Je vous propose de débuter par la présentation qu'Oliver Cadic va faire du rapport que nous proposons de publier, concernant les environnements britannique et français du point de vue des entreprises que nous avons rencontrées à Londres, en avril dernier. Dans un second temps, Mme Nicole Bricq nous fera le compte rendu de notre dernier déplacement en Seine-et-Marne.
Madame la Présidente, Mes Chers Collègues, vous l'avez tous dit à plusieurs reprises, il est de notre devoir, en tant que membres de la Délégation aux entreprises, de peser sur le débat et de contribuer aux réflexions qui permettront de définir les réformes utiles aux entreprises, pour enfin libérer leur croissance.
Lors de la question orale avec débat du 10 juin dernier, nous avons demandé au Gouvernement un bilan de l'application de la circulaire du 17 juillet 2013 relative à la mise en oeuvre du gel de la réglementation en ce qui concerne les entreprises.
Madame la Présidente, vous avez interrogé le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification en rappelant les exemples de nos voisins, comme le Normenkontrollrat en Allemagne, organe indépendant créé en 2006 pour réduire la bureaucratie. Ou encore le Regulatory Policy Committee, créé en 2009 au Royaume-Uni et chargé de vérifier les estimations des coûts et bénéfices de chaque norme envisagée, en termes économiques, sociaux et environnementaux.
J'ai moi-même fait référence à l'Office of Tax Simplification en en rappelant le succès Outre-manche, au regard des économies réalisées pour les entreprises installées au Royaume-Uni.
Je crois que nous avons tout intérêt à rappeler ce que font nos partenaires européens qui réussissent à soutenir les entreprises et connaissent le plein emploi. C'est la raison pour laquelle ce matin nous voulons vous proposer de publier un rapport d'information reprenant les enseignements tirés de notre déplacement au Royaume-Uni. Avec Mme Lamure, nous y reprenons tous les éléments évoqués au cours des échanges et visites organisés à Londres le 13 avril dernier, en apportant des analyses et statistiques permettant d'étayer les arguments développés par les entrepreneurs rencontrés.
En première partie, nous rappelons les chiffres caractérisant l'économie britannique en les comparant à ceux de la France et d'autres membres de l'Union européenne. Nous y proposons une analyse sans tabou, en nous interrogeant sur la précarité régulièrement dénoncée Outre-manche. Pourtant les études menées sur les personnes bénéficiant d'un contrat « zéro heure », tout comme les indices de la Banque mondiale ou de l'OCDE montrent que non seulement les inégalités n'ont pas cru avec les réformes de David Cameron, mais que le revenu moyen ajusté net des ménages est proche de celui de la France.
Nous rappelons également que la culture économique britannique a été qualifiée par nos interlocuteurs de « relativement récente », car elle est née avec Margaret Thatcher, au début des années 1980. La « révolution » opérée ensuite par Tony Blair en 1995 a été déterminante, notamment pour que l'administration accompagne la stratégie du Gouvernement. Il est d'ailleurs intéressant de comparer la portée du mot « révolution » dans les analyses relatives au Royaume-Uni et en France. En effet, lors du débat du 10 juin, le secrétaire d'État nous a répondu, en parlant du Conseil de la simplification, que « la procédure collaborative représente une mini-révolution. En France, culturellement, les normes sont produites par l'administration pour répondre à une orientation politique, mais on ne se soucie pas des modalités d'application...(...) ». Évidemment, lorsqu'on entend cela, on réalise que nous sommes encore loin de la révolution du parti travailliste de 1995. Mais si nous rappelons régulièrement ce qui marche chez nos voisins, alors nous finirons certainement par aider les entreprises françaises. D'ailleurs le secrétaire d'État lui-même a expliqué avoir fait un « tour d'Europe des exemples qui ont donné plus ou moins de résultats » et en avoir « retenu quelques principes d'action ».
La seconde partie du rapport détaille le pragmatisme britannique qui inspire tant les entrepreneurs français.
