La commission entend une communication de M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial, sur le musée national du sport.
Dans la culture française, associer dans un même nom les mots « musée » et « sport » peut paraître insolite, voire relever de la provocation, tant la vision élitiste que nous avons de la culture en général et des musées en particulier s'accorde mal avec l'univers populaire du sport. Pourtant, il existe un musée national du sport (MNS), même si encore trop peu de nos concitoyens le savent.
Comme nous allons le voir, ce défaut de popularité vient, en partie, d'une histoire mouvementée, ponctuée par des déménagements. Il vient aussi d'une incapacité à présenter les riches collections qu'il possède dans des conditions optimales - du moins, jusqu'à présent.
Alors que le musée aborde une étape cruciale de son existence en déménageant à Nice, pour ce qui peut s'apparenter à une dernière chance de trouver son public, et dans des conditions financières dont nous reparlerons, il m'a paru nécessaire porter un regard d'ensemble sur cet établissement public.
L'idée que la France dispose d'un tel musée pluridisciplinaire date de 1963, à l'initiative de Maurice Herzog, alors secrétaire d'État à la jeunesse et aux sports. Cependant, la naissance du musée prendra du temps. De fait, pendant plus de deux décennies, le musée, à défaut d'être complètement virtuel - puisqu'il a acquis ses collections au cours de cette période - ne disposait pas de lieu d'exposition et n'était donc pas identifiable par le public.
Ce n'est qu'en 1988, soit vingt-cinq ans après le lancement du projet, qu'un espace a pu lui être consacré au sein du Parc des princes.
Néanmoins, dix ans plus tard, les travaux engagés pour l'organisation de la Coupe du monde de football de 1998 et les besoins propres du Paris Saint-Germain, club résident du Parc des princes, conduisent à la fermeture des galeries du MNS. Seules restent sur place l'administration et les réserves du musée, qui redevient en quelque sorte « virtuel ». La Cour des comptes, en 2011, n'a pas manqué de relever le paradoxe qui a voulu que ce soit au cours de cette période d'absence de musée physique que le MNS s'est vu accorder le label de « Musée de France » par le ministère de la culture. De même, c'est en 2006 qu'il a accédé au statut d'établissement public à caractère administratif (EPA).
Enfin, après avoir disposé à compter de 2008 d'un espace au rez-de-chaussée des locaux du ministère des sports, dans le treizième arrondissement de Paris, qui ne lui a pas permis de trouver son public, le ministère a fait le choix, en 2010, d'un déménagement à Nice qui vient tout juste de se concrétiser.
La Cour des comptes, qui a consacré au MNS une partie de son rapport public annuel de 2011, a effectué, à cette occasion, quelques constats cinglants.
Ses critiques portaient sur la tutelle du ministère des sports, qu'elle a qualifiée de « déficiente ». En effet, la tutelle était éclatée entre la direction des sports et la direction des ressources humaines du ministère, dans des conditions peu claires de partage des rôles. À titre d'illustration, le contrat de performance de l'établissement public n'a été signé qu'en 2010, quatre ans après sa création.
Au-delà de ces problèmes administratifs, c'est surtout l'échec du musée sur ses missions fondamentales qui était préoccupant. La « vitrine » parisienne au rez-de-chaussée du ministère n'attirait que moins de cinquante visiteurs par jour en moyenne. D'un point de vue scientifique et culturel, les constats n'étaient pas meilleurs, les quelque 1 200 m2 alors disponibles ne permettant d'exposer de manière permanente qu'environ 350 objets sur le site, c'est-à-dire une partie très restreinte des collections.
Les conditions de travail du personnel (une vingtaine d'emplois) étaient compliquées par l'éclatement des sites : administration au bois de Boulogne, réserves au Parc des princes, exposition dans le treizième arrondissement. Les témoignages que j'ai recueillis m'ont montré la situation très difficile à vivre d'un point de vue humain par les employés du musée face à cette situation d'échec très frustrante.
En 2010, comme l'a souligné la Cour des comptes, c'est donc bien l'existence même du musée national du sport qui était en question. Constat amer au vu, d'une part, de la réelle richesse des collections du MNS et, d'autre part, du succès que des lieux comme le musée du Comité international olympique à Lausanne ou le musée du Barça (lieu le plus visité de toute la Catalogne), qui montrent le grand potentiel de tels établissements.
Le ministère des sports a alors décidé un déménagement en province, dans une ville où le musée pourrait être davantage mis en valeur qu'à Paris et disposer de plus d'espace. Très vite, le choix s'est porté sur Nice, ville qui avait alors lancé son projet de nouveau stade « Allianz Riviera ».
Selon ce que m'ont dit mes différents interlocuteurs, cette candidature était la seule vraiment concrète - ce qui peut d'ailleurs sembler surprenant pour un équipement de ce type.
S'agissant des locaux, le musée dispose d'un espace total de 5 860 m2, dont 2 000 m2 pour le seul espace d'exposition. Celui-ci est donc sensiblement plus vaste qu'à Paris, ce qui permet de montrer davantage d'objets et de prévoir un espace réservé à des expositions temporaires. Le musée dispose également d'une boutique pour vendre des produits dérivés. De plus, l'établissement public dispose enfin d'un même lieu pour l'espace d'exposition, son personnel et ses réserves, ce qui est une réelle source d'optimalité.
Je tiens à souligner la grande mobilisation du personnel, très motivé et désireux de faire de cette expérience un succès. On relèvera toutefois que neuf agents, soit environ la moitié d'entre eux, n'ont pas souhaité suivre le musée à Nice. Selon les éléments qui m'ont été transmis, le coût total des mesures de reclassement s'est élevé à 110 000 euros.
Le financement du déménagement mérite un développement particulier - d'autant qu'il a évolué au fil du temps. Outre la préparation du déménagement des précédents locaux du Parc des princes, qui a coûté un peu plus d'un million d'euros répartis sur 2010 et 2011, l'opération a entraîné le versement par l'État au musée d'une subvention d'investissement de 143 000 euros en 2012 pour préparer le déménagement à Nice, puis d'une subvention de 1,256 million d'euros en 2013 qui tient compte des dépenses consécutives à la libération des locaux parisiens - pour l'essentiel, la remise en état de la vitrine.
