Je vais vous présenter les principales conclusions de mon rapport sur les dépenses pour la santé des personnes détenues.
Si, en moyenne, la population pénale est jeune, elle est aussi vieillissante et surtout précaire. Selon l'Agence régionale de santé d'Île-de-France par exemple, l'incidence de la tuberculose est dix fois supérieure à la moyenne nationale et le nombre de pathologies psychiatriques est vingt fois plus élevé que dans la population générale. Le VIH, l'hépatite C mais aussi la tuberculose sont également surreprésentés en prison. Plus généralement, l'état de santé des personnes détenues est particulièrement dégradé, par rapport à celui de la population générale.
Par ailleurs, selon le dernier état des lieux réalisé en 2015 par l'Institut national de veille sanitaire, les maladies infectieuses, les addictions et la santé mentale en prison sont davantage étudiées que les maladies chroniques. Le manque de connaissance des maladies chroniques en détention est particulièrement problématique dans un contexte de vieillissement de la population carcérale, car il ne permet pas d'anticiper les besoins et, le cas échéant, d'adapter l'offre de soins.
Les dépenses de santé des personnes détenues sont prises en charge par l'assurance maladie pour la part « obligatoire » et par l'administration pénitentiaire - c'est-à-dire l'État - pour la part « complémentaire ». Le circuit de financement des dépenses de santé des détenus a été récemment simplifié : jusqu'en 2016, les directions régionales de l'administration pénitentiaire remboursaient aux établissements de santé, sur facture, la part « complémentaire ». Depuis l'année dernière, l'intégralité des dépenses de santé est prise en charge par l'assurance maladie, qui adresse ensuite une facture globale à l'administration pénitentiaire. Cette gestion centralisée constitue une simplification indéniable mais elle pourrait s'accompagner d'une meilleure connaissance de la structure et de la dynamique des dépenses de santé des personnes écrouées prises en charge par l'État, notamment grâce à une transmission, à l'administration pénitentiaire, de données comptables et statistiques.
Surtout, la part des dépenses de santé prises en charge par l'administration pénitentiaire s'avère sous-budgétée. Ainsi, entre 2010 et 2016, la population pénale a augmenté de 2 % et les dépenses de santé déconcentrées de 28 %. La croissance des charges à payer est de 180 %, comme vous le voyez sur ce graphique. En 2016 par exemple, plus de 90 % de la dotation prévue par la loi de finances initiale, soit 30,5 millions d'euros, ont été consacrés au paiement des dettes de l'administration pénitentiaire aux établissements de santé et seuls 3,2 millions d'euros ont été versés à la caisse nationale d'assurance maladie, alors même que l'appel de fonds pour 2016 s'élevait à 30,7 millions d'euros.
Autrement dit, après s'être endettée auprès des établissements de santé, l'État s'endette désormais auprès de l'assurance maladie.
À ce jour, la dette globale du ministère de la justice s'élève à 88 millions d'euros, pour une dotation annuelle de 31 millions d'euros. Par exemple, le ministère de la justice doit 10 millions d'euros au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille au titre des dépenses engagées avant 2016.
Par ailleurs, l'administration pénitentiaire paye, pour les personnes détenues qui ne travaillent pas, une cotisation à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), en contrepartie de leur affiliation au régime général d'assurance maladie. Comme pour les dépenses de santé déconcentrées, la sous-budgétisation chronique de la cotisation Acoss a conduit à la création d'une dette envers l'Acoss qui s'élève, en 2016, à 17 millions d'euros.
Ainsi, comme pour l'aide médicale d'État (AME), l'État se défausse sur la sécurité sociale et régule sa dépense en la reportant sur l'assurance maladie. Si 10 millions d'euros de dette pour le CHRU de Lille est une somme conséquente (un tiers de son besoin de trésorerie), c'est une goutte d'eau dans les dépenses d'assurance maladie !
En tout état de cause, il convient d'apurer les dettes passées et d'assurer, pour l'avenir, une budgétisation sincère, tenant compte de l'évolution de la population pénale mais aussi, le cas échéant, de la création de nouvelles structures susceptibles d'être fortement sollicitées et donc d'augmenter les dépenses de santé des personnes détenues.
Au sens large, les dépenses de santé des personnes détenues comprennent également le coût des dispositifs dédiés. À ce titre, les établissements de santé perçoivent des dotations spécifiques de la part de l'assurance maladie pour compenser le surcoût relatif à cette mission d'intérêt général. On peut évaluer à 360 millions d'euros, en 2016, le coût global de la prise en charge sanitaire des personnes détenues.
La reconstitution de ce coût consolidé est complexe et n'est retracée dans aucun document budgétaire. Pourtant, afin de mesurer l'efficacité du dispositif, ce coût pourrait être mis en regard des enquêtes épidémiologiques, qui d'ailleurs sont trop peu fréquentes.
La dépense de santé d'une personne écrouée s'élève donc à environ 5 000 euros par an. À titre de comparaison, pour un bénéficiaire de la CMU-C, cette dépense annuelle s'élève à 4 000 euros - et à 2 475 euros pour les affiliés au régime général. Cet écart n'est pas dû à une surconsommation de soins par rapport à la population générale, mais s'explique par les surcoûts des dispositifs de prises en charge spécifiques : l'hôpital en prison (les unités sanitaires), les hospitalisations dans des unités spécifiques sécurisées par l'administration pénitentiaire (les unités hospitalières) et dans des chambres sécurisées des hôpitaux.
L'offre de soins à destination des personnes détenues comprend deux dispositifs, l'un pour les soins somatiques, l'autre pour les soins psychiatriques.
Initiée en 1994, cette offre de soins dédiée constitue un indéniable progrès dans l'accès aux soins des personnes détenues : par exemple, 175 unités sanitaires ont été construites dans les établissements pénitentiaires. À l'occasion de mes déplacements, j'ai pu constater l'implication des professionnels de santé qui exercent souvent dans des conditions particulièrement difficiles et assurent une prise en charge de qualité au quotidien. Toutefois, le succès de cette offre auprès des personnes détenues est inégal et il convient désormais d'assurer la cohérence territoriale de l'offre de soins à destination des détenus.
D'abord, l'offre de soins somatiques est mal utilisée. Les huit unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI), situées dans des centres hospitaliers universitaires, sont utilisées pour des hospitalisations à temps complet de plus de 48 heures. Leur taux d'occupation, qui s'élève à 68 %, s'est amélioré, se rapprochant de l'objectif fixé - 70 % - mais un écart de plus de 30 % est constaté entre l'occupation de l'UHSI de Marseille et celle de Strasbourg, comme vous pouvez le constater sur le graphique. En effet, l'absence de cour de promenade et de possibilité de fumer constitue manifestement un frein pour le détenu, enclin à repousser voire à annuler son hospitalisation. Cette situation désorganise l'unité et ne résout pas les problèmes de santé du détenu.
En outre, l'utilisation des chambres sécurisées, implantées dans le centre hospitalier de rattachement de l'établissement pénitentiaire et destinées à accueillir les détenus pour les hospitalisations urgentes ou programmées, est mal connue. Toutefois, il semble qu'elles « font de l'ombre » aux UHSI. Elles sont en effet généralement plus proches de l'établissement pénitentiaire que l'UHSI. Or, ces hospitalisations courtes nécessitent une extraction vers l'hôpital, assurée par une escorte pénitentiaire, mais aussi, à l'hôpital, une garde statique, mobilisant ainsi les forces de l'ordre... Une meilleure connaissance de l'utilisation des chambres sécurisées paraît aujourd'hui nécessaire.
En revanche, l'offre de soins psychiatriques est très sollicitée, mais n'est pas encore finalisée. Je rappelle que les conditions d'accès aux soins des personnes détenues atteintes de troubles mentaux ont considérablement évolué avec la loi du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice. Elle a en effet exclu la possibilité d'hospitalisation à temps complet au sein d'un établissement pénitentiaire. Les hospitalisations psychiatriques doivent désormais être réalisées en milieu hospitalier et sont principalement effectuées dans des unités hospitalières spécifiquement aménagées pour recevoir des personnes détenues (UHSA). Si l'administration pénitentiaire en assure la sécurité, elle n'est pas présente en son sein. La commission des affaires sociales du Sénat a d'ailleurs effectué un travail sur ce thème et publiera prochainement son rapport.
Le programme de construction prévoyait l'ouverture de 17 unités, comportant 705 places avec deux tranches de construction : une première tranche de neuf unités totalisant 440 places, et une seconde de 265 places réparties dans cinq unités en métropole et trois unités en outre-mer. Les neuf unités de la première tranche ont été livrées.
Les possibilités d'hospitalisation à temps complet offertes par les UHSA sont pleinement exploitées car elles répondent à un besoin réel. Leur taux d'occupation s'élève à 75 % au niveau national. Néanmoins, en l'absence d'UHSA ouverte dans le ressort territorial d'un établissement pénitentiaire, ou en l'absence de place disponible, l'hospitalisation des personnes détenues atteintes de troubles mentaux continue d'être assurée au sein des établissements de santé autorisés en psychiatrie dans le cadre des hospitalisations d'office ou au sein des unités pour malades difficiles (UMD). Or, ces hospitalisations se déroulent sans gardes statiques ni surveillance de l'administration pénitentiaire ou des forces de l'ordre.
Cette situation ne saurait perdurer : problématique pour la sécurité du personnel et des autres patients, elle pose aussi la question de l'adéquation des soins, souvent trop courts eu égard au sentiment d'insécurité du personnel, mais aussi peu adaptés pour le patient. Au contraire, la durée moyenne de séjour en UHSA s'élève à 55 jours au niveau national. L'UHSA de Villejuif, que j'ai eu l'occasion de visiter, propose une prise en charge séquentielle articulée autour de trois étapes. En 2016, la durée moyenne de séjour y est de 90 jours.
J'estime que le contexte budgétaire contraint ainsi que le coût particulièrement élevé de la construction de la deuxième tranche d'UHSA nous incitent à envisager prudemment ce projet. Les UHSA répondent sans conteste à une demande et permettent d'offrir un accès à des soins effectifs et dignes pour les détenus confrontés à des problèmes psychiatriques.
