Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
Présidence de M. Vincent Éblé, président -
Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.
Les crédits de paiement alloués à cette mission s'élèvent à 27 milliards d'euros. Les crédits progressent de 504 millions d'euros, soit une augmentation de 1,8 % par rapport à 2018. Ces augmentations doivent être mises en regard des annulations de crédits prévues dans le projet de loi de finances rectificative pour 2018, que nous avons examiné la semaine dernière et qui prévoyait plus de 224 millions d'euros d'annulation sur cette mission, ce qui nous laisse rêveurs.
Le budget de l'enseignement supérieur stricto sensu s'inscrit cette année dans la trajectoire dessinée par la loi de finances de 2018. Les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » connaissent une légère progression de 1,02 %, soit 173 millions d'euros en crédits de paiement.
Ce budget est globalement satisfaisant dans le contexte budgétaire actuel. De plus, il faut prendre en considération les crédits consacrés à l'enseignement supérieur et à la recherche à travers le Grand Plan d'investissement, qui s'élèvent à 645 millions d'euros.
Je partage les principales orientations de la politique qui sous-tend ce budget et, en particulier, le plan Étudiants et l'importance accordée à l'orientation. C'est en orientant mieux les étudiants que l'on réduira l'échec en licence, qui touche 40 % des étudiants, et l'insertion professionnelle des jeunes.
J'observe en revanche que, cette année encore, des dépenses salariales contraintes ne sont pas intégralement budgétées, et ce à hauteur d'environ 50 millions d'euros. Il est insupportable de ne pas prévoir une dépense pourtant certaine. Le glissement vieillesse-technicité (GVT) des établissements, dépense obligatoire, ne pourra pas être couvert. Par ailleurs, beaucoup d'emplois pourtant budgétés ne sont pas créés : ils servent de variable d'ajustement. Ce n'est pas une bonne méthode !
S'agissant des dotations des universités, la part reçue par chaque établissement progresse légèrement. Ce n'est pas satisfaisant : à ce régime, aucun rattrapage ne sera jamais fait et les inégalités auront tendance à s'accroître. Une enquête nous a montré que seuls 76 % des emplois budgétés sont réellement créés.
Les ressources propres de ces universités ne représentent en moyenne que 16 % de leurs dépenses de fonctionnement, ce qui est tout à fait insuffisant. On espère que la valorisation de la recherche pourra faire évoluer cette situation. Les frais d'inscription demeurent extrêmement faibles. M. le Premier ministre a annoncé que les étudiants non européens pourraient voir leurs cotisations augmenter substantiellement, potentiellement de 170 euros à 2 700 euros. Un rapport de la Cour des comptes doit paraître incessamment, qui recommande d'augmenter les frais d'inscription pour les étudiants français également, du moins en master et en doctorat. Je milite chaque année pour qu'on améliore la situation des étudiants en augmentant les frais d'inscription. On accepte plus facilement de payer une cotisation à un club de sport, dont l'effet sur l'avenir est tout de même moins important que celui des études supérieures ! Cela dit, ces nouvelles ressources devraient être réellement mises au service des étudiants, de leur environnement et de la pédagogie.
Le soutien à l'enseignement privé progresse de 2,5 % par rapport à 2018, après une diminution de 45 % entre 2008 et 2018. Un étudiant inscrit dans un établissement d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG) est peu soutenu par l'État : moins de 600 euros, alors que le coût par étudiant s'élève à plus de 9 000 euros. L'économie que représentent ces 100 000 étudiants pour le budget de l'État s'élève à environ 800 millions d'euros ! Je vous proposerai donc, comme les années précédentes, d'adopter un amendement tendant à augmenter la dotation allouée à ces établissements.
Les crédits du programme 231 « Vie étudiante » pour 2019 connaissent des changements modestes. Les cotisations pour les mutuelles étudiantes, qui s'élevaient en moyenne à 217 euros par étudiant, sont remplacées par la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), qui sera de l'ordre de 90 euros. Cet allégement de coûts pour les étudiants est plutôt une bonne chose. En revanche, la méthode employée a quelque chose de peu convenable : tous les étudiants paieront cette contribution, y compris ceux qui sont inscrits dans des EESPIG, alors que ces derniers recevront seulement 20 euros en retour, contre 40 pour ceux des établissements publics. Nous devons interpeller Mme la ministre de l'enseignement supérieur au sujet de cette inégalité, et lui demander d'affecter la totalité du produit de cette contribution à la vie étudiante, notamment, à la mobilité.
