Le programme 146 est structurant pour nos armées, car il concerne l'équipement des forces et il représente 30 % des crédits du ministère pour 2019. En outre, avec 10,9 milliards d'euros, il s'agit aussi du premier budget d'investissement de l'Etat. Le fait majeur de ce premier budget de la nouvelle LPM, c'est naturellement la progression des crédits : + 644 millions d'euros par rapport à 2018, soit une augmentation de 6,3 %. Il s'agit bien de l'inflexion prévue par la LPM, et à ce titre on ne peut que s'en réjouir. Toutefois, cette hausse n'est pas uniformément répartie. Elle bénéficie surtout à l'action 6 « Dissuasion » (+ 331 millions d'euros) et à l'action 7 « Commandement et maîtrise de l'information » (+ 304 millions d'euros).
Mais au-delà des seuls crédits de paiements, on observe des évolutions parfois différentes pour les autorisations d'engagements, lorsque de grands programmes sont à leurs débuts. C'est le cas ainsi de l'action 8 « Projection-mobilité-soutien », dont les crédits de paiements sont en recul de 4 %, alors que les autorisations d'engagements bondissent de + 84 %, ce qui s'explique par la commande de trois pétroliers-ravitailleurs dans le cadre du programme FLOTLOG.
Cela étant, cette amélioration espérée et attendue par nos armées est fragilisée par plusieurs éléments. Le premier et le plus important d'entre eux a trait aux conditions de la fin de gestion de l'exercice 2018. Notre commission a dénoncé publiquement le fait que le Gouvernement a décidé de faire supporter la totalité du surcoût OPEX de 2018 au seul ministère des armées. Cela correspond à 404 millions d'euros qu'il faut trouver dans le budget des armées. La clef de répartition est déjà connue, et sans surprise, car c'est la pratique habituelle que notre commission dénonce régulièrement et qu'elle a encore dénoncée dans le rapport sur la LPM, c'est le programme 146 qui sera le plus lourdement impacté, avec 319 millions d'euros annulés. Il s'agit du recours à la facilité habituelle : les annulations sur les programmes d'équipements produisent des impacts de moyen-long terme, peu visibles pour nos concitoyens à court terme. Contrairement à ce que voudrait nous faire croire Bercy, cela aura des conséquences concrètes pour le budget des armées en 2019. Lesquelles ? Il ne nous est pas encore possible, à ce jour, de les déterminer toutes en détail, car en réalité le Gouvernement lui-même ne semble pas avoir complètement arbitré la question. Mais il n'y a pas de miracles : ces millions annulés aujourd'hui, il faudra les payer plus tard, c'est-à-dire au cours d'une LPM qui, avant même son premier jour, est déjà dans le rouge.
Bien sûr, on pourrait dire -et le Gouvernement ne s'en prive pas- que par rapport à d'autres ministères, le ministère des armées a été plutôt bien loti, et que par conséquent, il n'y a pas lieu de se plaindre. Cet argument ne tient pas, pour trois raisons : premièrement, ces annulations ne sont pas symboliques : pour le programme 146, elles représentent 3 % des crédits ; deuxièmement, si le ministère des armées voit ses crédits augmenter, en application d'une LPM que nous presque tous votée, c'est tout simplement pour répondre à deux défis : le défi de la montée des menaces, qui a été décrit lors de la Revue stratégique, et qui a été confirmé par la LPM ; et le défi du comblement des lacunes capacitaires qui s'étaient creusées au cours de trois décennies de sous-investissement ; troisièmement, le plus grave est sans doute la logique qui sous-tend ce raisonnement : les armées ont plus de crédits, donc on peut leur en prendre plus. Si on suit ce raisonnement lorsque le budget des armées augmente d'1,7 milliard d'euros, que se passera-t-il lorsqu'il s'agira d'ajouter 3 milliards chaque année, dans la seconde partie de la LPM ? Nous nous étions tous inquiétés de la trajectoire de cette LPM. Mais les plus sceptiques d'entre nous ne s'attendaient sans doute pas à ce que nous soyons si vite dans les difficultés, alors que nous sommes dans la partie « facile » ou modeste de cette LPM qui doit nous mettre sur la trajectoire de l'Ambition 2030.
Deuxième conséquence probable de ces annulations : l'aggravation des restes à payer, ces charges qui se répercutent sur l'année suivante. Pourtant, là encore, la LPM prévoyait leur diminution progressive.
En conclusion, nous voyons malheureusement cette LPM de redressement se heurter d'emblée à des logiques budgétaires qui posent, en fin de compte, la question des priorités politiques. Il faut bien reconnaître que, dans ces conditions, on se demande comment nous allons, dans les années qui viennent, moderniser notre dissuasion, combler les trous capacitaires, moderniser les matériels conventionnels, tout en investissant les nouveaux champs de conflictualité et en renforçant le renseignement. Il y a par rapport à tous ces défis simultanés l'obligation de tenir un discours de vérité, et c'est ce à quoi nous devrons continuer à nous employer au cours de cette LPM. Pour ces raisons, je vous propose de nous abstenir sur les crédits du programme 146.
On ne peut aborder l'examen des crédits du programme 146 sans considérer le contexte général dans lequel s'inscrit le PLF pour 2019. Ce contexte, c'est d'abord celui de la LPM, sur laquelle nous avons fondé beaucoup d'espoirs, puisqu'elle a été votée à la quasi-unanimité du Sénat. Plus important encore, le contexte, c'est celui des espoirs et des attentes des femmes et des hommes qui servent la France dans nos armées. Or ces espoirs sont déjà déçus, avec la fin de gestion 2018 et les 404 millions d'euros ponctionnés sur les crédits de 2018. Plus qu'un problème budgétaire, c'est avant tout un problème politique : tout d'abord, cette ponction est contraire à l'article 4 de la LPM de 2013, qui s'applique encore en 2018, qui prévoyait que le surcoût des OPEX était financé par la solidarité interministérielle. Nous sommes bien placés pour le savoir, puisque c'est le Sénat qui avait introduit cette disposition. Mais surtout, ce principe de solidarité interministérielle, le Gouvernement actuel l'a réaffirmé dans la nouvelle LPM que nous avons votée il y a seulement quatre mois, et qu'il écarte aujourd'hui d'un revers de la main.
