La réunion est ouverte à 9 heures.
Au cours d'une première réunion, la commission procède à l'audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Daniel Lenoir, directeur général, de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf).
Nous accueillons ce matin M. Jean-Luc Deroussen, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf), accompagné de, M. Daniel Lenoir, directeur. Cette audition s'inscrit dans le cadre de la préparation de l'examen du PLFSS pour 2017, sur lequel le conseil d'administration de la Cnaf a émis un avis favorable le 27 septembre dernier. Ce PLFSS comporte deux mesures principales concernant la branche famille, l'une sur le recouvrement des pensions alimentaires, l'autre sur les modalités de rémunération des salariés du particulier employeur. Au-delà de ces mesures, nous souhaitons faire le point sur la situation de la branche famille et sur ses évolutions, à la lumière de ce projet de loi de financement. Je vous laisse la parole, monsieur le président, pour un propos introductif, avant d'engager le débat avec les membres de notre commission.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les Sénateurs, je vous remercie de nous accueillir. Notre conseil d'administration a effectivement émis un avis favorable à ce projet de loi de financement et nous sommes la seule caisse nationale à nous être exprimé en ce sens. Dans un contexte de retour à l'équilibre de la branche famille d'ici à 2017, le projet de loi comporte deux mesures qui la concernent directement.
La première mesure porte sur la création d'une agence de recouvrement des pensions alimentaires, dans la lignée des actions déjà conduites en direction des personnes séparées, comme la revalorisation progressive de l'allocation de soutien familial et la mise en place d'une garantie contre les impayés de pensions alimentaires qui a fait l'objet d'une expérimentation dans une vingtaine de caisses d'allocations familiales avant d'être généralisée au 1er avril dernier. La caisse d'allocations familiales est ainsi devenue l'intermédiaire du recouvrement auprès du débiteur défaillant afin d'assurer un meilleur accompagnement social des séparations. La généralisation de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires, dont le montant minimal a été revalorisé à plus d'une centaine d'euros par mois, va être appréciée par les femmes qui éprouvent de réelles difficultés pour recouvrer leurs pensions et pourront désormais compter sur l'intermédiation de l'agence.
Le PLFSS prévoit également une simplification des modalités d'attribution du complément de libre choix du mode de garde (CMG) au bénéfice des particuliers employeurs.
Plus globalement, le retour à l'équilibre des comptes de la branche famille ne peut que nous satisfaire, mais nous restons vigilants face aux tentations de transfert de charges nouvelles que cette situation pourrait inspirer. Je rappelle que nous avons dû reprendre, par exemple, dix milliards d'euros correspondant aux majorations de pensions vieillesse pour les pères et mères de trois enfants, en lieu et place du Fonds solidarité vieillesse (FSV).
Même si nous en assurons toujours le paiement, les prestations logement ont été intégralement reprises à sa charge par l'État et les crédits correspondants figurent désormais dans le projet de loi de finances, sur lequel l'avis de la Cnaf n'est pas requis. Nous avons examiné dans la précipitation le décret sur la dégressivité des allocations logements dont le dispositif, voté l'an passé, entrait en vigueur le 1er juillet dernier. Nous avons été saisis avec une rapidité contestable d'un texte aux conséquences réelles sur la situation de l'ensemble de nos allocataires. S'agissant d'une seconde modification des conditions d'attribution, touchant à la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires, nous avions demandé qu'elle nous soit soumise en amont, dès lors qu'elles induisent des conséquences sur nos allocataires.
Daniel Lenoir, directeur général de la Caisse nationale d'allocations familiales. - J'ajouterai un complément juridique sur l'agence de recouvrement des impayés des pensions alimentaires. Si ses compétences sont précisées par la loi, son organisation reste du ressort de la branche famille. En d'autres termes, la création d'une nouvelle personne morale n'est pas prévue et cette nouvelle agence relèvera d'une mesure d'organisation interne à la branche. Nous allons ainsi confier à vingt-deux caisses pivots la gestion et le recouvrement de ces prestations complexes, ces caisses ayant été créées lors de l'instauration de l'allocation de soutien familial recouvrable. Ce réseau rassemble près de trois cent salariés qui ont développé des compétences en matière de recouvrement. J'insiste sur ce point pour dissiper les doutes qui peuvent être parfois exprimés quant à la capacité des caisses à assurer cette mission qui est certes difficile mais à la réussite de laquelle nous avons mobilisé tous les moyens nécessaires. Cette mission de recouvrement sera ainsi déléguée à ces vingt-deux caisses auxquelles s'ajoute une caisse de la mutualité sociale agricole (MSA). L'ensemble de ce réseau sera coiffé par une direction nationale de quelques personnes, puisque l'essentiel du travail sera réalisé par les caisses sur le terrain.
En revanche, le projet de loi de financement renforce le pouvoir des caisses en matière de recouvrement, en permettant aux créanciers de recourir aux services de l'agence pour recouvrer leurs pensions. Par ailleurs le projet de loi ouvre aux caisses la possibilité de conférer une force exécutoire aux accords amiables sur le montant de la pension alimentaire, supprimant ainsi la nécessité de recourir au juge en cas de non-paiement, ce qui constitue une mesure de simplification extrêmement importante. Le projet de loi contient également une troisième disposition qui propose que l'agence se substitue aux créanciers pour assurer le recouvrement forcé auprès des débiteurs en cas de violence. Aujourd'hui, les débiteurs violents sont souvent déclarés hors d'état de faire face à leurs obligation afin d'éviter de les mettre en contact avec les créanciers, l'intermédiation des caisses devrait permettre d'y remédier. Une quatrième disposition concerne la transmission des informations relatives à la situation socio-professionnelle du débiteur pour faciliter la fixation du montant des pensions alimentaires par le juge. Cette disposition ne figure pas dans les dispositions règlementaires qui organisent l'expérimentation de la Gipa car le Conseil d'Etat a estimé qu'elle nécessitait une base légale.
Ces dispositions consacrent le travail effectué depuis ces dernières années par le réseau des CAF pour renforcer leur capacité de recouvrer les pensions alimentaires.
Même si ce point ne figure pas dans le projet de loi, je profite de cette audition pour vous indiquer que nous avons développé des dispositifs d'accompagnement de la parentalité en cas de séparation, afin d'éviter les conflits et de privilégier la médiation pour assurer le partage des frais générés, notamment, par l'éducation des enfants. Des sessions d'aide à la coparentalité, qui préviennent également les conflits à l'issue de la séparation, ont ainsi été organisées et rencontré un réel succès.
Je sais que les parlementaires, et particulièrement les sénateurs, demeurent très vigilants sur les conditions de mise en oeuvre de la loi et j'atteste que ces dernières ont été réunies, de notre côté, pour que cette réforme soit effective.
Je vous remercie et donne la parole à notre rapporteur pour la branche famille.
Tous ceux qui sont attachés à la politique familiale ne peuvent que se réjouir de la réduction du déficit de la branche. Toutefois, nous observons que le périmètre des dépenses à la charge de la Cnaf a fortement évolué au cours des dernières années. Pouvez-vous préciser ce qui, dans la trajectoire de retour à l'équilibre, résulte des mesures d'économies, ce qui résulte des évolutions de périmètre et ce qui résulte de l'amélioration de la conjoncture économique ? D'autre part, avec la modulation des allocations familiales, la concentration des prestations familiales sur les ménages modestes s'est accrue au point que la vocation de la politique familiale semble évoluer vers une politique de redistribution verticale. Quel est votre regard sur cette évolution ? Enfin, le nouveau périmètre de la branche conduit le réseau des CAF à prendre en charge un nombre plus important de missions et de prestations financées par l'Etat ou par les collectivités. Une telle situation vous paraît-elle être poser un problème pour la gestion des aides concernées ?