Je vous demande par ailleurs d'adopter l'amendement n° 1, qui vise à réaffecter 14 millions d'euros du programme « Vie étudiante » au soutien aux EESPIG. N'oublions pas que je demanderai également à Mme la ministre que le produit total de la CVEC, soit environ 130 millions d'euros, soit attribué à la vie étudiante, au lieu de 90 millions d'euros seulement.
Par ailleurs, le projet de loi de finances rattache à cette mission un article 78, qui supprime l'aide à la recherche du premier emploi (ARPE). Ce dispositif visait à soutenir les étudiants ayant obtenu un diplôme pendant quelques mois, le temps qu'ils trouvent un emploi. Ces crédits sont très peu utilisés : seuls 29 millions d'euros ont été consommés. Ce système contrarie en outre d'autres dispositifs existants et crée une différence entre les étudiants en fonction de leur obtention d'un diplôme. Je suis donc favorable à l'adoption de l'article 78.
Compte tenu de toutes ces observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'amendement que je vous présente.
Le budget de la recherche augmente de manière significative pour la deuxième année consécutive ; il faut donc savoir où vont les fonds.
La somme des budgets des programmes « Recherche » devrait atteindre 11,75 milliards d'euros au titre des autorisations d'engagement et 11,86 milliards d'euros au titre des crédits de paiement en 2019, ce qui représente une hausse de 274 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit 2,4 %, par rapport aux crédits pour 2018. Le budget pour 2019 s'inscrit ainsi dans la trajectoire dessinée pour 2018, avec une forte progression des crédits alloués aux programmes « Recherche » sur deux ans, de l'ordre de 817 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit 3,7 %, et de 440 millions d'euros en crédits de paiement, soit 1,9 %.
En dépit d'un contexte budgétaire contraint, ces hausses de crédits significatives traduisent concrètement le soutien du Gouvernement à la recherche.
Le montant total des crédits alloués aux programmes qui dépendent du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, c'est-à-dire les programmes 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193 « Recherche spatiale », s'établira en 2019 à 8,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 8,8 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une forte hausse de 322,4 millions d'euros, ou 3,9 %, en autorisations d'engagement, et de 376,4 millions d'euros, ou 4,5 %, en crédits de paiement par rapport à 2018.
À l'inverse, les programmes de la mission qui ne dépendent pas du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche verront pour la plupart leurs moyens stagner, voire diminuer en 2019. Leur budget total s'élèvera à 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une baisse significative de 1,5 %. Ce sera notamment le cas des programmes 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », 191 « Recherche duale (civile et militaire) » et 186 « Recherche culturelle et culture scientifique ».
Deux exceptions subsistent à cette tendance morose.
En premier lieu, le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricole », qui porte notamment les crédits de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) et de l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (Irstea), voit ses crédits progresser de 2 %. L'année 2019 sera marquée par la préparation de la fusion de ces deux organismes en un institut unique, qui devrait voir le jour au 1er janvier 2020. Selon les informations qui m'ont été communiquées, la préparation de cette fusion se déroulerait dans de bonnes conditions.
En second lieu, le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables » bénéficiera d'une hausse de 5,8 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cette évolution correspond à une augmentation de la dotation du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) visant à faire face à l'accroissement des dépenses destinées à la protection antiterroriste des installations, mais aussi au coût des programmes d'accompagnement du réacteur Jules Horowitz et du démonstrateur Astrid.
Dans le même temps, l'Institut français du pétrole-Énergies nouvelles (IFP-EN) verra sa subvention pour charges de service public diminuer de 4,1 millions d'euros en 2019, puis en 2020. Cette dotation a diminué de 24 % en huit ans !
