Délégation sénatoriale aux outre-mer

Réunion du 6 février 2020 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Nous entamons ce matin notre consultation des territoires ultramarins par bassin océanique, sur la thématique des enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020, par une visioconférence avec M. Olivier Rivière, premier vice-président de la région, accompagné de M. Patrick Guillaumin, directeur général adjoint des affaires européennes, des fonds structurels et de l'expérimentation de la région, et Mme Anne-Sophie Hoarau, chargée de mission du pôle Régions ultrapériphériques (RUP).

Je vous rappelle que nos collègues Vivette Lopez, Gilbert Roger qui s'excuse de ne pouvoir être parmi nous ce matin, et Dominique Théophile ont été désignés rapporteurs de cette étude ayant pour objet de cerner les grandes problématiques au plan européen de cette année 2020, qui est cruciale pour nos outre-mer, et de mesurer concrètement comment la France fait entendre sa voix à Bruxelles pour défendre des dossiers qui concernent directement notre pays, ses RUP et ses pays et territoires d'outre-mer (PTOM).

Je précise que nous avons déjà entendus dans le cadre de notre étude le Secrétariat général des affaires européennes (SGAE), les représentants de l'association Eurodom et ceux de la Fédération des entreprises des outre-mer (FEDOM). Avec dix autres collègues, dont le président de la commission des affaires européennes, Jean Bizet, nous nous sommes aussi rendus à Bruxelles où nous avons été reçus à la Représentation permanente, au Parlement, et à la Commission. Nous avons aussi échangé avec les représentants des bureaux des RUP installés à Bruxelles et avec M. Olivier Gaston, président du comité exécutif de l'association des pays et territoires d'outre-mer de l'Union européenne (OCTA).

À ce stade, nous avons un certain nombre de motifs d'inquiétude sur lesquels nous voudrions échanger avec vous.

Je n'en dirai pas davantage pour vous permettre, monsieur le vice-président, de développer votre analyse des différents points de vigilance concernant votre collectivité. Pour la présente audition, nous vous avons transmis une trame sur laquelle nous allons vous laisser intervenir librement, puis les rapporteurs et nos collègues vous poseront des questions.

Je rappelle par ailleurs que, le mardi 18 février prochain, nous aurons un débat en séance publique sur les risques naturels majeurs outre-mer, qui sera ouvert par notre collègue Guillaume Arnell et qui nous permettra d'entendre une quinzaine d'intervenants.

Debut de section - Permalien
Olivier Rivière, premier vice-président du conseil régional de La Réunion

Je commencerai par vos questions relatives au contexte général des négociations européennes en 2020.

Constatant que la programmation des fonds structurels européens à La Réunion sur la période 2014-2020 a été très satisfaisante, puisque 80 % des fonds avaient été utilisés en novembre 2019, et que La Réunion est la seule région d'outre-mer affichant de tels résultats, vous souhaitez savoir comment nous y sommes parvenus.

Ce résultat plus que satisfaisant est imputable tant à la grande qualité des services de la région, qu'à l'expérience acquise en tant qu'autorité de gestion. Elle a aussi tiré une grande expérience de ses fonctions antérieures d'autorité de gestion Interreg et de service instructeur de plusieurs dispositifs. Elle a mis en place les moyens humains nécessaires dès la fin 2013. Une organisation spécifique pour les Fonds européens structurels et d'investissement (FESI), basée sur la spécialisation, le professionnalisme et la séparation stricte des fonctions a été mise en place, et quatre guichets uniques ont été créés. La collectivité est très attentive au niveau politique au bon déroulement des programmes européens qui dans un DOM représentent un enjeu majeur.

Dans votre questionnaire, vous nous demandez quel bilan nous tirons de l'utilisation des différents fonds européens à La Réunion sur la période 2014-2020.

Ce bilan est positif en termes de compétences données à la région et d'usage des fonds. En revanche, nous portons un regard critique sur l'alourdissement considérable des procédures, qui pèsent sur les bénéficiaires et l'autorité de gestion, remettent en question l'efficacité des soutiens et peuvent donner une mauvaise image de l'Europe.

