Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 24 juillet 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • AFD
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La réunion

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La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport de M. François Marc, rapporteur général, en nouvelle lecture sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Mon propos sera bref, puisqu'il m'appartient de vous faire part de ma position sur le projet de loi de règlement qui nous revient en nouvelle lecture. Celui-ci est identique à celui que notre assemblée avait rejeté le 4 juillet, sachant qu'aucun amendement n'avait été déposé. L'Assemblée nationale a adopté le même texte que celui qu'elle avait voté en première lecture. Cela montre que la divergence entre les deux assemblées ne porte pas sur le contenu du texte proprement dit, mais traduit des différences d'appréciation politique.

Je prends acte de ces positions qui se sont exprimées et qui seront probablement rappelées au cours de la discussion générale ce soir, en notant toutefois qu'elles ne reflètent pas la nature et le contenu du projet de loi de règlement. Celui-ci se limite en effet à constater les résultats de la gestion d'un exercice, et comporte par ailleurs quelques dispositions de nature technique, qui n'ont fait débat ni à l'Assemblée nationale, ni au Sénat.

J'imagine que dans ces conditions, la nouvelle lecture du projet de loi ne permettra pas de rapprocher les points de vue entre les deux assemblées, ce qui est sa raison d'être ; nous sommes donc réunis pour une sorte de « remake » de la première lecture.

Dès lors, je serai tout à fait bref en vous indiquant, sans avoir besoin de revenir sur le fond du texte, que je suis bien sûr favorable, pour ma part, à l'adoption de ce projet de loi de règlement. Je souhaite que notre commission des finances puisse s'associer à cette appréciation et voter dans le même sens, mais c'est une autre affaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Chacun se souvient que le vote qui est intervenu se rapportait certainement plus au contexte qu'au texte, car un rejet des dispositions de la loi de règlement elles-mêmes, il faut en convenir, n'aurait pas grand sens. J'imagine que les mêmes causes produiront les mêmes effets.

La commission rejette la proposition du rapporteur général tendant à proposer au Sénat d'adopter sans modification le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2012. En conséquence, elle décide de proposer au Sénat le rejet en nouvelle lecture de ce projet de loi.

Puis la commission entend une communication de M. Yvon Collin et Mme Fabienne Keller, rapporteurs spéciaux, sur la politique française d'aide publique au développement en matière d'énergie et de transport.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Je vous prie tout d'abord de bien vouloir accepter les excuses d'Yvon Collin, qui n'a pu être présent ce matin, mais avec lequel j'ai travaillé sur ce rapport.

Dans le cadre de notre programme de contrôle des crédits de la mission « Aide publique au développement » (APD), notre attention s'est portée cette année sur le secteur de l'énergie, qui occupe une place centrale dans le développement. Nous en avons retenu une conception large, y incluant les transports, dans la mesure où ces derniers représentent près d'un tiers de la consommation d'énergie primaire dans le monde.

Pour analyser des projets concrets ressortant de ces deux secteurs, le choix du Maroc s'est imposé par la place qu'occupe ce pays dans l'APD française, dont il est le premier bénéficiaire, et par l'importance et la diversité des projets qui y sont menés en matière d'énergie et de transport. C'est pourquoi je me suis rendue en avril dernier à Casablanca et à Rabat, où j'ai pu rencontrer les équipes locales de l'AFD ainsi que les bénéficiaires de ses concours et visiter les installations les plus emblématiques.

Ce déplacement s'inscrivait également dans le prolongement de ceux effectués l'an dernier en Tunisie par une délégation du bureau de la commission et par moi-même.

Le secteur de l'énergie est au coeur de tous les aspects du développement. Il est un besoin essentiel des populations, comme l'ont récemment montré les « émeutes de l'énergie » au Sénégal et au Pakistan. L'accès à l'énergie est également une condition nécessaire au développement économique. Enfin, ce secteur participe à la préservation de l'environnement, avec des conséquences en termes de santé des populations et de lutte contre le changement climatique. De même, le secteur des transports constitue un outil essentiel de la croissance économique, en désenclavant les zones concernées.

Pourtant, un nombre important de personnes dans le monde sont encore privées d'accès à l'énergie. L'Agence internationale pour l'énergie estime que 1,4 milliard de personnes n'ont pas d'accès à l'électricité et que 2,7 milliards de personnes sont privées de combustible et de technologies de cuisson moderne, c'est-à-dire cuisinent encore en utilisant la biomasse, notamment en Afrique subsaharienne. Elle prévoit qu'en 2030 près de 1,2 milliard de personnes se trouveront encore sans électricité et 2,6 milliards sans combustibles et technologies de cuisson modernes. Pour résoudre ce problème, elle estime qu'il serait nécessaire d'investir 1 000 milliards de dollars d'ici 2030, ce qui nécessiterait de multiplier par cinq les investissements réalisés en 2009.

