Nous examinons le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de coopération en matière de partenariat et de développement entre l'Union européenne et l'Afghanistan. Cet accord a vocation à remplacer la déclaration politique conjointe de 2005. Avant de le commenter, je souhaite rendre hommage aux quatre-vingt-dix soldats français morts en Afghanistan et aux blessés.
Le Professeur Gilles Dorronsoro, entendu la semaine dernière par notre commission, a dressé un constat édifiant de la situation sécuritaire très dégradée de l'Afghanistan, en guerre depuis près de quarante ans, à la veille d'un retrait américain annoncé. Le pays souffre d'un faible développement économique, de la fragilité de ses institutions politiques, de l'emprise de la culture du pavot et de la mainmise des Talibans.
L'Union européenne est présente en Afghanistan depuis le milieu des années 1980. Depuis 2001, elle a versé 3,7 milliards d'euros d'aide au développement, soit le montant le plus élevé jamais attribué à un pays par l'Union européenne. L'Union européenne a notamment appuyé, entre 2007 et 2016, les efforts de professionnalisation de la police nationale afghane, la réforme institutionnelle du ministère de l'intérieur et le développement des liens entre la police et la justice via la mission de sécurité et de défense commune « EUPOL Afghanistan ». En 2017, elle a adopté une nouvelle stratégie reposant sur quatre piliers que l'on retrouve dans le présent accord : la promotion de la paix et de la sécurité régionale ; le renforcement de la démocratie, de l'État de droit et des droits de l'homme, et la promotion de la bonne gouvernance et de l'émancipation des femmes ; le soutien au développement économique et humain ; enfin, l'enjeu migratoire.
S'agissant des relations commerciales, l'Afghanistan n'est que le 147ème partenaire de l'Union européenne, avec un volant d'affaires de 294 millions d'euros en 2016.
La relation entre la France et l'Afghanistan demeure relativement modeste depuis le retrait des troupes françaises en 2012. En tant que membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), la France participe au financement de la mission non combattante Resolute Support par le biais de sa contribution de 10,3 % au budget général de l'institution. La relation franco-afghane est régie par le traité bilatéral d'amitié et de coopération signé en 2012, qui a inscrit l'engagement de la France dans une durée de vingt ans et l'a fait passer d'une dominante militaire à une dominante civile. La France a consacré, depuis 2012, plus de 130 millions d'euros au développement civil de l'Afghanistan et a promis 100 millions d'euros pour la période 2017-2020. Le commerce bilatéral reste modeste, mais structurellement bénéficiaire pour la France : en 2015, les exportations françaises ont atteint 21,8 millions d'euros, tandis que les importations en provenance d'Afghanistan représentaient 6 millions d'euros.
L'accord dont il nous revient d'autoriser la ratification résulte de négociations entamées en 2011, bloquées pendant deux ans par la question de la Cour pénale internationale (CPI) puis reprises en 2015 après l'élection du Président Ghani. Peu contraignant, il a pour objet d'offrir un cadre juridique à la relation bilatérale en couvrant davantage les enjeux de politique et de sécurité. Un dialogue politique régulier est prévu, ainsi que des coopérations dans le domaine des droits de l'homme, de la consolidation de la paix et du soutien à la sécurité internationale. L'accord procède à une extension des domaines de coopération : outre l'aide au développement, il prévoit une coopération en matière de commerce et d'investissements, de lutte contre la fraude et la corruption, ainsi que dans les domaines de la justice et des affaires intérieures. À cet égard, l'Union européenne s'est engagée à financer les forces de police afghanes dans le cadre du programme pluriannuel 2014-2020 doté d'1,4 milliard d'euros dans un contexte de déchainement de violences lié notamment à la surenchère entre les Talibans et Daesh. On dénombre ainsi plus de 10 000 victimes civiles, dont 350 morts, chaque année depuis quatre ans ! Depuis le mois de janvier 2017, une mission de conseil de l'Union européenne est présente auprès des autorités afghanes, en vue de la réforme du ministère de l'intérieur et de la police nationale. L'Union européenne finance, en outre, un projet de soutien à la justice via la Banque mondiale.
