Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 14 février 2017 à 15h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Nous sommes heureux d'accueillir M. Jean-Pierre Bayle. En application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, nous procédons à son audition en tant que candidat aux fonctions de président de la commission du secret de la défense nationale (CSDN), cette nomination par décret en Conseil des ministres ne pouvant intervenir qu'après l'audition du candidat devant les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, audition qui doit être suivie d'un vote. Les modalités de cette audition et du vote ont été précisées par la loi organique et la loi ordinaire du 23 juillet 2010.

L'audition est publique et nous l'avons également ouverte à la presse. Elle fait l'objet d'un enregistrement et d'une diffusion audiovisuels. À l'issue de cette audition, je raccompagnerai M. Jean-Pierre Bayle et demanderai aux personnes extérieures de bien vouloir quitter la salle afin que nous puissions procéder au vote qui se déroulera à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. La retransmission de la réunion sera également interrompue.

En application de l'article 3 de la loi du 23 juillet 2010, il ne peut y avoir de délégation de vote ; en application de l'article 6, qui modifie l'article 5 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, le dépouillement doit être effectué simultanément à l'Assemblée nationale et au Sénat. L'assemblée nationale procédant juste après nous à cette audition, nous attendrons pour procéder au dépouillement ; celui-ci pourra avoir lieu en fin d'après-midi à l'issue de la séance des questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle enfin que l'article 13 de la Constitution dispose que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Le secret de la défense nationale est un sujet majeur. Nous en avons longuement débattu, et parfois vigoureusement, lors de l'examen des textes relatifs au renseignement... Ce sont des questions qui intéressent tous les membres de cette commission - compétente également en matière de défense - et ceux de la délégation parlementaire au renseignement.

Je cède à présent la parole à M. Jean-Pierre Bayle, qui répondra aux questions de nos collègues après s'être présenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Ce n'est pas sans une certaine émotion que je parle devant vous car je retrouve des visages que j'ai connus il y a déjà quelques années.

Tout d'abord, quelques considérations sur le secret défense et sur le rôle de la commission du secret de la défense nationale.

Le régime de protection du secret de la défense nationale est mis en oeuvre par le pouvoir exécutif, seul habilité en la matière à prendre les décisions concernant son périmètre et sa consistance. Ce régime, dérogatoire à certaines de nos traditions juridiques et administratives, se heurte, dans son principe même, à deux exigences qui marquent de plus en plus notre espace public et qui n'ont cessé de s'affirmer au cours des dernières décennies : la transparence et le contrôle. Or par définition, le régime du secret est l'antithèse de la transparence. De fait, avant 1998, si la déclassification d'informations en vue de leur transmission à la justice était théoriquement possible, elle ne se produisait jamais...

Dans les années 1980 et 1990, plusieurs « affaires » avaient montré que le régime du secret de la défense nationale était utilisé à d'autres fins que la protection de la sécurité nationale. On entendait évoquer la raison d'État. À partir de là existait le risque que les excès ou les abus ne finissent par emporter le dispositif même dont on abusait.

Il fallait donc prévenir ce risque.

C'est ce qu'a fait le législateur, sur la proposition du Gouvernement, en imaginant de manière parfaitement consensuelle, une construction subtile et raisonnable, qui a donné lieu à la loi du 8 juillet 1998 créant la commission consultative du secret de la défense nationale. La loi de 1998 a défini une procédure, accessible aux seules juridictions françaises, permettant à celles-ci d'obtenir la communication après déclassification d'informations antérieurement protégées, communication qui interviendrait dans la mesure où ces informations pouvaient être utiles à leurs investigations et où leur déclassification présenterait un inconvénient moindre que celui de laisser la justice dans l'ignorance d'éléments utiles à l'exercice de ses missions.

Mais il ne s'agissait pas pour autant de mettre exactement sur le même plan les exigences du fonctionnement de la justice et celles de la préservation des intérêts fondamentaux de la Nation. Il est clair que si, concrètement, une opposition frontale devait apparaître entre les unes et les autres, la nécessité de la préservation de la sécurité nationale devait l'emporter.