En revanche, en 2012, la question du financement de l'emménagement à Nice, avec la conception et l'aménagement des nouveaux locaux, restait pendante et n'avait pas été réglée par le gouvernement sortant. Or, à l'échelle du musée - et même du programme « Sport », il ne s'agissait pas d'un montant négligeable, l'effort exceptionnel à réaliser s'élevant à 4,5 millions d'euros pour l'année 2013.
Des négociations menées entre la précédente ministre, Valérie Fourneyron, et le maire de Nice, Christian Estrosi, ont abouti, du fait de la commune volonté des parties de clore le dossier, à un accord en mars 2013. Ainsi, c'est la Ville de Nice qui a avancé la somme nécessaire en 2013 sous forme d'une subvention forfaitaire. En contrepartie, le musée versera, pour solde de tout compte à la ville, une redevance d'occupation de 537 221 euros hors taxes par an pendant dix ans - ce qui couvrira l'emprunt municipal et les intérêts. Au terme de cette période, le musée occupera ses locaux à titre gracieux. On relèvera enfin que le fonds de roulement du musée a fait l'objet de deux ponctions, de 600 000 euros en 2013 puis de 430 000 euros en 2014.
Compte tenu de ce qui précède, on constate que l'évolution de la subvention de l'État au musée hors charges de personnel reste maîtrisée au vu de l'ampleur de l'opération en cours.
Après une exécution 2013 élevée en crédits de paiement (CP) du fait de la remise en état des locaux parisiens, on note que l'année 2014 intègre le premier versement de redevance de 537 221 euros à la mairie de Nice. Ensuite, la subvention 2015 devrait augmenter à nouveau pour tenir compte des besoins dans ces nouveaux locaux plus vastes. Puis, à compter de 2016, la subvention devrait baisser en tenant compte de l'augmentation des recettes propres du musée. Bien entendu, après 2023, il n'y aura plus à financer la redevance annuelle à la Ville de Nice.
S'agissant du personnel, après le creux logiquement enregistré à la suite des départs des agents ne souhaitant pas aller à Nice, le niveau normal de 19 emplois en équivalent temps plein (ETP) devrait être de nouveau atteint dès la fin de l'année. Il a vocation à rester stable au fil des ans.
Au total, un peu moins de quatre semaines après l'ouverture du musée au public, seul l'avenir dira si le pari de la délocalisation est réussi. Je voudrais dire, cependant, qu'à mes yeux, cette opération « de la dernière chance » méritait d'être tentée. En premier lieu parce que le MNS propose une expérience culturelle originale, qui méritait un écrin plus valorisant que ses anciens locaux parisiens. En deuxième lieu parce que ce musée possède de riches collections, susceptibles d'attirer aussi bien les amateurs de musées traditionnels qu'un public nouveau pour ce genre d'endroits. Et en troisième lieu parce que l'opération a un coût finalement raisonnable, qui sera bien absorbée par le budget du programme « Sport » grâce à la négociation menée entre Valérie Fourneyron et la ville de Nice.
Les facteurs de succès existent. Ils existeront d'autant mieux à l'avenir si le quartier de l'Allianz Riviera, aujourd'hui relativement mal desservi par les transports en commun, se développe dans les années à venir comme le prévoit la mairie.
Une fois formulés ces constats, au stade où nous en sommes (déménagement réalisé, ouverture effectuée), mes préconisations seront nécessairement limitées. Elles concerneront l'État et le musée lui-même.
L'État devra exercer une tutelle efficace sur l'établissement, en particulier en fixant des objectifs clairs à la direction. Ceux-ci devront notamment concerner la fréquentation du musée, qu'il s'agisse de la fréquentation globale ou du niveau d'entrées de certains publics cibles. Ils devront également inclure des objectifs financiers comme le développement des recettes propres (billetterie, boutique, etc.). Même s'il est probablement illusoire de prévoir un autofinancement à brève échéance, on pourrait imaginer qu'à terme, le musée ne coûte pas plus cher à l'État qu'au temps de sa « vitrine » parisienne.
Quant au musée, il lui reviendra de se faire connaître dans son nouvel environnement - mieux qu'à Paris. Cela passera sans doute, dans un premier temps, par de classiques opérations de communication, notamment lors des pics de la saison touristique. Mais il faudra surtout, à terme, donner envie au public local de revenir. Cela passera par l'organisation d'expositions temporaires. Et, loin de Nice, des prêts et des échanges avec des lieux d'exposition plus classiques pourraient aussi permettre à ce musée trop méconnu de rayonner auprès d'un public plus habitué des musées. Le contrat d'objectifs ou la lettre de mission gagneraient donc également à aborder ces thématiques.
Je remercie le rapporteur spécial pour cette communication, dont j'avoue qu'elle m'a fait connaître un musée dont j'ignorais l'existence. Vous avez parlé d'opération de la dernière chance. On peut espérer qu'à Nice, ville peuplée et accueillant de nombreux visiteurs, le MNS pourra susciter de l'intérêt. Malgré tout, il sera difficile d'atteindre la fréquentation des musées plus ciblés dont vous avez parlé, comme le musée du Barça, où les visiteurs sont attirés par un club et une discipline particulière.
Au bout du compte, pensez-vous qu'un musée omnisports comme le MNS trouvera un rythme de croisière à un niveau élevé de visiteurs ?
Il n'existe que très peu de musées parfaitement comparables, pouvant servir de points de référence. Le plus proche est sans doute le musée de Cologne, qui connaît un réel succès. Pour le reste, à Lausanne, on ne s'intéresse qu'aux sports olympiques, certes assez nombreux. Quant à Barcelone, on ne s'intéresse qu'à un seul club.
