Commission des affaires européennes

Réunion du 3 décembre 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • adhésion
  • harmonisation
  • normalisée
  • subsidiarité

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Comme vous le savez, le Conseil européen des 27 et 28 juin 2013 a décidé d'ouvrir les négociations d'adhésion à l'Union européenne avec la Serbie, qui dispose du statut de candidat depuis mars 2012. Les conclusions du Conseil ne précisent pas pour autant la date à laquelle seront ouvertes ces négociations. À l'initiative de notre commission, le Sénat a adopté le 16 octobre dernier une résolution européenne demandant au Gouvernement d'agir auprès de ses homologues afin que la conférence intergouvernementale destinée à ouvrir ces négociations d'adhésion se tienne le plus rapidement possible.

C'est dans ce contexte que nous nous sommes rendus, Sophie Joissains, Michel Billout et moi-même, à Belgrade, du 4 au 6 novembre derniers.

Le rapprochement entre l'Union européenne et la Serbie a longtemps été tributaire du contexte régional. La coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) et le règlement du conflit gelé au Kosovo ont longtemps pesé sur les relations entre Belgrade et Bruxelles. L'absence de résultats tangibles avec le TPIY a longtemps différé la ratification de l'Accord de stabilisation et d'association, l'ASA, signé en 2008, et l'examen de la candidature à l'adhésion déposée fin 2009. L'ASA n'est ainsi entré en vigueur que le 1er septembre dernier.

La Serbie a obtenu le statut de pays candidat à l'Union européenne en mars 2012. La position serbe en faveur d'une adhésion à l'Union européenne s'est définitivement - et paradoxalement - concrétisée depuis l'arrivée au pouvoir d'une coalition comprenant des partis nationalistes en mai 2012. Compte tenu de leurs histoires respectives, ces formations étaient peut-être les seules à pouvoir faire accepter un désengagement progressif de la Serbie au Kosovo. Le dialogue technique avec le Kosovo, entamé par la précédente coalition, a ainsi pris une nouvelle dimension avec la signature, sous l'égide de l'Union européenne, d'un accord à Bruxelles, le 19 avril 2013, qui ouvre un processus de normalisation des relations entre les deux pays.

Sur un plan plus technique, un plan national de reprise de l'acquis communautaire étalé de 2013 à 2016 a été adopté par le gouvernement le 28 février 2013. Des stratégies nationales en faveur du renforcement de l'État de droit et de la lutte contre la corruption ont par ailleurs été adoptées et saluées par la Commission européenne. L'ouverture des négociations d'adhésion était donc logique. Le gouvernement serbe espère désormais un processus d'adhésion relativement court, entre quatre à cinq ans, pouvant aboutir à une adhésion à l'horizon 2020. Pourtant, comme je vous l'indiquais dans mon propos liminaire, la date d'ouverture effective des négociations n'a pas été fixée, les conclusions indiquant qu'elle devrait avoir lieu au plus tard en janvier 2014.

Il convient, au préalable, que le Conseil adopte un cadre de négociation. La proposition de cadre de négociation présentée par la Commission le 22 juillet dernier insiste sur deux points : les chapitres 23 (pouvoir judiciaire et droits fondamentaux) et 24 (justice, liberté, sécurité) d'un côté, et bien sûr le Kosovo de l'autre. La priorité accordée aux questions ayant trait à l'État de droit rejoint la nouvelle approche des négociations d'adhésion validée en décembre 2011 par le Conseil et déjà mise en oeuvre pour le Monténégro.

La question du Kosovo est, quant à elle, plus épineuse, faute d'unanimité au sein de l'Union européenne sur son statut. Le traitement réservé à cette question sera identique à celui des chapitres 23 et 24. Ainsi, tout retard enregistré dans ce dossier entraînera la suspension des négociations dans d'autres domaines. Il semble cependant délicat de demander à la Serbie d'avancer une position précise et consignée par écrit sur l'évolution de ses relations avec le Kosovo, compte tenu de la sensibilité politique, historique et culturelle du dossier dans le pays et de son refus réitéré de reconnaître officiellement l'indépendance de son ancienne province. Le pragmatisme qui a présidé à la conclusion de l'accord de Bruxelles du 19 avril devra, à cet égard, être respecté dans l'intérêt de toutes les parties.