La construction de la seconde tranche devrait a minima être conditionnée au remboursement des dettes de l'administration pénitentiaire et, le cas échéant, s'accompagner des crédits nécessaires.
Il me semble que cette décision devrait également être précédée d'une réflexion sérieuse sur le sens de la peine d'emprisonnement. Certains considèrent en effet que l'enfermement carcéral (en prison puis en UHSA) a remplacé une prise en charge sanitaire plus classique des malades mentaux en hôpital psychiatrique. Pire, les soins psychiatriques réservés aux détenus seraient plus satisfaisants que ceux dont bénéficie la population générale. Les UHSA répondent indéniablement à un besoin, mais ne constituent pas, à mon sens, une solution satisfaisante au regard de leur coût.
La prise en charge sanitaire des personnes détenues, en particulier au sein des UHSI et des UHSA, constitue un grand progrès. Mais l'offre de soins à destination des personnes détenues est confrontée aux mêmes difficultés que l'offre de soins destinée à la population générale.
D'une part, elle peine à répondre aux évolutions de la démographie carcérale. Avec le vieillissement de la population pénale, naissent de nouveaux besoins dans le domaine des pathologies chroniques et des troubles cognitifs. Comme pour la population générale, il est particulièrement difficile de trouver des structures adaptées à une prise en charge après une hospitalisation pour des détenus alors qu'on peut se demander si leur état est réellement compatible avec les conditions de détention.
Alors que certains détenus pourraient bénéficier d'une suspension de peine pour raison médicale, cette mesure n'est que faiblement prononcée, faute de pouvoir trouver une structure d'aval acceptant d'accueillir la personne une fois libérée : les associations et les EHPAD peuvent avoir des réticences à accueillir des personnes ayant été incarcérées.
Au sein de l'Établissement public de santé national de Fresnes, que j'ai visité, un étage est dédié au Centre socio-médico-judiciaire de sûreté (CSMJS), censé accueillir les personnes placées sous le régime de la rétention-sûreté. Cet étage, qui n'a accueilli qu'une dizaine de retenus depuis 2008, est vivement critiqué par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté : situé à l'intérieur d'un établissement pénitentiaire, il n'y est proposé aucune activité, aucune prise en charge médico-psychologique. La direction de l'EPSNF souhaiterait pouvoir faire de ce centre, qui est tout neuf, un pré-EPHAD de six places, qui pourrait accueillir pendant six mois les détenus ayant fait une demande de suspension de peine pour raison médicale, afin d'avoir le temps de trouver une place en structure d'aval.
D'autre part, la désertification médicale, à laquelle certains territoires sont confrontés, n'épargne pas le milieu carcéral, où l'exercice médical peine à attirer les professionnels de santé. Autrement dit, les problèmes d'attractivité médicale pour soigner la population pénale sont décuplés dans les régions confrontées à la désertification médicale - notamment les Hauts-de-France.
Les difficultés de recrutement de professionnels de santé en milieu carcéral concernent surtout certaines spécialités, comme vous pouvez le voir, au premier rang desquelles figurent par exemple l'ophtalmologie, la chirurgie dentaire, la kinésithérapie. Alors que la plupart des unités sanitaires sont équipées d'un fauteuil dentaire, au regard du besoin de soins réel de la population carcérale en la matière, elles rencontrent de sérieuses difficultés pour dénicher un chirurgien-dentiste acceptant de réaliser des vacations. Ces difficultés découlent principalement des conditions de travail en milieu pénitentiaire, notamment la crainte des agressions ou l'exiguïté de certaines unités sanitaires. Afin d'améliorer l'attractivité de l'exercice professionnel en milieu carcéral, il conviendrait de mieux faire connaitre ce secteur, et de développer les stages en unités sanitaires pour les internes de médecine.
Surtout, la télémédecine mériterait d'être déployée à plus grande échelle dans les unités sanitaires, car elle est particulièrement adaptée au milieu carcéral : elle permet de limiter les extractions vers l'hôpital de rattachement, tout en garantissant un accès réel aux soins aux personnes détenues. Alors que la santé des personnes détenues figurait parmi les axes prioritaires pour le déploiement de la télémédecine fixés en 2011 par la direction générale de l'offre de soins, peu de projets ont finalement été déployés.
En définitive, les personnes détenues bénéficient d'une couverture sociale effective, grâce à une affiliation rapide au régime général de la sécurité sociale et d'un reste à charge limité par l'interdiction des dépassements d'honoraires, et l'absence d'avance de frais.
Il convient de souligner que l'accès effectif aux soins dépend largement des conditions de détention : dans des établissements surpeuplés, il arrive que les surveillants pénitentiaires ne puissent pas assurer la présence des patients à leur rendez-vous médical à l'unité sanitaire, sans que le personnel soignant ne connaisse le motif d'absence.
Or le suivi médical peut faire partie des obligations du détenu et conditionner un aménagement de peine.
En outre, il arrive que les surveillants pénitentiaires aient le sentiment que l'accès aux soins des personnes détenues est meilleur que le leur, en particulier dans les déserts médicaux.
Ainsi, les relations entre le personnel médical et le personnel pénitentiaire sont variables d'un établissement à l'autre : ces deux univers professionnels, largement étrangers l'un à l'autre, doivent continuer à travailler ensemble et accepter leurs contraintes respectives. C'est sur ce voeu pieux que je terminerai.
Dans le cadre de ce travail, j'ai découvert un univers particulier au sein de l'univers déjà très particulier des prisons, celui des unités sanitaires et hospitalières. J'ai en tête quelques images et témoignages des personnels soignants. J'ai observé le dévouement extrême de ces personnels, pour certains très jeunes, et qui soulignaient l'intérêt professionnel de la pratique médicale en milieu carcéral. C'est peut-être un message à faire passer à la jeune génération pour susciter les vocations.
Je remercie Antoine Lefèvre pour ce travail sur un sujet difficile. J'avais moi-même, quand j'étais présidente de la délégation aux droits des femmes, fait un travail sur les femmes dans les lieux de privation de liberté et nous avions abordé la problématique des soins aux femmes détenues. C'est un sujet très important qui montre que nous avons encore des progrès à faire et d'ailleurs, comme vous le savez, je vous invite, en tant que parlementaires, à visiter les prisons et à être attentif au sort des personnes qui y vivent et qui y travaillent. C'est notre devoir de parlementaire d'être attentif à ces questions. Quand on ajoute à la prison, la maladie et la vieillesse, la question est décidément très lourde.
Comment expliquer l'augmentation significative des dépenses de santé déconcentrées en 2015 et des charges à payer ? Les moyens alloués à la justice permettront-ils, à l'avenir, d'éviter ces reports de charges ?
Au cours de vos travaux, avez-vous observé des disparités territoriales en matière d'accès aux soins - je pense en particulier aux territoires d'outre-mer.
Le Gouvernement a initié la construction de plusieurs milliers de places de prison : la proximité d'un centre hospitalier de type CHRU est-elle susceptible d'orienter le choix des sites d'implantation ?
Le taux de 70 % d'occupation dans les UHSI correspond-il à l'objectif fixé ? Il ne me semble pas particulièrement élevé, au vu des besoins que vous décrivez.
Cette mission, comme d'autres, est caractérisée par des sous-budgétisations chroniques puisque les crédits de l'année N servent à payer les dettes de l'année N-1. Ne pourrait-on pas, pour toutes les missions, recenser et tenir à jour, année après année, un tableau des dettes de l'État vis-à-vis d'une multitude d'organismes ? Ainsi, disposant du montant total, nous pourrions peut-être un jour procéder au « rebasage » dont on parle tant, dans une logique de vérité budgétaire absolue. Car un jour, cette dette, il faudra bien la payer !
Lors d'une visite, j'ai constaté que les surveillants pénitentiaires s'occupaient des détenus très âgés alors que, dans notre société, les personnes âgées peuvent bénéficier de l'intervention de professionnels qui sont formés à ce type de missions. Par ailleurs, j'ai vu des surveillants pénitentiaires très éprouvés, notamment psychologiquement, par un métier particulièrement difficile. Avez-vous rencontré, outre le personnel soignant qui intervient en milieu carcéral, des agents de l'administration pénitentiaire ?
J'ai eu l'occasion de visiter à deux reprises une maison d'arrêt : on y entre parfois avec des idées préconçues et en sort un tout petit peu différent, souvent durablement. Dans le cadre de nos missions de contrôle et d'évaluation, qui pourraient se renforcer à l'avenir, je pense qu'il est indispensable, en début de mandature, de disposer d'un état des lieux des sous-budgétisations.
Par ailleurs, je pense que le travail de la commission des affaires sociales auquel vous avez fait référence pourrait nourrir la réflexion de la commission des finances, en particulier dans la perspective de l'examen du prochain projet de loi de finances.
Quelles pourraient être les pistes d'amélioration pour diminuer les surcoûts spécifiques à la prise en charge, particulièrement sécurisée, de cette population particulière ?
Je salue le fait qu'Antoine Lefèvre ait trouvé le moyen de parler de budgétisation insincère : c'est le mot de l'année ! Concernant les dépenses de santé déconcentrées, la sous-budgétisation représente moins de 30 millions d'euros. C'est agaçant car ce sont des sommes ridicules, à l'échelle du budget de l'État - je ne parle pas pour les établissements publics de santé. Ces situations devraient pouvoir se résoudre rapidement. Ne pas être capable de budgéter 30 millions d'euros supplémentaires, et de régler les problèmes une fois pour toutes, c'est agaçant. Peut-être le rapporteur spécial pourra-t-il pousser un peu les feux auprès du ministre concerné pour que ceci soit réglé définitivement.
Certains spécialistes intervenant dans les unités sanitaires sont plus nombreux que ce qui est budgété, et d'autres moins : comment l'expliquer ?
La question de la construction d'une deuxième tranche d'UHSA est posée : la sécurisation est-elle plus chère que dans les chambres sécurisées des hôpitaux ? Dans votre analyse du coût des USHA, avez-vous également intégré les coûts de fonctionnement de ces unités ?
Le vieillissement et les maladies qui y sont liées constituent un sujet difficile en soi. Pour la population carcérale, une prise en charge en milieu ouvert est-elle prévue ? Ou bien est-ce traité au sein de structures particulières ? J'imagine qu'un criminel incarcéré qui développe la maladie d'Alzheimer, devient alors avant tout un malade d'Alzheimer.
