Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui une délégation du Parlement albanais conduite par Mme Mimoza Hafizi et composée en outre de MM. Andrea Marto et Namik Kopliku. Cette délégation effectue une visite en France à l'invitation du groupe d'amitié France-Albanie que préside notre collègue Michel Berson.
Je rappelle que l'Albanie a obtenu le statut de pays candidat à l'adhésion lors du Conseil européen de juin 2014. Cependant, il faut le souligner, l'obtention du statut de pays candidat et l'ouverture de négociations sont deux procédures différentes.
Les États membres ont considéré qu'il fallait continuer à aider l'Albanie à mettre effectivement en oeuvre les réformes nécessaires. Un mécanisme de suivi renforcé a été mis en place. Il concerne notamment les domaines de l'État de droit ainsi que la lutte contre la criminalité organisée, la culture des drogues et la corruption. La France fournit un appui au gouvernement albanais pour qu'il puisse mettre en oeuvre les réformes attendues par l'Union européenne.
L'Albanie bénéficie par ailleurs, depuis 2010, d'une libéralisation des visas de court séjour à destination de l'espace Schengen.
Dans son rapport de progrès du 8 octobre, la Commission européenne a indiqué que votre pays va devoir entreprendre des efforts considérables et soutenus pour aborder la mise en oeuvre des priorités définies pour l'ouverture des négociations d'adhésion.
Ces priorités, nous les connaissons. C'est la réforme de l'administration, la réforme judiciaire, la lutte contre la corruption et le crime organisé, la protection des droits fondamentaux, la lutte contre l'économie informelle ou encore l'amélioration de l'environnement des affaires.
Parmi ces priorités, figure également la nécessité d'une meilleure collaboration entre la majorité et l'opposition. Les observateurs internationaux ont souligné que les élections législatives de 2013 se sont déroulées dans de bonnes conditions. Elles ont marqué un progrès pour la démocratie albanaise. Toutefois, la vie politique intérieure apparaît tendue. L'opposition boycotte les travaux parlementaires depuis juillet dernier et je relève le caractère non pluraliste de votre délégation, ce qui est inhabituel dans les délégations que nous avons le plaisir d'accueillir devant notre commission.
C'est donc sur les réformes engagées par votre pays que nous souhaitons vous entendre. Avant de vous donner la parole, je soulignerai que nos deux pays ont encore des marges de progrès importantes pour renforcer leurs échanges commerciaux, même si ces échanges ont progressé régulièrement depuis dix ans.
Je précise à nos collègues que la délégation devra nous quitter à 15h30 pour rejoindre l'aéroport.
Nous sommes trois députés membres du groupe d'amitié Albanie-France au Parlement albanais. Ce groupe compte une vingtaine de députés, issus de la majorité et de l'opposition, sur 140, c'est dire son importance. Toutefois, nos collègues de l'opposition, qui boycottent les travaux du Parlement depuis quelques mois, ont choisi de ne pas participer à notre déplacement. Il n'en demeure pas moins que de très nombreux députés albanais sont francophiles, quelle que soit leur appartenance politique. D'ailleurs, à mon retour en Albanie, je présenterai les enseignements tirés de notre déplacement à l'ensemble des membres du groupe d'amitié. L'Albanie est très reconnaissante à la France et à ses parlementaires de leur soutien envers mon pays. Les citoyens albanais sont quasiment tous pro-européens et le Gouvernement a démontré sa volonté de se rapprocher de l'Union européenne. Je partage le constat du président Jean Bizet sur les efforts qui restent à accomplir par mon pays pour adhérer à l'Union européenne : ce sont d'ailleurs les priorités politiques du Gouvernement albanais. Certes, aucun de nous trois n'est membre de la commission des affaires étrangères ni de la commission de l'intégration européenne de notre Parlement. Nous avons néanmoins l'objectif de faire vivre la diplomatie parlementaire. Cette visite en France a été très positive et nous apporte beaucoup.
Avant tout, je souhaite vous dire mon admiration, partagée par mes collègues, pour votre excellente maîtrise du français. Le chemin de l'adhésion à l'Union européenne peut être long. Le président Jean-Claude Juncker a indiqué qu'il n'y aurait pas d'élargissement dans les cinq prochaines années. À ce terme, il conviendra d'évaluer les réformes réalisées par l'Albanie pour satisfaire les critères d'adhésion.
Nous avons tous les trois fait une partie de nos études en France.
Je voudrais d'abord vous dire que c'est un grand honneur pour nous d'être reçus au Sénat et par votre commission. Notre déplacement en France est centré sur les questions européennes. Les Albanais sont très conscients des réformes qu'il leur reste à accomplir avant de rejoindre l'Union européenne. Je tiens toutefois à insister sur le fait que l'adhésion est moins une affaire de date qu'une question de symbole, voire affective : en effet, le peuple albanais se sent pleinement européen. Si je puis faire une comparaison, je dirais que le mariage de l'Albanie et de l'Europe n'est pas un mariage d'intérêts, mais un mariage d'amour. Naturellement je ne sous-estime pas les aspects techniques de l'adhésion qui devront être pris en compte par notre pays. Sachez en tout cas que les Albanais sont déterminés à emprunter le chemin de l'Union européenne.
Je connais l'Albanie depuis de nombreuses années. J'ai présidé le groupe d'amitié de l'Assemblée nationale lorsque j'étais député, au début des années 1980. J'ai donc connu l'Albanie sous différents régimes. Je dois dire que ce pays et ce peuple réalisent des efforts considérables pour répondre aux exigences européennes. À ce titre, je considère que la démarche d'adhésion de l'Albanie est d'ordre qualitatif. Je me souviens de ce qu'était ce pays avant 1990/1991 et je constate que, si les Albanais restent les mêmes, ce n'est plus le même pays. Il est vrai que nous avons parfois un regard un peu sévère ou déformé sur l'Albanie, mais ce petit pays est doté d'un grand peuple. Selon moi, l'Albanie est sur la bonne voie. Elle a naturellement des caractéristiques propres dont il faut tenir compte pour apprécier ses efforts.