L'innovation a consisté à ne pas laisser le pouvoir exécutif seul face aux demandes des juridictions. Entre les deux a donc été instituée la commission consultative du secret de la défense nationale investie de la responsabilité d'agir comme témoin du fait que, si des informations devaient être protégées et rester protégées, c'était bien en vertu de nécessités vérifiées et objectives de préservation des intérêts nationaux. À cette commission, instituée comme autorité administrative indépendante (AAI), devait être attachée une autorité morale reconnue et respectée, condition essentielle de l'efficacité globale d'un dispositif conçu comme répondant au besoin d'organiser un contrôle externe du maniement par le pouvoir exécutif du régime de protection du secret de la défense nationale. Le statut de la commission, les conditions de sélection et de nomination de ses cinq membres (trois magistrats et deux parlementaires) offraient les garanties nécessaires à cet égard.

L'expérience des 17 années de fonctionnement de la commission a répondu aux attentes que le législateur avait fondées dans sa création : plusieurs preuves en attestent. L'insertion de la commission depuis 2009 dans le cadre de la loi de programmation militaire dans le régime des perquisitions faites dans des lieux où sont conservés les supports et informations protégées n'aurait sinon pas pu intervenir. De même, l'extension en 2015 au Parlement, là aussi dans le cadre de la loi de programmation militaire, de la procédure instituée en 1998 pour les seules juridictions n'aurait pas été concevable sans cela. Pas plus qu'il n'aurait été possible de maintenir la CCSDN, perdant son caractère consultatif, dans l'ensemble des AAI tel qu'arrêté par la loi du 20 janvier dernier.

Il faut enfin rappeler que le Conseil constitutionnel a statué par une décision du 10 novembre 2011, sur la conformité à la Constitution de l'ensemble du régime législatif du secret de la défense nationale, et a conclu à cette conformité en mettant au premier plan l'existence, le statut et la mission de la CCSDN, lesquels permettent d'établir l'indispensable conciliation entre l'objectif constitutionnel de protection des intérêts fondamentaux de la Nation et l'objectif, de même valeur constitutionnelle, d'exercice des missions fondamentales de la justice.

Là où une défiance assez forte existait, une plus grande confiance a pu s'établir. Les critiques adressées au dispositif de protection du secret n'ont pas disparu - et ne disparaîtront vraisemblablement jamais - mais elles sont maintenant fortement atténuées. Cette évolution positive tient en grande partie à l'esprit dans lequel la commission s'est attachée à remplir sa mission, notamment par une application scrupuleuse des critères d'appréciation que la loi a elle-même définis et qui la conduisent à rechercher le meilleur équilibre possible entre les exigences, éventuellement contradictoires, qu'il s'agit de concilier. Cette évolution positive tient aussi au fait que les affaires sont examinées au sein de la commission dans la recherche du consensus et dans l'exclusion de toute considération d'ordre politique. On attend de la commission qu'elle rende des avis objectifs en confrontant au cas par cas et affaire après affaire les préoccupations contradictoires qui peuvent être mises en jeu.

La commission rend des avis et ne prend pas elle-même les décisions. Celles-ci restent dans la main du pouvoir exécutif et doivent y demeurer. Le fait cependant que la plupart des avis de la commission, même les plus détaillés, soient suivis à la lettre par le Gouvernement est un autre signe de l'autorité morale qu'elle s'est acquise. S'il arrive que des divergences d'appréciation existent - elles sont rares -, elles ne font que révéler l'exercice par chacun, des responsabilités qui lui incombent. Si elles n'existaient pas, certains ne manqueraient pas d'y trouver matière à critique, soit en accusant la commission de donner au Gouvernement les avis qu'il souhaite recevoir, soit en accusant le Gouvernement de se défausser de son rôle.

