Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation

Réunion du 21 décembre 2016 à 9h05

Résumé de la réunion

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  • assiette
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  • guichet unique

La réunion

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La réunion est ouverte à 9 h 05.

La commission désigne M. Éric Doligé en qualité de rapporteur sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays.

La commission demande à se saisir pour avis sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, l'ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et l'ordonnance n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse.

La commission désigne M. Charles Guené en qualité de rapporteur pour avis sur le projet de loi de ratification sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, l'ordonnance n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et l'ordonnance n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse.

La commission examine le rapport en nouvelle lecture sur le projet de loi de finances rectificative pour 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

L'encre est à peine sèche et le papier encore chaud, puisque nos collègues députés ont achevé l'examen du texte à presque deux heures du matin. Nous allons demander l'application de la directive européenne sur le temps de travail ! Nous avons suivi en direct l'avancée du texte à l'Assemblée nationale pour préparer le rapport pour ce matin. Les conditions de travail ne s'améliorent pas. Je ne sais même pas comment nous aurions fait si nous n'avions pas déposé de question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Concrètement, comment les sénateurs pourraient-ils déposer des amendements sur un texte qui vient à peine de nous être transmis ?

La commission mixte paritaire, qui s'est réunie ici même avant-hier, n'est pas parvenue à établir un texte commun sur le projet de loi de finances rectificative pour 2016, en raison de quelques points de désaccord - j'en avais souligné quatre -, malheureusement confirmés par la nouvelle lecture du texte opérée hier par l'Assemblée nationale.

Sur 138 articles restant en discussion, l'Assemblée nationale en a adopté 40 conformes, modifié 33 (dont 29 accords partiels), mais elle a rétabli son texte de première lecture sur 19 articles et supprimé 46 articles introduits par le Sénat.

Plusieurs articles emblématiques, qui se trouvaient tous dans le texte initial du Gouvernement, ont été rétablis malgré notre opposition - vous les connaissez, car j'avais attiré l'attention de nos collègues députés à leur sujet. Il s'agit des articles suivants :

l'article 12, procédant à la ratification des trois décrets d'avance de l'année sur lesquels la commission des finances avait émis un avis défavorable ;

l'article 34, créant un nouvel acompte de contribution sociale de solidarité des sociétés, ou C3S ;

l'article 35, créant une contribution pour l'accès au droit et à la justice, afin d'alimenter un fonds interprofessionnel dont ne veulent pas les professionnels concernés ;

l'article 51, procédant à la ratification d'un avenant à la convention entre la France et le Portugal, alors même que, selon moi, l'article 53 de la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances ne permettent pas de ratifier une convention fiscale par une loi de finances. La question sera tranchée par le Conseil constitutionnel, si le texte lui est déféré.

Par ailleurs, on peut regretter que l'Assemblée nationale ait refusé un certain nombre de modifications que nous avions introduites aux articles du projet de loi de finances rectificative et qui nous semblaient particulièrement utiles.

Par exemple, à l'article 13 bis, nous avions souhaité supprimer la dématérialisation des avis de sommes à payer des produits locaux pour offrir des garanties aux contribuables, mais cette disposition a été rétablie par un amendement du Gouvernement. Le Gouvernement m'a confirmé qu'il n'y avait pas de réversibilité : ceux qui communiquent leur adresse e-mail recevront tous les avis de sommes à payer des produits locaux par voie dématérialisée et ne pourront plus faire le choix de la version papier. Ils ne devront pas s'étonner s'ils ont des pénalités !

À l'article 19 ter, nous avons souhaité que la déclaration automatique par les plateformes en ligne des revenus de leurs utilisateurs soit mise en oeuvre dès 2018, mais l'Assemblée nationale a confirmé l'échéance plus lointaine de 2019. À quoi bon dire que les impôts ne rentrent pas si l'on n'adopte pas de mesures concrètes pour lutter contre ce phénomène ? Je ne vois pas l'intérêt de retarder d'un an l'échéance.

À l'article 20, qui clarifie la notion de bien professionnel au titre de l'ISF, l'Assemblée nationale n'a pas non plus retenu nos amendements d'amélioration, qui reprenaient pourtant la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Cela impliquera de nouvelles questions prioritaires de constitutionnalité à terme.

L'Assemblée nationale a aussi rétabli des dispositions concernant les plus-values de cessions de logements à des organismes HLM (article 21 bis) et les droits d'enregistrement (article 21 sexies), que nous souhaitions supprimer, et n'a pas élargi, comme le souhaitaient Vincent Éblé et Michel Bouvard, le dispositif Malraux pour certains sites patrimoniaux remarquables (article 22). C'est dommage, car cette extension n'aurait pas été très coûteuse.

