Commission des affaires sociales

Réunion du 20 juillet 2017 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Comment simplifier notre système de retraites ? C'est à cette question que va s'atteler le Gouvernement dans les prochains mois avec son projet annoncé de réforme systémique des retraites. Mais c'est déjà à cette question que l'interrégimes des retraites tente, depuis quatorze ans maintenant, d'apporter une réponse pragmatique aux assurés.

Les faits sont connus. Le paysage des retraites en France est morcelé : 35 régimes de base, 29 régimes complémentaires. Chaque Français cotise en moyenne à 2,3 caisses de retraite différentes et la part des personnes polypensionnées, c'est-à-dire percevant une retraite d'au moins deux régimes de base, représente chaque année 40 % des départs à la retraite pour les hommes et 30 % des départs à la retraite pour les femmes. Et cette tendance devrait s'amplifier.

Cette situation a justifié la création, lors de la réforme des retraites de 2003, d'un droit à l'information retraite (DAI) qui permet à chaque assuré de disposer, lorsqu'il prépare son départ à la retraite, d'une vision consolidée de ses droits acquis et d'une évaluation de son futur montant de retraite. Ce droit à l'information retraite a été mis en oeuvre par l'ensemble des régimes de retraite, réunis au sein d'un groupement d'intérêt public (GIP) appelé Info retraite. En 2015, ce GIP est devenu le GIP Union retraites à l'occasion de l'élargissement de ses missions, décidé par la réforme des retraites de 2014. Outre le droit à l'information retraite, il est désormais chargé du pilotage de l'ensemble des projets de coordination, de simplification et de mutualisation ayant pour objet d'améliorer les relations des régimes avec leurs usagers.

Aux termes de nos auditions avec notamment des régimes de retraite aussi différents que le régime général, le service des retraites des fonctionnaires de l'État ou le régime spécial de l'Opéra de Paris, il apparaît que l'interrégimes de retraite entre aujourd'hui dans une ère de méfiance. Si le droit à l'information retraite est un succès incontestable qu'il faut souligner, la définition concrète de la nouvelle mission du GIP de simplification et de mutualisation de l'assurance vieillesse ne fait pas l'objet d'un consensus entre le GIP et les régimes. Cette absence de consensus sur le rôle du GIP et les tensions actuellement perceptibles au sein de l'interrégimes au niveau budgétaire résulte en réalité de l'absence de vision stratégique de l'État quant à l'organisation de notre système de retraite. En ce sens, le projet de réforme systémique contribue pour l'instant à l'incertitude du monde de la retraite quant à son avenir.

Aussi, et afin de lancer les travaux de notre commission en vue de cette future réforme, il semble utile de faire le bilan de l'action de l'interrégimes de retraite depuis sa création avant d'analyser les conséquences de cette absence de vision stratégique de l'État sur l'avenir de l'interrégimes et du GIP Union retraite en particulier.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Le Général de Gaulle considérait « [qu']une Constitution, c'est un esprit, des institutions, une pratique ». Ce triptyque pourrait très utilement être repris pour analyser le bilan de l'interrégimes en matière de retraite.

L'interrégimes c'est, en effet, tout d'abord des institutions. Le GIP Union retraite a mis en place un système sophistiqué de conseils et de comités permettant une large représentation de l'ensemble des régimes mais très hautement consommateur de ressources. L'Assemblée générale du GIP rassemble 36 organismes couvrant presque l'intégralité des régimes de retraite légalement obligatoires, de base et complémentaire. Il nous semblerait logique que les derniers régimes de retraite à ne pas avoir intégré le GIP Union retraite, en particulier ceux des assemblées parlementaires ou le régime temporaire des enseignants du privé, puissent le faire prochainement. Le conseil d'administration à la composition plus resserrée est l'instance délibérative ordinaire. Les projets informatiques sont discutés au sein de groupes de travail composant une « comitologie » assez complexe et qui s'avère chronophage de l'aveu même des services du GIP et des régimes. Les plus petits régimes spéciaux n'ont d'ailleurs pas les moyens de faire face à toutes les sollicitations. Ils sont représentés au sein du conseil d'administration par le collège des régimes spéciaux qu'anime la caisse centrale de retraite de la SNCF. La démocratie sociale n'est pas en reste puisqu'un comité des usagers, réunissant des représentants des partenaires sociaux, joue un rôle de veille sur les projets développés dans l'intérêt des usagers.

L'ensemble des personnes auditionnées juge que les rapports entre les régimes au sein du GIP, fondés sur le consensus, le respect de l'identité de chaque régime et la transparence, sont de bonne qualité et se développent au sein d'une atmosphère courtoise et constructive. Il semblerait toutefois utile que l'assemblée générale, seule instance à associer directement chacun des régimes et qui se réunit une fois tous les trois ans, puisse le faire chaque année. Les plus petits régimes ont en effet indiqué qu'une instance plus régulière d'information directe sur l'état d'avancement des projets manquait réellement. Nous formulerons une proposition en ce sens qui est partagée par le président du GIP, également président du conseil d'administration de la Cnav et bien connu de notre commission, M. Gérard Rivière.

L'interrégimes c'est aussi une pratique, celle du droit à l'information retraite, qui constitue aujourd'hui encore le coeur de métier du GIP.

Le DAI s'est tout d'abord développé au cours des campagnes d'information annuelles lancées depuis 2007. À partir de 35 ans et jusqu'à ses 50 ans, chaque assuré reçoit tous les cinq ans un courrier, son « relevé individuel de situation » (Ris), commun à tous ses régimes de retraite récapitulant l'ensemble de ses droits acquis. À partir de ses 55 ans et jusqu'à 65 ans, l'assuré reçoit tous les cinq ans également une « estimation indicative globale » (EIG) de sa future retraite. Depuis la loi de 2010, une information aux nouveaux assurés est également transmise à toute personne qui valide pour la première fois une durée d'assurance d'au moins deux trimestres afin de lui présenter le système de retraite par répartition et l'impact potentiel d'une activité à temps partiel. Le coût annuel des campagnes d'information « papier », à la charge des régimes, s'élève à environ 7 millions d'euros.

La loi de 2010 a également institué la possibilité, pour chaque personne à partir de 45 ans, de demander un « entretien d'information retraite » auprès de sa caisse de retraite de base ou complémentaire pour faire le point sur sa situation et réaliser des simulations sur les montants futurs de pension.