Les dépenses de la branche famille ont diminué de dix milliards d'euros puisque l'Etat a pris à sa charge les allocations logement afin de compenser la baisse des recettes résultant des exonérations prévues par le pacte de responsabilité. La revalorisation des prestations familiales a été quasiment nulle ces dernières années du fait de la faible inflation, et la modulation des allocations familiales fait baisser les dépenses d'environ 780 millions d'euros en année pleine. Le conseil d'administration s'était prononcé contre cette modulation, même si l'on peut considérer que l'universalité des allocations familiales subsiste. Parallèlement, des revalorisations sont intervenues en direction des familles de plus de trois enfants, par l'augmentation du complément familial, et pour l'allocation de soutien familial. Il est donc vrai que les prestations familiales sont désormais plus concentrées sur les familles modestes ou aux revenus très faibles.
Nos difficultés à verser le revenu de solidarité active proviennent des difficultés financières des départements auxquels il incombe de financer cette prestation. Au 31 juillet 2016, 166 millions d'euros avaient été avancés sur la trésorerie de la sécurité sociale et restaient en attente de remboursement par les départements. Il est nécessaire que nous assurions le versement de cette prestation, mais il est également essentiel que la sécurité sociale soit remboursée des sommes dont elle a fait l'avance. Nous espérions à cet égard qu'une solution serait trouvée dans le cadre de la négociation entre les départements et l'Etat. Quoi qu'il en soit, lorsqu'on assume une prestation pour le compte d'un tiers, il importe que celui-ci assume ses engagements !
Sur la question des économies et de la redistribution, je souhaitais attirer l'attention de la représentation sénatoriale sur une étude sur l'évolution des effets redistributifs de la politique familiale que nous avons publiée en 2015. Dans les années 1970-1980, la mesure de ces effets donnait courbe en U, avec une forte redistribution pour les premiers et les derniers déciles de revenus. Notre étude montre que la redistribution s'est un peu accentuée dans les premiers déciles et fortement atténuée, au point d'être quasi-nulle, dans les derniers déciles. Cette note, que je tiens à votre disposition, tient compte de la modulation des allocations familiales et la revalorisation du RSA. Nous allons l'actualiser afin d'y intégrer les dernières réformes.
La branche famille verse 85 milliards d'euros, bien moins que les branches maladie et vieillesse. Les prestations financées par la branche ne représentent que 50 milliards d'euros, le reste correspondant aux versements effectués pour le compte de tiers, principalement l'Etat et les départements. Comme l'a souligné le président Deroussen, une telle démarche nous oblige à une vigilance particulière en matière de financement. Nos comptes ont été certifiés par la Cour des comptes, mais celle-ci émet des réserves portant sur notre gestion du RSA et des allocations logement que nous versons précisément pour le compte des départements et de l'Etat. Elles visent notamment les indus et les rappels ainsi que la question de la fraude qui lui est connexe. Néanmoins, j'attire votre attention sur les progrès considérables, d'ailleurs reconnus par la Cour des comptes, accomplis par la branche dans la lutte contre la fraude. L'année dernière, la fraude détectée a augmenté de 20 % alors que la fraude à proprement parler n'augmente qu'à due proportion des prestations. A cet égard, les techniques de « data mining » permettent de mieux cibler les contrôles à partir de bases de données.
Le nombre des prestations relevant de notre compétence n'a cessé d'augmenter. Il avoisine la vingtaine et représente près de dix-huit mille règles de droit, ce qui témoigne d'une très grande complexité de gestion spécifique à la branche famille. Cette complexité fait peser une forte charge de travail à la fois sur notre système d'information et sur le réseau des caisses, tandis qu'il nous faut intégrer les différentes réformes. Comment cherchons-nous à y faire face ?
Je prendrai l'exemple de la prime d'activité pour laquelle nous avons adopté une démarche « 100 % dématérialisé, 100 % personnalisé » que nous souhaiterions généraliser à l'ensemble des prestations, avec un simulateur pédagogique et une télé-procédure extrêmement conviviale. Cette démarche est intégralement numérique et permet la liquidation automatique de la prestation. Hormis les contrôles, aucune intervention du technicien n'est requise. Comme avec la carte vitale, il est possible de calculer directement les prestations sans avoir à ressaisir les données. Ce point est extrêmement important car nous nous sommes dotés de la capacité de gérer à l'avenir des prestations complexes ou personnalisées, à l'instar de la prime d'activité. Ce modèle a globalement bien fonctionné et a permis d'absorber environ 1 500 000 nouveaux allocataires en quelques mois. Le taux de recours des bénéficiaires potentiels de la prime d'activité devrait, selon la ministre, atteindre les deux-tiers, contre un tiers seulement pour le RSA activité. Avec quelque dix-huit millions de télé-simulations, la dématérialisation est un réel succès. Nous avons reçu 95 % de télé-déclarations et effectué 50 % de liquidations automatiques, ce qui laisse encore de la marge pour progresser.
L'ensemble de ces dispositifs permettra de simplifier la vie des allocataires et de sécuriser les données, lorsque la déclaration sociale nominative (DSN) sera généralisée.
La dématérialisation va de pair avec la personnalisation. Nous avons réorganisé notre dispositif d'accueil, en instaurant notamment les rendez-vous des droits. Un objectif de 100 000 rendez-vous nous avait été fixé. Nous devrions franchir le seuil des 250 000. Nous avons également installé un réseau de 2 000 points d'accueil numérique dans les CAF et auprès de nos différents partenaires. Notre objectif, d'ici à la fin 2017, est d'installer un point d'accueil numérique par bassin de vie. Un tel projet s'inscrit dans une démarche plus large d'inclusion numérique que nous poursuivons avec Emmaüs-Connect, afin de veiller à ce que cette dématérialisation ne constitue pas un frein à l'accès au droit. Source d'efficacité administrative et sociale, ce dispositif représente la seule solution pour absorber des charges supplémentaires.
Nous souhaiterions étendre cette à l'ensemble de nos prestations, à commencer les prestations logement et dans le cadre de la réforme du RSA qui doit intervenir en janvier prochain. Outre la simplification des procédures et le renforcement de l'accès au droit pour les allocataires, cette démarche est source de gains de productivité potentiels et s'inscrit dans la continuité de ce qui a été fait, pour l'assurance-maladie, avec la carte vitale. Elle garantit également la sécurisation des données et le versement des prestations au juste droit, tout en limitant considérablement l'empreinte carbone, dans le contexte de l'après COP 21, du fait de la limitation des déplacements physiques qu'elle induit. L'organisation systématique des rendez-vous permet en effet le traitement des dossiers par internet ou téléphone.
Monsieur le président, comme vous l'avez évoqué dans votre propos liminaire, la mise en place de l'agence de recouvrement des pensions alimentaires est l'une des mesures phares de ce PLFSS. Ma première question portera sur l'organisation proprement dite de cette agence. Sera-t-elle chargée d'assurer directement le recouvrement et l'accompagnement grâce à ses vingt-deux entités départementales, ou exercera-t-elle une fonction support en lien avec les services juridiques des CAF existants ? Ma seconde question porte sur les difficultés de certains départements à verser les prestations individualisées, notamment le RSA. Alors que l'année dernière dix départements se trouvaient en difficulté, leur nombre est aujourd'hui d'environ quarante. Avez-vous envisagé des mesures exceptionnelles pour que ces difficultés ne se répercutent pas sur les allocataires ?