À mes yeux, l'un des facteurs clés de succès du MNS, qui ne pourra pas s'appuyer sur de tels fondements, sera sa capacité à se renouveler au travers d'événements ou d'expositions provisoires. Ses collections sont immenses et pourront tourner au gré de l'actualité sportive. Il devra aussi collaborer avec d'autres institutions, en prêtant des oeuvres ou en prenant des dépôts des oeuvres d'autres musées.
Dix jours avant l'ouverture, même si tout n'était pas encore en place, j'ai pu voir un superbe écrin, avec une muséographie bien faite. Il reste donc à trouver les moyens d'attirer du public toute l'année.
Comme je l'ai indiqué, il n'y en a pas à ce jour car, après avoir failli mourir, le MNS repart de zéro avec ce déménagement. Mais il va falloir déterminer rapidement de tels objectifs à l'issue des premières observations sur le potentiel du lieu. Le premier week-end a attiré 3 000 visiteurs mais la visite était exceptionnellement gratuite...
On risque de finir vers 15 à 20 000 visiteurs par an. Où le musée est-il situé dans Nice ?
Il est dans le nouveau stade, excentré vers l'ouest de la ville. Pour l'instant, l'accès en transport en commun pèche un peu, même si le train des Pignes s'y arrête. Cependant, le quartier devrait se développer et être desservi par le tramway d'ici à 2018.
Je suis assez sceptique sur le concept de ce musée mais, comme l'indique le rapporteur spécial, l'État et la ville de Nice ont déjà consenti des efforts financiers. Il est tout de même gênant qu'un tel lieu soit difficile d'accès. L'enjeu n'est pas majeur du point de vue des finances publiques. Je trouve néanmoins illogique que cet établissement ne se soit pas vu assigner d'objectifs chiffrés précis.
À mes yeux, l'État devrait avoir d'autres priorités en matière d'investissement et laisser la ville de Nice gérer cet établissement et assumer les dépenses correspondantes.
Il y a quelque part une contradiction entre ce qu'est un musée, c'est-à-dire la conservation d'oeuvres matérielles ou immatérielles, et l'identité du sport, lié à la vie et à l'éphémère. De plus, le caractère omnisports n'est pas toujours très valorisé. Qu'expose donc le MNS ? Et quelles expositions temporaires a-t-il prévu, le cas échéant ?
Même si l'enjeu budgétaire est faible, je suis saisi d'un doute face à ce musée. Avec 20 000 visiteurs par an, même à dix euros le billet, ce qui serait cher, on ne parviendrait qu'à 200 000 euros de recettes, bien loin du niveau des charges et de la seule redevance à verser à la ville de Nice. Peut-être faut-il considérer ce musée comme un investissement, par exemple à l'égard du jeune public, mais certainement pas comme un établissement potentiellement rentable...
J'ai la même interrogation que Michèle André. Qu'expose-t-on au MNS ? Car l'engouement immédiat que suscite le sport n'est pas de même nature que le souvenir d'exploits passés. Il faut que ce musée raconte une histoire, qu'il fasse rêver le public. Par ailleurs, son accessibilité sera sans doute une question clé.
Certains l'ont dit, l'enjeu budgétaire est faible, la subvention de l'État représentant à peine un mois de salaire d'une star du football... Le musée pourrait d'ailleurs probablement attirer du monde en faisant venir en ses murs, une fois par mois, un sportif très connu qui signerait des autographes aux visiteurs. Quant à nous, laissons la ville de Nice assumer ses choix et dressons le bilan de ce déménagement d'ici un ou deux ans.
Plusieurs intervenants ont parlé de laisser faire la ville de Nice, mais le MNS est un musée d'État, d'ailleurs labellisé « Musée de France ». L'État ne peut donc s'en désintéresser.
Il est situé dans le nouveau stade de Nice. Il est visible et accessible de l'extérieur.
J'ai moi-même, comme certains d'entre vous, évoqué la nécessité de fixer des objectifs à ce musée. Mais je reconnais la difficulté de l'exercice car ce lieu n'a pas d'équivalent dans notre pays. J'ajoute que, même s'il est possible que les choses changent à l'avenir, les musées niçois sont aujourd'hui gratuits, les habitants n'ayant donc pas l'habitude de payer pour se rendre dans un musée.
S'agissant du quartier, je vous ai parlé de sa situation actuelle. Il est, en effet, excentré et relativement peu desservi par les transports en commun. Mais la mairie m'a souligné qu'il devrait se transformer dans les années à venir, à l'instar d'autres quartiers environnant des grands stades. Le tramway devrait venir d'ici quatre ans. Or, au minimum, le musée vivra dix ans. C'est, en quelque sorte, sa vraie naissance, cinquante ans après sa création officielle, d'où la difficulté d'avoir des références claires dans cette phase.
Les objets exposés sont très divers. Il y a de nombreux accessoires de sport, comme des voitures de course, des vélos de champions, les gants de Marcel Cerdan, des médailles des différentes olympiades, etc. Mais on y trouve aussi de nombreuses affiches et d'autres illustrations des à-côtés du sport. Les expositions temporaires auront vocation à accompagner de grands événements comme l'Euro 2016, dont plusieurs matchs se joueront à Nice. Mais certaines pourront aborder des thématiques hors de l'actualité immédiate, comme les rapports entre le sport et la mode.
Je vous invite à aller voir ce musée, plaisant à visiter. A l'origine, mes travaux ont été motivés par les incertitudes concernant le financement du déménagement à Nice. Depuis lors, les choses se sont aplanies, notamment grâce à l'effort de la ville sans laquelle il n'y aurait sans doute plus de MNS mais, peut-être, des fragments de collections présentées ici ou là.
Ce n'est pas si sûr, le musée devant fermer au moment des matchs. Il devra donc attirer son public par lui-même.
La commission donne acte de sa communication à M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Présidence de M. Philippe Marini, président -
La commission procède ensuite à l'examen du rapport de M. Jean Germain, rapporteur, et à l'élaboration du texte de la commission sur le projet de loi n° 721 (2013-2014) relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public.
EXAMEN DU RAPPORT
Le projet de loi relatif à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public revient en seconde lecture devant le Sénat.
