La réunion est ouverte à 14 h 40.
La commission procède tout d'abord à l'examen du rapport pour avis en nouvelle lecture de M. Albéric de Montgolfier sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (n° 866, 2015-2016).
EXAMEN DU RAPPORT
En première lecture, la commission des finances avait reçu délégation de la commission des lois pour l'examen au fond de 56 articles du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dit « Sapin II ». Le Sénat a voté 25 articles conformes, modifié 25 articles, supprimé 6 articles et adopté 12 articles additionnels. L'Assemblée nationale a donc examiné, pour les sujets nous concernant, 43 articles en nouvelle lecture, après l'échec de la commission mixte paritaire le 14 septembre dernier.
En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté 20 articles conformes et 17 articles avec modifications. Elle a confirmé la suppression de deux articles et rétabli quatre articles, dont deux dans une rédaction différente de la rédaction adoptée en première lecture.
On ne peut que se féliciter du grand nombre d'articles adoptés par l'Assemblée nationale dans leur rédaction issue de la première lecture du Sénat. La majorité des modifications apportées aux articles modifiés par le Sénat en nouvelle lecture sont d'ordre purement rédactionnel. De plus, elle a repris tous les articles additionnels adoptés par le Sénat dans notre champ de compétence.
Le Sénat a notamment introduit la possibilité de sanctionner les établissements bancaires et les entreprises d'assurance jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires en cas de manquement à certaines obligations, en particulier en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. L'Assemblée nationale a également repris la limitation et l'encadrement des prérogatives du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), en cas de menace à la stabilité financière ; le rejet de la limitation de la durée des chèques de douze à six mois ; le renforcement des interdictions de publicité pour les produits financiers hautement spéculatifs et risqués et la création d'un document d'information contrôlé systématiquement par l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour les « investissements atypiques » ; l'encadrement de la publicité pour les produits défiscalisés ; la nouvelle obligation d'information des entreprises d'assurance à l'égard des titulaires de contrats de retraite supplémentaire ; et la conclusion d'une convention cadre entre l'Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts et consignations afin de définir les modalités de leur collaboration en matière de développement, à l'initiative de Fabienne Keller et Yvon Collin.
Enfin, l'Assemblée nationale a confirmé la suppression de l'élargissement du champ des entreprises soumises au reporting fiscal, qui n'était pas conforme au cadre fixé par les accords BEPS (lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices) de l'OCDE.
Deux points de divergence demeurent néanmoins. Le premier concerne l'autorisation donnée au Gouvernement de réformer par ordonnance l'ensemble du code de la mutualité. Le Sénat, estimant que cette habilitation - introduite par voie d'amendement de séance et sans débat - était excessivement large, en avait voté la suppression. L'Assemblée nationale, tout en partageant nos observations sur la méthode, a rétabli cette habilitation. Après avoir obtenu de plus amples éléments d'information auprès de représentants du mouvement mutualiste, je vous propose de revenir non à une suppression totale, mais à un champ d'habilitation plus raisonnable en supprimant deux dispositions : la définition des nouvelles activités qui seraient ouvertes aux mutuelles (activités sportives et pompes funèbres) et les dispositions qui mettent en cause l'équilibre entre les pouvoirs de l'assemblée générale et ceux du conseil d'administration.
Le second point de divergence, plus substantiel, concerne l'obligation de déclaration publique d'activités pays par pays. Le Sénat avait adopté en première lecture cette obligation pour les entreprises faisant plus de 750 millions de chiffres d'affaires au 1er janvier 2018 en s'alignant sur le contenu actuel de la proposition de directive présentée par la Commission européenne, sous condition de son adoption. L'Assemblée nationale a préféré rétablir son texte de première lecture, qui revient à ne pas lier l'application de la mesure à l'entrée en vigueur de la directive, et retient un seuil de chiffre d'affaires de 50 millions. De plus, la déclaration d'activité serait publiée en ligne, dans un format de données ouvertes et gratuites. L'Assemblée nationale a enfin reporté l'entrée en vigueur par défaut du dispositif national du 1er juillet 2017 au 1er janvier 2018. La France pourrait ainsi se trouver seule à mettre en oeuvre un reporting public, ce qui serait contraire à ses intérêts. Le risque est également réel que le Conseil constitutionnel estime une nouvelle fois que cette disposition porte atteinte à la liberté d'entreprendre. Je vous propose par conséquent de revenir au texte du Sénat de première lecture.
Enfin, malgré la reprise par l'Assemblée de tous les amendements introduits par le Sénat en première lecture concernant les nouveaux pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) et l'ajout de la mention selon laquelle le HCSF doit « tenir compte » des intérêts des assurés, adhérents et bénéficiaires des contrats d'assurances, lorsqu'il met en oeuvre ses nouvelles compétences, j'estime nécessaire d'aller plus loin. Je propose d'inscrire dans la loi que le Haut Conseil « veille à la protection » des intérêts des assurés au même titre qu'il veille à la protection de la stabilité financière. En effet, les atteintes au droit des contrats comportant un risque d'inconstitutionnalité, il convient qu'elles soient strictement encadrées. Veillons à épuiser nos compétences en fixant des garde-fous au bénéfice de nos concitoyens. Dans sa décision n° 2016-591 QPC du 21 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la disposition législative instituant un registre public des trusts, sous le motif qu'elle porte atteinte au respect de la vie privée et que le législateur n'a pas précisé la qualité ni les motifs justifiant la consultation du registre, ni limité le cercle des personnes ayant accès aux données. De plus, cette QPC pourrait avoir des incidences sur l'article 45 quater B relatif à la création d'un registre public des bénéficiaires effectifs des personnes morales, voté en première lecture dans les mêmes termes par nos deux assemblées. Cet article renvoie en effet à un décret en Conseil d'État pour « préciser les informations sur les bénéficiaires effectifs qui sont mises à la disposition du public et celles qui ne sont accessibles qu'aux autorités publiques compétentes dans les domaines de la lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme, la corruption et l'évasion fiscale, ainsi qu'aux entités assujetties » aux obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. J'avais souligné, dans mon rapport de première lecture, que « s'agissant des informations ayant vocation à être rendues publiques, il pourrait être préférable que la ligne de partage relève du législateur dans ses grands principes » et la récente QPC semble valider cette analyse.
