Je souhaite tout d'abord remercier Madame la Présidente d'avoir accepté que notre délégation s'intéresse à ce sujet.
Il se peut que certains aient été surpris par cette notion de temporalité et de politiques temporelles. Or, il s'agit d'un sujet important car, aujourd'hui, les temps se sont multipliés. Hier il y avait le temps du travail et le temps hors travail. On comptait trois âges de la vie : l'enfance, qui se définissait par le temps des études et de l'acquisition des connaissances ; l'âge adulte, caractérisé par le travail, et enfin la retraite, généralement un temps très court qui était celui du repos.
L'évolution de la société a conduit à une multiplication des temps. Si on regarde par exemple le temps de formation, il est très hétérogène suivant les personnes et occupe désormais tous le cours de la vie, ou du moins de l'activité professionnelle. De même, le temps hors travail est multiple : il peut s'agir du temps familial, du temps domestique, du temps de culture et de loisirs, ou encore du temps de transport. En outre, les temps se concurrencent : le temps de formation, par exemple, peut concurrencer le temps de travail, et le temps de transport celui du temps pour soi.
Le temps est également très hétérogène selon les personnes ; il n'y a qu'à analyser la forte variabilité des temps de transports suivant les territoires et les personnes.
Ainsi, je considère que le temps est un formidable révélateur d'inégalités.
En 2001, alors député, j'avais rédigé un rapport sur les temps de la ville, à la demande de Nicole Péry, secrétaire d'État aux Droits des femmes et à la Formation professionnelle, et de Claude Bartolone, ministre délégué à la Ville. Ce thème m'intéresse donc depuis plusieurs années et je voulais, treize ou quatorze ans plus tard, voir comment les politiques temporelles avaient évolué et s'étaient développées.
Ce sont les Italiens, plus exactement les députées italiennes, qui se sont les premières intéressées à la question, car le temps était révélateur d'inégalités entre les hommes et les femmes. Cette inégalité a été plus flagrante encore à partir du moment où les femmes ont commencé à travailler à l'extérieur de chez elles. En effet, la grande erreur que nous avons commise a été de les considérer comme des travailleurs et non comme des travailleuses. Dès lors, nous n'avons pas fait attention à la coexistence difficile entre leur temps à l'extérieur et le temps de travail domestique.
L'une des grandes inégalités aujourd'hui est entre ceux qui décident pour le temps des autres, par exemple en déterminant les horaires des réunions, ou d'ouverture des services publics, et ceux qui le subissent. À partir du moment où le temps est une construction humaine, essayons de faire en sorte qu'il soit au service de l'égalité. On a beaucoup parlé de l'aménagement de l'espace mais, quelquefois, aménagement de l'espace et des temps sont liés. Pensons à la création du département en 1789 : il y a eu une liaison entre aménagement de l'espace et unité du temps, à savoir la définition d'un territoire permettant d'aller au chef-lieu en un jour.
La première partie de ce rapport évoque les changements qui se sont produits dans la société ainsi que les enjeux de la maîtrise des temps : ceux-ci sont tout à la fois économiques, politiques, financiers, culturels. En outre, cette question de la maîtrise des temps a pour moi une filiation indéniable avec le grand combat pour la diminution du temps de travail. Il y a une grande cohérence entre recherche de la diminution du temps de travail et aménagement des temps. La diminution du temps de travail n'apporte une amélioration à la qualité de la vie que si les personnes sont maîtresses de leur temps hors travail.
Par ailleurs, les politiques temporelles impliquent un nouveau regard. Quand on est responsable d'un service public, il ne suffit pas de se contenter d'une politique de l'offre. Il faut aussi s'interroger sur la demande. Prenons l'exemple des services de l'état-civil : correspondent-ils aux attentes de la population ? Ces attentes peuvent d'ailleurs varier en fonction des jours de la semaine mais aussi du lieu où se situe le service en question.
