Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire

Réunion du 25 novembre 2014 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • SNCF
  • biodiversité
  • infrastructure

La réunion

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La commission examine le rapport pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux du projet de loi de finances pour 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous examinons le rapport pour avis sur les crédits « Transports ferroviaires, collectifs et fluviaux », pour lequel nous avons désigné Louis Nègre rapporteur pour avis. Louis Nègre est un vrai spécialiste de ces questions et je ne doute pas qu'il va pouvoir nous donner un éclairage intéressant sur ce budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Je vais d'abord vous présenter rapidement les crédits du projet de loi de finances pour 2015 consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux. Je reviendrai ensuite sur deux sujets d'actualité : les conséquences de l'abandon de l'écotaxe sur le financement des infrastructures de transport et l'avenir de notre système ferroviaire - vous verrez que les défis à relever sont nombreux.

En ce qui concerne les crédits, nous examinons en fait trois séries de dispositions :

- une partie des crédits inscrits au programme budgétaire 203 intitulé « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ;

- les montants des fonds de concours attendus en 2015 pour les transports ferroviaires, collectifs et fluviaux, parmi lesquels figurent, au premier rang, les crédits de l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) ;

- le compte d'affectation spéciale « services nationaux de transport conventionné de voyageurs », qui concerne les trains d'équilibre du territoire (TET).

Je commence par les crédits et fonds de concours consacrés aux transports ferroviaires et collectifs. Nouveauté par rapport aux années précédentes, la subvention d'équilibre versée par l'État à l'AFITF, qui avait vocation à s'éteindre avec l'entrée en vigueur de l'écotaxe, et qui était encore de près de 660 millions d'euros en 2014, disparaît complètement en 2015. Cette suppression est plus que compensée par l'affectation de 1,1 milliard d'euros de recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), ainsi que le prévoit l'article 20 du projet de loi de finances.

À périmètre constant, l'enveloppe accordée à Réseau ferré de France - demain SNCF Réseau, avec l'entrée en vigueur de la réforme ferroviaire - est identique à celle votée en loi de finances pour 2014. Elle s'élève à 2,5 milliards d'euros et couvre la redevance d'accès facturée par le gestionnaire d'infrastructure pour l'exploitation des trains express régionaux, les TER, comme des trains d'équilibre du territoire, les TET, ainsi qu'une participation de l'État pour l'utilisation du réseau par les trains de fret.

Ce financement devrait être complété par 372 millions d'euros de fonds de concours provenant de l'AFITF, pour le financement d'opérations contractualisées dans les contrats de projet État-régions jusqu'en 2013. Il s'agit toutefois encore d'une évaluation, le budget de l'AFITF devant être arrêté en décembre.

En ce qui concerne les crédits consacrés au soutien et à la régulation des transports terrestres, 30 millions d'euros sont prévus, comme l'année dernière, pour compenser à la SNCF les tarifications sociales nationales imposées par l'État. 16 millions d'euros sont dédiés au soutien au transport combiné ferroviaire, un montant quasiment stable par rapport à l'année dernière. Enfin, 29 millions d'euros de fonds de concours de l'AFITF devront notamment servir à la mise en sécurité des passages à niveau et des tunnels.

J'en viens aux crédits octroyés aux transports fluviaux. La subvention versée à Voies navigables de France s'élève à 262 millions d'euros, en diminution de 1 % par rapport au projet de loi de finances pour 2014. Le montant consacré au soutien au transport combiné fluvial et maritime, de 8 millions d'euros, est préservé.

Enfin, je rappelle que 18 millions d'euros sont consacrés aux dépenses transversales du programme « infrastructures et services de transport », en diminution de 3,7 % par rapport à l'an dernier. Ils servent à financer les études et les dépenses de logistique de la direction générale des infrastructures de transports et de la mer (DGITM) ou des services qui lui sont rattachés.

Sur le papier, les crédits consacrés aux transports ferroviaires, collectifs et fluviaux sont donc globalement préservés par rapport à 2014. Mais les députés ont adopté, en seconde délibération, une réduction de 16,5 millions d'euros des crédits consacrés aux infrastructures et services de transport, tous modes confondus. Si la somme peut paraître limitée, on ignore quels crédits seront touchés par cette mesure. Le Gouvernement indique que cette baisse portera sur des « dépenses non obligatoires », mais il est des dépenses « non obligatoires » auxquelles l'on ne saurait renoncer, même si elles n'ont pas encore été engagées juridiquement. Je ne donnerai qu'un seul exemple : l'entretien du réseau ferroviaire.

Autre problème, beaucoup plus grave : il manque 840 millions d'euros. Un oubli majeur ! Je veux évidemment parler de l'indemnisation d'Écomouv', qui n'est provisionnée à aucun endroit dans ce budget. Dès lors, comment ne pas le considérer comme problématique ? Vous remarquerez que j'emploie un vocabulaire plus modéré que Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur spécial de la commission des finances, qui l'a qualifié d'insincère.

J'en viens au compte d'affectation spéciale, qui retrace les recettes et dépenses affectées aux trains d'équilibre du territoire. Celui-ci n'évolue pas par rapport à l'année dernière. Il est doté de 309 millions d'euros, destinés à financer l'exploitation de ces services et la maintenance du matériel roulant. Ses recettes proviennent quasi-exclusivement de la SNCF, par le biais de la contribution de solidarité territoriale et de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires. Seuls 19 millions d'euros sont issus du produit de la taxe d'aménagement du territoire imposée aux sociétés concessionnaires d'autoroutes. Je reviendrai dans un instant sur ce point.

Je voudrais, dans un deuxième temps, m'attarder sur la question du financement des infrastructures de transport.

Comme vous le savez, le Gouvernement s'est engagé à compenser intégralement le manque à gagner résultant de l'abandon de l'écotaxe pour 2015, ce qu'il a effectivement fait en prévoyant une augmentation de la fiscalité sur le gazole. L'AFITF devrait ainsi bénéficier de 2,24 milliards d'euros de recettes pour 2015, ce qui est positif.

Par ailleurs, devant la commission, le ministre Alain Vidalies a annoncé pour décembre la remise des résultats du troisième appel à projets dédié aux transports collectifs en site propre (TCSP). Je suis soulagé. S'y ajoutera le volet « mobilité multimodale » des contrats de plan État-régions, pour 6,7 milliards d'euros. C'est très bien.

Enfin, le Gouvernement a réitéré son engagement à financer le scénario 2 de la commission Mobilité 21, le plus ambitieux. Je ne peux que m'en réjouir.

Mais comment va-t-on y arriver, concrètement ? L'abandon de l'écotaxe est seulement compensé pour 2015. Il ne permet même pas à l'AFITF de rattraper tous les retards de paiement accumulés en 2013 et 2014, en raison de l'insuffisance de ses ressources. Cette insuffisance est due au fait que la subvention d'équilibre de l'État a été réduite avant même que les recettes de l'écotaxe commencent à être perçues ! L'AFITF a ainsi accumulé plus de 770 millions d'euros de dettes vis-à-vis de RFF.

D'après Philippe Duron, le président du conseil d'administration de l'AFITF, il lui faudrait un budget annuel de 2,5 milliards d'euros pour financer le scénario 2, auxquels s'ajoutent encore deux chantiers d'envergure, le tunnel Lyon-Turin et le canal Seine-Nord, qui ne sont pas comptabilisés dans ce scénario.

Autant dire que nous sommes très loin du compte ! Et au lieu de trouver des recettes pérennes pour le financement des transports, le Gouvernement en supprime ! Je ne reviens pas sur l'écotaxe, qui a été abandonnée moins de trois mois après avoir été modifiée par le Parlement et validée sous une nouvelle forme, le péage de transit poids lourds. Je fais ici référence à la taxe « Grenelle II », que j'avais fait adopter en tant que rapporteur dans la loi du même nom. Elle devait permettre aux autorités organisatrices des transports de récupérer une partie de la revalorisation foncière liée au développement de nouvelles infrastructures de transports ferroviaires ou collectifs. Le Gouvernement justifie sa suppression par le fait qu'elle n'a jamais été appliquée. Encore aurait-il fallu, pour cela, que son décret d'application soit pris ! Je ne veux pas m'attarder sur ce sujet, qui est mineur par rapport aux sommes que nous cherchons à obtenir, mais il s'ajoute au précédent.