Enfin, l'Assemblée nationale a rétabli son texte à l'article 24, relatif à la TGAP, et à l'article 24 septies, relatif au prélèvement supplémentaire de TGAP.

Elle n'a pas souhaité baisser le taux de la taxe de solidarité sur les billets d'avion, qui abonde pourtant le budget de l'État (article 24 decies), ni celle sur la taxe sur les spectacles (article 3 bis), dont elle a même relevé le plafond de 30 à 50 millions d'euros. On ignore ce que le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz fera de tout cet argent.

L'Assemblée nationale n'a pas souhaité prolonger, comme nous le proposions à l'article 31 bis, le suramortissement des investissements productifs jusqu'à fin 2017.

Par ailleurs, je ne pourrai citer tous les articles additionnels - ils sont nombreux -qu'elle n'a pas voulu reprendre : les informations aux contribuables locaux souhaitées par Michel Bouvard ; la prorogation du régime Censi-Bouvard pour des opérations engagées avant le 31 décembre 2016, sur l'initiative de Claude Raynal ; les exonérations de taxe foncière pour les bâtiments ruraux à usage agricole, la saliculture, les golfs ruraux, cette dernière mesure étant souhaitée par Alain Houpert ; les aménagements au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC, sur l'initiative de Charles Guené ; l'extension du périmètre du crédit d'impôt pour la transition énergétique, le CITE, aux prestations de raccordement à un réseau de chaleur, souhaitée par François Marc, Vincent Capo-Canellas et Jean-François Husson ; la provision pour risque prud'homal...

Enfin, elle a supprimé l'article 35 quater B sur l'aménagement de l'imposition des élus locaux, introduit sur l'initiative de notre collègue Charles Guené, et l'article 23 septies, relatif aux modifications des modalités de calcul de la valeur locative de certains établissements industriels. Ces sujets restent donc entiers.

Cela étant, l'Assemblée nationale a tout de même conservé quelques apports du Sénat, même si la plupart ne sont pas des apports majeurs.

Parmi ceux-ci, je citerai :

la conservation au format électronique des factures établies au format papier (article 13 ter) ;

l'application des régimes de l'impôt de solidarité sur la fortune et de l'impôt sur le revenu sur les PME aux activités immobilières agricoles des entreprises solidaires (article 20 bis) ;

un certain nombre d'améliorations concernant le nouveau compte PME innovation (article 21) ;

l'application de la contribution au service public de l'électricité à Wallis-et-Futuna (article 24 bis D) ;

l'exemption de taxe sur les véhicules de sociétés utilisant du gaz naturel ou du GPL (article 24 bis B) ;

l'attribution aux métropoles d'une fraction du produit des amendes radars (article 26 nonies) ;

la mise en conformité de la redevance sur les paris hippiques en ligne (article 31 bis C) et le nouveau régime fiscal des casinos flottants (article 31 bis D), ainsi que divers articles introduits par les sénateurs du groupe socialiste, dont certains me paraissaient particulièrement bien rédigés ;

plusieurs articles relatifs à l'outre-mer et, en matière agricole, la reprise d'une disposition sur le régime micro-BA, assez consensuelle, invalidée dans la loi Sapin II. Ces dispositions avaient fait l'objet d'un large consensus, mais avaient été censurées par le Conseil constitutionnel en tant que cavaliers.

L'Assemblée nationale a également donné son accord sur l'enrichissement du jaune budgétaire sur les opérateurs de l'État concernant la « masse des douanes » (article 35 septies), ce qui ne coûtera pas grand-chose, et, s'agissant des appels en garantie, sur l'article 36 A, introduit sur notre initiative. Ce dernier a d'ailleurs été modifié sur l'initiative du Gouvernement, qui remettra un rapport trimestriel sur les appels en garantie.

L'Assemblée nationale a confirmé l'ajustement de la réforme des APL pour les adultes handicapés (article 41 bis A).

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à réduire le prélèvement sur Office national de l'eau et des milieux aquatiques, l'ONEMA, de 90 à 70 millions d'euros (article 3).

Pour finir, elle a également confirmé le report en 2018 des nouvelles modalités de répartition de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, des groupes de sociétés (article 23 octies), en apportant des précisions sur le contenu du rapport que devra remettre le Gouvernement.