En matière de politiques temporelles, la négociation joue un rôle extrêmement important. Cependant, il ne faut pas s'intéresser au seul dialogue social, mais également intégrer le dialogue sociétal. Le dialogue social a lieu entre l'employeur et l'employé mais, dans le cas des services municipaux, il s'agit d'un dialogue sociétal car il faut prendre en compte les besoins et attentes des usagers. Évidemment, cela n'est pas toujours aisé.
Lors de nos auditions d'élus locaux et d'agents acteurs en matière de politiques temporelles, nous avons vu, par exemple, que la modification des horaires d'une bibliothèque ou d'un service culturel entraîne une évolution du type d'usagers qui fréquentent ce service. Ainsi, en fonction de l'extension des horaires, des jours d'ouverture, de l'existence de nocturnes, vous aurez permis une démocratisation ou, au contraire, satisfait les usagers habituels. À travers cette politique des temps, on peut retrouver l'intérêt de Jean Vilar pour le non public, le public qui ne vient pas habituellement.
Le rapport évoque ensuite les différents thèmes des politiques temporelles. Le premier est l'égalité homme-femmes. Il me semble qu'un certain nombre d'employeurs ne font pas suffisamment attention à la demande des parents, ne font pas preuve d'assez de flexibilité sur les horaires. Pourtant, un peu de flexibilité permettrait d'améliorer la qualité de vie des uns et des autres, en desserrant l'étau des temps. J'ai connu des situations, dans les abattoirs de Bretagne, où les femmes commençaient à 5 heures du matin avec leur enfant endormi sur la banquette arrière de la voiture. Ces femmes prenaient un quart d'heure pour emmener l'enfant à l'école vers 8 heures. C'est une situation qui n'est pas acceptable.
Le rapport analyse également la question du temps et de la santé, notamment lorsque l'on s'intéresse à l'aménagement du territoire. Il existe un label nommé « ville amie », qui est très précis et a notamment comme critère le temps maximum que les personnes doivent mettre pour accéder à tel ou tel service. Le thème du télétravail est également évoqué.
Par ailleurs, pour rendre hommage à l'ensemble des élus et agents qui s'investissent dans les politiques temporelles, qui innovent, j'ai souhaité que les comptes rendus de l'intégralité des auditions figurent dans le corps même du rapport. De même, les annexes présentent de nombreux documents relatifs aux actions menées par ces collectivités, ainsi qu'un résumé du rapport de M. Bailly relatif aux exceptions au repos dominical dans les commerces. M. Bailly et moi-même avions déjà travaillé en 2001 sur des sujets voisins, puisque, pour le conseil économique et social, il avait travaillé sur cette problématique des temps.
Ainsi, les politiques temporelles sont constituées de l'ensemble des décisions que peuvent prendre les élus par rapport aux horaires, aux politiques de jour, de nuit et du dimanche.
Enfin, un dernier sujet ne doit pas être oublié : le temps périscolaire, au sujet duquel les collectivités discutent, négocient et travaillent depuis déjà de nombreuses années.
Pour finir, je vais vous exposer de manière résumée les principales propositions du rapport. En nous intéressant à la maîtrise et à la gestion du temps, nous abordons un sujet politique d'une extrême importance. Si, dans une collectivité, un établissement public, une entreprise, ce n'est pas le premier responsable qui s'en saisit et s'y intéresse, alors les actions menées se solderont forcément par un échec. En effet, une démarche politique est nécessaire car nous sommes là au coeur de la transversalité. Il faut une implication très forte de la part du maire, du président de l'établissement public ou de l'assemblée délibérante, du chef d'entreprise ou de tel ou tel responsable administratif.