Pour répondre à l'enjeu qui est posé, j'appelle de mes voeux la réunion d'un « Grenelle III » dédié au financement de la mobilité. Pourquoi réserver cette question cruciale à un groupe de travail restreint et confidentiel, dont on ignore, qui plus est, la composition exacte, mais dans lequel les fédérations de transport routiers ont la plus large place ? Car il faut non seulement compenser les 760 millions d'euros perdus avec l'abandon de l'écotaxe, mais aussi trouver les recettes supplémentaires permettant de financer la maintenance ou la modernisation des infrastructures de transport, le scénario 2 de la commission Mobilité 21, et s'attaquer à l'effet de ciseau catastrophique entre l'augmentation continue des charges et la baisse continue des recettes. Les transports sont le seul service public où les recettes diminuent. Et ce sont les collectivités territoriales qui doivent compenser le manque à gagner.

Je voudrais aussi réagir aux doutes exprimés par la commission des finances au sujet de l'utilité budgétaire de l'AFITF. Je comprends que cette agence dérange, sur le strict plan de l'orthodoxie budgétaire. Elle possède tout de même l'énorme avantage de sanctuariser les crédits consacrés aux transports suivant une logique vertueuse de report modal : ses recettes sont issues de la route, essentiellement des concessionnaires d'autoroutes, et sont affectées, pour plus de la moitié, à des modes plus respectueux de l'environnement - transports ferroviaires, collectifs et fluviaux. L'agence présente aussi l'avantage de réunir dans son conseil d'administration plusieurs acteurs du financement de ces infrastructures - des élus locaux, des parlementaires, les différentes administrations concernées -, qui sont ainsi associés au processus d'engagement des dépenses d'infrastructures. Ce serait, il me semble, une erreur et surtout un risque énorme de perdre ces crédits en les noyant dans la masse des dépenses budgétaires courantes.

Pour finir, je voudrais vous présenter les défis que doit relever notre système ferroviaire. Pour faire preuve d'honnêteté, je m'appuierai sur le point de vue de la gauche. Qu'ai-je vu dans les journaux d'hier ? Aujourd'hui en France évoque dans un titre le cri de colère des présidents de régions Haute-Normandie et Basse-Normandie contre la SNCF, en raison de retards de plus en plus fréquents, de pannes de matériel, du manque de chauffage, des toilettes fermées, d'une communication défaillante... Le catalogue des récriminations s'allonge dans ces régions présidées par des socialistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Toujours hier, le député de la Gironde Gilles Savary, qui a été rapporteur de la loi sur la réforme ferroviaire, signe un article intitulé « Chemins de fer : on va dans le mur ? Alors, on continue ! ». Ce n'est pas moi qui le dis ! Je termine avec un article des Échos qui nous informe que « L'industrie ferroviaire redoute 10 000 suppressions d'emplois ». D'après le journal, « les sites industriels du leader français, Alstom, encaisseraient l'essentiel de cette dégringolade, notamment à Belfort (plus d'activité à la fin du programme TGV en cours), à Aytré (agglomération de La Rochelle) et à Reischoffen, en Alsace. Le site de Bombardier de Crespin (Nord) ne serait pas non plus épargné, avec une charge en chute libre dès fin 2015?». Je rappelle que l'industrie ferroviaire française est la troisième industrie ferroviaire du monde, nous devons la défendre ! On s'évertue à créer de nouvelles filières, il faut aussi tout faire pour sauver celles qui ont bien fonctionné jusqu'à aujourd'hui !

Le Gouvernement a fait adopter cet été une réforme ferroviaire qui change en particulier la gouvernance du système. Mais la réforme ne répond pas à une question fondamentale, qui est celle de la dette. Celle du gestionnaire du réseau atteint aujourd'hui près de 37 milliards d'euros, et croît de 3 milliards par an ! Même si SNCF Réseau réalise des efforts de productivité, l'accroissement de sa dette pourra, dans le meilleur des cas, être réduit à 1 milliard d'euros par an à partir de 2020, mais on n'inverse pas encore la tendance !

Or, nous devons encore assumer des investissements importants pour l'entretien et la régénération du réseau. L'audit de l'école polytechnique de Lausanne nous a ouvert les yeux en 2005 et 2012. Nous avons commencé à rattraper notre retard dans ce domaine, mais nous n'avons pas encore réussi à arrêter le vieillissement du réseau ! Les besoins sont tout aussi importants pour le fret ferroviaire, qui, lui, est carrément menacé de disparition, alors qu'il reçoit la subvention la plus haute possible de la part des pouvoirs publics.

J'avais tenté d'apporter une première solution, en proposant, l'ouverture à la concurrence du rail, qui a déjà été mise en place dans d'autres pays européens. Les présidents de région étaient d'accord, mais je n'ai pas été suivi. Il faut que la maison SNCF évolue pour se préparer à cette ouverture à la concurrence, qui finira bien par arriver. En attendant, des promesses de gains de productivité ont été faites. Dont acte. À nous de suivre précisément leur réalisation. Mais pourrons-nous fermer les yeux longtemps sur le problème du surcoût de notre système national, qui peut aller jusqu'à 30% par rapport aux autres pays ? Nous verrons ce qui ressortira des négociations en cours sur le cadre social harmonisé applicable à l'ensemble du secteur, nouveaux entrants compris, mais je dois vous avouer que je suis inquiet.

Une autre piste de travail réside dans la lutte contre la fraude. Elle coûte chaque année 300 millions d'euros, rien que pour la SNCF. S'y ajoutent 100 millions pour la RATP, et certainement, pour les transports collectifs de province, une somme de l'ordre de 100 millions également. Nous arrivons ainsi à une perte de 500 millions d'euros environ - un demi-milliard -, soit plus que le montant du troisième appel à projets pour les transports collectifs en site propre !

La SNCF commence à réagir. Elle a par exemple réduit la durée de validité des billets sans réservation à 7 jours pour éviter l'utilisation multiple d'un billet non composté. Elle compte aussi réactualiser ses forfaits de régularisation, pour préserver leur caractère dissuasif. Mais c'est en fait l'ensemble du cadre juridique prévu pour lutter contre la fraude qui doit être revu. Savez-vous que pour être passible d'un délit de « fraude d'habitude », il faut avoir eu plus de dix contraventions en une année ? Je vous proposerai un amendement pour modifier ce système que j'estime en fait incitatif à la fraude.

Au-delà de ces éléments je voudrais mettre l'accent sur trois autres sujets qui constituent une vive préoccupation pour le secteur ferroviaire.

Premièrement, notre filière ferroviaire, la troisième du monde, est en grand danger. Après avoir été pendant longtemps l'un des atouts de la France, son plan de charge va nettement diminuer à partir de 2017, faute de commandes suffisantes, en France bien sûr, mais aussi à l'étranger, où la filière souffre d'une forte concurrence de la Chine, mais aussi de l'Europe de l'Est. Il y a une réelle inquiétude du secteur, menacé de devoir débaucher progressivement son personnel, avec pour conséquence, une perte de compétence évidente. Il faut absolument mettre un frein à cela. Il s'agit d'une industrie lourde, qui ne peut pas être relancée aisément, une fois que les compétences sont perdues. Une fois qu'un site industriel est fermé, il est quasiment impossible de le rouvrir.

L'organisme Fer de France, qui représente la filière et dont le président est Pierre Mongin, a réfléchi à plusieurs pistes de travail, que nous devons à mon sens encourager. Par exemple, il faudrait revoir notre modèle : à force de rechercher la sophistication, nous perdons en souplesse et notre offre, souvent plus chère, s'adapte ainsi moins bien à la demande étrangère, qui recherche davantage la sobriété.