En parallèle, le GIP a développé de nouveaux outils numériques d'information des assurés, leur permettant à tout moment de disposer de ces mêmes informations sans attendre l'envoi du courrier quinquennal. Après avoir créé le portail commun d'information interrégimes, le GIP a lancé en octobre 2016 le compte personnel retraite afin de rendre disponible en ligne les outils de simulation et d'évaluation des droits retraite, appelés EVA et M@rel. Ces deux programmes interrogent en temps réel les bases de données de chacun des régimes pour un assuré et lui fournit en quelques secondes le récapitulatif de ses droits acquis et, en fonction de son âge et de l'avancée de sa carrière, une évaluation ou une estimation indicative du montant de sa future retraite. Depuis février dernier, les assurés de plus de 55 ans peuvent également demander en ligne des rectifications de carrière. Ce compte, qui a déjà été ouvert par 1,3 million de personnes, va continuer à s'enrichir dans les prochains mois.

Vos deux rapporteurs ont été véritablement séduits par la facilité d'utilisation de ce compte et par son ergonomie. L'assuré peut désormais estimer le montant de sa future retraite en fonction de différents scenarii de carrières et évaluer, par exemple, assez précisément la conséquence financière du recul d'un an de son départ à la retraite. Le compte personnel retraite est donc un véritable outil d'aide à la décision qui devrait à terme modifier les comportements des assurés en leur faisant mieux appréhender les mécanismes de surcote et de décote qui sont encore, d'après les dernières enquêtes disponibles, mal connus.

Du droit à l'information retraite « version papier » au DAI « 2.0 », il faut vraiment saluer le succès de ce projet de l'interrégimes qui, sans simplifier en soi le système des retraites, en offre une vision simplifiée pour chaque assuré. Les enquêtes de satisfaction menées auprès des assurés sont d'ailleurs très encourageantes puisque 9 assurés sur 10 considèrent que la qualité et la complétude des documents transmis est satisfaisante.

L'interrégimes c'est enfin un esprit, inscrit dans la loi depuis 2014, de mutualisation et de simplification de l'assurance vieillesse. Cet esprit sous-tend l'ensemble des projets contenus dans le contrat d'objectif pluriannuel 2015-2018 (COP) du GIP. Au-delà de l'approfondissement du DAI, deux projets concrétisent ce nouvel enjeu : la demande unique de retraite en ligne, qui est une avancée formidable pour l'assuré, et le répertoire de gestion des carrières unique (RGCU). Il aurait d'ailleurs été plus clair de l'appeler répertoire unique de gestion des carrières - RUGC, sa fonction aurait été plus compréhensible à l'oreille.

La demande unique de retraite en ligne devrait être effective à partir du 1er janvier 2019. C'est une étape très importante dans la simplification des démarches de l'assuré qui s'inscrit dans le mouvement « Dites-le nous une fois ». Notre rapport reprendra la demande formulée par le Comité des usagers d'engager sans tarder la mise au point de la demande unique de pension de réversion en ligne, notamment lorsque l'assuré décédé était déjà pensionné.

Le RGCU est actuellement le principal chantier de l'interrégimes de retraite et est considéré comme la future colonne vertébrale de son système d'information. Il constituera à terme, soit 2022, le référentiel unique et commun des carrières des assurés de l'ensemble des régimes de retraite obligatoire. Cet outil contiendra les informations relatives aux droits mais ne calculera pas les montants de retraite. Contrairement aux craintes exprimées par les régimes de retraite lors de nos auditions, ces derniers ne seront pas dépossédés de leurs données car ils demeureront responsables de l'alimentation du répertoire et continueront de valider la partie de carrière qui leur est associée.

Décidé dans le cadre de la réforme des retraites de 2010, ce projet a pris un retard considérable qui a nécessité, à la suite d'un audit de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), la mise en place d'une nouvelle gouvernance à la fin de l'année 2016 afin de stabiliser son périmètre fonctionnel. La trajectoire financière du RGCU, dont le coût final s'élèverait à ce stade à 188 millions d'euros, soulève des inquiétudes de la part des régimes de retraite qui se sentent tenus à l'écart du processus de décision. Ils ont, par exemple, regretté de ne pas avoir été destinataires du rapport d'audit de l'Igas. Or, comme le prévoit la loi de 2014, le GIP est censé jouer le rôle de pilote du projet. Il semble toutefois que les décisions se prennent directement entre l'État et la Cnav qui est l'opérateur du RGCU sous l'égide de la personne désignée « sponsor » du projet, M. Jean-Jacques Marette, ancien directeur général de l'Agirc-Arrco. Un effort de transparence apparaît donc nécessaire pour mieux associer l'ensemble des régimes et doit avoir pour cadre le GIP Union retraite.

A l'image du RGCU, l'esprit de mutualisation et de simplification, activement porté par les services du GIP, suscite donc une certaine réticence de la part des régimes. Au cours de nos travaux, les régimes auditionnés ont exprimé leurs inquiétudes face à la progression exponentielle du budget du GIP passé de 7,7 millions d'euros en 2016 à 13,1 millions d'euros en 2017. Cette progression s'explique par l'intégration dans le compte personnel retraite du nouveau simulateur ainsi que d'une offre de service étoffée comme par exemple la consultation d'un bulletin de paiement des pensions unique. Mais cette évolution pèse sur les comptes des régimes. Ces derniers ont de plus pointé l'absence d'articulation entre les projets portés par le GIP et leurs impératifs de service et de gestion expliquant leur difficulté à s'approprier les nouveaux projets alors même que leur coût est élevé.

Vos rapporteurs considèrent que cette différence de vue est davantage due à une absence de vision stratégique de l'État quant à l'organisation du système de retraite qu'à une volonté des régimes de freiner l'activité interrégimes.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

Cette absence de vision stratégique de l'État se retrouve en effet à la fois dans le domaine budgétaire, dans celui de l'architecture du système d'information de l'assurance vieillesse et au niveau de l'organisation du système de retraite.

Dans le domaine budgétaire tout d'abord, les priorités d'investissement de l'interrégimes, identifiées dans le COP du GIP, ne sont presque pas abordées dans les conventions d'objectifs et de gestion (COG) des régimes. Ainsi, la COG de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole signée en septembre 2016, soit un an et demi après le COP du GIP, n'évoque que très indirectement et partiellement les projets de l'interrégimes de retraite. De plus, les participations financières des régimes au GIP sont contenues dans des enveloppes limitatives alors même qu'elles recouvrent également des dépenses d'investissement par nature évolutives. Tous les régimes auditionnés nous ont ainsi confié que la progression non anticipée des crédits du GIP en 2017 avait entraîné une hausse de leur contribution qui avait dû être financée au prix d'une baisse de leurs moyens de fonctionnement en interne. L'imputation des contributions des régimes au GIP sur les enveloppes limitatives des COG devait permettre une meilleure régulation budgétaire de l'interrégimes en nourrissant un dialogue contradictoire entre les régimes et le GIP sur le coût des projets. Toutefois la dynamique constatée des dépenses de projets, insuffisamment anticipée lors de la négociation du COP du GIP en 2014, pose désormais des difficultés.