Deuxièmement, il est nécessaire de connaître exactement ce qui se passe, c'est-à-dire de comprendre comment fonctionne tel service, comment a lieu telle activité. Une expertise, une analyse de la situation par l'intermédiaire d'agents ou d'un bureau spécialisé est nécessaire. Je vais vous donner un exemple : lorsque j'étais député, j'étais frappé de rencontrer à la sortie des séances de nuit, vers 3 heures du matin, les femmes de ménages qui nettoyaient les locaux de l'Assemblée nationale. Sur ce même sujet, le livre Le quai de Ouistreham, de Florence Aubenas, est l'une des meilleures observations de la condition de travail des femmes de ménage. J'étais à l'époque également maire de Rennes et je me suis intéressé aux conditions de travail des femmes de ménage dans ma ville. Elles commençaient à travailler vers 7 heures du matin jusqu'à 9 heures, puis reprenaient leur travail de 16 heures à 19 heures ou 20 heures Parfois, elles étaient aussi chargées de la surveillance des enfants dans les cantines scolaires. C'est un système terrible, avec un temps de travail très fractionné. En outre, que faire pendant les intervalles ? Nous avons mis en place une démarche, dont la phase d'études et expertises a duré six mois. Dans un premier temps, nous avons interviewé l'ensemble de ces femmes - en réalité 49 femmes et 1 homme - sur leurs conditions de travail, les outils qu'elles utilisaient, la nature des sols nettoyés, mais également les difficultés techniques rencontrées, etc. Dans un deuxième temps, nous sommes allés voir les chefs de service pour connaître les moments d'occupation des bureaux. Cela a été mal pris par certains, qui y voyaient une volonté du maire de contrôler leur présence. À la suite de cette phase d'analyse, nous avons mis en place le travail continu, entraînant, parmi d'autres conséquences pour ces femmes, un changement de régime de sécurité sociale leur permettant de bénéficier d'une meilleure couverture sociale. En outre, ont été constatées une augmentation de la productivité et une chute de l'absentéisme. Ainsi, il faut à la fois une implication politique forte et une expertise approfondie, sans toutefois que les experts prennent les décisions en lieu et place des responsables.
Troisième point, pour que ces politiques soient pleinement efficaces, l'ensemble des services doivent être intéressés et chacun doit avoir le réflexe du temps. En effet, tous les services sont concernés. Il faut ainsi réfléchir au meilleur temps pour permettre d'atteindre l'optimum du service, aux conséquences temporelles de l'installation de tel ou tel bâtiment, à tel endroit, dans tel quartier. Par ailleurs, il est important de faire des évaluations afin d'étudier les conséquences de l'application de ces politiques, les changements induits, les améliorations à apporter...
La proposition suivante insiste sur l'importance de la concertation. Il faut certes qu'il y ait une décision finale, mais il faut que le maximum de gens concernés soit impliqués. Dans son rapport, M. Bailly propose d'ailleurs une démarche très intéressante. Outre l'augmentation de 5 à 12 du nombre de dimanches pouvant faire l'objet d'une autorisation d'ouverture des magasins, il suggère la délimitation de circonscriptions dans lesquelles le travail le dimanche présente une particularité et serait autorisé. Pour cela, il propose une double concertation : la première est territoriale et permet de délimiter le périmètre dans lequel il sera possible d'ouvrir les commerces. Élus locaux, acteurs de la vie économiques, chambres consulaires participent à la concertation. Dans un deuxième temps a lieu la concertation sociale avec les syndicats, et ne porte pas sur le périmètre d'ouverture mais sur la rémunération des personnels. Si on mélange les deux concertations, les risques d'échec sont maximaux. Lorsque j'étais maire de Rennes, j'avais tenu à rencontrer tous les présidents d'établissements consulaires et d'universités ainsi que le conseil économique et social de la ville afin de développer une culture commune de la concertation.
La proposition suivante vise à profiter de l'expérience que certaines collectivités ont acquise en matière de politiques temporelles. À cet égard, je souhaite mentionner l'existence de l'association Tempo Territorial, réseau comprenant la plupart des collectivités ayant mis en place des politiques temporelles, et qui fait un travail remarquable. Il peut être intéressant que des collectivités territoriales non encore impliquées puissent bénéficier des acquis d'expérience, par exemple par la mise à disposition de personnels qui connaissent déjà bien ces questions. Le format reste à définir : stages, conventions, etc.
La proposition suivante vise à demander au comité national de l'égalité des territoires de prendre le temps comme référence. En outre, il est proposé de mener sur ce thème une grande campagne d'information et de sensibilisation des collectivités territoriales.