De même, s'il faut évidemment prévoir le train à très grande vitesse du futur, la demande mondiale s'oriente plutôt vers la grande vitesse (200 - 250 km/h), à laquelle nous répondons mal. Comme j'avais réussi à l'introduire dans le projet de loi de réforme ferroviaire, j'insiste sur la nécessité pour notre pays d'imaginer des matériels exportables dès l'origine et pas uniquement franco-français.

Aujourd'hui, en France, un appel d'offres pour la sortie d'un nouveau matériel comporte près de 4 000 spécifications ! Et nous arrivons à créer un produit extrêmement performant, mais que nous sommes ensuite incapables de vendre à l'étranger. Nous devons réfléchir, au sein de notre commission, à l'avenir de cette filière. C'est pour ça que j'étais favorable à l'affirmation de l'État stratège. Je ne vois que l'État pour imposer à des groupes de pression, qui peuvent être très forts, une vision d'intérêt général.

Il faudrait aussi autoriser, sur le marché français, des expérimentations visant à regrouper la commande publique entre plusieurs donneurs d'ordre, afin d'éviter la démultiplication des coûts de développement des produits. L'État stratège, dont nous avons consacré l'existence dans la loi cet été, doit aider à mieux équilibrer les relations entre les donneurs d'ordre et l'industrie ferroviaire.

L'État stratège doit aussi être attentif à l'évolution de l'offre des trains d'équilibre du territoire, qui est un autre sujet de vive préoccupation. Il s'agit des trains Intercités qui assurent une diversité de services, avec un matériel souvent obsolète.

Ces trains étaient gérés et financés par la SNCF, avant que l'État en devienne l'autorité organisatrice en 2011, en signant une convention avec la SNCF. Mais cette convention, qui devait arriver à échéance fin 2013, a d'emblée été considérée comme provisoire, puisqu'elle ne faisait que geler la situation héritée du passée. Le Gouvernement a décidé l'année dernière de la prolonger d'un an, jusqu'à la fin 2014. Cette année, qu'apprend-on ? Qu'une convention similaire, une sorte de « convention-relais », va être signée pour laisser encore un an à l'État pour définir sa stratégie dans ce domaine. Où est donc cet État stratège que le Gouvernement revendique tant ?

Or, les problèmes à régler sont nombreux. Tout d'abord, l'architecture retenue pour assurer le financement des TET, via un compte d'affectation spéciale majoritairement abondé par la SNCF elle-même, a été qualifiée par la Cour des comptes d'« habillage juridique de la situation antérieure ». De fait, ce mécanisme n'est pas de nature à responsabiliser les deux parties concernées. La SNCF est censée recevoir des bonus si elle améliore la qualité de son service, mais ces mêmes bonus sont en fait financés par une augmentation de sa propre contribution au compte d'affectation spéciale ! Pour sa part, l'État n'assume pas le surcoût résultant de ses décisions, puisque c'est la SNCF qui est la variable d'ajustement budgétaire.

En ce qui concerne l'offre en elle-même, elle est très hétérogène, et crée une véritable confusion entre les services TER et TET. C'est un défaut connu depuis longtemps. Il faut que l'État définisse une stratégie claire dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle il vient de créer une commission « Duron II », qui doit rendre ses conclusions d'ici six mois. Je ne peux que me réjouir de la méthode poursuivie, qui a porté ses fruits, à travers la Commission Mobilité 21, pour la hiérarchisation du schéma national des infrastructures de transport (SNIT). Mais il est vraiment dommage que l'État ait perdu deux ans sur ce dossier !

Et que dire du fait qu'après avoir refusé catégoriquement, en juillet, l'ouverture à la concurrence dans le rail, le Gouvernement nous annonce tout d'un coup, en octobre, l'ouverture à la concurrence du transport en autocar ! C'est contradictoire. Où est la cohérence ?

Par conviction, je suis favorable à ce type de mesure, qui permet de faire baisser les coûts et d'améliorer la qualité du service. Mais il y a un risque sérieux de report du train vers la route, qui est de fait la véritable concurrence ! Or, si nous n'améliorons pas la qualité de service dans nos trains, la libéralisation de l'autocar ne va pas seulement attirer de nouveaux utilisateurs, qui autrement ne voyageraient pas, elle va aussi capter le trafic ferroviaire, ce qui risque de créer une spirale de détérioration du service ferroviaire. Nous devrons être extrêmement vigilants pour que ces évolutions soient maîtrisées et favorables aux usagers.

Je vous remercie de votre attention et vous prie de m'excuser d'avoir été un peu long - mais les enjeux sont nombreux et de taille !

Comme vous l'aurez compris, je vous propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Filleul

La concurrence viendra, mais il faut que la SNCF soit prête, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. L'ouverture à la concurrence ne va pas nécessairement régler tous les problèmes du système ferroviaire.

Le rapport de Louis Nègre a abordé nombre de défis du système ferroviaire français, qui ne résultent pas des problèmes de positionnement politique de la gauche ou de la droite, mais proviennent de la SNCF elle-même. Je ne suis pas marri des deux ans et demi qui se sont écoulés depuis l'élection du président de la République. Le Gouvernement est confronté à des problèmes très complexes.

Nous appellerons à voter pour le budget 2015. Non qu'il soit mirobolant, mais il est marqué par une certaine stabilité, ce qui est positif dans le contexte actuel et compte tenu des enjeux. Le Gouvernement a garanti les moyens de l'AFITF jusqu'en 2017. Elle bénéficiera d'un peu plus de deux milliards d'euros. Nous en sommes satisfaits, après une période de flottement qui nous a beaucoup agacés, à la suite de l'abandon de l'écotaxe. Nous ne sommes pas heureux de cette décision d'abandon, et aurions préféré disposer des moyens nécessaires à la réalisation du scénario 2 de la commission Mobilité 21.

Je me suis moi aussi inquiété des propos de la commission des finances au sujet du maintien de l'AFITF, créée en 2005 au moment de la privatisation des sociétés d'autoroutes. L'agence garantit en effet la sanctuarisation des crédits consacrés aux infrastructures.

Je suis aussi préoccupé, comme le rapporteur, sur les mises en chantier. Mais il faut rappeler qu'une partie de nos difficultés résulte du lancement simultané de quatre lignes à grande vitesse, alors que nous n'en avions pas les moyens. Si elle a satisfait les grands élus des régions concernées, cette décision a été prise sans étude. Elle a réduit à néant tous les moyens de RFF pour l'entretien du réseau, ce qui était une erreur. Dans son rapport, la Cour des comptes ne dit pas autre chose, en démontrant que la politique du tout-TGV n'est pas la bonne. On ne peut pas prendre de telles décisions à l'emporte-pièce, alors qu'elles engagent le pays sur autant d'années !

Je suis aussi inquiet, parce qu'il n'y a plus de moyens financiers pour les commandes de rames dont l'industrie a besoin. J'adhère aux recommandations de la Cour des comptes sur les TGV en fin de cycle. Pour les TER, les régions manquent de moyens. Les deux contrats-cadres signés par les régions permettaient la commande de 1 860 trains, sur lesquels 315 ont été effectivement demandés. Comme personne ne dispose de moyens financiers supplémentaires, il y aura des pertes d'emploi, ce qui est regrettable.

La réforme ferroviaire est un outil fantastique. Elle va entrer en vigueur en 2015, mais ne sera véritablement sur les rails qu'en juillet 2015. La SNCF nous l'a garanti. Elle crée un groupe public ferroviaire intégré, composé d'un EPIC de tête, la SNCF, et de deux EPIC « filles », SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Nous allons la suivre de très près. Avec Louis Nègre, nous avons rencontré les dirigeants concernés, qui nous ont indiqué que la mise en oeuvre de la réforme se passait correctement pour l'instant.

Les trains d'équilibre du territoire sont un problème important. Le ministère a créé une commission ad hoc, dirigée par Philippe Duron, comme la commission Mobilité 21. Son objectif est de clarifier l'articulation entre les différents services, TGV, TET et TER, et de déterminer le type de matériel dont nous aurons besoin dans les années à venir, ce qui est d'autant plus important que la clientèle pourra choisir, en face, de prendre l'autocar.