L'absence d'articulation entre le COP du GIP Union retraite et les COG des régimes ne nous paraît donc plus tenable. Il s'agit là de la principale recommandation que nous formulons. Il apparaît en effet nécessaire d'inscrire dans chacune des COG un chapitre interrégimes identique, identifiant les projets auxquels les régimes sont tenus de contribuer. Le calendrier de signature du COP du GIP et des COG des régimes doit être revu afin de faire coïncider, sur une même période, l'ensemble des priorités et moyens associés de l'assurance vieillesse. Il conviendrait également de pouvoir distinguer, au sein des contributions des régimes au GIP, la part des dépenses relevant du fonctionnement du groupement et celle recouvrant les dépenses d'investissement. Ces dernières doivent pouvoir être inscrites au titre des crédits évaluatifs de façon à ne pas faire peser trop lourdement, sur les crédits de fonctionnement des régimes de retraite, le coût d'éventuelles hausses des budgets finançant des projets structurants. Afin d'associer plus en amont les partenaires sociaux dans la définition des priorités de l'interrégimes, il semblerait opportun de pouvoir faire délibérer les conseils d'administration de chacun des régimes sur le projet de COP du GIP avant sa signature, à l'instar de la pratique en cours pour les COG.

L'absence de vision stratégique de l'État se révèle également problématique au niveau de l'architecture du système d'information de l'assurance vieillesse et plus généralement de la protection sociale. Les projets du GIP ne s'inscrivent en effet dans aucune vision d'ensemble. Le schéma stratégique des systèmes d'information du service public de la sécurité sociale, arrêté en juillet 2013, n'intègre aucun des grands projets actuellement développés par l'interrégimes comme le RGCU ou la liquidation unique des régimes alignés. Si ce schéma stratégique a permis des avancées notables pour sécuriser l'immatriculation et l'identification des assurés et déployer la déclaration sociale nominative (DSN) dans l'ensemble des organismes de la sécurité sociale, il apparaît aujourd'hui obsolète et est en cours de refonte avec comme axe de développement la relation à l'usager.

Par ailleurs, nous avons pu constater au cours de nos auditions que les projets du GIP sont concurrencés par les autres priorités informatiques définies par l'État avec des calendriers souvent plus urgents. Les régimes ont ainsi souligné la lourdeur des développements exigés pour la mise en oeuvre de la déclaration sociale nominative ou encore le projet de prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu qui devait, récemment encore, entrer en vigueur au 1er janvier 2018. Ces projets, annoncés sans tenir compte des plans de charge des régimes, perturbent leur ordre des priorités de développements informatiques. L'accumulation de ces trois projets en particulier- le RGCU, la DSN et le prélèvement à la source- a provoqué une sorte de saturation au sein des régimes qui explique la réticence de ces derniers à appréhender de nouveaux projets au sein de l'interrégimes.

Enfin, le projet de réforme systémique des retraites, aux contours encore incertains, ne manquera pas, dans un premier temps, de freiner l'action de l'interrégimes. En 2010, la réforme des retraites s'était contentée de lancer le débat en demandant que soit remis au Parlement un rapport sur les « conditions de mise en place d'un régime universel par points ou en comptes notionnels, dans le respect du principe de répartition au coeur du pacte social qui unit les générations ». Le Président de la République a précisé, pendant sa campagne, que son projet d'unification des règles des retraites devant tendre à « un système universel de retraites où un euro cotisé donne les mêmes droits, quel que soit le moment où il a été versé, quel que soit le statut de celui qui a cotisé », n'entraînerait pas forcément la création d'un régime unique. Néanmoins, et c'est bien normal, cette réforme va entraîner des interrogations de chacun des régimes quant à leur propre avenir ce qui aura des conséquences sur le fonctionnement de l'interrégimes dans les prochaines années et sur l'avenir du GIP.

À ce stade, trois pistes semblent possibles pour le GIP, qui dépendent très étroitement du schéma qui sera retenu et sur lequel vos rapporteurs n'ont pas encore d'information. La première verrait le GIP disparaître à l'issue de la mise en oeuvre de la demande unique de retraite en ligne en 2019, parachevant le droit à l'information retraite. La création d'un système de retraite fondé sur des règles identiques voire un régime unique lui ferait perdre son objet social.

La deuxième piste lui ferait jouer un rôle dans la réforme qui s'engage en lui donnant la mission d'approfondir la convergence des régimes de retraite pendant la période de transition. Depuis 2003, le GIP a acquis une connaissance des règles et des modalités de fonctionnement de chacun des régimes qu'il pourrait être pertinent d'utiliser pour la mise en place de la réforme.

Enfin la troisième piste d'évolution serait de transformer le GIP Union retraite en un instrument, non plus seulement interrégimes, mais interbranches. Les travaux liés au schéma directeur du système d'information du service public de la sécurité sociale ont souligné l'importance des problématiques transverses à l'ensemble des organismes de sécurité sociale en matière d'identification des assurés, de simplification de leurs démarches ainsi que de celles des employeurs mais aussi de lutte contre la fraude. Je rappelle que nous avons évoqué ce sujet très récemment devant notre commission avec ma collègue Agnès Canayer. Le portage et le pilotage de cette stratégie commune pourraient être confiés à un GIP, en l'espèce le GIP Union retraite. Ce dernier n'est pas le seul dans la sphère sociale à pouvoir revendiquer ce rôle. Le GIP de modernisation des déclarations sociales, qui met en oeuvre le déploiement de la DSN et que nous avons aussi auditionné pour nos travaux, pourrait également apporter son expertise interbranches.

Quoi qu'il en soit, le bilan de l'interrégimes en matière de retraite représente un héritage positif qui bénéficiera au futur système de retraite. Cet héritage repose d'abord sur les outils créés au sein de l'interrégimes au premier rang desquels le droit à l'information retraite et le futur RGCU. Le GIP aura également permis de faire dialoguer des régimes qui aujourd'hui encore ne parlent pas toujours le même langage, sont gérés selon des règles différentes et sont soucieux de leur identité propre et de leurs spécificités issues de notre histoire sociale. Néanmoins, cette habitude acquise d'un travail en commun aidera sans nul doute à la réforme. Enfin, l'interrégimes a su insuffler une culture de l'assuré à travers son exigence de simplifier les relations avec les régimes de retraite. Ce point me paraît très important à souligner.

