Nous avons aujourd'hui le plaisir d'entendre en visioconférence Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le secrétaire d'État, vous avez été en première ligne dans la gestion de la crise sanitaire et je voulais avant toute chose saluer la performance du quai d'Orsay, qui a rapatrié environ 150 000 Français en trois semaines. Je rends hommage à votre engagement personnel, à celui du ministre M. Jean-Yves Le Drian, au Centre de crise et de soutien, à tous nos diplomates, qui ont parfois accompli des exploits, ainsi qu'à nos sénateurs des Français à l'étranger. Chaque avion a été le fruit d'une négociation pour surmonter d'innombrables difficultés et nous pouvons être fiers de nos diplomates. Il reste quelque 5 000 Français bloqués, sans parler des Français résidents en Afrique et en Amérique Latine et qui souhaiteront peut-être rentrer quand la pandémie atteindra leur continent.
L'autre sujet de notre audition, c'est l'Afrique, dont la situation nous inquiète. Vous avez assisté hier à un Conseil européen affaires étrangères - développement, consacré prioritairement à ce continent. Nous savons que les risques liés à la progression du coronavirus y sont importants : les systèmes de santé de ces pays sont très fragiles, les conséquences économiques risquent d'être terribles et les retombées pour la France seront potentiellement très graves, notamment en termes sécuritaires dans la bande sahélo-saharienne.
Monsieur le secrétaire d'État, quelles décisions ont été prises à ce sujet lors du Conseil européen d'hier ? La France a-t-elle réussi à convaincre ses partenaires européens de la gravité de ces risques alors que ceux-ci sont eux-mêmes confrontés à des situations dramatiques ?
Après votre intervention liminaire, les rapporteurs des sujets à l'ordre du jour prendront la parole puis, conformément à la décision du bureau de la commission, un orateur par groupe politique s'exprimera avant que vous ne répondiez, puis nos collègues qui le souhaitent interviendront également.
Nous vivons un moment sans précédent, dans lequel se fait jour un besoin d'action rapide que nous nous employons à satisfaire, mais également la nécessité du maintien des mécanismes démocratiques. Je remercie votre commission de nous permettre de présenter notre action en ces temps houleux.
La réponse à cette crise inédite exige que nous actionnions simultanément tous les leviers de l'action publique, concernant la santé, la diplomatie, l'économie, le travail ou la sécurité, en plaçant la solidarité au coeur de notre action ; solidarité à l'égard de nos compatriotes qui se trouvent à l'étranger, de passage ou résidents, solidarité, également, aux niveaux national et européen pour soutenir l'Afrique. Nous abordons aujourd'hui deux sujets avec un message unique : il faut aider chacun pour tous nous protéger.
J'ai pris connaissance de la note de MM. Jean-Pierre Grand et Rachid Temal sur l'aide au retour de nos compatriotes bloqués hors de France et je salue ce travail. La fermeture des frontières a été brutale et s'est parfois faite sans préavis. Pour faire face au retour des frontières et au tarissement des lignes aériennes, l'appareil diplomatique a été sur le pont matin, midi et soir avec nos cabinets et le Centre de crise et de soutien (CDCS) du Quai d'Orsay. Je rends hommage à nos agents pour ce travail et le président de la République est d'ailleurs venu vendredi dernier les saluer pour le tour de force qu'ils ont réalisé.
Cette opération était en effet sans précédent par son volume et son étendue : au comptage d'hier soir, ce sont 155 000 Français de passage à l'étranger qui étaient rentrés en France ; en outre, tous les continents ont été concernés au même moment.
Avec M. Jean-Yves Le Drian, nous avons mis en place un dispositif de coordination étroit avec le ministère des transports et avec Air France, que je remercie particulièrement. N'oublions pas que le processus a commencé par le Maroc et que sa filiale Transavia a alors organisé une véritable noria aérienne depuis Marrakech, Casablanca et Rabat, vers la France, avec plus de 140 vols additionnels, pour ramener les 20 000 Français qui se trouvaient en vacances dans le pays.