Merci d'avoir abordé spontanément le problème de la fraude ! On peut en effet constater, sur le terrain, l'amélioration de la situation et il me paraît important de poursuivre les efforts en ce sens. Puisque le RSA socle est une prestation servie sur la base des déclarations des bénéficiaires, c'est au plus près des territoires qu'il faut apporter des solutions aux difficultés rencontrées. Le « data mining » est une bonne chose, mais il me paraît important que les départements soient associés aux comités opérationnels départementaux anti-fraude (Codaf) pour garantir la juste attribution des prestations sociales. Vous avez certes augmenté votre score de fraudes détectées, mais il arrive que certains bénéficiaires ignorent leurs droits. Tout le monde ne peut être que gagnant dans la gestion rigoureuse au plus près du terrain. Ma seconde question portera sur les départements dont vous nous avez dit que leur dette s'élève à 166 millions d'euros au 31 juillet 2016, ce qui représente, je suppose, leur retard au titre de 2015. Je note que cette somme correspond à peu près au coût de la revalorisation du RSA à partir du 1er septembre. En 2016 et 2017, du fait des difficultés budgétaires qui s'annoncent pour les départements, vous allez très certainement devoir avancer le financement de certaines prestations. Comment avez-vous réfléchi à une telle situation qui s'annonce ?
Le PLFSS pour 2015 a instauré un partage du congé parental entre les mères et les pères, dans le cadre de la prestation partagée d'éducation de l'enfant (Prepare) Il semblerait que peu de pères aient sollicité ce nouveau dispositif, comme nous l'avions d'ailleurs envisagé lors des débats sur cette réforme. Quel est le pourcentage des pères éligibles ayant effectué une demande ? A combien s'élèvent les crédits inutilisés, du fait de cette moindre demande ? Comptez-vous mettre en oeuvre des actions de sensibilisation sur ce dispositif ? Ce qui paraît positif sur le papier se traduit concrètement par un affaiblissement de la politique familiale. Proposez-vous, enfin, la réorientation de ce dispositif pour qu'il soit appliqué de manière plus satisfaisante sur le terrain ?
Le congé parental est une forme de rupture du contrat de travail. Les bénéficiaires de ce dispositif ne bénéficient pas des prêts employeurs, du fait de la rupture contractuelle qu'il induit. Le congé parental ne concerne pas non plus les travailleurs frontaliers, ce qui fait que les familles concernées ne peuvent bénéficier que d'un congé parental réduit. Vous êtes-vous par ailleurs penchés sur le revenu minimum universel, qui fait actuellement l'objet d'une mission d'information sénatoriale et relèverait sans doute de votre domaine s'il venait à être instauré ?
De nombreux départements ont mis en place un dispositif de relais avec leurs travailleurs sociaux pour pallier certaines difficultés rencontrées par les CAF dans les territoires. Le travail en commun sur le diagnostic, puis sur le schéma départemental d'accès aux services publics va faciliter la répartition des rôles de chacun. Quelles sont les perspectives à plus long terme pour assurer, de manière pérenne, une bonne articulation entre les départements et les CAF ?
Vous avez beaucoup insisté sur la qualité des relations avec les allocataires et l'importance grandissante du numérique. Pour autant, ne constatez-vous pas des difficultés avec les publics les plus précaires, peu familiarisés avec l'informatique ou dépourvus d'accès à l'internet ? Ces personnes ne parviennent parfois pas davantage à obtenir par téléphone les renseignements dont ils ont besoin de la part de la CAF. Les élus sont souvent sollicités pour aider ces personnes dans leurs démarches.
Vous nous avez indiqué avoir développé une action contre la fraude et des mesures de facilitation de l'accès au droit visant notamment à lutter contre le non-recours. Certains postes vont ainsi être transformés pour accompagner les publics en difficulté et réduire la fracture numérique. Plus généralement, sur cette question de l'accès au droit, votre rapport d'activité accorde-t-il une place à la question du non-recours dans l'accès au droit ?
Ma question porte sur la coparentalité et la médiation que vous avez évoquées, mais qui ne relèvent pas en tant que telles du PLFSS. Autant je reconnais que la médiation peut apporter une aide dans la résolution de certains conflits, autant je constate qu'elle n'est pas nécessairement la bienvenue en cas de violences conjugales. Mettez-vous en place systématiquement cette médiation et relève-t-elle ainsi d'une obligation ? A l'inverse, si l'une des deux parties ne souhaite pas y recourir, maintenez-vous pour autant vos aides à la coparentalité ?
La Cnaf a-t-elle été consultée sur le projet portant création d'un GIP commun à l'adoption et l'enfance en danger ? Cette création devait être actée suite à un amendement, mais je pense que le Gouvernement y a renoncé.
Concernant la prime d'activité, vous avez évoqué que le taux de recours devrait être largement supérieur aux prévisions. Disposez-vous, en tant que payeur, de la traduction budgétaire de ce recours plus élevé que prévu, même si l'année n'est pas terminée ? Une telle information nous permettrait de comparer entre les prévisions 2016 et ce qui est proposé pour 2017.
J'aurai, à mon tour, trois questions à vous poser. Premièrement, vous avez évoqué les points positifs du dernier rapport de la Cour des comptes. Or, celle-ci a également souligné divers aspects négatifs concernant le fonctionnement des caisses locales, s'agissant notamment de l'absentéisme et de l'écart à la durée légale du travail. Avez-vous des remarques à faire sur ce point ? Deuxièmement, s'agissant de l'agence nationale pour le recouvrement des pensions, vous avez parlé de la création de vingt-deux caisses pivots, mais aussi de l'institution d'une telle caisse par la MSA. Pourquoi n'avoir pas confié aux CAF la totalité de cette tâche ? Enfin, lors d'une réunion de travail, la MSA nous a indiqué tenir au maintien des procédures « papier » afin de garder le contact direct avec ses allocataires. Est-ce que la CAF entend, à l'inverse, s'inscrire dans une logique de « tout numérique » ?
Sur les questions de qualité du service et de lutte contre la fraude, le conseil d'administration souhaite assurer chaque potentiel bénéficiaire d'une prestation que tout est mis en oeuvre pour que son droit soit honoré. Je veux souligner que l'approche de nos administrateurs a évoluée : lorsqu'on lutte contre la fraude, on favorise dans le même temps l'accès aux droits. La COG fixait, à cet égard, l'objectif de 100 000 rendez-vous d'accès au droit ; chiffre que nous avons dépassé avec plus de 250 000 allocataires rencontrés.
Sur le congé parental, le conseil d'administration considère qu'il s'agit là d'un choix qui appartient à la famille. On constate toutefois que, dans la mesure où le revenu de remplacement est relativement faible, c'est généralement le membre du couple dont la rémunération est la plus faible qui a recours au congé parental. La Prépare poursuit sa montée en charge. Pour le premier enfant, au titre duquel le congé était de six mois, la loi a ajouté six mois supplémentaires au bénéfice du second parent. Le nombre de pères faisant valoir leur droit a connu une augmentation considérable en volume mais reste extrêmement faible.
Pour les congés au titre des enfants suivants, qui devront être partagés, il est trop tôt pour dresser un constat mais on peut s'attendre à une baisse des dépenses, qui pourrait également être expliquée en partie par une baisse du recours au congé parental liée au niveau du chômage. Il avait été envisagé soit que le revenu de remplacement devienne proportionnel au revenu abandonné durant le congé parental, soit que le revenu de remplacement dont bénéficie l'un des membres du couple maintienne le différentiel initial de ressources au sein du couple. Ces propositions n'ont pas été retenues.
Sur les travailleurs sociaux des conseils départementaux et des CAF, l'élaboration des services aux familles a permis de mettre en évidence l'ampleur des besoins. Nous travaillons avec nos partenaires pour garantir la meilleure prise en charge possible à nos allocataires.
Enfin, sur la question du numérique, nous ne souhaitons laisser personne sur le bord du chemin. Le développement des services en ligne est une demande forte de nos allocataires qui souhaitent accéder à leur compte et connaitre leurs droit en direct et à tout moment. Nous avons en revanche bien conscience que l'accès au numérique est difficile pour certaines personnes, faute des moyens et des compétences nécessaires. Celles-ci doivent ainsi bénéficier d'un accompagnement spécifique, impliquant un rendez-vous à la CAF et des conseils personnalisés. Aider ces personnes à se familiariser progressivement avec le numérique est l'objet de notre partenariat avec Emmaüs-Connect. C'est une obligation à nos yeux que d'éviter que des personnes soient laissées pour compte, faute de pouvoir utiliser le numérique.