L'enjeu va bien au-delà des 404 millions d'euros de 2018 (dont 319 millions pour le seul programme 146) : c'est la crédibilité des engagements de la LPM qui est en jeu, parce que le Gouvernement fait à l'automne le contraire de ce qu'il a dit au printemps. Or le Gouvernement a fait le choix d'une LPM longue (7 exercices), et déséquilibrée, puisque l'essentiel de l'effort sera en deuxième partie de LPM. Dans ces conditions, et nous l'avions dit et répété lors de la LPM, ce qui était essentiel c'était la fidélité du Gouvernement aux engagements qu'il prenait. C'est parce qu'elle va à l'encontre de ces engagements que cette annulation de 404 millions est inquiétante, et c'est pour cela qu'elle donne nécessairement une coloration négative à l'appréciation que nous pouvons porter sur les crédits pour 2019.
Lors des débats sur la LPM, l'attention s'est souvent portée, à juste titre, sur la dimension capacitaire du redressement annoncé de nos armées. Il est certain que, à l'examen de ce premier budget de la nouvelle LPM, on se demandait naturellement si la trajectoire de remontée en puissance capacitaire allait être suivie. Clairement, l'annulation de 319 millions d'euros en 2018 pour le programme 146 représente un mauvais départ. Nous sommes toujours en attente de savoir exactement où s'imputeront ces annulations. Mais nous ne parlons pas de choses théoriques : 319 millions d'euros d'annulation, c'est l'équivalent de 2 ans et demi de livraisons de blindés Griffon !
Certes, il y aura en 2019 un certain nombre de livraison et de commandes. Je rappelle du reste que ce redressement avait été entamé sous le précédent quinquennat, car beaucoup des matériels que nous verrons livrés en 2019 n'ont pas été commandé en 2018, mais bien avant. Pour les livraisons, je n'évoquerai que les plus importantes, avec un A400 M Atlas, un MRTT Phénix et deux C-130 J ; deux systèmes de 3 drones MALE Reaper ; 10 hélicoptères NH90 et les 500 premiers VLTP destinés à remplacer les vieilles jeeps P4 ; une FREMM (frégate multi-missions) ; et 89 blindés multirôles lourds Griffon.
Je dois m'arrêter sur ce programme Griffon : lors des auditions en commission, nous avons à plusieurs reprises demandé si le calendrier serait tenu sur le Griffon. Nous avons reçu des réponses rassurantes. Il nous revient pourtant, comme rapporteurs pour avis, de rester vigilants sur ce programme. Rappelons que Scorpion, dans son ensemble, est un projet très ambitieux par ses objectifs, notamment en termes d'infovalorisation du combat. Or nous avons appris, et le DGA l'a confirmé lors de son audition, que Thalès a rencontré des difficultés significatives sur les Griffon. De fait, les 3 exemplaires annoncés comme livrés dès cette année ne seraient en réalité par encore réceptionnés par l'armée de terre, en raison de ces difficultés. Thalès, que nous avons interrogé à ce sujet, nous indique que les difficultés sont très clairement identifiées et en cours de traitement, ce qui devrait permettre, selon l'entreprise, de tenir le calendrier de livraison prévu. Cela ne sera pas facile, avec 89 Griffon à livrer sur l'année.
Quant aux commandes, les plus importantes sont : 4 systèmes de drone MALE européen ; 3 pétroliers ravitailleurs ; 12 000 fusils HK 416 ; et le dernier SNA Barracuda.
Les actions budgétaires du programme reprennent la nomenclature de la défense en systèmes de forces. Sans surprise, deux actions se détachent nettement des autres : la dissuasion (action 6) et l'action « engagement et combat » (action 9). Avec 3,58 milliards d'euros de crédits de paiement, la dissuasion est la première action du programme 146, et elle représente à elle-seule un tiers du total. A noter que, si on y ajoute les crédits du programme 144 qui concernent la dissuasion, nous sommes proches des 4 milliards d'euros, ce qui représente environ 11,5 % de l'effort de défense français. Ces dépenses portent notamment sur la poursuite du déploiement et du développement du missile M51 et sur la préparation de l'ASN4G (missile air-sol nucléaire de 4ème génération) qui succèdera à l'ASMP-A. Nous avons du reste effectués un déplacement chez MBDA à Bourges au cours duquel nous avons évoqué ce sujet important.
Deuxième action, en importance, du programme, l'action « engagement et combat » fait presque jeu égal avec la dissuasion, avec 3,46 milliards d'euros de crédits de paiement, soit là encore un tiers du programme 146.
Certes, on constate bien qu'il y a un volume important de livraisons prévu pour 2019, avec souvent des matériels de dernière génération. C'est globalement conforme à la trajectoire définie par la LPM. Mais cet afflux ne doit pas nous faire oublier la fragilité originelle de la LPM : le fait que le plus dur restera à faire après la revoyure de 2021. Comme nous l'avons déjà évoqué lors de l'examen du PLFR lundi, cette nouvelle LPM, avant même d'être entrée en vigueur, n'est déjà pas respectée. Il y a lieu de le dénoncer et d'exprimer notre déception.
J'ajoute enfin que le risque que la mise en place du SNU pèse sur les moyens et les crédits de la défense n'est pas encore complètement écarté (et ce, malgré l'article 3 de la LPM, qui dispose explicitement : « Ces ressources ne comprennent pas l'éventuel financement d'un service national universel : celui-ci aura un financement ad hoc qui ne viendra en rien impacter la loi de programmation militaire ».)