Le droit à l'information retraite, qui est une vraie avancée au service de l'assuré, s'est patiemment construit, sans bénéficier sans doute de l'attention qu'il méritait. Puisse ce rapport donner le coup de projecteur mérité au travail accompli depuis quatorze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je remercie nos rapporteurs pour ce travail d'éclairage sur le fonctionnement de l'interrégimes de retraite qui est insuffisamment connue. Vous avez souligné l'efficacité des outils mis à la disposition des assurés en particulier pour le droit à l'information retraite. Mais j'aimerais vous interroger plus spécifiquement sur le rôle du GIP dans le débat sur la future réforme des retraites. Les différents régimes de retraite vous paraissent-ils enclins à utiliser cet espace de dialogue pour avancer sur l'objectif politique fixé par le Gouvernement ou au contraire sont-ils dans l'idée de penser prioritairement à leur propre avenir ? Et donc quel rôle donner au GIP dans ce contexte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

La dernière phrase de votre intervention me paraît en effet essentielle : le GIP et les différents projets qu'il a réalisés sont largement méconnus. J'en avais déjà pris conscience en janvier 2016, lorsque nous nous étions déplacés, avec quelques collègues de la commission des affaires sociales, dans les locaux du GIP dans le quartier de Bercy à Paris. Je pense que notre rapporteur général Jean-Marie Vanlerenberghe et notre rapporteur « retraite » Gérard Roche se souviennent très bien de cette visite au cours de laquelle nous avions été impressionnés par les services proposés. Votre rapport souligne une nouvelle fois le poids des systèmes d'information dans toute réflexion sur l'évolution de notre protection sociale. On constate une multiplication des logiciels dans chacune des branches de la sécurité sociale qui peut être un frein pour la simplification des démarches des usagers. L'unification des systèmes d'information pose à la fois des problèmes juridiques mais aussi financiers puisqu'elle s'effectue à des coûts exorbitants et votre rapport le montrera dans le cadre de l'interrégimes de retraite. Je veux enfin remarquer que la mise en oeuvre du projet du Gouvernement de réforme systémique des retraites, de par l'ampleur de la tâche qu'il suppose, nécessitera un poids politique et une légitimité qui ne devront pas être remis en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Votre rapport va lancer le débat sur la réforme des retraites et souligne bien l'importance des problèmes informatiques pour la mise en oeuvre de ces réformes. Comme cela commence à être déjà le cas, l'utilisation du numéro d'identification de sécurité sociale (NIR) permet d'être un point d'entrée concernant l'assuré pour tous ses organismes de sécurité sociale. Mais les progrès accomplis ne règlent pas tous les problèmes de compatibilité. On le constate notamment dans les relations entre les conseils départementaux, les maisons départementales des personnes handicapées et la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui ne partagent pas de système d'information commun, ce qui est à la fois une perte d'argent et d'énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je constate que l'Etat, réputé centralisateur, peine à unifier les systèmes d'information des régimes de retraite alors même que les pouvoirs publics doivent avoir l'exigence de simplifier les démarches des assurés.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Le bilan de l'interrégimes en matière de retraite est un sujet beaucoup plus complexe qu'il n'en a l'air et il nous a fallu du temps pour y voir clair parmi les nombreux projets informatiques développés mais aussi pour comprendre les relations complexes entre les régimes de retraite et le GIP. Comme l'a rappelé Yves Daudigny, nous avions été conquis lors de notre visite du GIP par le dynamisme et la rapidité d'action de l'équipe du groupement. On a pu le constater une nouvelle fois lors de notre audition avec les représentants de l'Union retraite. Le simulateur interrégimes, c'est une application extraordinaire. Ils avancent vite, parfois trop même pour les plus petits régimes...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Effectivement ! Il n'en demeure pas moins que les plus petits régimes se sentent dépassés par les projets envisagés dans le cadre de l'élargissement des missions du GIP. C'est pourquoi nous proposons la tenue d'une réunion annuelle de l'assemblée générale du groupement. La demande concerne essentiellement un besoin d'information. Le problème majeur que nous avons identifié concerne le dyschronologie, comme l'on dit en psychiatrie, entre les priorités fixées aux régimes dans leur COG et à celles définies dans le COP du GIP. Ce manque de coordination se ressent actuellement sur le dossier du RGCU. Ce répertoire, auquel j'associe souvent l'image d'une vaste « grange » dans laquelle les régimes stockeraient leurs données, inquiète véritablement les régimes. Deux raisons à cela : bien évidemment le dérapage financier du projet que l'on a évoqué mais surtout le fait d'être dépossédés de leurs données. En réalité, les nouveaux projets du GIP touchent désormais au coeur des procédures « métiers » des régimes, ce qui conduit à les interroger directement sur leurs pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne Émery-Dumas

En complément, j'ajouterais que ces projets de simplification et de mutualisation ont pour vocation la convergence de l'information mais surtout le service à l'assuré. C'est pour le service à l'assuré que l'on a besoin d'un système d'information unifié et le plus complet possible. Mais c'est vrai qu'il y a des réticences de la part des régimes à tendre vers cette unification et bien évidemment vers un régime unique. Le GIP a réussi à diffuser cette culture de l'usager à laquelle les régimes n'étaient pas directement sensibles, soucieux de rendre correctement leur service de liquidation et paiement de leur pension. L'objectif désormais, je le répète, c'est bien d'aller vers plus de simplicité pour l'assuré et aussi pour les régimes dans leurs procédures de gestion. En ce sens, le RGCU est un beau projet. Je vous invite vraiment à vous rendre sur le site du GIP Union retraite, www.info-retraite.fr et d'ouvrir votre compte personnel retraite. Vous pourrez y faire le bilan sur votre carrière et je vous assure que vous serez bluffés par la complétude des informations qui remontent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

C'est d'autant plus vrai pour les assurés à la carrière complexe. Si les régimes de retraite rendent de nombreux services à leurs assurés, y compris en ligne désormais, seuls les travaux du GIP et de la communauté des régimes permettent de répondre aux interrogations de ces assurés qui sont très satisfaits du résultat obtenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Le travail de nos collègues permet de mesurer à quel point le virage du numérique est difficile à prendre, même en 2017, pour les administrations de sécurité sociale. Votre rapport questionne-t-il le prélèvement de cotisations d'assurance vieillesse sur les salariés ? Je m'étonne toujours du rapport entre ces cotisations et le faible niveau de prestation vieillesse qui peut être versée à certains assurés après une vie de travail. En Suisse, qui ne présente pas le même niveau de vie que la France, la retraite minimale est à 1 700 euros par mois quand un salarié a travaillé 44 ans. Loin des chiffres de petite retraite que l'on peut observer en France...