Certains États - l'Allemagne, le Royaume-Uni, la Finlande et les Pays-Bas - souhaitent néanmoins que cet accord devienne désormais juridiquement contraignant. L'ambition affichée notamment par le Royaume-Uni est de parvenir à la signature d'un accord semblable à celui du traité fondamental entre les deux Allemagnes de 1972. La pleine normalisation des relations et le caractère contraignant de l'accord de Bruxelles doivent donc ainsi figurer, à leurs yeux, parmi les critères de clôture du chapitre consacré au Kosovo, le chapitre 35.

Il est regrettable que ces pays considèrent avec défiance la Serbie au travers d'un prisme hérité de la guerre. Je rappelle, à toutes fins utiles, que celle-ci a éclaté au début des années quatre-vingt-dix, soit il y a plus de vingt ans. Le personnel politique serbe a depuis changé et la rhétorique nationaliste semble désormais confinée à des formations politiques minoritaires sur la scène politique locale. Faire de la normalisation des relations avec le Kosovo l'élément déterminant des négociations d'adhésion paraît de fait exagéré. Cette vision mésestime les efforts déjà accomplis par les formations politiques au pouvoir à Belgrade et introduit une forme de surenchère permanente, difficilement acceptable par l'opinion publique serbe et susceptible de fragiliser la position du gouvernement. Il existe dans le pays une réelle envie d'Europe qu'il convient avant tout d'encourager. Le pragmatisme observé au sein du gouvernement serbe doit être respecté.

Ce cadre de négociations devrait être adopté lors du Conseil européen des 19 et 20 décembre prochains. L'Allemagne comme le Royaume-Uni attendent, en tout état de cause, un nouveau rapport de la Commission sur l'application de l'accord du 19 avril avant de se prononcer sur l'ouverture des négociations. Dans ce contexte délicat, tout conduit à penser que l'ouverture des négociations ne sera pas effective avant le mois de janvier 2014.

La priorité pour le gouvernement serbe semble désormais de s'atteler aux réformes structurelles, juridiques et économiques induites par la perspective d'adhésion. Le remaniement du gouvernement intervenu début septembre 2013 s'inscrit dans cette logique. L'ambition affichée était également de mettre en avant des experts dans leur domaine, plus jeunes, avec pour objectif de s'atteler désormais à la convergence réglementaire avec l'Union européenne. La coalition gouvernementale ne semble pas, pour l'heure, fragilisée par les positions historiques qu'elle a adoptées sur la question du Kosovo ou par les sacrifices qu'impliquent les réformes structurelles annoncées. Celles-ci semblent susciter une réelle adhésion populaire selon les enquêtes d'opinion.

Comme l'a souligné le rapport de progrès de la Commission européenne, la stratégie de réforme judiciaire 2014-2018 adoptée par le gouvernement doit désormais être effectivement mise en oeuvre afin de garantir véritablement l'indépendance de la justice. Les juges demeurent en effet encore nommés par le Parlement serbe. La lutte contre la corruption doit également être intensifiée, sans interférence politique. L'augmentation du nombre d'enquêtes ne saurait occulter la crainte d'une justice sélective et partiale - 57 membres de l'opposition sont ainsi poursuivis dans des affaires de corruption depuis le changement du gouvernement - qui s'appuie sur des campagnes de presse bien orchestrées. Certains observateurs relèvent ainsi la faible indépendance des organes de lutte anti-corruption.

La Commission pointe également l'absence de réforme de l'administration publique, soulignant qu'aucune stratégie globale n'avait réellement été mise en oeuvre. Le système de recrutement et l'absence de grille des salaires transparente sont notamment mis en exergue. Le gouvernement semble pour l'heure privilégier deux axes de travail tenant plus au poids du secteur public dans l'économie locale : la réduction de ses effectifs, plus de 700 000 agents étant pour l'heure rémunérés par l'État, et une dépolitisation de l'ensemble du secteur.