Je voudrais souligner trois éléments saillants concernant les augmentations de crédits de la recherche en 2019.
Premièrement, les programmes 172 et 193 captent l'intégralité de cette hausse de crédits. Sur deux ans, le budget du programme 172 progresse de 5,2 % et celui du programme 193 de 8,8 %, tandis que, comme en loi de finances pour 2018, les programmes qui ne dépendent pas du ministère de la recherche et de l'enseignement supérieur voient leurs crédits stagner ou diminuer.
Deuxièmement, le budget alloué à la recherche spatiale française absorbe les deux tiers de la progression des crédits de la mission, avec une augmentation de 205 millions d'euros des crédits du programme 193, pour atteindre 1,82 milliard d'euros. Cette progression significative, pour la seconde année consécutive, résulte entièrement de l'augmentation de la contribution française à l'Agence spatiale européenne (ASE), passée de 963 millions d'euros en 2018 à 1,17 milliard d'euros en 2019. Cette hausse très importante est destinée à financer les engagements de la France sur le programme Ariane 6, tout en poursuivant l'apurement de la dette française auprès de l'ASE afin de permettre sa résorption totale à l'horizon de 2020.
Troisièmement, le programme 172 bénéficiera de 171 millions d'euros supplémentaires, qui se décomposent schématiquement en quatre grandes enveloppes. La moitié de cette augmentation, soit 86,3 millions d'euros en crédits de paiement, concerne l'Agence nationale de la recherche (ANR), dont les moyens retrouveront un niveau qui n'avait plus été atteint depuis 2010, ce qui lui permettra de renouer avec un taux de succès supérieur à 15 %. La seconde enveloppe est destinée à financer les plans « SI Labo » et « Intelligence artificielle », ainsi que les conventions industrielles de formation par la recherche. Le plan Intelligence artificielle bénéficiera donc de 17 millions d'euros en 2019, auxquels s'ajoutent 12 millions d'euros en provenance des programmes d'investissements d'avenir, pour accompagner la mise en place d'un réseau emblématique d'instituts dédiés, les instituts interdisciplinaires d'intelligence artificielle, ou 3IA. Je ne peux que saluer les efforts consentis afin de doter la France d'une véritable stratégie en matière d'intelligence artificielle ; je regrette néanmoins que les moyens alloués à ce plan en 2019 demeurent très en deçà des annonces du Gouvernement. Une troisième enveloppe, de 30 millions d'euros, vise à compenser auprès des organismes de recherche le coût des mesures salariales.
Enfin, près de 20 millions d'euros supplémentaires sont alloués aux grandes infrastructures de recherche et aux organisations internationales. À cet égard, je tenais à signaler la révision à la hausse des coûts engendrés par la construction du réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) à Cadarache. Alors que la subvention versée au CEA pour le projet ITER est passée de 80,1 millions d'euros en 2014 à 128,9 millions d'euros en 2018, ce montant est porté à 152,8 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2019, soit près du double du coût initial.
Ce budget pour 2019 accorde donc une priorité très claire à la recherche spatiale, au budget de l'Agence nationale de la recherche, ainsi qu'aux grandes infrastructures de recherche et aux organisations internationales. Par voie de conséquence, les dotations allouées aux organismes de recherche stagnent ou diminuent. Les directeurs des organismes de recherche ont ainsi attiré mon attention sur deux problématiques.
Au cours des trois dernières années, la masse salariale des organismes de recherche a augmenté dans des proportions considérables, en raison de la relance de la politique salariale. Ainsi, la hausse de 31 millions d'euros des crédits de l'action 14 du programme 172, qui porte les subventions pour charges de service public destinées à financer les moyens généraux des organismes de recherche dépendant du ministère - CNRS, CEA, INSERM, entre autres - a pour objet de compenser les diverses mesures salariales décidées par le précédent Gouvernement en faveur des fonctionnaires. Néanmoins, elle est souvent insuffisante, d'autant que le GVT n'est pas compensé pour les organismes de recherche. Pour absorber cette hausse et rester à l'équilibre, les organismes de recherche n'ont pas d'autre choix que de réduire leurs effectifs, ce qui se traduit par une sous-exécution croissante des plafonds d'emplois.