Au-delà de son importance pour le développement, l'intervention de l'APD dans le champ de l'énergie est également justifiée par la volonté de protéger les biens publics mondiaux, à commencer par le climat. De même, il s'agit d'une question de cohérence entre notre politique d'APD et nos propres politiques énergétiques : les économies d'énergie ou le développement des énergies renouvelables chez nous n'auraient pas de sens si parallèlement nous financions par exemple la construction de centrales à charbon.

Malgré ces arguments, le financement par l'APD des investissements dans les énergies renouvelables peut parfois être remis en cause en partant de l'idée que l'accès à une énergie durable serait un luxe inutile pour un pays en développement ou émergent.

Cependant, le modèle de croissance suivi par les pays du Nord n'est pas reproductible. Il est donc essentiel que les pays du Sud suivent de nouveaux chemins de croissance, véritablement durables, qui permettent un développement économique viable sur le long terme. De plus, le renchérissement et la volatilité des prix des énergies fossiles rendent ces économies vulnérables. La réflexion sur le modèle énergétique est loin d'être un luxe de pays riche ; bien au contraire, elle doit être au coeur de la réflexion stratégique des pays en développement pour ne pas compromettre leur croissance économique et leur environnement.

D'autre part, le financement par l'APD du secteur de l'énergie peut parfois être considéré comme non nécessaire, dans la mesure où il s'agit d'un secteur où la demande est forte et où les investissements peuvent être rentables. Il existe cependant des types d'interventions qui nécessitent un financement concessionnel. Il s'agit notamment des projets relatifs à l'accès à l'énergie, comme l'électrification rurale, qui ont une faible rentabilité financière mais une bonne rentabilité économique à moyen et long terme.

Cette critique se retrouve pour les investissements dans les énergies renouvelables, pour ce qui est des technologies qui n'ont pas encore atteint leur maturité technologique et donc la rentabilité. Elle est d'autant plus forte qu'il s'agit alors de financer une production comportant un surcoût par rapport à d'autres technologies. Cependant, à moyen terme, ces financements doivent permettre de faire émerger de véritables filières locales, qui répondront aux besoins énergétiques tout en alimentant le développement économique.

Malgré l'importance de la question énergétique dans tous les aspects du développement, ce sujet est absent des objectifs du millénaire pour le développement de l'an 2000.

Ce n'est qu'en novembre 2011 que les Nations unies ont lancé l'initiative « Énergie durable pour tous » qui vise à atteindre un accès universel à l'énergie durable d'ici 2030. Cependant, la conférence des Nations unies sur le développement durable, dite « Sommet Rio + 20 », n'a pas permis d'obtenir un engagement contraignant sur cet objectif d'un accès universel à l'énergie d'ici 2030. Cette question reviendra sur la table dans le cadre de l'élaboration des objectifs du développement pour l'après 2015.

Au niveau communautaire, le « consensus européen pour le développement » de 2005 a prévu expressément un objectif d'accès à l'énergie durable dans la politique d'aide publique au développement communautaire.

Dès 2002, l'Union européenne avait lancé l'initiative énergie de l'UE pour l'éradication de la pauvreté et le développement durable, qui vise à assurer l'accès aux ressources et services énergétiques nécessaires à la réalisation des OMD. En avril 2012, elle a lancé une nouvelle initiative en faveur de l'énergie visant à permettre à 500 millions de personnes supplémentaires d'accéder à l'énergie durable dans les pays en développement d'ici à 2030.

En ce qui concerne la France, le document cadre, qui définit les objectifs de notre APD, prévoit quatre enjeux principaux : contribuer à une croissance durable et partagée, lutter contre la pauvreté et réduire les inégalités, préserver les biens publics mondiaux et promouvoir la stabilité et l'Etat de droit comme facteurs de développement. Ainsi, le secteur énergétique est indirectement compris dans les trois premiers objectifs, mais il n'est pas expressément cité en tant que tel.

Pour sa part, dès 2007, l'Agence française de développement s'est dotée d'un cadre d'intervention sectoriel « Energie », articulé selon trois piliers stratégiques : l'énergie durable, l'énergie sécurisée et l'énergie accessible.

Les engagements de l'AFD - qui est notre bras armé sur cette politique - dans le secteur de l'énergie ont considérablement augmenté au cours des dernières années. Ils sont passés de 360 millions d'euros en 2006 à plus de 2 milliards d'euros en 2009. Au total, sur la période 2007-2012, près de 8,9 milliards d'euros ont été engagés par le groupe dans ce secteur, soit environ 30 % de ses engagements hors outre-mer.

Sur la période 2007-2012, des résultats significatifs ont été atteints, les financements de l'AFD ayant permis de raccorder 1,82 million de personnes au réseau électrique, d'améliorer l'accès à l'électricité de 2,8 millions de personnes, d'installer 2 400 MW de puissance énergétique renouvelable, d'économiser 26 000 GWh d'énergie et d'éviter l'émission de 9 millions de tonnes de CO2 par an.