En conclusion, je suggère que notre commission propose à la commission des lois d'adopter les articles votés par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture sous réserve des six amendements que je vais vous présenter.
Le seuil de chiffre d'affaires au-delà duquel les entreprises seraient contraintes au reporting n'est pas définitivement fixé à 750 millions d'euros. De plus, le projet de directive européenne ne prévoit qu'une harmonisation partielle et n'empêche aucunement, d'un point de vue juridique, les États membres de se montrer mieux-disants en fixant des seuils plus bas, en vertu du principe de subsidiarité.
Ne soyons pas naïfs. De telles informations pourraient être utilisées par les concurrents de nos entreprises, mais aussi par les administrations fiscales de certains pays où elles sont plus dépendantes qu'en France du pouvoir politique. On pourrait ainsi voir les entreprises françaises soumises à des redressements fiscaux, et ces États capter des recettes fiscales auprès de certains grands groupes, au détriment de notre propre administration.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Article 17
Les amendements rédactionnels n° FINC.1 et FINC.2 sont adoptés.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 17 ainsi modifié.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter les articles 19, 20 et 21 sans modification.
Article 21 bis A
Je vous ai présenté le contenu de mon amendement n° FINC.3, qui retire du champ de l'habilitation à refondre le code de la mutualité l'élargissement du périmètre d'activité des mutuelles aux activités sportives et de pompes funèbres, ainsi que l'élargissement des compétences des conseils d'administration. Ces mesures ne relèvent pas du domaine technique et n'ont aucun caractère d'urgence.
Nous nous félicitons de l'évolution de votre position, puisque vous ne souhaitez plus supprimer l'habilitation. Mais notre groupe s'en tiendra à la proposition du Gouvernement, qui nous semble plus ambitieuse.
La véritable ambition, pour le législateur, ce serait de légiférer... Le code de la mutualité mérite mieux qu'une ordonnance.
L'amendement n° FINC.3 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 21 bis A ainsi modifié.
Article 21 bis
L'amendement n° COM-4, qui exclut le secteur de l'assurance dite non-vie des compétences du HCSF, me semble fondé. L'assurance dommages ou santé, par exemple, ne présente aucun risque systémique, et le secteur fait l'objet d'un encadrement réglementaire approprié. Cet amendement relève du bon sens et a été voté par le Sénat en première lecture. Avis favorable.
L'argument peut être retourné : il n'y a pas de risque systémique dans les secteurs de l'assurance habitation, dommages ou automobile ; par conséquent, la question ne se pose pas et le texte se suffit à lui-même.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° COM-4.
Mon amendement n° FINC.4 modifie une formulation redondante : « suspendre ou restreindre temporairement tout ou partie des actifs » est peu clair, et personne n'a su m'expliquer la différence entre les deux opérations. C'est pourquoi je propose de retirer le verbe « suspendre » au profit d'une formulation plus claire, qui montre bien le caractère temporaire des dispositions prises.
L'amendement n° FINC.4 est adopté.
Mon amendement n° FINC.5 modifie la formulation de cet article, qui prévoit que le HCSF doit « tenir compte » des intérêts des assurés. C'est par trop imprécis : je propose « veiller à la protection » de ces intérêts. Toute rédaction insuffisamment précise nous expose à un risque de censure du Conseil constitutionnel. Toute restriction à la capacité pour les assurés de racheter leur assurance vie ou d'opérer des arbitrages doit être soigneusement justifiée par la loi et l'intérêt général.
Voilà un excellent amendement. Je ne comprends pas les intentions du Gouvernement : « tenir compte » des intérêts des assurés implique que cela ne s'impose pas. « Veiller à la protection », en revanche, s'impose. C'est d'autant plus important que l'assurance vie est l'un des systèmes les plus solides et les plus porteurs pour les assurés ; le remettre en cause, c'est déstabiliser les épargnants.
Je suis d'accord avec les précisions apportées à la rédaction et au principe du maintien d'un équilibre dans les pouvoirs du HCSF. Mais ce dernier sera amené à faire des choix difficiles entre les intérêts des épargnants et des mesures qui peuvent s'avérer douloureuses.
Si le Haut Conseil est amené à intervenir, c'est que par définition la décision est compliquée. Il doit avoir des motifs suffisants pour intervenir dans le droit des contrats.
Il convenait que le Haut Conseil s'occupe de ce domaine qui jusqu'à présent lui échappait ; c'est l'objet de cet article.
L'amendement n° FINC.5 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 21 bis ainsi modifié.
Article 25
L'amendement n° COM-20 supprime une demande de rapport sur les enjeux de la dématérialisation des moyens de paiement. C'est la pratique de notre commission que d'écarter les rapports ; je m'en remets à votre sagesse.
Cet amendement est bienvenu car il allège le travail de l'administration.
Allant contre la position du Gouvernement, l'Assemblée nationale a maintenu la durée de validité des chèques à douze mois ; le rapport a pour objet de vérifier la pertinence de cette mesure. Notre groupe s'abstiendra.
Le groupe EELV votera contre. Le rapport demandé par l'amendement a pour objectif d'éclairer le débat particulièrement obscur que nous avons eu sur la durée de validité des chèques. Nous savons bien que les banques, pour des raisons d'économie, ont intérêt à leur suppression...
Je ne vois pas l'intérêt de prévoir un tel rapport dans la loi. Si le Gouvernement en a besoin, il a la possibilité de le commander à ses services.
Le groupe CRC s'oppose à la suppression du rapport. Nous avons besoin d'être éclairés sur une disposition qui figure dans le projet de loi.
Le rapport était justifié par le débat sur la durée de validité des chèques ; maintenant que celle-ci a été maintenue à un an, il n'a plus de raison d'être.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° COM-20.