Une coopération dans le domaine des migrations est également prévue, ainsi que la possibilité de conclure un accord de réadmission juridiquement contraignant. Les migrants afghans représentent, après les Syriens, le deuxième flux d'entrées dans l'Union européenne depuis 2015. Les Afghans transitant par la Méditerranée orientale représentaient ainsi, en 2018, la première nationalité dans les îles grecques en provenance de Turquie - 9 469 personnes, soit 28 % du total -, après avoir constitué la troisième nationalité en 2017. Ces flux migratoires se traduisent par une demande d'asile élevée dans les pays européens : environ 20 000 dossiers ont été déposés au premier semestre de l'année 2018, dont près de 10 000 pour la France sur l'ensemble de l'année, plaçant les Afghans au premier rang des primo-demandeurs dans notre pays. Le taux d'acceptation s'est élevé, en France, à 72 % en 2018. L'Afghanistan accepte les réadmissions en vertu d'un accord migratoire non contraignant conclu en 2016 avec l'Union européenne. Les retours ont été multipliés par trois entre 2015 et 2018, avec 1 501 retours en 2018 sur les 4 415 prononcés dans l'Union européenne. La France a exécuté un peu moins de vingt retours forcés.
La coopération dans la lutte contre les drogues illicites constitue également un sujet de préoccupation : 150 tonnes d'héroïne produite en Afghanistan arrivent chaque année sur le marché européen par les Balkans. Ce trafic contribue à la déstabilisation du pays en finançant les groupes insurgés - 85 % des cultures de pavot seraient situées sur des territoires sous domination talibane - et en favorisant la corruption à tous les niveaux de l'État. L'Afghanistan représente le premier producteur mondial d'opium et d'héroïne, avec une production d'opium estimée à 9 000 tonnes, soit une valeur de 1,4 milliard de dollars par an. Dans ce contexte, la coopération vise à renforcer les capacités des services répressifs et à soutenir des projets permettant aux agriculteurs de renoncer à la culture du pavot.
Enfin, conformément à la pratique habituelle de l'Union européenne, la violation des stipulations essentielles que sont le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que la lutte contre la prolifération d'armes de destruction massive, peut entraîner la suspension unilatérale de l'accord.
Bien que lucide sur la situation de l'Afghanistan, je recommande l'adoption de ce projet de loi, dont l'examen en séance publique est prévu le jeudi 14 février selon la procédure simplifiée. L'accord, conclu pour une durée de dix ans, constitue un signal fort du soutien de l'Union européenne à l'Afghanistan dans un contexte difficile. Il a d'ores et déjà été ratifié par l'Afghanistan et par quatorze États membres.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 14 février 2019, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la commission a souscrit lors de la Conférence des Présidents.
Au regard du montant de l'aide accordée par l'Union européenne à l'Afghanistan et des résultats obtenus, le présent accord suscite légitimement quelques interrogations.
Pourriez-vous, monsieur le rapporteur, nous confirmer que les crédits destinés à la police et à la justice sont considérés, dans le cas de l'Afghanistan, comme une aide au développement ? S'agissant de l'entrée de migrants afghans dans l'Union européenne, nous constatons effectivement l'augmentation des flux sur nos territoires. Pour autant, le fait que l'Afghanistan soit considéré comme un pays sûr, ce qu'il n'est certainement pas, permet le renvoi de nombreux migrants. Le protocole d'accord permettra-t-il une évolution en la matière ?
La teneur des propos tenus par le Professeur Dorronsoro devant notre commission me fait quelque peu douter du réalisme de l'article 5 du titre II du protocole relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes.
Le lien entre la description fort pessimiste de la situation afghane par M. Dorronsoro et le montant considérable des aides versées au pays par l'Union européenne ne semble guère évident. Nous devons évidemment aider les Afghans, mais les résultats n'apparaissent pas pour l'instant à la hauteur des investissements.
Le rapport donne une estimation du trafic de drogue à partir de l'Afghanistan. Sur quel fondement est-elle calculée ?
Je partage les interrogations de Gisèle Jourda sur l'article 5 du protocole : « la création d'un cadre adéquat » me semble très éloignée de la réalité. Nous avons déjà apporté une aide à la rédaction de la Constitution afghane, dont le volet relatif à l'éducation demeure inappliqué. Le présent protocole m'apparait donc très en retrait des besoins. Nous ne devons pas nous contenter d'un discours de bonne volonté.
Je ressens un grand malaise compte tenu de l'audition précitée de M. Dorronsoro. Notre commission entérine traditionnellement les projets de ratification des traités et conventions, mais cet accord me semble excessivement éloigné de la réalité qui nous a été décrite, en particulier s'agissant de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous devrions exprimer notre mécontentement lorsque des traités ne prennent aucunement en compte la situation réelle.