Les engagements du groupe AFD dans le secteur des transports ont également connu une hausse importante ces dernières années, avec plus de 4 milliards d'euros entre 2003 et 2011. En 2012, le niveau record de 1,3 milliard d'euros a même été atteint, soit environ un quart des engagements du groupe hors outre-mer. Le transport ferroviaire, qui nous intéresse ici particulièrement, a représenté sur cette période environ un tiers des engagements du secteur transport.

S'agissant maintenant de l'aide liée, la « Réserve pays émergents » (RPE) bénéficie historiquement en grande partie au secteur des transports, qui en a représenté près des deux tiers sur la période 2010-2013, avec 658 millions d'euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pour l'aide liée, s'agit-il de prêts ou de subventions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Pour la RPE, il s'agit de prêts, mais pour le fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP), ce sont des subventions. Généralement, ces deux outils sont utilisés ensemble, le FASEP servant en quelque sorte d'amorceur.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Pour l'AFD, ce sont essentiellement des prêts, plus ou moins concessionnels selon le pays bénéficiaire. Il faudrait également ajouter à ces outils les annulations de dettes, mais ce n'est pas notre sujet aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Quels sont les montants en jeu sur ces deux outils ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

La RPE a représenté 3,5 milliards d'euros de prêts depuis 2000, contre 260 millions d'euros de dons pour le FASEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il s'agit bien d'aide liée dans les deux cas ? Et comment s'en assure-t-on ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Le financement et le matériel ou l'étude sont négociés en parallèle.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Comment s'assure-t-on qu'il n'y a pas de « perte en ligne » sur ces projets ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

J'ai pu constater sur place que les équipes de l'AFD étaient très présentes, connaissaient les interlocuteurs et accompagnaient les projets tout au long du processus. En outre, ils collaborent avec la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), « l'AFD allemande », et la Banque européenne d'investissement (BEI). Un cas de « perte en ligne » s'était produit il y a quelques années au Maroc, qui avait fait grand bruit. Les financements avaient alors été retirés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Lorsque je représentais la France à l'OCDE, nous avions un programme au Maghreb. Les équipes de l'AFD étaient reconnues comme très rigoureuses et plusieurs projets avaient été abandonnés après qu'elles nous eurent indiqué qu'ils ne leur semblaient pas sérieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Nous nous sommes intéressés plus précisément à la politique que l'AFD comptait mener dans ces secteurs dans les années à venir.

Sur la période 2012-2016, l'AFD fera la promotion du développement des énergies renouvelables dans les pays émergents et en développement afin de permettre de valoriser une ressource locale et ainsi de promouvoir un développement économique endogène. En matière d'efficacité énergétique, elle interviendra dans les trois principaux secteurs consommateurs que sont l'industrie, le bâtiment et le transport.

S'agissant de l'accès à l'énergie, l'AFD visera à soutenir la densification des branchements dans les zones suburbaines et notamment en périphérie des grandes villes.

Enfin, elle participera à la sécurisation et au renforcement des systèmes énergétiques, afin de palier l'obsolescence des réseaux électriques dans certains pays émergents. Elle encouragera également le développement des interconnexions des réseaux électriques.

L'AFD visera également à valoriser le gaz naturel. Ce positionnement se fera dans le respect des objectifs de préservation du climat. Ses interventions se concentreront sur le renforcement de l'efficacité des centrales existantes, le développement des réseaux de gaz en substitution aux produits pétroliers, l'association du gaz aux énergies renouvelables pour pallier leur intermittence, la valorisation des ressources locales et le développement de capacités de production sur le court terme pour combler un déficit de production.

L'objectif est de parvenir à un volume d'engagements supérieur à 1,5 milliard d'euros par an au cours des années 2013, 2014 et 2015, soit 4,5 milliards d'euros au total, répartis équitablement pour 90 % environ entre les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique d'une part et la sécurisation des systèmes énergétiques d'autre part, les 10 % restant finançant l'accès à l'énergie.

En matière de transport, les interventions de l'AFD visent à contribuer à la croissance économique à la réduction de la pauvreté et à protéger les biens publics mondiaux, notamment en contribuant à la réduction des gaz à effet de serre.

Sur la base de ces objectifs, l'AFD a indiqué à vos rapporteurs spéciaux que les priorités portaient sur le transport ferroviaire à longue distance ainsi que sur les transports collectifs urbains.

Dans la mesure où l'énergie est un secteur essentiel du développement et où la France y consacre déjà une part significative de ses financements, nous proposons avec Yvon Collin que notre pays se fixe un objectif explicite en matière d'accès universel à l'énergie dans sa politique d'APD.

L'examen par le Parlement, annoncé pour 2014, du premier projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique d'aide publique au développement offrirait le vecteur idéal pour cette initiative.

Je vais maintenant aborder les projets concrets que j'ai pu étudier lors de mon déplacement au Maroc, et tout d'abord ceux relevant du secteur de l'énergie.