L'agence de recouvrement des pensions alimentaires est gérée par la Cnaf pour l'ensemble de la branche famille, y compris pour la MSA laquelle gère les prestations familiales pour ses affiliés. L'ancien directeur de la MSA que je suis s'en souvient. D'une certaine manière, nous considérons la MSA comme une sorte de CAF qui poursuit également d'autres activités. D'ailleurs, depuis 2014, la MSA est intégrée financièrement dans les comptes de la branche famille puisque, depuis cette date, nous recevons les cotisations perçues par la MSA et payons intégralement non seulement les prestations familiales, mais aussi les frais de gestion et l'action sociale. La caisse pivot de la MSA sera compétente pour ses ressortissants et s'ajoutera aux vingt-deux caisses pivot du régime général, sous la coordination de la branche famille. J'ai eu l'occasion récemment d'évoquer le sujet avec le directeur général de la caisse centrale de la MSA et nous avons convenu qu'une convention règlerait les questions de coordination entre nos deux organismes. Les caisses pivots effectueront le travail d'expertise sur le recouvrement, mais le contact avec l'allocataire restera la CAF départementale.
Sur la question de la coparentalité et de la médiation, un rapport du Haut conseil de la famille sur les ruptures familiales propose de rendre obligatoire la médiation lors de toute rupture familiale. On peut constater que la médiation, comme il a été rappelé par certains sénateurs, permet de limiter les conflits et ainsi de réduire les recours aux tribunaux. Si cette médiation n'est pas aujourd'hui obligatoire, on pourrait conduire une expérimentation, à l'instar de ce qui a été fait pour la Gipa. Le conseil d'administration serait, de mon point de vue, assez favorable à cette démarche. En outre, les dispositifs d'appui à la coparentalité prennent la forme de sessions auxquelles nous invitons les couples, déjà séparés ou en cours de séparation, pour leur expliquer ce qu'est la médiation et régler un certain nombre de problèmes. Ces sessions fonctionnent bien.
D'autres questions portaient sur le RSA et les 166 millions d'euros dus par les départements à la sécurité sociale. Il ne m'appartient pas de me prononcer sur les relations entre l'État et les départements. En tant qu'ordonnateur des fonds de la sécurité sociale, il m'incombe en revanche de recouvrer les sommes qui nous sont dues. Ces 166 millions d'euros sont fortement concentrés, d'une part sur la collectivité de Saint-Martin, dont la dette de 35 millions d'euros relève d'autres raisons, et surtout sur le département du Nord, pour près de 100 millions d'euros. On sait cependant qu'un certain nombre de conseils départementaux n'ont pas inscrit une dépense suffisante pour en couvrir les frais mais, à ce stade, je ne suis toutefois pas en mesure de confirmer le chiffre de 40 départements qui a pu être évoqué dans la presse. Il n'y a cependant aucune raison que nous supportions les frais du RSA, quand bien même en ferions-nous l'avance. La Cour des comptes me le reprocherait ou il faudrait alors changer l'architecture financière ! Nous sommes donc en train d'étudier les différents moyens d'action pour remédier à ces difficultés.
Le département n'ont pas de raison, non plus, de supporter cette augmentation du RSA !
Je vous le redis. Il ne m'appartient pas de régler cette question. Mais, en tant que directeur de la caisse nationale, il m'incombe de recouvrer les sommes qui sont dues par les conseils départementaux auprès des CAF. J'en ai parlé avec le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), en juillet dernier, mais je ne peux en dire plus à ce sujet. S'agissant de la lutte contre la fraude, il ne m'appartient pas non plus de décider de la participation des conseils départementaux aux Codaf. Je sais que la question se pose et que c'est le cas dans plusieurs départements. En outre, plusieurs départements nous ont demandé l'accès aux données Cafpro pour pourvoir organiser leurs propres contrôles. Je n'ai pu l'autoriser, puisque la déclaration à la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) prévoit le recours à Cafpro par les travailleurs sociaux pour connaître la situation des personnes, mais ne permet pas l'utilisation de ces informations dans le cadre de contrôles. Comme j'en ai informé l'ADF et l'ensemble des conseils départementaux, nous avons mis en place en juillet dernier un portail « consultation du dossier allocataire par les partenaires » (CDAP) qui permet aux départements d'accéder à des informations analogues aux nôtres, pour qu'ils puissent conduire leurs propres contrôles notamment sur le RSA. Cette mesure répondait ainsi à des demandes très anciennes des départements.
Comme l'a souligné le président Deroussen, la lutte contre la fraude et la promotion de l'accès aux droits sont des actions conduites en miroir. Il s'agit des mêmes techniques qui permettent à la fois de payer ceux qui ont des droits et ne les font pas valoir et de repérer ceux qui abusent de droits auxquels ils ne sont pas éligibles. Nous utilisons des techniques de « data mining » qui sont très efficaces et n'obéissent à aucun présupposé en identifiant, sur la masse des informations disponibles et à partir d'un certain nombre de critères, des comportements illégaux. Il nous reste certes encore des progrès à faire, mais nous avons organisé des échanges systématiques d'informations avec les administrations, comme la direction générale des finances publiques ou Pôle Emploi, nous permettant d'organiser des contrôles sur pièces. Un allocataire sur deux a été concerné par ces contrôles. Nos contrôleurs, dont nous avons renforcé les effectifs, conduisent également des contrôles sur place. Cet effort continuera. La prévention demeure la meilleure manière de lutter contre les fraudes. Le jour où nous aurons accès à l'ensemble des revenus, via la déclaration sociale nominative (DSN) ou les échanges directs de pré-renseignements, comme le font les services fiscaux, nous disposerons alors d'un moyen de prévenir non seulement la fraude, mais aussi les indus. En effet, la majorité des indus ne sont pas frauduleux, puisque 60 % relèvent d'erreurs de déclaration. Plus nous disposerons d'un accès direct à l'information, plus nous pourrons agir de manière efficace.
Concernant le numérique, nous souhaitons maintenir le contact, plutôt que le papier ! Sous réserve d'accès au numérique, il est plus facile de remplir une déclaration sur un écran que sur un papier. Nous avons conduit un travail avec Emmaüs-Connect pour caractériser les personnes connaissant des difficultés d'accès au numérique. Nous mettons en oeuvre des dispositifs d'inclusion numérique sans pour autant supprimer les circuits papier. Cependant, sur la prime d'activité, nous avons plus de 5 % de déclarations papier, alors que nous projetions d'en recevoir la totalité sous forme numérique. C'est sans doute un point de désaccord avec la MSA comme avec le Défenseur des droits : maintenir un circuit papier est certes nécessaire, mais vouloir cantonner les personnes à de telles procédures revient à les placer durablement dans des situations d'exclusion, puisque la quasi-totalité des formalités de notre quotidien sera numérique d'ici cinq à dix ans. Notre stratégie vise au contraire à développer l'inclusion numérique en luttant contre l'isolement des personnes. Comme l'a souligné le président Deroussen, notre stratégie a été redéfinie de manière à faire bénéficier les personnes éprouvant de réelles difficultés d'un accueil personnalisé. Tel est ainsi l'objectif des rendez-vous des droits consistant, pendant une heure, à aider les allocataires en proie aux difficultés et à favoriser leur inclusion numérique. Aujourd'hui, certains centres sociaux possèdent des points d'accueil numériques, avec un volontaire du service civique qui peut aider les allocataires en difficulté à obtenir un rendez-vous des droits dans leur CAF respective qui leur prodiguera une aide personnalisée. L'engorgement de nos lignes téléphoniques est largement dû à la mise en place de la prime d'activité et au changement du sous-traitant téléphonique d'une partie des caisses, lequel n'a pas rendu la qualité de services escomptée. C'est d'ailleurs sur ce point que porte l'enquête du Défenseur des droits. En outre, à la différence de la branche maladie, il nous est impossible juridiquement de donner un grand nombre de renseignements par téléphone, en raison des informations nécessaires à la détermination des droits. Il est de ce fait normal que les téléconseillers renvoient les allocataires vers le site « caf.fr » ou leur proposent un rendez-vous.