Pour toutes ces raisons, je vous propose donc d'émettre un avis défavorable aux crédits du programme 146. Il nous faut en effet adresser au Gouvernement le signal que nous sommes désormais dans le concret. Le temps des annonces est passé, et nous ne pouvons nous satisfaire de la mise en place d'une LPM déjà bafouée. Nous souhaitons une véritable sincérisation du budget des armées. Pour l'heure, le compte n'y est pas.
Monsieur le Président, mes chers collègues, pour 2019, les crédits de personnel inscrits au programme 212 s'établissent à 20,55 milliards d'euros, en augmentation de 1,3 % (+265 millions d'euros), soit une progression nettement plus modérée qu'en 2018 (+608 millions d'euros).
Outre une hausse mécanique des crédits destinés aux pensions, cette augmentation de la masse salariale recouvre, pour 130,3 millions d'euros, une augmentation des dépenses de rémunérations liée à la fois au schéma d'emploi et à l'application de mesures catégorielles.
S'agissant du schéma d'emploi, les 450 créations nettes prévues en 2019, conformément à la trajectoire arrêtée par la LPM, résulteront d'environ 4 250 créations de postes et de 3 800 suppressions, dans le cadre de la poursuite de la transformation de nos armées. Les nouveaux postes permettront de répondre notamment aux besoins en matière de renseignement et de cyberdéfense (+240 équivalents temps plein ou ETP), d'accompagner la montée en puissance de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) créée en 2018 et l'arrivée de nouveaux équipements au sein des forces armées (FREMM, MRTT, capacités de surveillance aérienne...), sans oublier le soutien aux exportations. Les suppressions de postes, quant à elles, seront permises notamment par la poursuite de la rationalisation du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (MCO terrestre), la rationalisation de la carte des bases de défense (dans le cadre de la réforme des soutiens) et le retrait d'anciens équipements, notamment deux frégates et un sous-marin nucléaire d'attaque.
En termes de catégorie d'emploi, l'effort se portera sur les officiers et les civils de catégorie A, compte tenu des besoins importants en termes d'encadrement et d'expertise.
Bien sûr, comme nous l'avons souligné à maintes reprises lors de l'examen du projet de LPM, ces efforts restent insuffisants au regard des besoins : 6 000 ETP supplémentaires obtenus sur la programmation, dont les ¾ après 2022, alors que 17 000 ETP étaient demandés. Et cela indépendamment de l'éventuelle contribution des armées au futur SNU, que notre commission a bien veillé à séparer de la trajectoire de la LPM.
Pour dégager des marges de manoeuvre, il sera donc nécessaire de redéployer. C'est tout l'objet du « plan d'audit en organisation » (PAO) qui est actuellement réalisé par la direction des ressources humaines du ministère, et des 16 chantiers de transformations conduits sur son périmètre.
Pour autant, les effectifs apportés en 2019, et il faut s'en réjouir, desserreront quand même un peu la contrainte qui pèse sur l'activité opérationnelle. C'est ainsi que la Marine sera en mesure, en 2019, de développer le double équipage sur les FREMM (frégates multi-fonctions) et les patrouilleurs, qui sont les navires les plus sollicités.
Outre l'augmentation des effectifs, il faut signaler, l'impact des mesures catégorielles, pour un montant total de 131 millions d'euros. Il s'agit principalement de mettre en oeuvre la deuxième annuité du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), dont la transposition aux militaires avait été suspendue à l'automne de l'année dernière par mesure d'économie. Par ailleurs, de nouvelles mesures sont prévues pour répondre au défi de la fidélisation. Il s'agit, en effet, de répondre à la concurrence très forte du secteur privé dans de nombreux métiers (mécaniciens aéronautiques, atomiciens, spécialistes des systèmes d'information...) et de prévenir les départs prématurés qui empêchent l'institution d'amortir ses coûts de formation et mettent en danger son fonctionnement. C'est ainsi que sera créée prochainement une nouvelle « prime de lien au service » dotée de 12 millions d'euros, en remplacement de cinq primes existantes. Des mesures indemnitaires sont aussi prévues en faveur des praticiens des armées, corps qui connaît un réel problème d'attractivité.
Les dépenses non directement liées à la rémunération - dites dépenses hors socle - enregistrent une baisse de 33,5 millions d'euros, qui traduit plusieurs évolutions, notamment une diminution des dépenses de chômage des militaires (-11,8 millions d'euros) et d'aides au départ (-7,2 millions d'euros), compte tenu de la réduction des besoins. Néanmoins, le dispositif des aides au départ, qui court jusqu'à la fin de l'année 2019, devrait être maintenu, dans la mesure où il est nécessaire pour piloter le modèle « à flux » sur lequel sont bâties nos armées. Nous serons donc particulièrement attentifs à ce que la publication de l'ordonnance intervienne en temps utile.
L'enveloppe destinée aux réserves est stable à 177,7 millions d'euros (+0,2%). En revanche, la dotation de titre 2 destinée aux opérations intérieures-missions intérieures est réévaluée (+64 millions d'euros, cela concerne surtout les MISSINT cette année), conformément la LPM, dans un souci de rapprochement avec le montant constaté de la dépense.