Nous l'avions adopté, en première lecture, le 13 mai dernier. Il a été examiné et adopté par l'Assemblée nationale le 10 juillet. Sur les quatre articles du projet de loi, trois ont été adoptés sans modification par l'Assemblée nationale et seul l'article premier reste en discussion.
En première lecture, j'avais eu l'occasion de souligner le caractère indispensable et urgent de ce texte qui procède à une validation législative suite à deux jugements relatifs à des contrats d'emprunts structurés rendus par le tribunal de grande instance de Nanterre (TGI). Il y a eu depuis une nouvelle décision concernant la ville d'Angoulême.
Le TGI avait fondé son jugement sur un motif formel. Ayant constaté l'absence ou l'erreur de taux effectif global (TEG) sur des documents contractuels ou pré-contractuels, il a décidé que le taux d'intérêt légal devait s'appliquer depuis la signature du contrat.
Ces jugements sont de nature à mettre gravement en péril Dexia mais aussi la Société de financement local (SFIL), qui a repris une grande partie du portefeuille de prêts de Dexia Crédit Local. Au total, on estime que les deux établissements, majoritairement détenus par l'Etat, pourraient provisionner jusqu'à 10 milliards d'euros, auxquels il faudrait ajouter 7 milliards d'euros si la SFIL devait être mise en extinction.
Ce projet de loi vise donc à éviter un risque potentiel pour les finances publiques de l'ordre de 17 milliards d'euros.
La loi de finances rectificative pour 2013 a mis en place un fonds de soutien aux collectivités territoriales, d'un montant d'1,5 milliard d'euros, afin de les aider à sortir des emprunts structurés. Ce fonds est financé pour près de deux tiers par le secteur bancaire. Il apportera une aide qui pourra aller jusqu'à 45 % du montant de l'indemnité de remboursement anticipé que la collectivité territoriale pourrait être amenée à payer. Le décret relatif au fonds de soutien a été publié début mai. Il devrait donc fonctionner dans les toutes prochaines semaines.
Le projet de loi fait donc partie d'un ensemble équilibré proposé l'année dernière par le Gouvernement.
J'en viens maintenant plus directement au texte qui nous est transmis par l'Assemblée nationale. Les articles 2, 3 et 4 ont été adoptés sans modification. Les modifications apportées par le Sénat, en particulier l'ajout de l'article 4 demandant un rapport sur la réforme du taux effectif global, ont été conservées.
L'Assemblée nationale, à l'initiative du rapporteur et avec l'avis favorable du Gouvernement, a précisé la rédaction de l'article premier en modifiant une référence au sein du code de la consommation. L'article premier faisait référence à l'article L. 313-1 du code de la consommation et il apparaît effectivement plus pertinent, d'un point de vue juridique, de viser l'article L. 313-2.
Cette précision me paraît bienvenue et je souhaite donc que le Sénat adopte l'article premier dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale de sorte que le projet de loi puisse être définitivement adopté par le Parlement.
Vous préconisez donc un vote conforme qui vaudra adoption définitive du texte par le Parlement.
Je me réjouis de ce que les propositions du rapporteur que nous avions adoptées aient été retenues par les députés. La modification apportée par l'Assemblée nationale était utile. Dès lors, je suis notre rapporteur dans sa préconisation d'adopter ce texte sans modification.
La semaine dernière, la commission des finances a procédé à la désignation des membres du Sénat qui siégeront au comité national d'orientation et de suivi du fonds de soutien : Jean Germain sera suppléé avec beaucoup de vigilance par Francis Delattre.
Devant de tels enjeux, le vote conforme ne me paraît pas inatteignable.
Nous savons que les contentieux ne vont pas s'arrêter puisque seuls des jugements de première instance ont été rendus jusqu'à présent. Il va y avoir des appels. Que va-t-il se passer durant la période interstitielle entre le jugement de première instance et l'appel ?
N'y a-t-il pas un problème constitutionnel ? On légifère pour contrarier une décision de justice et nous savons que les communes sont décidées à utiliser tous les moyens juridiques possibles, y compris une question prioritaire de constitutionnalité, qui pourrait nous placer en situation de précarité devant un dossier qui demande à être réglé définitivement.
Je voudrais être sûr que, après le vote de ce texte, les problèmes seront réglés. Est-il possible de mieux « verrouiller » le texte d'un point de vue juridique ?
C'est un débat que nous avons eu longuement lors de l'examen en première lecture et même auparavant lors de différentes auditions de notre commission.
D'un point de vue juridique, les périodes interstitielles sont toujours très compliquées à gérer. Il y avait déjà eu une validation législative, mais qui avait été censurée par le Conseil constitutionnel car la rédaction n'était pas assez précise et ne distinguait pas selon les personnes morales, publiques ou privées, ni selon les prêts, structurés ou non. Ce point a été vu dans la nouvelle réécriture. On ne peut savoir à l'avance ce que va décider le Conseil constitutionnel, mais selon sa jurisprudence actuelle et récente, on peut penser que la rédaction proposée passerait l'examen du Conseil constitutionnel avec succès.
Je rappelle que le but du texte n'est pas d'empêcher les collectivités territoriales de former un recours, mais d'empêcher que ce soit pour un motif de forme. Un recours sera toujours possible, mais sur un autre motif, par exemple, pour défaut de conseil ou conseil erroné... Cela empêche simplement de fonder le recours sur le défaut de mention ou l'erreur du taux effectif global (TEG).
EXAMEN DE L'ARTICLE
Je mets aux voix l'article premier et donc l'ensemble du projet de loi. Je rappelle que le rapporteur est favorable à une adoption conforme.
Le projet de loi est adopté sans modification.
La commission entend une communication de M. Philippe Marini, président, au sujet de la proposition de résolution de Mme Bernadette Bourzai sur la taxation des produits énergétiques et de l'électricité.
La commission des affaires européennes a adopté le 25 juin une proposition de résolution européenne sur la taxation des produits énergétiques et de l'électricité, à l'initiative de notre collègue Bernadette Bourzai.