Je garde de mes visites en établissements pénitentiaires le souvenir de situation assez contrastée : dans certains établissements, la proportion de détenus rencontrant des troubles psychiatriques était particulièrement importante, ce qui rendait particulièrement difficile le travail des gardiens. Ces derniers soulignaient qu'ils n'étaient pas des infirmiers psychiatriques et ne savaient pas soigner ces personnes atteintes de maladie mentale. Ainsi, pour maintenir les détenus tranquilles, des traitements chimiques forts pouvaient être administrés par les psychiatres. Que vous a-t-on dit sur la carte géographique des USHA pour éviter de laisser des détenus malades en établissement pénitentiaire sous camisole chimique ?
S'agissant de la récente variation des dépenses de santé déconcentrées, le fléchissement en 2016 découle de mesures de régulation budgétaire, qui diminuent la consommation des crédits, mais augmentent les dettes l'année suivante.
En outre-mer, les unités sanitaires des établissements récents sont dotées d'équipements médicaux mais la démographie médicale pose problème.
Le lieu d'implantation des UHSI et UHSA peut avoir en effet un impact important sur le choix du lieu d'incarcération : une part très importante des patients arrivant à l'UHSI de Lille viennent ainsi de l'établissement de Lille-Loos-Sequedin, situé à proximité.
Les taux d'occupation en USHI peuvent s'expliquer par des annulations d'hospitalisation programmées, notamment parce que pour certains détenus, il est difficile d'arrêter de fumer.
S'agit-il d'un taux cible qu'il faudrait atteindre ou bien d'une moyenne constatée de 70 %, afin de garder des marges de progression pour l'avenir ? On peut en effet penser qu'il y a une demande importante et, dès lors, le taux d'occupation paraît faible par rapport à ce qu'on peut connaître ailleurs.
Il s'agit d'un objectif fixé, qui tient compte de la spécificité de l'hospitalisation des personnes détenues, des annulations d'hospitalisation. D'ailleurs, le ministère des affaires sociales précise qu'il est difficile de faire une comparaison directe du taux d'occupation des UHSI avec celui observé en milieu hospitalier ordinaire.
Comme le souligne Bernard Lalande, il arrive que les surveillants s'occupent des détenus âgés ou dépendants. Je ne sais pas si le terme anglais de « nursing » est approprié, mais il n'est pas éloigné de certaines tâches accomplies par les surveillants, dont ce n'est pourtant pas le métier. J'ai échangé, au centre pénitentiaire de Lille-Loos-Sequedin, avec les syndicats des surveillants pénitentiaires, dont les conditions de travail sont indéniablement difficiles. Je tiens à souligner le dévouement de ces agents parfois en souffrance. Les syndicalistes rencontrés m'ont fait remarquer qu'il était louable que je vienne m'occuper de la santé des détenus, tout en me faisant observer qu'eux-mêmes n'avaient plus de médecin de prévention depuis sept ans ! Pourtant, ils occupent des postes à risques et peuvent souffrir, notamment psychologiquement. L'Agence régionale de santé et la direction interrégionale des services pénitentiaires ont toutefois assuré à la direction du centre pénitentiaire qu'un médecin serait prochainement nommé au centre pénitentiaire. Pour revenir au sujet du vieillissement en milieu carcéral, la problématique des aidants n'est bien sûr pas la même que pour la population générale, mais la question de la dépendance en prison se pose. Les locaux neufs, vacants et opérationnels du Centre socio-médico-judiciaire de sûreté de l'EPSNF, sous forme de petits studios, pourraient accueillir un « pré-EHPAD », ce qui offrirait une solution à court terme, le temps de trouver, le cas échéant, une structure d'aval en milieu ouvert. Le directeur de l'établissement y est favorable.
Les sous-budgétisations ne sont pas propres aux dépenses pour la santé des personnes détenues mais concernent bien d'autres domaines.
Comme l'a relevé Claude Raynal, une sous-budgétisation des dépenses de 30 millions d'euros est agaçante. L'accumulation de ces sous-budgétisations a entraîné la constitution d'une dette de 88 millions d'euros. Cette situation a pesé sur la trésorerie des CHU, je l'ai rappelé en particulier pour le CHRU de Lille.
En ce qui concerne la fongibilité des postes, l'allocation des effectifs en unités sanitaires relève des établissements de santé.
La prise en charge des détenus vieillissants relève principalement des soins de suite et de réadaptation, qui sont proposés à Fresnes ou à Marseille, mais le nombre de lits est notoirement insuffisant. Les suspensions de peine pour raisons médicales sont aujourd'hui peu prononcées, précisément par manque de solutions d'aval. Lorsque les personnes sont maintenues en détention parce qu'elles souhaitent y finir leur vie, les surveillants pénitentiaires veillent à assurer la meilleure prise en charge possible. Cependant, le maintien en détention de personnes en fin de vie devrait être évité, même en l'absence de solution familiale.
S'agissant de la construction de la deuxième tranche d'UHSA, les estimations budgétaires présentées intègrent leurs coûts de fonctionnement. Je propose de conditionner l'engagement de la construction de la deuxième tranche à l'apurement des dettes de l'administration pénitentiaire.
La commission donne acte de sa communication à M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Pourquoi ai-je voulu faire ce contrôle ?
La valorisation de la recherche publique constitue un enjeu majeur à la fois pour l'attractivité de nos établissements d'enseignement supérieur et de recherche et pour la compétitivité économique de notre pays, par le biais de l'innovation.
Dans le cadre de mes précédents travaux de contrôle, j'avais pu mettre en évidence les importantes lacunes de notre système français de valorisation. Certes, la recherche partenariale avait su se développer mais, en revanche, le transfert de technologies, à travers le dépôt de brevets puis la concession de licences ou la création de start-up, restait trop rare.
Comme d'autres observateurs, j'avais en particulier pu constater plusieurs failles :
- l'absence de financement de la maturation et de la « preuve de concept ». Les projets de recherche ne parvenaient pas à un niveau de maturité suffisant pour être « valorisables » par les entreprises, tombant ainsi dans ce que l'on qualifiait alors de « vallée de la mort » ;
- des services de valorisation insuffisamment développés voire inexistants dans les différentes structures et en particulier au sein des universités, faute de moyens associés.
Dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA), le Gouvernement a souhaité répondre à ces difficultés, notamment par la création des Sociétés d'accélération du transfert de technologies, les SATT. Il s'agit de sociétés par actions simplifiées dont l'État et les établissements de recherche sont actionnaires.
Les 14 SATT créées depuis 2011 ont en particulier vocation à financer et à accompagner la maturation et la « preuve de concept », tout en mutualisant les services existants et morcelés au sein des établissements. Elles couvrent aujourd'hui la quasi-totalité du territoire.
Alors qu'elles portent en principe un soutien à la valorisation de la recherche, les SATT font l'objet de nombreuses critiques depuis leur création et n'ont pas toujours bonne réputation : elles seraient coûteuses et peu performantes ; leurs procédures seraient complexes et le processus de décision resterait trop lent ; leur action serait enfin éloignée des laboratoires...
J'ai donc souhaité me pencher sur ces structures très spécifiques, peu connues du grand public, mais qui sont désormais fermement installées, avec au total plusieurs centaines de salariés.
Comment s'est passée la mise en place de ces structures ? Quel premier bilan peut-on tirer de leur activité et de leurs résultats ? Les SATT constituent-elles le bon modèle ? Quel avenir peut-on leur dessiner à l'issue du PIA, alors qu'initialement il leur était demandé d'atteindre l'équilibre financier à dix ans ?
Au-delà des auditions et des questionnaires, je me suis déplacé dans quatre SATT et je suis allé à Oxford voir le dispositif de valorisation particulièrement performant de l'université.
Je vous livre mes principaux constats.
Tout d'abord, après une mise en place parfois longue et tardive, les SATT sont désormais opérationnelles, avec une organisation et un mode de fonctionnement variés.
14 SATT ont été créées entre 2011 et 2014 et sont financées par le Fonds national de valorisation (FNV), issu du premier PIA et dont les crédits ont plutôt connu une bonne exécution. 857 millions d'euros sont engagés et 406 millions d'euros consommés au 30 juin 2016.
Les SATT ont été créées dans le cadre de trois vagues (5 pour la vague A, 4 pour la vague B et 5 pour la vague C). Il a été décidé, dès la vague B, que les SATT couvriraient tout le territoire national, alors qu'initialement, les projets devaient être retenus uniquement en fonction de leur potentiel de performance, en fonction de l'analyse d'un jury international.
En conséquence, pour qu'elles atteignent une masse critique, certaines SATT exercent leurs compétences sur un territoire particulièrement étendu. La quasi-totalité de l'hexagone est couverte, à l'exception de la Normandie. Ainsi, la SATT Grand Est intervient sur le champ des universités de Bourgogne, de Franche-Comté et de Lorraine, mais aussi de l'Université de technologie de Troyes. La SATT Grand Centre se substitue aux établissements de quatre anciennes régions.
La mise en place des SATT a pu être généralement plus longue que prévue, retardant d'autant les résultats attendus. Pour autant, avec des succès certes divers, les 14 SATT sont désormais opérationnelles. Elles ont développé des compétences très variées, rendant difficiles les comparaisons entre elles malgré un modèle unique au départ.
En effet, les SATT ont développé d'autres activités de prestations, comme le leur permettaient leurs statuts et ainsi que cela leur était demandé afin de renforcer leur rentabilité financière. Facturées au bénéficiaire, ces prestations peuvent permettre des mutualisations, notamment en termes de personnels.
Ainsi, plusieurs SATT gèrent les contrats de recherche de certaines universités, d'autres ont intégré, dès leur création, un incubateur. Elles peuvent aussi vendre leurs compétences en propriété intellectuelle ou encore gérer des plateformes technologiques.
Afin de développer ces activités de prestations et les relations entre les établissements de recherche et la SATT, il était prévu que 5 % des crédits alloués à la création des SATT seraient réservés au financement de ce type de prestations.
Cette faculté a été largement utilisée, puisque plus de 20 millions d'euros sur les 42,8 millions d'euros disponibles ont d'ores et déjà été consommés à fin 2016. Son utilisation est toutefois variée selon les SATT.