Après ce rapide tableau des crédits de titre 2 pour 2019, je voudrais insister sur trois enjeux majeurs pour l'année à venir dans le champ des RH :
- le premier est celui de l'attractivité des armées, c'est-à-dire leur capacité à recruter à la hauteur de leurs besoins, en quantité (25 300 recrutements à réaliser en 2019, je le rappelle, dont plus de 3 000 civils) mais aussi en qualité, avec la problématique des compétences rares ou critiques, et à conserver leurs ressources, en d'autres termes à les fidéliser. C'est un défi majeur, sur lequel ont insisté tous les responsables d'armées et de services que nous avons entendus. Et c'est aussi une question non neutre au plan budgétaire, comme nous venons de le voir avec cette fin de gestion 2018, les départs prématurés et la difficulté à recruter contribuant à la sous-consommation du titre 2. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, la réponse à ce défi ne peut être que multi-factorielle. La LPM apporte des outils, à travers l'expérimentation de recrutements sans concours et l'assouplissement du recours à des personnels contractuels pour pourvoir certains postes présentant des vacances d'emploi dans des spécialités bien identifiées (génie civil, systèmes d'information..). Le présent PLF prévoit, quant à lui, le financement de la nouvelle prime dite « de lien au service » qui devrait être attribuée par chaque armée selon ses besoins. Contribuent aussi à l'attractivité et la fidélisation une gestion plus dynamique et cohérente des carrières, de même que les mesures susceptibles de diversifier l'activité dans les métiers réputés monotones, ou à réduire l'usure générée par la suractivité, par exemple en étoffant les équipes. Il faut, bien sûr, citer aussi le « plan familles », qui vise à apporter des améliorations à la vie quotidienne en termes de gardes d'enfants, d'accompagnement du conjoint vers l'emploi, de prévisibilité de l'activité et des permissions, de mobilité... et plus largement, l'attention portée à la condition du personnel.
- Le deuxième défi concerne la rémunération des militaires, avec plusieurs rendez-vous à risque. En premier lieu, le prélèvement à la source, qui ne devra pas conduite à soumettre à l'impôt certaines primes et indemnités non fiscalisables, comme celles que les militaires perçoivent lorsqu'ils partent en OPEX. En second lieu, la bascule de Louvois à Source Solde, qui devrait intervenir au printemps 2019 pour la Marine nationale, sous réserve que les pré-soldes conduites en double dans un premier temps donnent satisfaction, avant d'être étendue aux autres armées. Le désastre Louvois ne doit pas se reproduire ! Enfin, la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM), réforme de grande ampleur (puisque quelque 300 000 agents sous statut sont concernés) sera engagée dès 2019. Les objectifs de ce vaste chantier, l'une des priorités du ministère au cours de la prochaine programmation, sont multiples. Il s'agit de simplifier un système indemnitaire comprenant 174 primes pour en améliorer la lisibilité et réduire les coûts de gestion, mais aussi assurer l'attractivité des emplois et des carrières, favoriser une gestion différenciée du personnel et la maîtrise de la masse salariale. Selon la méthodologie adoptée, la nouvelle rémunération devrait prendre en compte huit paramètres différents tels que les sujétions statutaires, l'exercice de responsabilités, l'engagement opérationnel, les activités spécifiques à haut niveau d'exigence, la mobilité...480 millions d'euros sont prévus dans la LPM 2019-2025 pour mener à bien cette réforme techniquement délicate et sensible et compenser les pertes de revenus. Pour autant, la perspective de sa mise en oeuvre, à compter de 2021, est un motif d'inquiétude pour les militaires.
- Enfin, le troisième défi, qui vient s'ajouter aux précédents, est celui de la réforme des retraites, qui vise à remplacer l'actuel système actuel par répartition par un système dits « à points ». Cette réforme permettra-t-elle de conserver la singularité militaire, qui se traduit par des bonifications spécifiques et par des limites d'âges et un dispositif de décote adaptés à des carrières courtes ? Le 13 juillet 2018, le Président de la République a donné des assurances en ce sens, mais l'économie du projet n'est pas encore connue et devra être examinée attentivement le moment venu, dans le courant de l'année 2019.
Je cède maintenant la parole à mon collègue Gilbert Roger.
Mes chers collègues, le programme 212 hors titre 2 est le programme « support » du ministère, correspondant aux missions portées par le Secrétariat général de l'administration, notamment en matière de politique immobilière, de systèmes d'information, de ressources humaines et de restructurations.
Ce programme 212 hors titre 2 a connu l'an dernier une forte hausse, de près de 20%.
Cette année, les crédits s'élèvent à 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), en baisse de 1 %, et à 2,6 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse de 3%.
Après une forte hausse, les crédits sont donc stabilisés.
Ceci reflète l'évolution des crédits de la politique immobilière, qui représentent les deux tiers du programme soit 2,1 milliards d'euros en AE et 1,8 milliards d'euros en CP, en légère hausse, mais seulement pour les crédits de paiement, après une augmentation exceptionnelle de plus de 400 millions d'euros l'an dernier.
Ce budget doit permettre la poursuite des opérations d'infrastructure d'importance stratégique, qui sont prioritaires. Certains d'entre nous ont vu par exemple le nouveau hangar du MRTT à Istres, qui est impressionnant. Ces opérations d'infrastructures entraîneront des pics de paiement entre 2020 et 2022, ce qui conduit au ralentissement d'autres opérations. C'est le cas par exemple du programme d'adaptation de certains espaces d'entraînement de l'armée de terre. Il ne faudrait pas que les équipements majeurs soient mieux logés que les soldats... c'est le risque qu'a pointé devant nous le chef d'état-major de l'armée de terre.
L'effort réalisé en faveur des conditions de vie du personnel se poursuit avec une hausse de 3% en AE et de 7% en CP.
Par ailleurs, l'offre de logements doit augmenter de 660 unités en métropole d'ici à 2023, conformément au plan Familles. Les crédits affectés au logement familial en 2019 sont toutefois stables.
Un effort particulier est prévu en faveur des opérations de réhabilitation supérieures à 500 000 euros, c'est-à-dire la maintenance lourde, dont la dotation augmente significativement. Il s'agit d'accélérer la mise à niveau des ensembles d'hébergement et de restauration les plus détériorés. Je rappelle que la loi de programmation militaire ne permet qu'une stabilisation de l'état du patrimoine. Elle prévoit un effort d'investissement de 13,6 milliards d'euros entre 2019 et 2025. Mais des arbitrages ont conduit à reporter 1,5 milliard d'euros d'investissements après 2025.
Nous avions indiqué, lors de la discussion de la LPM, que la soutenabilité de l'effort à réaliser était incertaine, en l'absence de renforcement des services de soutien. La stratégie d'efficience accrue a ses limites. Le Secrétaire général de l'administration nous a confirmé des difficultés à dépenser les crédits alloués l'an dernier, à hauteur de 60 millions d'euros environ.