Comme vous le voyez, mes chers collègues, les votes conformes n'ont pas concerné des points majeurs. Quand je pense que l'on nous a reproché notre question préalable sur le projet de loi de finances, le peu de considération de nos collègues députés à l'égard du texte du Sénat me laisse dubitatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

On ne peut pas se plaindre de ne pas être entendu quand on ne parle pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

En l'espèce, mes chers collègues, nous avons procédé à l'examen complet du texte. Voyez ce qu'il en ressort !

En conclusion, même si le Sénat rétablissait son texte initial, je pense qu'une nouvelle navette ne serait pas de nature à beaucoup faire évoluer les choses, compte tenu des points de désaccord majeurs. Manifestement, l'Assemblée nationale ne veut pas reprendre grand-chose de ce qui a été voté au Sénat.

Dans ces conditions, et compte tenu par ailleurs du délai extrêmement bref qui nous a été imparti pour examiner ce texte, je vous propose de poser la question préalable sur le projet de loi de finances rectificative pour 2016.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

L'Assemblée nationale a-t-elle conservé mon amendement « marronnier » sur la compensation des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je veux féliciter le rapporteur général : travailler dans de telles conditions tient du funambulisme ou des activités circassiennes, pour reprendre un terme qui a été utilisé dans la discussion vendredi.

Monsieur le rapporteur général, vous vous plaignez de n'avoir pas été entendu par la majorité à l'Assemblée nationale. Mais que pourrions-nous dire ? Qu'avez-vous retenu de nos propositions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pour notre part, nous souhaitons que les quatre points importants que vous avez indiqués - les décrets d'avance, la C3S, la contribution pour l'accès au droit et à la justice et l'avenant à la convention France-Portugal - soient maintenus dans le texte.

Par conséquent, nous sommes favorables à la version issue des travaux de l'Assemblée nationale. Cela ne vous surprendra pas.

Pour ce qui concerne la ratification de l'avenant à la convention fiscale, nous verrons comment le Conseil constitutionnel tranchera.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je veux à mon tour saluer le travail de la commission des finances. J'ai moi-même essayé de suivre les débats. Or, ce matin, la totalité du compte rendu ne figurait toujours pas sur le site de l'Assemblée nationale - il s'arrêtait à l'article 28 voilà à peu près une heure.

Le passage de relais se fait dans des conditions quelque peu surréelles.

Au passage, je regrette fondamentalement que l'article 24 bis C, relatif au reversement d'une fraction de TICPE aux collectivités territoriales ayant engagé des plans de transition énergétique à la suite des engagements de la COP 21, que nous avions fait voter, soit passé à l'as. Les débats ont été des plus superficiels. Nous avons donc toute raison de ne pas être satisfaits.

Cependant, conformément à la logique politique de mon groupe - nous sommes avant tout des parlementaristes -, nous ne soutiendrons évidemment pas la question préalable. Nous voulons mener le débat jusqu'au bout, même si ce débat est parfois laminé, effacé, écrasé.

À cet égard, je veux dire à ceux d'entre mes collègues qui envisageraient un jour de gouverner qu'il conviendrait de mettre en oeuvre le plus grand respect du travail parlementaire que nous appelons de nos voeux, à l'Assemblée nationale comme ici, notamment en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Boulard

Je regrette moi aussi que l'on n'ait pas pu débattre jusqu'au bout du budget comme de ce projet de loi de finances rectificative, notamment des articles relatifs aux finances locales.

Je crains que l'on n'ait d'assez mauvaises surprises quand on verra arriver les dotations. Outre la question, extrêmement sérieuse, de la compensation du foncier bâti, les changements de périmètre en matière de FPIC risquent eux aussi d'avoir des conséquences non maîtrisées. Je redoute un écart entre les engagements du Président de la République devant l'Association des maires de France et les dotations que recevront les collectivités locales.

Sur ces sujets, nous plaidions pour la prudence, la progressivité, le lissage dans le temps. Il n'y avait pas d'enjeu budgétaire : si nos propositions avaient mis en cause l'équilibre du projet de loi, il est clair que nous ne pouvions être entendus. Dès lors, il est extrêmement regrettable que nous n'ayons pu débattre jusqu'au bout.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je veux revenir sur les états législatifs annexés au rapport, notamment sur les prélèvements sur les recettes de l'État au profit des collectivités territoriales, qui figurent en page 84. Je me demande pourquoi le prélèvement au profit du FCTVA s'élève à -832 792 000 euros, soit une baisse de 20 %. Pourquoi une telle baisse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je trouve Richard Yung un peu sévère : au-delà de ses aspects politiques, ce texte comporte beaucoup d'aspects techniques, sur lesquels j'ai essayé d'être le plus objectif possible. D'ailleurs, énormément d'amendements, déposés par des sénateurs de tous les groupes, ont été adoptés. Je pense notamment à certains articles adoptés sur l'initiative de Richard Yung, Michèle André, Claude Raynal ou Georges Patient.