Le dernier point concerne le télétravail. Les décrets d'application de la loi n'ont toujours pas été pris. Le télétravail a d'ailleurs beaucoup évolué depuis sa naissance dans les années 90. La DATAR le présentait alors comme le moyen de rééquilibrer le rural et l'urbain et de lutter contre la diminution de la population rurale. Cela n'a pas fonctionné. Mais aujourd'hui, le télétravail est en plein développement en raison des innovations récentes dans le domaine numérique.
Je terminerai mon propos par les conséquences de l'innovation numérique sur le commerce. Nous devons faire très attention à la sélection des activités commerciales dans les centres villes, dont la configuration va très fortement évoluer au cours des prochaines années, de même que les environnements commerciaux et culturels des grandes gares, amenés à se développer fortement.
Je vous remercie, mon cher collègue, pour cette présentation de votre travail, très claire et intéressante. Il est vrai que nous avons tous été confrontés, en tant que responsables de collectivités territoriales, à cette gestion du temps, et nous aurions tous des anecdotes à raconter. Je me souviens avoir dû tâtonner pour ajuster les heures d'ouverture de la mairie. En effet, il fallait concilier les attentes de la population avec celles des personnels des services municipaux.
Je crois qu'il ne faut pas avoir peur, comme vous l'avez dit, de faire un bilan et de s'adapter. La gestion du temps nécessite, par nature, l'adaptation. Cela a été également le cas avec les transports en commun. Mettre en place des transports en commun viables n'a pas toujours été aisé à réaliser. Je prendrai un troisième exemple, plus radical : une petite bibliothèque, dans ma commune, était tenue par des bénévoles avec une faible amplitude horaire. Pour mieux répondre à la demande, après concertation avec les usagers et les bénévoles, nous avons décidé de fermer cette bibliothèque et avons fait le choix de favoriser les déplacements vers la bibliothèque intercommunale de Blois, dont la fréquentation a été multipliée par dix en un an.
Je souhaite revenir sur votre dernier point, à savoir le télétravail. Vous avez dit que, malgré l'absence des décrets attendus, cela était une réussite. Pouvez-vous nous expliquer les raisons, l'évolution des difficultés et des succès du télétravail ? Pour ma part, je pense que les conflits naissent lorsque le télétravail est imposé.
Le télétravail est aujourd'hui en augmentation. Il peut en effet être parfois source de conflit, surtout quand les entreprises en profitent pour transférer aux salariés des charges en matériel qui leur incombent. Je reviendrai sur mon propos au sujet des gares, où l'on devrait voir se développer les espaces pour personnes mobiles, qui se connecteraient là pour quelques heures. Le télétravail nécessite le dialogue et doit être organisé dans des lieux qui le permette : il est impossible pour un couple de trois enfants dans un deux pièces. Il n'est pas question non plus que ce travail soit quotidien et durable. Dans la pratique, le télétravail nécessite une rencontre périodique des intéressés dans leur entreprise.
Vous ne nous avez pas parlé des réactions des organisations syndicales.
Deux organisations ont été silencieuses, le MEDEF et la CGT. C'était déjà le cas lors de ma précédente interrogation en 2001. Nous avons été sollicités par une association qui recense les difficultés des femmes avec enfants, qui regroupe 500 entreprises faisant des efforts pour aménager le temps de travail afin de permettre aux parents de bénéficier d'horaires permettant de faire face aux contraintes familiales.
En ce qui concerne les organisations syndicales, la gestion des temps peut être mal comprise et donc conduire à des grèves dures. J'ai vécu cette situation en tant que maire de Rennes, dans le cas d'un établissement culturel intégré. L'ouverture jusqu'à 21 heures le mardi soir m'a valu une hostilité frontale. Il faut avoir une approche très pragmatique et différenciée en termes de flexibilité, pour que cela soit gagnant-gagnant. Il faut expliquer les raisons et les impacts des changements temporels.