Nous y évoquons la simplicité fiscale - avec un coût du travail beaucoup moins élevé qu'en France, et la simplicité administrative avec la règle du « One in, One out » devenue « One in, Two out » : elle a permis aux entreprises de réaliser des économies s'élevant à 2,2 milliards de livres, soit plus de 3 milliards d'euros.
La flexibilité y est également abordée, avec l'utilisation du temps de travail lors de la crise comme outil de dialogue social pour éviter les licenciements. La question des indemnités montre également les différences de coûts pour des employeurs en France et Royaume-Uni. Il est intéressant d'avoir ces exemples en tête alors que le Premier ministre vient d'annoncer le plafonnement des indemnités en cas de licenciement injustifié.
Enfin nous abordons le pragmatisme sous l'angle de la confiance : confiance dans les entreprises appelées à se développer, avec des mesures attirant les investissements ; confiance à l'égard des entrepreneurs que l'administration fiscale n'empêche pas de travailler ; mais aussi confiance dans la relation contractuelle entre employeur et employé. Le rapport d'Alain Lacabarats sur la justice prud'homale est saisissant : la France a été condamnée 58 fois en 2012, et 51 fois en 2013 avec un montant de 1,4 million d'euros. Avec des dysfonctionnements aussi graves, peut-on réellement affirmer que le droit du travail protège les salariés en France ?
Voici, mes chers collègues, la structure du rapport que nous vous proposons de publier, afin que notre déplacement au Royaume-Uni laisse une trace et puisse contribuer au débat qui nous préoccupe tous.
Je vous remercie.
Merci pour le résumé de ce rapport traduisant les témoignages recueillis lors de notre déplacement à Londres.
Je ne partage en aucun cas les conclusions de ce rapport que je considère comme un rapport idéologique, ne reflétant pas fidèlement la réalité du Royaume-Uni.
Tout d'abord, vous évoquez un taux de chômage de 5,4% mais il diffère de ce qui est annoncé dans l'ouvrage du cercle d'outre-Manche relatif à la France et au Royaume-Uni face à la crise, que vous nous avez communiqué. Il y est précisé que le chiffre britannique de 2,5 millions de chômeurs en 2013 ne tient pas compte des chômeurs qui ont travaillé à temps partiel, de ceux qui ont abandonné toute recherche d'emploi ni de ceux qui ont reçu une formation. Le congrès des syndicats britanniques -TUC- estime pour sa part que le chômage au Royaume-Uni, toutes catégories confondues, touche au total 4,7 millions de personnes. Toute comparaison appelle donc une grande prudence.
Ensuite, il me semble nécessaire d'évoquer sous tous ses aspects le modèle britannique que vous présentez comme porteur d'effets positifs et de dispositifs utiles aux entreprises, et, selon vous, plus efficace que le modèle français. Je voudrais donc apporter des précisions sur les conséquences tout d'abord sociales, puis économiques de ce modèle britannique.
Du point de vue social, je m'attacherai simplement à rappeler certaines données que je tire directement de l'étude comparative du cercle d'outre-Manche précitée. Cette dernière nous apprend notamment qu'il existe au Royaume-Uni des « sous-SMIC jeunes ». Ainsi, en 2014, pour les moins de 18 ans, le salaire minimum est de 4,5 euros de l'heure, pour les 18-21 ans, de 6 euros de l'heure et pour les 22 ans et plus, le salaire minimum est de 7,5 euros de l'heure, alors qu'en France le SMIC s'établit à 9,6 euros de l'heure pour tous les travailleurs. Si telle est la voie que nous voulons prendre, il s'agit de le dire clairement et distinctement.
Par ailleurs, je m'inscris en faux contre l'affirmation selon laquelle les « contrats zéro heure » n'auraient pas créé de précarité. Sans dire que ces derniers sont l'unique cause de l'explosion de la précarité en Grande-Bretagne, il me semble qu'ils en sont probablement une. Les salariés sous contrat « zéro heure » expriment le fait qu'ils vivent « au jour le jour » sans aucune perspective. Ce modèle ne me paraît pas nécessairement transposable en France.