Pour ce qui concerne l'état des négociations budgétaires européennes intéressant les RUP, vous nous demandez si nous nous estimons suffisamment informés et si les positions de la France nous paraissent suffisamment claires et déterminées, notamment sur la défense de la politique de cohésion.

Les informations sur l'état d'avancement de ces négociations nous parviennent par différents canaux, à l'occasion de réunions de groupes de travail tripartites organisées par la Commission européenne et associant les 9 régions ultrapériphériques (RUP), ainsi que les représentations permanentes de la France, de l'Espagne et du Portugal, ou de réunions des chargés de mission « Europe » de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et du ministère des outre-mer. Il faut cependant noter que les RUP françaises sont très peu consultées ex ante par les autorités nationales. Les documents de séance du Conseil ou les décisions, même partielles, du Conseil ne sont pas communiqués aux régions.

Vous souhaitez aussi savoir ce que nous attendons de la 24e conférence des présidents des RUP, qui se tient actuellement à Saint-Martin, avant que Mayotte n'assure la prochaine présidence, et si nous percevons une mobilisation des RUP sur certains sujets européens.

Cette conférence s'inscrit dans un cycle périodique de rencontre des exécutifs des RUP à l'occasion de laquelle une déclaration finale est adoptée. Cette dernière permet d'arrêter des positions conjointes qui tiennent compte de l'actualité européenne. Les RUP sont toutes mobilisées sur les sujets d'intérêt communs comme en témoigne la dernière déclaration conjointe en date du 18 novembre 2019.

Par ailleurs, vous nous demandez si le bureau de représentation de La Réunion à Bruxelles parvient, selon nous, à défendre efficacement nos intérêts auprès des institutions européennes, et quelles sont ses relations avec la Représentation permanente de la France et avec les autres représentations ultramarines.

Les RUP agissent conjointement depuis une vingtaine d'années auprès des institutions européennes, par l'intermédiaire de la conférence des présidents des RUP. La région Réunion défend une approche pragmatique : en fonction de la nature des intérêts à défendre, elle apprécie si ceux-ci revêtent un caractère bilatéral - action de la collectivité que nous menons dans ce cas en direct avec les institutions européennes -, ou s'il s'agit d'intérêts qui revêtent un caractère commun entre les RUP françaises - dans ce cas, il s'agit d'une action commune entre les neuf RUP - dans ce dernier cas, c'est la conférence des présidents des RUP qui est le porte-parole.

J'en viens aux questions relatives aux aspects financiers.

Sur les conséquences concrètes, en cas d'absence d'accord budgétaire européen pluriannuel, d'un régime transitoire annuel pour les projets engagés par votre région, je rappelle que ce régime est d'ores et déjà prévu par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER). S'agissant du Fonds européen de développement régional (FEDER) et du Fonds social européen (FSE), un régime transitoire rapidement mis en oeuvre serait préférable à la situation de 2013, lorsque les règlements n'ont été finalisés qu'au mois de décembre.

Pour autant, ce régime ne permettrait pas de stabiliser un nouveau programme rapidement - y compris au regard des élections régionales en 2021 - et dès lors la règle nouvelle du N+2 (DO) concernant le dégagement d'office devrait être revue pour le post 2020.

Vous demandez ensuite si je suis aussi alarmiste que le président de la commission du développement régional du Parlement européen, M. Younous Omarjee, sur les risques que ferait peser la baisse du budget de la cohésion pour les RUP, et si je crois à la possibilité d'un front uni des « amis de la cohésion », avec l'Espagne et le Portugal, entre autres.

Les baisses budgétaires envisagées peuvent affecter différemment les États membres et leurs régions. Ainsi, la baisse du fonds de cohésion n'affecte pas les RUP françaises. La Réunion reste très vigilante sur le niveau des enveloppes qui seront attribuées à la France en général et à La Réunion en particulier. Les critères pour le calcul des enveloppes sont encore plus déterminants que les montants globaux. Le président du conseil régional, M. Didier Robert, a adressé un courrier au Président de la République, le 12 décembre 2018, sur les risques financiers qui pèsent dans le cadre des négociations budgétaires. Nous n'avons pas encore reçu de réponse.