À cet instant, il convient peut-être de vous livrer quelques données statistiques retraçant l'activité de la Commission depuis sa création. De 1999 à 2016, la commission a rendu 279 avis. Le ministre de la défense est à 60 % à l'origine des demandes, vient ensuite le ministre de l'intérieur (18 %), le Premier ministre (10 %), le ministre de l'économie et des finances (5 %), le ministre des affaires étrangères (2 %), la Présidence de la République (1 %) et la commission des interceptions de sécurité (moins de 1 %). Les avis ont été à 43 % totalement favorables, à 21 % défavorables et partiellement favorables à 33 %. Enfin, les ministres ont quasiment toujours suivi les avis de la commission (94 % suivis, 3 % non suivis, et 2 % partiellement).

Depuis 2013 la commission a pris l'habitude de mentionner dans les avis eux-mêmes le fait que certains avis défavorables ou partiellement défavorables ont été rendus en considération du fait que les informations contenues dans les documents examinés étaient sans rapport possible avec l'objet des requêtes judiciaires.

On pourrait s'étonner de la proportion assez élevée des avis favorables. Cela signifie-t-il que l'on classifie trop ou trop longtemps, des documents qui ne méritaient pas ou plus de l'être ? La lecture des rapports d'activité de la commission est instructive à cet égard. Sans écarter l'idée qu'il existerait en effet une part éventuellement superflue de classification, la commission attire surtout l'attention sur le fait qu'il serait en pratique très pénalisant et très artificiel pour ceux qui produisent des documents classifiés de s'obliger, sur un sujet donné, à distinguer dans des documents distincts ce qui relève de la protection et ce qui pourrait ne pas en relever. Il faut veiller, au-delà de la volonté clairement affirmée de fournir à la justice le maximum d'éléments demandés, à ne pas engager un processus de judiciarisation systématique de l'action de nos forces militaires notamment lorsque celles-ci mettent en péril la vie des soldats sur des théâtres d'opérations, mais veiller aussi à ne pas nuire à l'activité de nos services de renseignement.

Des progrès importants ont aussi été relevés par la commission en ce qui concerne l'exhaustivité des transmissions qui lui sont faites dans le cadre des demandes d'avis qui lui sont adressées, à la faveur notamment de la mise en oeuvre du pouvoir d'investigation confié par la loi au président de la commission, mais il semble que quelques marges de progrès existent encore. Tout est cependant affaire d'espèce.

Il est important aussi de continuer à entretenir le dialogue étroit et constructif qui s'est établi avec les entités et services concernés, dialogue qui fournit des éléments d'éclairage et d'appréciation très utiles.

Il reste néanmoins quelques attentes dans la réduction des délais de transmissions des saisines par les autorités administratives après requête en déclassification. le dernier rapport d'activité de la commission mentionne ainsi le caractère inacceptable de ce délai moyen de cinq mois observé ces dernières années.

Une autre amélioration attendue concerne la mise à jour, qui devrait être annuelle, de la liste des locaux abritant des éléments couverts par le secret de la défense nationale.

Enfin, concernant son fonctionnement, il faut relever que la CSDN est la seule autorité administrative indépendante qui ne bénéficie pas, contrairement à ce que la loi prévoit, de l'identification budgétaire des moyens en personnel nécessaires à son fonctionnement. Ses demandes en la matière, formulées depuis deux ans, n'ont pour le moment pas encore abouti en termes d'arbitrage gouvernemental.

Comme je l'ai dit, le fonctionnement de la CSDN est caractérisé par la recherche de propositions consensuelles, ce que le mode de désignation de ses membres permet plus facilement que dans d'autres structures. Je suis aujourd'hui devant vous pour vous assurer que, si vous agréez ma nomination, je resterai très attaché à cette démarche collégiale, comme je serai aussi très attentif à la préservation de l'indépendance des travaux de la commission et de son activité.