Nous avons fait preuve d'ouverture. Au reste, certains de ces amendements paraissent très bien inspirés...

Nous avons essayé d'améliorer techniquement le texte. Nous n'avons pas eu de lecture politique de dispositions techniques qui paraissaient utiles. Malheureusement, on n'est pas toujours récompensé de ses efforts.

Marc Laménie, la baisse du prélèvement au profit du FCTVA traduit le ralentissement de l'investissement public local que j'ai dénoncé lors de la discussion générale de ce collectif. Pourtant, lorsque la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat avait publié des rapports qui s'inquiétaient de ce phénomène, on nous avait rassurés.

Pour ce qui concerne les conditions d'examen du texte, il semble que le seul moyen de travailler aujourd'hui est de regarder la télévision.

Mes chers collègues, je vous donne lecture des deux derniers paragraphes de la motion que je vous présente : « Considérant que sur ces dispositions comme toutes celles restant en discussion il n'y a pas lieu de penser qu'un examen complet du projet de loi de finances rectificative pour 2016 en nouvelle lecture conduirait l'Assemblée nationale à modifier sa position en lecture définitive ; le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2016, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

En ma qualité de présidente de la commission, je veux faire un point objectif : sur les 196 articles, nous pouvons tout de même considérer qu'il y a eu plus de 120 accords, partiels ou totaux - cela inclut les amendements rédactionnels et de coordination.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

46 des articles introduits par le Sénat ont été supprimés et l'Assemblée nationale a rétabli son texte sur 19 articles. Bien évidemment, ce ne sont pas les points majeurs qui ont été votés conformes !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La commission survivra à cette nouvelle déception.

La motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi de finances rectificative pour 2016 est adoptée.

En application de l'article 73 quinquies, alinéa 2 du Règlement, la commission examine ensuite le rapport et élabore le texte sur la proposition de résolution européenne présentée par M. Albéric de Montgolfier, au nom de la commission des finances, sur les propositions de directive du Conseil de l'Union européenne COM (2016) 683 concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) et COM (2016) 685 concernant une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés (M. Albéric de Montgolfier, rapporteur).

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

La semaine dernière, je vous ai présenté mon analyse des propositions de directive du Conseil de l'Union européenne COM (2016) 683 concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) et COM (2016) 685 concernant une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés.

Aucun amendement n'a été déposé sur la proposition de résolution européenne, en dehors de ceux que je vous propose.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Mon amendement FINC.1, qui porte sur l'alinéa 34, est un amendement de précision.

L'amendement FINC.1 est adopté.

L'amendement FINC.2 soulève une question de fond.

La consolidation de l'assiette et le guichet unique marquent un progrès pour les entreprises : l'entreprise qui voudra s'implanter dans différents pays européens n'aura plus à s'adresser à autant d'administrations fiscales. Elle s'enregistrera auprès de l'une d'entre elles, qui calculera l'assiette et percevra l'impôt, lequel sera réparti entre les pays suivant une clé reposant sur trois tiers : les actifs corporels, les effectifs et le chiffre d'affaires. Ce système de répartition ressemble un peu à ce qui existe entre collectivités territoriales pour la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Le problème, c'est que la qualité de l'administration fiscale n'est pas tout à fait la même dans tous les pays.

Avec cet amendement, je précise qu'il faut une mise à niveau, une confiance réciproque entre les administrations fiscales dans l'Union européenne. À défaut, l'acceptabilité du dispositif pourrait être compromise. Je vous propose d'écrire que cette nouvelle répartition « nécessiterait une mise à niveau et une confiance réciproque entre administrations fiscales dans l'Union européenne ».

Michèle André et moi-même avons rencontré le responsable de la nouvelle « super-agence » fiscale grecque indépendante, chargée du recouvrement des impôts en Grèce. Notre interlocuteur a été incapable de nous donner des précisions sur le taux de TVA dans les îles, sur les montants de l'érosion fiscale ou encore sur le montant anormalement faible des revenus déclarés par un médecin ou un avocat. Nous avons ressenti un manque manifeste de compétence.

Concrètement, peut-on faire confiance à toutes les administrations fiscales de l'Union européenne pour percevoir l'impôt ? Dans certains cas, n'y aurait-il pas érosion de nos recettes fiscales ?

Il faut un minimum de mise à niveau des standards. Autant je pense que l'on peut faire confiance à l'administration fiscale allemande ou l'administration fiscale française, qui a l'un des meilleurs taux de recouvrement spontané au monde, autant il y a encore des problèmes de mise à niveau et de confiance réciproque dans la capacité d'un certain nombre d'administrations fiscales étrangères.