Je lisais récemment dans la presse un article relatif à l'immigration italienne en Albanie, ce qui était inimaginable il y a peu. Je me demande si, compte tenu de l'obtention par l'Albanie du statut de pays candidat, de la situation compliquée dans les Balkans, en Bosnie-Herzégovine en particulier, et des relations footballistiques passionnelles, l'Albanie ne risque pas d'être l'otage d'une situation régionale qui n'est pas encore stabilisée. Je constate également des relations qui se tendent entre l'Albanie et la Turquie et je m'interroge sur leurs répercussions sur le processus d'adhésion.
Le processus d'adhésion de l'Albanie est engagé de façon très claire : mon pays veut adhérer à l'Union européenne. C'est un objectif du Gouvernement albanais qu'approuve, dans son immense majorité, à plus de 85 %, la population albanaise. Pour nous, il s'agit d'un processus irréversible. Il ne peut y avoir aucun doute sur la politique étrangère de l'Albanie. Je note d'ailleurs que mon pays fait partie des six ou sept premiers États à s'être engagés pour contribuer concrètement à lutter contre l'État islamique. Il n'y a pas de doute à avoir sur cette question. Par ailleurs, le Premier ministre albanais a placé la coopération régionale au coeur de ses priorités. Il est bien déterminé à la développer, y compris avec la Serbie. Sa visite prévue à Belgrade le 22 octobre a certes été reportée en raison de ce malheureux incident survenu au cours d'un match de football, mais elle aura bien lieu le 10 novembre prochain. Cet incident n'a pas réussi à infléchir la volonté du Premier ministre albanais de faire « la paix des braves ». Pour nous, il s'agit d'améliorer la coopération dans les Balkans avant de rejoindre l'Union européenne. Enfin, la paix, la prospérité et le bon voisinage sont les objectifs de l'appartenance de l'Albanie à l'Union européenne. La question des échéances n'est pas la plus importante. L'essentiel pour nous est que les réformes internes faites à cette occasion soient d'abord bénéfiques à l'Albanie et aux Albanais.
Je vous remercie pour cet échange et je note que l'Albanie est incontestablement un pays stratégique pour la stabilité des Balkans. Nous serons intéressés de connaître l'évolution des réformes dans votre pays.
Notre ordre du jour appelle maintenant un échange de vues sur le renouvellement des institutions et les priorités de l'Union européenne.
1/ Les nominations par le Conseil européen et le renouvellement du Parlement européen
En août dernier, le Conseil européen a décidé de nommer M. Donald Tusk, Premier ministre polonais comme président du Conseil européen. Il succédera, le 1er décembre, à M. Herman Van Rompuy qui aura accompli deux mandats successifs. Je rappelle qu'appelé à assurer une présidence stable du Conseil européen, M. Tusk est désigné pour un mandat de deux ans et demi, renouvelable une fois. Cette présidence stable est l'une des innovations importantes du traité de Lisbonne. Le même jour, le Conseil européen a désigné Mme Federica Mogherini, ministre italienne des affaires étrangères, Haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.
Le Parlement européen a été renouvelé en mai dernier. Dans le cadre de la préparation de la législature 2014-2019, une nouvelle répartition du nombre de sièges a été adoptée en 2013. Il s'agissait de prendre en compte les modifications issues du traité de Lisbonne, l'adhésion de la Croatie et les évolutions démographiques des États membres. Alors que le Parlement européen sortant comptait 766 membres, le nouveau parlement compte 751 députés. Ce qui est conforme au plafond fixé par le traité de Lisbonne. La décision a maintenu à 74 le nombre de représentants français pour la législature 2014-2019.
Les instances du Parlement européen sont désormais en place. Je rappelle que Alain Cadec préside la commission de la Pêche et que notre ancien collègue Jean Arthuis préside la commission du Budget. La France compte également une vice-présidente, Mme Sylvie Guillaume et un questeur, Mme Elisabeth Morin-Chartier.
2/ Le processus de désignation du président de la Commission et du collège des commissaires
Le traité de Lisbonne a renforcé le rôle du Parlement européen dans le processus de désignation du président de la Commission européenne. Le Conseil européen devait présenter un candidat à ces fonctions « en tenant compte des élections au Parlement européen ».
On sait que cette formulation a été analysée différemment soit comme orientant obligatoirement vers le candidat soutenu par le parti ayant recueilli le plus de suffrages ; soit comme une indication importante mais ne liant pas fermement le choix du Conseil européen. Toujours est-il que le Conseil européen a en définitive désigné le candidat, Jean-Claude Juncker, qui avait l'appui du Parti populaire européen, arrivé en tête du scrutin.
Autre innovation du traité de Lisbonne, le président de la Commission européenne est désormais élu par le Parlement européen sur la base de la proposition du Conseil européen statuant à la majorité qualifiée. Le Parlement doit se prononcer à la majorité des membres qui le composent, soit 376 voix, et non plus à la majorité des suffrages exprimés. Le 15 juillet, Jean-Claude Juncker a été élu par 422 voix, soit un score nettement supérieur à la majorité requise.
D'un commun accord avec le président élu et sur la base des recommandations des États membres, le Conseil a adopté la liste des autres personnalités qu'il propose de nommer membres de la Commission.
Depuis le 1er juillet 2013, la Commission compte 28 commissaires, un par État membre, dont le président et les vice-présidents. Chaque commissaire se voit attribuer la responsabilité de domaines politiques spécifiques par le président.
Le traité de Lisbonne prévoyait qu'à partir du 1er novembre 2014, la Commission serait composée d'un nombre de membres correspondant aux 2/3 du nombre d'États membres. Or, suite au rejet du traité par l'Irlande en juin 2008 et pour faciliter la tenue d'un second référendum, le Conseil européen a choisi de faire en sorte que le nombre de commissaires reste égal à un par État membre.