Je souligne également qu'au Royaume-Uni, parallèlement au développement des « contrats zéro heure », les aides sociales ont été attaquées de toutes parts -ce qui a valu au Premier ministre britannique un surnom de « boucher des allocations ». Un exemple frappant est celui de la bedroom tax qui frappe les plus personnes les plus vulnérables, en leur retirant des aides au logement ; elle a notamment touché les personnes handicapées utilisant une pièce pour y stocker leur matériel médical.
Le bilan social de ce modèle se traduit par 13 millions de britanniques vivant aujourd'hui sous le seuil de pauvreté et 1 million de personnes - contre quelques dizaines de milliers auparavant - ayant recours au Trussell Trust, la principale banque alimentaire britannique.
J'entends bien que vous souhaitez surtout vous inspirer du système britannique d'un point de vue économique, et non pas social, mais de ce point de vue aussi, un certain nombre d'éléments me permettent de nuancer fortement, voire de contredire, le tableau que vous faites des réussites économiques découlant de ce modèle. Tout d'abord, la Grande-Bretagne vient seulement de retrouver son niveau de PIB d'avant-crise, quand la France l'a retrouvé bien avant. Les lois sociales et le code du travail sont autant d'amortisseurs sociaux qui nous ont préservés. De ce point de vue, notre modèle est plus efficace.
D'autres indicateurs économiques, à contre-courant de l'apparence de réussite économique du Royaume-Uni, peuvent être mis en avant. Le niveau de déficit public s'établit à 6,5% -je reprends ici les chiffres de l'ouvrage du cercle d'outre-Manche-, l'endettement des ménages britanniques est deux fois plus important que celui des ménages français. Enfin, vous avez souvent mis l'accent, à juste titre, sur la croissance de l'investissement productif, de 8,5% en 2014. Toutefois cette hausse intervient après une chute de 20% entre 2008 et 2013.
Pour conclure et à l'aune de l'ensemble de ces paramètres, je ne vois dans le système britannique ni l'efficacité économique que vous défendez, ni l'efficacité sociale et encore moins un modèle.
Je suis membre du Conseil de la simplification, dont les travaux comportent un volet relatif aux entreprises. Cette instance, qui se réunit en ce moment-même et toujours le jeudi matin, a également adopté une approche comparative. Nous avons présenté, le premier juin dernier, une cinquantaine de propositions dont un certain nombre rejoignent les mesures que vous décrivez dans votre rapport, lequel complètera l'information de ce Conseil.
J'ajoute que notre collègue député Christophe Sirugue a produit un rapport qui se traduira par une simplification législative du compte pénibilité.
Il me semble intéressant de se pencher sur les causes du succès britannique, car les chiffres de 2,6% de croissance ou de 2,4 millions d'emplois créés ne peuvent nous laisser indifférents.
J'aimerais d'abord souligner que l'assouplissement monétaire n'est pas étranger à la réussite britannique, puisque ses effets contribueraient, selon certains économistes, à un quart de la réussite économique. Néanmoins, la question monétaire n'est pas la seule raison d'un tel succès qui tient également à certaines spécificités de la Grande-Bretagne à laquelle la France ne peut, ni ne doit s'assimiler, en raison d'une tradition et d'une culture différente de part et d'autre de la Manche. Il s'agit dès lors de trouver un juste milieu et de s'inspirer de certaines mesures, je pense notamment à celles qui ont pour but de prioriser la création d'emploi et de valeur en soutenant l'investissement dans les entreprises. Le système d'aide à l'investissement dans les entreprises a été renforcé, les déductions d'impôt passant de 20% à 30% puis à 50% des sommes investies dans les entreprises. Cette initiative de soutien de l'économie réelle me semble indispensable.
Par ailleurs, on ne rappelle plus l'importance d'une stabilité fiscale pour créer un environnement favorable à l'activité des entreprises.