En effet, certaines fois les organisations syndicales ne sont pas opposées aux changements d'organisation du temps de travail. Je prendrai l'exemple d'un théâtre, où les gens devaient être là le matin à ne rien faire, et finalement partaient lorsqu'on en avait le plus besoin. En fait, en expliquant aux organisations syndicales ce que cela pouvait apporter à tous, on a pu discuter de l'organisation du temps de travail en fonction des besoins de tous. De même pour la médiathèque ; certains étaient réticents, voire franchement hostiles, à son ouverture le dimanche. La négociation avec le personnel et les organisations a permis une démarche donnant-donnant, avec des compensations. La gestion des temps doit passer par le dialogue.
À Poitiers, les organisations ont suscité une grève pour ne pas organiser de nocturne. Il est important de bien discuter pour ne pas faire échouer une réforme des temps.
Avez-vous rencontré des difficultés et des différenciations en fonction des diversités des strates de communes ?
Non. Nous avons rencontré une association, Aider, qui travaille sur la gestion du temps rural. Dans une petite commune, où il n'y avait plus de marché, l'association a proposé de le relancer, mais elle s'est heurtée aux questions fondamentales. Où ? Quand ? Comment ? Les réponses ont été sur la place du village le vendredi à partir de 16 h 30. Mais cela supposait également la réouverture du café, qui ouvrait en fonction des disponibilités de la patronne. Cela a pu fonctionner une fois que cette personne a été complètement impliquée dans l'opération.
En effet, la négociation est très importante. L`impact d'une modification de l'organisation du travail sera différente pour un jeune ou pour une mère de famille séparée, qui préférera travailler un dimanche sur deux pour profiter du surplus de salaire pour divertir son enfant le dimanche suivant. Il faut laisser la liberté de choix aux personnes.
L'histoire du bistrot n'est pas anodine. De même, le fait qu'il n'y ait plus de messe le dimanche matin modifie l'organisation et l'animation du village. La vie dans un village de 350 habitants près de Montpellier n'est pas celle d'une banlieue de cette même ville. Il faut s'adapter à la population, considérer les charges des familles. Il faut pouvoir aménager les horaires en fonction des individus, sans favoritisme, mais faire au mieux pour tout le monde. C'est différent dans les grandes communes, où la disparité des personnes est importante. Mais il faut pouvoir aménager les plages de travail.
Pour éviter, par exemple, des situations comme celles que subissent les caissières de supermarché.
Pendant longtemps, la religion a été le grand commandeur du temps. Ainsi, beaucoup de personnes visitaient la basilique de Saint-Denis le dimanche. Cependant, aucun commerce n'étant ouvert, les visiteurs repartaient très vite à Paris.
S'agissant du sport, le délai séparant la fin d'un match du départ des supporters est de trois heures pour un match de rugby, contre une demi-heure pour un match de football. Une observation précise des pratiques sociales est nécessaire.
En matière de transports en commun, la réduction des pics de fréquentation ne nécessite pas seulement d'investir dans les infrastructures, mais aussi de négocier les horaires de travail. Dans la ville de Rennes, dont j'ai été le maire, j'avais obtenu du président de l'université et du personnel enseignant, l'ajustement d'un quart d'heure des horaires de cours.
La politique du temps comporte nécessairement une part d'aléatoire. Nous avons pu en faire l'expérience lors de la mise en place de la réduction du temps de travail dans les services administratifs de nos collectivités territoriales. Entre la conception et l'application de tout projet d'aménagement du temps de travail, les agents peuvent voir leurs situations et leurs préoccupations évoluer.
À titre d'exemple, beaucoup de services d'archives départementales - qui étaient très fréquentés avant la numérisation de leurs fonds - avaient décidé, au terme d'une négociation, d'ouvrir le samedi matin. Au fil du temps, les personnels ont pris d'autres habitudes et ont exprimé d'autres attentes. Ce qui avait été conçu à un certain moment était devenu par la suite inapplicable. La mise en ligne des fonds a cependant permis la reconfiguration du service des archives publiques.
Je suppose que vous avez eu affaire, comme moi, aux entreprises payant le supplément transport. Cette ressource, parfois critiquée par les professionnels, est mise à la disposition des autorités organisatrices de transport, dont la tâche s'est considérablement complexifiée.