Le Parlement européen n'a pas le pouvoir de nomination des commissaires, mais dispose d'un droit de veto sur l'investiture de la Commission. C'est pourquoi le Conseil européen et le Parlement européen se consultent au préalable sur le profil des candidats. Un cycle d'auditions des commissaires a donc eu lieu du 29 septembre au 7 octobre 2014. Il a été précédé de l'envoi de questionnaires aux commissaires pressentis. Au total, seule Mme Alenka Bratusek, la commissaire slovène a été récusée. À la suite de son audition, le commissaire hongrois, M. Tibor Navracsics, verra son portefeuille modifié avec le retrait du thème de la citoyenneté.
Après le vote d'approbation du Parlement européen, le Conseil européen nommera la Commission à la majorité qualifiée au cours de sa session des 23 et 24 octobre. La nouvelle commission prendra ses fonctions le 1er novembre. On doit donc constater que les délais de mise en place de la nouvelle Commission sont assez longs : cinq mois depuis les élections européennes !
3/ La composition du collège des commissaires
Selon le traité de Lisbonne, les commissaires sont choisis « en raison de leur compétence générale et de leur engagement européen et parmi des personnalités offrant toutes garanties d'indépendance ». Je me souviens des propos de Michel Barnier qui avait fait observer que lorsque l'on devient commissaire, on perd son appartenance à son pays d'origine ! Cependant, le choix des candidats et leur affectation à des portefeuilles clés est aussi un révélateur à la fois du poids des États, du mode d'organisation choisi et des priorités mises en avant.
Cela me conduit à vous soumettre quelques observations sur la composition du collège des commissaires. On constate à la fois le respect d'un équilibre politique et la désignation de personnalités expérimentées (cinq anciens Premiers ministres). Manifestement, le caractère politique du nouveau collège est censé rompre avec l'image très bureaucratique qui a beaucoup fait de mal à la Commission et plus généralement à la construction européenne.
On retrouve le même nombre de femmes que dans la commission précédente : 9 sur 28. On peut regretter que la parité ne progresse pas ; il y aura néanmoins trois vice-présidentes sur sept. Certaines commissaires se voient confier des portefeuilles importants, comme le commerce pour Mme Cecilia Malmström. C'est aussi une commissaire issue d'un pays très libéral. Des discussions sont à prévoir sur le traité transatlantique ! Sur ce dossier, plus de transparence est nécessaire pour que notre pays puisse en mesurer les enjeux.
Jean-Claude Juncker a souhaité s'entourer de sept vice-présidents thématiques ayant une véritable mission de coordination des activités du collège. Cette initiative me paraît intéressante. Elle rejoint une préconisation qu'avait faite notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond dans un récent rapport sur l'avenir de la construction européenne : avoir des pôles de compétences avec des « hauts commissaires » en charge de veiller aux grandes priorités. Pour mener à bien leurs priorités politiques, les vice-présidents agiront au nom du président. Ils seront des chefs d'équipe et devraient contribuer à rétablir un esprit de plus grande collégialité au sein de la Commission. Ils joueront un rôle de filtre des initiatives législatives. Ils n'auront pas autorité sur une direction générale mais pourront faire appel à l'expertise des services de la Commission.
Parmi ces vice-présidents, je veux souligner le poids qu'aura M. Frans Timmermans, ancien ministre des affaires étrangères des Pays-Bas. Il sera 1er vice-président et jouera un rôle important auprès de Jean-Claude Juncker. Son avis sera requis avant d'insérer une nouvelle initiative dans le programme de travail de la Commission ou de l'inscrire à l'agenda du collège. C'est lui qui devrait coordonner le travail au sein de la Commission européenne sur le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité, lesquels devraient être au coeur du travail de la nouvelle commission. C'est important : les parlements nationaux, en particulier le Sénat, ont envoyé des messages clairs lors de la précédente mandature. C'est aussi à lui qu'il reviendra d'examiner celles des propositions pendantes qui devront être maintenues ou au contraire écartées (« discontinuité législative »). Il devra contrôler les procédures de préparation des actes délégués et des actes d'exécution pour s'assurer leur appropriation politique. Nous n'aimons pas trop les actes délégués ! Il sera chargé de bâtir « un nouveau partenariat avec les parlements nationaux ». Il devra « guider le travail » du commissaire à la justice et du commissaire pour les migrations et les affaires intérieures. Il représentera la Commission au Conseil affaires générales, qui coordonne les activités des différentes formations du Conseil, et dans les négociations sur des questions institutionnelles. C'est aussi lui qui dirigera et coordonnera la participation de la Commission au Conseil justice et affaires intérieures.
Nous devons aussi avoir bien conscience de la place spécifique de Mme Federica Mogherini qui a été nommée Haute représentante pour la politique étrangère et la politique de sécurité. Elle prendra la succession de Mme Catherine Ashton. En vertu du traité, la Haute représentante est à la fois vice-présidente de la Commission, présidente du Conseil affaires étrangères et mandataire du Conseil.
Je mentionnerai également le rôle important que devraient jouer le vice-président pour l'emploi, la croissance, l'investissement et la compétitivité, le finlandais M. Jyrki Katainen, ainsi que le vice-président pour l'euro et le dialogue social, le letton M. Valdis Dombrovskis. Leur portefeuille les conduira à coordonner le travail de plusieurs commissaires.
Il est également intéressant de relever que ces postes de vice-présidents ne sont pas confiés aux représentants des grands pays qui héritent de portefeuilles sectoriels certes importants : les affaires économiques et financières ainsi que la fiscalité et les douanes pour notre représentant M. Pierre Moscovici ; l'économie et la société numérique pour l'allemand Günter Oettinger ; la stabilité financière, les services financiers et l'union des marchés de capitaux pour le britannique Jonathan Hill.
Ce choix peut faciliter l'acceptation par les petits pays de la nouvelle organisation. Les grands pays pourront eux se satisfaire que leurs représentants aient récupéré des secteurs importants.