La commission proposera à la commission des lois de supprimer l'article 25.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter les articles 28, 28 bis A, 28 bis, 28 ter, 28 quinquies, 29, 29 bis AA, 29 quater et 33 sans modification.
Article 45 bis
Mon amendement n° FINC.6 revient à la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture sur la déclaration publique d'activité pays par pays.
Le groupe CRC est favorable au maintien de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° FINC.6 est adopté.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 45 bis ainsi modifié.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 52 bis sans modification.
Article 54 bis B
L'amendement n° COM-23 de Richard Yung et moi-même met en conformité cet article avec une décision QPC du Conseil constitutionnel du 5 octobre dernier qui imposait une refonte de l'ensemble du dispositif de dialogue social au sein de la Caisse des dépôts et consignations. Il précise ainsi les modalités de désignation de deux représentants du personnel à la Commission surveillance de cet établissement.
Les dispositions du II de cet amendement sont tout à fait nécessaires, puisque la QPC remet en cause les modalités actuelles des relations sociales au sein de l'établissement. Mais pour adopter ces dispositions, nous sommes contraints de maintenir l'article 54 bis B qui introduit, même avec les modifications du I, ce que nous avons refusé en première lecture, c'est-à-dire la représentation du personnel au sein de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. Cette dernière n'étant ni une société nationale, ni un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), elle ne relève pas des dispositions législatives instaurant une représentation des personnels au sein des organes de direction. Est-il possible de voter le II de cet amendement sans conserver l'article ?
Nous avons trois possibilités : supprimer le I de l'amendement, mais avec une incertitude constitutionnelle, supprimer l'article dans son ensemble - c'était notre position en première lecture - ou enfin adopter l'amendement tel quel. Sagesse.
Je partage l'avis de Michel Bouvard. La décision du Conseil constitutionnel imposait les mesures prévues par le II. Mais la Caisse des dépôts n'a pas de conseil d'administration, et une configuration très différente des autres établissements publics ; c'est pourquoi sa commission de surveillance a des responsabilités très spécifiques : il serait difficile que des membres du personnel y soient associés. Soit nous nous exposons à un risque constitutionnel en votant l'amendement sans son I - je suis prêt à le prendre - soit nous repoussons l'amendement dans son ensemble.
L'adoption du seul II de l'amendement, qui vise à tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel, pourrait ne pas être conforme à la règle de l'entonnoir, s'il était considéré que le II n'avait plus de lien avec l'article en discussion.
Nous pouvons adopter un amendement de réécriture de l'article reprenant uniquement le II de l'amendement COM-23 - même si nous ne sommes pas certains qu'il survivra.
L'honnêteté m'oblige à dire que le II se suffit à lui-même. Je vous propose donc de rendre un avis défavorable à l'amendement n° COM-23 et d'introduire un amendement n° FINC.7 reprenant son II et commençant ainsi :
« L'article 54 bis B est ainsi rédigé :
L'article 34 de la loi... »
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-23 et adopte l'amendement n° FINC.7.
La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 54 bis B ainsi modifié et l'article 54 bis F sans modification.
Puis la commission examine le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
La mission « Conseil et contrôle de l'État » se compose de quatre programmes : le Conseil d'État et les autres juridictions administratives, la Cour des comptes et les autres juridictions financières, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et, depuis la loi de finances pour 2014, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP).
Le budget de la mission « Conseil et contrôle de l'État » est en hausse de 2 % pour s'établir à 652 millions, sous l'effet de l'augmentation des crédits de titre 2. En effet, cette mission se caractérise par la prépondérance des dépenses de personnel qui représentent, pour 2017, 85,2 % des crédits de la mission. Hors dépenses de titre 2, le budget de la mission est néanmoins en baisse de 1,5 % par rapport à 2016.
Les crédits du programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » progressent de 2,6 % par rapport à 2016, pour s'élever à 397 millions. En 2017, le programme bénéficiera, comme en 2016, de créations de poste : 60 principalement affectées aux tribunaux administratifs et la Cour nationale du droit d'asile.
Cette politique de création d'emplois se poursuit dans un contexte de progression continue des affaires enregistrées devant les juridictions administratives - une tendance qui devrait se poursuivre en 2017 avec la mise en place de plusieurs réformes, sans qu'il soit possible, toutefois, d'en évaluer l'impact budgétaire précis à ce stade : réforme du droit d'asile, du droit des étrangers, loi sur le renseignement, projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle, dépénalisation du stationnement payant, etc...
Malgré cette hausse du contentieux, et grâce notamment au renforcement de ses effectifs, les délais de jugement des juridictions administratives semblent maîtrisés voire s'améliorent, y compris pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) dont les efforts, dans ce domaine, méritent d'être salués - et je sais que Roger Karoutchi est particulièrement attentif à cette question. Entre 2009 et 2016, le délai moyen constaté devant la CNDA a ainsi été réduit de 45 %, pour atteindre, fin 2017, six mois en procédure normale et six semaines en procédure accélérée. Ces délais, supérieurs à ceux qu'impose la réforme du droit d'asile, peuvent néanmoins être considérés comme raisonnables au vu de l'important déstockage annoncé des dossiers en instance à l'OFPRA dès fin 2016.
Quant au Conseil économique, social et environnemental (CESE), son budget s'établit, pour 2017, à 39,8 millions, soit une hausse de 4,4 % par rapport à 2016, infirmant la tendance à la baisse observée depuis 2014. Le CESE connaît, en effet, une hausse de ses dépenses de personnel lui permettant d'atteindre son plafond d'emploi fixé à 150 équivalents temps plein travaillé. Cette évolution s'inscrit dans le cadre des orientations stratégiques fixées par la nouvelle mandature, visant à accroître et redonner de la visibilité aux travaux du Conseil. Le CESE poursuit également la mise en oeuvre de deux réformes importantes : la refonte de son régime comptable et financier et le rééquilibrage de sa caisse des retraites. On peut néanmoins noter que la hausse de 4,4 % de son budget, au contraire de celle du budget des juridictions administratives, se justifie moins aisément.