Le Maroc se trouve dépendant à 97 % de l'extérieur pour son approvisionnement et sa facture énergétique s'est élevée en 2009 à 4,9 milliards d'euros. Parallèlement, la consommation d'énergie primaire croît de 5 % par an et la demande d'électricité à un rythme plus rapide encore, de 7,5 % par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Avez-vous des éléments sur la hausse du niveau de vie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

On constate une hausse du PIB par tête et, concernant le sujet de l'énergie, on observe le développement rapide de nouveaux usages : appareils électroniques, climatisation, ...

Le dynamisme de la demande électrique rend nécessaires des investissements considérables. C'est ainsi que l'Office nationale de l'électricité et de l'eau potable (ONEE) a arrêté un programme d'équipement prévoyant l'installation d'une capacité additionnelle de près de 5 500 MW à l'horizon 2016, pour 9,9 milliards d'euros. De même, un ambitieux programme de renforcement du réseau de transport d'électricité et de développement des interconnexions avec les pays voisins va être mené, représentant 1,1 milliard d'euros d'investissements.

Dans sa nouvelle stratégie énergétique, le Royaume a fait le choix des énergies renouvelables. Il faut dire qu'il bénéficie d'un potentiel considérable d'énergie solaire (20 GW) et d'énergie éolienne (25 GW). L'objectif est qu'à l'horizon 2020, les énergies renouvelables représentent 42 % de la capacité électrique installée, également réparties entre l'hydraulique, l'éolien et le solaire.

En novembre 2009, a été lancé le plan solaire marocain qui vise au développement d'une capacité de 2 000 MW d'ici 2020, sur cinq sites. Son développement a été confié à la Moroccan Agency for Solar Energy (MASEN). Le choix de créer une structure ad hoc correspond à une logique marocaine de mettre en place des opérateurs sectoriels très ciblés sur de grands projets, sous la forme de petites équipes hautement qualifiées. Ce choix semble très judicieux et pourrait utilement inspirer d'autres projets et d'autres pays.

MASEN a su rendre le projet très attrayant pour les investisseurs internationaux : le choix de la technologie des centrales solaires thermodynamiques, la taille du projet et la qualité du site ont permis de donner au projet de Ouarzazate le caractère de projet phare au niveau mondial. C'est ainsi que le consortium ayant finalement remporté l'appel d'offres a proposé un prix de sortie de l'électricité extrêmement bas, 21 % moins élevé que la seconde offre, car la participation à ce projet leur permettait de devenir la référence mondiale sur cette technologie.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Il s'agit d'un consortium essentiellement saoudien, mais la technologie est espagnole.

Enfin, il faut noter que bien qu'elle ne soit pas soumise au code des marchés publics, MASEN a décidé de recourir à des appels d'offre, auxquels les bailleurs de fonds internationaux ont été associés tout au long du processus, à travers la procédure de « l'avis de non objection ».

Du point de vue du développement, la construction de la centrale de Ouarzazate est l'occasion d'aménager le territoire et de contribuer au développement local. La centrale a également nécessité la mise en place d'infrastructures routières, téléphoniques ou hydrauliques, qui ont été installées en prenant en compte les besoins de proximité. D'autre part, MASEN a exigé que 70 % des emplois non qualifiés soient réservés à la population locale.

Le plan solaire marocain vise également au développement d'une véritable filière industrielle marocaine dans le domaine de l'énergie solaire. L'appel d'offre comprenait l'exigence que 30 % du montant de l'investissement soit réalisé par des entreprises marocaines. Et afin d'améliorer la formation de la main d'oeuvre marocaine, un institut dédié aux énergies renouvelables sera ouvert à Ouarzazate, qui sera accompagné de deux autres à Tanger et à Oujda.

Enfin, à terme, les centrales solaires pourraient être une source de revenus à travers l'exportation de l'électricité vers l'Europe. On se rappelle le projet allemand « Desertech », mais le plan solaire marocain est plus réaliste.

Je vais maintenant aborder les investissements dans le réseau électrique. Le Maroc compte une population rurale importante de 13,4 millions d'habitants et dont l'accès à l'électricité est limité. Le taux d'électrification rurale au Maroc ne dépassait pas 14 % en 1990 quand il était compris entre 70 et 85 % dans les autres pays du Maghreb.

En 1996, a donc été lancé un programme d'électrification rurale global (PERG), que la France a accompagné depuis ses origines. Au total, l'AFD a accordé 241 millions d'euros de prêts, représentant plus de 10 % du budget global du PERG.

Les résultats de ce programme sont particulièrement bons. Fin 2012, le taux d'électrification rurale s'élevait à 98 %, au terme de près de 1,8 milliard d'euros d'investissements, donnant l'accès à l'électricité à 12 millions de personnes.

L'AFD a également accordé deux prêts de 50 millions d'euros en 2008 et de 57 millions d'euros en décembre dernier afin de financer le renforcement du réseau de transport électrique.