Enfin, D. Cameron disait qu'il souhaitait « la main d'oeuvre la plus compétente et la plus flexible d'Europe », on touche là à des questions qui concernent directement le code du travail.
Ainsi, un certain nombre d'éléments clés du modèle britannique peuvent nous inspirer et il ne faut pas, à mon sens, tout rejeter en bloc. Un tel niveau de croissance doit inciter à nous questionner. Corrélativement, il faut garder les pieds sur terre et savoir concilier nos traditions avec la nécessité de la réforme. Il me semble en revanche que notre obsession doit être la création de valeur ajoutée dans l'entreprise et l'emploi.
Je rejoins totalement Martial Bourquin lorsqu'il souhaite trouver un « juste milieu » entre nos deux modèles. Je rappelle que la France possède de nombreux atouts que l'on souhaite conserver et qu'il ne s'agit pas de vouloir ressembler à la Grande-Bretagne. D'un autre côté, certaines mesures mises en oeuvre par notre voisin britannique peuvent nous inspirer.
Assurément, le fait de comparer la France et le Royaume-Uni créée un choc culturel. Notre démarche, lorsque nous avons programmé le déplacement à Londres, s'inscrivait dans une volonté de partir à la découverte de nos différences sans a priori, tout en gardant en tête que la France ne sera jamais le Royaume-Uni et inversement. Il y aura toujours en revanche un respect mutuel de nos différences.
Pour répondre plus précisément à la remarque de M. Watrin sur le SMIC évolutif, je tiens à souligner que le Royaume-Uni n'est pas le seul pays à avoir fait le choix d'un emploi moins payé pour enrayer le chômage de masse des jeunes. La France a pour le moment fait le choix inverse, mais il me semble que dans la conjoncture actuelle, la question mérite d'être posée.
En revanche, je tiens à être clair sur le fait que tous les chiffres qui vous ont été communiqués sont officiels ; ainsi le taux de chômage au Royaume-Uni, en date de février 2015, s'établit à 5,4%.
Le cercle d'outre-Manche, dont les travaux datent de 2014, a clairement différencié les stratégies britannique et française, que l'on peut respectivement qualifier « d'économie trampoline » et « d'économie de l'édredon» : si la France a bénéficié d'amortisseurs sociaux, force est de constater que l'on rebondit moins vite.
Nous tenions à témoigner de notre expérience à Londres et, sans vouloir copier le modèle britannique, nous pouvons néanmoins nous inspirer de ce dernier pour retenir un certain nombre de mesures qui pourraient être bénéfiques pour l'économie française.
Je vous demande à présent votre accord pour la publication de ce rapport qui reprendra en annexe le compte rendu de cette discussion afin que toutes les opinions soient représentées.
La Délégation autorise la publication du rapport.
Je cède maintenant la parole à notre collègue Mme Nicole Bricq qui va rendre compte du déplacement que nous avons effectué dans le département dont elle est élue jeudi 11 juin.
Je vous remercie d'avoir accepté de proposer à la Délégation ce déplacement en Seine-et-Marne. Je suis heureuse qu'aient pu y participer plusieurs d'entre nous. En effet, mes chers collègues, Madame Lamure et moi-même étions accompagnés de Madame Patricia Morhet-Richaud et de Monsieur Dominique Watrin.
Notre journée a débuté par une table ronde à la Chambre de commerce et d'industrie qui a réuni 17 entrepreneurs. Ils sont venus témoigner des freins et leviers à la croissance de leur entreprise, en insistant - comme de coutume - sur les freins, certains ne craignant pas des propos radicaux.
L'intérêt de cette table ronde était de réunir, à une exception près, des entreprises industrielles, ce qui, pour moi, traduisait un message important: l'Ile-de-France est un territoire productif.
Comme ceux que nous avions déjà rencontrés, ces entrepreneurs ont rappelé leur besoin de prévisibilité, de stabilité et de lisibilité. Ils ont exprimé des craintes à l'égard des seuils, déploré la complexité du droit du travail, les charges sociales, les distorsions concurrentielles entre pays européens (Allemagne, Espagne, Slovaquie), l'accès difficile aux marchés y compris publics, les contrôles fiscaux - trop souvent - consécutifs à l'octroi de crédits d'impôt (CIR, CICE)...