Le programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » est doté de 214,7 millions en crédits de paiement, soit un budget en légère augmentation (0,5 %) par rapport à 2016, principalement due à une hausse des dépenses de titre 2. 2017 sera une année de transition pour la mise en oeuvre des nouvelles compétences attribuées aux juridictions financières : l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales et le contrôle des établissements et services sociaux et médicaux-sociaux (ESMS) et des établissements de santé privé seront sans conséquence sur le plafond d'emplois stabilisé à 1 840 ETPT. Néanmoins, la Cour des comptes, dont j'ai récemment rencontré le Premier président, estime que l'extension de ses compétences nécessitera, à partir de 2018, des moyens supplémentaires, estimés à environ 40 postes, tout en restant en deçà du plafond d'emplois.
Par ailleurs, la réforme des juridictions financières - qui a permis l'ajustement des chambres régionales de comptes à la carte des nouvelles régions - est en voie d'achèvement, pour un coût global estimé à 11,5 millions. L'impact budgétaire sur 2017 est cependant mineur, le coût ayant principalement porté sur les années précédentes.
Enfin, le dernier programme est consacré au Haut Conseil des finances publiques. Comme en 2016, le budget alloué à ce programme - qui représente 0,08 % des crédits de la mission - a été réajusté, à la baisse, aux besoins de l'institution, soit 500 000 euros. Son faible montant, sa sous-consommation récurrente et l'absence réelle de mesure de la performance me conduisent, néanmoins, à m'interroger sur la pertinence d'un programme particulier pour cette institution. Par ailleurs, il est intéressant de noter que le budget du Haut Conseil est en baisse alors ses avis n'ont jamais autant fait parler de lui...
En conclusion, je propose à la commission d'adopter, sans modification, les crédits proposés pour la mission et chacun de ses programmes.
L'augmentation du budget des juridictions administratives est assez raisonnable, compte-tenu de leurs nouvelles obligations. De même, la Cour des comptes et le Haut Conseil des finances publiques font attention à l'évolution de leur budget. En revanche, + 4,4 % pour le budget du CESE - une institution qui, à mes yeux, pourrait être supprimée -, est déraisonnable, notamment au vu de la situation des collectivités territoriales. Je n'approuverai pas les crédits de la mission.
Je n'ai pas encore pu rencontrer le président du CESE. Cette augmentation correspond à dix créations de poste - quatre de catégorie A + et six de catégorie A. Il est vrai que les collectivités locales subissent, elles, une baisse de leurs dotations. Vous pourrez déposer des amendements, à condition qu'ils soient ciblés.
Pour former les agents de la CNDA, il faut du temps. Depuis trois ans, on augmente considérablement les effectifs de la CNDA, ce qui est une bonne chose, mais attention aux années à venir. Le délai de traitement des dossiers est actuellement plus rapide du fait de moindres recours. Le nombre de demandes d'asile acceptées a augmenté : depuis deux ans, le taux est de l'ordre de 25 %, contre environ 15 % il y a quelques années, car il y avait à l'époque très peu de Syriens et d'Irakiens. Mais si le nombre de 100 000 demandes d'asile se maintient en 2017 et 2018, mais avec moins de Syriens et d'Irakiens qui obtiendraient leur demande dès leur recours devant l'OFPRA, les recours devant la CNDA se multiplieront. L'augmentation des effectifs de la CNDA en 2017 ne nous met pas à couvert pour les années à venir. Si l'on en revient à un taux normal de recours, la CNDA connaîtra à nouveau des difficultés.
J'ai cru comprendre que le Conseil d'État connaissait une augmentation du nombre de personnels. Est-ce le cas ? Voilà trois ans, 6 000 ou 7 000 recours avaient été déposés sur le découpage des cantons, ce qui avait triplé le volume d'activité sur une année. Je me demande si les recours déposés à l'époque ont permis de justifier des embauches ou si le Conseil d'État avait pu absorber ce surcroît de travail.
Pour 2017, il s'agit de 60 créations de postes pour les juridictions administratives, dont 40 pour la Cour nationale du droit d'asile, 15 pour les tribunaux administratifs et sans doute 5 pour le Conseil d'État.
Si l'on revient sur la mission « Conseil et contrôle de l'État », celle-ci est hétéroclite, avec plusieurs programmes : 397 millions pour les juridictions administratives, 214,7 millions pour les juridictions financières et 39,8 millions pour le CESE. L'augmentation des missions des juridictions financières, avec la certification des comptes des collectivités, le contrôle des établissements sanitaires et sociaux, y compris de droit privé, justifie pleinement les crédits dévolus. S'agissant des juridictions administratives, l'augmentation des dépenses est justifiée par la hausse continue du contentieux. Globalement, j'ai un avis très favorable sur les crédits des juridictions financières et administratives. Pour les crédits attribués au CESE, je conviens qu'il faudrait analyser davantage l'évolution proposée des crédits, et notamment des crédits de personnel. Nous pourrions réserver les crédits de la mission.
La réserve des crédits destinés au CESE me conviendrait tout à fait. Je ne sais ce que signifie le terme de « rebasage » de la masse salariale, employé dans la note de présentation de la mission. Tout cela mérite d'y voir plus clair. Quand la métropole du Grand Paris cherchait un hémicycle pour se réunir, le CESE louait le sien 10 000 euros la matinée !
Vous incitez donc le rapporteur spécial que je suis à mener de plus amples investigations. Je vous propose de réserver les crédits et de les examiner à nouveau lors d'une prochaine réunion.
Le montant des crédits affecté au Haut Conseil des finances publiques est vraiment très faible. Les crédits augmenteront-ils dans les années à venir ?
Je ne le pense pas car tout le travail support est assuré par la Cour des comptes. Il y a très peu de personnels dans cette instance. On peut néanmoins s'interroger sur l'existence d'un programme spécifique au regard de la faiblesse de ses crédits.
Je me rallie à l'idée de mener des investigations complémentaires sur le CESE. Le montant des crédits proposés est équivalent à celui des crédits réalisés en 2015, mais il est toujours utile de poser quelques questions.