Le taux de recours à la prime d'activité est nettement plus élevé que prévu. L'impact financier n'est pas encore connu mais sera tempéré par le fait que le montant moyen de la prime s'avère inférieur aux prévisions. Comme vous le savez, la prime d'activité est financée sur le budget de l'État.
S'agissant de la Prepare, nous ne serons en mesure d'apprécier le taux de recours des pères qu'à partir d'avril. Le nombre de pères qui bénéficient de ce dispositif a été multiplié par deux en 2015 pour atteindre désormais un petit millier. C'est probablement le début d'un mouvement, mais cela demande à être confirmé.
Nous n'avons été ni associés ni consultés sur le groupement d'intérêt public qui prévoit la fusion de l'Agence française de l'adoption avec l'Association enfance en danger. Je ne suis pas sûr que cette question relève de notre compétence. Nous n'avons pas non plus participé à des travaux sur le revenu minimum universel à proprement parler, même si nous avons mis notre expertise en matière de simulations au service de France Stratégie et de la Cour des comptes sur cette question. Notre expertise est bien évidemment à la disposition des organismes publics qui la sollicitent, même si les services de la Cnaf n'ont pas à prendre parti sur tel ou tel dispositif. Ma responsabilité est de vérifier si les choix effectués pourront être gérés et faire l'objet d'une évaluation
Je vous remercie, messieurs, pour vos interventions et l'ensemble de vos réponses.
Puis la commission procède à l'audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration et Renaud Villard, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav).
Je souhaite à présent la bienvenue à M. Gérard Rivière, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, et à M. Renaud Villard, directeur, qui a pris ses fonctions il y a un peu plus de six mois.
Le conseil d'administration de la Cnav a émis un avis défavorable sur le PLFSS le 28 septembre dernier. Vous nous direz les raisons sans doute diverses qui ont motivé ce vote négatif.
Au-delà des mesures relatives à la branche vieillesse figurant au PLFSS -notamment l'amorce d'une évolution du Fonds de solidarité vieillesse- je souhaite que nous puissions faire le point sur la situation de la branche et ses perspectives pour les prochaines années.
Je vous laisse la parole pour un propos introductif puis notre rapporteur, Gérard Roche, ainsi que les sénateurs qui le souhaitent, poseront ensuite leurs questions.
Merci monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs, j'évoquerai, dans mon propos introductif, le vote négatif du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) sur le PLFSS, afin qu'un maximum de temps puisse être consacré à vos questions.
Je suis un président heureux puisque, pour la première fois depuis douze ans, les comptes de la Cnav se trouvent à l'équilibre. Les tendances actuelles permettent, en outre, d'atteindre un solde excédentaire à l'horizon 2020. Ce solde excédentaire sera toutefois pondéré du fait d'un retour du financement du minimum contributif (Mico) vers les régimes de base, et donc vers la Cnav ; ce retour ayant pour conséquence de diminuer d'autant l'excédent de la branche vieillesse. Le déficit du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) demeure, quant à lui, considérable. Ce déficit de près de quatre milliards d'euros représente, en effet, un quart des engagements du FSV.
Je ne reviendrai pas sur les raisons qui ont conduit au retour à l'équilibre de la branche vieillesse. Vous en connaissez comme moi la genèse, puisque vous avez voté les différentes lois qui sont à l'origine de ce retour à l'équilibre. Je vise ici, pour la période récente, particulièrement la loi de 2010, le décret de 2012 et, enfin, la loi du 20 janvier 2014.
Concernant la position du conseil d'administration de la Cnav, la majorité des organisations, notamment celles des salariés, a émis un vote négatif, sans pour autant que l'aspect « vieillesse » ne motive nécessairement ce vote négatif. D'autres organisations, du côté employeurs notamment, considèrent qu'une réforme structurelle est toujours nécessaire. Si j'appréhende globalement ce que peut être une réforme structurelle dans le domaine de la vieillesse, en ce qui concerne l'assurance maladie, je dois vous avouer ne pas forcément bien réussir à en cerner les contours. Enfin, certaines organisations contestent également les prévisions sur les bases desquelles le solde global du régime général s'améliorerait jusqu'à frôler l'équilibre en 2017, considérant qu'elles sont assises sur des anticipations macro-économiques trop optimistes. Elles ne sont d'ailleurs pas les seules à effectuer ce constat. C'est donc l'ensemble de ces raisons qui a conduit à ce vote négatif.
Je me permettrai simplement d'apporter quelques éléments en complément des propos de M. Rivière.
S'il n'y a que peu de mesures relatives à la vieillesse au sein de ce PLFSS, la question du retour du minimum contributif dans le périmètre de financement de la branche vieillesse et de la Cnav a toutefois donné lieu à des débats qui, bien que convergents, ont été particulièrement importants au sein de notre conseil d'administration. Il s'agit, en effet, d'un sujet réellement structurant. Mais il est bien complexe d'établir la frontière entre, d'une part, la pure solidarité relevant de l'impôt et d'un financement mutualisé, et d'autre part, le domaine du contributif relevant, quant à lui, des cotisations sociales des assurés.
Je souhaiterais, dans un premier temps, évoquer le FSV, en soulignant que certaines propositions du rapport que nous avons présenté avec Catherine Génisson ont été reprises dans le PLFSS. Il s'agit en particulier du transfert progressif à la Cnav du minimum contributif (Mico). Le président du FSV nous a toutefois indiqué que la section 2 du Fonds, relative au Mico, enregistrait 3,5 milliards de dépenses par an pour seulement 500 millions de recettes. Du fait du caractère progressif du transfert -un milliard d'euros par an sur trois ans-, le FSV va donc perdre de l'argent pendant trois ans. Sa dette cumulée devrait ainsi atteindre onze milliards d'euros à l'horizon 2020. Comment traiter cette dette ?
La deuxième de mes interrogations concerne l'intégration administrative du FSV au sein des services de la Cnav. Où en sont les discussions sur ce point ?
Je souhaitais également vous demander si l'échéance du 1er juillet 2017 pour la liquidation unique des retraites dans les régimes alignés était toujours d'actualité.
Du fait de l'intérêt que nous portons à cette problématique, je vous prie de m'indiquer si des études existent sur le profil des bénéficiaires du dispositif « carrières longues ». Est-il possible d'établir un lien entre les bénéficiaires de ces dispositifs et ceux du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) ?
Enfin, quel pourrait être, d'après vous, l'avenir du Fonds de réserve pour les retraites (FRR) qui atteint 35 milliards d'euros, dans la perspective d'un rétablissement de l'équilibre à moyen terme des régimes de retraite ?
S'agissant de la section 2 du FSV, elle avait été créée à l'occasion du dernier PLFSS, afin de répondre aux nouvelles exigences de la jurisprudence dite « de Ruyter » de la Cour de justice de l'Union européenne. Le FSV avait séparé les dépenses de solidarité et leurs recettes propres, des dépenses de nature plus contributives, par l'intermédiaire d'un panier de recettes affectées. A la lecture du présent PLFSS, je comprends que la section 2 sera mise en extinction, à la fois en dépenses et en recettes, sa disparition programmée ayant pour conséquence la concentration du FSV sur sa seule mission relevant de la pure solidarité.