J'ai été sénateur de 1983 à 1992, benjamin de la Haute assemblée à mon arrivée, très investi dans les domaines de la politique étrangère et de la défense, ce qui m'a permis d'être vice-président de votre commission des affaires étrangères à une période de profonds bouleversements, notamment entre 1989 et 1992. Les nombreuses missions et rapports auxquels j'ai participé témoignent de mon intérêt et de ma mobilisation concernant les sujets liés à la défense nationale.

Plus tard, à la Cour des comptes, j'ai pu exercer pendant quatre ans et demi la responsabilité de président de chambre, assurant successivement la présidence de deux chambres de la Cour, ce qui était inédit, la 5ème chambre d'abord compétente en matière de cohésion sociale, d'emploi, de formation professionnelle, d'associations faisant appel à la générosité publique ; puis pendant trois ans de la 4ème chambre en charge des ministères régaliens - justice, intérieur, affaires étrangères - des pouvoirs publics - services de la Présidence de la République, services du Premier ministre - et du jugement des appels des chambres régionales des comptes. Dans le cadre de ces différentes responsabilités, j'ai toujours privilégié la recherche de l'intérêt général, avec le double souci d'associer la rigueur des analyses à l'objectivité des jugements.

Retraité depuis octobre 2016, je reste médiateur des juridictions financières (Cour et chambres régionales des comptes) et président d'une formation de jugement à la Cour nationale du droit d'asile (Cnda). Je suis aussi membre de la Commission de déontologie des conseillers de Paris.

La proposition initiale du Premier président de la Cour concernant ma nomination (membre puis président de la CSDN) pour remplacer ma collègue Evelyne Ratte, présidente de chambre à la Cour, dont le mandat a pris fin en janvier, a été validée par les autres chefs de juridiction concernés, à savoir le Vice-président du Conseil d'État et le Premier président de la Cour de Cassation, avant l'accord donné par le Président de la République à cette nomination.

C'est maintenant à vous de juger si cette proposition vous agrée. Si tel est le cas, j'aurai l'occasion de vous rencontrer dans quelques mois pour vous présenter le rapport d'activité de la commission, devenu annuel pour toutes les AAI depuis la loi du 20 janvier 2017.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je rappelle que la commission est composée, outre de trois magistrats issus respectivement du Conseil d'État, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes, de M. Jean Glavany, député, et de M. Dominique de Legge, sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Merci, monsieur Bayle, de votre présentation. La lecture de votre curriculum vitae et vos mérites personnels laissent à penser que vous serez à la hauteur de ces responsabilités ; cette audition vise à nous faire mieux connaître vos sentiments sur certains points précis.

Le secret de la défense nationale a été compromis ces dernières années, parfois par de très hautes autorités. Qu'en pensez-vous ? Êtes-vous favorable à plus de transparence ou à une meilleure protection du secret ? Sous le feu des médias et des réseaux sociaux, il est désormais plus difficile de garder secret quoi que ce soit...

Vous savez la faiblesse des moyens de la commission, dont le budget doit avoisiner les 175 000 euros annuels environ et l'effectif un unique ETP... En réalité, les missions de la commission sont assurées matériellement par les services du premier ministre. Mais n'y a-t-il pas là une confusion dangereuse, puisque la commission contrôle le Gouvernement ? Cette commission n'est-elle pas juge et partie ?

Votre curriculum vitae montre que vous assumez encore un certain nombre de fonctions : médiateur de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, président de section à la Cour nationale du droit d'asile, membre de la commission de déontologie des conseillers de Paris... Or vous êtes ici dans une maison où le cumul est montré du doigt ! Une telle accumulation de responsabilités est-elle souhaitable ? J'ajoute que la fonction pour laquelle vous êtes pressenti est assortie d'une rémunération mensuelle de 4 000 euros...