La lutte contre les discriminations, notamment celles qui concernent les Roms et les LGBTI, fait également partie des priorités de travail aux yeux de la Commission européenne. Certains progrès ont néanmoins été accomplis depuis des années en vue d'intégrer les autres minorités ethniques - 15 % de la population serbe -, même si la situation varie d'une région à l'autre de la Serbie. Les autorités ont ainsi mis en place des Conseils nationaux, représentant chacun des minorités reconnues sur le territoire serbe. 19 minorités et la communauté juive de Belgrade disposent ainsi d'organes représentatifs. Financés sur le budget de l'État, ils disposent de compétences en matière d'éducation et de culture.

L'ouverture des négociations d'adhésion devrait, quoiqu'il en soit, intervenir dans un contexte économique délicat. Pays le plus peuplé issu de l'ancienne Yougoslavie, les revenus y sont quatre fois moins élevés qu'en Slovénie et deux fois moins élevés qu'en Croatie. L'outil productif dont dispose la Serbie est, de son côté, vieillissant, le pays payant encore le prix des guerres de sécession qui ont déchiré la région : l'activité industrielle en 2013 atteint à peine 65 % du niveau qu'elle avait en 1989. Toute relance économique repose de fait sur la capacité du pays à attirer des investisseurs. L'ajustement budgétaire fait également figure de priorité pour les autorités alors que le déficit public s'établissait à 6,7 % fin 2012.

Il me semble - et je crois traduire aussi le sentiment de mes collègues - que les États membres de l'Union européenne doivent désormais engager une véritable dialectique de la confiance envers la Serbie. Sans mésestimer les réformes restant à accomplir, il convient de ne pas relativiser les avancées assumées par le gouvernement serbe, parfois à rebours de sa tradition politique. Des changements considérables se sont produits. Il est indispensable de les saluer et surtout de les appuyer. Toute action inverse conduirait à retarder une nouvelle fois le rapprochement légitime entre ce pays et l'Union européenne, et contribuer à l'étiolement du sentiment européen en Serbie. L'Europe en général et les Balkans occidentaux en particulier n'auraient rien à gagner à un tel recul.

Nous n'avons pas jugé qu'une nouvelle résolution du Sénat serait utile, après celle qui été adoptée le 16 octobre et qui a été saluée par nos interlocuteurs serbes.

Pour conclure, je dirais que l'Union doit s'attacher d'abord à encourager les progrès. Quand des efforts manquent, il faut le dire ; mais quand les efforts sont là, il ne faut pas formuler des exigences prématurées.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

J'ai peu à ajouter. Nous avons senti une réelle volonté d'adhérer à l'Union, une forte motivation, alors même que l'adhésion demandera des évolutions très profondes, notamment pour ce qui concerne l'énorme secteur public. La réforme judiciaire est un point essentiel. Nous avons vu le cas de magistrats démis dans des conditions anormales, qui ont dû attendre un an pour que leur réintégration soit acceptée. Mais je conviens que notre but doit être d'aider à aller dans le bon sens, non d'utiliser les insuffisances pour retarder les négociations.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

J'ai été frappé qu'aucune force politique ne soit opposée à l'adhésion. On ne voit pas de différence entre majorité et opposition. La position prise par le Sénat a été appréciée. La Serbie reste un grand pays des Balkans, zone qui reste encore à stabiliser comme le montre l'ampleur de la mission de l'Union européenne en Bosnie-Herzégovine. Je m'étonne de voir que l'Allemagne semble plus favorable à l'adhésion du Monténégro qu'à celle de la Serbie.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

La Serbie est un pays foncièrement européen : c'est l'Histoire qui explique qu'elle ne soit pas aujourd'hui membre de l'Union. Il faut prendre la juste mesure des obstacles à l'adhésion. Sur le Kosovo, des progrès ont été faits, et la volonté de trouver un compromis est indéniable même si la situation n'est pas mûre pour une reconnaissance. Le problème n'est pas insoluble, car la volonté d'adhérer à l'Union sera la plus forte. Sur la situation économique, il faut admettre qu'il y a beaucoup à faire pour obtenir un redémarrage. C'est une raison pour ouvrir les négociations le plus tôt possible, de façon à encourager les investissements en donnant une perspective. Les négociations aideront aussi à progresser en matière de justice et d'affaires intérieures.