Mais ils constatent aussi des difficultés à recruter, des relations défaillantes avec Pôle Emploi, des déficiences du système d'apprentissage ; ils témoignent également de difficultés à obtenir des soutiens bancaires, même s'ils ne précisent pas pour quel besoin spécifique de financement. En outre, ils peinent à accéder au grand export ; l'une des PME a cité l'exemple de la Chine où le grand groupe qu'elle fournissait a préféré produire sur place plutôt qu'en France.
Des propos radicaux ont même été tenus : « il faut arrêter les subventions, qui sont surtout un nid à complexité et du temps perdu » ; « il reste deux pays soviétiques au monde : la Corée du Nord et la France » ; « la simplification est livresque »...
Cela étant dit, j'ai observé que lors des deux visites, l'une au Nord du département (à ACRELEC, leader sur le marché des bornes digitales) et l'autre au Sud (JPB Système, leader dans l'aéronautique), nous avons pu entendre un autre discours, ancré dans le réel de deux entreprises, véritables success stories basées sur l'innovation, la formation, la croissance (organique et externe), le positionnement sur des marchés porteurs et l'accompagnement des pouvoirs publics locaux, régionaux et nationaux.
J'y reviendrai dans les leçons générales à tirer de cette journée pour nos travaux futurs. Le tour de table matinal a relevé des points positifs :
- le rôle utile de la BPI ;
- la reconnaissance portée aux acteurs locaux : mairie, intercommunalités, département, région ;
- le rôle positif de la numérisation, les entrepreneurs ayant conscience des progrès à accomplir dans la robotisation, à laquelle l'un des chefs d'entreprise a attribué un rôle « primordial » ;
- enfin, nous avons eu trois exemples d'entreprises dynamiques ayant fait l'objet de reprise heureuse.
J'ai relevé des demandes et des souhaits auxquels il nous faut être attentifs :
- disposer de référents administratifs dédiés ; j'ai noté la satisfaction, à ce sujet, de ceux qui ont obtenu le label d'exportateur agréé par les douanes, et le mécontentement de plusieurs de ne pas avoir de référents dédiés à Pole Emploi ;
- mettre en place la dématérialisation des factures entre entreprises, notamment afin de réduire les délais de paiement ;
- adapter l'État qui doit assumer un rôle d'exemplarité et lui-même se «décongestionner ».
Je tire donc de cette journée quelques leçons générales que je soumets à l'attention de la Délégation :
- quel que soit le sort final de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), il nous faudra veiller à l'accompagnement de proximité : la Région est clairement chef de file en matière d'économie, celle-ci doit être un sujet prioritaire des Conférences Territoriales instituées par la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) ;
- les chefs d'entreprise sont comme tous les Français : ils ne croient qu'à ce qu'ils ressentent concrètement, ils se méfient des annonces. Un plan média, fût-il fort, une loi fût-elle votée, ne seront ressentis que lorsqu'ils se concrétiseront dans la vie de l'entreprise. Voici quelque temps, nous entendions parler de lors de nos visites du compte pénibilité ; nous n'avons entendu à ce sujet aucune remarque cette fois-ci, après les annonces faites et le satisfecit donné par les organisations patronales. Nous n'avons pas non plus entendu de référence explicite au nouveau dispositif de suramortissement ; en revanche, quand j'ai interrogé les deux chefs d'entreprise visités, j'ai eu une réponse enthousiaste, ils présenteront un dossier dans la fenêtre ouverte par le gouvernement ;
- l'apprentissage est un sujet majeur. Il saute aux yeux et aux oreilles que cela ne va pas. Les sommes qui y sont dédiées sont pourtant substantielles, des rapports y ont été pourtant consacrés. Sans doute faut-il les reprendre et faire des propositions précises ;
- je ne prends pas à la légère le cri du coeur d'un participant d'«arrêter les subventions ». Sans doute les contrôles de l'administration et quelque fois les redressements qui ont suivi, le temps qui y est consacré, la complexité des dossiers demandés par l'administration provoquent du ressentiment ; mais il existe des mécanismes qui faciliteraient la vie des entreprises, comme la procédure de rescrit fiscal qui permet préventivement de se mettre d'accord sur l'interprétation de la réglementation, et ils sont peu ou pas connus. Ce cri du coeur attire notre attention de parlementaire sur l'exercice de notre rôle de contrôle et d'évaluation des mesures prises ;
- je relève aussi qu'il y a un ressenti comme quoi le « compte n'y est pas », entre ce qui est donné d'un côté et ce qui est pris ou repris de l'autre. L'un nous a cité le coût de la mutuelle obligatoire : 50 € par salarié, et je retiens aussi le surcoût de l'établissement de la feuille de paie induit par le recours au CICE.