L'analyse des portefeuilles confiés à chacun des commissaires mériterait de plus longs commentaires. Je me limiterai à quelques remarques. Un vice-président, M. Dombrovskis, est chargé de la zone euro. Ce qui me semble attester de la volonté de faire de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire une priorité de la mandature. Le rapprochement avec le dialogue social est de nature à insister sur la dimension sociale de cette union.
La commissaire belge, Mme Marianne Thyssen, hérite d'un portefeuille social très étendu. Les sujets climat et énergie sont logiquement regroupés entre les mains d'un même commissaire M. Miguel Arias Canete. Un commissaire, M. Dimitris Avramopoulos, aura la charge spécifique des questions des migrations, qui est associée à celles relatives aux affaires intérieures.
Reste que la répartition des attributions peut soulever quelques interrogations sur le nouveau fonctionnement de la Commission. On peut le relever pour les domaines du numérique et de l'énergie où les portefeuilles du vice-président et du commissaire se recoupent. On peut également l'observer pour l'articulation entre le commissaire français et les deux vice-présidents sur les questions économiques. C'est la pratique qui permettra de voir plus précisément si cette nouvelle architecture sera efficace.
4/ Un nombre de priorités réduites avec un accent mis sur la simplification et la proximité
Cette articulation des travaux de la Commission autour des vice-présidents reflète aussi la volonté de concentrer l'action autour de priorités réduites et bien délimitées, qui ont été définies par Jean-Claude Juncker : en tout premier lieu, la croissance et l'emploi, en prenant notamment appui sur le marché unique du numérique ; l'union européenne de l'énergie ; la négociation d'un accord commercial raisonnable et équilibré avec les États-Unis d'Amérique ; la poursuite de la réforme de l'union monétaire en gardant à l'esprit la dimension sociale de l'Europe ; la question des migrations ou encore la recherche d'une solution équitable à la situation du Royaume-Uni dans l'Union. On retrouve ces grandes priorités dans les attributions des vice-présidents. Dans le domaine de l'énergie, je crois que le couple franco-allemand devrait jouer un rôle d'impulsion à travers une coopération renforcée.
Je veux aussi souligner que cette concentration sur un nombre de priorités réduites va de pair avec l'accent mis sur l'enjeu de la simplification. Comme je l'ai indiqué, Frans Timmermans jouera un rôle spécifique dans ce domaine aux côtés de Jean-Claude Juncker : meilleure législation, subsidiarité et proportionnalité, principe de discontinuité législative. Notre commission devra jouer tout son rôle pour contribuer à cet effort de simplification très attendue notamment dans les territoires !
La nouvelle Commission européenne devra axer son action sur la proximité. Les commissaires devront se rendre dans les États membres, en particulier dans les parlements nationaux, pour présenter la politique de la Commission. Nous devrons les accueillir au Sénat !
Voilà les quelques réflexions que je voulais vous livrer. J'ouvre maintenant le débat.
Je relève le rôle important que devrait avoir le vice-président finlandais M. Jyrki Katainen.
Dans cette nouvelle Commission, je vois la marque de son président Jean-Claude Juncker qui est parvenu à un équilibre très subtil. Je veux, à mon tour, souligner que les vice-présidents seront issus de petits États membres.
Je crois qu'il ne faut pas trop se focaliser sur l'influence des grands États sur la composition et le fonctionnement de la Commission. L'Allemagne pèse, mais aussi la France et l'Italie, laquelle s'est vue attribuer le poste de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Il faudra voir concrètement comment cette organisation est mise en oeuvre. En toute hypothèse, les marges de progression sont considérables en matière de politique étrangère. Au total, c'est une bonne Commission qui respecte les équilibres politiques.
Le fait que le président et le collège aient bénéficié d'un soutien large par le Parlement européen paraît constituer un gage de confiance.
Le troisième point de l'ordre du jour concerne l'entrée de la Lituanie dans la zone euro. Elle devrait être effective au 1er janvier 2015. Avec l'entrée de ce pays, la zone euro comptera 19 membres. Je rappelle que la Lettonie a elle-même rejoint la zone euro en janvier 2014 et qu'en vertu des traités, tous les États membres ont vocation à se doter de l'euro, sauf à avoir négocié des clauses spécifiques dans les traités comme ce fut le cas du Royaume-Uni et du Danemark.
L'arrivée de la Lituanie aura aussi des incidences sur le système des votes au sein du conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne. Il était donc intéressant de faire un point à la fois sur la situation spécifique de la Lituanie et sur les conséquences de son adhésion à l'euro sur le fonctionnement de la BCE.
Je remercie notre collègue Jean-Claude Requier d'avoir bien voulu s'en charger. Je lui donne la parole.
La Lituanie deviendra le 1er janvier prochain le dix-neuvième pays membre de la zone euro. Cette adhésion intervient trois ans après l'Estonie et un an après la Lettonie. Comme ses voisins, la Lituanie sort d'une crise économique et financière de première intensité sur laquelle je reviendrai. Celle-ci ne l'a pas empêché pourtant d'accomplir les réformes indispensables pour l'adoption de la monnaie unique.
Les critères d'adhésion à l'Union économique et monétaire
Rappelons tout d'abord quelles sont les conditions à remplir pour qu'un État puisse adopter l'euro.
En vertu des Traités, quatre critères doivent être remplis :
le premier concerne la réalisation d'un degré élevé de stabilité des prix : le taux d'inflation ne peut dépasser de plus de 1,5 % celui des trois États membres présentant les meilleurs résultats en matière de stabilité des prix ;
le deuxième vise le caractère soutenable de la situation des finances publiques. Pour se qualifier, l'État membre ne peut faire l'objet d'une procédure dite de déficit excessif : son déficit public ne saurait dépasser 3 % du PIB ou sa dette être supérieure à 60 % du PIB. La France ne serait pas qualifiée aujourd'hui...
le troisième critère est d'ordre monétaire. La monnaie locale doit respecter les marges normales de fluctuation prévues par le mécanisme de taux de change du système monétaire européen pendant deux ans au moins, ce qui interdit toute dévaluation par rapport à l'euro ;
enfin, le dernier critère doit permettre de démontrer le caractère durable de la convergence. Celle-ci est appréhendée au travers des niveaux des taux d'intérêt à long terme. Le taux du pays candidat ne saurait être supérieur à la moyenne des taux des trois pays retenus pour le calcul de l'inflation, cette moyenne étant majorée de 2 %.