Nous voterons ce budget. Notre système ferroviaire a besoin de votes positifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je rappelle que nous entendrons la semaine prochaine la Cour des comptes, sur son rapport consacré à la grande vitesse ferroviaire, et que nous entendrons les présidents des trois EPIC du groupe public ferroviaire au tout début de l'année prochaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Ce que nous avons vu pour les budgets ferroviaires et routiers est affligeant, sans même parler de l'indemnisation d'Écomouv'. On va dans le mur, soit en klaxonnant, si l'on approuve tout, même l'absence des 800 millions d'euros, soit en disant stop. Lorsque la majorité du Sénat était la même que celle du Gouvernement, il lui est déjà arrivé de s'y opposer ! Affirmer qu'il y a des incertitudes et rejeter l'adoption de ces budgets nous grandirait. Nous savons que l'ensemble des infrastructures va être pénalisé, ce qui est extrêmement grave. Nous mesurons là l'inconséquence d'un Gouvernement qui ne sait plus où l'on va.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Les arguments du rapporteur sont objectifs, puisqu'il cite Gilles Savary et les présidents de régions. Je suis inquiet de l'absence de provision pour l'indemnisation d'Écomouv', qui risque de poser problème. Je constate un manque de cohérence par rapport à la volonté de favoriser des modes de transport plus respectueux de l'environnement. Nous faisons l'inverse. Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre ces crédits.

Les propositions du rapporteur, ainsi que son amendement, sont tout à fait intéressants. Je reconnais que la situation du système ferroviaire vient de loin, ce qui octroie à l'actuel Gouvernement des circonstances atténuantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Même si les tendances politiques avaient été inversées, nous aurions entendu le même constat. Les gouvernements qui se sont succédé ces trente dernières années sont tous responsables, ce qui n'exonère pas le Gouvernement actuel de ses responsabilités dans ce domaine.

Si l'ouverture à la concurrence permettait de faire baisser les coûts, cela se saurait ! Je vous renvoie à l'exemple de l'ouverture à la concurrence dans le domaine de l'énergie. Cette proposition n'est pas à la hauteur des problèmes auxquels nous sommes confrontés s'agissant du financement des infrastructures.

Je suis favorable à la sanctuarisation des crédits permise par l'AFITF. Cette idée d'une suppression doit venir de Bercy, qui a tendance à préférer tout mélanger dans un pot commun, pour décider ensuite de sa répartition.

Il faut trouver des moyens pour l'AFITF. Dans mon groupe, nous avons proposé de nous intéresser à la rente des autoroutes.

Nous sommes devant une série de décisions qui, dans le temps, sont assez incompréhensibles et incohérentes, ce qui est vraiment inquiétant, pour notre industrie surtout, qui était un fleuron. J'ignore pour quelle raison elle n'a pas voulu, su ou pu s'adapter, mais je confirme, après avoir visité l'usine de Reischoffen, que c'est préoccupant. Il est donc important d'essayer de trouver des solutions.

Je ne suis pas opposée à la lutte contre la fraude. Je voudrais même qu'on aille beaucoup plus loin. Si on arrivait à être efficace contre l'évasion fiscale, la fraude aux cotisations sociales, etc., on récupérerait une cinquantaine de milliards d'euros. Je vous invite donc à faire preuve d'audace dans ce domaine et à combattre la fraude là où elle est élevée. A défaut, nous n'y arriverons pas sur le plan budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

On voit bien que la priorité est donnée à l'entretien et à la maintenance, pour assurer l'efficacité et la sécurité du système ferroviaire. Le rapporteur peut-il nous préciser les crédits qui y sont affectés dans ce projet de loi de finances ? Y a-t-il un plan pluriannuel, qui donne de la visibilité dans ce domaine ?

Je suis tout à fait favorable à l'amendement du rapporteur. La fraude dans les transports n'est pas du tout du même ordre que celle évoquée à l'instant par notre collègue. Il faut éviter de stigmatiser les entreprises, qui ne sont pas les seules à frauder, loin de là.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Tant que les négociations avec Écomouv' n'ont pas abouti, je ne vois pas en quoi il serait nécessaire d'inclure 800 millions d'euros dans ce budget. On ne sait pas encore quand, ni sous quelle forme cette indemnité devra être payée.

Je partage l'inquiétude exprimée sur les industries ferroviaires. Les TGV mériteraient parfois d'être remplacés, mais les moyens ne sont pas là. Les TER ont été victimes de leur succès. En raison de l'abondance des besoins, le matériel s'est usé plus vite que ce qui avait été prévu au départ. Il faudrait pouvoir remplacer ce matériel en confortant la filière française.

Nous voterons cet amendement sur la fraude. Les fraudes ne sont pas nécessairement là où on pourrait le croire, puisque je vois très souvent des personnes en première classe qui essaient de frauder, et sont en plus très désagréables avec le personnel de la SNCF.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

MM. Dantec, Bignon et Mandelli ont demandé la parole, mais le rapporteur doit bientôt nous quitter...

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Je m'engage à leur répondre à une autre occasion.

Notre débat n'est pas superficiel, c'est un débat de fond. Que fait-on pour sauver notre pays, ses performances, ses compétences, ses emplois ?

Le budget n'est pas mirobolant, et je vous remercie de l'avoir reconnu, Jean-Jacques Filleul. Mon interrogation ne porte pas sur le montant des crédits, car je connais les difficultés actuelles de notre pays. Comme je l'ai dit, il y a une stabilité des ressources. Le problème est que je ne suis pas sûr qu'en face de ces ressources théoriques, l'argent soit, en pratique, disponible. Il y a un doute sur les engagements financiers qui ont été pris. Pour répondre à Odette Herviaux, à la place du Gouvernement, j'aurais provisionné de l'agent pour l'indemnisation d'Écomouv'. Les portiques sont installés, les salaires ont été payés. Il faut au moins provisionner ces dépenses, qui sont inéluctables. Je ne parle pas du calcul des indemnités, parfois évaluées à 1,5 milliard d'euros. Je reproche au Gouvernement de reculer devant ses problèmes financiers, au lieu de les anticiper et de les mettre sur la table.

De la même façon, je me suis prononcé contre la réforme ferroviaire, qui n'a pas abordé de front le problème de la dette qui plombe le système.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ce n'est pas une raison pour reculer ce problème encore de deux ans, comme un répit qu'on demande à un bourreau...

La loi sur la réforme ferroviaire a prévu la remise, dans deux ans, d'un rapport pour savoir ce qu'on va faire. Il y a le feu au lac. Il faudrait avoir une vision à plus long terme.

Je conviens que l'ouverture à la concurrence ne résoudrait pas tous les problèmes. Je regarde tout simplement de l'autre côté du Rhin, où le coût de production du kilomètre de train est de 20 à 40 % moins cher ! Je voudrais que nous fassions aussi bien que l'Allemagne - et nous en sommes tout à fait capables - sans qu'il y ait de troubles sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Depuis la première directive européenne d'ouverture à la concurrence, au début des années 2000, nous avons eu le temps de nous préparer ! Or, nous ne sommes pas prêts...

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Effectivement. C'est pour cela que je suis favorable à l'État stratège. C'est l'établissement historique de la SNCF qui a conduit à un manque d'État stratège ou de Parlement stratège. Lorsque j'étais rapporteur de la loi Grenelle, je n'ai pas réussi à obtenir la présentation du schéma national des infrastructures de transports (SNIT) devant le Parlement, alors que cela me paraissait une bonne idée. On sent bien que tout le monde est un peu fautif.

Il est vrai que les quatre lignes à grande vitesse ont entraîné des dépenses considérables. Mais, à l'époque, la droite a fait ce choix avec le soutien de la gauche. Nous avons tous réagi de la même façon.