Ce dispositif exceptionnel de rapatriement a fonctionné de la manière suivante : tous les matins, à onze heures, nos postes nous remontaient les besoins recensés sur leurs territoires et nous dialoguions avec les compagnies pour établir des plans de vol selon trois types de configurations. Parfois, les vols réguliers étaient maintenus, d'autres fois il a fallu mettre en place des vols commerciaux spéciaux avec des prix modérés, dans la mesure du possible. Sur ce plan, Air France a joué le jeu, plus que d'autres compagnies européennes et internationales. Quand cela n'était pas possible, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères affrétait directement des vols. Ce fut le cas pour les Philippines ou l'Australie, par exemple, destinations lointaines où se trouvaient des Français disposant de faibles moyens, au profil de « routard » ou, pour l'Australie, des jeunes partis en programme vacances travail (PVT) qui, ayant perdu leur emploi, se trouvaient sans ressources. Les bénéficiaires de ces vols ont signé un engagement à rembourser l'État à des tarifs raisonnables : 300 euros pour les Philippines et 800 euros pour l'Australie. Trente-quatre vols sont entrés dans cette catégorie ; certains dans le cadre du mécanisme européen de protection civile (MEPC), qui nous a conduit à embarquer également des ressortissants d'autres États membres. Des Français ont réciproquement pu profiter de vols allemands ou espagnols. Les Britanniques se sont également souvenus de l'utilité du MEPC.
Il reste aujourd'hui quelques milliers de Français bloqués, ou qui se « découvrent » bloqués et nous disent : « j'ai poursuivi mes vacances, mais désormais je veux rentrer ». Bien sûr, ce comportement interroge, mais nous sommes là pour faciliter leur retour. Des interventions politiques sont parfois nécessaires pour obtenir la réouverture de frontières ou l'autorisation d'atterrir sur des aéroports militaires quand les terminaux civils sont fermés. Ainsi, il y a quelques temps, le gouvernement de Nouvelle-Zélande ne souhaitait pas que les touristes étrangers soient rapatriés ; une intervention a donc été nécessaire pour régler cette difficulté.
Enfin, il reste des Français de passage bloqués, car ils ont été testés positifs au Covid-19, comme c'est le cas en Égypte ou au Cambodge. Nos compatriotes passent dans ces pays leur quatorzaine et reviendront à son terme sur le sol national.
Nous avons tiré des enseignements de cette expérience, laquelle a permis d'illustrer la valeur de notre réseau diplomatique universel. Nous devrons nous en souvenir à l'heure des choix. Les personnels des différents postes ont été de véritables héros du quotidien. Nous avons également établi une très bonne coordination interministérielle et mis en place des outils numériques nouveaux ou amélioré ceux qui existaient déjà. Ariane, par exemple, a vu ses inscriptions exploser, avec une augmentation de 25 %. Nous en avons fait la publicité pour que les touristes puissent recevoir les informations nécessaires et nous avons mis en place un site internet, SOSuntoit.fr, afin de faciliter l'hébergement des Français les plus démunis.
S'agissant de l'Afrique, cinquante-deux des cinquante-quatre pays du continent sont aujourd'hui touchés par l'épidémie, dont la dynamique est à l'heure actuelle moins forte qu'en Europe ou aux États-Unis, mais constitue un défi. Le secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, M. Guterres, a d'ailleurs déclaré que la maladie reviendra du Sud vers le Nord. Il est donc dans notre intérêt d'investir massivement en Afrique : le Covid-19 est un problème mondial et les réponses nationales, européennes et globales doivent être cohérentes.
La réunion informelle des ministres du développement s'est tenue au lendemain de l'annonce par la présidente de la Commission européenne de la mobilisation de 15,6 milliards d'euros pour l'appui aux États tiers dans cette lutte, dont 502 millions consacrés aux réponses sanitaires et humanitaires à très court terme, 2,85 milliards dédiés au soutien et au renforcement des systèmes de santé et de recherche et 12 milliards pour l'accompagnement social et économique. En effet, le confinement va provoquer d'importantes difficultés quotidiennes dans des pays où, souvent, on gagne dans la journée de quoi se nourrir le soir. Ces sommes sont débloquées, en tenant compte du cadre financier pluriannuel, par redéploiement de fonds européens existants.
À cela s'ajoutent les actions des États membres. J'ai d'ailleurs invité la Commission à soumettre au Conseil un plan détaillé de son effort et j'ai annoncé la contribution de la France : 1,252 milliard d'euros, comprenant 1 milliard d'euros de prêts nouveaux et 150 millions d'euros de dons, par l'intermédiaire de l'Agence française de développement (AFD), dans le cadre de l'initiative « Covid-19 - Santé en commun » destinée à l'Afrique. Nous veillons à ce que cette réponse soit coordonnée avec le paquet européen, au sujet duquel j'ai, en outre, insisté pour que l'on communique de manière adéquate, car certains bailleurs émergents n'hésitent pas à se présenter comme des sauveurs du continent alors que les Européens sont les contributeurs majeurs à l'aide multilatérale en matière de santé à travers les grands fonds verticaux. Nous aidons d'ailleurs ces derniers à redéployer leurs moyens, comme c'est le cas pour le Fonds mondial.