Le traité prévoit en outre que les rapports de convergence de la Commission européenne et de la Banque centrale européenne qui aident à la prise de décision du Parlement européen et du Conseil sur une candidature prennent en compte d'autres facteurs pertinents. Il s'agit de l'évolution des coûts salariaux, de celle de la balance des paiements ou du degré d'intégration des marchés.
Je tiens par ailleurs à rappeler que l'adhésion à l'Union économique et monétaire est un processus résultant des Traités. Elle apparaît automatique dès lors que les critères de convergence sont respectés. L'adoption de la monnaie unique constitue l'aboutissement logique pour tout État membre de l'Union européenne, sauf à bénéficier d'une dérogation, à l'instar du Danemark et du Royaume-Uni.
L'adhésion de la Lituanie à la zone euro
Venons-en maintenant à la situation spécifique de la Lituanie.
Je vous rappelle que la Lituanie est membre de l'Union européenne depuis 2004. La volonté d'accéder à la zone euro est une constante de la politique économique lituanienne depuis son adhésion. Vilnius avait en effet fait une première fois acte de candidature en 2006. La Commission européenne avait émis un avis négatif en mai 2006 en insistant sur l'absence de maîtrise de l'inflation, alors même que le déficit public ne dépassait pas 0,5 % du PIB et la dette publique 20 % de la richesse nationale. Cet avis avait été suivi lors du Conseil européen des 15 et 16 juin 2006.
La crise économique qui a frappé le pays en 2008 a logiquement différé l'examen d'une nouvelle candidature. L'adhésion de la Lituanie à l'Union en 2004 avait contribué à doper la croissance du pays, allant jusqu'à atteindre 9,8 % du PIB en 2007. L'utilisation des fonds européens, la compétitivité de la main d'oeuvre, la fiscalité - le taux de l'impôt sur les sociétés est établi à 15 %, 5 % dès lors qu'il s'agit d'une PME - ou l'attractivité du territoire, véritable zone de transit entre l'Est du continent et l'Union européenne, ont servi de fondement à ce boom économique. Reste que la répartition des fruits de la croissance fut plus sujette à caution. On a pu constater une augmentation continue des salaires nominaux. Cela fut le cas tant dans le secteur privé : 21 % d'augmentation en 2007, après une progression de 11 et 18 % lors des deux exercices précédents que dans le secteur public : 14 % de plus en 2007 qui font suite à une majoration de 17 % en 2006 et 12 % en 2005. Cette augmentation du coût du travail n'a pas été sans conséquence sur la compétitivité du pays et sur l'inflation. Au moment du déclenchement de la crise, celle-ci atteint 11,1 %. L'économie lituanienne est alors clairement en surchauffe. Le retournement de la conjoncture mondiale en 2008 dans un pays dont le modèle économique est tourné vers les marchés voisins - Allemagne, Russie, Suède - va venir enrayer cette dynamique. Après une progression de 2,9 % en 2008, le PIB se rétracte de 14,7 % l'année suivante. Cette récession n'est pas sans conséquence sur les comptes publics, le déficit atteignant 9,4 % du PIB en 2009. À la différence de son voisin letton, le système bancaire, dominé par des établissements financiers étrangers, est, quant à lui, relativement préservé par la crise.
À l'inverse de la Lettonie, la Lituanie a refusé toute assistance financière internationale. Elle a, par ailleurs, rejeté toute dévaluation de sa monnaie, le litas, ce qui disqualifierait le pays dans la perspective de l'euro. Les autorités lituaniennes vont en fait dès 2009 mettre en place un programme combinant réduction drastique de la dépense publique, amélioration de la compétitivité et soutien aux entreprises exportatrices. L'objectif d'une adhésion rapide à l'Union économique et monétaire est maintenu. La réduction des salaires et des pensions dans le secteur public, allant de 5 à 45 % selon les fonctions occupées, l'augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée de trois points ou le relèvement des droits d'accises a notamment permis au pays de renouer avec une trajectoire vertueuse en matière de solde budgétaire : le déficit public a ainsi été ramené à 3,2 % du PIB en 2012 et devrait atteindre 2,1 % en 2014, soit le même taux qu'en 2013. Le gouvernement lituanien espère 1,6 % l'an prochain. La procédure pour déficit excessif qui visait le pays a, de son côté, été levée le 21 juillet 2013. Par ailleurs, si la dette publique atteint aujourd'hui 39,4 % du PIB contre 15,5 % en 2008 elle reste en deçà du seuil des 60 % retenu par le Traité. Ce faisant, le pays respecte le critère de soutenabilité de la situation des finances publiques.
Dans le même temps, la Lituanie a procédé à une véritable dévaluation interne en vue de restaurer sa compétitivité, relancer l'activité et tempérer l'inflation. Un ajustement à la baisse des salaires de l'ordre de 20 % a ainsi été mis en oeuvre, permettant au pays de renouer avec la croissance dès 2010, via ses exportations. Elle devrait atteindre 3,5 % du PIB en 2014, contre 3,2 % en 2013. La réforme du marché du travail a en outre permis de prévenir les phénomènes inflationnistes. La flexibilité induite par l'alignement des rémunérations sur la compétitivité a été saluée par la Commission européenne dans son rapport de convergence 2014, comme la transposition de la directive sur les services, qui favorise la concurrence et favorise la stabilité des prix. De fait, sur la période de référence retenue par la Commission européenne, à savoir mai 2013-avril 2014, le taux d'inflation moyen de la Lituanie s'est établi à 0,6 %, soit un niveau largement inférieur au critère de stabilité des prix fixé à 1,7 %. Celui-ci est donc respecté.