Le présent PLFSS transfère donc progressivement 3,5 milliards du FSV vers la Cnav et prend donc l'option inverse de celle qu'avait choisie le législateur en 2010. Ce transfert progressif semble s'accompagner d'une réduction des recettes affectées à la section 2 supérieure au transfert des dépenses. Cela explique donc que l'amélioration progressive du solde du FSV soit inférieure au milliard annuellement transféré.
Vous soulignez, à cet égard, la question de la dette cumulée du FSV puisque son déficit ne sera désormais plus repris par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) qui a atteint son plafond. La Cnav ne peut confirmer le chiffre de onze milliards d'euros que vous avancez, mais l'ordre de grandeur me paraît cohérent. Se pose donc effectivement la question de la reprise du déficit annuel qui conduira à cette dette cumulée. À l'heure actuelle, ce déficit est supporté par la trésorerie de l'Acoss. Aujourd'hui, le déficit de la trésorerie coûte peu, voire rapporte, du fait de taux d'intérêt négatifs. Mais une augmentation sensible des taux aurait des conséquences financières sérieuses. Les pistes de solution semblent ici ne de nature politique. Vous évoquiez la question du FRR mais il ne m'appartient de me prononcer sur cette option.
À propos, de l'intégration du FSV au sein de la Cnav, les conditions de cet « hébergement » relèveront d'une convention entre les deux organismes. Un projet de convention a été transmis par la Cnav au FSV, lequel y a répondu afin d'en préciser certains termes. Le projet est en phase de finalisation. Il restera néanmoins à régler certains points spécifiques comme la clôture des comptes, le transfert du FSV sous l'outil comptable de la Cnav (Synergie), ou encore le transfert des locaux. Il n'existe pas de réelles difficultés à ce niveau et l'ensemble de ces problématiques sera réglé au plus tard au cours du premier trimestre de l'année 2017.
S'agissant, maintenant, de la liquidation unique des régimes alignés, le Gouvernement a annoncé sa volonté d'en reporter la mise en oeuvre du 1er janvier 2017 au 1er juillet 2017 par l'intermédiaire, me semble-t-il, d'un amendement qu'il compte déposer lors de l'examen du PLFSS. Ce report paraît motivé par la volonté de sécuriser une réforme particulièrement structurante, un audit allant en ce sens.
S'agissant du dispositif « carrières longues », le rapprochement avec les bénéficiaires du compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P) parait pour l'heure difficile à réaliser. Si la Cnav a une vision relativement fine de la population bénéficiaire des dispositifs relatifs aux carrières longues, il n'en va pas encore de même pour ceux du C3P. Sur les cinq cent mille bénéficiaires d'un compte pénibilité, aucune extraction statistique n'a, pour le moment, été établie. Seules certaines données sont connues, comme leur numéro de sécurité sociale, mais aucune information n'existe quant à leurs trajectoires individuelles. Ces cinq cent mille bénéficiaires ne sont, en outre, liés qu'aux quatre premiers facteurs d'exposition à la pénibilité, la mise en oeuvre des six autres ayant été différée compte tenu du temps d'adaptation nécessaire aux entreprises.
Si aucun recoupement objectif n'est donc exploitable, j'ai tout de même l'intuition qu'il existe sans doute des chevauchements entre ces catégories de bénéficiaires. C'est d'ailleurs pour cela que le législateur, en 2014, avait prévu une adéquation possible entre ces deux dispositifs.
Je tiens ici à rappeler que la présentation des comptes combinés de la Cnav et du FSV relève d'une décision de nature réglementaire. Il ne s'agit en rien d'une volonté de la Cnav. La création du FSV, en 1994, avait reçu un avis favorable unanime du conseil d'administration de la Cnav. Il s'agissait de faire financer par la solidarité nationale des périodes « non-contributives » pour atténuer les aléas de carrières liés essentiellement au chômage mais aussi à la maladie, l'invalidité ou la maternité.
Le chômage place de manière chronique le FSV dans une situation de déficit. Une situation où le chômage augmente ou perdure entraîne une augmentation des engagements de dépenses du FSV vers les régimes et une réduction simultanée de ses recettes. Le niveau particulièrement élevé du chômage actuel ne doit pas remettre en cause, à mes yeux, le caractère bénéfique de l'idée de départ. Le FSV ne souffre pas actuellement d'un manque de lisibilité de ses comptes, mais bien d'un manque de recettes. Même si ce manque de recettes doit être provisoire, il doit être analysé au regard des engagements nécessaires qui sont ceux du FSV.
Si l'optimisme est possible à moyen terme, il est clair que la situation de l'emploi ne va pas spontanément s'améliorer dès l'année prochaine. Le FSV ne sera donc pas revenu à l'équilibre en 2017. Il semblait donc naturel au conseil d'administration de la Cnav que des mesures soient prises en faveur du FSV au-delà du transfert du minimum contributif vers les régimes de base.
La convention liant l'État, le FSV et la Cnav est le premier pas d'une intégration administrative qui n'est pas une intégration comptable, comme avait pu le soupçonner le conseil d'administration de la Cnav. Cette étape n'est cependant pas franchie aujourd'hui. Et nous ne souhaitons pas qu'elle le soit, au nom de la clarté et de la responsabilité des uns et des autres. Il incombe aux cotisations de financer l'assurance et à l'impôt de financer la solidarité nationale. Ce principe nous parait sain ; chacun prenant ses responsabilité quant à l'équilibre.
Nous considérons, pour autant, la situation du financement de la Cnav comme particulièrement positive. 62 % du financement de la branche vieillesse du régime général est assis sur des cotisations patronales ou salariales. Ce chiffre est porté à 82 %, si l'on y intègre les revenus de la contribution sociale généralisée (CSG) eux-mêmes assis sur le travail. La branche vieillesse a donc globalement échappé à la fiscalisation de ses recettes, ce qui n'est pas le cas des autres branches de la sécurité sociale. Je m'en félicite.
À propos du financement des déficits futurs du FSV, évoqué par le rapporteur, je signale qu'il n'est pas dans la vocation de l'Acoss de porter de la dette. Cette situation n'est pas problématique pour le moment du fait de taux d'intérêt négatifs qui génèrent même des recettes. Cette situation anormale pourrait prendre fin rapidement, avec des conséquences financières lourdes.
Si le conseil d'administration de la Cades estime pouvoir emprunter à des taux relativement bas durant les huit prochaines années, son président comme moi-même soulignons le risque d'une augmentation des taux d'intérêt. Cette situation pourrait conduire à repousser la durée de vie de la Cades, ce qui porterait préjudice à l'ensemble de nos régimes et à la confiance des Français en leur sécurité sociale.
S'agissant du Fonds de réserve des retraites, notre conseil d'administration avait très négativement jugé la ponction de 2,1 milliards d'euros par an pendant dix ans qui avait décidée au profit de la Cades en 2010.
Le FRR constituait un dispositif intéressant mais il n'a pas atteint la plénitude des missions que l'on pouvait légitimement attendre de lui, faute d'alimentation suffisante. Ce Fonds dispose néanmoins de réserves qu'il est possible de solliciter à d'autres occasions. Je porterais, toutefois, un regard extrêmement négatif si une opération semblable à celle de 2010 venait à être mise en oeuvre.
Merci monsieur le président. La parole est désormais aux membres de la commission.
Ma question porte sur l'article 33 du PLFSS qui prévoit que les professions libérales non réglementées ne seraient plus affiliées à la caisse interprofessionnelle (Cipav) mais au régime social des indépendants (RSI). Cette proposition tend-elle à constituer une première étape vers la création d'un régime unique des travailleurs non-salariés, ce qui aurait, in fine, pour conséquence de supprimer une dizaine de caisses de retraite ? Ou cette démarche a-t-elle pour objectif d'alléger certaines charges de la Cipav, dont les dysfonctionnements ont été soulignés par la Cour des comptes ?
Pouvez-vous nous préciser l'impact financier des lois « Fillon » et « Woerth » sur l'allongement de la durée de la cotisation ? Quelles en sont les traductions chiffrées au sein du budget 2017 ?