L'avis de réserver l'ensemble de cette mission, au 24 novembre prochain, dans l'attente du résultat des investigations de notre rapporteur spécial, me semble partagé.
À l'issue de ce débat, la commission décide de réserver sa position sur les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».
Enfin, la commission procède à l'examen du rapport de M. Marc Laménie, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » (et articles 53 à 55) et entend une communication sur son contrôle budgétaire relatif à l'Institution nationale des Invalides (INI)).
La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » comporte trois programmes : le programme 167, qui porte essentiellement sur les crédits de la Journée « défense et citoyenneté » (la JDC) et des opérations commémoratives promues par le secrétariat d'État ; le programme 169, le plus important, qui finance les différentes prestations versées aux invalides et anciens combattants et le programme 158, qui implique les services du Premier ministre et réunit les moyens nécessaires à la réparation des spoliations et des actes de nature antisémite et de barbarie commis pendant le second conflit mondial.
Au total, les crédits de la mission s'élèvent à 2,554 milliards d'euros, dont 2,448 milliards d'euros au titre des dépenses d'intervention, ce qui atteste de la vocation de la mission d'être un réservoir de transferts en faveur du monde combattant. Ce réservoir est principalement logé dans le programme 169, qui réunit 2,4 milliards d'euros de crédits destinés à honorer un certain nombre de droits, au premier rang desquels la dette viagère à hauteur de 1,9 milliard d'euros. Il s'agit de la retraite du combattant (748,5 millions d'euros) et des pensions militaires d'invalidité (1,147 milliard d'euros). Ce programme comprend également les financements des soins gratuits (32,6 millions d'euros), des remboursements des prestations de sécurité sociale aux invalides de guerre pour les prestations non prises en charge gratuitement (85,2 millions d'euros), et des coûts des majorations des rentes mutualistes, qui pèsent à hauteur de 253,5 millions d'euros, somme assez considérable quand on la compare aux dépenses des retraites versées aux combattants.
Le programme 167 totalise 37,9 millions d'euros, dont 15,7 millions d'euros pour financer la Journée « défense et citoyenneté » (JDC), tandis que le programme 158 bénéficie d'environ 100 millions d'euros.
Le projet de budget fait ressortir une baisse des crédits de 2,6 % en crédits de paiement, soit une économie de 67 millions d'euros. Cette baisse est concentrée sur les dépenses d'intervention du programme 169.
Enfin, le budget ne rend pas compte de la totalité de l'effort financier en faveur des anciens combattants : hormis une centaine de millions d'euros provenant d'autres missions, quasi exclusivement pour financer le déroulement de la JDC, il faut encore compter avec des dépenses fiscales estimées cette année à 751 millions d'euros, qui augmentent les crédits de la mission de près de 30 %.
Concernant les dépenses fiscales, ma première observation tend à en faire ressortir l'importance dans l'ensemble des transferts consentis au bénéfice des anciens combattants. Notre commission s'était interrogée dans le passé sur leur poids et sur l'opportunité d'attribuer aux différentes dépenses fiscales un si grand rôle dans l'expression de la solidarité avec le monde combattant. Certaines dépenses fiscales et sociales consenties aux anciens combattants ne sont toujours pas recensées dans le projet annuel de performances. La Cour des comptes l'avait déploré. J'ai interrogé le ministère sur ce point, et les réponses fournies, éclairantes pour certaines, ne m'apparaissent pas entièrement satisfaisantes. Je vous propose de porter notre attention sur ce point dans l'année à venir d'autant que, traditionnellement, les dépenses fiscales connaissent un certain dynamisme, qui contraste avec les crédits budgétaires.
Ma deuxième observation concerne les économies programmées sur ces crédits. Elles se montent à 67 millions d'euros, ce qui est loin d'être négligeable. C'est traditionnellement à une sorte de « dividende démographique » qu'elles sont dues. De nombreuses prestations voient naturellement la population de bénéficiaires se réduire. Cette année encore, il est prévu que les titulaires des pensions militaires d'invalidité (PMI) et de la retraite du combattant se contractent de près de 5 % pour chacune de ces catégories. Or, les crédits ne baissent pas à due proportion. Si l'on se limite aux PMI et à la retraite du combattant, la seule variation démographique aurait dû permettre près de 100 millions d'euros d'économies. Le projet de budget n'en programme que la moitié. Ce décalage s'explique par des mesures qui atténuent l'ampleur du dividende démographique. Il ne s'agit pas tant des mesures des articles rattachés à la mission, puisque leur montant ne dépasse pas 800 000 euros. Les 50 millions d'euros d'écart sont en réalité essentiellement le résultat d'une mesure directe : l'attribution de deux fois deux points aux titulaires de la retraite du combattant et d'un enchaînement qui, au travers du « rapport constant » liant la valeur des prestations dont il s'agit à l'indice INSEE, dit « grille des salaires », transmet les revalorisations salariales de la fonction publique aux principales prestations de la mission. En 2017, le coût de la revalorisation de la retraite du combattant s'élèvera à 27,4 millions d'euros, tandis que le second mécanisme enclenché majoritairement avec la revalorisation de l'indice de la fonction publique, à deux reprises - 0,6 % en juillet 2016, puis en février 2017 -implique un coût de 39,8 millions d'euros pour l'ensemble des prestations indexées.
En raison du calendrier, ces mesures auront des effets plus importants encore sur les charges de la mission considérées en année pleine. Les points attribués à la retraite du combattant représentent une augmentation de plus de 8 % en année pleine soit, selon certaines hypothèses, près de 65 millions d'euros, qui joueront à la hausse sur les dotations en 2018. Par comparaison, il faut mentionner que les pensions civiles devraient faire l'objet d'une revalorisation de 0,6 % en octobre 2017. En outre, si les PMI sont revalorisées du fait du rapport constant, cette indexation sera nettement plus modérée que pour ce qui concerne la retraite du combattant, discordance évidemment discutable. On peut parler d'un sérieux coup de pouce. Cependant, il ne suffira pas à effacer les pertes de pouvoir d'achat subies par tous les titulaires des droits liés à la valeur du point PMI, qui sert de base au calcul de leur paiement. Si celui-ci avait été indexé sur l'inflation depuis 2011, il aurait atteint 14,64 euros en 2015, contre les 14,04 euros observés et les 14,36 euros prévus en 2017 résultant de la revalorisation entreprise.