Par ailleurs, plusieurs situations d'impasse budgétaire à moyen et long terme m'ont été signalées, appelant à une gestion plus prospective des crédits dédiés aux organismes de recherche.
Ainsi, le CEA se trouvera confronté à un surcoût de plusieurs centaines de millions d'euros dans le cadre de la construction du réacteur Jules Horowitz, tandis que les plans de santé commandés par le Gouvernement à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ne bénéficieraient pas des financements adéquats - Laure Darcos nous en dira plus à ce sujet.
À plus long terme, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) devra faire face à des besoins de financement de l'ordre de 500 millions d'euros pour le renouvellement de la flotte océanographique, sans qu'aucun plan d'investissement à moyen terme n'ait été élaboré à ce jour. Cependant, lors du comité interministériel de la mer du 15 novembre, le Premier ministre a annoncé le lancement d'une réflexion pour le maintien de la capacité opérationnelle de la flotte scientifique et la modernisation de ses équipements. Je ne saurais que soutenir cette démarche et inviter le Gouvernement à poursuivre dans cette voie, de manière à doter la flotte océanographique d'un plan d'investissement pluriannuel permettant d'anticiper au mieux les besoins de financement de l'institut. Il s'agirait d'un vrai choix en faveur d'une politique d'excellence.
Le crédit d'impôt recherche (CIR) augmentera de 200 millions d'euros par rapport à 2018 pour atteindre 6,2 milliards d'euros.
Étant donné le coût considérable de cette dépense fiscale pour les finances publiques, plusieurs études ont entrepris d'évaluer son impact sur les dépenses de recherche. Ces différents travaux ont conclu à la difficulté de disposer d'une évaluation précise de l'impact et de l'efficacité du CIR. Néanmoins, la plupart des évaluations s'accordent à reconnaître l'existence d'un effet positif du crédit d'impôt sur les dépenses de recherche des entreprises. Ainsi, les derniers travaux de Jacques Mairesse et Benoît Mulkay démontrent que, lorsque le coût de la recherche diminue de 10 %, les dépenses de recherche augmentent de 5 %. J'estime donc que le CIR demeure un outil efficace, même s'il faut en vérifier le périmètre.
Je souhaiterais conclure mon propos en évoquant deux défis budgétaires pour la mission « Recherche » : les financements européens et les crédits en provenance des programmes d'investissements d'avenir.
En ce qui concerne les financements européens, qui sont également des financements sur projets compétitifs, les chiffres du programme-cadre « Horizon 2020 » pour la recherche en Europe ne sont guère flatteurs pour notre pays et tendent à montrer que le recul de la France en matière de recherche s'amplifie. Les participations françaises représentent à ce stade un total de 3,5 milliards d'euros, soit 10,7 % des financements disponibles, contre 11,3 % sur l'ensemble du septième programme-cadre de recherche et développement technologique.
Face à ce constat, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche a été chargé de concevoir un plan d'action pour renforcer la participation française au sein des programmes de recherche européens, dont il conviendra de suivre avec attention la mise en oeuvre.
Par ailleurs, l'épuisement progressif des crédits en provenance des programmes d'investissement d'avenir, qui représentent une part non négligeable du budget des organismes de recherche, se traduit par des difficultés financières réelles pour certains opérateurs. Le tarissement de cette source de financement devra faire l'objet d'une attention particulière dans la mesure où ces versements ponctuels ont pris la place de lignes budgétaires classiques.
Pour finir, je tenais à souligner que, en dépit des contraintes budgétaires fortes, il ne peut y avoir d'économies sur la recherche publique, notamment fondamentale. La mission « Recherche et enseignement supérieur » bénéficiant de hausses de crédits importantes, je souhaite que notre commission des finances propose au Sénat d'en adopter les crédits.
Le budget de cette mission se confond parfois avec les programmes d'investissement d'avenir, ce qui le rend extrêmement peu lisible.