Mais cette disposition avait, en réalité, tout d'une fausse « bonne idée ». Tout d'abord, sur le principe, il est assez étonnant que des établissements soient dotés de fonds pour demander des prestations à une société privée, elle-même financée par de l'argent public. 5 % de la somme reçue à l'occasion de la création de la SATT sont attribués aux établissements pour qu'ils puissent acheter des prestations à cette nouvelle structure. Ce mécanisme produit donc un chiffre d'affaires qui ne reflète pas vraiment la réalité et semble peu efficace pour développer des relations durables entre les actionnaires et la SATT.
Ensuite, il peut s'agir de prestations que les SATT ont de toute façon vocation à réaliser dans le cadre du transfert de technologies (par exemple, la détection). En outre, rien ne garantit que les établissements recourront effectivement aux SATT pour réaliser ce type de prestations par la suite.
En conséquence, il est fort probable que les recettes de prestations des SATT chutent lorsque la dotation sera épuisée ou bien ne pourra plus être utilisée.
Cette mesure n'aurait pas dû être prévue à l'origine. Elle va toutefois s'éteindre d'elle-même puisque ces fonds ne sont utilisables que pendant cinq ans.
S'agissant de leur organisation et de leur fonctionnement, les SATT disposaient d'une certaine liberté malgré le statut-type et le cadre imposés par l'État.
Le choix de créer de nouvelles structures a conduit au recrutement de près de 800 personnes, dont plus de 500 permanents pour une masse salariale de plus de 40 millions d'euros. Certes, certains d'entre eux sont issus de services de valorisation préexistants.
Les procédures mises en place pour sélectionner les projets et assurer leur suivi paraissent quant à elles encore trop complexes et le processus décisionnel trop long.
Le comité d'investissement, qui détermine les projets à maturer, joue un rôle essentiel. La qualité du recrutement des experts qui le composent et qui sont extérieurs à la SATT est déterminante.
Des relations de proximité doivent être encore développées avec les chercheurs, pour que la détection se fasse « au plus près de la paillasse » dans le laboratoire. En outre, certains secteurs semblent encore peu exploités car plus difficile à valoriser, à l'instar des sciences humaines et sociales.
Le chercheur devrait aussi être présent à toutes les étapes de la valorisation, depuis la présentation de son projet au comité d'investissement jusqu'aux rencontres avec les entreprises. En effet, il nous a été indiqué que, dans certaines SATT, le chercheur n'est pas invité à présenter son dossier devant le comité d'investissement.
Les SATT répondent globalement à l'un des principaux objectifs qui leur étaient assignés, à savoir développer la valorisation de la recherche publique en finançant la maturation et la « preuve de concept » industriel.
Entre 2012 et 2016, près de 215 millions d'euros ont ainsi été dépensés par les SATT au titre de la maturation, y compris les dépenses de personnels de la SATT et autres coûts indirects, pour 1 388 projets décidés. On constate, par ailleurs, une vraie évolution au cours des années. Cette augmentation s'explique par la montée en puissance des SATT les plus récentes, mais pas seulement.
Les SATT ont également permis une certaine professionnalisation bienvenue des équipes de valorisation du fait de la mutualisation des compétences et des moyens conférés. Ainsi en est-il tout particulièrement dans la gestion de la propriété intellectuelle. Indépendamment du nombre de titres de propriété déposés, les brevets apparaissent plus solides et les droits de chercheurs mieux protégés.
De même, se sont développées de véritables équipes chargées d'accompagner les chercheurs dans la maturation de leur projet puis dans la recherche de commercialisation.
À ce titre, il me semble particulièrement pertinent de prévoir qu'un projet soit suivi par la même personne tout au long du processus, comme c'est le cas à Oxford.
En revanche, l'objectif de mutualisation des services de valorisation, avec la mise en place d'un « guichet unique » pour les chercheurs et les entreprises, n'est que partiellement atteint. Si un certain nombre de personnels des anciens services de valorisation ont effectivement été intégrés dans les SATT, il en reste dans beaucoup d'établissements, même en très faible nombre.
La question du principe de l'exclusivité de la valorisation des résultats de la recherche mérite également d'être posée. En effet, en fonction des territoires et des établissements, certains laboratoires sont partiellement voire totalement exclus du champ d'intervention de la SATT. Et même lorsque la compétence de la SATT est en principe prévue, il semblerait qu'en pratique, certains établissements conservent la valorisation de projets en leur sein.
Cela fait partie des difficultés que rencontrent les SATT dans leurs relations avec les partenaires.
Concernant les organismes de recherche, la situation est encore plus variée.
Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est actionnaire de l'ensemble des SATT et leur a finalement confié la gestion de ses projets, sauf lorsqu'ils sont identifiés comme entrant dans des domaines « focalisés d'expertise nationale ». Cette disposition est plus ou moins aisée à appliquer selon les régions et interprétée de façon plus ou moins conciliante, rendant les relations parfois difficiles entre la SATT, le CNRS et sa propre filiale de valorisation, FIST SA.
L'INSERM n'est actuellement actionnaire que de six des quatorze SATT, sa filiale INSERM Transfert conservant dès lors une grande part d'activité.
Le CEA n'est actionnaire que de deux SATT (Grenoble et Saclay) et a obtenu de pouvoir, en tout état de cause, lui-même valoriser ses projets. En outre, parallèlement aux SATT, ont été créées des plateformes régionales de transfert technologique (les PRTT) après la création des premières SATT. Si ces structures sont davantage tournées vers la recherche partenariale, l'on peut se demander si elles constituent des partenaires ou des concurrents des SATT.
En tout état de cause, il convient de conserver une certaine souplesse afin de favoriser les relations des SATT avec les organismes de recherche.
En outre, il conviendrait que les SATT soient davantage tournées vers le secteur économique. Cela devrait notamment passer par la nomination rapide d'experts dans les conseils d'administration.
L'apport des SATT doit également s'analyser en fonction du rôle qu'elles jouent dans le développement économique du territoire et de leur implantation dans l'écosystème.
La co-maturation me paraît être une piste intéressante à développer, permettant d'associer au plus tôt les entreprises susceptibles d'être intéressées par la technologie maturée.
Le pilotage national doit être renforcé et le réseau des SATT se développer. L'État et ses opérateurs doivent pouvoir être en mesure de fournir des données précises et stables sur les SATT. Nous avons, en effet, compilé des masses de documents mais les chiffres ne sont pas nécessairement concordants. Certes, ces structures sont relativement jeunes mais il faut rapidement disposer de données fiables.
Il est dommageable qu'aucune « photo de départ » n'ait été réellement prise à la création des SATT s'agissant, d'une part, des services de valorisation préalablement mis en place et du nombre de personnes qui y travaillaient et, d'autre part, de l'activité préexistante sur le territoire.
Par ailleurs, il serait utile que les SATT soient représentées au sein du comité de gestion des SATT. Un ou deux présidents pourraient ainsi être nommés dans le cadre du réseau que ces sociétés ont constitué. Cela favoriserait notamment la discussion entre autorités de financements et utilisateurs des crédits.
Ce réseau des SATT devrait d'ailleurs davantage se développer, notamment pour permettre un plus grand partage des « bonnes pratiques » entre SATT et favoriser la mutualisation des compétences et des moyens. Je ne suis pas sûr qu'un certain nombre d'experts soit indispensable dans chacune des SATT. Au contraire, ces postes pourraient être mutualisés pour l'ensemble des SATT.
En termes de résultats, les SATT montent globalement en puissance, sans parvenir toutefois à atteindre nécessairement leurs objectifs, ni à cacher la diversité des situations entre SATT et la difficulté pour toutes de garantir une rentabilité financière.
Les SATT progressent globalement dans le nombre de projets suivis, de la détection à la signature de licences ou à la création de start-up. Ainsi, pour la seule vague A, le nombre de déclarations d'invention a plus que doublé tandis que le nombre de brevets déposés a été multiplié par quatre et celui de concessions de licences signées par sept.
La situation entre les SATT est toutefois très différente et les objectifs qui leur sont initialement fixés ne sont pas toujours atteints.
Les résultats de cette activité croissante des SATT restent, en revanche, encore relativement limités d'un point de vue financier.
En effet, les recettes issues du transfert de technologies ne s'élevaient en 2016, pour l'ensemble de la période, qu'à 16 millions d'euros, ce qui semble bien faible au regard des sommes engagées dans la seule maturation.
En tenant compte de l'ensemble de leurs ressources, y compris les recettes de prestations, les SATT enregistrent toutes, depuis leur création, une perte dans leur résultat d'exploitation.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il est désormais largement admis que les SATT ne parviendront pas à atteindre l'équilibre financier au bout de dix ans, comme cela leur était demandé initialement. Cet objectif serait même par nature irréalisable, notamment du fait qu'il faudrait ainsi en moyenne cinq à sept ans pour qu'un projet soit rentable. D'ailleurs, le Gouvernement a lui-même commencé à desserrer cet étau qui a pu avoir des effets contre productifs, en incitant en particulier les SATT à privilégier les projets de court à moyen terme.
En conséquence, le bilan des SATT reste, pour l'heure, contrasté. Si plusieurs SATT semblent sur la bonne voie pour réussir le pari de structures spécialement dédiées à la maturation et au transfert de technologies, la plupart doivent encore faire leurs preuves. Enfin, quelques-unes rencontrent de telles difficultés qu'il est permis de douter de leurs capacités à perdurer.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la SATT constitue-t-elle le bon outil pour le transfert de technologies ?
Rejoignant l'analyse déjà développée dans de précédents rapports, y compris par la Cour des comptes, je considère qu'il aurait probablement pu être décidé de ne développer que quelques SATT dans un premier temps, voire de confier la dépense de maturation à des services de valorisation déjà performants et existants plutôt que de créer de nouvelles structures, avec un nombre non négligeable de personnels et le développement de nouvelles procédures.
D'ailleurs, le Gouvernement semble avoir rejoint cette analyse puisqu'il a lancé en Normandie, seule région jusqu'à présent non couverte par une SATT, une expérimentation reposant sur le service de valorisation existant au niveau de la communauté d'universités et établissements (COMUE). Par ce système, il pourrait y avoir une proximité plus forte, le service de valorisation ayant la possibilité de faire appel aux spécialistes des SATT en cas de besoin.