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Dispose-t-on d'une analyse actuarielle concernant les réserves financières des régimes ? De plus, le passage d'un système de retraite par répartition à un système par point vous semble-t-il réaliste ? Le passage d'un système à l'autre est complexe. L'avez-vous abordé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Les comparaisons avec la Suisse sont difficiles car il faut considérer l'ensemble du système. L'assurance maladie est beaucoup moins avantageuse selon les niveaux de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Je rappelle à notre collègue Patricia Schillinger qu'en moyenne, le niveau de vie des retraités en France est égal à celui des actifs ce qui place notre pays en tête des pays de l'OCDE, s'agissant de cet indicateur. Sur la réforme systémique, on sait que c'est une réforme qui pose des problèmes informatiques mais qui sont en réalité des problèmes institutionnels et surtout des problèmes financiers. L'intégration des régimes spéciaux de la fonction publique va être très difficile en raison du décalage entre le taux de cotisation employeur de droit commun dans le secteur privé et celui appliqué aux employeurs publics et qui permet d'équilibrer artificiellement ces régimes. C'est un point dur que le Gouvernement devra trancher.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Cette communication est effectuée au nom de la Mecss et la commission doit en autoriser la publication.

La commission autorise la publication du rapport d'information.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

La thématique du « juste soin » ou de la pertinence, sous l'angle des actes redondants ou sans valeur ajoutée pour la santé, est au coeur des préoccupations de notre commission depuis plusieurs années.

Les enjeux sont majeurs : la dépense de santé représente près de 11 % du PIB ; les dépenses publiques de santé sont supérieures de 27 % en 2015 à leur niveau de 2006 ; cette tendance devrait se poursuivre, nous en connaissons les déterminants : vieillissement de la population, poids des maladies chroniques, technicité croissante des soins...

À côté de cela, plusieurs rapports ou enquêtes ont mis en avant des marges d'efficience globale : dès 1992, le Professeur Beraud de la Caisse nationale d'assurance maladie relevait que le toujours plus n'est pas toujours synonyme de mieux en matière de santé. Plus récemment, l'OCDE a montré que le « gaspillage » - dont les interventions évitables ou « de faible valeur » - représentait près d'un cinquième de la dépense de santé dans la plupart des pays développés, alors que les budgets sont sous tension. Une enquête de la Fédération hospitalière de France (FHF), que j'ai déjà eu l'occasion de citer, révèle que 28 % des actes prescrits sont jugés, par les médecins eux-mêmes, non pleinement justifiés ; rapportés aux dépenses d'assurance maladie, ce sont de l'ordre de 50 milliards d'euros potentiellement concernés.

Face à ces constats, des actions ont été engagées : dans les trois derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale, « la pertinence et le bon usage des soins » sont un volet du programme d'économies visant à assurer une croissance maîtrisée de l'Ondam.

Dans le prolongement de ces discussions, j'ai souhaité entendre, au cours des derniers mois, les principales parties prenantes pour dresser un état des lieux des actions menées et en évaluer les résultats.

Un premier constat, positif, est la prise de conscience, par tous les acteurs, de l'enjeu que l'amélioration de la pertinence des soins représente pour la pérennité de notre système de santé. Cet enjeu, c'est de continuer à garantir les meilleurs soins, en préservant les grands équilibres économiques, face aux défis de la médecine de demain.

Un second constat, plus nuancé, est qu'en dépit des actions engagées, les résultats sont réels mais ils plafonnent : de l'avis quasi-unanime des personnes entendues, notre système de santé, par son organisation cloisonnée et ses modes de financement insuffisamment incitatifs, constitue un frein à des avancées plus substantielles. Cela me conduira à vous soumettre quelques pistes de réflexion, pour passer d'une logique de rabot à des évolutions plus structurelles.

Qu'entend-on, d'abord, par la « pertinence » des soins ?

Les termes ont leur importance sur ce sujet, qui a un sens médical précis mais aussi une dimension organisationnelle.

L'ancienne présidente de la Haute autorité de santé (HAS), devenue depuis ministre en charge de la santé, a défini lors de son audition un acte de soin pertinent comme « le bon acte, pour le bon patient, au bon moment ». La pertinence fait l'objet de définitions scientifiques internationales : elle renvoie à la balance bénéfice/risque, à ce qui est approprié, adapté aux besoins et préférences des patients, conforme aux recommandations de bonnes pratiques et aux meilleurs standards cliniques. Il s'agit de protéger le patient des risques potentiels de l'intervention inutile ou excessive du système de santé, mais aussi du sous-usage ou du mésusage des soins. Cette exigence première de qualité et de sécurité des soins donne à cette notion une légitimité auprès des professionnels de santé.

La recherche de la pertinence est également un levier d'efficience, en évitant, par voie de conséquence, des dépenses inutiles, sans que cela ne porte atteinte à l'amélioration de la santé. Il est à cet égard intéressant de noter que cela nous amène à penser les deux objectifs - l'amélioration de la qualité des soins et celle de l'efficience du système de santé - comme allant de pair, et non de façon antagoniste.

La pertinence des soins recouvre des aspects transverses de l'organisation de notre système de santé que je n'ai pas l'ambition de tous appréhender : la pertinence des prescriptions médicamenteuses, la pertinence des séjours (comme le recours inapproprié aux urgences, sujet sur lequel nos collègues Laurence Cohen, Catherine Génisson et René-Paul Savary ont conduit une mission), la pertinence des modes de prise en charge (chirurgie ambulatoire versus hospitalisation complète), enfin la pertinence des actes diagnostiques et thérapeutiques : c'est sur ce dernier sujet que mon propos est davantage ciblé, suivant l'axe principal retenu au titre de la pertinence dans les actions engagées au plan national.

Quels sont les enjeux ?

Personne ne conteste globalement les constats des rapports ou enquêtes que j'ai cités. Pour autant, cela ne signifie pas que le sujet soit simple à aborder, bien au contraire :

- comme l'a relevé la HAS, l'approche scientifique de la pertinence est complexe ; ses recommandations de bonne pratique sont le socle de toute action ; or, elles requièrent un travail d'expertise lourd, une sélection fine des thématiques en amont et doivent s'adapter aux évolutions parfois rapides des techniques et des connaissances ;

- le dialogue patient-médecin est lui-même singulier ce qui rend délicat l'appréciation de la pertinence de certaines prescriptions ;

- enfin, les constats globaux traduisent un ressenti général mais ne se déclinent pas en plans d'actions opérationnels. Si les uns et les autres reconnaissent l'existence de « poches d'efficience », elles se situent souvent, selon eux, hors de leur domaine d'action.

Des données ciblées existent toutefois : deux enquêtes de la Cour des comptes sur la biologie et l'imagerie médicales, présentées en 2013 et 2016 par nos collègues Jacky Le Menn et Daniel Chasseing, avaient mis en avant la banalisation de certains actes, comme l'échographie ou le dosage de la vitamine D, sans que la croissance des volumes - un million d'échographies en plus chaque année entre 2007 et 2014, des dosages multipliés par 7 pour la vitamine D entre 2007 et 2011 - corresponde à une utilité médicale avérée.