Je souscris à l'amendement défendu par Philippe Adnot et je le rejoins au sujet de la vie étudiante. Si la CVEC rapporte plus que les besoins, il faut en diminuer le montant ; sinon, il faut allouer plus de crédits à la vie étudiante. Hélas, il est coutumier de prélever des excédents de recettes pour abonder le budget général, s'éloignant ainsi de l'objectif initial. Les besoins en matière de vie étudiante sont, à l'évidence, considérables : il faut donc réévaluer le plafond de cette taxe.
Si les crédits des programmes rattachés au ministère de la recherche connaissent une évolution favorable, en revanche, ceux des programmes gérés par d'autres ministères stagnent ou diminuent.
Il convient de se féliciter de la forte augmentation de la contribution de la France aux programmes européens et internationaux de recherche, d'une meilleure prise en compte du déroulement de la carrière des chercheurs, ingénieurs et techniciens, ainsi que de l'augmentation des crédits de l'ANR.
Toutefois, ces tendances positives ne doivent pas masquer les menaces qui pèsent sur la recherche à moyen terme. Il y a lieu de s'inquiéter de la part croissante des financements sur projet dans le budget des opérateurs de recherche. S'ils constituent désormais des ressources complémentaires indispensables, ils ne compensent cependant que partiellement la diminution dans le temps de la dotation de base.
Il faut ensuite aborder avec lucidité la question du niveau des subventions pour charges de service public. Celles-ci sont largement obérées par l'augmentation de la masse salariale et du coût du GVT. Ces charges élevées, subies et indépendantes de la stratégie des opérateurs en matière de ressources humaines, contraignent certains d'entre eux à réduire leurs effectifs dans des proportions parfois importantes. Cette situation n'est pas tenable à long terme et menace les projets de recherche.
Quant aux plans de santé confiés à l'Inserm, Mme la ministre de la recherche a évoqué un effort de 17 millions d'euros en matière de gestion pour 2019, pris sur les fonds de réserve. Une subvention européenne sera par ailleurs allouée en particulier à la lutte contre le virus Ebola. Il y a eu une épidémie à Kinshasa parmi les Casques bleus. Les États-Unis ont beaucoup dépensé pour les vacciner, mais le financement de vaccins par l'Inserm a été bloqué. Cela dit, l'annonce de Mme la ministre représente incontestablement une avancée. Nous n'avons cessé, depuis un an et demi, d'alerter les pouvoirs publics sur l'absence de financement d'État pour la mise en oeuvre des plans de santé décidés par l'exécutif. La stratégie nationale de santé publique mériterait de voir ses crédits affectés dès la loi de finances initiale. Je veux être sûr que le plan Médecine France génomique 2025 sera complètement assuré, ce qui ne semble pas être le cas.
Quatre objectifs me semblent prioritaires. C'est, tout d'abord, la nécessaire revalorisation salariale des chercheurs et la remise à plat de leur régime indemnitaire. Il en va de l'attractivité de ce métier et de la capacité de la France à tenir son rang dans ce domaine stratégique.
Le deuxième objectif est la réussite de la fusion entre l'Inra et l'Irstea, qui doivent former un leader mondial de la recherche publique dans le domaine de l'agriculture, de l'alimentation et de l'environnement, ce qui répond à de forts enjeux sociétaux en matière de sécurité alimentaire, de gestion des ressources naturelles, de biodiversité et d'agroécologie. Les engagements de l'État doivent être tenus.
Troisièmement, il me semble nécessaire de rétablir un lien de confiance entre l'État et le CEA. Il faut éviter que les solutions arrêtées pour limiter le coût des projets de recherche dans le nucléaire ne pénalisent l'ensemble des activités de recherche du CEA.
Enfin, il faut donner au plateau de Saclay, vitrine de la recherche française, les moyens de ses ambitions. Son développement est aujourd'hui menacé par le manque d'infrastructures de transport dignes de ce nom. La construction de la ligne 18 du métro du Grand Paris est urgente.