La décentralisation des petits travaux est une réponse encourageante à la saturation des services de soutien. La convention dite « SPIRALE » entre l'armée de Terre et le service des infrastructures de la défense (SID) doit permettre de redonner des leviers d'action aux chefs de corps.
L'externalisation est une autre réponse, mais avec également des limites, en termes de délais et de prise en compte des besoins et de leurs évolutions.
Nous avons auditionné le service des infrastructures de la défense (SID). Ce service comptait 11 500 employés en 2005... Il en compte aujourd'hui 6 700 et cet effectif ne progressera pas sur la durée de la LPM.
Le SID a été bâti depuis 2005 dans la perspective d'un milliard d'euros de dépenses immobilières annuelles. Or la LPM fixe un objectif de plus de 2 milliards d'euros par an. Ce service est donc sous forte tension, d'autant que la moitié de son personnel civil partira à la retraite dans les cinq prochaines années, ce qui signifie que 400 recrutements par an sont nécessaires.
Précisons que les évolutions des soutiens ne remettent pas en cause leur mutualisation dans le cadre des bases de défense (BDD) qui passeront au 1er janvier de 51 à 45. Cette mutualisation était souhaitable, mais peut-être aurait-on pu réfléchir à un réemploi intelligent d'une partie des effectifs plutôt que de les rendre de façon précipitée.
J'en viens aux cessions immobilières.
Vous connaissez les procédures de cession en cours à Paris. La cession d'une fraction de l'Ilot Saint-Germain à la régie immobilière de la ville de Paris a été réalisée le 31 mai 2018 pour un montant de 29 millions d'euros après application de la décote dite « Duflot » à hauteur de 66 % de la valeur du bien. Le ministère des armées devrait récupérer à ce titre 50 logements sociaux. Nous avons dit en LPM que c'était insuffisant. Et nous avons permis, pour l'avenir, la réservation par le ministère des trois quarts des logements sociaux réalisés dans ce type d'opération (article 47 de la LPM). Cela doit permettre de faire beaucoup mieux que ce qui a été fait dans le cadre de la cession de l'Ilot Saint-Germain.
L'avenir du site du Val-de-Grâce est toujours à l'étude. La cession, estimée à 150 millions d'euros, est envisagée en 2021 et constitue l'essentiel des prévisions d'encaissement du compte d'affectation spéciale à cette échéance.
Je terminerai en évoquant rapidement Source-Solde.
Plus de 99,9% des soldes payées par Louvois le sont désormais sans incident... Mais il va falloir passer à Source-Solde. La bascule était prévue cette année. Elle a été reportée à 2019 pour la marine, puis ce sera le tour de l'armée de terre en 2020. Les crédits augmentent, notamment en raison de l'allongement des tests.
L'expérience passée, la complexité du système de rémunération des militaires et l'introduction concomitante du prélèvement à la source devraient inciter à la plus grande prudence.
Malgré un effort significatif l'an dernier, la politique immobilière est le maillon faible de la LPM. Les orientations sont bonnes mais d'une ampleur insuffisante.
C'est pourquoi je m'abstiendrai sur ce budget, dans une optique qui se veut constructive.
président, en remplacement de M. Jean-Marie Bockel, co-rapporteur du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».- Je vais donner lecture de l'intervention de notre collègue Jean Marie Bockel, co-rapporteur du programme 178, qui ne peut pas être avec nous ce matin, puisqu'en sa qualité de président de la délégation aux collectivités territoriales, il accompagne le Président Gérard Larcher au Congrès des maires.
« Nous pouvons être globalement satisfaits de l'évolution des crédits du programme 178 en cette première annuité de la nouvelle LPM tout en restant vigilant sur un certain nombre de points.
Les crédits de paiement augmentent de 8,9% par rapport à 2018 pour s'établir à 8,78 milliards d'euros. Cette progression a deux causes essentielles :
- l'augmentation des ressources dédiées au financement des opérations extérieures, soit 195 M€ (après une augmentation de 125 M€ en 2018) pour atteindre 600 millions d'euros ;
- et l'effort en faveur des crédits d'entretien programmé du matériel, avec 375 M€ supplémentaires, soit une augmentation de 8% permettant d'atteindre 4,2 Md€ en 2019. La progression des autorisations d'engagement dédiées à l'EMP, dont je vous reparlerai, est encore plus spectaculaire, s'établissant à 69,9% pour atteindre ainsi 14,9 milliards d'euros (contre 8,8 en 2018).
La hausse provient donc partiellement du resoclage budgétaire des surcoûts des OPEX pour 600 millions d'euros, sur les 850 millions d'euros consacrés aux OPEX en 2019. Cette « sincérisation » du budget, que nous avons d'ailleurs appelée de nos voeux, va dans le bon sens, mais appelle trois remarques :
- le niveau de crédits prévu ne sera pas suffisant, ce qui entraînera l'année prochaine encore des mises en réserve et un douloureux débat sur la fin d'exécution budgétaire ;
- par ailleurs, si notre commission a soutenu le principe de ce resoclage, c'était à due concurrence d'une augmentation du budget de la mission. Or le budget augmente mais le poids relatif des OPEX passera entre 2018 et 2019 de 5 à 7% des crédits du programme 178. Les crédits dédiés aux OPEX augmenteront de 48% contre 9% pour l'ensemble du programme. Il nous faudra donc être très attentif à l'augmentation des crédits OPEX qui doivent atteindre 1,1 milliard d'euros dès 2020.
- enfin, dernière remarque, face à cette incertitude, il me semble que nous pouvons nous féliciter que notre commission ait modifié l'article 4 de la LPM pour prévoir que les surcoûts nets, hors crédits de masse salariale, non couverts, feront l'objet d'un financement interministériel, la participation de la mission « Défense » à ce financement interministériel ne pouvant excéder la proportion qu'elle représente dans le budget général de l'État.