Ce n'est pas seulement Bercy qui est à l'origine de la remise en cause de l'AFITF, mais aussi la Cour des comptes. L'orthodoxie budgétaire, c'est beau, mais c'est, à l'arrivée, une catastrophe pour nos infrastructures.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits « transports ferroviaires, collectifs et fluviaux » du projet de loi de finances pour 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Je le trouve excessif, car on peut oublier deux fois sa carte dans l'année lorsqu'on prend tous les jours les transports en commun. Il faut trouver un juste milieu entre 2 et 10. On crée un contentieux exagéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Le pays va dans le mur avec ce type de raisonnement. Ce discours conforte l'idée que la fraude peut être tolérée. J'essaie de comprendre pourquoi notre pays fonctionne mal, sur un certain nombre de points. À partir du moment où l'on donne des excuses, on arrive vite à dix cas de fraude par an ! Ce n'est pas ma philosophie.

En outre, lorsque la contravention donne lieu à une transaction, c'est-à-dire lorsque l'usager s'acquitte de l'indemnité forfaitaire, elle n'est pas comptabilisée. Cet amendement s'attaque donc bien à la fraude pure.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je constate une large majorité de la commission sur cet amendement...

L'amendement est adopté à l'unanimité des suffrages exprimés.

La commission examine le rapport pour avis sur les crédits « Biodiversité et Transition énergétique » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2015.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Pour l'examen des crédits « Biodiversité Transition énergétique », nous avons désigné Jérôme Bignon, rapporteur pour avis. C'est, cher collègue, votre premier rapport de nouveau sénateur, mais vous avez déjà abordé ces questions en tant que député. Aussi, je pense que, sur ce sujet également, la commission va pouvoir bénéficier d'un regard d'expert.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Monsieur le Président, mes chers collègues, j'ai l'honneur de vous présenter l'avis budgétaire relatif aux politiques de la biodiversité et de la transition énergétique. Il concerne les crédits de trois programmes au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » ; le programme 159 « Information géographique et cartographique » et le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ».

Ces trois programmes regroupent au total 918 millions d'euros, soit 13,8 % des 6,65 milliards d'euros de l'ensemble de la mission, auxquels il faut ajouter un volume important de recettes fiscales affectées aux opérateurs qui en assurent l'exécution.

Je vais vous les présenter successivement, en examinant les crédits et les principales évolutions et je m'arrêterai, pour chacun d'entre eux, sur un ou deux points thématiques, qui devront faire l'objet de notre vigilance et de notre suivi au cours de l'année 2015.

Aussi bien les politiques de la biodiversité que celles de la transition énergétique doivent cette année être à la hauteur de rendez-vous importants.

Le premier est le projet de loi relatif à la transition énergétique pour une croissance verte, qui devrait être examiné par le Sénat début 2015. Premier grand rendez-vous législatif depuis le Grenelle de l'environnement, il vise à mettre en oeuvre les orientations issues des dernières Conférences environnementales et du grand Débat national sur la transition énergétique, et à opérer une véritable mutation écologique de notre modèle de développement.

Le deuxième est le projet de loi relatif à la biodiversité, adopté en juin dernier par la commission du développement durable à l'Assemblée nationale, avec Geneviève Gaillard comme rapporteure, et qui devrait rapidement venir à l'ordre du jour en 2015. Il entend renouveler les outils permettant d'agir sur la restauration des écosystèmes, la qualité de l'eau et la préservation de la biodiversité, en prévoyant notamment la création d'un nouvel établissement public administratif, l'Agence française pour la biodiversité (AFB).

Si 2014 était une année importante pour la politique de l'eau avec le 50ème anniversaire de la loi sur l'eau, 2015 le sera également avec la 4ème Conférence européenne sur l'eau, qui se tiendra à Bruxelles le 23 mars 2015, et le 7ème Forum mondial de l'eau, en avril, en Corée du Sud.

Enfin, la 21ème Conférence des parties à la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui se tiendra à Paris dans un an, doit, nous l'espérons tous, aboutir à un nouvel accord international sur le climat, applicable à tous les pays, dans l'objectif de maintenir le réchauffement mondial en deçà de 2°C. Dans ce contexte, les crédits consacrés cette année à la biodiversité, à l'énergie et au climat ne peuvent pas être en-deçà de ces enjeux : il en va de la crédibilité des politiques publiques menées dans ces domaines.

Le programme 113 a pour principal objectif de mettre en oeuvre la stratégie nationale de la biodiversité 2011-2020. Il est doté de 277 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 275,9 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui est quasiment stable par rapport à l'année dernière. Il convient d'y ajouter les recettes fiscales destinées aux opérateurs, soit 2,3 milliards d'euros, principalement affectées aux agences de l'eau.

L'action n° 1 « Sites, paysages, publicité », avec 6 millions d'euros, concentre 2,2 % des crédits du programme. Elle consiste en la protection et la gestion des sites classés. C'est d'autant plus important que les lois relatives aux paysages sont anciennes et méritent d'être actualisées. Un million d'euros sera consacré à la mise en oeuvre des atlas de paysage, qui sont des outils de connaissance partagés par les acteurs du territoire. C'est un point qui sera abordé dans le projet de loi relatif à la biodiversité.

L'action n° 7 « Gestion des milieux et biodiversité » concentre à elle seule, avec 265 millions d'euros en AE et 264 millions en CP, l'essentiel des crédits (95,7 %) du programme.

Concernant la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité, le décret permettant de finaliser le socle réglementaire de la Trame verte et bleue a été publié le 20 juin 2014 : il s'agit d'un document-cadre qui appuie l'élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique, les SRCE. Le premier de ces schémas a été adopté en Île-de-France en octobre 2013 et la dynamique régionale se poursuit : 3 SRCE ont été adoptés en juin et juillet 2014. La totalité des schémas devrait être adoptée en 2015. Deux millions d'euros y seront consacrés en 2015.

Pour ce qui est du réseau Natura 2000, il est quasiment achevé au niveau national, sauf en ce qui concerne la désignation des sites marins au large. Des travaux sont en cours, en vue de proposer à la Commission européenne des sites complémentaires d'ici la fin 2015. S'agissant des sites en mer, il peut y avoir des difficultés avec l'armée, notamment sur les lignes de rupture du plateau continental, où on trouve une très grande richesse biologique mais qui sont aussi parfois des zones de « cache » des sous-marins. Le réseau Natura 2000, qui n'est plus aussi conflictuel qu'il a pu l'être, comprend aujourd'hui 1 758 sites et couvre plus de 12,5 % du territoire métropolitain terrestre, 43 % de la mer territoriale et 5 % de la zone économique exclusive, hors outre-mer.

Environ 4,5 millions d'euros seront consacrés à la mise en oeuvre de la directive cadre Stratégie pour le Milieu Marin, qu'on appelle la DCSMM, et de la directive cadre sur l'eau, la DCE. Je m'y arrête un instant pour vous dire que nous entrons cette année dans une phase très importante pour la mise en oeuvre de la DCSMM. En effet, après la notification en décembre 2012 à la Commission européenne des trois premiers éléments qui doivent constituer les plans d'action pour le milieu marin, autrement appelés PAMM, à savoir « l'évaluation initiale des eaux marines », « la définition du bon état écologique des eaux marines » et « les objectifs environnementaux et les indicateurs associés », la consultation publique sur les « programmes de surveillance » vient de prendre fin en novembre 2014 pour une adoption à la fin de l'année, et la consultation publique sur les « programmes de mesures » s'ouvrira le 19 décembre 2014 avec l'objectif d'une notification à la Commission européenne fin 2015. On peut d'ailleurs se réjouir que tout se passe bien et sans retard sur l'application de cette directive.

Concernant plus particulièrement les milieux humides, un 3ème plan d'action national en faveur des zones humides a été lancé en septembre 2014. Un nouvel élan est donné.

Enfin, concernant la préservation du milieu marin, on compte depuis septembre 2014 six parcs naturels marins. Le parc Estuaire de la Gironde et Pertuis charentais est en voie d'aboutissement et trois autres projets sont à l'étude.

J'attire votre attention sur l'exécution des crédits de ce programme. En effet, plus de 143 millions d'euros d'engagements ne seront pas couverts par des paiements au 31 décembre 2014, c'est-à-dire environ la moitié de la dotation en crédits de paiements du programme, qui s'établit à 275 millions d'euros. Cela risque fortement de contrarier la réalisation de nouveaux projets prévus dans le cadre de ce programme.