Les conséquences du guichet unique peuvent être assez graves : si l'impôt est mal recouvré ou l'assiette mal calculée, nous percevrons beaucoup moins d'impôt qu'aujourd'hui. Autrement dit, le système de guichet unique implique un minimum de standards à respecter par les administrations fiscales des différents pays. Aujourd'hui, cela ne me paraît pas atteint, et c'est ce qui peut compromettre l'acceptabilité du dispositif. Concrètement, l'Allemagne et la France, pour lesquelles l'enjeu est le plus grand dans cette affaire, peuvent très bien refuser le système s'il existe un risque pour leurs recettes fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Comment la répartition s'opère-t-elle avec le guichet unique, sachant que les taux diffèrent suivant les pays ?

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Le terme « confiance » est toujours compliqué. On peut avoir confiance en des truands ! Il me paraît trop philosophique ou religieux pour figurer dans la loi.

Selon moi, la rédaction devrait plutôt se référer à « une harmonisation des compétences des administrations fiscales des pays concernés ».

Debut de section - PermalienPhoto de Maurice Vincent

Avec le guichet unique, comment sera déterminé le pays auquel une entreprise s'adressera ? Est-ce le groupe qui décide de se déclarer résident fiscal dans tel ou tel pays ou y a-t-il d'autres critères, plus objectifs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je vous rappelle que ces directives ne portent que sur l'assiette. Elles n'induisent pas une harmonisation des taux, ce qui, d'ailleurs, peut poser des problèmes. De ce point de vue, la France et l'Allemagne, qui sont les pays les plus demandeurs, sont aussi ceux qui ont le plus à perdre dans l'application de ces projets, puisque c'est dans ces pays que les taux sont le plus élevés.

Concrètement, il y a consolidation de l'assiette, puis partage de celle-ci entre les États membres en fonction des trois critères que j'ai évoqués, et enfin application sur la quote-part de chaque État membre du taux national pour déterminer le produit. On appliquerait donc le taux de l'impôt français à la quote-part française.

Maurice Vincent, la société ne peut choisir sa résidence fiscale. La directive prévoit que c'est la localisation du siège de la société mère qui déterminera le lieu du guichet unique.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Si je comprends bien, la société mère - dans le cas des groupes - n'aura plus de relations qu'avec un seul service fiscal ?

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

C'est une avancée considérable pour les entreprises, qui n'auront plus à remplir vingt-sept déclarations, à se voir appliquer vingt-sept assiettes, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Cela pose la question de la compétence de certains pays.

Le rapporteur général a évoqué notre rencontre avec l'agence grecque. Nous avons bien compris que l'administration grecque souffrait d'une absence de formation. D'ailleurs, la France s'était clairement engagée, dans la zone euro, à soutenir l'administration grecque et à l'aider à acquérir les compétences nécessaires.

Le guichet unique constitue une avancée incontestable, mais il implique que les compétences soient identiques d'un pays à l'autre.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Richard Yung, oui, c'est évidemment un progrès considérable, puisqu'une entreprise qui veut travailler dans les différents pays de l'Union européenne, exporter, etc., n'aura pas à respecter vingt-sept législations, à remplir autant de formulaires fiscaux... Il lui suffira de s'adresser à un guichet unique.

En contrepartie, celui-ci représente un risque pour les recettes fiscales des États : concrètement, le travail reposera sur une administration fiscale étrangère, qui n'a pas forcément aujourd'hui le même degré de technicité, de compétence que l'administration fiscale française. Or nous ne percevrons plus directement l'impôt. Nous recevrons la quote-part d'un produit réparti sur des critères. J'ai cité l'exemple de la Grèce, mais il y en a peut-être d'autres.

J'ai bien compris que le mot confiance pouvait faire débat. Je vous propose donc de modifier la rédaction de l'amendement de manière à remplacer « ce qui pourrait compromettre l'acceptabilité du dispositif » par « ce qui nécessiterait une mise à niveau et une harmonisation des compétences des administrations fiscales dans l'Union européenne ». Cette formulation n'est pas subjective. Elle signifie, concrètement, que les administrations fiscales doivent harmoniser leurs standards en les tirant plutôt vers le haut, la France se situant sans doute parmi les pays où l'administration fiscale est la plus élaborée, la plus efficace.

L'amendement FINC.2, ainsi rectifié, est adopté.

La proposition de résolution européenne, ainsi modifiée, est adoptée.

La réunion est close à 9 h 50.