L'autre évolution remarquable de 2019 concerne l'accroissement des moyens du programme 178 dédié à l'entretien programmé du matériel (EPM). Cette progression était vivement appelée de nos voeux mais nous devons rester particulièrement attentif à la progression des coûts unitaires du maintien en condition opérationnelle qui augmentent dans tous les domaines : terrestre, naval et aéronautique. Aucune amélioration n'est à attendre, qu'il s'agisse d'entretenir des flottes ou parcs vieillissants ou neufs. Le risque d'une envolée exponentielle de ces lignes budgétaires doit nous alerter et inciter le ministère à prendre cette dimension en compte dans la réforme de la maintenance en cours.
Cette réforme, et ce sera ma deuxième remarque, marque un vrai changement d'orientation de l'organisation du MCO. Je vous parlais déjà l'année dernière du délestage d'activités du MCO terrestre vers le privé. Les hypothèques qui pesaient sur le financement de cette réforme ont été levées et les crédits nécessaires à l'externalisation des marchés d'entretien sont à un niveau suffisant, comme en témoigne l'augmentation des autorisations de programme. Celle-ci permettra également la mise en oeuvre de l'externalisation des marchés d'entretien des équipements aéronautiques sous la houlette de la nouvelle Direction de la maintenance aéronautique (DMAé). Ces autorisations de programme pluriannuelles sont l'instrument fondant les contrats de performance passés avec les industriels sur la base de contrats verticalisés. Ceci signifie que pour un équipement, tous les multiples contrats d'entretien sont regroupés en un seul, confié à un seul industriel en charge de l'entretien, de la gestion des stocks de rechange et de la disponibilité de l'équipement concerné. C'est un changement de paradigme. Il nous faudra veiller au fur et à mesure de sa mise en place à la performance et à l'encadrement de l'évolution des coûts. C'est un enjeu auquel nous devrons être attentifs, car c'est le capital opérationnel de notre armée qui est en jeu !
Enfin, dernière observation sur l'augmentation des crédits de l'EPM, l'effort consenti ne se traduit pas par une augmentation de la disponibilité technique opérationnelle et son amélioration tardera probablement à venir. La disponibilité technique de l'A400M était de 28% du parc au 1er septembre 2018, celle du Mirage 2000D de 33%, celle du Rafale Air de 55%, celle du Tigre de 29%, vous retrouverez tous ces chiffres dans notre rapport. C'est dans cette optique que nous avons modifié l'article 6 de la LPM relatif à l'actualisation de la programmation. Nous avons souhaité que les actualisations permettent de vérifier l'amélioration de la disponibilité technique des équipements et que des objectifs annuels soient fixés dans ces domaines. Le PLF ne prévoit de cible que pour 2020, ce qui ne nous permet pas de juger des perspectives d'évolution de la DTO. La réforme de la maintenance vise à donner de la visibilité aux industriels, il serait bon qu'elle en donne également au Parlement.
Mes chers collègues, je voudrais insister brièvement sur deux autres sujets. Tout d'abord le Soutien aux exportations (SOUTEX). On nous a dit pendant des années qu'il ne posait pas de difficulté aux armées alors que nous alertions sur ses répercussions néfastes sur les coûts de possession des matériels et sur l'éviction de la formation militaire au profit des acheteurs, la LPM prévoit un net accroissement des ressources humaines en charge du SOUTEX, soit 400 personnes, dont 15 pour l'état-major des armées et 30 pour la DGA dès 2019. Cette montée en puissance suffirait-elle si de nouveaux marchés devaient être passés ? Nous devrons y veiller.
Enfin, nous avons entendu le CEMA en commission et nous avons auditionné avec notre collègue Christine Prunaud, le major général des armées sur le sujet de la responsabilisation des commandements, ou pour le dire de façon plus concrète la réforme des soutenants au service des soutenus. Encore en cours de définition cette réforme va dans le bon sens, obéissant à la règle « un chef, une mission, des moyens » et participe du plan gouvernemental Action publique 2022.
Ceci se traduit par la volonté de redonner des leviers au commandement opérationnel et aux armées sans pour autant remettre en question les structures organisationnelles qui prévalent actuellement dans les soutiens et qui sont le fruit d'un mouvement continu de transformation des services engagé depuis des années dans un contexte de forte rationalisation des ressources. Le second axe vise à revisiter l'organisation des échelons de commandement, en particulier au niveau territorial. La réforme portera sur les responsabilités du commandant de base de Défense (COMBdD) et de l'officier général de zone de défense et de sécurité (OGZDS) ainsi que sur l'organisation territoriale du commandement et des soutiens (OTCS). Des guichets uniques des services de soutien seront mis en place, et la numérisation devrait permettre de simplifier le fonctionnement des nombreux services. On voit bien que l'enjeu consiste là à réformer pour redonner des leviers d'action aux bases de défense, sans soumettre de nouveau à son autorité hiérarchique les entités locales des services et directions de soutien interarmées. Si ce sujet a moins d'incidences budgétaires directes en 2019, il pourrait en avoir dans les prochaines années. Nous ferons sans doute au cours de l'année des déplacements pour suivre l'évolution de ces sujets. »
Compte-tenu de toutes ses observations, Jean-Marie Bockel souhaitait conclure en proposant de donner un avis favorable sur les crédits du programme 178.
La première annuité de la loi de programmation militaire est conforme aux annonces et se traduit bien par une nette augmentation des crédits du programme 178. Pourtant, et ce n'est pas une surprise, le projet de loi de finances pour 2019 suscite quelques points d'inquiétude que nous pressentions lors de la préparation de la loi de programmation militaire.
Le programme 178 est au coeur de la mission défense puisqu'il porte les crédits de la préparation opérationnelle de nos armées, gage de notre réactivité, de notre efficacité et de la sécurité des personnels. Or l'activité opérationnelle reste inférieure aux objectifs fixés, de près de 10%. La situation est préoccupante pour les trois armées.