Un premier point concerne les moyens et l'ambition qui seront mis au service de la future Agence française pour la biodiversité (AFB). Consistera-t-elle en une simple fusion d'établissements existants ? Aura-t-elle les moyens de sa politique ? Vous le savez, le projet de loi biodiversité prévoit la création de ce grand opérateur public en matière de biodiversité, dont l'idée n'est pas nouvelle puisqu'on parlait déjà à l'époque du Grenelle d'une agence de la nature.

Un premier rapport de préfiguration a été rendu par Bernard Chevassus-au-Louis et Jean-Marc Michel, que notre commission a d'ailleurs entendu, en avril 2013. Mais une nouvelle mission de préfiguration vient d'être lancée par la ministre fin octobre, pour la phase plus opérationnelle de mise en oeuvre, autour de Gilles Boeuf, Annabelle Jaeger et Olivier Laroussinie, sous le « haut patronage » d'Hubert Reeves.

Les contours de cette future agence sont encore flous. Son périmètre d'abord : à ce stade, l'ONCFS, l'ONF ou encore le Conservatoire du littoral, resteraient en dehors, mais est-ce optimal ? L'harmonisation des statuts sera également un enjeu budgétaire majeur puisque la moitié des 1 200 agents concernés sont des contractuels et qu'il s'agira de faire entrer sous plafond tous les personnels hors plafond. Le budget de l'agence, qui à ce stade, serait constitué des ressources des établissements existants, pourrait également être élargi à d'autres sources de financement : je pense par exemple à la piste, devenue serpent de mer, des redevances pour occupation du domaine public maritime. J'insiste pour ma part sur l'importance de la dimension marine de la future agence et des moyens qui y seront consacrés. Le directeur de l'agence des aires marines actuelle, indique qu'un budget de l'ordre de 40 millions d'euros et une équipe de 400 personnes serait nécessaire pour mener à bien ses missions, alors que cette agence ne dispose en 2014 que 22,2 millions d'euros et 145 ETP. Il y a toujours un appétit formidable pour lancer des aventures sans avoir forcément les moyens d'y parvenir. Les enjeux ultramarins sont considérables, puisque 97 % de la mer française est ultramarine.

Le deuxième point sur lequel je souhaite insister est celui des moyens consacrés à la politique de l'eau. Le PLF prévoit, à l'article 16, un prélèvement de 175 millions d'euros sur le budget des agences de l'eau, prélèvement qui sera renouvelé en 2016 et en 2017. Cet article est peut-être, à l'heure où je vous parle, en cours de discussion en séance publique.

Un prélèvement de 210 millions d'euros avait déjà été opéré l'année dernière et les comités de bassin l'avaient voté dans la mesure où cette ponction leur avait été présentée comme exceptionnelle. En réalité, il est devenu pérenne.

Si elles pouvaient le supporter l'année dernière, un grand nombre d'agences se retrouvent aujourd'hui dans une situation financière difficile. Le premier problème est un problème de principe : toute la législation sur l'eau en France, qu'on a même réussi à transposer au niveau européen, est remise en cause par cette idée du prélèvement. Si on pérennise ce prélèvement et que cet argent ne va plus à la biodiversité ou à l'eau, on rentre dans un nouveau système. Cela pose un deuxième problème : nous ne serons plus en mesure de respecter nos engagements européens, dans le cadre de la directive eaux résiduaires urbaines et de la directive cadre sur l'eau.

L'argument du dynamisme des redevances des agences de l'eau a été avancé à l'Assemblée nationale par la rapporteure générale du budget et par le Gouvernement, qui affirment que leurs recettes ont augmenté de 24 % entre 2010 et 2014. Mais cela ne reflète pas la réalité car ce chiffre prend pour référence l'année 2010, qui a été anormalement basse. En effet, en raison du changement opéré par la loi sur l'eau, les agences de l'eau ont mis deux ans pour mettre en place le nouveau type de redevances et on a donc observé un phénomène de rattrapage en 2012. En outre, le calcul du Gouvernement tient compte du fonds de concours pour l'ONEMA, de celui pour l'État et de la part nationale affectée au plan Ecophyto.

Ainsi, en raisonnant sur six ans et sans inclure ces prélèvements nationaux, les recettes des agences n'ont en réalité augmenté que de 2,6 % en six ans, soit moins que l'inflation, qui est d'environ 7% sur la période.

C'est pourquoi j'ai déposé en séance publique un amendement visant à supprimer cet article 16, amendement destiné à alerter les élus sur ce sujet qui risque d'avoir de réelles conséquences. Plus encore que la logique de l'investissement local, c'est un coup de canif donné à l'esprit de la politique de l'eau en France. Je sais d'ailleurs que la ministre a reçu la semaine dernière les six présidents des comités de bassin et a été très sensible à ce cri d'alerte. Mais maintenant, quelle solution pourra être trouvée ?

Concernant le programme 159 « Information géographique et cartographique », les crédits alloués, qui s'élèvent cette année comme l'année dernière à 97 millions d'euros, recouvrent pour l'essentiel la subvention versée à l'Institut national de l'information géographique et forestière, l'IGN, issu de la fusion en 2012 de l'IGN et de l'Institut national forestier.

J'ai entendu, dans le cadre de cet avis budgétaire, le directeur adjoint de l'Institut. Beaucoup de choses m'ont semblé particulièrement intéressante pour notre commission, notamment au titre de sa compétence aménagement du territoire. J'ai d'ailleurs eu l'impression que l'IGN était un instrument d'aménagement du territoire trop peu connu, trop peu utilisé et qui mériterait probablement d'être mieux valorisé.

Je pourrais vous raconter l'histoire de la cartographie depuis le XVIIème siècle mais je vais vous en dispenser : vous pourrez consulter mon rapport si ces questions vous intéressent.

Je tiens seulement à souligner que le projet de synergie entre les cartes cadastrales et topographiques, qui avait été prévu par l'ordonnance royale du 11 juin 1817 mais qui avait échoué à l'époque va enfin aboutir aujourd'hui, grâce à la signature, le 22 mai 2014, d'une convention relative à la constitution de la représentation parcellaire cadastrale unique (RPCU), qui devrait être achevée dans sept ans environ.

Autre point de vigilance, le contrat d'objectifs et de performance signé entre l'État et l'IGN pour la période 2013-2016, signé en mai 2014. Il devra permettre de remédier aux difficultés financières structurelles de l'établissement, qui présente un décalage entre ses recettes et ses dépenses d'investissement. Il serait intéressant de rendre visite aux personnels de l'IGN, d'autant que ce n'est pas très loin.

Dernier programme, le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ». Ses crédits s'élèvent à 541,6 millions d'euros en AE, et 545,2 millions d'euros en CP, en baisse d'environ 8,5 % par rapport à l'exercice précédent. Ils sont quasi-intégralement destinés à garantir les droits sociaux et l'accompagnement des mineurs en cas de fermeture d'entreprises minières et ardoisières, via la subvention versée à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs. La baisse des crédits du programme s'explique en grande partie par la diminution naturelle des ayants droits de « l'après-mines ».

Les 5 % restants de ces crédits sont donc consacrés, d'une part, à la politique de l'énergie, d'autre part, à la lutte contre le réchauffement climatique.

Au-delà de ces crédits, je souhaiterais donner un signal d'alarme sur trois sujets :

Le premier est la grande inconnue du financement de la transition énergétique : malgré les financements mis en avant par le Gouvernement, de l'ordre de 10 milliards d'euros sur 3 ans, les mesures du projet de loi ne paraissent pas clairement financées, comme nous l'avait d'ailleurs dit le Conseil économique, social et environnemental quand nous l'avons entendu. Le coût du plafonnement du nucléaire reste flou, les objectifs fixés par l'article 1er semblent pour la plupart très optimistes et leur calendrier de mise en oeuvre difficile à croire.