Il conviendrait d'établir des cas-types afin de faire le point du rapport coût / avantages.
Merci beaucoup. Grâce à vous, nous avons visité de belles entreprises. Il serait utile d'emmener des jeunes visiter de telles entreprises industrielles, qui sont modernes et très bien tenues.
Je me souviens que nous avions été accueillis dans la Drôme par une entreprise, Valrhona, qui clamait « Bienvenue dans une entreprise qui se porte bien ! ». En Seine-et-Marne, nous avons été très bien accueillis à la Chambre de commerce et d'industrie (CCI), par ces mots : « Bienvenue dans une CCI qui va mourir ! ».
En effet, avec mes collègues de tous bords, nous nous sommes battus, pour maintenir une CCI en Seine-et-Marne et dans l'Essonne. Nous avons gagné mais les moyens ne suivent pas. Les CCI de Paris et de Versailles sont très puissantes et ont absorbé d'autres CCI. En Seine-et-Marne, la fusion des deux CCI, du Nord et du Sud du département, a déjà été une épreuve.
La CCI de Seine-et-Marne dispose d'un Centre de formation d'apprentis (CFA) très développé. Il propose des formations à la restauration, et c'est ainsi que nous avons pu y prendre notre repas, préparé et servi par de jeunes apprentis qu'il était réconfortant de rencontrer à cette occasion.
Je regrette de ne pas avoir pu participer à ce déplacement en Seine-et-Marne. Je relève un point important : Pôle Emploi devrait être l'interlocuteur privilégié des entreprises.
En tant qu'entrepreneur, je peux vous dire que je n'ai jamais recruté par Pôle Emploi : l'historique de la création de cet organisme pèse encore sur son fonctionnement ; en outre, les collaborateurs de Pôle Emploi, qui se sont bien adaptés aux métiers tertiaires, ne semblent pas bien connaître les milieux industriels. Par ailleurs, il me paraît naturel que les entrepreneurs rencontrés par la Délégation ne soient pas dans l'anticipation mais témoignent de ce qu'ils vivent, parfois de façon brute. De toute façon, rien de ce qui se profile, avec le compte formation individualisé, le compte pénibilité, la Déclaration Sociale Nominative (DSN), la création de hautes autorités, ou celle de conférences territoriales, ne va vraiment dans le sens de la simplification. La complexification va encore plus vite que la simplification ! Je peux en témoigner : depuis une circulaire de décembre 2014, toute imprimerie doit établir une facture par candidat et par produit. Comme il y a 4 produits et 2 tours pour chacun des 15 candidats, ce sont 120 factures au lieu de 15 qu'il faut désormais établir ! Renseignements pris, il apparaît que cette décision pénalise même la Direction générale des Finances publiques (DGFIP) du ministère des Finances et les services déconcentrés de l'État : chacun subit une complexité dont nul ne semble être à l'origine !