Le poids de l'Histoire reste fort. La première Guerre mondiale est née dans les Balkans, et à la fin de l'ère Tito, on a vu ressurgir des antagonismes nationaux qui avaient été en quelque sorte gelés. L'adhésion à l'Union est la chance de sortir de ces antagonismes. Notre rôle doit être de la faciliter.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Les élections municipales se sont bien passées au Kosovo dans la partie située au sud de l'Ibar, mais plutôt mal dans la zone serbe située dans la partie nord du Kosovo, bien que la Serbie ait tout fait pour faciliter les opérations. La situation reste fragile. Ce serait une erreur de freiner l'engagement des négociations, alors qu'il faut au contraire créer un climat de confiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

La Serbie a incité à participer aux élections municipales, alors qu'auparavant elle prônait le boycott. Cela montre que des évolutions et des compromis pragmatiques sont possibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Je souscris à cette idée et je crois que la France peut jouer un rôle très positif. Les Serbes conservent un attachement pour notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

L'évolution a-t-elle un effet d'entraînement sur l'ensemble de la zone ?

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Il y a une dynamique européenne. Quand nous avions rencontré le président croate, il avait soutenu la perspective d'adhésion de la Serbie. Cependant, il faut distinguer entre d'un côté la Slovénie, la Croatie, la Serbie, qui sont des États solidement constitués, et les autres États de la région, plus fragiles.

L'autorisation de publier le rapport d'information est accordée à l'unanimité.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je donne la parole à notre collègue Yannick Botrel, qui est également membre de la commission des finances, et qui va nous expliquer pourquoi le projet de directive portant sur la création d'une déclaration normalisée européenne de TVA ne respecte pas pleinement, en l'état, le principe de subsidiarité

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Mes chers collègues, vous avez bien voulu me charger de vérifier si la proposition de directive créant une déclaration de TVA normalisée pouvait contrevenir au principe de subsidiarité.

La TVA, impôt de conception française - dû à l'imagination d'un haut fonctionnaire de la DGI - institué en 1954 puis importé sans droit ni taxe un peu partout dans le monde, fait partie aujourd'hui de l'acquis communautaire. Chacun sait que c'est une taxe perçue sur le prix de vente des biens et des services qui est payée par le consommateur final puisque le principe de la TVA veut que les entreprises collectent la TVA lorsqu'elles vendent des produits et des services et qu'elles déduisent ensuite la TVA qu'elles ont elles-mêmes payée lorsqu'elles ont acheté des biens et des services à d'autres entreprises et enfin reversent le solde à l'État. Ce principe simple devient complexe dès que les échanges se multiplient entre entreprises de pays différents.

En matière de fiscalité au sein de l'Union européenne, deux principes antithétiques s'affrontent. En vue d'assurer l'établissement d'un marché intérieur unique au sein de l'Union européenne, les États membres s'efforcent, sans hâte, depuis des années, d'harmoniser leurs législations fiscales. Mais la fiscalité reste un symbole de souveraineté qui relève essentiellement de la compétence des États membres et l'unanimité est la règle, chaque État disposant donc d'un droit de veto.

Pour la TVA, une assiette commune a été trouvée, mais les taux ne sont pas harmonisés mais seulement encadrés, pas plus que les formalités pratiques pour la perception de la TVA.

C'est pourquoi, la Commission européenne a proposé le 23 octobre 2013 l'introduction d'une déclaration de TVA normalisée qui permettrait de diminuer les coûts pour les entreprises de l'UE d'un montant pouvant aller, selon elle, jusqu'à 15 milliards d'euros par an.

Toujours selon la Commission, l'objectif est de réduire les formalités administratives à accomplir par les entreprises, de faciliter le respect des obligations fiscales et de rendre plus efficace le travail des administrations fiscales dans l'UE. La déclaration de TVA normalisée se propose de remplacer les déclarations nationales et de garantir que toutes les entreprises de l'UE fournissent les mêmes informations de base dans les mêmes délais.

En effet, le principe même de la TVA exige des entreprises qu'elles remplissent des déclarations de TVA périodiques contenant les informations nécessaires pour le paiement et le contrôle de la TVA, ce qui peut se révéler particulièrement complexe quand ces déclarations sont déposées dans plusieurs États membres. Cette complexité provient du niveau d'exigence de chaque administration fiscale nationale, des différentes informations à fournir, de la non harmonisation des définitions, du manque d'orientations communes appropriées et des divergences des règles et procédures de dépôt. Tous ces facteurs entraînent une augmentation de la charge du travail administratif et non productif pesant sur les entreprises ; ils nuisent à la précision des déclarations de TVA, au respect des délais et ils finissent par entraver les échanges transfrontaliers.