Dans quelle mesure la Cnav tient-elle compte des projections à court et moyen termes du Conseil d'orientation des retraites (COR) pour la conduite de ses travaux ?
Par ailleurs, le produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa), en principe réservé à la mise en oeuvre de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, va-t-il cette année encore, être détourné de sa finalité.
Le rapport de nos collègues Catherine Génisson et Gérard Roche a renforcé notre connaissance du FSV, dont le président Gérard Rivière a fidèlement présenté la problématique. Le FSV a pour vocation de financer des mécanismes de solidarité. La question est politique et consiste à savoir quelles recettes fiscales doivent lui être affectées afin qu'il puisse remplir cette mission. Le raisonnement est semblable pour la Cades. Augmenter ses capacités d'amortissement nécessiterait de relever le taux de contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ce qu'aucun gouvernement n'a fait depuis sa création. Tout nous porte donc à croire que le gouvernement actuel ne dérogera pas à la règle.
Ma question porte plus précisément sur l'article 30 du PLFSS. Il élargit l'accès au dispositif de retraite progressive à des salariés ayant plusieurs employeurs. Si cette modification ne semble pas majeure, pourriez-vous néanmoins nous fournir un éclairage sur ce dispositif spécifique?
Afin de compléter la question de M. Yves Daudigny, je m'interroge également sur la raison pour laquelle le FSV financerait à hauteur de plus de 800 millions d'euros le fonds pour le financement de l'innovation pharmaceutique.
Je rejoins l'interrogation de M. Daudigny sur la possibilité de refinancer la Cades puisqu'il n'existe plus d'autorisation parlementaire pour transférer des fonds de l'Acoss à la Cades. Je pense, en revanche, nécessaire qu'un gouvernement impose un jour une augmentation de la CRDS afin que la Cades puisse faire face aux échéances qui se présentent à elle à l'horizon 2024.
Dans le fil de ses propos, je signale au président Gérard Rivière avoir découvert récemment, à la lecture d'un rapport de la Cour des comptes, que la Cades avait réalisé des emprunts à taux variables, à hauteur de 30 % de ses encours. Une remontée, même faible, des taux d'intérêt, conduirait en conséquence à l'explosion de ce système.
Un récent rapport de la Cour de comptes pouvait laisser penser l'existence d'une baisse de 50 millions d'euros des crédits du Fonds national d'action sociale de la Cnav, répartie entre les différentes caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat). Il s'agirait d'une ponction ancienne afin d'alimenter la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Comment justifier cette ponction alors que les besoins d'aide et d'accompagnement des retraités ne peuvent qu'augmenter ? Mon incompréhension est encore plus forte pour l'année 2017, puisque des fonds de la CNSA non-utilisés -230 millions d'euros- vont permettre d'afficher un objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) artificiellement élevé. Quelle est la base juridique de cette ponction ? Comment éventuellement la modifier ?
Comme l'année dernière, j'évoque aussi les inégalités territoriales inacceptables dans l'accès à l'aide-ménagère à domicile pour les retraités en groupes iso-ressource (GIR) 5 et 6 qui ont besoin d'un accompagnement. Certaines Carsat le prévoient dès 65 ans, d'autres à 75 ans. Vous indiquiez l'année dernière que cette situation était temporaire. Qu'en est-il aujourd'hui ? L'égalité des droits existe-t-elle dans une situation où le nombre de retraités augmente plus vite que les dotations du Fonds national d'action sociale de la Cnav ?
Les travailleurs handicapés ont aujourd'hui, sous certaines conditions, la possibilité de bénéficier d'une retraite anticipée. Or, les récentes évolutions législatives semblent conduire à ce que certains travailleurs handicapés qui n'avaient pas effectué les démarches nécessaires auprès de la commission technique d'orientation et de reclassement professionnelle (Cotorep) pour la reconnaissance de leur handicap ne puissent pas bénéficier pleinement de la possibilité d'un tel départ anticipé. En septembre 2015, la ministre en charge indiquait que des travaux complexes étaient en cours pour résoudre ce problème. Ceux-ci ne semblent, pour l'heure, pas avoir abouti. La Cnav reconnaît-elle une présomption de handicap pour pallier cette situation ? Disposez-vous d'informations sur la mise en oeuvre de ces travaux ?
Le recul de l'âge légal du départ à la retraite relève davantage d'une fuite en avant que d'une réelle réponse aux difficultés de financement. Il aggrave un chômage de niveau déjà très élevé, notamment chez les jeunes. Disposez-vous d'analyses sur ce point ?
Concernant l'article 33 du PLFSS, la modification des règles d'affiliation à la Cipav et du RSI concernent peu la Cnav. Les nouveaux auto-entrepreneurs devront désormais s'affilier uniquement au RSI, et non plus à la Cipav, alors que ceux relevant déjà de ce statut auront un droit d'option, notamment fonction de leur taux de cotisation. La Cipav recouvre ainsi son coeur de métier : l'affiliation des professions libérales qui ne sont pas rattachées à un ordre professionnel.
Si cette réforme semble être motivée par une meilleure gestion des flux, je ne suis pas en mesure de vous dire s'il s'agit d'un préalable à une réforme plus profonde des dix sections rattachées aux professions libérales, dont certaines sont d'ailleurs de taille très modeste. Ce mouvement peut également procéder d'une volonté de réorganiser les liens entre ces dix sections de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales.
La Cnav est concernée à la marge du fait de l'intégration réalisée avec le RSI puisqu'à partir du mois de juillet 2017, les assurés qui ont relevé des deux régimes seront pris en charge par l'un ou l'autre de ces régimes.
J'aborde maintenant les impacts des lois « Fillon » de 2003 et « Woerth » de 2010.
Je n'ai pas de chiffres précis relatifs à la loi « Fillon » qui n'a pas fini de produire l'ensemble de ses effets, car elle prévoyait une augmentation progressive de la durée d'assurance jusqu'à 41 années et demie à l'horizon 2019. Tout chiffrage est, en outre, rendu difficile par l'existence des dispositifs « carrières longues ».
La loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, dite « loi Woerth », a relevé l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans d'ici 2017. L'impact de ce relèvement est estimé à six milliards d'euros en faveur de la Cnav. Des impacts inverses peuvent cependant exister pour d'autres branches.
La transition est ainsi faite avec les travaux du Conseil d'orientation des retraites (COR). La Cnav articule effectivement ses hypothèses et ses projections avec celles du COR. Le COR reprend également les projections réalisées par les régimes de sécurité sociale dont la Cnav, notamment pour la prévision des taux de chômage. De manière synthétique, la Cnav appuie ses projections macro-économiques de court terme sur celles de la commission des comptes de la sécurité sociale, et ses projections de moyen et long terme sur celles du COR.
L'article 30 du PLFSS concerne une difficulté propre au dispositif de retraite progressive qui consiste à pouvoir passer dès 60 ans à un travail à temps partiel tout en touchant une partie de sa retraite. Il n'était pas accessible aux salariés multi-employeurs. Chacun de leurs contrats ne constituant pas un contrat à temps plein, il n'était pas possible pour les salariés concernés de justifier d'un passage à temps partiel. Ils ne pouvaient donc prétendre à une retraite progressive, alors même que leurs emplois étaient le plus souvent usants et difficiles et qu'une forte demande existe donc en ce sens.
Concernant la retraite anticipée des travailleurs handicapés, je précise qu'il n'a jamais été possible de présumer un handicap antérieur pour en bénéficier. Une telle situation peut effectivement conduire à refuser parfois la reconnaissance d'une période de travail en état de handicap donnant droit à une retraite anticipée, alors même que le handicap en question est manifestement acquis dès la naissance. Du fait de l'existence de commissions de recours amiable, la Cnav fait, dans certains cas cependant, preuve de souplesse et d'équité.