La baisse envisagée par la Commission du premier pilier de la politique agricole commune (PAC) risquant de conduire à la diminution du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Poséi) à destination des RUP, vous souhaitez savoir quels seraient ses impacts sur la filière agroalimentaire de La Réunion et, s'agissant du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), du FEADER et du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP), quels sont nos principaux points de vigilance.

Toute baisse des crédits au titre de la PAC et de la PCP aura un impact négatif sur le développement de l'ensemble des filières locales. Dans le domaine agricole, il importe de préserver les mesures spécifiques qui permettent d'accompagner toutes les entreprises agro-alimentaires indépendamment de leur taille. Dans le domaine de la pêche, de l'aquaculture et de l'économie bleue, une dotation financière amoindrie au titre du FEAMP ne permettra pas de soutenir les nouvelles actions liées à l'économie bleue à la hauteur des opportunités qu'offre ce secteur.

Vous souhaitez également savoir comment simplifier les formalités, européennes et françaises pour les RUP, afin de permettre un meilleur accès aux fonds européens, et si certaines simplifications ne risquent pas de se faire au détriment de la sécurité juridique.

Il est indispensable que les simplifications proposées par la Commission soient adoptées. Je pourrais donner les exemples des coûts simplifiés, de la disparition des grands projets, de l'autorité de certification, de la revue de performance à mi-parcours, etc.

En particulier, le recours à des coûts unitaires paraît une approche féconde pour laquelle notre région s'est investie pour préparer le post 2020 (5 dispositifs mis en place pour le FSE, deux en construction sur le FEDER).

Les nouveaux dispositifs doivent être validés par la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) ; il importe donc que l'autorité d'audit ait les moyens nécessaires pour assurer cette nouvelle tâche.

Les fonds européens structurels et d'investissement (FESI) demeureront cependant très complexes à mettre en oeuvre en particulier lorsqu'il s'agit d'aides d'État ou de marchés publics où il sera demandé aux autorités de gestion de faire un contrôle exhaustif et encore plus minutieux qu'aucune autorité française ne fait au titre des fonds publics nationaux et locaux.

La région enfin n'a pas connaissance de l'exemple cité, n'ayant pas géré le FEAMP.

En particulier, le recours à des coûts unitaires paraît une approche féconde, et la région s'y est investie : cinq dispositifs ont été mis en place pour le FSE et deux pour le FEDER. Il importe que l'autorité d'audit ait les moyens nécessaires pour assurer cette nouvelle tâche. Les Fonds de soutien à l'innovation (FSI) demeureront complexes à mettre en oeuvre. Quant au FEAMP, ce n'est pas la région qui le gère.

Vous nous demandez si la baisse du taux de cofinancement de 85 à 70 %, envisagée par la Commission européenne, ne risque pas de conduire La Réunion à renoncer à des projets européens.

Nous sommes aujourd'hui à un taux moyen de cofinancement du programme opérationnel du FEDER de l'ordre de 58 % ; il n'y a donc pas de risque à cet égard.

Pour autant, il serait utile qu'il soit relevé puisqu'à ce jour, il est prévu qu'il s'applique axe par axe : aucune compensation n'est prévue entre des axes cofinancés à 50 % et d'autres à 85 %. Un taux de 70 % moyen pourrait être acceptable.

La Réunion est favorable au maintien du taux de 85 %, comme les autres RUP, avec pour objectif de mieux cibler les fonds européens sur certaines actions.

J'en viens à vos questions relatives aux aspects fiscaux.

Vous nous demandez si la région a été consultée par le cabinet italien Economisti Associati, qui réalise pour la Commission une mission d'évaluation sur l'octroi de mer, et par la mission conjointe de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale de l'administration (IGA) du gouvernement français sur ce même sujet, et quelle est notre position sur ce dispositif.

La région a été consultée une fois par le Cabinet italien mais n'a eu aucune information depuis sur la mission ou les travaux conduits. Elle n'a pas été informée du contenu de la mission IGF-IGA. Une demande de réunion a été faite pour un entretien technique de deux heures en novembre 2019. Aucun document n'a été demandé à la région, aucun questionnaire ne lui a été adressé et il apparaît que les demandes n'ont été faites qu'auprès des services de l'État.