Sous ces réserves, la commission de la culture a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
Les évolutions du budget de l'enseignement supérieur sont certes positives, mais son augmentation reste inférieure à l'inflation et à l'augmentation du budget général de l'État. Surtout, elle ne correspond pas à la hausse du nombre d'étudiants. Du fait de dépenses contraintes - Gouvernement, compensation de la hausse de la CSG, extension du plan Étudiants -, une part bien faible de cette augmentation servira à améliorer les conditions matérielles des études supérieures.
Les EESPIG demeurent maltraités. Afin de rétablir la contribution de l'État par étudiant à hauteur de 1 000 euros en trois ans, la commission de la culture a adopté un amendement similaire à celui qu'a présenté Philippe Adnot. Le fonds pour la mobilité à l'entrée dans l'enseignement supérieur semble surdoté au regard des treize aides accordées l'année dernière. Nous avons donc choisi d'y puiser, pour ainsi dire, les crédits nécessaires à la revalorisation de l'aide aux EESPIG.
Nous approuvons la suppression de l'ARPE, dispositif inefficace et manquant d'accompagnement.
Le plafonnement des recettes affectées à la CVEC à hauteur de 95 millions d'euros est manifestement trop bas et pourrait être réévalué aux alentours de 130 millions d'euros. Je n'ai pas reçu d'engagements clairs de Mme la ministre sur ce point.
La plateforme Parcoursup a plutôt bien fonctionné. Cela a des conséquences financières. Il faut prévoir quelques ajustements : raccourcissement du calendrier, mise en place d'un répondeur, amélioration de l'information donnée aux étudiants. Les établissements doivent être plus transparents sur les critères pris en compte dans les algorithmes locaux. Il ne me semble pas souhaitable d'aller plus avant dans l'anonymisation des dossiers.
La commission de la culture a donc émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur, sous réserve de l'adoption de nos amendements.
Les crédits de la recherche traduisent-ils les préconisations exprimées en matière de transition vers des formes durables de développement et de mobilité ? A-t-on tiré les leçons des difficultés rencontrées lors des rentrées universitaires successives ? Le manque de places était criant dans certaines formations.
Les décisions prises à l'été 2007 par Mme Pécresse quant à l'autofinancement des universités ont-elles abouti à des résultats significatifs ?
Par ailleurs, je veux faire une remarque quelque peu désabusée. Je relève une contradiction absolue : le Gouvernement ne prend pas position sur le nucléaire, mais s'arc-boute sur les positions du candidat Macron. D'une part, il faudrait revenir à 50 % de production électrique d'origine nucléaire ; d'autre part, le Gouvernement consacre - et tant mieux ! - des sommes importantes à la recherche nucléaire fondamentale. Y croit-il, ou non ? S'il a l'intention de ne rien faire avec cette recherche, plutôt que de gaspiller cet argent, on pourrait plutôt s'intéresser à l'égyptologie ou à l'héritage gaulois dans la France d'aujourd'hui !
Dans le même esprit, les crédits de l'IFP-EN sont en diminution, alors que cet institut apporte chaque année des solutions extrêmement concrètes pour améliorer la performance des moteurs thermiques, réponse immédiate au besoin de moins émettre de CO2 dans l'atmosphère. Ceux qui peuvent être utiles à court terme, on les étrangle ! D'autres, on les arrose ! Il faudrait mettre les intentions en harmonie avec les moyens.
La fuite des cerveaux est un problème français : on a une bonne formation, mais il faudrait peut-être inciter nos étudiants à en trouver la substantifique moelle. Notre pays est pourtant attractif. A-t-on des chiffres à ce sujet ?
Sur la recherche, on n'a pas conscience en France de l'importance de l'intelligence artificielle. Les crédits alloués à ce secteur sont insuffisants. Ici, on légifère avant de chercher. D'autres pays, moins éthiques, cherchent sans légiférer. Les GAFA eux-mêmes se feront dépasser par la Chine et l'Inde.
Enfin, je relève une aporie française sur le diesel. Quand on distille un baril de brent, l'essence n'est pas du diesel, on ne peut pas convertir l'un en l'autre. On va donc devoir gérer des stocks considérables de diesel.
Concernant l'intelligence artificielle, peut-on espérer une vision européenne au sein de laquelle les crédits français pourraient trouver pertinence et cohérence ? La Chine a lancé un défi au monde entier en la matière. Les moyens qu'y consacre la France ont-ils un sens isolément ?