Partant de ces constatations, la Commission veut imposer une déclaration de TVA normalisée. Cette déclaration normalisée qui serait obligatoire pour tous les États membres et pour toutes les entreprises prévoit une liste d'informations avec un nombre restreint d'éléments. La Commission fonde sa proposition sur l'article 113 du TFUE dans la mesure où une harmonisation est nécessaire pour assurer le fonctionnement du marché intérieur et éviter les distorsions de concurrence.

La proposition de directive se fixe plusieurs objectifs dont voici les cinq principaux :

1) permettre à toutes les entreprises de fournir des informations normalisées à chaque État dans un format commun afin que les données de la déclaration de TVA soient identiques pour l'ensemble des États membres, soit 26 champs d'informations dont seuls 5 seraient obligatoires, les États membres pouvant dispenser leurs entreprises des 21 autres ; dans certains cas particuliers très précis, les États membres pourront exiger des informations allant au-delà de ces 26 champs d'informations normalisées.

2) la périodicité des déclarations sera uniformisée et le paiement de la TVA interviendra à l'échéance de dépôt de la déclaration de TVA, ce qui signifie que le paiement par acompte serait supprimé ;

3) les délais de dépôt seront harmonisés : la date limite de dépôt ne pourra pas excéder deux mois à compter de la fin de chaque période imposable ;

4) les procédures de correction des déclarations de TVA seront identiques ;

5) une norme commune de transmission électronique des déclarations de TVA sera mise en oeuvre au niveau communautaire.

Il est permis d'avoir des doutes sur la pertinence de la proposition de la Commission.

En effet, il convient de remarquer qu'en ce qui concerne la France, la déclaration de TVA telle qu'elle existe aujourd'hui contient plus de 26 champs à renseigner et que leur définition est souvent plus précise que celle retenue par la Commission. La normalisation proposée risque d'entraver l'efficacité de la lutte contre la fraude à la TVA, car les services fiscaux disposeront de moins d'informations.

Certes, aux termes de la proposition de directive, les États membres pourront exiger des informations complémentaires mais seulement sur certains territoires et pour certains régimes particuliers. La liste de ces informations complémentaires serait fixée par la procédure de comitologie, donc contrôlée par la Commission elle-même.

En outre, cette proposition supprime la possibilité laissée aux États de choisir une autre date de paiement que celle établie par la règle générale selon laquelle le paiement de la TVA intervient au moment du dépôt de la déclaration de TVA.

On peut regretter aussi que le paiement par acompte soit supprimé et que la déclaration doive être déposée au plus tard à la fin du mois suivant la période imposable. En France, les délais de dépôt sont plus longs et peuvent atteindre cinq mois.

Au total, le texte proposé par la Commission entraînera un recul des possibilités de contrôle pour les États membres et la suppression de certaines souplesses pour les entreprises.

La Commission européenne avait dans un premier temps envisagé de ne pas soumettre ce texte au contrôle de subsidiarité en avançant qu'elle possédait une compétence exclusive en matière de TVA. En effet, le principe de subsidiarité ne s'applique pas dans le cas d'une compétence exclusive de l'Union. Mais il faut reconnaître que la TVA est en fait une compétence partagée avec les États membres. L'Allemagne s'en étant émue, la Commission européenne a finalement transmis ce texte le 7 novembre dernier aux fins de contrôle de subsidiarité.

On doit par ailleurs remarquer que l'article 113 du TFUE ne donne de compétence à l'Union que pour les règles de fond de la TVA et non pour les procédures d'encaissement de cet impôt.

Le progrès dans l'harmonisation proposé par la Commission européenne resterait de toute manière incomplet puisque seuls 5 champs d'information seraient obligatoires et 21 seraient optionnels.

La déclaration normalisée paraît la plus mal adaptée à la situation des petites entreprises soumises à un régime simplifié d'imposition et qui peuvent déposer une déclaration annuelle de TVA sur laquelle s'imputent les acomptes versés au cours de la période d'imposition ; la directive risquerait de se traduire par un alourdissement de leurs charges administratives.