Il est possible d'agir, en étroite concertation avec les professionnels de santé. La plupart des acteurs ont d'ailleurs estimé qu'il était aujourd'hui indispensable d'aller plus loin sur ce sujet « stratégiquement clé », comme l'a qualifié l'ancienne présidente de la HAS.

Quelles actions sont engagées et avec quels résultats ?

La « pertinence et le bon usage des soins » a émergé comme un axe prioritaire du dernier programme de gestion du risque entre l'assurance maladie et l'État et, parallèlement, comme un volet d'économies du plan Ondam 2015-2017. Les actions sur ce volet englobent la maîtrise médicalisée mise en place par l'assurance maladie depuis plus de dix ans dans le domaine des soins de ville.

Plus récente, une démarche nationale de pertinence, axée sur le secteur hospitalier, est portée depuis 2011 par la Direction générale de l'offre de soins et la Caisse nationale d'assurance maladie, au sein d'un « groupe technique » associant la HAS et l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation. Ces travaux ont conduit à identifier, en 2014, 33 thématiques prioritaires, correspondant à des actes chirurgicaux dont la variation interdépartementale des taux de recours interroge la pertinence. Un premier Atlas des variations des pratiques médicales, ciblé sur dix de ces actes, pour lesquels des référentiels de bonne pratique existent, a été publié en novembre 2016. C'est une avancée à saluer même si l'intérêt résidera surtout dans le suivi des résultats que les prochaines éditions de cet atlas permettront d'assurer.

Les actes ciblés sont : la chirurgie de l'appendicite, la césarienne, la chirurgie bariatrique ou de l'obésité, la chirurgie de la prostate, la chirurgie du syndrome du canal carpien, l'ablation de la vésicule biliaire, celle des amygdales, de la thyroïde et de l'utérus, et la pose d'une prothèse du genou. La part des séjours évitables pour ces actes va jusqu'à 18 % d'après l'assurance maladie.

Un cadre de pilotage en région entre les Agences régionales de santé (ARS) et Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) s'est structuré : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 a prévu l'élaboration par chaque ARS d'un plan d'actions d'amélioration de la pertinence des soins. Ces plans ont été élaborés à l'été 2016, ciblés principalement sur les dix actes mentionnés. En parallèle, l'assurance maladie a développé, comme elle le fait déjà en direction des professionnels de ville, une méthode de ciblage des établissements de santé « atypiques », servant de base à une réponse graduée, en trois temps :

- l'accompagnement des établissements de santé (information, échanges confraternels, mise à disposition d'outils) ;

- la contractualisation tripartite, pour fixer les objectifs à atteindre, selon un cadre qui a été refondu et simplifié par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, ce qui va dans le bon sens mais a de fait retardé la contractualisation sur le champ de la pertinence ;

- en cas de non-respect des engagements, la mise sous accord préalable de certains actes, déclenchée depuis 2015 par l'ARS alors que l'assurance maladie était jusqu'alors force de proposition. Sur le champ de la pertinence, cette procédure a été appliquée presqu'exclusivement à la chirurgie bariatrique, dès 2010 au titre des actions préalables de l'assurance maladie.

Alors que l'axe « pertinence » du plan Ondam avait vocation à renforcer la portée des actions de maîtrise médicalisée, ses résultats au plan budgétaire révèlent un certain plafonnement.

La maîtrise médicalisée en ville a représenté en moyenne 500 millions d'euros par an depuis 2005, principalement sur les prescriptions de médicaments et d'arrêts de travail, avec des actions ciblées en direction des gros prescripteurs.

En 2015 comme en 2016, les objectifs étaient de 700 millions d'euros : ils ont été atteints à 85 % en 2015 puis à 65 % en 2016. Hors prescriptions médicamenteuses qui représentent plus de 80 % des économies réalisées en 2016, les autres actions présentent des résultats modestes et contrastés (65 millions d'euros, seulement 24 % des objectifs fixés) :

- elles concernent principalement les prescriptions d'arrêt de travail et de transport sanitaire en ville et établissements : les objectifs ne sont atteints qu'à 24 % et 15 % en dépit d'actions ciblées (visites, plateformes de régulation des transports en établissements...) ;

- le volet « actes » (concernant la kinésithérapie, la biologie ou les examens d'IRM) représente de l'ordre de 30 millions d'euros soit moins d'un tiers de l'objectif. A titre d'illustration, l'assurance maladie avait évalué à 200 millions d'euros le potentiel de diminution sur trois ans des tests redondants et non pertinents en biologie.

Le rapport « charges et produits » présentant les propositions de l'assurance maladie pour 2018 marque une volonté d'amplification des actions qu'il faut saluer : hors produits de santé, l'objectif au titre de la pertinence, recentré sur les actes, passerait de 290 millions d'euros en 2017 à 510 millions d'euros en 2018. L'effort soutenu sur les actes en ville et à l'hôpital serait porté sur la diminution des taux de recours sur les dix actes chirurgicaux ciblés au plan national, la poursuite des actions sur les tests biologiques non pertinents et la radiologie. Les actions sur les indemnités journalières seront poursuivies, avec une communication nationale prévue sur la lombalgie. Un effort porterait également sur les actes paramédicaux, pour lesquels la répartition géographique des professionnels de santé pose une question de pertinence : on note en effet une corrélation entre la densité des professionnels de santé et la consommation de soins.

Quels axes de réflexion appellent ces constats ?

Les actions menées ont contribué à donner plus de visibilité à l'enjeu de pertinence des soins. Toutefois, des avancées sont encore possibles et personne ne le conteste. Elles sont aussi nécessaires, alors que notre système de santé est sous tension, pour lui redonner des marges de manoeuvre, notamment pour financer la dépendance.

D'abord, la démarche engagée a besoin, de l'avis des personnes entendues, d'une nouvelle impulsion pour mieux coordonner des acteurs dont les rôles sont imbriqués. L'absence de véritable stratégie donne le sentiment d'un tâtonnement et les initiatives restent dispersées et peu lisibles. La FHF va lancer son programme de pertinence des actes, jugeant les actions nationales lourdes et inefficaces. La finalité des saisines de la HAS est parfois trop peu concertée en amont pour conduire à des résultats opérationnels. Par ailleurs, la construction d'outils de pilotage et de données structurées, par une exploitation optimisée des systèmes d'information, permettrait d'identifier des axes de progression et d'assurer le nécessaire suivi dans le temps des résultats, aux niveaux national et territorial.