Depuis le déploiement de Sentinelle, la cible de 90 jours de préparation opérationnelle pour l'armée de terre n'a plus été atteinte, réduite à 72 en 2016, elle n'est remontée à 81 jours en 2017 et devrait y rester en 2018 et 2019. De même, les nouvelles normes d'entraînement destinées à évaluer la capacité des équipages sur cinq matériels majeurs en service dans les forces : Leclerc, AMX 10RCR, VBCI, VAB et CAESAR, prévues dans le cadre de la LPM, ne sont réalisées qu'à 54% en moyenne en 2018. La remontée prévue est très lente : 57% en 2019 et 59% en 2020. Pour les pilotes d'hélicoptères, l'amélioration n'est pas attendue avant 2021, à des niveaux d'ailleurs assez peu élevés.
Pour l'armée de l'air, le défaut d'entraînement se traduit en particulier par une perte progressive de certaines compétences et des difficultés dans la formation des jeunes équipages qui accusent d'importants retards de progression. L'enjeu consiste désormais à rehausser la disponibilité des aéronefs et les effectifs nécessaires au maintien en condition opérationnelle. 2019 ne sera pas l'année de l'amélioration de la situation car la rénovation mi-vie des Mirage 2000 limitera en 2019 le nombre d'aéronefs en ligne et de facto les heures de vol réalisables. Pour la flotte Rafale, le soutien aux exportations contraint l'activité des pilotes. Globalement, le niveau d'activité des pilotes de chasse devrait stagner au moins jusqu'en 2021.
Enfin, pour la marine, le chef d'état-major nous a dit lui-même en audition que l'entraînement était l'un des enjeux forts de 2019. Les niveaux de préparation sont tributaires de la régénération des potentiels humain et technique, lesquels sont actuellement soumis à de très fortes tensions dans la mesure où les engagements opérationnels sont largement au-delà des contrats opérationnels fixés par la LPM, mais aussi en raison du vieillissement de certaines flottes et des besoins de régénération des équipements.
Nous avons fait adopter dans la cadre de la LPM des amendements pour que l'urgence de la remontée de la préparation opérationnelle soit affirmée et ne soit pas repoussée à un horizon de moyen terme. Il nous faut continuer d'attirer l'attention du gouvernement sur ce sujet, essentiel pour la sécurité de nos troupes !
Dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire, nous avons poursuivi l'examen attentif de l'exercice de leur mission par les grands services de soutien, éternels sacrifiés du ministère ayant subi de plein fouet la révision générale des politiques publiques, les efforts de déflations prévues par la précédente LPM puis la remontée en puissance de la force opérationnelle terrestre-FOT qui les a mis sous tension.
Nous avions obtenu un moratoire pour la baisse des effectifs du Commissariat des armées : c'est désormais fini. Alors que ses effectifs ont diminué de 30% en moins de 10 ans (soit 9 000 postes supprimés), dont 100 personnels ces 5 dernières années, le nombre des soutenus augmentant de 1 000 personnes sur la même période. De 2019 à 2023, le schéma d'emploi prévoit encore 150 suppressions de postes. Pourtant, le SCA n'est pas au bout de sa réforme : avec le plan « SCA 22 », de grands défis l'attendent encore pour mettre ses systèmes d'information à la hauteur des besoins, et parvenir à améliorer ses résultats dans la fonction habillement, comme dans le transport où les tensions sont réelles, essentiellement liées à l'âge élevé de la flotte, soit 7 ans en moyenne. Aucun financement n'est toutefois prévu pour le parc de véhicules en 2019.
La même attention doit être portée au service de santé des armées-SSA. Depuis 2014, il a perdu 1 600 hommes soit 8% de ses effectifs. Le service dispose de 700 médecins des forces, il lui en manque 100 ! Les personnels projetés effectuent 200% du contrat opérationnel. Alors que les déficits de personnels sont déjà criants dans certaines spécialités telles que les chirurgiens orthopédistes ou les dentistes, la surprojection de ces personnels finit par les pousser à quitter le service. C'est désormais 20% du contrat opérationnel du SSA en OPEX qui est assuré par des réservistes, contre 10% l'année dernière.
Face à cette situation très inquiétante dont on pouvait penser qu'elle risquait à moyen terme d'obérer la capacité de la France à entrer en premier sur les théâtres d'opération faute de pouvoir projeter le personnel médical indispensable, notre commission a été entendue. La prochaine loi de programmation militaire concrétise l'arrêt de la déflation des effectifs du SSA dès 2018, leur stabilisation jusqu'en 2023 et leur remontée modérée au-delà. Cette nouvelle trajectoire se traduira par la mise en oeuvre du nouveau modèle hospitalier militaire, la poursuite de la remontée en puissance de la médecine des forces et la préparation de l'avenir avec la mise en formation de 15 élèves praticiens et 10 élèves infirmiers supplémentaires pour 2019.
Ce satisfecit ne doit toutefois pas nous inciter à moins de vigilance, la situation du SSA reste fragile. La féminisation du corps médical pose certains défis. Le fonctionnement quotidien des centres médicaux des armées est marqué par un accroissement des besoins en expertise médicale d'aptitude et une intensification des activités de soutien des activités à risque, du fait de l'augmentation de la FOT et du plan Réserve 2019.
Enfin, l'attractivité du secteur civil, particulièrement forte pour certaines spécialités hospitalières (radiologie, anesthésie-réanimation et chirurgie), favorise de nombreux départs de l'institution. La stabilisation du SSA reste donc à surveiller. Je remercie le président de la commission d'avoir invité Mme Maryline Gygax Généro, directrice centrale du Service de Santé des Armées à venir s'exprimer devant la commission le 12 décembre prochain.
Mes chers collègues, en raison de la position de mon groupe sur l'adoption des crédits du programme 178 et de la mission défense, je donne, à titre personnel, un avis défavorable sur ce programme.