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Merci, monsieur Bayle, d'avoir rappelé le fonctionnement de cette commission, qui ne nous occupe pas quotidiennement puisque le Sénat y est représenté par un collègue de la commission des finances. Nous nous intéressons néanmoins très vivement à la question du secret défense, particulièrement à l'ordre du jour - je pense à de récents articles de presse -, car il protège nos troupes, nos soldats chargés d'administrer la violence légale sur des théâtres où les conflits deviennent hybrides, et s'écartent pour ainsi dire de la guerre telle que la codifie la convention de Genève. Le ministère de la défense vient d'ailleurs d'organiser un colloque sur le droit et les Opex, réflexion à laquelle les Américains et les Anglais ont été associés.

Le ministre de la défense, mais aussi celui de l'intérieur ou des affaires étrangères, est amené à recevoir des demandes de juridictions françaises ou étrangères sur lesquelles il est important qu'il prenne une décision sur l'opportunité de lever le secret défense. La création de cette commission consultative, composée de manière très raisonnable, a été un grand progrès pour éclairer la décision ministérielle. Celle-ci continue d'appartenir au ministre mais il suit le plus souvent l'avis de la commission, ce qui est rassurant.

Notre groupe votera sans difficulté pour votre candidature, qui nous agrée tout à fait. Votre carrière plaide pour le grand commis de l'État que vous êtes. Mais votre avis général sur l'évolution du droit des Opex, et sur la nécessaire protection qu'il convient d'apporter à nos militaires, nous intéresse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Dans une société de plus en plus exigeante à l'égard de toutes les formes de secret, y compris celles qui semblent a priori légitimes, pensez-vous qu'une motivation, même succincte, des avis de la commission puisse constituer un progrès ?

Les délais de saisine de la commission par les autorités administratives étant souvent assez longs, seriez-vous favorable à ce que le Parlement, voire les juridictions, puissent saisir directement cette dernière ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Monsieur Bayle, vous avez démontré votre parfaite connaissance de l'histoire, des prérogatives et du fonctionnement de la commission. Vous avez aussi rappelé l'importance de ses avis, qui sont le plus souvent suivis par l'exécutif.

De façon plus personnelle, comment envisagez-vous votre rôle de président ? Pourriez-vous aussi nous entretenir plus précisément de votre expérience en matière de défense et de sécurité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Pozzo di Borgo

Christian Cambon a employé le terme de « cumulard ». Certes, vous exercez divers fonctions mais ce n'est pas avec le montant de votre indemnité que vous vous enrichirez !

En écoutant votre propos liminaire, j'avais l'impression que vous étiez déjà membre de cette commission depuis des années. Votre compétence ne fait aucun doute, d'autant que vous avez été vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat !

Cette commission, outre des membres des trois « corps mousquetaires », Conseil d'État, Cour de cassation et Cour des comptes, qui sont représentés partout ou presque - on manque parfois d'imagination... -, comprend déjà un député et un sénateur appartenant aux deux principaux courants de la vie politique française. Au regard de vos engagements politiques antérieurs, monsieur Bayle - vous avez été sénateur socialiste -, serez-vous suffisamment libre pour exercer ce poste ? Je pose toutefois cette question sans insistance particulière, reconnaissant que vous avez exercé en toute indépendance vos fonctions à la Cour des comptes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Michel Baylet

Monsieur Cambon, vous m'avez interrogé sur la doctrine de la commission concernant une suspicion de compromission du secret-défense à un très haut niveau. Je crois comprendre votre allusion... L'indépendance de la commission lui permettrait, le cas échéant, de rendre un avis sur une telle situation, certes hors normes, mais dont le traitement ne se heurterait à aucun obstacle constitutionnel, législatif ou réglementaire.

Le problème des moyens alloués à la commission se pose, en effet. C'est la seule AAI dont les personnels ne sont pas rémunérés directement, budgétairement parlant. Le problème a d'ailleurs été soulevé dans les deux derniers rapports d'activité de la Cour des comptes.