S'agissant de la dette, la France soutient la mise en place dans les mois à venir d'une initiative en faveur des pays les plus fragiles, dans le cadre d'une action internationale. Nous sommes secrétaire du club de Paris, mais nous devons embarquer les bailleurs qui n'en sont pas membres mais qui détiennent une part importante de la dette de l'Afrique.
Dès le 26 mars, lors de la réunion des dirigeants du G20, le Président de la République a appelé à une initiative africaine et nous avons martelé ce message, car certains de nos partenaires européens souhaitent plutôt mettre l'accent sur nos voisins, comme les pays des Balkans, qui ne doivent pas être négligés, mais dont les besoins sont sans commune mesure avec ceux de l'Afrique, au regard des vulnérabilités de ce continent et des implications sécuritaires ou politiques susceptibles de se faire jour.
Il est important que notre réponse soit coordonnée dans les enceintes internationales comme sur le terrain, avec les organisations non gouvernementales locales, afin de déboucher sur des actions concrètes et tangibles. Dès le 13 mars la France a ainsi octroyé 1,5 million d'euros à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) pour renforcer la surveillance épidémiologique dans les pays d'Afrique subsaharienne francophones.
L'Afrique est un axe fort de l'aide au développement, défendu par le Président de la République. Sa situation illustre le kaléidoscope du Covid-19 avec deux points d'interrogation : le risque d'effondrement du système de santé et le risque de faillite de certains pays. Le Gouvernement a-t-il prévu de redéployer les crédits destinés à l'aide au développement au profit de l'action d'urgence au sein du programme 209, par exemple en renforçant les moyens de la mission de stabilisation du Centre de crise et de soutien du ministère des affaires étrangères ?
Quelle est le rôle de la France pour réorienter l'action des fonds multilatéraux auxquels elle contribue, comme le Fonds mondial, auquel nous avons promis 1,296 milliard d'euros pour 2020-2022 ?
Dans cette action importante, quelle coopération la France entend-elle mener avec les institutions africaines, européennes et mondiales ?
Vous avez précisé l'importance du travail du Gouvernement en soutien à l'Afrique face à cet immense défi. Dans un combat comme celui que nous menons, l'élaboration de statistiques fiables dans le domaine de la santé est primordiale. Notre agence Expertise France avait déjà travaillé avec certains pays d'Afrique dans ce domaine, mais les retards restent immenses. Envisagez-vous d'accentuer cet effort ?
L'Afrique souffre des fake news, qui circulent énormément en ce moment et emportent de graves conséquences en matière de bonnes pratiques et de sécurité. Prenez-vous en compte ce paramètre ?
Enfin, la France aura-t-elle, si cela s'avérait nécessaire, la capacité de rapatrier en urgence nos concitoyens résidents en Afrique ?
Comment préparez-vous l'éventualité d'une deuxième vague de retour de nos ressortissants venant de pays dont les structures sanitaires sont défaillantes ? Quelles dispositions préparez-vous en faveur des dizaines de milliers de jeunes en PVT, en Australie par exemple, qui se trouvent sans travail et sans ressources ? Combien d'entre eux ont exprimé le souhait de rentrer ?
À plusieurs reprises, en Nouvelle-Zélande, en Algérie ou au Costa-Rica, j'ai soutenu des personnes qui rencontraient des difficultés pour rentrer en France et j'ai apprécié l'efficience de notre réseau consulaire. Un de nos concitoyens originaire de mon département a malheureusement disparu en Nouvelle-Zélande depuis plusieurs semaines, je sais que vos services font le maximum à son sujet, mais cela devient très inquiétant.
La directrice des Français à l'étranger, le responsable des réseaux d'urgence et nos ambassadeurs sont remarquables et c'est, pour les Français en difficulté, un véritable bonheur de découvrir l'existence et l'efficacité de leur action à travers le monde.
Je salue, après mes collègues, le travail que vous menez ainsi que l'action du Centre de crise et de soutien et du réseau consulaire et diplomatique. Avez-vous pu dresser un premier bilan des réelles difficultés rencontrées dans cette opération ? Quels enseignements pouvons-nous en tirer ? Il est tôt pour cela, sans doute, mais quelles améliorations envisagez-vous de mettre en oeuvre ? À ce sujet, vous avez évoqué les outils informatiques, en particulier le site SOSuntoit.fr. Avez-vous mené une première réflexion pour améliorer les dispositifs existants, en lien avec les services consulaires, les opérateurs de tourisme et les compagnies aériennes ?