Le retour de la croissance a également favorisé une baisse des taux d'intérêt à long terme. Alors qu'il frôlait les 15 % au plus fort de la crise, il est progressivement descendu à 5,2 % en 2012 puis 3,6 % en 2014. Ce qui est inférieur à la valeur de référence retenue par la Commission européenne - 6,2 % - pour évaluer la candidature de la Lituanie. Cette détente des taux constituait une priorité pour les autorités lituaniennes, le pays devant emprunter 2,2 milliards d'euros soit environ 7 % de son PIB en 2013 pour refinancer sa dette.
En ce qui concerne la stabilité des taux de changes, le choix assumé par les autorités lituaniennes de ne pas procéder à une dévaluation au plus fort de la crise constituait déjà un engagement fort. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que le litas, ne se soit pas écarté de son taux pivot, à savoir 3,4528 litas pour un euro, pendant la période de référence de deux ans retenue par la Commission européenne.
Compte tenu de ce respect des critères, le Conseil ne pouvait qu'approuver l'adhésion de la Lituanie à la zone euro le 23 juillet dernier. Même si, comme en 2006, certaines interrogations subsistent sur la maîtrise de l'inflation. La Banque centrale européenne souligne que le relèvement des prix mondiaux des produits alimentaires et de l'énergie devrait contribuer à relancer l'inflation, tout comme le processus de rattrapage induit par l'adhésion à la zone euro. Les niveaux du PIB par habitant, des prix et des salaires sont en effet inférieurs à ceux observés au sein de l'Union économique et monétaire. Alors qu'elle devrait s'établir à 1 % à la fin de l'année 2014, l'inflation pourrait quasiment doubler et atteindre 1,8 % en 2015.
Quoi qu'il en soit, avec cette adhésion, la monnaie unique confirme sa capacité d'attraction, en dépit de l'intensité de la crise que connaît la zone depuis 2010. Le gouvernement lituanien a ainsi insisté sur le renforcement du poids politique du pays au sein de l'Union européenne qu'induisait selon lui la monnaie unique. L'aspect géopolitique ne doit pas non plus être négligé, la monnaie unique étant également envisagé comme un moyen de renforcer la sécurité de la Lituanie face à son puissant voisin russe. La Lituanie est concernée depuis août 2013 par des mesures de rétorsion en raison de son appui manifeste au rapprochement des pays du partenariat oriental, dont l'Ukraine, avec l'Union européenne. Le sommet du Partenariat oriental a d'ailleurs été organisé à Vilnius les 28 et 29 novembre 2013. Ces sanctions visent le passage des camions lituaniens aux postes-frontières russes de l'enclave de Kaliningrad ou la vente des produits laitiers lituaniens sur le marché russe. Reste qu'à l'instar de ce que l'on a pu observer il y a un an en Lettonie, l'adoption de l'euro n'est que diversement appréciée par la population lituanienne. Une enquête d'opinion publiée en juin dernier démontrait que 48 % des Lituaniens étaient hostiles au passage à la monnaie unique. La crainte d'une augmentation des prix motive cette réserve.
Les nouvelles règles de gouvernance au sein de la Banque centrale européenne
J'aborderai pour conclure les conséquences techniques de l'adhésion de la Lituanie à l'Union économique et monétaire. Elles ne sont, en effet, pas anodines puisqu'elles concernent le mode de gouvernance de la Banque centrale européenne. Le Conseil des gouverneurs, l'organe de décision de la BCE, réunit les six membres du directoire de la Banque, désignés par le Conseil de l'Union européenne en fonction de leur autorité et de leur expérience, et les gouverneurs des banques centrales des États membres de l'Union économique et monétaire. C'est le Conseil des gouverneurs qui définit la politique monétaire de la zone euro et prend ainsi les décisions concernant les taux d'intérêt directeurs, l'approvisionnement en réserves ou la définition des objectifs monétaires. Le Conseil se réunit deux fois par mois. Ces décisions sont prises à la majorité simple, la voix du président de la Banque étant prépondérante en cas d'égalité. Les décisions dites d'ordre patrimonial, qu'il s'agisse de l'augmentation du capital de la Banque ou de l'utilisation des réserves de change sont adoptées à la majorité des deux tiers des gouverneurs, le directoire ne prenant pas part au vote. Les voix de chacune des banques centrales est pondérée au regard de la participation des pays au capital de la Banque.
Ce système mis en place par le Traité de Maastricht était idéalement conçu pour une Union économique et monétaire limitée à 15 membres. L'élargissement de l'Union économique et monétaire au-delà de 15 membres tend à remettre en question l'équilibre initialement trouvé et favoriser une surreprésentation des gouverneurs des banques centrales nationales au détriment du directoire à l'occasion des prises de décision de politique monétaire. C'est dans ces conditions que le Conseil de l'Union européenne a adopté une décision le 21 mars 2003 modifiant le régime de vote au sein du Conseil des gouverneurs, en introduisant un système de rotation dès lors que 16 États seraient membres de l'Union économique et monétaire. 12 pays avaient, à l'époque, adopté la monnaie unique.
La décision de 2003 limite ainsi le droit de vote des gouverneurs des banques centrales à 15 voix, le nombre de voix du Directoire étant maintenu. Les gouverneurs des Banques centrales sont, à cet effet, divisés en deux groupes. Le premier réunit les gouverneurs issus des cinq plus grandes puissances économiques de l'Union européenne. Celles-ci sont déterminées au regard de leur produit intérieur brut et dans une moindre mesure du total des actifs consolidés dont disposent les institutions financières nationales. L'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Italie et les Pays-Bas composent logiquement ce groupe qui dispose de quatre voix. Le deuxième groupe est composé des autres États membres et détient 11 voix.