Enfin, nous allons aborder la question de l'efficacité énergétique, à travers l'exemple de l'habitat social. La croissance importante de la population urbaine marocaine vient densifier les quartiers d'habitat insalubre et les bidonvilles. Pour soutenir la politique de l'habitat social au Maroc, l'AFD a concentré ses financements sur le Holding d'aménagement Al Omrane, en lui accordant au total trois prêts pour un montant de 115 millions d'euros.

Dans le cadre du troisième de ces prêts l'AFD a, entre autre, conditionné l'obtention du prêt au respect de normes environnementales. Cette exigence permet également de nourrir les réflexions sur l'application d'une réglementation thermique nationale.

Au cours de mon déplacement au Maroc, j'ai pu visiter des logements réalisés grâce à ce financement, dans le cadre d'un projet portant sur le relogement de 18 202 ménages dans le quartier de Sidi Moumen. J'ai pu apprécier la qualité des logements financés et notamment le niveau des finitions.

Je me suis particulièrement intéressée à un mécanisme de financement innovant : le recours à un tiers investisseur. Certains lots nus sont attribués directement par Al Omrane à des ménages bidonvillois, qui se regroupent pour construire l'immeuble, chaque famille bénéficiant ensuite d'un étage. Pour financer la construction de l'immeuble, de nombreux bidonvillois ont décidé de céder le rez-de-chaussée et souvent le premier étage à un tiers investisseur, qui en échange finance la construction de l'ensemble de l'immeuble.

Cette solution, adoptée spontanément par les ménages bidonvillois a permis d'assurer une certaine mixité sociale à l'intérieur même des immeubles et de créer une activité économique, les rez-de-chaussée étant souvent utilisées comme boutiques. Elle pourrait utilement être étendue à d'autres projets et à d'autres pays.

Nous abordons maintenant la question des transports, et tout d'abord dans l'agglomération de Casablanca. Celle-ci connait une croissance importante et devrait atteindre 5 millions d'habitants en 2030. Parallèlement, on constate une explosion du trafic automobile, le nombre de voitures en circulation étant passé de 300 000 en 2001 à un million en 2012. Au-delà des nuisances pour les habitants et des effets environnementaux, le coût de la congestion pèse également sur l'activité économique. Ce coût a été estimé en 2006 entre un et deux points de PIB régional.

La région du Grand Casablanca a adopté en 2007 un plan de déplacements urbain (PDU), proposant un scenario ambitieux de développement des transports collectifs à l'horizon 2030, prévoyant notamment la mise en place d'un tramway, dont la première ligne a été inaugurée en décembre 2012. C'est cette ligne que j'ai pu emprunter lors de mon déplacement à Casablanca.

Son coût total s'est élevé à 541 millions d'euros environ, dont 103 millions de prêts de la RPE et 23 millions de prêts de l'AFD. Le matériel roulant Alstom est identique à celui de Strasbourg. Le tramway est exploité par une filiale de la RATP.

En termes d'emplois, la construction de la ligne de tramway a permis de créer 2 000 emplois directs ou indirects. En phase d'exploitation, ce sont 650 emplois qui seront créés, pour la plupart recrutés localement. Le tramway s'inscrit également dans une véritable logique d'inclusion sociale, en traversant des quartiers populaires.

En janvier 2012 ont été lancées les études pour la suite de la réalisation du projet de déplacements urbains, qui comporte notamment un projet de métro aérien, d'autres lignes de tramway et des bus à haut niveau de service.

Le prêt AFD de 23 millions d'euros a été accordé à une société de développement local avec la seule garantie de la Communauté urbaine de Casablanca et non celle de l'Etat marocain. Cette première permet de continuer à financer des projets au Maroc sans être limité par le ratio « grand risque ». Cela répond également à une stratégie de l'AFD visant à accompagner les processus de décentralisation en cours.

S'agissant maintenant de la capitale du Maroc, l'agglomération de Rabat-Salé regroupe 1,9 million d'habitants environ, répartis sur les villes de Rabat et Salé, séparées par le fleuve Bouregreg, ainsi que la ville de Témara. La situation des transports s'y est dégradée au fil des années, du fait d'un système de transports publics peu efficace et couteux.

Pour répondre, entre autre, à ce problème de mobilité urbaine, un grand projet de réaménagement de la vallée du Bouregreg a été décidé et confié à l'Agence pour l'aménagement de la vallée du Bouregreg (AAVB).

La mise en oeuvre de ce projet, qui porte au total sur une superficie de 6 000 hectares, a commencé dès 2006 et comporte la construction d'aménagements portuaires, d'un tunnel routier, d'un nouveau pont sur le Bouregreg rendant possible la navigation fluviale, ainsi que d'équipements publics et d'immeubles.

Le projet d'aménagement de la vallée comporte également la construction de quatre lignes de tramway, dont les deux premières ont été inaugurée le 18 mai 2011 par Sa Majesté le Roi Mohammed VI.