Je m'interroge sur la répartition des emplois dans le domaine de la recherche et de l'enseignement supérieur. L'État emploie directement 11 855 équivalents temps plein (ETP) ; les opérateurs, 260 000. A-t-on une idée du nombre d'opérateurs ? Comment se répartissent-ils entre recherche et enseignement supérieur ?
Concernant l'importance des dépenses fiscales, l'augmentation de certaines, tel le crédit d'impôt recherche, est significative ; pour d'autres, l'augmentation est très faible. Ne pourrait-on pas simplifier tout cela ?
D'année en année, les mêmes inquiétudes s'expriment. Concernant la fusion de l'Inra et de l'Irstea, je m'inquiète du nombre d'établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) et d'établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) dans ce domaine. Leur diversité n'est pas toujours justifiée. L'Ined est indépendant, alors qu'il pourrait s'agir d'un département du CNRS. Ne peut-on pas aller plus loin dans les fusions, quitte à casser certains EPST en deux ?
Je soutiens l'amendement présenté par Philippe Adnot. Par ailleurs, la plateforme Parcoursup, dont la mise en place a été un événement important, a besoin de certains réglages. On me dira que c'est mieux que le tirage au sort,...
mais des inquiétudes demeurent. Le budget dévolu à cette plateforme est-il suffisant ? Faut-il l'augmenter pour que cela se passe mieux l'année prochaine ?
Où en est-on du programme Ariane 6 ? Sommes-nous encore compétitifs par rapport à la Russie et aux États-Unis ?
Ma question a trait à l'accès de certaines catégories sociales et certains territoires à l'enseignement supérieur. Mme la ministre a évoqué le développement de maisons universitaires. Disposons-nous d'informations sur cette perspective sans doute positive ?
Concernant la réforme des chambres de commerce et d'industrie, qu'en est-il du financement des écoles consulaires ? Quelles sont les conséquences de cette réforme sur l'apprentissage ?
Je m'interroge sur la situation de l'enseignement supérieur dans les outre-mer après la partition de l'université des Antilles et de la Guyane. Quels moyens sont attribués aux nouvelles universités ?
Certains centres de recherche sont financés par des taxes ou des contributions volontaires. Leur évaluation entre-t-elle dans le périmètre de cette mission ? Si tel n'est pas le cas, comment s'opère-t-elle ? Des contrats d'action entre l'État et ces organismes devraient être en vigueur.
Oui, on manque de places dans certaines formations. Certaines ont été ouvertes ; le ministère y a affecté des crédits. Surtout, 120 000 places sont vacantes ! La vraie question, c'est l'orientation. La volonté de Mme la ministre de mettre l'accent sur l'adéquation entre les places disponibles et ce que souhaitent les étudiants est louable. Ces 120 000 places vacantes relèvent souvent de formations professionnalisantes, comme l'informatique et le numérique.
On est encore bien loin de l'autonomie financière des universités. Leurs ressources propres ne contribuent qu'à 16 % de leur budget. Il faudrait que chaque étudiant cotise à hauteur de 10 000 euros pour parvenir à une pleine autonomie budgétaire des universités. En revanche, l'autonomie de décision résultant des réformes de Mme Pécresse fait aujourd'hui consensus.
La fuite des cerveaux est importante dans certains domaines, notamment la biologie. Beaucoup d'étudiants vont faire un tour aux États-Unis. En revanche, beaucoup de cerveaux nous arrivent aussi de l'extérieur. C'est une bonne chose que les nôtres aillent voir ailleurs, mais il faut veiller à ce qu'ils reviennent, et éviter que ce soient les meilleurs qui s'en aillent. D'où l'intérêt d'augmenter les frais d'inscription pour améliorer la qualité de la vie universitaire et offrir des cours en anglais pour attirer les étudiants étrangers.
Quant aux emplois réels, des plafonds sont fixés, mais une proportion très élevée de ces emplois n'est pas créée, pour des raisons d'ajustement budgétaire. C'est dommage : nous avons besoin de ces emplois.