Ma première observation porte sur la JDC, sur laquelle notre commission a rendu un rapport en cours d'année. Toutes les préconisations formulées ne sont pas encore traduites dans les faits. L'une, qui me tient à coeur, semble toutefois devoir être prise en compte : la JDC, en plus de sa raison d'être, qui est de sensibiliser les jeunes aux affaires de défense, doit mieux faire que ce qu'elle fait déjà en termes de remédiation au décrochage de certains jeunes : entre 100 000 et 150 000 jeunes sortent sans bagage du système scolaire chaque année. C'est vraiment une cause nationale que de s'attaquer à ce problème. La JDC permet d'identifier les vrais décrocheurs, qui sont reçus en entretien et se voient proposer des filières de requalification. Il faut que cette action soit beaucoup plus vigoureuse. L'idée de transformer la direction du service national en direction du service national et de la jeunesse, en cours d'étude, doit être le premier pas vers une amplification des suites données à la JDC.
Ma dernière observation concerne le programme 158 et, en particulier, les missions de la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS). Je souhaite que les dossiers nombreux qu'il lui faut encore traiter au titre de l'indemnisation des victimes d'actes de barbarie permettent d'avancer rapidement vers la résorption d'un stock trop élevé. Il convient aussi de mieux traduire les recommandations formulées par la mission de la commission de la culture et, en particulier, par sa rapporteure, pour que, au-delà de l'indemnisation stricto sensu, la réparation puisse prendre la forme de restitutions. À cet égard, il faudra sans doute surmonter des questions d'organisation, mais aussi prévoir les crédits nécessaires à des recherches concrètes plus actives. Au bénéfice de ces observations, je vous invite à adopter les crédits de la mission sans modification.
J'en viens maintenant à la présentation des articles 53 à 55 rattachés.
L'article 53 introduit un nouveau cas de majoration des pensions de réversion pour les conjoints survivants. En l'état, les majorations sont accordées sous condition d'âge, un ayant droit de moins de 40 ans n'y ayant pas vocation, sauf à connaître un état de santé très dégradé. L'article prévoit d'élargir ce droit aux ayants droit de moins de 40 ans ayant au moins un enfant à charge. La mesure bénéficierait à 105 personnes, pour un coût de 130 000 euros par an. Je propose d'adopter cet article.
L'article 54 majore de 100 euros les différentes allocations spécialement accordées aux supplétifs et à leurs ayants droit. Cette mesure coûterait 570 000 euros. La situation des harkis s'en trouverait davantage améliorée que celle d'autres combattants des mêmes conflits. Malgré cette asymétrie, il faut aussi tenir compte des difficultés particulières rencontrées par cette population. Je suis donc favorable à cet article.
Enfin, l'article 55, qui représente 100 000 euros, complète la liste des fonctionnaires exerçant des missions au service de la sécurité du pays et ayant fait preuve d'un courage particulier dans des situations d'agression dont le décès justifie une majoration de pension pour les ayants droit survivants. Les militaires décédés sur le territoire national hors ceux de la gendarmerie nationale n'entrent pas jusqu'à présent dans cette liste. Il s'agit de réparer une omission, ce qui, compte tenu des conditions d'engagement actuelles des soldats sur le territoire national, est hélas très justifié. Je préconise l'adoption de cet article.
Le contrôle budgétaire sur l'Institution nationale des Invalides (INI) a été largement motivé par la situation d'incertitude, sinon de crise, que traverse cet établissement depuis quelque temps. L'INI, maison des combattants âgés, malades ou blessés au service de la patrie, est l'une de ces institutions qui, par son histoire et sa haute valeur symbolique, appartiennent au patrimoine de la Nation. Il faut aussi considérer l'utilité de ses missions, à savoir l'accueil des invalides les plus lourds et les prestations de ses services de soins, dispensés dans trois centres.
Le centre des pensionnaires accueille les invalides du monde combattant. La moyenne d'âge y est élevée mais, avec les OPEX et les attentats, elle tend, hélas, à baisser un peu. Le centre chirurgico-médical a une patientèle très diversifiée avec, désormais, une majorité de patients non militaires. Enfin, une unité appelée le Centre d'études et de recherche sur l'appareillage des handicapés (CERAH) réalise des travaux sur les appareillages et mène des travaux de recherche.
Les unités de soin de l'INI sont de plus en plus fréquentées par des civils malgré la priorité d'accès réservée au monde combattant. Cela témoigne de l'excellence acquise dans certaines spécialités médicales liées à l'invalidité, en particulier pour toutes les pathologies médullaires et la réadaptation consécutive à des traumatismes souvent très lourds.
Le régime juridique de L'INI, lui confère une authentique singularité et autonomie administrative. Celle-ci est un établissement public administratif sui generis : cela signifie non seulement qu'elle est dirigée par un conseil d'administration où sont représentées les parties prenantes, mais également qu'elle n'est pas un établissement de santé et qu'elle n'est pas soumise à l'ARS. Elle n'est pas non plus formellement intégrée au service de santé des armées. Enfin, un grand nombre des règles s'appliquant à l'INI sont de niveau législatif.
Bien qu'unique, l'INI n'est pas séparée de son environnement. Elle est acteur d'un grand nombre de réseaux. Outre l'ouverture de ses unités médicales au monde civil, elle contribue à la résilience de la Nation qui est l'une des missions naturelles des services de santé des armées. L'implication de l'INI dans la réponse apportée à la suite des tragiques événements qu'a connus notre pays l'a amplement démontré. Établissement hors norme, l'INI n'est pas un établissement hors sol.