En application de l'article 73 quinquies du règlement du Sénat, notre commission, saisie au fond sur cette proposition de résolution, dispose d'un mois pour rendre un avis. A défaut, celle-ci est considérée comme tacitement adoptée.
La proposition de résolution de la commission des affaires européennes aborde avec prudence la poursuite des négociations sur la révision de la directive 2003/96/CE du Conseil restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité, actuellement au point mort en raison de divergences entre les États membres.
Elle n'est contradictoire ni avec la position du Gouvernement français, ni avec les préoccupations exprimées l'an dernier par la commission des finances sur l'aménagement des taxes intérieures de consommation sur les produits énergétiques.
Elle prend notamment en compte le souhait de voir maintenue dans la future directive la dérogation existant en matière de modulation infranationale de la taxation de l'énergie (carburants et électricité par exemple).
Pour ces raisons, le rapporteur général et moi vous proposons de ne pas désigner de rapporteur sur ce texte.
La suggestion du président et du rapporteur général me semble judicieuse.
Dans le cadre de mes fonctions de rapporteur spécial de la mission « Aide publique au développement », j'ai souhaité travailler cette année sur notre aide au Vietnam.
Ce choix s'explique par plusieurs particularités de ce pays.
Tout d'abord, le Vietnam est l'un des principaux bénéficiaires de l'aide publique au développement (APD) française. Notre pays est le deuxième donateur bilatéral du Vietnam après le Japon, avec 18,4 milliards de dollars d'engagements cumulés depuis 1993, et le Vietnam est le troisième récipiendaire de nos financements.
L'Agence française de développement (AFD) y est présente depuis 1993 et ses engagements cumulés se sont élevés depuis lors à 1,5 milliard d'euros ; sur les dernières années, ce pays représente environ 100 millions d'euros d'engagements par an pour l'AFD.
Par ailleurs, l'économie vietnamienne a connu un développement très important ces dernières années, suite à la politique d'ouverture entamée au début des années 1990 : depuis lors, le PIB par habitant a été multiplié par trois et le Vietnam a accédé à l'OMC en 2007. Certes, la mauvaise conjoncture internationale a entraîné un ralentissement de l'activité dans le pays, mais il demeure tout de même sur un rythme de croissance de 5 %.
Nos relations économiques apparaissent néanmoins déséquilibrées et loin d'être à leur potentiel. Premier investisseur occidental au Vietnam jusqu'à une date récente, la France est aujourd'hui le deuxième investisseur européen et le quinzième investisseur mondial, ainsi que le treizième fournisseur - seulement - du Vietnam. Notre déficit commercial bilatéral s'est profondément creusé, pour atteindre 2,1 milliards d'euros en 2012, sous l'effet conjugué d'une forte hausse des importations et d'une forte baisse des exportations.
Enfin, le dynamisme économique du Vietnam lui a permis de passer, en 2010, de la catégorie des « pays les moins avancés » à celle des « pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure », ce qui emporte plusieurs conséquences en termes d'aide publique au développement : une baisse de la concessionalité des financements, un risque de désengagement de certains bailleurs et d'une réduction du montant global de l'aide, mais aussi une nécessité de réorienter l'aide vers le secteur privé et de modifier les outils mobilisés. Je reviendrai sur ces différents points au cours de l'exposé.
Dans le cadre ce contrôle, je me suis rendu sur place du 19 au 23 mai dernier, afin de m'entretenir avec les responsables français et vietnamiens et de visiter certains projets.
Comme je le disais à l'instant, le changement de catégorie du Vietnam a entrainé le désengagement de plusieurs bailleurs. Il s'agit notamment du Royaume-Uni, dont le départ sera effectif en 2016, de la Suède, du Luxembourg et du Danemark.
Je sais que certains collègues critiquent parfois l'aide française aux pays qui ont déjà accédé à un certain niveau de développement, mais je considère pour ma part que la présence française au Vietnam est nécessaire et justifiée, car elle n'est pas coûteuse et représente un levier d'influence dans un pays en plein développement et avec lequel nous avons des liens privilégiés.
Au demeurant, le dispositif de l'AFD est relativement limité. Je rappelle avant toute chose que l'AFD est un établissement public industriel et commercial (EPIC) et que ses emplois ne sont donc pas des « emplois budgétaires » : les salaires sont payés par les intérêts des prêts qu'elle accorde. Au total, l'agence emploie vingt-cinq personnes, dont seulement trois expatriés, assistés de trois volontaires internationaux en entreprise (VIE). Le coût de fonctionnement de l'agence représente environ 1 million d'euros par an, en baisse par rapport aux dernières années. Depuis 2004, les engagements signés par l'agence ont été multipliés par quatre, alors que dans le même temps les frais généraux n'ont été multipliés que par deux.
Il n'est pas vraiment possible de calculer un résultat par pays, car les coûts fixes sont prépondérants et il serait nécessaire de pouvoir les ventiler par poste. Mais si l'on regarde le produit net bancaire de l'agence, diminué de ses charges bancaires et de ses frais généraux, l'on constate que la présence de l'AFD au Vietnam est « rentable ».
J'ajoute qu'on ne peut réduire l'activité de l'AFD à des données bancaires : elle participe également à notre diplomatie et joue un rôle d'influence de moyen terme. S'agissant du Vietnam, l'AFD exerce en particulier un rôle central en matière de diplomatie climatique pour sensibiliser ce pays à cette problématique, dans la perspective de la Conférence Paris Climat 2015 (COP 21) l'an prochain dans notre capitale.
Je voulais également souligner que, dans son souci d'économie, le groupe AFD a supprimé le poste de représentant de la filiale de l'AFD, Promotion et Participation pour la Coopération économique (Proparco), à Hô Chi Minh-Ville. Ce point n'est pas anodin, car il a pour conséquence de réduire considérablement la visibilité de la présence du groupe AFD dans le Sud du Vietnam.
Or, le clivage Nord / Sud est relativement fort dans le pays, qu'il s'agisse de cuisine... ou d'économie et de politique.