Dans la perspective du débat prochain sur le projet de loi d'orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale, il conviendra d'évaluer l'efficacité de nos actions. En Afghanistan, l'Agence française de développement (AFD) a fermé son antenne. L'Union européenne a versé 3,7 milliards d'euros à l'Afghanistan, soit un montant considérable ! Nous devons veiller au contenu des dépenses réalisées grâce aux aides versées et dresser le bilan des actions ainsi menées. En Afghanistan, les résultats ne sont guère probants en matière de droit des femmes et de lutte contre la drogue.
Je partage votre scepticisme, compte tenu des propos tenus par le Professeur Dorronsoro devant notre commission. Mais il convient de rappeler que le présent protocole d'accord, signé en janvier 2017, a été négocié en 2016, alors que les diplomates pouvaient encore entretenir quelque espoir. Depuis, les États-Unis cherchent à se retirer de la guerre la plus coûteuse de leur histoire... L'Union européenne ne participe pas aux négociations conduites à Doha entre les États-Unis et les Talibans. Ces derniers, nous indiquait Gilles Dorronsoro, sont des bureaucrates capables d'administrer un État. Pour autant, et même si les milliards versés n'ont pas été parfaitement utilisés, l'Union européenne doit veiller à rester présente pour l'avenir, notamment sur les questions de sécurité. Pensez que, chaque année, un tiers de l'armée afghane s'évanouit dans la nature... Depuis 2001, l'Occident a échoué à fonder un État sans les Talibans. S'agissant des aides versées par la France, un abîme existe entre les engagements officiels et les montants effectifs, qui n'ont pas dépassé 5 millions d'euros en 2018.
Madame Prunaud, dans le cadre du présent protocole, le soutien à la justice et à la police ressort effectivement de l'aide au développement. Les besoins en la matière apparaissent considérables, d'autant qu'il ne peut y avoir de développement sans sécurité. Pour ce qui concerne les migrants afghans présents en France, je vous rappelle que 72 % d'entre eux ont obtenue l'asile en 2018. L'année dernière, seulement vingt personnes ont été reconduites à la frontière : vous conviendrez que ce chiffre ne donne pas une image bien féroce de la France. Bien que l'accord actuel ne soit pas contraignant, et à la différence de nombre de pays africains, l'Afghanistan accepte d'accueillir ses migrants en retour.
Plusieurs collègues m'ont logiquement interpellé sur l'application des droits fondamentaux en Afghanistan, notamment à l'endroit des femmes. Les Talibans assimilent les droits des femmes aux valeurs des occupants successifs de leur pays, notamment les Soviétiques et les Occidentaux, ainsi que nous le rappelait le Professeur Dorronsoro. L'égalité entre les femmes et les hommes demande un travail quotidien qui passe notamment par l'école. Deux ou trois générations seront nécessaires pour y parvenir. Hélas, tel n'était pas le souci majeur des États-Unis. L'Union européenne, en revanche, pourrait s'y investir.
Enfin, monsieur Cazabonne, les chiffres de mon rapport proviennent de l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) qui évalue notamment la production de drogue par pays. Sa destination finale, en revanche, semble plus difficile à connaître avec certitude.
La France a dépensé près de 850 millions d'euros par année passée en Afghanistan, où elle a perdu quatre-vingt-dix hommes. Pourtant, les informations données par notre rapporteur n'incitent pas à l'optimisme. La procédure applicable aux accords européens conduit à placer les Parlements nationaux devant le fait accompli, ce qui ne nous empêche nullement d'évaluer l'efficacité des actions d'aide au développement. Nous sommes cependant bien d'accord qu'il faudra continuer à aider ce pays.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.
Monsieur le président, mes chers collègues, nous examinons ce matin le projet de loi autorisant l'approbation de la décision 2018/994 du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct.
Cet acte électoral a été adopté en 1976, en prévision des premières élections européennes organisées trois ans plus tard. Il fixe des dispositions communes pour l'organisation de ces élections dans l'ensemble des États membres.
Dans le contexte d'un désintérêt hélas croissant des citoyens européens pour ce scrutin, manifesté par une baisse progressive et inquiétante du taux de participation - passé, en France, de 60 % en 1979 à 42 % en 2014 -, l'Union européenne a souhaité harmoniser les procédures électorales entre les États membres, en poursuivant trois objectifs :
- rendre le processus électoral plus transparent pour les citoyens ;
- consolider les principes communs régissant les élections dans chacun des États membres afin d'en souligner le caractère européen, comme le prévoit le traité de Rome ;
- et in fine, renforcer la légitimité et la représentativité du Parlement européen.