De plus, les actions menées demeurent cloisonnées entre la ville et l'hôpital, sans s'attacher à la liaison - pourtant fondamentale - entre les deux. La Cour des comptes avait relevé, pour l'imagerie, que des répétitions inutiles d'examens étaient en partie liées à des carences dans la transmission et le partage des informations. Des outils existent mais leur fonctionnement reste perfectible : pour les syndicats de médecins, le format de la lettre de liaison ville-hôpital est à simplifier ; un enjeu sera aussi de convaincre les praticiens de l'intérêt du dossier médical partagé (DMP), alors qu'ils restent pour le moins sceptiques quant à son caractère opérationnel et la réalité de son déploiement, limité à 770 000 aujourd'hui, en phase de test : il est essentiel d'associer les praticiens de terrain au bilan de ces outils pour les ancrer dans les pratiques quotidiennes. Une attention particulière doit être portée en parallèle au déploiement des messageries sécurisées et à l'interopérabilité entre les logiciels.

Une condition de réussite des actions est l'appropriation de la démarche de pertinence par les professionnels de santé. Cela passe par la répétition et la continuité des messages, et donc un travail en réseau entre les acteurs. L'implication des sociétés savantes est, à cet égard, cruciale, suivant le modèle des « leaders cliniques » dans certains pays, en particulier sur les sujets pointus. Plusieurs ont investi cette thématique, comme la Société française de radiologie qui a élaboré un guide de bon usage. Une autre idée avancée serait d'instaurer des rendez-vous réguliers avec l'assurance maladie, ce qui présenterait l'intérêt de renforcer la place de ces sujets dans les relations conventionnelles. Un levier essentiel est enfin de sensibiliser les internes et de former les médecins aux enjeux médico-économiques.

Face à la pression consumériste que subissent les praticiens, la sensibilisation des patients est un autre moyen, complémentaire, de changer les comportements. Des initiatives intéressantes, dans le cadre du programme « choosing wisely » (choisir avec soin) ont été développées dans plusieurs pays, notamment au Canada, autour de messages courts. Plusieurs acteurs ont montré un intérêt à approfondir ce champ, dans la continuité des « mémo patients » de l'assurance maladie. Ces actions sont à mener en association étroite avec les professionnels de santé puisqu'ils sont en première ligne dans le dialogue avec les patients.

Les actions d'amélioration de la pertinence des soins gagneraient, enfin, à être accompagnées de modes de financement plus incitatifs. Quasiment toutes les personnes entendues ont relevé les limites de la tarification à l'acte ou à l'activité. Deux leviers seraient intéressants à explorer :

- Le paiement forfaitaire au parcours ou à l'épisode de soins répond à un double objectif : rompre la logique « en silos » de notre système de santé, tout en améliorant la qualité des prises en charge. Le sujet n'est pas nouveau : notre président et Jacky Le Menn préconisaient déjà, dans un rapport de 2012 sur la tarification à l'activité, l'expérimentation de ces modes de financement. Nous avons, depuis, peu avancé : des expérimentations ont été ouvertes par la LFSS pour 2014 mais le cadre se révèle lourd et les actions ne commenceront qu'à l'automne prochain. Passer par des appels à projet auprès des établissements ou professionnels de santé volontaires serait un moyen d'avancer plus efficacement. Les professionnels sont ouverts, même si les questions de répartition de l'enveloppe globale de financement sont complexes à résoudre et que des référentiels bien balisés doivent être disponibles. Une piste a été ouverte par l'assurance maladie, pour appliquer cette rémunération à la pose de prothèse de hanche, en incluant les phases pré et post-opératoire, comme cela se pratique en Suède avec succès. Nous serons attentifs aux modalités qui pourraient être proposées dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

- Un autre axe de réflexion serait d'associer davantage les professionnels et établissements de santé à la régulation des dépenses de santé par la qualité et la pertinence. Nous vous présentions l'an dernier, avec Yves Daudigny, un rapport sur les soins de ville en Allemagne qui en montrait un exemple très abouti, reflet d'une maturité dans la relation conventionnelle qui n'a pas son équivalent en France. Pour autant, une plus forte valorisation d'autres éléments de rémunération que l'acte (par exemple en s'appuyant sur la rémunération sur objectifs de santé publique, la ROSP) serait un levier pour responsabiliser les professionnels et les intéresser plus encore aux résultats. Le principe d'un accord prix-volume a été engagé avec les biologistes, pour une meilleure maîtrise du volume de certains actes. Les discussions avec les professionnels et établissements de santé devraient s'engager plus résolument dans cette logique, selon un cadre pluriannuel. Les représentants de la FHF sont demandeurs, en souhaitant que la valorisation de la qualité, encore embryonnaire pour les établissements de santé, repose sur des indicateurs finaux de résultats - comme les taux de ré-hospitalisations évitables, ou basés sur le recueil de l'expérience des patients - et non seulement des indicateurs intermédiaires de processus. Une autre idée en ce sens, avancée par les radiologues, serait de les inciter à réorienter les prescriptions dans un objectif de pertinence. Cette piste mériterait d'être approfondie avec les professionnels.

En conclusion, les réflexions autour de la pertinence des soins émergent, elles sont complexes mais elles sont un levier pour permettre à notre système de santé de faire sa mue et de préserver des marges de manoeuvre pour maintenir une haute qualité. Les acteurs du système de santé semblent disposés à les aborder et y prendre toute leur part, si tant est qu'une volonté politique les conduise en ce sens, en engageant un dialogue de confiance et de responsabilité.

Voici, monsieur le président, mes chers collègues, les principales observations que je souhaitais vous présenter.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

Je remercie le rapporteur général pour sa présentation. Un point relevé est selon moi le pivot du sujet : l'amélioration de la qualité des soins et l'efficience du système de santé vont de pair. Cela doit s'ancrer dans les esprits. En revanche, faisons attention à la corrélation entre la densité en professionnels de santé et la consommation de soins : cela a justifié, dans le passé, la baisse drastique du numerus clausus.

Le DMP est une arlésienne depuis plus de dix ans. Il y a un problème d'adhésion au projet. Il est inimaginable que le bilan soit encore aussi faible, alors que le carnet de santé de l'enfant fonctionne bien. Je souscris également au principe du déploiement des messageries sécurisées, qui s'est heurté au fait que certains médecins ont eu longtemps des réticences à utiliser les nouvelles technologies.

Les leaders cliniques sont importants. Mais la difficulté à laquelle sont exposés les médecins est la pression consumériste des patients. Être capable de refuser la demande d'un patient suppose d'avoir une certaine expérience et une formation à la sémiologie.

Je partage également l'idée d'associer les professionnels à la régulation du système par la qualité et l'efficience. Il y a tout un travail à engager pour sortir de l'organisation en silos, principalement verticale, de notre système de santé. Le rapport avance des pistes importantes. Il est essentiel d'informer nos concitoyens et de les éduquer à un recours pertinent au système de santé, tout en continuant d'appréhender la médecine comme une science avant tout humaine.