Dès lors que 22 pays seront membres de la zone euro, trois groupes de gouverneurs seront mis en place. Le premier comprendra toujours les cinq plus grandes puissances économiques et disposera de 4 voix. Le deuxième groupe comprendra la moitié du nombre total de gouverneurs et bénéficiera de 8 voix. Le troisième sera composé des gouverneurs restant et sera doté de 3 voix.
Cette division en groupes des gouverneurs des banques centrales et la limitation concomitante de leurs droits de vote est assortie d'un ordre de rotation égalitaire. En vertu de celui-ci, chaque gouverneur de banque centrale abandonne périodiquement son droit de vote. Ainsi la France ne pourra pas voter deux mois dans l'année. Les décisions d'ordre patrimonial auxquelles je faisais référence tout à l'heure ne sont, quant à elles, pas concernées par ce nouveau dispositif.
Cette innovation aurait dû initialement prendre effet avec l'adhésion du seizième membre, en l'espèce la Slovaquie, le 1er janvier 2009. La décision du 21 mars 2003 qui vient modifier le Protocole n°4 sur les statuts du système européen des banques centrales et de la Banque centrale européenne laissait néanmoins la possibilité au Conseil des gouverneurs, statuant à la majorité des deux tiers, de différer l'application du nouveau système jusqu'à l'entrée d'un dix-neuvième membre au sein de la zone euro. Cette dérogation se justifie par le fait que dans une zone euro comprenant entre 16 et 18 membres, la fréquence de vote des pays du deuxième groupe est supérieure à celle du premier groupe, celui des grandes économies du continent. Prenant notamment en compte les réserves allemandes, le Conseil des gouverneurs a décidé le 18 décembre 2008 d'utiliser cette clause et de reporter la mise en place du nouveau système à l'entrée du dix-neuvième membre. Ce qui est le cas aujourd'hui avec la Lituanie.
Le nouveau système de vote devrait donc entrer en fonction au 1er janvier prochain. L'Allemagne n'a pas officiellement émis de réserve à la mise en place du nouveau dispositif qui ne devrait pas affaiblir le poids des cinq plus grandes économies européennes. Les chiffres fournis par la Banque centrale européenne soulignent que le groupe 1 disposera désormais de 19 % des voix contre 20 % aujourd'hui. A contrario les quatorze autres gouverneurs ne bénéficieront plus que de 52 % des votes contre 56 % lorsqu'ils étaient treize. La fréquence de vote au sein du groupe 1 atteint quant à elle 80 %, alors que celle du groupe 2 devrait être amenée à diminuer au fur et à mesure de l'élargissement de la zone euro. Enfin, il convient d'insister sur le fait que les gouverneurs qui ne disposent pas du droit de vote participent néanmoins aux débats précédant la prise de décision. Plus qu'une fragilisation des pays du groupe 1, c'est à un renforcement du poids du directoire auquel on assiste véritablement, puisque celui-ci devrait disposer de 29 % des droits de vote contre 24 % aujourd'hui.
C'est à l'aune de ces éléments qu'il convient sans doute d'analyser la relative prudence de nos amis allemands. Le système actuel ne garantissait pas, de toute façon, plus de poids à la Bundesbank, comme en a témoigné son isolement lors de l'adoption par la Banque centrale européenne du programme Outright monetary transactions (OMT) en septembre 2012. Le gouverneur de la Banque centrale allemande avait publiquement critiqué le lancement de ce programme de rachat illimité de titres de dette souveraine des pays placés sous assistance financière. Je vous rappelle que la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, saisie par 35 000 citoyens allemands, a d'ailleurs demandé un avis à la Cour de justice de l'Union européenne sur la conformité de ce dispositif aux Traités. Les auditions de la Cour de justice ont débuté le 14 octobre dernier.
Avec la mise en place de ce nouveau système de vote, la Banque centrale européenne va, en tout état de cause, se rapprocher du mode de fonctionnement de la Federal Reserve américaine. L'équivalent du Conseil des gouverneurs, le Comité fédéral de l'open market, compte ainsi 12 membres disposant d'un droit de vote dont 7 sont issus du Board of governors, assimilable au directoire de la BCE. Il existe pourtant 12 banques de réserve régionale. La rotation s'opère annuellement aux États-Unis et ne concerne que 11 de ces 12 banques, la banque régionale de New York disposant d'un droit de vote permanent.
Je remercie tout d'abord le rapporteur pour sa présentation.
Je me réjouis que la Banque centrale européenne se rapproche de la FED américaine, tant dans son organisation, via la réforme des droits de vote, que progressivement dans ses orientations. Elle était jusqu'alors principalement concentrée sur l'inflation et la maîtrise des prix. Elle semble désormais se préoccuper de la croissance et de la création d'emplois.
Nous devrons par ailleurs suivre avec attention l'examen par la Cour de justice de la demande de la Cour de Karlsruhe concernant le programme OMT.
Je salue l'exposé de notre rapporteur mais y apporterai un bémol. Comme ses voisins baltes, la Lituanie est un État peu endetté mais sa population est, quant à elle, très endettée. C'est l'inverse en quelque sorte de la France. C'est une limite à toute comparaison avec les grands États de l'Union. Il s'agit d'une vraie fragilité même si l'adoption de l'euro devrait tempérer les risques. Les emprunts sont en effet libellés en euros et non en litas, ce qui va éliminer le risque de change.
Ma deuxième observation porte sur le fonctionnement de la Banque centrale européenne et la réforme des droits de vote. Heureusement que l'Union bancaire a été créée avant l'entrée en vigueur de ce nouveau dispositif ! Nous aurions pu assister à une prise de décision concernant le système bancaire d'un pays sans que le gouverneur de la banque centrale concernée puisse prendre part au vote !
Vous nous avez indiqué les mesures de rétorsion économiques russes à l'égard de la Lituanie, pouvez-vous nous indiquer quel est le sentiment général à l'égard de la Russie dans le pays ?