Le deuxième point de vigilance concerne le fonds chaleur, dont les crédits n'ont pas cessé de diminuer depuis 2010. On sait pourtant que cet outil, institué par le Grenelle de l'environnement, est efficace sur les territoires. La Cour des comptes, dans un rapport sur le financement des énergies renouvelables a indiqué que les dotations au profit de ce fonds auraient dû augmenter pour progressivement atteindre 500 millions d'euros en 2012, puis 800 millions d'euros en 2020, selon le plan arrêté lors de sa création. Or, les décisions budgétaires successives ont limité l'enveloppe à 1,2 milliard d'euros sur la période 2009-2013, soit 240 millions d'euros seulement en moyenne annuelle, un niveau très inférieur aux intentions initiales. La ministre de l'écologie a annoncé en juin un doublement du fonds, pour atteindre 400 millions d'euros en 2017. Or, aucune précision sur les moyens d'atteindre cet objectif ne figure dans le projet de loi de finances. Il y a donc là une vraie incertitude sur laquelle nous devrons interroger le Gouvernement.

Le dernier point de vigilance concerne la lutte contre le réchauffement climatique, avec notamment la conférence des parties qui se tiendra à Paris en décembre 2015. Cette dernière devra aboutir un nouvel accord sur le climat, qui soit applicable à tous et qui permette de maintenir le réchauffement climatique mondial en deçà de 2°C d'ici à la fin du siècle. C'est pourquoi le débat parlementaire à venir sur la transition énergétique devra être l'occasion d'engager résolument la France sur la voie d'une transition vers un modèle décarboné. Je suis convaincu qu'il est absolument nécessaire d'articuler lutte contre le changement climatique et politique de préservation de la biodiversité. Dans son rapport « Planète vivante » de septembre 2014, le Fonds pour la nature (WWF) indiquait que la Terre a perdu la moitié de ses populations d'espèces sauvages en quarante ans, sous l'effet combiné de la dégradation de leurs habitats, des pratiques agricoles, de la pollution et du changement climatique. En Europe, à titre d'exemple, selon une étude publiée le 3 novembre dernier par le journal scientifique Ecology Letters, plus de 400 millions d'oiseaux d'espèces communes ont disparu en 30 ans.

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a fait adopter lors d'une seconde délibération sur l'article 32 un amendement minorant les crédits de la mission de 33 millions d'euros. Cette baisse affecte le programme 113 à hauteur de 4 millions d'euros, le programme 159 à hauteur de 860 000 euros et le programme 174 à hauteur de 800 000 euros.

Les crédits des programmes que je viens de présenter ont certes été en partie préservés, mais ils ne semblent pas à la hauteur des enjeux cruciaux qui nous attendent, non pas dans trois ou cinq ans, mais en 2015. Aucun signal positif n'est donné, à travers ces crédits, concernant le financement de la transition énergétique ou celui de la mise en oeuvre de la nouvelle gouvernance de la biodiversité. En regardant uniquement les crédits, j'aurais plutôt eu tendance, à titre personnel, à vous proposer de donner un avis favorable. Mais il n'y a aucune lecture par rapport aux perspectives importantes qui sont devant nous. C'est pourquoi je vous proposerai, mes chers collègues, de donner un avis défavorable aux crédits de ces trois programmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Concernant le prélèvement sur les agences de l'eau, outre ce qui a été dit par le rapporteur sur le non-respect du principe qui veut que l'usager paye une redevance pour une destination particulière, on commence concrètement à voir dans nos territoires des difficultés des agences de l'eau à financer des projets. Dans le département dont je suis élu, il y a des collectivités qui ont travaillé pendant des années avec les agences de l'eau sur des projets d'assainissement collectif qui doivent aujourd'hui y renoncer. C'était donc une bonne chose de déposer des amendements pour supprimer le prélèvement.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Je voudrais féliciter notre jeune rapporteur qui finalement est un rapporteur expérimenté, qui a travaillé déjà beaucoup à l'Assemblée nationale sur les questions de biodiversité et de transition énergétique. Son travail est très argumenté. Je voudrais insister sur la question du prélèvement des agences de l'eau. C'est encore de l'argent en moins pour la mise aux normes des stations d'épuration, pour la recherche sur les écosystèmes et les continuités écologiques, etc. C'est scandaleux, d'autant que ce n'est pas la première fois. Je me souviens que nous avons été confrontés à un prélèvement important lorsque Dominique Voynet était ministre de l'environnement. C'est la raison pour laquelle le groupe UMP s'associe au point de vue du rapporteur avec un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Nous sommes tous conscients des difficultés. Il ne s'agit donc pas d'alourdir les charges en privant l'État de 175 millions d'euros de recettes. Une solution consisterait à laisser l'argent aux agences et à débudgétiser une partie des crédits du programme 113, par le biais d'un amendement sur la deuxième partie que je déposerai la semaine prochaine si mon premier amendement à l'article 16 est adopté. Ainsi, ce serait une opération blanche pour le Gouvernement mais l'argent de l'eau resterait à l'eau. On préfigurerait ainsi le financement de la future Agence française pour la biodiversité.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Certains se rappellent que j'étais un peu « grognon » lors de la réunion de bureau où nous avons réparti les avis budgétaires. Finalement, je trouve que c'est une excellente chose que ce soit la majorité sénatoriale et l'opposition nationale qui aient un certain nombre de rapports, et notamment sur l'environnement. Cela donne lieu à des moments tout à fait intéressants. J'espère que le compte-rendu sera fidèle, pour les années qui viennent...

Tout d'abord sur la transition énergétique, je ne suis pas d'accord avec le rapporteur. Je trouve que ce budget est intéressant puisqu'il fonctionne plus en termes de garanties et d'outils mis à disposition des territoires pour faire. Ce n'est pas l'État qui va payer la transition énergétique. J'en tiendrais presque un discours libéral. Mais c'est bien le modèle économique qui permet la transition énergétique. L'État doit créer les conditions de la transition énergétique. L'année qui vient devra dire si les collectivités se saisissent de ces outils financiers. Avec un million de garanties ou de prêts à taux réduit, on peut faire des milliards et engager la transition énergétique à la bonne échelle.

Il reste encore des simplifications administratives sur le développement rapide du renouvelable, sur la maîtrise par les territoires d'un certain nombre d'outils de la transition énergétique comme la distribution, même si j'ai cru comprendre qu'il n'y avait plus beaucoup de soutien sur ce sujet. Mais globalement, je pense que l'État prend les choses dans le bon sens. Il ne s'agit pas de financer les choses, mais permettre de faire. Monsieur le Président, il serait utile que nous ayons une analyse concrète avant la loi de finances de l'année prochaine sur la façon dont les territoires se sont saisis de ces outils de financement et quels sont les éventuels obstacles qui demeurent. Je ne partage donc pas le pessimisme du rapporteur, même si j'ai trouvé que son rapport était très complet et très pédagogique.

Je suis en revanche tout à fait d'accord avec lui sur le Fonds chaleur. À Nantes, nous avons développé, grâce au Fonds chaleur, un réseau de chauffage urbain qui aujourd'hui s'autofinance, ce qui correspondrait à 9 % des émissions de gaz à effet de serre du territoire.

Sur l'eau, je suis globalement d'accord sur le principe qui veut que l'argent de l'eau va à l'eau. Il y a trois ans, nous avions déjà parlé de hold-up sur les agences de l'eau. À l'époque c'était Nathalie Kosciusko-Morizet qui le défendait. Les malfrats ont donc changé mais le hold-up demeure. C'est donc devenu une tradition bien installée au sein de l'État de prendre dans la caisse des agences de l'eau. Il faudrait y mettre un coup d'arrêt. Je rejoins le rapporteur : nous avions là un levier intéressant pour abonder le budget de l'Agence française pour la biodiversité. En outre, beaucoup de lobbies ont fait pression pour réduire le périmètre de l'agence. Or, nous avions là une occasion d'avoir une seule police environnementale, des agents moins spécialisés mais qui interviennent sur l'ensemble du périmètre. Le résultat est peu rationnel et implique plus de dépenses de l'État pour un résultat moindre. Malheureusement, on voit bien qu'il y a un décalage entre le discours général et la confrontation aux cas particuliers. J'espère que le rapporteur sera persuasif pour qu'un jour, toutes les structures soient rassemblées au sein de l'Agence pour la biodiversité. On ne peut pas se lamenter sur le nombre d'oiseaux qui disparaissent et ne pas être capable de relâcher six ours dans les Pyrénées. C'est une vraie faiblesse.