Après trois ans de négociation, la présente décision a été adoptée par le Conseil, après avis conforme du Parlement européen. Le Sénat s'est d'ailleurs prononcé sur ces négociations, dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution, le 16 novembre 2017. À présent, et en application de l'article 223 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il revient à chaque État membre d'approuver cette décision selon ses procédures constitutionnelles ; c'est la raison pour laquelle nous l'examinons aujourd'hui.
L'approbation de cette décision n'appellera aucune modification en droit interne puisque la loi relative à l'élection des représentants au Parlement européen, actualisée le 25 juin 2018, a déjà intégré ces dispositions dans notre droit électoral. Cette loi a été soumise au Conseil constitutionnel qui n'en a censuré qu'un membre de phrase, sans rapport avec les dispositions que nous examinons aujourd'hui. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle la conférence des présidents a inscrit ce projet de loi en procédure d'examen simplifié.
Cette décision est composée de deux articles : l'article premier énumère les modifications apportées à l'acte électoral de 1976, et l'article 2 contient les dispositions finales du texte.
L'article premier de l'acte électoral, dans sa nouvelle rédaction, précise que les députés européens sont - je cite - des « représentants des citoyens de l'Union », comme le stipule le traité de Lisbonne. Cette modification vise à asseoir la légitimité des députés ainsi élus comme parlementaires européens et non comme représentants du seul État membre dans lequel ils ont été élus.
L'article 3 précise désormais que dans les États membres ayant recours à un scrutin de liste, le seuil d'éligibilité doit être compris entre 2 % et 5 % des suffrages exprimés dans les circonscriptions comptant plus de trente-cinq sièges. Cette disposition instaure un tel seuil pour éviter l'éparpillement des voix et favoriser ainsi l'émergence de familles politiques de taille significative afin de faciliter le processus législatif au Parlement. En France, le seuil d'éligibilité est fixé à 5 % des suffrages exprimés depuis 1979. Il n'a pas été remis en cause par la loi relative à l'élection des représentants au Parlement européen du 25 juin dernier.
Afin d'harmoniser le calendrier de dépôt des candidatures, l'article 3 bis nouveau en fixe la date limite. Ainsi, au sein de chaque État membre, les candidatures doivent impérativement être déposées au moins trois semaines avant la date de l'élection. En France, la date limite est fixée au quatrième vendredi précédant le jour du scrutin ; elle est donc conforme à l'échéance instituée au niveau européen, qu'elle précède même d'une journée.
En outre, trois nouvelles possibilités sont ouvertes :
- premièrement, la possibilité de faire apparaître sur les bulletins de vote le nom ou le logo du parti politique européen d'affiliation, ce que le droit français permettait déjà ;
- deuxièmement, le texte instaure la faculté de voter par correspondance, par voie électronique ou en ligne, sous réserve d'assurer la confidentialité du scrutin, la fiabilité du résultat et la protection des données à caractère personnel. En France, le vote électronique est possible dans plusieurs bureaux de vote bénéficiant d'une autorisation préfectorale ; en revanche, le vote par correspondance a été supprimé en 1975. Quant au vote en ligne, il n'est ni prévu, ni envisagé en raison du risque de cyberattaques, ce que je regrette à titre personnel pour nos compatriotes résidant à l'étranger. Comme je l'indiquais, il s'agit d'une faculté et non d'une obligation ; ainsi, au sein de l'Union européenne, seule l'Estonie a fait le choix du vote sur Internet pour les élections de mai prochain ;
- et enfin troisièmement, la possibilité de prendre les mesures nécessaires permettant la participation des ressortissants résidant dans un État tiers. C'est déjà le cas pour les Français établis hors de l'Union européenne, qui peuvent soit voter par procuration, soit se déplacer dans les bureaux de vote installés dans nos ambassades et nos consulats.
L'acte de 1976 dispose que « nul ne peut voter plus d'une fois ». À cet égard, une obligation de prévoir, dans les législations nationales, des sanctions en cas de double vote, est introduite par la présente décision. L'article L. 92 du code électoral français trouve déjà à s'appliquer dans ce cas précis : il prévoit une peine d'emprisonnement de six mois à deux ans ainsi qu'une amende de 15 000 euros.
Enfin, la décision précise que chaque État membre devra désigner une autorité chargée d'échanger avec ses homologues européennes les données relatives aux électeurs et aux candidats. Il s'agit notamment de communiquer, au cours des semaines précédant la tenue du scrutin, les données sur les citoyens inscrits sur le registre électoral ou candidats dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants. En France, l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a été chargé de l'échange d'informations relatives aux électeurs. Le ministère de l'intérieur, quant à lui, communique aux autres États membres l'identité de leurs ressortissants candidats dans l'Hexagone, ainsi que la liste des citoyens français sous le coup d'une peine d'inéligibilité.