Le coût total de ces premières lignes s'est élevé à 343 millions d'euros. L'AFD a accordé un prêt de 45 millions d'euros pour le financement des infrastructures tandis que la RPE a été mobilisée à hauteur de 97 millions d'euros. Il s'agit également d'un tramway de marque Alstom.

En termes d'emploi, un effort a été fait pour créer de nombreux emplois peu qualifiés. Ainsi, 185 contrôleurs travaillent sur les deux lignes, ce qui permet un taux de fraude très bas, estimé à 2 %, soit environ dix fois moins qu'en France. De même la vente des billets se fait dans des kiosques et non par distributeurs. Cette présence dans les gares et dans les rames contribue à la sécurité du réseau mais également à la promotion du tramway. Enfin, le dépôt a été construit dans Salé, afin que les emplois qu'il crée bénéficient en premier lieu à ses habitants.

Il faut noter que l'exploitation du tramway de Rabat est excédentaire. C'était une vraie surprise pour moi, quand on sait qu'en France le taux de couverture est d'environ 40 %.

A terme, le réseau de tramway sera étendu à 4 lignes, en utilisant un deuxième point de franchissement du fleuve Bouregreg.

Enfin, je vous présente un dernier projet, celui de la ligne à grande vitesse entre Tanger et Casablanca. Le schéma directeur du réseau ferroviaire national à grande vitesse au Maroc prévoit la construction de 1 500 km de lignes à l'horizon 2035. La première ligne du réseau LGV marocain reliera Tanger à Casablanca, via Rabat et vise à contribuer au rééquilibrage territorial du Maroc, au bénéfice notamment de la région Nord de Tanger. La réalisation de cette ligne sera fera tout d'abord sur le tronçon Tanger-Kénitra.

Les rames seront similaires à celles du TGV Est français. Les travaux ont officiellement été lancés en septembre 2011.

Le coût de ce premier tronçon est estimé à 1,8 milliard d'euros. La France y contribue fortement avec un prêt de l'AFD de 220 millions d'euros, un don FASEP de 75 millions et un prêt RPE de 625 millions.

Cette LGV participera au développement économique du Royaume. Elle doit être vue comme un outil d'aménagement du territoire. Ainsi, la liaison ferroviaire desservant le nouveau port de Tanger-Méditerranée, qui a fait l'objet d'un prêt de 25 millions d'euros de l'AFD, a permis un développement économique local, à commencer par l'implantation d'une usine Renault à Tanger.

D'autre part, des efforts financiers importants sont consentis par l'ONCF pour en faire un « TGV populaire », avec un tarif envisagé relativement bas, basé sur le tarif actuel en train classique, majoré de 20 dirhams pour tenir compte du coût de réservation.

Il faut noter que les investissements sur le réseau à grande vitesse n'empêchent pas d'investir également sur le réseau classique. Au total, 1,7 milliard d'euros viendront financer l'électrification totale du réseau et la rénovation des gares

J'ai en particulier pu visiter les gares de Casa Port, qui est en train d'être complétement réaménagée, et celle de Rabat-Ville, dont la rénovation est achevée. Il est d'ailleurs à noter que les revenus de la valorisation des gares participent au financement des rénovations.

S'agissant du financement du projet, au cours de l'entretien que j'ai eu avec le directeur général de l'ONCF, celui-ci a attiré mon attention sur le fait que le projet devait initialement bénéficier d'un concours de la BEI et de la facilité d'investissement pour le voisinage (FIV). Ces contributions n'ont finalement pas été accordées, au terme d'un processus que j'ai souhaité éclaircir.

La décision d'accorder les financements de la FIV est prise par le comité opérationnel, qui regroupe des représentants des différents États membres. Chaque projet doit être présenté par un bailleur européen. Pour la LGV marocaine, le projet était porté par la BEI. Il aurait dû être soumis au dixième comité opérationnel, le 23 novembre 2010. Cependant, suite à la décision, le 16 novembre, du conseil des directeurs de la BEI de ne pas accorder leur soutien au projet, celle-ci n'était plus en mesure de le présenter au comité opérationnel. Il fut donc retiré de l'ordre du jour.

Pourtant, la BEI a étudié le projet en profondeur, pendant près d'un an. La direction de l'ONCF m'a indiqué qu'elle considérait que ce refus de la BEI ne provenait pas de la qualité du projet mais tenait à « des considérations et des enjeux qui [semblent] d'ordre politique et non technique » et notamment « à des intérêts divergents entre pays membres ». En d'autres mots, les Allemands ont fait campagne contre ce projet, le choix des autorités marocaines ne s'étant pas porté sur une technologie allemande.

En conséquence, le projet a perdu 400 millions d'euros de financements (300 millions de prêt de la BEI et 100 millions d'euros de subventions de la FIV). De plus, le désengagement de bailleurs communautaires a pu être interprété comme une marque de défiance vis-à-vis du projet et ont pu dès lors le décrédibiliser.