Il existe manifestement des conditions optimales pour la réussite des SATT : un affectio societatis fort, avec des actionnaires volontaires qui facilitent leur montée en puissance ; un écosystème cohérent dans lequel la structure parvient à s'intégrer ; un président incontesté, indépendant, capable de gérer une société privée et ayant une bonne connaissance du monde économique, et même, dans l'idéal, une expérience dans le secteur. L'important turn-over de présidents de SATT met en évidence les difficultés rencontrées dans le fonctionnement de ces structures. Dans certaines SATT, j'ai notamment observé des changements de président très rapides.
En outre, la montée en puissance des SATT a été d'autant plus facile qu'elles pouvaient s'appuyer sur un dispositif de valorisation existant, comme les dispositifs mutualisés de transfert de technologies (DMTT).
Il est évident qu'un nombre assez faible de SATT remplissent ces conditions.
Maintenant qu'elles sont en place, les SATT peuvent encore évoluer et s'améliorer, plusieurs mesures pouvant être prises afin de les rendre plus efficaces.
Enfin, il est encore trop tôt pour juger pleinement des résultats des SATT et, plus globalement, de leur pertinence ainsi que du bon usage de la « manne » financière mise au service du transfert de technologies. Certaines sociétés rencontrent toutefois d'indéniables difficultés qui invitent à s'interroger dès à présent sur leur avenir.
Quelles sont les perspectives de ces structures à plus long terme ?
Il sera difficile d'atteindre l'équilibre financier et cela nécessitera du temps. Dès lors, plusieurs questions se posent :
Tout d'abord, quel sera le financement des SATT lorsque les crédits des PIA seront épuisés et si l'équilibre n'est pas atteint ? Le PIA 3 prévoit d'ouvrir 200 millions d'euros supplémentaires pour les SATT, mais ce complément devrait être réservé aux plus performantes. Les modalités concrètes de répartition de cette enveloppe ne sont pas encore connues et le nouveau Gouvernement a annoncé depuis réfléchir à la poursuite de ce programme.
En tout état de cause, aucune solution ne semble prévue pour les SATT qui ne figureraient pas parmi les plus performantes.
J'en profite également pour mentionner le fait que les SATT bénéficient du crédit d'impôt recherche (CIR), ce qui est assez étonnant. Les SATT investissent certes dans des projets de maturation, mais avec de l'argent public. C'est en raison de leur statut de société privée qu'elles entrent dans le champ de ce crédit d'impôt.
Je considère pour ma part que d'autres solutions doivent être envisagées sur les territoires où les SATT ne parviennent pas à s'implanter efficacement et où les difficultés sont trop nombreuses.
Ainsi, l'expérimentation menée en Normandie pourrait utilement être retenue lorsque la SATT recouvre un nombre important d'établissements et que ni l'affectio societatis ni l'insertion dans l'écosystème ne semblent acquis. Des structures plus petites, plus souples, pourraient ainsi être envisagées.
Il convient également de s'interroger sur le modèle même des SATT et du développement d'autres compétences.
Certes, la gestion des contrats de recherche constitue indéniablement un avantage pour celles qui en disposent, en particulier en termes de synergie et de mutualisation de moyens. Pour autant, il ne parait pas judicieux de l'imposer à toutes les SATT, surtout si la recherche partenariale est déjà très développée et que les équipes en place sont efficaces.
En revanche, il est indispensable qu'une meilleure articulation soit assurée, afin que les SATT aient, en particulier, connaissance des contrats conclus par leurs actionnaires.
Les SATT ne doivent pas non plus trop se disperser en exerçant un nombre toujours plus important de compétences. Je reste ainsi très réservé sur l'intégration d'incubateurs publics, envisagée par le Gouvernement et même actuellement expérimentée dans certaines SATT. Si une mutualisation de moyens est probablement envisageable et une meilleure articulation fortement souhaitable, il s'agit à mon sens de phases bien distinctes dans la création d'entreprises et reposant sur des métiers différents. Il faut d'abord que chacun fasse bien son métier et un élargissement du champ de compétences pourra ensuite être envisagé. Je m'interroge donc sur les 200 millions d'euros prévus pour développer le rapprochement entre les SATT, les incubateurs et même les accélérateurs au sein du PIA 3.
Laissons aux SATT le temps d'être les plus compétentes possibles sur leur coeur de métier, même si je comprends que le développement de prestations devrait permettre de faciliter l'atteinte de l'équilibre financier. Il s'agit d'un arbitrage difficile et qui ne pourra pas être identique sur tout le territoire.
Enfin, au-delà du modèle même des SATT, des obstacles au transfert de technologies et, plus généralement, à la valorisation de la recherche doivent encore être franchis.
Tout d'abord, le présent contrôle a été l'occasion de constater que la question du partage de la propriété intellectuelle entre établissements reste cruciale. C'est un sujet déjà très ancien et connu mais il est important de le rappeler car la lenteur du processus décisionnel parfois critiquée s'explique aussi par ces difficultés. À Oxford, l'on agit rapidement, notamment parce qu'il y a une « unité de commandement » et ce type de problématique n'existe pas.
Ensuite, il faut poursuivre les efforts engagés dans le développement des relations entre la recherche publique et le secteur économique.
Ainsi, certains chercheurs restent réfractaires à la valorisation des résultats de leur recherche ou en ignorent tout simplement les intérêts et les enjeux. Il faut poursuivre nos efforts de sensibilisation, notamment dans le cadre des modules de formation qui peuvent être prévus au cours de leurs cursus et les former mieux à cet aspect très particulier de leur activité. Il convient aussi de faire connaître les belles réussites pour susciter les envies. Parallèlement, les procédures doivent être simplifiées et les démarches facilitées car la priorité des chercheurs, c'est de conserver du temps pour mener à bien leurs projets.
En outre, la valorisation et l'innovation reposent à l'heure actuelle sur un nombre de structures toujours très important, nous sommes loin de l'idée du « guichet unique ». Même si chacune est là pour soutenir la valorisation et l'innovation, cette profusion peut être contre-productive et dissuader les chercheurs mais aussi, et surtout, les acteurs du monde économique, qui peuvent ne plus savoir à qui s'adresser.
Une simplification et une rationalisation du paysage de la valorisation et de l'innovation s'imposent, et à tout le moins une meilleure articulation entre toutes ces structures.
Enfin, il est également essentiel de fournir toutes les garanties pour la réussite des projets issus de la SATT. Ainsi, au moment de la phase de commercialisation, la création d'une start-up ne doit pas nécessairement être privilégiée. Il convient de s'appuyer avant tout sur le tissu économique existant, de concéder des licences avec des entreprises, en particulier des petites et moyennes entreprises (PME), en quête d'innovation. La création de start-up est séduisante, car elle permet de mieux afficher la performance en matière de statistiques. Toutefois, j'ai beau être partisan de la création de start-up, je considère qu'elle peut être source de lenteurs et plus risquée dans l'obtention de résultats.
Le présent contrôle a également pu être l'occasion de constater que les start-up rencontrent encore des difficultés pour trouver les financements nécessaires dans leurs premières phases de développement.
On a augmenté le flux des innovations transférables avec le financement de la preuve de concept, et donc accéléré la création de start-up, sans sécuriser le financement de ces dernières. Or, sans argent « frais », elles ne pourront se développer sur notre territoire et on aura alors simplement accéléré le volume de ce qu'on va finir par vendre à des sociétés étrangères.
En conclusion, financer la maturation de projets de recherche est une bonne opération si l'on veut augmenter les flux des innovations transférables. La volonté de couvrir tout le territoire et renforcer l'effort de mutualisation, dans l'intention d'augmenter la valorisation de la recherche était louable.
Toutefois, fallait-il que ce soit avec les mêmes outils ? Cela n'est pas certain et il faudra prévoir des ajustements. Les SATT parviendront-elles à un équilibre à dix ans ? Sûrement pas et pour quelques-unes probablement jamais.
Le modèle peut-il progresser ? Je le pense, si elles remplissent les conditions de la réussite précédemment exposées. Sans porter atteinte au secret des affaires, puisque ce sont des sociétés privées, la SATT qui fonctionne le mieux se trouve à Strasbourg car elle est sur un périmètre réduit, ce qui facilite son activité, et s'est appuyée sur un service de valorisation qui était probablement le plus performant en France lorsqu'elle s'est mise en place. Par ailleurs, elle gère un grand nombre d'activités. Il existait ainsi des conditions à la réussite à Strasbourg qui ne sont peut-être pas valables dans d'autres régions.
Dans une autre SATT, qui couvre une région plus étendue, j'ai également constaté des réussites, qui s'expliquent par la qualité des professionnels et l'organisation mise en place. La réussite est donc liée aux structures mais aussi aux hommes.
L'analyse comparative n'est pas facile ; elle requiert un effort de précision. L'élargissement de compétences ne devrait intervenir qu'après la réussite des obligations actuelles. La simplification de l'environnement de la recherche sera également un objectif à poursuivre.
À vous entendre, je me suis demandée si nous n'avions pas inventé le « labyrinthe moderne » et j'espère que vous avez retrouvé votre chemin.
Je remercie le rapporteur spécial de s'être attelé à ce sujet. J'ai un a priori relativement défavorable aux SATT pour avoir vécu de l'intérieur leur mise en place, notamment sur le site universitaire d'Angers. Avant les SATT, il y avait déjà des outils. Le dispositif de valorisation à Strasbourg, par exemple, fonctionnait très bien avant les SATT. Je ne suis pas sûr que la création de ces structures ait constitué une valeur ajoutée.
Oui, mais c'est une subvention ! Ce recyclage de financement public interpelle quand même. Sur le terrain, à Angers, on avait déjà des pôles de compétitivité, des instituts de recherche technologique (IRT), des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) comme l'INSERM, le CNRS, le CEA, qui valorisaient déjà. J'aurais préféré qu'on crée un département spécifique concernant la propriété intellectuelle dans les COMUE. Il y a du travail à faire dans le domaine universitaire, y compris vis-à-vis de nos collègues universitaires, dont certains sont réticents et considèrent, dans certaines disciplines, que c'est « pactiser avec le diable » que de vouloir valoriser financièrement la recherche.