Le problème politique sous-jacent réside dans le fait que la notion de présomption de handicap est contraire à la logique de la loi de 2005 qui considère le handicap comme une situation donnée et non comme un état définitif.
A ce stade, la Cnav se borne à appliquer le droit, mais ces situations sont suffisamment rares pour les présenter en commission de recours amiable et les traiter aux cas par cas.
À titre de complément, je précise que le conseil d'administration de la Cnav est particulièrement attentif au transfert de certaines affiliations de la Cipav vers le RSI. Il l'est également sur l'intégration financière des comptes du RSI dans ceux de la Cnav puisqu'il n'a en aucun cas été consulté en amont de cette décision. A l'heure actuelle, l'intégration du solde négatif du RSI est compensée par l'affectation d'une partie de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S).
Si cette part de C3S est aujourd'hui légèrement supérieure au solde négatif du RSI, cette situation a vocation à s'inverser dès 2018 et amènera la Cnav à supporter ce que je considère comme un déficit indu. Car conserver une distinction entre un régime général et le régime des travailleurs indépendants n'a de sens que si chacun de ces régimes est responsable de son équilibre, indépendamment des mécanismes de compensation démographique qui relèvent d'un autre débat. Je considère que ce rééquilibrage automatique par le régime général d'un régime de non-salariés est particulièrement problématique. Ce phénomène est amplifié par le transfert de nouvelles charges vers ce régime de non-salariés, puisque les auto-entrepreneurs ne génèrent objectivement pas un flux de cotisations suffisant pour garantir l'équilibre du RSI dans l'avenir.
En complément de ce qui vient d'être dit, je signale que le COR se penche aujourd'hui sur une problématique spécifique. Elle consiste à considérer l'avantage que procure le recul de l'âge légal de départ à la retraite pour la branche vieillesse, au regard des coûts nouveaux qui sont générés par les salariés de 60 à 62 ans dans les autres branches. Il apparait ainsi que 30 % de ces salariés sont au chômage et que 14 % d'entre eux se trouvent dans une situation d'invalidité. Ainsi, à l'inverse de la situation constatée après l'abaissement de l'âge légal de la retraite à 60 ans en 1982, l'étude soumise au COR démontre que le tiers du bénéfice de six milliards engendré par la loi « Woerth » au profit de la branche vieillesse est compensé par des dépenses supplémentaires d'assurance chômage, d'assurance maladie et d'invalidité.
Je précise à M. Labazée, qu'à ma connaissance, l'affectation intégrale de la Casa à la CNSA est désormais assurée.
Je rejoins le point de vue de M. Daudigny sur la nécessaire clarification du financement du FSV. La structure du panier de recettes affectées au FSV est particulièrement complexe et se voit modifiée tous les ans. Il serait bon de s'inspirer, pour le FSV, de la solution retenue pour la Cades dont les recettes sont issues de la CRDS et de la CSG. A l'origine, le FSV était financé par 1,3 point de CSG. Il est nécessaire de revenir vers un financement simple, quitte à ce que la solution choisie permette au FSV de constituer des réserves pour faire face aux pics de chômage.
Le conseil d'administration de la Cnav a unanimement salué l'avancée que représente l'élargissement de l'accès à la retraite progressive prévue à l'article 30 du PLFSS. Il s'agit, d'ailleurs, d'une ancienne proposition de la commission « études et prospectives » de la Cnav. Créée en 2011, cette commission a pour mission de formuler des propositions visant à améliorer le service public de la retraite. Ce dispositif visant à établir une transition progressive vers la retraite doit encore aujourd'hui évoluer, notamment pour pouvoir bénéficier aux cadres en forfait jour.
Siégeant au conseil d'administration de la Cades, je sais qu'elle a souvent des emprunts à taux variables, dans une proportion que je ne peux vous préciser. Le ministère des finances assure certainement sur ce point un contrôle vigilant.
Je précise à M. Watrin que la baisse de 50 millions d'euros des crédits du Fonds national d'action sociale de la Cnav relève d'une simple question de présentation. Jusqu'en 2014, chaque caisse de retraite dont la Cnav devait s'acquitter d'un versement auprès de la CNSA pour contribuer au financement de l'aide en faveur des personnes relevant du GIR 4, situées à la frontière entre l'autonomie et la perte d'autonomie. Cette ponction annuelle était fixée par arrêté ministériel aux alentours de quarante millions d'euros et indexée sur la variation de l'indice prévisionnel des prix. La baisse de cinquante millions d'euros des crédits du Fonds national d'action sociale vient aujourd'hui compenser la suppression de cette contribution en faveur de la CNSA.
Je rappelle, à ce titre, que l'aide à domicile dont vous souligniez l'inégal accès, constitue une prestation non obligatoire et connait en conséquence des pratiques locales parfois divergentes. Il convient néanmoins de souligner que l'ensemble des Carsat et des caisses générales de sécurité sociale (CGSS) en outre-mer tendent maintenant à suivre des critères nationaux communs approuvés tant par la tutelle que par le conseil d'administration de la Cnav. Les divergences vont donc en s'amenuisant et ne devraient a priori plus exister.
Si les moyens attribués à l'action sociale en faveur des personnes âgées sont jugés insuffisants, je signale qu'ils auront tout de même augmenté de 8,1 % entre 2014 et 2017. Ce budget sera très largement exécuté et les exigences de la Cnav pour la négociation de la prochaine convention d'objectifs et de gestion tiendront compte de cette augmentation notable.
Je souhaite également compléter le propos de M. Villard sur le rôle des commissions de recours amiable dans la détermination du droit des handicapés à bénéficier d'un départ anticipé à la retraite, puisqu'une partie de la problématique réside dans la validation des décisions de ces commissions par la mission nationale de contrôle des organismes de sécurité sociale. Il est en effet fréquent de constater que selon les ressorts territoriaux, les antennes de cette mission ne partagent pas la même interprétation des textes. La Cnav s'efforce de rendre homogène l'ensemble des décisions des commissions de recours amiable sur le territoire. Il conviendrait donc que la mission nationale de contrôle en fasse de même pour les antennes territoriales qui valident ces décisions.
Le rapport récent de la commission d'enquête sénatoriale sur les chiffres du chômage identifie ce qu'il qualifie de « halo autour du chômage », comprenant 1,4 million de personnes, dont certaines ont entre 60 et 62 ans. Disposez-vous d'analyses à ce sujet ?
Je n'ai pas réellement de précision complémentaire à formuler et ne peux m'en remettre qu'aux conclusions du COR construites sur la base des données produites par les caisses. La Cnav joue d'ailleurs, avec la direction du Trésor, un rôle majeur dans la fourniture de ces données. À ce titre, le rapport précédemment évoqué sur le bénéfice de l'augmentation de l'âge légal de la retraite montre à quel point il est nécessaire d'analyser la période qui précède directement le départ à la retraite pour juger des effets d'une augmentation de l'âge légal. J'attire à cette occasion votre attention sur l'augmentation sensible des coûts relatifs à la prise en charge des périodes d'invalidité pour l'assurance maladie et sur les incidences d'une augmentation de l'âge légal sur les ratios de solvabilité que doivent respecter les institutions de prévoyance et les compagnies d'assurance.
S'agissant du « halo autour du chômage », je précise que la Cnav analyse spécialement le parcours de ses assurés juste avant leur départ à la retraite. Il ressort globalement de cette analyse que près de 50 % d'entre eux ne sont déjà plus en activité à ce moment-là, pour diverses raisons. Ce retrait volontaire ou involontaire a une influence sur l'équilibre global des comptes sociaux et est retracé, chaque année, dans les programmes de qualité et d'efficience.
Merci messieurs, pour vos interventions et les réponses apportées à nos questions.
La réunion est levée à 11 h 40
Présidence de M. Alain Milon, président -