Debut de section - PermalienPhoto de René-Paul Savary

Je partage assez largement les propos de ma collègue Catherine Génisson. Pour un médecin, cela prend plus de temps de dire non à un patient que d'accéder à sa demande. Toute décision entraîne une prise de risque à laquelle les nouveaux praticiens ne sont pas formés. Aujourd'hui, les médecins n'ont plus le droit à l'erreur. Or, il y a toujours un jour particulier où ils sont confrontés au risque d'erreur. Cela rend difficile l'appréhension du sujet des actes inutiles. Il en est de même pour les prescriptions d'arrêts de travail non justifiées : les patients n'hésitent pas à placer le médecin face à sa responsabilité. Il est essentiel de changer les habitudes. Or, je doute de la réelle volonté de l'assurance maladie de faire évoluer les choses. Celle-ci dispose d'une source d'informations extraordinaire mais sous-exploitée. Des évolutions du pilotage territorial seraient aussi nécessaires. J'ai dû imposer dans le cadre du projet régional de santé Grand Est que l'assurance maladie soit associée.

Sur les modes de tarification, des difficultés se posent également concernant les urgences : le rapport qui sera présenté la semaine prochaine avancera des propositions.

Enfin, il est faux de dire qu'un nombre plus élevé de médecins entraîne un plus grand nombre d'actes. Desserrer le numerus clausus médical est aujourd'hui une nécessité.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Il n'y a pas de corrélation, en effet, entre le nombre de professionnels de santé et la consommation de soins. Cette considération a conduit à la baisse du numerus clausus dans les années 1990, avec les conséquences que l'on sait.

Les médecins ont une part de responsabilité mais il n'est pas facile de refuser un acte. L'éducation des patients est à faire, en particulier pour l'imagerie. Il faut également former les médecins généralistes au bon usage des prescriptions d'IRM ou de scanner. Les problèmes de transmission d'informations entre la ville et l'hôpital existent dans les deux sens et sont encore fréquents. Pour l'imagerie, il y avait également des problèmes de transmission induisant des redondances d'actes au sein même de l'hôpital.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

La médecine est une grande école d'humilité. On n'est jamais sûr de rien. Un de mes professeurs de médecine nous enseignait par exemple que l'on ne doit poser un diagnostic de malaise vagal que lorsque toutes les autres causes de malaise ont été éliminées. Ce qui peut paraître anodin peut avoir des conséquences graves. Une des clés de la pertinence me paraît être le DMP à disposition immédiate de tout intervenant, qui permettra un suivi personnalisé et permanent des patients. Je m'étonne que la médecine sportive ne soit pas évoquée comme piste d'économies pour la sécurité sociale. Les sportifs se blessent le week-end, ne sollicitent pas leur assurance et font reposer le coût de leurs soins sur l'assurance maladie. Le développement des sports extrêmes, dont les pratiquants s'exposent volontairement à des risques importants, soulève également des questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

Le sport est effectivement un sujet. En réponse à certains intervenants, je voudrais dire qu'à titre personnel, je considère que les ARS et l'assurance maladie dépendent du ministère de la santé et que si des engagements contractuels doivent être pris, il revient au ministère de les assumer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je voudrais à mon tour remercier le rapporteur général et les différents intervenants. Je suis atterré par les chiffres évoqués. Le fait que les choses n'évoluent pas traduit l'absence de volonté réelle. Je m'interroge sur les effets de la judiciarisation de notre société dans le domaine qui nous occupe. Le poids de la judiciarisation de la médecine ne conduit-elle pas à multiplier les actes ? Pour ce qui concerne le comportement des patients, je m'interroge sur l'impact du tiers-payant généralisé. Le sujet des arrêts de travail est complexe. On observe notamment une augmentation à certaines périodes de l'année. Enfin, les cures thermales sont-elles dans le champ de notre sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La ministre de la santé a annoncé qu'elle souhaitait rendre onze vaccins obligatoires. Je suis complètement d'accord. Cette obligation devrait se traduire, comme c'est déjà le cas, par un certain nombre d'accidents vaccinaux, dont l'État devra assumer la responsabilité et la réparation. En revanche, quand un enfant contracte une maladie contre laquelle ses parents ont refusé la vaccination, les frais de santé devraient rester à leur charge.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Je salue à mon tour le grand intérêt des interventions. L'idée du « jour particulier » du médecin, au cours duquel il peut commettre une erreur, a été évoquée. Le patient qui consulte souhaite 100 % d'efficacité. Vous avez évoqué le malaise vagal, je confirme que le diagnostic en est très difficile. Un patient qui a finalement subi 50 jours d'hospitalisation à la suite d'un tel malaise avait consulté trois médecins, dont deux cardiologues, qui, tous, avaient confirmé l'absence de problème cardiaque. Les arrêts de travail sont un poste de dépense très dynamique, qui augmente de 4 % par an. Les lombalgies, mais aussi les difficultés psychologiques, en sont souvent la cause. Pour ce qui concerne les transports sanitaires, il y a une difficulté à transformer certains transports couchés en transports assis et à responsabiliser les établissements de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je suis convaincu que le DMP sera généralisé d'ici quelques années. Je voudrais insister sur le fait que dans un département rural, si les patients se présentent aux urgences, c'est que le médecin le plus proche est à 50 ou 80 kilomètres. Or, le manque de médecins va s'accentuer dans les territoires ruraux. Il faut relever le numerus clausus et développer les stages en médecine générale au cours de la formation des médecins.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Génisson

L'augmentation des transports sanitaires est aussi liée au développement de la médecine ambulatoire. Il faut souligner que les transports assis par ambulance coûtent moins cher que les transports assis par taxi, dont les tarifs, très divers, relèvent des préfectures. Le métier d'ambulancier doit être préservé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Je sais pouvoir m'appuyer sur les médecins de notre commission pour faire partager largement cette démarche de pertinence, notamment par le Gouvernement.

Je voudrais apporter quelques précisions.

La corrélation entre la densité de la présence médicale et le nombre d'actes médicaux est un fait. Elle est particulièrement forte pour les soins infirmiers et de kinésithérapie, ainsi que l'a démontré la Cour des comptes.

Le DMP devrait être opérationnel en 2018. Il faut que les médecins s'en saisissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Roche

Le DMP permet une traçabilité de la qualité des soins, c'est aussi ce que peuvent craindre certains médecins.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Milon

La commission autorise-t-elle la publication de ce rapport effectué au nom de la Mecss ?

La commission autorise la publication du rapport d'information.

La réunion est close à 11 heures.