaires sociaux. Comme l'an passé, je regrette que le Parlement ne soit pas associé à cet exercice, alors qu'il est appelé à en transcrire les résultats dans la loi.
S'agissant de la reprise des travaux, une session extraordinaire de quinze jours est envisagée à compter du 9 septembre.
Elle s'ouvrirait, au Sénat, par l'examen du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes, préparé par Najat Vallaud-Belkacem, qui sera déposé devant notre assemblée début juillet. Ce texte devrait comporter des mesures concernant en majorité la commission des lois qui serait donc saisie au fond. Nous demanderons à être saisis pour avis, avec une délégation au fond sur les articles relevant de notre compétence, notamment la réforme du congé de libre choix d'activité.
La rentrée 2013 devrait être marquée, pour notre commission, par l'examen du projet de loi sur les retraites. Son dépôt pourrait intervenir dans la deuxième quinzaine de septembre, pour un examen à l'Assemblée nationale et au Sénat dans les semaines suivantes.
Enfin, d'autres textes se profilent, vraisemblablement pour la fin de l'année : deux propositions de loi inscrites en juillet à l'Assemblée nationale, l'une sur les soins sans consentement en psychiatrie, l'autre sur la reprise des sites rentables, et un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la santé.
Nous devrons également nous saisir pour avis du projet de loi de décentralisation portant sur les compétences de régions, qui comporte des dispositions sur la formation professionnelle, l'apprentissage et les établissements et services d'aide par le travail (Esat). Il serait logique de le faire également sur deux autres textes dont l'adoption en conseil des ministres est prévue dans les prochaines semaines : le projet de loi sur le logement et le projet de loi sur l'économie sociale et solidaire.
Enfin, à tous ces textes, et bien entendu au PLFSS et au PLF, pourront s'ajouter des propositions de loi inscrites dans les espaces réservés aux groupes politiques.
Je terminerai par un mot sur l'avancement du programme de contrôle.
Le travail confié à Jean-Pierre Godefroy et Chantal Jouanno sur la situation sociale des personnes prostituées a donné lieu à de nombreuses auditions et devrait déboucher sur des conclusions en septembre. Catherine Génisson et Alain Milon ont commencé leurs auditions sur la répartition des compétences entre professionnels de santé, avec un objectif de remise de rapport à l'automne.
S'agissant de la Mecss, les auditions se poursuivent sur les ARS et sur la fiscalité comportementale, avec là aussi un objectif de remise à l'automne. Suite à une suggestion que j'avais formulée, la Mecss a également organisé hier des auditions sur le thème des médicaments génériques.
La Cour des comptes doit nous rendre deux enquêtes : l'une, cet été, sur la biologie médicale, avec un éclairage particulier sur la question de l'accréditation des laboratoires, l'autre en fin d'année sur l'AFPA.
Enfin, le comité de suivi sur l'amiante a été mis en place sous la présidence d'Aline Archimbaud et a commencé ses réunions.
Au cours de la réunion du bureau, nous avons constaté que la conduite des travaux de contrôle était impactée par les impératifs du programme législatif, ainsi que par des travaux extérieurs à la commission auxquels participent certains de nos collègues et notre secrétariat, notamment au titre de la commission sur l'application des lois, de commissions d'enquête, de missions communes d'information ou de la délégation pour l'outre-mer.
La détermination de nouveaux thèmes de travail devra bien entendu tenir compte de la nécessité d'achever préalablement les travaux en cours.
Le bureau a cependant pris acte de plusieurs demandes en vue de les inscrire dans le futur planning des travaux : pour la Mecss, un travail sur le régime social des indépendants (RSI), et pour la commission, un point sur le revenu de solidarité active (RSA) qui pourrait être confié à Claude Jeannerot, et également un travail portant sur la situation sociale et l'état de précarité des personnels intervenant dans le secteur de l'aide à domicile.
Plusieurs thèmes d'intérêt ont été évoqués, en particulier la coordination des acteurs de la protection de l'enfance, que nous n'avions pu planifier cette année, et d'autres encore, comme la pertinence des actes, l'égal accès à des soins de qualité sur l'ensemble du territoire, le foisonnement des agences sanitaires ou les maisons médicales de garde. Nous devrons le moment venu faire un choix entre ces différents sujets d'étude.
Je me permets de rappeler, madame la présidente, que les deux échéances électorales de 2014 - municipales et sénatoriales - devront être prises en compte dans l'organisation de nos travaux.