Pour conclure, la portée de cette décision du Conseil sera limitée pour notre pays. En effet, à l'exclusion de la disposition relative au vote en ligne qui n'a aucun caractère contraignant (puisqu'il s'agit d'une faculté et non d'une obligation), les dispositions de la présente décision sont déjà en vigueur dans notre droit interne. Ce texte a néanmoins le mérite de faire progresser la question de l'harmonisation des modalités d'élection des parlementaires européens, harmonisation vers laquelle les quatre dernières décennies ont montré qu'il est difficile de tendre en raison de l'attachement des États membres à leurs propres traditions électorales. À titre d'exemple, les prochaines élections européennes auront lieu du jeudi 23 au dimanche 26 mai car dans certains pays comme les Pays-Bas ou l'Irlande, les électeurs sont habitués à voter en semaine.
Je préconise donc l'adoption de ce projet de loi, voté par l'Assemblée nationale le 19 décembre dernier.
Treize États membres ont déjà notifié leur approbation de la décision.
L'examen en séance publique au Sénat est prévu le jeudi 14 février prochain, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, ont souscrit.
Malgré son état d'esprit constructif, le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) n'est pas favorable à ce projet de loi. Non que le contenu du texte présente une difficulté, mais il n'apparait pas à la hauteur de l'enjeu démocratique des élections européennes dont le taux de participation ne cesse de s'effriter. Il nous faut imaginer de nouvelles voies de dialogue avec les citoyens européens et les Parlements nationaux. Nous sommes favorables à un approfondissement des pouvoirs du Parlement européen, mais le projet de loi ne le propose pas, alors que la question de la légitimité démocratique se trouve au coeur de la crise de l'Union européenne.
Nous dénonçons, par ailleurs, la méthode consistant à voter sur un texte dont les modalités d'application en droit français ont été fixées au mois de juin dernier. Nous nous dirigeons ainsi à nouveau vers un débat tronqué : temps de campagne limité à deux mois, répartition scandaleuse du temps d'antenne - selon mes calculs, notre formation politique bénéficiera d'un temps de parole compris entre huit et dix minutes -, fixation du seuil d'éligibilité à 5 % alors qu'il pourrait être de seulement 2 %. Fort curieusement d'ailleurs, la loi française autorise le remboursement des frais de campagne à partir de 3 %. Cette dernière disposition conduira à priver 10 % des suffrages exprimés d'une représentation au Parlement européen au profit des grandes formations politiques comme La République En Marche et le Rassemblement national. Vous comprendrez que ce texte, et singulièrement son application en droit français, ne nous satisfasse pas.
Les conséquences du présent projet de loi ne m'apparaissent pas si limitées que ce que notre rapporteur indique. Nous attendons beaucoup de l'Union européenne, en particulier dans des domaines économique et démocratique fondamentaux où elle accuse un retard - l'intelligence artificielle et la défense notamment, secteur dans lequel, à défaut de réussir à construire une décision commune, elle se tourne vers les États-Unis. Le mode d'élection du Parlement européen est-il efficace ? Nous dialoguons fréquemment entre Parlements nationaux ; dans un contexte de réduction envisagée du nombre de parlementaires, il aurait pu être imaginé que certains d'entre eux siègent au sein du Parlement européen, sur le modèle des conseillers municipaux dans les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Cette solution aurait le mérite de la cohérence. Pensez que, demain, des représentants des gilets jaunes et des élus du Rassemblement national siègeront au Parlement européen ! Comment pourraient-ils efficacement porter la voie de notre assemblée et défendre ses positions ? Je ne voterai pas ce texte !
Il conviendrait que, dans chaque État membre, aucun autre scrutin ne soit organisé le jour des élections européennes...
Je souhaite vous faire part de ma déception quant à l'article 9 bis de la décision : une fois de plus, les citoyens européens résidant hors de l'Union européenne se trouvent quasiment écartés du scrutin. Une directive de 1993 leur permettait de voter lorsqu'ils résidaient dans un autre pays de l'Union européenne. En revanche, lorsqu'ils vivent dans un État tiers, l'article 9 bis ne fait qu'ouvrir cette possibilité, laissée à la discrétion de l'État dont ils sont ressortissants. Le droit de vote représente pourtant un principe fondamental de la démocratie ! Il existe pourtant des solutions, notamment la réservation de quelques sièges au Parlement pour les représentants des ressortissants européens établis à l'étranger.