Autrefois, l'organisation du travail était très rigide, et les entreprises avaient les mêmes horaires. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et il est nécessaire de recourir à la concertation et de faire preuve de volontarisme, afin de répondre au mieux aux besoins des entreprises.
Je vous rejoins sur la flexibilité accrue des horaires de travail : il y a quelques années, un militant distribuait des milliers de tracts en une demi-heure à la sortie des usines ; aujourd'hui cela n'est plus possible !
Dans le même ordre d'idées, une réunion publique réussie ne se terminait pas avant onze heures du soir.
La chirurgie ambulatoire est en passe de modifier considérablement la gestion du temps de travail au sein du milieu hospitalier.
Le monde rural est également touché par ces évolutions.
Je souhaite saluer l'intérêt du rapport et des propositions d'Edmond Hervé.
Pour en revenir à la question du recours aux nouvelles technologies dans les centres villes, il est difficile de prendre en compte l'impact des nouvelles technologies sur nos modes d'action et de pensée. Ce constat est d'autant plus vrai s'agissant des centres villes, dont les aménagements sont durables et peuvent donc difficilement évoluer.
Beaucoup de maires sont confrontés à la dévitalisation des centres villes. Dans ma ville, les associations de commerçants et moi-même avons constaté le départ de photographes et de libraires. Les métiers ont évolué et le commerce électronique a progressé, y compris dans des secteurs a priori peu adaptés à ce dernier, comme l'habillement. Nos concitoyens souhaitent toujours disposer de boutiques en centre-ville, mais n'y effectuent pas nécessairement leurs achats.
Les métiers des agents administratifs de nos collectivités territoriales ont également évolué, à l'instar de la délivrance des passeports biométriques. Ces changements ne doivent pas tous être jugés négativement, car ils ont également permis une revalorisation des métiers et des fonctions.
Comment les élus peuvent-ils anticiper ces évolutions et élaborer des stratégies d'adaptation ? Je rejoins cependant votre position quant au probable essor des quartiers qui jouxtent les gares multimodales.
Il faut en effet veiller à conserver un équilibre entre les centres anciens et les quartiers situés aux abords des gares, qui devraient se développer dans le futur.
S'agissant des centres villes, c'est un exemple révélateur de l'incidence des nouvelles technologies sur l'aménagement du territoire. L'audition de M. Claude Boulle, Président de l'Union du grand commerce de centre-ville, m'a donné matière à réflexion sur ce point. Il nous faut tirer toutes les conséquences de la circulation plus intense des personnes : les recettes actuelles, telles que les zones piétonnières, la réhabilitation de façades, le développement de logements ou l'organisation d'animations sont insuffisants. En tout état de cause, je demeure convaincu du grand avenir des activités de restauration traditionnelle en centre-ville.
Quant aux commerces ouverts le dimanche, leur nombre varie sensiblement selon les villes. Les demandes d'ouverture sont plus nombreuses à Bordeaux qu'à Nice. Ces questions ne peuvent donc pas être résolues de manière uniforme.
J'ai eu connaissance de l'initiative particulièrement intéressante de commerçants de centre-ville, qui s'étaient regroupés afin de créer, avec l'aide de leur chambre de commerce et d'industrie, leur propre site de vente en ligne. Cette modalité de vente complémentaire était présentée par eux comme un moyen d'assurer la survie de leurs commerces.
Cette initiative illustre la nécessité, de la part des pouvoirs locaux, d'anticiper les changements sociaux et technologiques.
Cette entreprise est en effet intéressante, mais elle comporte un risque. L'essor du commerce électronique ne doit pas se retourner contre les commerçants. Dans ma ville, une vendeuse de chaussures qui avait développé avec succès son site de vente en ligne s'est vue proposer par son comptable d'abandonner sa boutique, dont le loyer était jugé trop élevé.
Je vous remercie. Je consulte maintenant la délégation sur l'adoption du rapport.
Le rapport et ses propositions sont adoptés.