Sur le fond - et c'est une position constante -, la région soutient ce dispositif comme instrument d'autonomie fiscale des collectivités d'outre-mer et comme instrument de soutien à la production locale.

Bien que la mission IGF-IGA puisse le remettre en cause, elle considère également que, comme toute fiscalité, cet instrument peut ponctuellement soutenir une politique économique, sociale et environnementale. Je peux vous donner les exemples du taux zéro pour les produits de première nécessité, les véhicules électriques, ou de taux élevés pour les véhicules de forte cylindrée.

Vous souhaitez savoir ce que nous pensons de l'argument selon lequel l'octroi de mer participe à « la vie chère » et quels sont les meilleurs exemples à La Réunion justifiant le maintien en l'état de ce régime. Vous nous demandez s'il est possible de le « moderniser », selon le mot du Président de la République.

Il est incontestable que l'octroi de mer participe naturellement à la formation des prix. Les études menées par le Cabinet Lengrand pour la région et le ministère des outre-mer entre 2011 et 2013 montrent cependant que son poids est très faible et inférieur à l'application de la TVA nationale dans les DOM. 80 % de la valeur des produits ont un octroi de mer et un octroi de mer régional inférieur ou égal à 6 %, 5 % à La Réunion.

L'octroi de mer constitue un outil souvent utilisé pour masquer d'autres causes à la formation des prix en outre-mer. C'est son absence de transparence qui pose difficulté car, appliqué sur la valeur Free on board (FOB) et ne taxant donc pas les marges, il ne peut apparaître sur les factures. La région avait d'ailleurs proposé un affichage quand un taux zéro d'octroi de mer est pratiqué.

Le maintien de l'octroi de mer préserve les collectivités d'une ressource autonome mise à mal pour les communes par l'arrêt de la taxe d'habitation, dont il représente entre 20 % et 45 % des ressources.

Pour la région, c'est la première ressource fiscale autonome, la taxe sur les carburants (TSC) étant affectée au transport-mobilité.

Vous nous demandez de citer des exemples de secteurs de production qui ont pu se développer à La Réunion grâce à l'octroi de mer, et si l'exclusion de l'octroi de mer du règlement général d'exemption par catégorie (RGEC), décidée en 2017 par la Commission, a été profitable aux entreprises de La Réunion.

Le secteur agroalimentaire, y compris des boissons, les activités connexes au bâtiment et aux travaux publics (charpentes, peintures) et d'une manière générale l'essentiel du tissu des PMI industrielles, qui souffrent d'une concurrence importante, peuvent maintenir leur valeur ajoutée et leurs emplois grâce à cet outil qui impacte directement le prix de vente et donc l'équilibre de leurs comptes d'exploitation.

En ce qui concerne le lien entre la notification de l'aide et son exemption au regard des règles de concurrence, je rappelle que le règlement général d'exemption par catégories (RGEC) - et ses seuils - n'avait pas été conçu pour y insérer des dispositifs nationaux. Le RGEC porte sur les seules aides dites « transparentes ». C'est l'usage qu'en a fait la France dès 2014 qui a posé des difficultés pour l'appréciation par la DG Concurrence de la comptabilité des aides d'État avec les dispositions du Traité et qui l'a conduite à le placer dans un mauvais dispositif. Son exclusion naturelle a permis de sécuriser les entreprises.

Vous m'interrogez sur l'efficacité des dérogations fiscales sur le rhum pour le développement économique à La Réunion, et sur notre appréciation des modalités de répartition des contingents de rhum à fiscalité réduite. La Réunion est le département d'outre-mer qui produit le plus de sucre, et bénéficie le moins, pour des raisons historiques, des contingents.