Les SATT ne sont pas structurées pour héberger des start-up en incubation, ou pendant la période pré-incubation. Les EPST et les technopôles savent le faire. Il y a des doublons que je ne comprends pas. Je me pose la question de la valeur ajoutée des SATT par rapport à ce qui existait déjà, et au vu des sommes affectées. On ferait mieux de développer des plateformes liées à un IRT comme à Nantes avec l'IRT Jules Verne, autour de domaines tels que l'aérospatial, les matériaux, etc. C'est en amont qu'il faut aller chercher dans chacun des laboratoires ce qui est valorisable. C'est là que le travail est à faire.
Je voudrais saluer le travail du rapporteur spécial. Il a parfaitement bien décrit la complexité et les enjeux, notamment les 200 millions envisagés dans le PIA 3 et les enjeux pour le pays, car la question de valorisation est essentielle pour le développement économique. Je partage la totalité des conclusions du rapporteur spécial. Je suis un peu perplexe sur les recommandations à formuler : la première, Daniel Raoul vient de le dire, au moment où l'on cherche des économies en matière de gestion budgétaire de l'État, il convient d'arrêter la profusion - presque mécanique et annuelle - des structures en matière de valorisation de la recherche. Vous-même avez souligné la nécessité de simplifier et rationaliser le paysage de la valorisation. Les SATT constituent une nouvelle couche ; on note quelques effets positifs mais il y a un problème de concurrence avec ce qui existe déjà.
Si l'on veut à la fois rechercher des économies budgétaires et l'efficacité, il faudra à un moment remettre à plat tout cela. On crée des effets d'entropie plus que de synergies.
J'ai également une remarque plus générale, à faire, sur le domaine de l'enseignement et de la recherche. Depuis la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilité des universités, dite « loi Pécresse », suivie par la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi Fioraso », on a demandé aux universités d'être plus autonomes - avec notamment la gestion des personnels. Mais, alors qu'elles ont des difficultés financières, on leur demande d'être plus autonomes, avec une augmentation de leurs ressources propres, notamment en matière de valorisation de la recherche et de formation continue. Parallèlement, on leur demande que leurs services de valorisation soient regroupés dans les COMUE ou dans des sociétés privées. Ce sont des injonctions contradictoires qui sont dévastatrices pour notre système d'enseignement supérieur et de la recherche. Au-delà de ce rapport, il faut s'interroger sur ce qu'on veut vraiment dans ce secteur.
J'ai compris des propos du rapporteur spécial que le modèle qui a émergé à Strasbourg s'appuie sur une COMUE puissante, avec une diminution du nombre d'universités et une valorisation concentrée autour des compétences scientifiques du site et une SATT qui intervient sur le territoire. On a là un modèle clair, même si je ne sais pas si je l'approuve.
Il faut demander au Gouvernement de trancher : veut-on des universités autonomes développant leurs ressources propres ou au contraire quelques pôles régionaux ? Ce n'est pas sans conséquence pour les universités qui ne sont pas dans des grandes capitales régionales et qui ont aussi d'importantes capacités d'action auxquelles il faut penser.
Les SATT suivent les visions erratiques ayant guidé la mise en place des différents dispositifs de valorisation de la recherche publique en France, alors qu'aux États-Unis et en Angleterre ils avaient su le faire. Il y a eu notamment eu des tentatives avec des structures peu coûteuses. Ainsi en était-il d'INSAVALOR à Lyon dans les années 90, souvent cité et qui avait un gros avantage : cette filiale de l'Institut national des sciences appliquées (INSA) ne coûtait presque rien à la collectivité tout en exerçant modestement ses compétences.
Très jeune, j'ai eu à diriger une structure de valorisation. On souhaitait, à l'époque, qu'elle soit à l'équilibre en deux ans, mais cela n'était pas possible. Les universitaires ont toujours tendance à croire qu'ils ont des « trésors » dans leurs laboratoires. Cela m'amuse maintenant que des structures dépensent les financements publics colossaux dont elles disposent, puis soit s'arrêteront, soit demanderont encore de l'argent. Pour ceux qui ont connu ces moments par le passé, je trouve la période actuelle assez savoureuse. J'avais prédit ce qui se passe, notamment dans ma région.
Je considère que la gestion des contrats de recherche, sur lesquels 7 % à 8 % peuvent être généralement prélevés pour cela, peut être prise en charge par les SATT afin de couvrir une partie des coûts de structure. Je suis d'ailleurs surpris que ces sociétés n'exercent pas toutes cette compétence. Dans la même optique, elles pourraient gérer des incubateurs et je pense qu'il faut avoir une vision large de leur périmètre d'action.
D'autres aspects pourraient encore être développés comme les relations entre les chercheurs et les entreprises, notamment dans le domaine des sciences humaines et sociales.
En fait, ce qui est valorisable facilement et avec une grande ampleur a souvent déjà été retenu par les grands groupes qui ont des liens permanents avec les laboratoires, à travers les post-doctorants notamment. Restent donc à valoriser des projets plus modestes, qui peuvent être intéressants pour les PME mais il ne faut pas en attendre une rentabilité importante.
Il y a beaucoup de transferts de technologies hors des SATT, ils se font directement entre les laboratoires de recherche importants et les grandes entreprises.
Je souhaiterais savoir quel est le fonctionnement des SATT, leur mode de gouvernance ? Comment l'argent public est-il utilisé ? Quel est le concours financier des régions et des fonds européens ? Par ailleurs, ces sociétés doivent être tournées vers le secteur économique, comme le dit le rapporteur spécial. Jouent-elles un rôle pour former les jeunes chercheurs et ont-elles un impact sur le marché de l'emploi et, plus globalement l'activité économique ?
Je partage largement le scepticisme de mes collègues. En réalité, la recherche n'est pas uniforme, elle ne peut pas s'accommoder d'un seul véhicule de valorisation. Ce qui est important ici, c'est de savoir comment valoriser la recherche-développement au-delà de secteurs comme le médical, où une importante avancée dans un laboratoire français ou américain est connue très rapidement.
Le CIR est beaucoup plus encadré qu'on ne le dit souvent et il est une chance pour notre pays.
S'agissant de l'université, il y a une différence entre son image d'il y a dix ans et celle d'aujourd'hui. On a progressé.
Les SATT ne parviennent pas à répondre aux besoins de la recherche, dans sa diversité et sa complexité. Par contre, certains dispositifs comme les incubateurs sont très utiles. Le Gouvernement doit être en mesure de nous démontrer la bonne utilisation des fonds dans toutes ces structures.
Il faut valoriser la recherche en étant capable de s'adapter à la variété des situations. J'ai visité une start-up à Grenoble, très performante, spécialisée dans l'équipement routier. Elle travaille sur un millier de composants, chacun d'entre eux étant issus des résultats d'une recherche différente.
Enfin, on ne consacre pas assez de crédits à l'innovation alors que les petites entreprises font face à des difficultés pour accéder au financement bancaire.
Je le dis très tranquillement, je n'ai jamais entendu parler des SATT alors que j'ai eu à traiter de dossiers de financement d'incubateurs ou de pôles de compétitivité à l'université. Je m'interroge ainsi sur la lisibilité des SATT et leur intérêt. J'ai rencontré de nombreuses start-up lorsque je travaillais sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), elles ne m'ont jamais parlé des SATT. Ce qui les intéressait, c'était surtout le financement de leurs travaux de recherche engagés pour aller plus loin. J'apprécie votre rapport car il pose une vraie question : savoir si les SATT sont l'outil dont nous avons besoin.
J'ai souhaité faire ce contrôle car j'avais entendu toutes ces critiques. Quand je l'ai commencé, j'étais, comme vous, plutôt réservé sur l'existence de ces structures. J'ai essayé d'avoir un regard le plus objectif possible. Il était évident que le financement de la maturation était nécessaire. Au-delà de ce constat, je me suis rendu compte qu'il y a bien des aspects qui fonctionnent dans certains SATT, d'autres non.
La question est de savoir si les recettes perçues et les dépenses engagées vont s'équilibrer. Comme nous l'avons vu, seuls 15 millions de recettes ont été générés par le transfert de technologies, ce qui est bien peu vis-à-vis des montants investis, mais nous ne sommes qu'au début du développement des SATT.
Pour répondre à Daniel Raoul, avant ces structures, il y avait beaucoup d'universités qui n'avaient aucune démarche de valorisation. À Lille, par exemple, il y avait seulement un demi-poste pour s'occuper de la valorisation, alors que l'innovation est la clef de la compétitivité économique, tous les pays le savent. Je considère ainsi que la démarche de vouloir changer les choses est plutôt louable.
Pour répondre à Maurice Vincent, effectivement tout le territoire n'est pas uniforme. J'ai donné l'exemple d'un bon modèle à Strasbourg, mais la SATT Sud Est connaît également des succès, grâce à une équipe de management qui est issu du secteur privé, applique les méthodes qui y sont développées et était déjà impliquée dans la valorisation de la recherche. La SATT ne peut pas fonctionner si les modes d'organisation ne suivent pas.
Pour répondre à Claude Raynal, je me suis effectivement demandé pourquoi créer des SATT alors que des services de valorisation existaient déjà. Il convient de se rappeler que ceux-ci n'étaient pas totalement efficaces et ne couvraient pas tout le territoire.
Par ailleurs, même dans une SATT qui fonctionne bien, les universités peuvent décider de conserver la gestion des contrats de recherche. J'estime toutefois que, dans ce cas, les SATT doivent au moins être au courant de ces contrats.
Pour éviter d'aller voir une entreprise qui travaille déjà avec le laboratoire sans le savoir !
Par ailleurs, certes les grands groupes sont en lien avec les laboratoires et valorisent déjà les résultats de leurs recherches, mais il reste encore des projets transférables.
Un vrai débat reste à trancher : doit-on partir des travaux dans les laboratoires et démarcher ensuite les entreprises, ou doit-on aussi partir des besoins du marché pour voir les résultats qui pourraient être transférables ? Selon moi, il faut utiliser les deux méthodes.
Je connais bien les technopoles. Il reste encore des marges de manoeuvre à explorer.
Pour répondre à Marc Laménie, je suis d'accord, l'impact de la valorisation de la recherche sur le territoire est, également, essentiel.