J'ai pu m'entretenir avec la vice-présidente chargée des finances du comité populaire de Hô Chi Minh-Ville qui m'a fait part de ses regrets que la présence française dans le Sud du pays ne soit pas plus forte, alors que cette région représente une part significative du PIB vietnamien et abrite la part la plus importante et la plus dynamique du secteur privé. Le fait que j'ai commencé mon déplacement par le Sud a d'ailleurs été apprécié.
Enfin, mon sentiment personnel est que le directeur de l'agence et ses collaborateurs effectuent un travail de grande qualité, avec un vrai souci de promouvoir le développement du pays, tout en défendant les intérêts de la France.
Je le répète, l'accès du Vietnam en 2010 à la catégorie des « pays à revenu intermédiaire » emporte des conséquences sur l'aide dont il bénéficie. Ces effets ne sont pas immédiats et les changements seront ressentis que progressivement, du fait du « temps long » de cette politique.
J'ai cependant souhaité disposer d'éléments à ce sujet et m'en suis entretenu avec les différents bailleurs internationaux, avec le vice-ministre du plan et de l'investissement, avec le vice-ministre des ressources naturelles et de l'environnement, ainsi qu'avec des fonctionnaires du ministère des finances et de celui du développement.
Pour l'instant, l'aide globale dont bénéficie le Vietnam n'a pas diminué, même si le pays doit s'y préparer. La concessionnalité est appelée à décroître. En réalité, ce mouvement est déjà engagé, mais de façon indolore.
Le représentant de la Banque mondiale a ainsi indiqué que le Vietnam continuerait à avoir accès aux prêts très concessionnels de l'Agence internationale de développement (AID) pendant trois ans. De même, ce n'est que progressivement que l'Agence japonaise de coopération internationale (JICA) va diminuer le montant de ses subventions et augmenter la part des prêts.
Quant à l'AFD, le passage du Vietnam dans la catégorie des « pays à revenu intermédiaire » a pu se faire de façon indolore, grâce à la réduction concomitante de son taux de refinancement. Ainsi, la concessionnalité des prêts a diminué sans que le taux d'intérêt acquitté par le Vietnam n'augmente.
Mais la situation de taux historiquement bas que nous connaissons actuellement ne durera pas éternellement et nous retrouvons ici la discussion que nous avions la semaine dernière sur le débat d'orientation des finances publiques quant à notre propre financement. L'encours de la dette augmente, mais le service de la dette diminue sous l'effet du faible niveau des taux d'intérêt.
La remontée des taux d'intérêt impliquerait pour le Vietnam une hausse de son coût de financement, qui sera d'autant plus douloureuse qu'elle risque de se conjuguer à une baisse de la concessionnalité, toutes choses égales par ailleurs.
Je souligne d'ailleurs que l'AFD est le bailleur international qui propose l'offre de prêt la moins intéressante, ce qui tient à ses conditions de refinancement. La baisse de la concessionnalité des bailleurs internationaux, notamment de la Banque mondiale, aura donc un effet positif quant à la compétitivité de notre offre. Je souligne également un autre effet bénéfique de cette baisse de la concessionnalité : le renchérissement des prêts devrait inciter les autorités vietnamiennes à être plus rapides dans la mise en oeuvre des projets.
Enfin, le Vietnam est confronté à un déficit budgétaire de 4,8 % du PIB, qui le rend particulièrement soucieux de disposer d'aides budgétaires directes. La commission des finances est traditionnellement plutôt réservée sur cette forme d'aide, du fait de sa faible visibilité et de sa moindre « traçabilité ». Une seule aide budgétaire directe est accordée par la France au Vietnam, à travers l'AFD : il s'agit du programme national de réponse au changement climatique (le SPRCC), qui représente un prêt de 80 millions d'euros sur quatre tranches, débloquées en fonction de l'atteinte d'objectifs.
Je souhaite également souligner que l'Allemagne développe une stratégie « d'aides programmes », qui vise à véritablement influencer une politique publique dans son ensemble, en conjuguant des « aides-projets », des aides budgétaires et surtout une impressionnante coopération technique.
Nous aurons probablement l'occasion de parler de la faiblesse de la coopération technique française lors de l'examen du prochain projet de loi de finances, dans le prolongement de la réforme initiée par nos collègues de la commission des affaires étrangères.
Au stade de développement qu'a atteint le Vietnam, il est nécessaire de réorienter l'aide, au moins partiellement, des investissements dans les infrastructures vers le renforcement du secteur privé. En dix ans, la part de celui-ci dans la production est passée de 40 % à 60 % et cette évolution va se poursuivre.
Mes interlocuteurs sur place - responsables diplomatiques, mais aussi entrepreneurs français et le directeur-pays adjoint de la BNP - m'ont fait part de leur confiance dans le développement du pays, qui bénéficie notamment d'une population jeune, dynamique et éduquée. Néanmoins, la santé du système bancaire vietnamien suscite des inquiétudes. La réorientation de l'APD vers le secteur privé est d'autant plus importante, dans un contexte où le crédit bancaire est insuffisant.
Le secteur bancaire vietnamien souffre d'un émiettement excessif, avec une cinquantaine de banques privées et autant de banques publiques, et un taux de créances douteuses extrêmement élevé, compris entre 10 % et 20 %, et qui pourrait atteindre 50 % pour certains établissements.
Cette situation s'explique par la proximité entre certaines grandes entreprises et les banques qu'elles détiennent pour se financer : les premières étant mal gérées, les créances douteuses s'accumulent, le tout dans un contexte de bulle immobilière - les prix anticipés ont atteint le niveau de Londres - alors que les emprunts sont souvent gagés sur des biens immobiliers.
Certains acteurs nous ont fait part de l'inquiétude causée par la possibilité d'un effondrement du système bancaire, en expliquant que si les normes IFRS (International Financial Reporting Standards) étaient appliquées, tous les établissements seraient en grande difficulté. Mais la Banque centrale semble avoir pris la mesure du problème et a mis en place une structure de défaisance temporaire, en espérant que la situation sera meilleure dans cinq ans.