Force est pourtant de constater que l'INI, sur fond de réorganisation générale de l'offre de soins, s'est trouvée confrontée à une période difficile, marquée par des incertitudes sur le périmètre de ses missions et par des déséquilibres financiers. Ceux-ci ont été moins le résultat de dépenses trop fortement croissantes que de l'inertie de ses grands financeurs. Le contexte d'ensemble n'a sans doute pas été pour rien dans l'entrée de l'INI dans une période de turbulences. Celle-ci s'est manifestée par l'absence de renouvellement du contrat d'objectifs et de performance depuis l'expiration du dernier, en date de 2014, et par la décision de suspendre la réalisation du schéma immobilier de l'INI, à la suite des observations négatives du contrôle budgétaire et comptable ministériel.
Quant au contexte, il a été marqué par la préparation, la discussion, puis l'adoption d'un nouveau texte sur la santé, ainsi que par la réorganisation du service de santé des armées dans le sens d'une réduction de ses capacités. L'emblématique Val-de-Grâce n'a pas survécu à cette dernière évolution, et on pouvait s'inquiéter pour les Invalides, une inquiétude d'autant plus prononcée que les équilibres financiers de l'INI s'étaient dégradés au cours de la période.
La dégradation de la situation financière de l'INI se résume en deux chiffres, ceux de la croissance de ses dépenses courantes et de ses recettes de fonctionnement au cours de la période 2010-2015. Les premières ont augmenté de 8,5 % et les secondes de 5 %. La croissance des dépenses de l'INI peut être jugée diversement. Elle est certes dynamique dans un contexte où l'on souhaite réaliser des économies budgétaires. En même temps, elle respecte l'objectif national d'augmentation des dépenses d'assurance maladie (Ondam), qui est la norme de dépenses pertinente, et n'aboutit pas à un alourdissement en termes d'euros constants. Cette évolution doit cependant être appréciée en fonction d'un certain nombre de paramètres qui auraient pu peser davantage sur la dynamique des dépenses. Celles-ci sont à 75 % des dépenses de personnel. Or l'INI a réduit légèrement ses effectifs au cours de la période. Par ailleurs, la transposition du protocole « Bachelot » a été très tardive, si bien que des facteurs d'alourdissement des charges de personnel n'ont pas encore joué pleinement.
Enfin, des externalisations se sont produites dans un contexte où le plan de charges de l'INI semble avoir été réduit. De leur côté, les dépenses de fonctionnement, prenant sans doute parfois le relais des dépenses directes de personnel, ont augmenté significativement, dans des conditions parfois difficiles à comprendre. Ainsi en est-il pour les dépenses de restauration.
En toute hypothèse, et là réside l'essentiel de la responsabilité de la dégradation de la situation financière de l'INI, les ressources de l'établissement n'ont pas suivi. Celui-ci a mis en place différentes actions pour donner de l'élan à ses ressources propres, mais celles-ci ne couvrent que le quart de ses recettes et sont freinées dans leur dynamique par des contraintes diverses.
L'essentiel du financement du fonctionnement courant de l'INI repose sur deux dotations ministérielles, celle du ministère de la santé et la subvention pour charges de service public versée par le ministère de la défense. Or l'inertie de ce financement dual ne peut être approuvée. Le financement apporté par le ministère de la défense est demeuré stable ces dernières années, sous la barre des 12 millions d'euros. Il en est de même de la dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé. Celle-ci obéit à un calcul règlementaire. Elle doit suivre les coûts exposés par l'INI dans son activité de soins. Or elle n'a pas été revalorisée comme il l'aurait fallu, le ministère de la santé motivant le gel de la dotation par l'insuffisante participation de l'INI au système d'offre de soins piloté par l'ARS d'Île-de-France. Cette position contrevient aux dispositions règlementaires.
L'ambition du ministère de la santé est apparemment, de faire prévaloir son mécanisme général de financement à l'activité en lieu et place de celui qui prévoit de fixer la dotation du ministère selon les coûts de l'INI. De plus, la très grande majorité des coûts des services de soin de l'INI sont liés à une activité en faveur du monde non combattant, ce qui justifie un accompagnement financier à due proportion. Mais la subvention pour charges de service public provenant du ministère de la défense est restée gelée dans un contexte de progression des dépenses de l'établissement. Bref, une sorte de jeu de rôles s'est imposée au terme de laquelle chacun des financeurs a tenté de rejeter sur l'autre la charge du financement de l'INI.
Dans ces conditions, l'établissement a pris l'habitude, dénoncée par le contrôle budgétaire, d'inscrire à son budget prévisionnel une recette liée à l'intervention du ministère de la santé déconnectée de la pratique suivie par lui et lui semblant correspondre à sa créance. Il en est résulté une forme d'insincérité des budgets primitifs de l'établissement et, in fine, un enchaînement insoutenable. La section de fonctionnement de l'INI s'est révélée couramment déficitaire, obligeant à ponctionner un fonds de roulement qui avait été constitué pour financer les besoins de trésorerie, mais aussi, et surtout, les investissements de l'INI. Celui-ci a fondu, passant de plus de 25 millions d'euros en 2010 à quelque 16 millions d'euros désormais. Certes, il est amplement suffisant pour couvrir les besoins de trésorerie de 1'INI, mais il a été dilapidé à des fins étrangères au motif de sa constitution. Les investissements ont été ralentis par rapport aux besoins, et la situation financière de l'INI a entraîné un gel de l'important programme de modernisation qui est nécessaire.
Si l'on ajoute à ces éléments, la délivrance d'une certification par la Haute Autorité de santé assortie de réserves et dont le renouvellement, apparemment très incertain, a été différé pour des raisons qui ne sont pas toutes compréhensibles, force est de constater qu'il était grand temps que l'INI se donne les moyens de sortir d'une forme d'impasse.