Francis Delattre, je ne critique pas du tout le crédit d'impôt recherche. Il est juste étonnant qu'une société, qui a certes un statut privé mais reçoit des financements essentiellement publics, bénéficie du CIR. Mais je ne remets pas en cause le fait que le CIR soit un facteur important de développement.
Pour répondre à Marie-France Beaufils, il y a des SATT qui se trouvent dans des situations difficiles, avec un problème de gouvernance et de lisibilité ou qui interviennent sur un territoire trop grand. On voit ainsi que ce qui fonctionne à un endroit ne fonctionne peut-être pas ailleurs, il faut chercher le bon mode d'organisation en termes de structures.
Mon regard sur les SATT a évolué, compte tenu de l'activité développée par certaines d'entre elles. Les services de valorisation avaient besoin de s'étoffer, pour mieux détecter et accompagner le transfert des résultats de la recherche publique ou encore protéger la propriété intellectuelle, notamment en ayant des spécialistes, par exemple dans le domaine juridique.
L'appui de services au sein des universités peut également constituer une bonne solution, avec l'accès à des financements de maturation ainsi qu'en cas de besoin, à des spécialistes de certains sujets, issus soit des SATT les plus performantes, soit du réseau national des SATT.
La commission donne acte de sa communication à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial, et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Depuis maintenant une quinzaine d'années, dans les pays industrialisés qui se situent à la frontière de la connaissance, les équipes de chercheurs doivent candidater lors d'appels à projets compétitifs pour obtenir les financements nécessaires au développement de leurs projets de recherche.
La sélection des projets est effectuée par des experts scientifiques de très haut niveau dotés d'une totale indépendance et qui doivent apporter la preuve de leur absence de conflits d'intérêt.
Je précise que s'il cherche à dynamiser la recherche, le financement sur projet n'a pas pour autant vocation à constituer son unique mode de financement, puisque les crédits récurrents des organismes de recherche demeurent largement majoritaires. Je n'ai d'ailleurs, pour ma part, jamais cherché à opposer ces deux modes de financement, qui sont complémentaires.
Pour ces différentes raisons, le financement de la recherche sur projets est reconnu comme un outil pertinent pour favoriser la compétitivité d'un système de recherche.
C'est l'Agence nationale de la recherche (ANR), créée en 2005, qui est chargée d'assurer le financement sur projets de la recherche française.
Or, l'attrition de ses crédits d'intervention fragilise aujourd'hui ce mode de financement pratiqué par tous les grands pays de la recherche dans le monde.
C'est pourquoi j'ai souhaité conduire un contrôle budgétaire sur cet établissement public devenu incontournable dans l'écosystème de la recherche française, mais qui souffre aujourd'hui d'une profonde crise de défiance de la part des chercheurs.
La démission de son Président-directeur général Michael Matlosz, intervenue le 18 juillet dernier, est assurément un symptôme des difficultés auxquelles doit faire face l'ANR.
Coïncidant avec le début de la législature, elle peut également être l'occasion pour l'agence de prendre un nouveau départ.
Le rapport que je vous présente aujourd'hui vise précisément à tracer des perspectives pour cet organisme qui joue un rôle absolument nécessaire au bon fonctionnement de notre système de recherche, pour peu qu'on lui accorde les moyens dont il a besoin pour bien fonctionner.
Je précise qu'il porte sur la mission principale de l'Agence nationale de la recherche - le financement de la recherche sur projets - et pas sur ses autres missions, comme par exemple son rôle d'opérateur pour les crédits « enseignement supérieur et recherche » des trois programmes d'investissements d'avenir.
La France pratiquait les appels à projets avant la création de l'ANR. Mais elle le faisait de façon peu visible et à une échelle relativement réduite.
La création de l'ANR en 2005, qui s'est opérée dans le cadre plus large de l'ambitieuse loi de 2006 de programme pour la recherche, visait à doter la France d'une agence de moyens opérationnelle chargée d'organiser le financement de la recherche sur projets dans toutes les disciplines et à grande échelle.
La création de l'agence avait été suivie d'une augmentation continue de ses crédits d'intervention répartis par appels à projets compétitifs, qui avaient atteint un point haut à 650 millions d'euros en 2009.
À partir de 2010, cette dotation, portée par le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » a continuellement diminué.
Cette baisse des crédits d'intervention de l'ANR dévolus aux appels à projets compétitifs s'est accélérée à partir de 2013 lorsque le Gouvernement a décidé de réduire cette enveloppe au profit des subventions aux organismes de recherche, à la suite des Assises de la recherche de 2012.
Au total, entre 2009 et 2015, les crédits d'intervention de l'agence répartis par appels à projets ont donc chuté de 40 %. Ils ont atteint un point bas très critique en 2015 à 390 millions d'euros.
La baisse de la dotation de l'ANR et l'augmentation continue du nombre de soumissions de projets (+ 9 % entre 2010 et 2013 à modalités constantes, + 50 % à compter de 2014 avec le passage aux deux temps dans le processus d'évaluation) ont provoqué un effondrement du taux de succès moyen aux appels à projets de l'agence, qui est passé de 25,70 % en 2005 à 20,10 % en 2012 puis 16,5 % en 2013 avant de sombrer à 11 % en 2014 et en 2015.
Prenant conscience que la sévère attrition des crédits d'intervention de l'ANR entraînait un taux de succès des appels à projets toujours plus faible et décourageant pour les équipes de chercheurs, le Gouvernement a enfin décidé de mettre fin à ce mouvement de baisse en allouant 457 millions d'euros de crédits d'intervention à l'ANR en 2016 au titre des appels à projets, soit une hausse de 17 % de ces crédits.
Le taux de sélection des projets, qui s'est amélioré en 2016 devrait de nouveau augmenter en 2017, grâce à la hausse des crédits d'intervention de l'ANR. La barre des 15 % de sélection annoncée par l'ancien Président de la République devrait être atteinte.
Mais tous les scientifiques s'accordent à dire qu'en dessous d'un taux de sélection de 20 à 25 %, on écarte nécessairement d'excellents projets et l'on procède à une sélection arbitraire.
Deux exemples récents permettent de mesurer la gravité de la situation.
J'ai lu récemment une interview du dirigeant d'un organisme de recherche qui affirmait ne plus inciter ses chercheurs à candidater aux appels à projets de l'ANR, compte tenu du temps mobilisé excessivement long pour concevoir les projets et rédiger les dossiers de demande de financement.
La tension est tout aussi vive du côté des experts scientifiques chargés de sélectionner les dossiers.
Consternés par le fait qu'ils devaient rejeter 40 % des projets les mieux notés qui leur avaient été présentés, compte tenu de la faiblesse des crédits à distribuer, l'ensemble des membres du comité d'évaluation scientifique « Mathématiques et informatique théorique » ont présenté collectivement leur démission le 1er juin 2016 et n'ont pas souhaité fournir de listes de résultats à l'ANR. D'autres scientifiques qui travaillaient pour l'agence leur ont emboîté le pas depuis.
Le nouveau Président de la République paraît conscient du problème puisqu'il a écrit le 3 avril 2017, en réponse à un questionnaire que lui avaient adressé une centaine de personnalités scientifiques que « la réduction opérée en début de quinquennat [en 2012] des moyens de l'ANR a été une erreur » et « qu'il lui redonnerait des moyens comparables à ceux des meilleures agences de financement de la recherche chez nos partenaires européens ».
Je souscris entièrement à cette proposition et considère qu'il serait indispensable de permettre à l'ANR de retrouver d'ici 2020 au plus tard son niveau de crédits d'intervention répartis par appels à projets de 2009, soit 650 millions d'euros, ce qui correspond à un budget total de 850 millions d'euros de crédits d'intervention pour l'ANR. Un budget de ce niveau permettrait à l'ANR de renouer avec des taux de succès davantage acceptables, bien que toujours relativement bas.
En revanche, si l'ANR devait voir ses moyens stagner à un niveau similaire à ceux qu'elle a connus ces dernières années, la question de la pertinence de son existence serait sans doute posée.
À mes yeux, la faiblesse de ses crédits d'intervention explique à 80 % l'image négative de l'Agence nationale de la recherche auprès des chercheurs.
Si je caricature un peu, je pourrais résumer les 20 % restant en me limitant à l'emploi de deux mots : technocratie et bureaucratie.
En quelques années, l'ANR a bâti une gigantesque machine à évaluer, à trier et à sélectionner, avec succès.
Pour autant, elle n'est pas toujours parvenue à éviter les deux écueils -technocratie et bureaucratie - que j'ai mentionnés. Et la faiblesse de ses moyens budgétaires ne fait que rendre plus visibles ces deux défauts.
Les critiques formulées par les chercheurs sur ce registre sont nombreuses et je ne vais vous en citer que quelques-unes : programmation trop longue, jargonnante et nébuleuse, dossiers trop lourds à constituer, demandes de renseignements administratifs excessivement précis, manque d'explications fournies aux chercheurs en cas d'échec, communication lointaine, contrôles tatillons une fois les projets lancés, etc.
L'ancien Gouvernement et les responsables de l'agence avaient conscience de ces problèmes et il serait injuste de prétendre que rien n'a été fait ces dernières années pour apporter des solutions.
Je pense en particulier à la mise en place en 2014 de la sélection en deux phases lors des appels à projets. Alors que les chercheurs devaient avant cette date soumettre à l'ANR des dossiers administratifs extrêmement complets, ils peuvent désormais se limiter à une note de trois pages lors de la pré-sélection, qu'ils complètent ensuite par un dossier de vingt pages s'ils sont autorisés à participer à la seconde phase de sélection. Cette mesure a été très appréciée par les chercheurs.
Mais il faut aller encore plus loin dans la simplification et l'allègement des procédures, car la charge administrative qui pèse sur les chercheurs qui déposent des projets à l'ANR reste encore trop lourde.
C'est pourquoi je recommande dans mon rapport de réduire le nombre d'instruments financiers de l'Agence nationale de la recherche, d'adopter un plan d'action annuel plus court et plus précis, d'améliorer la transparence vis-à-vis des chercheurs à tous les stades des appels à projets ou bien encore d'adopter une communication institutionnelle plus directe et plus lisible.