Dans ce contexte, j'ai souhaité m'intéresser particulièrement aux partenariats public-privé (PPP), outil extrêmement récent au Vietnam, qui présente l'avantage d'un financement et d'une gestion privés. Combiné à un financement par l'aide publique au développement (APD), il est un gage de sérieux à la fois dans le financement et dans l'exploitation.
J'ai ainsi visité la centrale électrique à cycle combiné au gaz naturel de Phu My 2.2, qui a été financée par un PPP : un investisseur privé (détenu majoritairement par EDF) a construit l'infrastructure et en assure l'exploitation commerciale et la maintenance pendant une durée de vingt ans, avant rétrocession au secteur public.
Ce premier grand PPP au Vietnam a nécessité la création d'outils spécifiques. On pensait alors que ce modèle essaimerait largement, d'autant que les autorités vietnamiennes avaient manifesté leur grand intérêt pour ce mode de financement.
Mais, quelques années après l'achèvement de ce projet, force est de constater qu'il n'a pas vraiment fait école, malgré un succès certain pour EDF comme pour les autorités vietnamiennes. Le directeur d'Électricité du Vietnam m'a assuré de son grand intérêt pour cette forme de financement, mais pourtant aucun nouveau projet de centrale financé par PPP n'a été présenté.
Le diagnostic des différents bailleurs internationaux est concordant : il manque un véritable cadre légal, qui rassure les investisseurs, notamment occidentaux. Un autre projet de PPP a ainsi connu un échec commercial retentissant : le pont de Phu My est une réussite technique mais le trafic n'atteint que 25 % de la prévision, car la route d'accès au pont n'a pas été construite, contrairement à l'engagement des autorités.
La frilosité d'une partie des autorités vietnamiennes s'explique aussi par le fait que, dans leur esprit, le financement et la gestion privée d'une infrastructure publique ne vont pas de soi.
Espérons que cette situation s'améliorera bientôt : un décret est en cours de rédaction sur les PPP et quelques projets intéressants sont en préparation.
Le rythme de décaissement de l'aide est relativement bas au Vietnam, puisqu'il n'atteint que 63 %. Ainsi, entre 2006 et 2010, 7 milliards de dollars d'APD ont été contractés sans être déboursés, ce qui traduit une capacité insuffisante d'absorption de l'aide.
Les bailleurs internationaux sont tous confrontés à ce problème et l'abordent avec les autorités vietnamiennes au sein du « groupe des six banques ».
Pour ma part, je me suis limité aux projets de l'AFD, en étudiant le taux de décaissement de chaque projet encore actif. Le taux moyen n'est pas problématique en tant que tel, puisqu'il atteint 20 % par an, c'est-à-dire que l'ensemble d'un prêt est décaissé en cinq ans. Il pourrait néanmoins être plus élevé.
En revanche, certains projets ont des taux de décaissement excessivement bas. Il s'agit en particulier du projet de métro de Hanoï, qui fait l'objet d'un prêt de 110 millions d'euros de l'AFD et d'un soutien de la « Réserve pays émergents » (RPE) à hauteur de 250 millions d'euros.
La convention relative à la première tranche du prêt (80 millions d'euros) a été signée en février 2007, mais sept ans plus tard, seuls 21 % ont été décaissés. La convention relative à la seconde tranche (30 millions d'euros) a été signée en juillet 2011 et son décaissement n'a pas encore commencé.
Il faut dire que le projet de métro connaît des retards importants : il devait être inauguré en 2015, mais ne sera achevé, dans le meilleur des cas, que début 2019. Les responsables vietnamiens du projet de métro - ainsi que le cabinet français Systra, qui assure la maîtrise d'oeuvre - m'ont expliqué qu'ils avaient rencontré des difficultés dans les expropriations.
Les différents bailleurs internationaux considèrent unanimement que les retards dans les décaissements s'expliquent surtout par une bureaucratie extrêmement lourde. Les décisions peinent à être prises et les circuits de décision sont longs.
Le vice-ministre du développement m'a assuré que le problème était identifié et qu'il existait une volonté de le résoudre.
Je me suis également demandé dans quelle mesure notre politique d'APD favorisait les intérêts économiques français.
Le « taux de retour », s'agissant du Vietnam, n'est pas très bon et s'établit à environ 30 %. Cependant, ce taux ne s'applique pas à la subvention de l'État, mais aux engagements de l'AFD, ce qui implique de tenir compte de l'effet de levier de ses prêts, évalué à 13 en 2013 : en d'autres termes, pour un euro de subvention de l'État, l'AFD accorde 13 euros de prêts sur lesquels un peu moins de 4 euros vont à des entreprises françaises. Il y a donc un vrai soutien aux entreprises françaises, mais il n'en demeure pas moins que ce résultat pourrait être amélioré.
Je m'en suis entretenu avec plusieurs interlocuteurs, à commencer par l'ambassadeur de France au Vietnam. Chaque projet financé par l'AFD fait l'objet d'un avis de l'ambassade, qui traite notamment des retombées potentielles pour les entreprises françaises et qui est joint au dossier soumis au comité d'administration. L'ambassadeur m'a assuré de sa grande vigilance sur cette question.
Je peux également témoigner de l'implication de l'AFD locale sur ce sujet, qui se trouve cependant confrontée trop souvent à une absence d'offre française. Notre APD ne finance ni l'aéronautique, ni le nucléaire, qui sont deux de nos principaux secteurs d'exportation. Il est dommage de ne pas disposer d'un tissu de PME dans le secteur de l'électromécanique, contrairement à nos voisins allemands et italiens.
En tout état de cause, les entrepreneurs français que j'ai pu rencontrer sur place et la chambre de commerce n'ont pas adressé de reproches à l'action de l'AFD et ont même salué ses efforts pour informer les entreprises françaises des appels d'offres qu'elle lançait, par des messages personnels et ciblés.