S'agissant des effets du Brexit sur les productions des RUP et des risques de concurrence extérieure accrue, La Réunion est consciente et préoccupée par l'impact sur les volets « recettes » et « dépenses » du cadre financier pluriannuel 2021-2027. Si le Royaume-Uni ferme définitivement l'accès à ses eaux aux pêcheurs européens, il y a un risque de repli des armements européens vers l'océan Indien dans le cadre des accords de pêche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Je vous remercie pour la qualité et la rigueur de votre propos, dont le caractère synthétique montre votre maîtrise du sujet !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

S'agissant de l'octroi de mer, vous avez évoqué la difficulté d'avoir une facture lisible. Des spécialistes suggèrent de faire apparaître explicitement le montant d'octroi de mer pour améliorer justement la lisibilité du prix à la vente. Ils évoquent une double taxation : la marchandise est taxée au départ, puis s'y ajoute la TVA, qui est une taxe calculée sur le coût de revient et sur l'octroi de mer, qui est déjà une taxation.

Debut de section - Permalien
Olivier Rivière, premier vice-président du conseil régional de La Réunion

La région est favorable, encore plus depuis la crise des gilets jaunes, à une plus grande transparence. Il faut un affichage clair de la TVA et de l'octroi de mer. La transparence implique aussi de connaître le taux de marge appliqué à La Réunion.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Le délégué interministériel à la transformation agricole des outre-mer mène une réflexion sur la diversification agricole à La Réunion, avec l'objectif de trouver des alternatives au sucre. Qu'en pensez-vous ? Pourriez-vous bénéficier d'aides européennes pour accompagner cette diversification ?

Debut de section - Permalien
Olivier Rivière, premier vice-président du conseil régional de La Réunion

On peut accompagner la diversification, mais sans parler « d'alternatives » au sucre. La canne à sucre reste l'une des principales activités du territoire, et fait vivre plusieurs milliers de familles réunionnaises.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Nous en sommes bien conscients. Lors de la signature de l'accord de libre-échange avec le Vietnam, le Sénat s'est fortement mobilisé pour que soit revue la disposition permettant à ce pays de faire entrer sur le marché européen 20 000 tonnes de sucre. Nous avons réussi à limiter la part du sucre roux en provenance du Vietnam.

Vous avez indiqué que l'octroi de mer était utilisé pour « masquer d'autres causes » de l'augmentation des prix. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Debut de section - Permalien
Olivier Rivière, premier vice-président du conseil régional de La Réunion

La formation des prix souffre d'une certaine opacité. On sait que la seule taxation, en particulier l'octroi de mer très souvent décrié, n'explique pas tout. L'octroi de mer régional est nul pour les produits de première nécessité.

La cause est ailleurs, notamment dans le taux de marge.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Théophile

Une expérimentation est menée en Guadeloupe par une équipe dédiée sur les modulations de taux, de 10 à 30 %, pour les produits de classification A, B et C, en fonction de l'impact sur le développement de productions locales. L'objectif est de démontrer que l'octroi de mer pourrait être un outil de développement économique. Faites-vous de même ?

Debut de section - Permalien
Olivier Rivière, premier vice-président du conseil régional de La Réunion

Nous procédons de la même façon : nous appliquons un différentiel de taux lorsqu'il existe des potentialités locales pour permettre le développement de l'activité concernée.

Debut de section - PermalienPhoto de Viviane Artigalas

Vous avez évoqué l'alourdissement des procédures qui pèsent sur les bénéficiaires et l'autorité de gestion. Quelles en sont les causes et comment revenir à des procédures simplifiées ? Le Sénat a fait un travail sur cette question, notamment en ce qui concerne le dispositif Leader (liaison entre actions de développement de l'économie rurale).

Debut de section - Permalien
Olivier Rivière, premier vice-président du conseil régional de La Réunion

Les opérateurs économiques font état des difficultés qu'ils rencontrent pour mobiliser les fonds européens. Le formalisme qui entoure ces fonds pose problème. L'Europe est perçue comme étant très, trop rigoureuse. Néanmoins, une simplification ne pourrait se faire au détriment de la sécurisation juridique. Il faut trouver un juste équilibre pour que nos opérateurs ne soient pas découragés avant même de solliciter l'aide européenne.

Debut de section - Permalien
Patrick Guillaumin, des fonds structurels, et expérimentation

directeur général adjoint des affaires européennes, des fonds structurels, et expérimentation. - La situation s'explique par deux raisons globales.

La première tient à la Cour européenne des comptes et aux conséquences de ses recommandations et de ses orientations pour la décharge du budget communautaire. Il faudrait que vous évoquiez la question avec les autorités d'audit nationales et celles de la Commission.