La réduction de quatre à deux mois du délai maximal de dépôt de la déclaration de TVA pénaliserait également les petites entreprises.

L'article 5 du traité sur l'Union européenne dispose que, en vertu du principe de subsidiarité, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée peuvent être mieux atteints par une action de l'Union. Autrement dit, l'intervention de l'Union doit apporter une plus-value indiscutable.

En l'occurrence, la plus-value apportée par l'intervention de l'Union paraît incertaine :

- l'harmonisation reste limitée,

- la capacité d'adaptation aux situations nationales se trouve réduite,

- le contrôle risque d'être rendu plus difficile dans un domaine où la fraude est importante,

- la situation spécifique des petites entreprises n'est pas suffisamment prise en compte.

C'est le sens du projet d'avis motivé que je vous soumets, dont l'inspiration est d'ailleurs proche du texte adopté par nos collègues du Bundesrat allemand.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Je remercie notre collègue pour la clarté de son exposé et j'ouvre le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Ries

Je regrette que la Commission s'emploie à harmoniser les procédures de perception, non de procéder à une harmonisation fiscale, ce qui serait autrement plus important et plus utile. Pour renforcer la loyauté de la concurrence, il nous faut une convergence des taux de TVA. Le texte ne paraît pas très bien fondé : il ne réalise pas de véritable harmonisation, mais supprime des adaptations possibles au contexte national.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

J'approuve votre souhait d'harmonisation fiscale, mais aujourd'hui nous nous prononçons seulement sur la subsidiarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Billout

J'ai envie de dire : « tout ça pour ça » ! On ne voit pas bien la nécessité de ce qui est proposé. Où la Commission veut-elle en venir ? Où se cache le loup, s'il y en a un ?

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Comme le dit un ancien ministre que vous connaissez bien : « quand c'est flou, il y a un loup ! ». Nous pouvons par cet avis motivé donner à la Commission européenne que sa proposition, telle qu'elle est, n'apporte pas la plus-value européenne indispensable.

L'avis motivé est adopté dans le texte suivant :

La proposition de directive COM (2013) 721 tendant à rendre obligatoire pour l'ensemble des États membres et de leurs entreprises une déclaration normalisée de TVA poursuit, dans un but d'harmonisation fiscale, les objectifs suivants :

- permettre à toutes les entreprises de fournir des informations normalisées à chaque État dans un format commun ;

- rendre uniforme sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne la périodicité des déclarations et imposer le paiement de la TVA à l'échéance de dépôt de la déclaration ;

- harmoniser les délais de dépôt ;

- rendre identiques les procédures de correction des déclarations de TVA ;

- établir une norme commune de transmission électronique des déclarations de TVA.

Vu l'article 88-6 de la Constitution,

Le Sénat fait les observations suivantes :

- en France, l'actuelle déclaration de TVA contient plus de champs à renseigner que ceux de la déclaration normalisée proposée par la Commission et cette normalisation risque de priver les services fiscaux d'informations nécessaires au contrôle et à la lutte contre la fraude ;

- la proposition supprime la possibilité laissée aux États membres de choisir une autre date de paiement que celle établie par la règle générale selon laquelle le paiement de la TVA intervient au moment du dépôt de la déclaration de TVA ;

- la proposition supprime le paiement par acompte et exige que la déclaration soit déposée au plus tard à la fin du mois suivant la période imposable alors que les délais de dépôt en France peuvent atteindre cinq mois ;

- la proposition ne prend pas en compte la situation des petites entreprises soumises à un régime simplifié d'imposition qui peuvent déposer une déclaration annuelle de TVA sur laquelle s'imputent les acomptes versés au cours de la période d'imposition et ce faisant, elle alourdit leurs charges administratives ;

- la proposition ne précise pas si la norme commune de transmission électronique ne risque pas de remettre en cause les modes de transmission existant et s'appuyant sur la norme (EDIFACT) comme norme universelle de transfert de données ;

- la normalisation proposée laissera subsister, de toute manière, des disparités entre les États membres, vu le nombre élevé de champs optionnels dans la déclaration ;