Ce problème de financement a été réglé grâce aux contributions de différents fonds arabes qui ont apporté les 400 millions d'euros nécessaires. Il n'en demeure pas moins que le retrait de la BEI et, consécutivement, la perte de la subvention au titre de la FIV, et leur remplacement par des fonds arabes ne sont pas neutres politiquement et ont ôté à ce projet son caractère de coopération euro-marocaine. Cette situation est d'autant plus regrettable qu'il ne semble pas que tous les crédits dont dispose la FIV seront consommés à la fin de l'année.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cela prouve qu'il est possible de réduire le budget communautaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Nous regrettons avec Yvon Collin que des considérations politiques aient pu priver de financements communautaires un projet aussi emblématique de la modernisation du Maroc et entacher la coopération entre le Royaume et l'Europe, alors même que la qualité intrinsèque du projet ne semblait pas en cause.

Cela pose aussi la question du processus. A aucun moment les commissaires ne sont intervenus et encore moins le Conseil, alors que du point de vue des Marocains, c'était un refus politique de l'Europe de soutenir la LGV.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je voudrais faire une remarque sur la LGV. Si je comprends bien, les financements français sont des financements liés ; or l'Union européenne et en particulier notre partenaire allemand, qui ont été sollicités, ne sont peut-être pas ravis de contribuer à un projet qui est un projet marocain, mais aussi un projet d'un constructeur français. Ce que vous présentez comme un échec pour l'Europe est peut-être l'effet naturel d'une émulation : la France ayant pu, compte tenu de ses liens avec le Maroc, obtenir un choix en amont de la technologie, les autres n'ont pas forcément envie de renforcer ce qu'ils voient comme une position française privilégiée.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Au lieu de nous considérer comme en concurrence exacerbée, nous pouvons aussi nous dire que nous avons la chance de compter parmi les quelques plus grands spécialistes de matériel ferroviaire au monde. En fait, les constructeurs français et allemand trouvent tous les deux des clients dans les grands pays émergents et dans les pays du Maghreb. La BEI se doit d'aider les projets portés par l'un et par l'autre. Nous devons être dans une logique de développement des technologies européennes. Au vu de la réussite du tramway, qui est étonnamment efficace et rentable, et qui repose sur un modèle économique plus performant que chez nous, on peut penser qu'il existe aussi un potentiel pour la LGV, avec un prix plus bas et une gestion astucieuse. Je propose donc que la BEI et la Commission gèrent ce projet en développement, en tant que savoir-faire que l'on exporte, et que l'on dépasse les chicaneries et les concurrences - elles sont respectables mais dans ce cas destructrices, pour le prêt de la BEI et surtout pour la subvention de la FIV.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Peut-on avoir une idée du coût du billet de tramway, rapporté au salaire moyen ? S'il y a une recette miracle, nous sommes preneurs en Île-de-France !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je fais le même constat : le tramway de Rabat est à l'équilibre, celui de Casablanca doit être à 80 %. Il y a bien sûr des éléments extérieurs, mais le matériel est quasiment le même. Quelle est donc la recette miracle pour atteindre ce niveau d'équilibre, lorsque nos tramways en France ont du mal à atteindre 50 % ? Le prix du billet, en proportion du pouvoir d'achat, est-il si élevé qu'il permet un rééquilibrage ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Ferrand

Notre collègue Fabienne Keller pense-t-elle que les acteurs de notre politique de coopération gardent tout de même présent à l'esprit l'intérêt des entreprises françaises ? Nous avons là des exemples qui concernent l'aide liée. Mais en dehors du strict exemple marocain, il a longtemps été reproché à l'AFD et aux acteurs de la coopération d'oublier trop souvent, dans leur générosité, les intérêts de nos entreprises, de sorte qu'elles ne peuvent retirer leur juste part de l'argent du contribuable français.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous voyons bien, dans ce focus particulier sur le Maroc, que la jeunesse est nombreuse et que la dynamique de la population demande du transport collectif. Il suffit de se déplacer dans ces villes pour voir que l'état du parc automobile et des bus est globalement poussif et polluant. Plus généralement, nous avons depuis quelques temps l'impression d'une exigence accrue de la Banque mondiale en ce qui concerne la documentation technique qui doit être fournie à l'appui des projets qu'elle accompagne. Un chef d'entreprise dans un pays d'Afrique subsaharienne me disait récemment que certains industriels chinois avaient été exclus de certains projets faute d'avoir pu fournir des garanties techniques suffisantes. Il me semble - je parle ici comme parlementaire de la Francophonie - que nous pouvons nous réjouir de cette position nouvelle de la Banque mondiale, qui devrait permettre de reprendre pied dans un domaine où les cadeaux des Chinois sont faits dans des conditions techniques extrêmement discutables. Le Maroc est cela dit moins exposé à cette situation que l'Afrique subsaharienne.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je voudrais insister plus particulièrement sur les problèmes d'énergie. Il est communément admis que les énergies renouvelables sont extrêmement intéressantes, mais que certaines fonctionnent moins bien que d'autres - en particulier l'éolien puisqu'il faut du vent, et que l'on ne peut pas stocker l'énergie. Par contre, il y a assez peu de développements dans les « énergies domestiques », c'est-à-dire les énergies adaptées à la consommation d'une famille, laquelle est étroitement corrélée au niveau de vie. Or ces pays émergents qui ont une faible consommation d'énergie sont aussi des pays où il y a beaucoup de soleil. Aussi, je voudrais interroger Fabienne Keller sur ce qu'elle pense de ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Philippe Dallier et Roger Karoutchi se sont intéressés à l'équilibre financier des transports publics : je dois dire que cela m'a interpellée moi aussi. Nous sommes dans une situation assez différente d'une ville française. Premièrement, la part des ménages équipés en voiture est beaucoup plus faible, aussi la clientèle dite « captive » est-elle plus importante. Comme à l'époque des premiers tramways, cela permet de capter l'essentiel des besoins de transport, alors qu'en région parisienne le besoin n'est jamais qu'à 40 %. Deuxièmement, les salaires sont très bas : dans les sociétés de transport françaises, les charges de personnel représentent les deux tiers des coûts, et l'on se préoccupe constamment de diminuer le nombre de conducteurs. Ce n'est pas du tout la situation au Maroc : j'ai été frappée et intéressée - humainement aussi - par le cas des employés présents sur les quais. Ils font qu'il n'y a pas de triche et que le tramway est très sécurisé, même le soir et dans les quartiers difficiles ; ils donnent aux gens qui ne sont pas toujours très à l'aise, avec les plans par exemple, les explications dont ils ont besoin. Troisièmement, les rames sont particulièrement longues : leur tramway est presque un intermédiaire entre le train et nos tramways, en termes de capacité de voyageurs.