À l'instar de ce que l'on observe dans les autres pays baltes, il existe une véritable crainte d'un coup de force russe, qui s'appuierait sur les russophones installés sur le territoire. Même si la minorité russe, qui représente 6 % de la population, est moins importante qu'en Lettonie, où elle atteint près de 30 % de la population. Le risque d'un coup de force, via des forces paramilitaires, dans les régions du pays où cette minorité est très représentée n'est pas écarté.
Le rapporteur a bien indiqué dans son exposé que l'adhésion à la zone euro était aussi envisagée comme un moyen de renforcer son intégration dans l'Union et sa sécurité.
Vous n'avez pas indiqué dans votre exposé le taux de chômage en Lituanie. Est-ce que les efforts d'ajustement budgétaire et d'amélioration de la compétitivité du pays ont eu des conséquences en matière d'emploi ?
Le taux de chômage atteignait 4,3 % en 2007, juste avant le retournement de la conjoncture économique. Trois ans plus tard, au plus fort de la crise, 17,8 % de la population active était sans emploi. Le taux de chômage a depuis amorcé une décrue en même temps que le pays renouait durablement avec la croissance. Établi à 11,3 % en 2013, il est aujourd'hui chiffré à 10,8 %.
Pour faire suite à notre réunion de la semaine passée, je vous propose de nommer des rapporteurs pour le suivi de certains sujets :
- MM. Didier Marie et Jean-Paul Emorine sur le paquet « Croissance, emploi et investissement » ;
- Mme Fabienne Keller, MM. Richard Yung et Éric Bocquet sur le rôle et les missions de la Banque centrale européenne ;
- Mme Fabienne Keller et M. François Marc sur l'avenir et la gouvernance de la zone euro ;
- MM. Claude Kern et François Marc sur la convergence fiscale dans l'Union européenne ;
- Mmes Pascale Gruny et Patricia Schillinger sur la convergence sociale dans l'Union européenne ;
- MM. Philippe Bonnecarrère et Jean-Jacques Hyest sur la création d'un Parquet européen ;
- Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur l'évaluation des activités du Comité de Sécurité intérieure (COSI) ;
- M. Michel Mercier sur l'Union européenne et les droits fondamentaux ;
- Mme Fabienne Keller sur le Royaume-Uni et l'Union européenne ;
- MM. Michel Delebarre et Claude Kern sur le paquet économie circulaire (déchets) ;
- Mme Joëlle Garriaud-Maylam sur les questions familiales transfrontalières ;
- MM. Michel Mercier et Alain Richard sur les qualifications professionnelles dans l'Union européenne ;
- Mmes Pascale Gruny et Patricia Schillinger sur les activités du fonds social européen (FSE) ;
Je vous propose également de constituer deux groupes de travail internes à notre commission :
- Le groupe sur la gestion des fonds structurels pourrait être animé par M. Michel Mercier ; il serait composé en outre de Mme Pascale Gruny, MM. Georges Patient, Jean-Claude Requier, André Reichardt et Michel Delebarre ;
- Le groupe sur l'évaluation de l'espace Schengen pourrait être animé par M. André Reichardt ; il serait composé en outre de MM. Philippe Bonnecarrère, Jean-Yves Leconte et Michel Billout.
Nous souhaitons que, dans un souci d'équilibre, notre groupe politique puisse également exercer cette fonction d'animation pour de futurs groupes de travail que la commission serait appelée à créer.
La commission procède à ces nominations.
Nous désignerons lors d'une prochaine réunion les membres des groupes communs à d'autres commissions ainsi que les rapporteurs chargés du suivi de certains pays. Je vous propose d'ores et déjà de confier à notre collègue Simon Sutour une mission spécifique sur le suivi des pays, notamment les candidats à l'adhésion, en raison de la grande expérience qu'il a acquise dans ce domaine.
Nos collègues Catherine Morin-Desailly et Gaëtan Gorce ont déposé aujourd'hui même une proposition de résolution européenne sur la réforme de la gouvernance de l'internet. Cette proposition traduit les réflexions de la mission d'information qu'ils ont pilotée et dont le rapport est tout à fait intéressant.
Mme Colette Mélot est nommée rapporteur.
Nous avons aussi reçu des textes sur les médicaments vétérinaires et les aliments vétérinaires médicamenteux. Cette refonte de dispositifs anciens est souhaitée par les États membres.
Mais s'agissant de santé animale, nous devons être vigilants pour éviter de mauvaises surprises. Il est très important de nous exprimer maintenant car la Commission européenne remplace des directives par des règlements qui sont d'application directe.
Notre vigilance est d'autant plus nécessaire que la Commission européenne prépare un texte sur les additifs alimentaires qui semble inspiré par le modèle américain - type poulet chloré - avec un traitement massif en fin de chaîne. Le modèle traditionnel européen privilégie au contraire jusqu'à présent un contrôle à toutes les étapes de la chaîne alimentaire.
Je vous propose donc de désigner un rapporteur sur ces textes.
Mme Patricia Schillinger est nommée rapporteur.
Je veux par ailleurs appeler votre attention sur la concentration qui s'accentue dans la grande distribution. Le président de l'Autorité de la concurrence, M. Bruno Lasserre, indique qu'il ne disposerait pas des moyens législatifs pour s'opposer au regroupement des enseignes. Le groupe de travail sur la réforme à mi-parcours de la PAC devrait également examiner cette question. Notre collègue Michel Raison est prêt à y travailler.
Les groupes politiques m'ont fait connaître le nom de leurs représentants :
- Mme Colette Mélot pour l'UMP
- M. Simon Sutour pour le groupe Socialiste
- M. Philippe Bonnecarrère pour l'UDI-UC
- M. Michel Billout pour le groupe CRC
- M. Jean-Claude Requier pour le groupe RDSE
- M. André Gattolin pour le groupe Écologiste
La réunion est levée à 16 heures 30.