Pour conclure, je crois qu'il y a un double discours, qu'on retrouve sur Ecomouv. Je pense que c'est une bonne chose qu'on n'ait pas inscrit le dédit Ecomouv dans ce budget. Car tant qu'il n'est pas inscrit, l'avenir n'est pas totalement fermé. Or, aujourd'hui, l'État se trouve sur un dédit d'un milliard environ pour une facture annuelle de fonctionnement d'Ecomouv de 250 millions d'euros. Est-ce qu'il est raisonnable de tout arrêter ? Ou peut-on trouver une solution de repli pour garder, y compris peut-être à perte pour quelques années, le dispositif Ecomouv, pour permettre à d'autres de l'utiliser, notamment les régions. On pourrait régionaliser le dispositif, en Alsace par exemple. Mais quels élus défendront ce principe d'une régionalisation d'Ecomouv demain dans la campagne des régionales ? Le problème sur les budgets de l'environnement, c'est qu'au-delà des grandes phrases, quand on entre dans le détail, il y a un fossé qu'on ne franchit jamais.

J'étais donc heureux d'entendre une grande partie des propos du rapporteur. Néanmoins je ne suivrai pas son avis car pour une fois qu'un budget est préservé, il ne faut pas bouder son plaisir.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je tiens à préciser que la mauvaise humeur de Ronan Dantec ne venait pas de la répartition des avis budgétaires entre l'opposition et la majorité mais venait de la répartition au sein de l'opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Je félicite moi aussi le rapporteur pour son propos très intéressant et documenté, ce dont je ne doutais pas pour avoir vu comment Jérôme Bignon a présidé l'Agence des aires marines protégées pendant des années. J'ai quelques remarques.

Je suis d'accord avec le rapporteur lorsqu'il dit que les crédits ne peuvent pas être en-deçà des enjeux. Mais, comme le disait mon collègue Ronan Dantec, il n'y a pas que les crédits qui comptent, il y a aussi la volonté politique.

Lorsqu'on parle de la préservation du milieu marin, il est vrai que l'on peut regretter l'insuffisance des moyens. Mais, comme je le disais à l'époque où j'étais à l'Agence des aires marines protégées, c'est une bonne chose de se donner les moyens de sa politique, néanmoins on ne peut faire que la politique de ses moyens. Très souvent, je crois que les agences ont un peu tendance à faire grossir leurs besoins et à augmenter un peu la nécessité.

Enfin, sur les problématiques des milieux marins, mon collègue Jacques Cornano voulait également rappeler le problème, tant d'un point de vue de santé publique que de biodiversité, de la pollution marine par les algues sargasses, en Guadeloupe et en Martinique. Il faudra en tenir compte.

Sur le programme 159, j'apprécie votre discours sur l'IGN. J'ai eu l'occasion de rencontrer les personnels du SHOM, le service hydrographique et océanographique de la marine. Il faut mettre en synergie ces organismes pour définir plus finement le trait de côte. On sait qu'avec le réchauffement climatique et avec l'avancée des côtes, nous devrons avoir une cartographie précise et de plus en plus fine.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Poher

Je voudrais tout d'abord remercier le rapporteur. Il a parlé de transition, de biodiversité, de climat : cela veut dire que dans l'année qui vient, il sera possible de faire beaucoup de choses, de se dépasser et de dépasser nos clivages politiques. En effet, le paysage, la biodiversité, ou encore la nature, c'est autre chose, c'est amoureux davantage que politique. Je vous remercie donc de nous avoir donné un peu d'espoir.

Je regrette néanmoins de ne pas vous avoir pris comme avocat lorsque j'étais président du comité de bassin de l'agence de l'eau Artois-Picardie pendant dix ans. La situation n'était pas facile. J'y ai mis tout mon coeur, toute mon énergie et tout mon temps, avec un seul mot d'ordre : la directive cadre sur l'eau. J'ai mobilisé tout le monde, et notamment les collectivités, pour rattraper ce challenge.

Cela commençait à aller mieux lorsque j'ai été chargé de demander au ministre le report des dates de la directive cadre sur l'eau, à 2021, voire à 2027. Malgré tous les efforts que l'on faisait en Picardie, l'état des eaux était difficile avec les nitrates, les perchlorates, les phosphates, les métaux lourds.

Les agences de l'eau ne font pas de profit. Si les recettes ont augmenté, c'est à cause des taxes pour l'ONEMA ou pour le plan Ecophyto. Ce n'était pas de l'argent qui restait dans les caisses des agences. En Artois-Picardie, pour terminer l'année 2013, on a dû ouvrir de nouvelles lignes de trésorerie. Je ne peux pas accepter qu'on prenne de l'argent aux agences de l'eau. C'est pourquoi je m'abstiendrai sur ces crédits. L'eau doit rester à l'eau, le message est important.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bignon

Merci de votre écoute à tous. Il est vrai que ces sujets sont très mobilisants et que dans les années qui viennent, nous aurons à travailler sur le réchauffement climatique, l'eau ou encore la biodiversité. Malgré nos sensibilités politiques différentes, malgré nos approches différentes, on doit pouvoir trouver les moyens de se parler intelligemment, c'est la raison pour laquelle nous sommes membres de cette commission du développement durable. Monsieur Dantec, je crois que l'avenir nous départagera sur un certain nombre de points. Je n'ai pas d'hostilité à l'idée du cercle vertueux des collectivités mais ces dernières n'ont pas plus d'argent que l'État. Sur le Fonds chaleur, s'il fonctionne tout seul, tant mieux, mais je demande à voir. Sur l'eau, nous sommes sur la même ligne. Sur l'Agence française pour la biodiversité, les résistances que vous avez évoquées sont réelles. En tant que président de l'Agence des aires marines protégées, j'ai donné mon sentiment à l'époque et il n'a pas été entendu. Ce qui est intéressant dans cette future agence, au-delà de ses missions, c'est son modèle de gouvernance. Par exemple, le fait d'avoir neuf établissements publics pour les neuf parcs nationaux est beaucoup trop lourd.

Sur les parcs marins, il faut compter déjà trente personnes par parc, mais également un backoffice assuré par l'Agence. En comptant cela, nous ne sommes pas très loin des 400 personnes nécessaires que j'évoquais.

Sur l'IGN, j'ajoute que sa fusion avec l'Institut forestier a été très intéressante car on est en train d'y créer une véritable ingénierie de la cartographie dynamique pour connaître notre territoire forestier. Des jeunes en contrat d'avenir qui vont être formés ont même été embauchés.

Merci Hervé Poher pour vos remerciements. Je connais bien l'agence Artois-Picardie. Je sais les ravages de l'industrie et de l'agriculture sur nos sous-sols. Dans ces conditions, c'est à 2040 qu'il va falloir reporter la directive cadre sur l'eau.

Je vous informe à ce sujet que concernant les amendements de suppression de l'article 16 du projet de loi de finances dont nous parlions tout à l'heure et qui viennent d'être examinés en séance, certains ont été retirés et d'autres ont été rejetés. Le Gouvernement a donné un avis défavorable et la commission des finances a demandé leur retrait. Il faudra continuer le combat tout de même car une politique de l'eau sans moyens pour l'assurer n'existe plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Il est regrettable que le Sénat ait rejeté cet amendement de suppression. Je voudrais dire à Hervé Poher, qui semble un peu embarrassé de ne pas être forcément en accord avec le Gouvernement qu'il soutient, que j'ai également connu cette situation quand j'ai été élu en 2008. J'ai retenu une phrase du président Gérard Larcher qui avait dit à l'époque que la loyauté, ce n'était pas l'inconditionnalité. Quand on est dans la majorité on doit être loyal et voter les textes importants mais on n'est pas obligé d'être d'accord sur tout.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits « Biodiversité - Transition énergétique » du projet de loi de finances pour 2015.