Lors de la réalisation de ce contrôle budgétaire, je me suis également intéressé à l'organisation et au fonctionnement internes de l'agence.
Je ne prétends naturellement pas avoir mené un audit de cet organisme, travail qui relève de la compétence du Haut conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES).
Je recommande d'ailleurs que le Haut conseil réalise une nouvelle évaluation de l'ANR, dans la mesure où son dernier rapport date de 2012. Je suis certain que ses propositions techniques pourraient être très utiles à la nouvelle direction de l'agence qui sera nommée dans les prochaines semaines.
Pour autant, les auditions que j'ai menées m'ont permis de formaliser un certain nombre de constats et de formuler quelques recommandations sur le fonctionnement de l'ANR.
La gouvernance de l'Agence a été révisée par décret en 2014 mais je crois qu'il est encore possible de la simplifier en supprimant certains comités qui créent plus de difficultés qu'ils n'en résolvent, en particulier lors de la lourde élaboration de sa programmation annuelle.
Depuis le 15 décembre 2016, l'Agence nationale de la recherche est enfin dotée d'un contrat d'objectifs et de performance pour la période 2016-2019. Cette signature a mis fin à une anomalie qu'il convient de ne pas minimiser : il a fallu onze ans à l'État pour donner une feuille de route à son agence de financement de la recherche !
Reste désormais à l'appliquer avec rigueur. Parmi les objectifs à tenir dans les années à venir, je ne peux manquer d'évoquer la question de l'apurement des impayés accumulés par l'Agence nationale de la recherche, en particulier avant 2010.
En ce qui concerne les ressources humaines de l'agence, la situation paraît s'être stabilisée ces dernières années après une phase de très forte croissance qui s'est effectuée dans la douleur.
Depuis maintenant plusieurs années, les effectifs de l'ANR ont atteint environ 260 ETPT, soit un niveau censé permettre à ses personnels de faire face dans de bonnes conditions à leur charge de travail.
Surtout, la part du personnel en CDD s'est stabilisé autour de 23 % en 2016 et le turn over n'a concerné que 12 % des effectifs, signe que l'ANR est entrée dans une phase de maturité favorisant un climat social plus serein.
Les efforts menés par les directions successives de l'ANR pour améliorer la situation des personnels devront donc être poursuivis dans les années à venir car l'Agence a besoin de pouvoir compter sur des équipes efficaces et dynamiques pour mener à bien ses lourdes missions.
En conclusion, je voudrais redire que, si les difficultés actuelles de l'Agence nationale de la recherche peuvent s'expliquer en partie par les tensions que suscitent sa programmation ou par les insuffisances de sa communication, force est de constater que la véritable raison de cette crise de confiance ne relève pas de la responsabilité de l'agence et de ses dirigeants.
L'ANR est aujourd'hui terriblement fragilisée par la faiblesse de ses moyens, qui lui sont attribués par l'État.
Ayant bâti des processus de sélection extrêmement rigoureux, elle se trouve réduite à jouer un rôle particulièrement ingrat : éliminer avec une sévérité extrême la très grande majorité des projets qui lui sont soumis, alors même qu'une partie d'entre eux sont excellents.
Il n'est pas cohérent de prétendre vouloir développer le financement de la recherche sur projets en France, et dans, le même temps, de confier à l'agence de moyens chargée de répartir les financements des crédits notoirement insuffisants.
Car cela a exactement le résultat contraire de celui qui est recherché : les appels à projets apparaissent comme un processus injuste, chronophage et fastidieux, au point que beaucoup de chercheurs renoncent à soumettre leurs dossiers.
À l'évidence, cette situation ne peut perdurer plus longtemps.
Le rapporteur spécial a rappelé que l'Agence nationale de la recherche a vu ses moyens diminuer depuis sa création en 2005. Il a également souligné les difficultés liées à la bureaucratie et à la technocratie. Comment simplifier cette organisation ? Par ailleurs, je m'interroge sur la nécessité de multiplier ce type de structures alors que les universités, de même que certains grands groupes, ont déjà des unités de recherche et qu'il existe des instituts universitaires de technologie. Vous estimez qu'un budget d'intervention de 850 millions d'euros est nécessaire, ne peut-on envisager de faire aussi bien sans une telle structure ? Quelle est, selon vous, la pérennité de cette agence ?
La création de l'Agence nationale de recherche visait à aligner la France sur les standards internationaux, notamment sur ce qui se fait aux États-Unis, afin de soutenir les laboratoires les plus performants via un système de financement transversal, permettant de comparer différents projets de recherche.
Les crédits d'intervention de l'Agence nationale de recherche sont passés de 850 millions d'euros à 500 millions d'euros. Où cela place-t-il l'agence par rapport aux grands organismes de recherche : CNRS, Inserm, CEA, etc., par rapport à la recherche universitaire et par rapport au programme d'investissements d'avenir, qui finance en partie l'agence ? Localement, nous constatons que les laboratoires peuvent bénéficier de nombreux cofinancements.
L'objectif de départ - aider les laboratoires performants et ayant une visibilité dans leur discipline - a-t-il été rempli ou la diminution des moyens qui s'est accompagnée d'un taux de succès des appels à projets décourageant a-t-elle décrédibilisé cet outil pourtant efficace dans d'autres pays ?
Depuis la création de l'agence, il y a certes eu un phénomène de contrainte budgétaire, mais peut-être a-t-on aussi fait les choses à moitié. En effet, on a le sentiment que l'on maintient l'outil sans lui donner de moyens afin de le « tuer ». Aussi, selon vous, la baisse des crédits est-elle liée à des questions budgétaires ou traduit-elle une volonté de changer de cap et de réduire le champ des missions confiées à l'Agence nationale de la recherche ?
Par ailleurs, cette évolution traduit-elle un coup très fort porté à l'effort de recherche ou les outils existants ont-ils permis de compenser cette baisse ?
Pour répondre à Marc Laménie, l'Agence nationale de recherche est une sorte de banquier, qui contribue au financement de programmes proposés par des chercheurs issus d'universités, de grands organismes, voire d'entreprises, même si cela reste marginal.
Les 850 millions d'euros que j'évoquais me semblent constituer un seuil permettant de répondre dans de bonnes conditions aux demandes déposées. Je précise qu'il s'agit de financement sur projet. Cela ne doit pas être confondu avec les crédits récurrents en faveur des universités ou des grands organismes.
Dire que l'on pourrait faire aussi bien ou mieux sans l'Agence nationale de la recherche ne me paraît pas fondé. En effet, comme l'a rappelé Fabienne Keller, en 2005, l'objectif était de s'aligner sur les grands standards européens en créant un dispositif de financement de la recherche sur projets. Cela existait avant mais de manière marginale, la recherche étant essentiellement financée sur des crédits récurrents. Or on constate qu'à l'échelle internationale le financement sur projets devient de plus en plus important alors qu'en France, après une prise de conscience au milieu des années 2000, les crédits consacrés à ce type de financements ont diminué au profit des grands organismes et des universités via un phénomène de vases communicants. Cela s'est traduit par une diminution des crédits en faveur des projets et par une augmentation des financements moins ciblés, qui ont pu servir à alimenter la trésorerie des grands organismes et des universités pour leur permettre de financer leurs dépenses de fonctionnement et non pour faire de la recherche.
Pour répondre à Fabienne Keller, l'Agence nationale de la recherche devrait bénéficier d'un peu plus de 670 millions d'euros de crédits d'intervention en 2017. En dessous du seuil que j'évoquais de 850 millions d'euros, cela ne me semble pas viable. À titre de comparaison, le budget du CNRS s'élève à 3,2 milliards d'euros, celui de l'Inserm à 896 millions d'euros et celui du CEA à 4,1 milliards d'euros. Au total, la recherche publique représente une dépense de dix milliards d'euros.
Pour répondre à Vincent Capo-Canellas, mon sentiment est qu'il y a une volonté de conserver l'outil, même si la prise de conscience par l'ancien Président de la République, qui s'est traduite par une augmentation des crédits consacrés à l'agence en 2016 et 2017, a été tardive.
Par ailleurs, l'actuel Président de la République a déclaré que la diminution des moyens de l'agence avait été une erreur et qu'il porterait ses crédits à une hauteur comparable à ceux des grandes agences internationales. Il s'agit d'une déclaration d'intention mais je ne peux pas imaginer qu'il n'en soit pas ainsi dans la mesure où, je le redis, les moyens de l'agence ont atteint un seuil en dessous duquel sa viabilité est en question. De manière prudente, je propose que ses crédits d'intervention soient portés à 850 millions d'euros à l'horizon 2020, tout en sachant que pour que l'Agence nationale de la recherche soit aussi compétitive que les grandes agences internationales, un budget de l'ordre d'un milliard d'euros, soit 10 % de l'ensemble des crédits consacrés à la recherche, serait nécessaire.
Pour être précis, outre l'Agence nationale de la recherche, le financement sur projets comprend différents vecteurs : le programme d'investissements d'avenir, la participation des collectivités territoriales, notamment des régions, des départements et des métropoles, et les crédits européens, de plus en plus conséquents. Sur ce dernier point, je rappelle qu'un mouvement existe depuis plusieurs années se traduisant par une diminution des demandes déposées auprès de l'agence et, dans le même temps, par une augmentation de celles déposées auprès de l'Europe.
Tant que le taux de succès des appels à projets n'atteindra pas 20 %, alors que ce taux à l'international est de 25 %, il sera difficile pour l'agence d'être performante.
La commission donne acte de sa communication à M. Michel Berson et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.
Le Président de la République a annoncé une importante évolution de la taxe d'habitation et, avec le rapporteur général, nous avons considéré que notre commission se devait de jouer un rôle moteur dans le débat sur l'avenir de cet impôt.
Dans ce cadre, nous vous proposons de constituer un groupe de travail qui a vocation à être actif jusqu'aux élections de septembre. Ce groupe comprendrait, comme nous en avons désormais l'habitude, des représentants de tous les groupes. S'agissant d'une question fiscale, il serait, naturellement, coordonné par le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Jacques Genest, Charles Guené, Claude Raynal, Maurice Vincent et Jean Pierre Vogel sont désignés membres du groupe de travail sur l'évolution de la taxe d'habitation.
La réunion est close à 12 h 15.