Enfin, le prix a été calé juste en-dessous de celui des bus collectifs, c'est-à-dire du covoiturage informel. Voici un ordre de grandeur : l'abonnement mensuel est de 230 dirhams, pour un revenu mensuel médian par ménage de 3 500 dirhams. Par comparaison, à Strasbourg, l'abonnement est de 49 euros pour un revenu médian d'environ 2 000 euros. La part dans le budget des ménages est donc bien plus élevée au Maroc. Mais vous avez, d'un côté, des bus lents, inconfortables et poussiéreux, et de l'autre, un tramway impeccable, aux standards les plus modernes et climatisé.

Ce modèle mériterait donc d'être étudié, car on voit qu'il y a du potentiel dans les pays intermédiaires pour un transport public qui ne soit pas un gouffre financier - alors qu'en France les deux tiers du coût total sont financés en déficit d'exploitation. Grâce aux nombreux dons qui sont faits, le modèle marocain supporte par ailleurs très peu de coûts d'investissement en propre.

André Ferrand s'est demandé à juste titre en quoi les financements proposés par la France pouvaient aider nos entreprises nationales. Le système a été bien clarifié, notamment sous l'influence de l'OCDE. Le principe est que les aides de l'AFD sont non liées, c'est-à-dire qu'elles financent des projets et non des entreprises - mais cela n'exclut pas que les Français soient bénéficiaires de l'appel d'offre compte tenu de notre expertise dans les domaines de l'eau, des transports ou de l'urbanisme. L'aide du Trésor, par contre, est par définition une aide liée.

Michèle André a évoqué les exigences de qualité accrues de la Banque mondiale : je n'en ai pas particulièrement connaissance, mais je n'en suis pas surprise pour autant. S'il y a une valeur de l'ingénierie française reconnue par nos interlocuteurs, c'est bien la solidité, la résistance et la maintenance dans la durée. Je n'ai pas croisé d'investissements chinois au Maroc ni en Tunisie. C'est vraiment un phénomène qui concerne l'Afrique subsaharienne.

François Fortassin a évoqué l'idée des énergies domestiques. Pour l'instant, on ne voit pas beaucoup de panneaux photovoltaïques ni de chauffe-eau, lesquelles pourraient pourtant constituer un circuit court très adapté. C'est en fait vers cette solution domestique que l'AFD voudrait pousser l'État marocain. En revanche le photovoltaïque n'est pas du tout une perspective envisagée : il demeure coûteux puisqu'il passe par l'électricité, contrairement au chauffe-eau. J'ai par ailleurs été très frappée par la gestion du soleil dans les constructions, qui sont faites de telle sorte que l'intérieur soit naturellement climatisé : utilisation des carreaux, qui restituent la fraîcheur, gestion traditionnelle des auvents, balcons fermés, occultation etc. La rénovation urbaine permet aussi de très nombreux petits emplois de proximité, qui n'existent plus en France. Ces artisans et ces services forment un maillage très important pour la qualité urbaine, et apportent à la fois activité et mixité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

J'imagine que la commission est très favorable à la publication de ce rapport qui nous a beaucoup intéressés.

A l'issue de ce débat, la commission donne acte de leur communication à Mme Fabienne Keller et à M. Yvon Collin, rapporteurs spéciaux, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.