Nous en venons aux explications de vote sur l'ensemble de la mission « Défense ».
Je souhaite expliquer mon vote positif sur l'ensemble de la mission, ce qui ne devrait pas vous surprendre dans la mesure où vous en avez, lors des différentes présentations des programmes de la mission, développé les nombreux points positifs. Cette mission est marquée par une croissance significative des crédits, qui augmentent de plus d'1,7 milliard d'euros élevant le budget de la défense à 35 milliards d'euros. De même, le plan « famille » et les importantes mesures dédiées aux ressources humaines ne peuvent que remporter l'assentiment. Je soulignerais encore l'importance accordée à l'innovation, et au soutien aux PME dans ce secteur. Je suis pour ma part frappé par le très fort engagement d'un pays comme Israël, très engagé dans le développement de l'innovation. Mon groupe recommande donc un vote favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense ».
Compte tenu des positions présentées par nos rapporteurs sur les différents programmes, et des coupes sombres dans l'exécution budgétaire pour 2018, mon groupe s'abstiendra. Je note d'ailleurs que Bercy joue un jeu dangereux ces dernières semaines. Promettre des augmentations de moyens pour finalement ne pas tenir complètement ces engagements en réduisant les crédits de l'exécution précédente constitue un message difficile à admettre, en particulier pour les militaires.
Pour le groupe union centriste, les éléments d'exécution budgétaire et leur impact sur le redressement capacitaire nous amènent à recommander l'abstention.
Le groupe socialiste s'abstiendra en commission, nous verrons ce qui sera décidé pour le vote en séance publique. La première année de la LPM est contredite par les faits. On nous a expliqué que nous aurions un budget sincère, que tout allait mieux depuis que « le nouveau monde » était là. En réalité, on constate que Bercy a décidé de couper les crédits sans aucune discussion car l'Assemblée nationale a adopté les crédits de la mission « Défense » sans connaître ces réductions des crédits pour 2018 de plus de 400 millions d'euros. En conséquence, nous nous abstiendrons.
Nous sommes dans le même état d'esprit. Nous avons effectué un superbe travail pendant la discussion de la LPM. Dans les présentations qui ont été faites, on voit bien que la volonté de la ministre des armées a permis de prendre des mesures positives pour 2019. Pour autant, nous avions souhaité que soient sécurisées ces décisions budgétaires et manifestement ce n'est pas le cas. Nous ne pouvons donc pas approuver ce qui ne répond pas aux engagements qui avaient été pris. Nous nous abstiendrons.
À titre personnel, après tout ce que j'ai entendu, je vais voter pour l'adoption de ces crédits, car je ne souhaite pas laisser le groupe communiste, s'il décidait de voter contre le budget, décider ainsi du rejet du budget des armées.
Je vais me ranger à la sagesse, et comme l'a dit notre collègue, Olivier Cigolotti, après discussion, notre groupe a décidé de s'abstenir. Je tenais toutefois à souligner que les attentes, les déceptions et les inquiétudes sont très grandes sur le terrain. Cette année, à titre personnel, je m'abstiendrai, mais il faudra que les engagements pris soient respectés l'année prochaine, dans le cas contraire, notre vote ne serait pas le même.
Comme vous le savez, mon groupe politique a des positions sur le nucléaire, dont je ne désespère pas qu'elles soient un jour mieux partagées par la ministre, qui nous amènent à ne pas être favorables à l'adoption des crédits de la défense. Notre groupe s'abstiendra donc.
Je suis surpris par cette unanimité dans l'insatisfaction exprimée alors que nous présentons un budget sans précédent, caractérisé par une hausse inédite dans le passé. Vous semblez vouloir ignorer les impératifs budgétaires que vous rappelez pourtant en d'autres circonstances. Nous voterons pour ce budget dans l'allégresse.
L'expression des différents groupes politiques montre le malaise suscité par la loi de finance rectificative. Le travail de la ministre n'est pas à mettre en cause, son investissement ne fait aucun doute.
En revanche, nous sommes plus que las des mauvaises manières de Bercy et de M. Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics. Les vieilles habitudes de la technostructure de Bercy, qui contredisent le vote du Parlement, sont des pratiques intolérables. Les annulations de crédits sont inacceptables à de tels niveaux. Il est question de 400 millions d'euros ! Nous aurions pu comprendre que les commandes puissent s'étaler pour des raisons techniques, mais prendre 319 millions sur le programme 146 pour assurer le financement des OPEX n'est pas acceptable. M. Darmanin conteste le principe même que les OPEX soient financées par la solidarité interministérielle. Il s'agit pourtant d'une mesure prévue par la LPM et introduite par le Sénat aussi bien en 2013 qu'en 2018 ! Au demeurant, si l'on voulait suivre ce raisonnement, qu'il soit mené jusqu'au bout et qu'on inscrive en LFI l'intégralité des crédits permettant de financer le surcoût des OPEX, on ne demanderait alors plus aucune solidarité intergouvernementale.
Des efforts considérables sont affichés pour 2019, mais nous nous abstiendrons compte tenu de nos doutes sur la sincérité de l'exécution budgétaire. Cette promesse de « vérité budgétaire » a été faite aux militaires par le Président de la République dans de nombreuses adresses aux armées. Bercy le met donc en difficulté sur ce point. Il faudra que nous soyons nombreux en séance publique pour présenter notre position au gouvernement lors de l'examen des crédits de la défense.
La commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense », avec 5 voix pour, du groupe LREM et de M. Robert del Picchia, et l'abstention des autres commissaires présents (38 abstentions).
Mes chers collègues, le groupe Les Républicains souhaite une interversion de ses missionnaires pour 2019 : c'est Jean-Pierre Vial qui ira en Jordanie, et Hugues Saury qui sera le rapporteur de la mission Colombie. Les missions 2019 sont désormais constituées, elles ont été notifiées à M. le Président et à MM. les Questeurs, chacun peut donc se mettre au travail !
La réunion est close à 10 h 50.