C'est heureusement ce qui semble sur le point de se produire. Aujourd'hui même, le conseil d'administration de l'INI doit examiner le nouveau projet d'établissement ayant donné lieu à une élaboration concertée assez longue mais, finalement, très utile puisqu'une forme de consensus semble prévaloir. Un nouveau projet de santé a été approuvé par le même conseil d'administration courant juin. Il a été décidé de fermer le bloc opératoire qui fonctionnait trop peu et présentait des risques. Cela a été le point difficile. On peut le comprendre dans la mesure où il procède surtout à des actes de chirurgie en lien avec des atteintes médullaires. Cependant, il semble que ceux-ci puissent être réalisés dans de bonnes conditions dans des établissements d'Île-de-France. C'est une condition impérative, comme de veiller à la perfection absolue des transports des quelques pensionnaires qui peuvent être concernés par ce type d'opérations. Le projet médical, détaillé dans le rapport, semble équilibré autour du concept de « parcours du blessé » dans une interrelation avec les autres unités du service de santé des armées, avec, pour l'INI, l'exploitation de ses avantages comparatifs dans les soins de réadaptation. S'ajoutera la prise en charge des traumatismes psychiques dont le nombre est hélas assez croissant.
Dans ces conditions, le programme d'investissement pourra enfin être réalisé. Il n'est pas négligeable, puisqu'il représente 50 millions d'euros. Il serait financé à hauteur de 10 à 15 millions d'euros par le fonds de roulement, le reste étant pris en charge par dotation du ministère de la défense. Ce projet d'ensemble appelle quelques observations. On peut s'interroger sur la participation exclusive des budgets militaires au financement du projet dans la mesure où la patientèle de l'INI est principalement civile. Ce choix est sans doute un élément parmi d'autres des équilibres existants entre le ministère de la défense et celui de la santé qui a apparemment sanctuarisé la poursuite de sa contribution au coût de fonctionnement de l'INI. C'est, à mes yeux, bien le moins. Par ailleurs, il faudra parvenir à un équilibre de la section de fonctionnement pour que tout cela soit viable. Il est bien entendu souhaitable que la dotation de financement versée par le ministère de la santé reflète mieux les coûts qu'elle est appelée à financer. Mais il faudra aussi tirer la conséquence logique d'un reformatage de l'INI et de sa plus grande intégration au système de santé de droit commun. L'INI est constamment accusée de disposer d'un personnel pléthorique. La visite de l'établissement que j'ai faite confirme que, pour ce qui est des soins et de l'accompagnement des pensionnaires, cette accusation est injuste. Il reste que la fermeture du bloc opératoire et la redéfinition des capacités de l'INI doivent avoir des effets sur le volume du personnel. Une quarantaine d'emplois seraient supprimés. Il est sans doute possible d'aller un peu au-delà en mobilisant certaines réserves de productivité dans les services de support qui peuvent être mieux mutualisés, en réduisant un absentéisme qui, pour être inférieur au taux constaté dans les établissements hospitaliers (14 %), reste, avec 9 %, trop élevé, et en baissant certaines charges de fonctionnement.
Enfin, l'INI devra sans doute optimiser certaines de ses activités, en ouvrant davantage son centre de pensionnaires, en valorisant plus ses recherches dans le domaine de l'appareillage et en recourant aux procédés numériques pour gérer ses patients et pensionnaires.
Comme vous, monsieur le rapporteur spécial, je regrette que la totalité de l'effort de la Nation à l'égard du monde combattant ne soit pas retracée dans cette mission, notamment en ce qui concerne les dépenses fiscales. Je l'avais d'ailleurs dit dans mon rapport sur l'exécution budgétaire en 2015.
Votre rapport démontre que l'INI a eu des difficultés à évoluer, mais peut-on garder en activité un bloc opératoire ne réalisant qu'une centaine d'opérations par an avec des moyens de réanimation insuffisants ? En revanche, l'INI dispose d'un réel savoir-faire, notamment lorsqu'elle accueille les victimes d'attentats qui, parfois, doivent suivre une rééducation très lourde.
Que dire après cet excellent rapport, sauf à faire du psittacisme, d'autant que la commission des affaires sociales se retrouve dans la plupart des propos tenus ?
Nous partageons votre analyse sur la JDC qui doit se recentrer sur les notions de défense.
La commission des affaires sociales s'est intéressée à la quatrième génération du feu, qui prend une importance croissante, même si elle reste embryonnaire du fait de l'âge des intéressés. La diminution démographique des générations précédentes ne se poursuivra pas car, dans quelques années, nous verrons arriver les 150 000 personnes qui auront été en opérations extérieures. Il est du devoir de la Nation de toujours mieux les accompagner, notamment lorsque les soldats sont blessés. Ils bénéficient alors de l'ONAC. Cela nous conduit à réfléchir sur les missions de cet organisme, avec une meilleure prise en compte de ce nouveau public.
Depuis 2007, le Sénat demandait la revalorisation de deux fois deux points de la retraite du combattant. Avec ce projet de loi de finances, c'est chose faite.
Enfin, les articles 53, 54 et 55 répondent à des situations spécifiques, même si les montants en jeu restent modestes.
Ce budget consacre la revalorisation de la retraite du combattant. Toutes les associations d'anciens combattants s'en félicitent.
Les montants sont certes symboliques mais satisfont les personnes qui vont en bénéficier. Ainsi, la pension des ayants droit des militaires tués dans l'exercice de leur fonction va doubler : en d'autres termes, le salaire sera maintenu. Ces aides sont essentielles pour celles et ceux qui en profiteront. Il importait que la Nation consente un effort en faveur de ces populations ; c'est chose faite, et nous nous en félicitons tous.
Je salue la hausse de deux fois deux points de la retraite des anciens combattants.
Les pilotes de Rafale et les personnes qui servent sur le Charles-de-Gaulle sont-ils considérés comme anciens combattants ?
Je remercie le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour son intervention.
L'ONAC-VG joue un rôle social important dans tous nos départements.
Sont déclarés anciens combattants tous ceux qui ont connu l'épreuve du feu.
Nous allons nous prononcer sur la mission et les articles attachés.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et des articles rattachés 53, 54 et 55.
La commission donne acte au rapporteur spécial de sa communication sur l'Institution nationale des Invalides et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
La réunion est levée à 16 h 10.