La seconde, qui était très importante pendant la période 2014-2020, est liée au mode de construction des règlements communautaires. Chaque direction générale demande au niveau de l'interfonds d'ajouter tel ou tel élément dans le règlement. Les autorités de gestion sont obligées, dans le cadre de l'utilisation des fonds structurels, de faire un contrôle exhaustif de l'ensemble de la procédure pour un marché public de 20 000 euros ! Pour chaque acte d'achat, nous devons remplir un questionnaire d'une vingtaine de pages ! Il en est de même pour les aides d'État.

On en arrive à une superposition de demandes extrêmement détaillées. Chacune prise isolément est censée et légitime, mais leur cumul non maîtrisé aboutit à exiger des efforts disproportionnés. Pour sortir de ce système infernal, il faudrait trouver une autre trajectoire, par exemple avec des coûts simplifiés pour certains dispositifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Ma première question porte sur l'octroi de mer. Le Président de la République a demandé une modernisation de cet impôt. La meilleure défense étant l'anticipation, avez-vous des propositions ?

Ma seconde question concerne la politique commune de la pêche. Il y a des risques de report de pêche dans vos eaux, même si elles sont très éloignées des eaux britanniques. Que redoutez-vous exactement ? La présence de bateaux-usines ou de bateaux pratiquant la pêche pélagique ? Êtes-vous sur une problématique de petite pêche artisanale ou sur une pêche véritablement industrielle ?

Debut de section - Permalien
Olivier Rivière, premier vice-président du conseil régional de La Réunion

Oui, nous avons réfléchi à une éventuelle modernisation de l'octroi de mer. L'idée est de faire en sorte que cette recette essentielle pour le territoire réunionnais reste sur notre territoire. Nous serions favorables à une TVA régionale. En tout état de cause, le produit devrait être équivalent, a minima, à ce que nous percevons actuellement. Nous pourrions nous inspirer de ce qui existe aux Canaries.

Quant au report de pêche, le risque existe de voir arriver dans notre zone des bateaux-usines, avec une exploitation excessive de notre ressource halieutique. Nous avons une ressource plutôt préservée pour l'instant et il ne faudrait pas qu'elle soit déséquilibrée.

Debut de section - Permalien
Patrick Guillaumin, des fonds structurels, et expérimentation

Nous avons essentiellement une petite pêche artisanale, même s'il y a beaucoup de pélagiques - thon, espadon, marlin. Nous sommes d'ailleurs en compétition avec la pêche industrielle menée par les Asiatiques, l'Espagne et une partie des flottes bretonnes. La pêche dans les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) n'est pas du tout concernée par le Brexit. Il y a donc une menace sur la ressource potentielle en espèces pélagiques, avec une pression supplémentaire de la grande pêche basée à l'extérieur de La Réunion.

Sur l'octroi de mer, nous voulons améliorer sa lisibilité et sa transparence, qui ne s'affichent pas sur les factures, et sa simplification en matière de taux. Enfin, nous devons travailler à une modernisation par rapport aux enjeux climatiques et sociaux. Notre collectivité, par exemple, a mis un octroi de mer à taux zéro sur les véhicules électriques pour en encourager l'achat. En revanche, on constate que, quand l'octroi de mer est à taux zéro et la TVA beaucoup plus faible qu'en métropole, le prix d'achat des voitures reste néanmoins plus élevé. Il n'y a pas de meilleur exemple pour montrer que l'octroi de mer n'est pas le principal responsable des prix élevés en outre-mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Monsieur Guillaumin, vous avez parlé d'un système de superposition des demandes et de la complexité des dossiers.

À Bruxelles, récemment, nous avons eu le sentiment que la stratégie était en train de changer, avec la volonté de définir au niveau européen les cadres financiers, tout en laissant aux États membres la responsabilité d'une meilleure gestion de la répartition des enveloppes, une évaluation et un contrôle plus stricts par l'Union intervenant à mi-parcours.

Avez-vous le sentiment que cette complexité est due à l'Union ou à l'État ou bien aux deux à la fois ? C'est important pour nous de bien comprendre et essayer de simplifier les procédures.