Leurs préoccupations se sont plutôt portées sur les différents systèmes d'aide à l'exportation et de financement des petites et moyennes entreprises (PME), qui dépassent malheureusement le sujet de l'aide publique au développement.
Le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'AFD prévoit un suivi du critère du taux de retour pour les entreprises françaises.
Enfin, je concluerai en abordant le problème du « ratio grand risque ». En vertu des règles prudentielles, l'AFD ne peut engager plus de 25 % de ses fonds propres auprès d'un même emprunteur ou garant.
L'action de l'AFD au Vietnam n'est pas encore entravée par ce ratio, mais la donne changera dès l'an prochain : les signatures de nouvelles conventions de prêt seront alors limitées aux remboursements en capital.
L'agence de Hanoï espère cependant pouvoir surmonter cette difficulté grâce au développement d'une offre de prêts non souverains. Ceci ne se fait pas sans difficulté car il est nécessaire de préalablement identifier des débiteurs intéressés et intéressants, c'est-à-dire offrant des garanties de sérieux suffisantes.
La situation vietnamienne se distingue de celle d'autres pays, par exemple le Maroc, où se développe également le prêt non souverain : dans le droit vietnamien de l'APD, il n'existe pas d'autre bénéficiaire que l'État. L'APD est en fait une relation bilatérale d'État à État.
En l'absence de véritables collectivités territoriales, il n'est pas toujours facile, pour les autorités locales, d'imaginer qu'une grande entreprise puisse entretenir des relations directes avec un bailleur international.
Pourtant, j'ai perçu un intérêt réel pour cet outil au ministère des finances vietnamien, qui l'analyse comme un moyen de ne pas augmenter l'endettement de l'État.
En conséquence, l'AFD a négocié avec les autorités locales un protocole régissant les modalités de développement de l'activité de crédit non souverain au Vietnam, à la signature duquel j'ai d'ailleurs pris part.
Ce protocole constitue une novation pour l'APD au Vietnam : l'AFD est le premier bailleur à avoir négocié un tel accord et les autorités locales espèrent que les autres suivront. Ce protocole suscite l'enthousiasme et a été évoqué par la plupart de mes interlocuteurs. Plusieurs projets de prêts non souverains sont déjà annoncés, notamment en faveur d'une banque mutualiste agricole - dont j'ai eu l'occasion de visiter une agence et plusieurs projets qu'elle avait financés - et du fonds financier du comité populaire de Hô Chi Minh-Ville, afin de financer le développement d'une université, dans laquelle j'ai également pu me rendre.
Je félicite notre collègue Yvon Collin, avec lequel j'ai été co-rapporteur du budget de l'aide publique au développement. À cet égard, j'ai toujours été surpris de constater que le Gouvernement se complaisait dans une vision limitée de l'APD : il serait nécessaire de mieux prendre en compte la coopération décentralisée, dont le poids est important. En tant que maire de Rennes, j'ai développé un jumelage avec la ville de Hué, qui m'a permis d'apprécier combien les Vietnamiens étaient attachants et courageux. En matière scolaire, nombre de collectivités françaises se sont ainsi impliquées dans la construction d'établissements.
Le tourisme français au Vietnam constitue une composante importante de nos relations bilatérales, mal prise en compte dans les retombées de nos actions de coopération, alors que sur ce plan la France dépasse l'Allemagne et les autres pays européens.
Le Vietnam fait partie de l'organisation internationale de la francophonie, à l'instar du Laos et du Cambodge. Nous ne pouvons cependant que constater combien la pratique de la langue française a reculé. Sans les subventions aux établissements du réseau français, il n'y aurait probablement plus d'enseignement du français au Vietnam.
L'économie administrée a montré ses limites, qu'illustre l'exemple du pont de Phu My : ce pont a été construit sans voie d'accès suffisante par la route.
La forte présence économique et politique de la Chine fait débat. Ainsi, lors de la dernière réunion de l'Assemblée parlementaire de la francophonie (APF) à Ottawa, les représentants vietnamiens ont soumis une résolution protestant contre l'implantation par la Chine d'une plateforme pétrolière en mer du Sud, dans la zone économique exclusive du Vietnam. Mais la position vietnamienne n'a pas été unanimement partagée, notamment par le Cambodge, en raison du poids économique de la Chine.
Yvon Collin a mis en avant l'importance du Vietnam sur l'échiquier géopolitique. Pourrait-il nous expliquer pour quelles raisons les habitants de Hô Chi Minh-Ville lui ont été reconnaissants d'avoir commencé sa visite par le Sud du pays ?
L'histoire récente a aiguisé la concurrence entre le Nord et le Sud du pays. Le Sud reste le principal centre économique et industriel, quand le pouvoir politique est basé au Nord. La plus forte dynamique économique est au Sud du pays : c'est là que se sont mis en place les PPP et que le secteur privé est le plus associé aux projets de développement. Une certaine rigidité administrative est davantage ressentie au Nord. Dans ce contexte, à chaque fois qu'une délégation officielle commence sa visite au Sud, cela est perçu comme une marque de considération par les Vietnamiens vivant au Sud.
Edmond Hervé a raison de souligner l'importance des coopérations décentralisées. J'en citerais deux, ayant eu l'occasion d'en croiser des représentants lors de mon séjour au Vietnam : les actions menées par le centre de prospective et d'études urbaines (PADDI) de la région Rhône-Alpes dans les transports urbains et les opérations de dépollution de la baie d'Halong conduites par la communauté urbaine de Brest. Les coopérations décentralisées devraient effectivement être mieux prises en compte dans le calcul de l'APD.
Pour rebondir sur les propos de Michèle André, j'ai effectivement été témoin du recul de l'apprentissage du français en l'espace de vingt ans. L'anglais domine en tant que langue véhiculaire, accédant au statut que l'esperanto ambitionnait d'atteindre ! Les Français sont perçus positivement au Vietnam et j'ai été bien accueilli. Les Vietnamiens sont attachés aux témoignages historiques, notamment architecturaux, qui subsistent de la présence française.
La commission donne acte de sa communication à M. Yvon Collin, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
La réunion est levée à 11 h 08