Vous avez ensuite évoqué mes nombreuses missions. Ma responsabilité de président d'une formation de jugement à la Cour nationale du droit d'asile n'entraîne aucune contrainte particulière, car elle est fonction de ma disponibilité pour présider les audiences. Je peux donc décider de ne siéger qu'une ou deux journées par mois, voire aucune. Ma fonction de médiateur des juridictions financières, que j'exerce depuis trois ans, se limite à rendre des arbitrages dans des conflits strictement internes à ces juridictions. Quant à la commission de déontologie des conseillers de Paris, elle ne se réunit que trois ou quatre fois par an.

Cette commission, présidée par un avocat général à la Cour de cassation, effectue surtout un travail de défrichage, selon une démarche déontologique qui tend à essaimer vers d'autres collectivités, en particulier les régions PACA ou Île-de-France.

Monsieur Reiner, il est hors de question de mettre en danger la vie des militaires qui interviennent dans des opérations extérieures. La commission évolue sur une ligne de crête, mais elle a toujours été claire sur ce point.

Monsieur Bockel, la possibilité pour le Parlement de saisir directement la commission constituerait une évolution fondamentale. Depuis 2009, les présidents des commissions permanentes de l'Assemblée nationale ou du Sénat chargées des affaires de sécurité intérieure, de la défense ou des finances peuvent saisir les ministres concernés. Mais si, demain, le Parlement pouvait saisir directement la commission, les différents magistrats en charge des enquêtes judiciaires devraient pouvoir faire de même, au nom du parallélisme des formes. La vocation de la commission est de former un filtre républicain entre les saisines et la garantie du secret de la défense nationale et il convient, selon moi, de préserver ce subtil équilibre. J'observe également que le Parlement n'a pas encore fait usage de ses prérogatives en la matière.

Madame Conway-Mouret, les textes attribuent au président de la commission certaines prérogatives, notamment celle d'effectuer les perquisitions dans les lieux abritant des documents classifiés. Il est aussi chargé de faire fonctionner la commission. Celle-ci ne se réunit pas très régulièrement, mais sans prévisibilité. La Commission ne s'est pas réunie depuis novembre dernier, mais elle se réunira après-demain, les dossiers ayant déjà été examinés préalablement par les services de la commission, notamment son secrétaire général, issu du corps préfectoral.

Mes fonctions de vice-président de la commission des affaires étrangères du Sénat ont été jalonnées d'expériences marquantes et me laissent, aujourd'hui encore, des souvenirs très forts. Je me souviens en particulier d'un déplacement en URSS avec le président Jean Lecanuet en juillet 1989, au cours duquel nous avons été conduits, les yeux presque bandés, sur un site de lancement de missiles à 250 kilomètres de Moscou. À l'époque, les responsables militaires soviétiques souhaitaient entendre les parlementaires français sur la transformation de ces missiles en machines à laver, en landaus ou en réfrigérateurs !

J'ai eu l'occasion d'effectuer de très nombreuses missions dans les différentes unités de l'armée, en particulier une visite avec Paul Alduy aux unités de la division Daguet juste avant la première guerre du Golfe, au moment où, à Paris, le ministre de la défense menaçait de démissionner...

Je me souviens aussi de plusieurs missions menées avec le Président de la République de l'époque, notamment à Baden-Baden, à Djibouti et dans d'autres contrées.

Monsieur Pozzo di Borgo, sur mes amitiés socialistes, il y a une vie après la politique ! Après avoir passé neuf très belles années de ma vie dans cette assemblée, j'ai choisi une autre voie, sans perspectives électorales et sans aucune appartenance politique qui puisse faire douter de mon indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Nous allons à présent procéder au vote, qui se déroulera à bulletins secrets comme le prévoit l'article 19 bis de notre règlement. Je vous rappelle qu'en application de la loi du 23 juillet 2010, il ne peut y avoir de délégation de vote.

Je procéderai ensuite, avec Mme Aïchi et M. Paul, au dépouillement des bulletins, à partir de 17h45, en salle A120. Je vous rappelle que nous sommes en contact avec la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale afin de procéder de manière simultanée.

Je vous rappelle également que l'article 13 de la Constitution dispose que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins les trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.