Debut de section - Permalien
Patrick Guillaumin, des fonds structurels, et expérimentation

La Commission européenne est pleinement consciente des conséquences négatives des règlements qu'elle avait elle-même proposés en 2011 pour la période 2014-2020. M. Olivier Rivière vous a donné des exemples.

Quant à savoir qui est le plus responsable, je ne sais que vous répondre. La question est posée depuis trente ans. J'ai quand même le sentiment que l'Union a une part prépondérante de responsabilité. À cet égard, je vous renvoie à l'exemple des marchés publics.

Cependant, nous devons tout faire aux niveaux national et régional pour être plus souples et plus agiles lorsque nous devons répondre à des demandes des autorités européennes.

Enfin, il faut se mettre à la place des femmes et des hommes qui travaillent au quotidien dans les bureaux, les « petites mains de l'Europe ». C'est grâce à eux que le système fonctionne, et, quand ils essaient de simplifier, vous pouvez être sûrs qu'ils seront contrôlés et sanctionnés dans les deux ans. Ils ont donc tendance à se couvrir au maximum. Cela n'est pas satisfaisant pour eux. Il ne faut pas sous-estimer l'aspect managérial des solutions à trouver.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Pensez-vous que vous êtes suffisamment représentés à Bruxelles, notamment par le ministère des outre-mer au sein de la représentation permanente ?

Debut de section - Permalien
Olivier Rivière, premier vice-président du conseil régional de La Réunion

La réponse est clairement « non ». La Réunion représente quand même 10 % de l'enveloppe consacrée à la France s'agissant des fonds structurels. Il importe que nous soyons davantage représentés et défendus.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

À la diminution des enveloppes prévue globalement s'ajoute une diversification des domaines d'action. En particulier, il a été fait état de la mise en place d'un programme New Green Deal ou Pacte vert. L'approche me semble un peu différente dans la gestion des fonds. L'Europe s'engage à mettre l'argent à disposition pour des programmes, mais, en l'absence d'efficacité reconnue, des demandes de remboursement pourraient intervenir. Que pensez-vous de cette démarche ? En tant que RUP, êtes-vous concernés par ces nouveaux programmes, notamment pour la lutte contre le réchauffement climatique ?

Debut de section - Permalien
Patrick Guillaumin, des fonds structurels, et expérimentation

En tant que RUP, nous sommes les sentinelles du changement climatique de l'Europe. Je vous renvoie notamment aux travaux des différentes conférences des parties (COP). Les traités européens reconnaissent explicitement leur exposition aux phénomènes cycloniques extrêmes, dont le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a annoncé l'aggravation. Nous sommes donc sensibles aux initiatives de la Commission, même si elles ne sont pas toutes définies précisément.

Pour l'instant, il faut savoir que les RUP françaises ne sont pas éligibles au Fonds pour la transition juste, parce qu'elles ne polluent pas assez ... Ce sont nos amis allemands qui en sont les principaux bénéficiaires, avec les Polonais.

Le futur fonds pour la zone euro sera décisif à l'avenir, si la France arrive à convaincre ses partenaires. Nous ne savons pas encore comment il va être géré. Il sera certainement fléché sur des objectifs « 2050-zéro carbone ». Il faudra être attentif à la façon dont il va être géré pour les RUP.

Quant aux nouvelles modalités de gestion des fonds communautaires, je vous donne rendez-vous en 2027 pour évaluer les performances. Néanmoins, je vous engage à faire attention à ce qu'il n'y ait pas que des Fonds pour la transition juste, qui ne nous concernent pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

En ce qui concerne le New Green Deal, nous allons nous rendre prochainement à Bruxelles avec les présidents des commissions des affaires européennes, des affaires économiques, des finances et du développement durable pour tirer tout cela au clair. Nous verrons alors comment prendre en compte vos préoccupations.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Je vous remercie et vous félicite pour la qualité de vos propos.

Debut de section - Permalien
Olivier Rivière, premier vice-président du conseil régional de La Réunion

Permettez-moi de saluer la présence à vos côtés de Jean-Louis Lagourgue, qui a été premier vice-président du conseil régional de La Réunion.