Quant à l'enseignement privé, je traite essentiellement des EESPIG, c'est-à-dire des établissements non lucratifs.
J'ai peu d'informations sur les maisons universitaires décentralisées. Leur création a représenté un dilemme pour beaucoup d'universités. Je pense que ce pourrait être très utile pour la proximité de l'enseignement supérieur, par exemple dans de petits départements comme le mien. Mais il ne faut pas que cela se fasse au détriment de la qualité.
J'en viens au désengagement consulaire : du fait de leur réorganisation, les chambres consulaires ne financent presque plus les écoles de commerce. C'est pourquoi, afin d'équilibrer leur budget, certains grands établissements ont considérablement augmenté leur nombre d'étudiants, asséchant par là même le recrutement pour certaines écoles de province plus modestes.
Je sais que la situation en Guyane a pu être catastrophique, mais je ne dispose pas de renseignements supplémentaires.
Le rapport signale la baisse des crédits de l'IFP Énergies nouvelles. Les coûts d'Astrid et d'Horowitz connaissent une inflation considérable et problématique. Arriverons-nous un jour à les maîtriser ? Faut-il pour autant arrêter ce type de recherche ?
Il faut en débattre avec la ministre. Pour le réacteur de quatrième génération, il faut mieux utiliser chaque composant et réduire la quantité de déchets et contrôler plus étroitement le financement. L'IFP Énergies nouvelles voit ses crédits baisser de 24 % en quelques années, ce qui est considérable. C'est l'ancien Institut français du pétrole...
Il nous a permis de disposer d'une industrie pétrolière. Nul ne se plaint que la France ait Total !
Absolument. L'objectif du plan sur l'intelligence artificielle est d'atteindre 1,5 milliard d'euros mais, en réalité, il n'y a que 9 % de crédits nouveaux. Or les Chinois et les Américains consacrent l'équivalent de 4 milliards d'euros par an à ces domaines. Nous ne jouons pas dans la même cour... Il faut une ambition européenne. Hors l'Allemagne, nos voisins européens sont à l'écart. Aucun n'a rendu le plan stratégique demandé par la Commission. Il faut prendre le taureau par les cornes.
Le Crédit d'impôt recherche représente 80 % de la dépense fiscale pour la recherche. Cela constitue déjà une forte concentration. Le montant du CIR augmente, il faut le réévaluer régulièrement et, sans doute, revoir son périmètre : il pourrait financer la matière grise aussi.
Sur les fusions possibles, on peut évoquer aussi les instituts hospitalo-universitaires. L'IGF réfléchit à la mutualisation entre le Cirad et l'Inra et l'IRD et le CNRS d'autre part, pour réduire la masse salariale globale.
Ariane 6 a fait l'objet de débats à l'Assemblée nationale, car notre contribution a déjà dépassé 1 milliard d'euros, mais il s'agit d'un fleuron national, et ce lanceur doit sortir même s'il n'est pas compétitif. Je demanderai à la ministre si un programme Ariane 7 est en cours, qui serait plus compétitif, car je crains un désengagement des autres États membres. Déjà, les Allemands songent à utiliser Space X pour leurs satellites...
Les taxes et contributions de recherche sont encadrées par des contrats d'objectifs et de performance (COP). Concernant les engagements du Gouvernement en matière de développement durable, le programme « Make our planet great again » (Mopga) bénéficie de 750 000 euros - essentiellement pour le CNRS.
Parcoursup coûtait 5,7 millions d'euros en 2018 et coûtera 6,5 millions d'euros en 2019. Le succès sera là quand les potentialités des étudiants seront connues dès le lycée et que le monde universitaire se sera adapté. Les universités doivent savoir vanter leurs mérites et être attractives.
Nous avons un amendement de crédits à examiner, déposé par M. Adnot à l'article 39.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'article 78 bis est issu d'une mission de l'Assemblée nationale, et est assez complexe.
À l'issue de ce débat, la commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » sous réserve de l'adoption de son amendement. Elle décide également de proposer l'adoption des articles 78 et 78 bis.