Dans la Drôme, l'entreprise qui nous disait que tout allait bien demandait aussi qu'on la laisse travailler : ne l'oublions pas ! Concernant Pôle Emploi, il faudrait examiner de près son fonctionnement. Je crois qu'il présente aussi des failles dans mon département. Il faudrait comprendre pourquoi les fonds consacrés à Pôle Emploi ne produisent pas le résultat attendu.
Nous devons en effet assurer ce rôle de contrôle. Je relève aussi l'importance de la question de l'apprentissage. L'exemple allemand, qui combine haut niveau technologique et masse d'apprentis, mérite notre attention. La robotisation en marche va exiger des emplois reposant sur des niveaux de formation élevés : il est donc urgent de développer l'apprentissage.
Je regrette de ne pas pouvoir participer plus assidument aux travaux de la Délégation, en raison de mon implication comme rapporteur de la mission commune d'information sur les PME et la commande publique. Deux points me semblent cruciaux : la robotisation, sur laquelle la France accuse un retard avec le taux le plus faible d'Europe, les marges des entreprises ayant été rongées par le poids financier de l'immobilier d'entreprise, est un facteur décisif de notre compétitivité de demain ; le recrutement doit par ailleurs être facilité, par un triptyque Pôle Emploi/ Région/ Entreprise, où la région ferait de la formation sur mesure pour répondre aux besoins des entreprises.
Cette journée en Seine-et-Marne fut très riche. Je n'ai pas été choqué par les propos parfois abrupts des entrepreneurs. Plusieurs points ressortent à mes yeux : la question de la formation, face à l'érosion des compétences dans certains métiers pointus et au manque d'attractivité de certains métiers ; les délais de paiement ; les freins à l'exportation ; les distorsions infra-européennes, notamment dans les appels d'offre.
Nous pouvons au moins nous féliciter d'une chose, souvent soulignée : le bon fonctionnement de la Banque Publique d'Investissement (BPI), qui fait le travail des banques.
En effet. C'est d'autant plus remarquable que la BPI n'a que 18 mois d'activité à son actif. Je reviendrais volontiers sur la question de la régionalisation de Pôle Emploi, que nous avons abordée lors des débats du projet de loi NOTRe : l'axe que nous devons favoriser, effectivement, c'est une convention entre Pôle Emploi et les régions, afin d'élaborer des plans de formation. Pour conclure, je serais d'établir une analogie entre la complexité et la température « ressentie » : finalement, qu'importe la mesure exacte, l'essentiel, et j'en conviens, c'est le ressenti.
Pour conclure notre réunion, je vous soumets deux amendements que je propose de déposer au projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi qui sera examiné par le Sénat la semaine prochaine, à partir de lundi. Ils vous ont été adressés hier par courriel.
S'appuyant sur l'étude que la Délégation a fait réaliser par l'institut de recherche allemand IFO, pour comparer objectivement l'effet sur l'emploi des seuils sociaux en France et en Allemagne, et qui montre que les entreprises françaises se distinguent par leur tendance à contourner le seuil des 50 salariés en préférant investir dans des machines ou robots plutôt que recruter du personnel supplémentaire, le premier amendement, à l'article 8A, tend au doublement du seuil de 50 à 100 salariés : il s'agit de favoriser la création d'emplois par les PME, et pas seulement d'emplois temporaires, ce que risquerait de provoquer un gel temporaire de l'application du seuil de 50. Cet amendement correspond d'ailleurs à la position que le Sénat avait adoptée en première lecture dans la loi Macron. Le second, à l'article 13, vise à ne pas contraindre les entreprises à devoir consulter leur comité d'entreprise sur l'utilisation du crédit impôt recherche. Il propose en fait tout simplement de revenir au texte initial du projet de loi du Gouvernement qui prévoit déjà que la consultation annuelle du comité d'entreprise sur la situation économique et financière de l'entreprise porte sur la politique de recherche et de développement technologique de l'entreprise et qui a été alourdi par l'amendement d'un député qui me paraît difficile à justifier.
J'espère que le plus grand nombre d'entre vous pourront soutenir ces deux propositions. Je vous remercie.