J'ai, enfin, une question plus large sur le réseau consulaire. Dernièrement, une réduction de 10 % de la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères était envisagée. Est-on en train de revenir sur cette idée ? Disposer d'un corps diplomatique déployé comme l'est le nôtre sur les cinq continents nous a permis de réaliser cette opération en quelques jours. Nous avons entendu la directrice des Français à l'étranger à ce sujet, au cours d'une audition de grande qualité.
Le président du Sénat a rappelé qu'il était primordial que la Haute Assemblée exerce son rôle de contrôle de l'action du Gouvernement et nous entendons assumer cette mission.
Je vous remercie de votre disponibilité, monsieur le secrétaire d'État, dans vos communications avec les parlementaires représentant les Français à l'étranger, notamment lors du rendez-vous hebdomadaire du jeudi. L'une des leçons qui doit être tirée de cette crise concerne, à mon sens, le développement rapide de réseaux de communication sécurisés. Au nom de notre groupe, je tiens à rendre hommage au personnel du Quai d'Orsay et à l'ensemble de notre réseau diplomatique et consulaire ainsi qu'à mes collègues sénateurs, et pas seulement à ceux qui sont élus des Français à l'étranger, car tous ont été mobilisés pour trouver des solutions à des situations humaines parfois dramatiques.
Dans les circonstances nées de la pandémie de Covid-19, qui nécessitent le rapatriement urgent de bon nombre de nos compatriotes, une vision globale est nécessaire pour appréhender la situation : nous devons analyser la notion de système de rapatriement et réfléchir à la relation entre l'État et les Français établis hors de France. La majorité de nos ressortissants bloqués à l'étranger a pu rentrer, mais les opérations ne sont pas terminées.
Le défi à relever concerne la deuxième vague, constituée de résidents qui voudront rentrer en raison du manque de structures sanitaires dans les pays où ils vivent. Nous sommes inquiets, également, pour ceux qui font face à des revirements de situation financière liés, par exemple, à des pertes d'emplois, de revenus ou de logements aux États-Unis. Les Français qui rentreront dans ces conditions bénéficieront-ils d'aides ?
Nous formons le voeu que, pour les étudiants intégrés dans les échanges universitaires ou bénéficiaires de bourses, cette année ne soit pas perdue. Enfin, qu'en est-il des 45 000 jeunes en PVT ?
En cas de retour massif, quel scénario envisagez-vous ? Des schémas doivent être imaginés et, en la matière, l'expérience de la planification militaire est sans doute un atout.
S'agissant du Conseil européen sur le développement, avez-vous pu identifier une volonté de stratégie commune des vingt-sept sur l'Afrique ?
Avez-vous des indications sur l'état d'esprit actuel des Français résidant à l'étranger et sur leurs attentes, notamment en matière médicale, d'aides sociales et de bourses scolaires ?
Par ailleurs, quelles sont les perspectives de redémarrage du secteur touristique, qui représente 7 % de notre PIB et 2 millions d'emplois directs et indirects ? Pour avoir participé au comité de filière à votre invitation, je connais votre engagement dans ce domaine, qui a déjà débouché sur la publication d'une ordonnance.
Sans esprit de polémique, je m'interroge sur le conseil donné aux Français par vos deux collègues chargés des transports : ne programmez pas de vacances ! Certes, il ne faut pas que nos concitoyens procèdent à des réservations mais, compte tenu de la situation sinistrée du secteur - la chute de l'activité atteint 90 % ! -, le redémarrage ne doit pas être perdu de vue.
Au nom du groupe de l'Union Centriste, je m'associe aux éloges du président de notre commission sur l'efficacité de la cellule de crise et de soutien et des personnels de nos postes consulaires. Je salue votre implication personnelle, monsieur le secrétaire d'État, dans un certain nombre de dossiers.
La pandémie du Covid-19 pourrait être pour l'Afrique la crise de trop. En particulier, elle risque de déstabiliser durablement, voire de mettre à bas, des régimes fragiles, comme au Sahel, ou en bout de course, comme en Afrique centrale.
Dans ce contexte, la participation massive de la Chine à l'effort de soutien sanitaire et financier des pays africains les plus en difficulté s'inscrit dans une stratégie d'influence très habile. Alors que la France et l'Union européenne sont forcées de parer au plus urgent en Afrique, quelle stratégie de long terme permettrait de garantir la sécurité sanitaire sur ce continent, mais aussi de préserver nos partenariats dans la durée ?
D'autre part, quelle est la position du Gouvernement vis-à-vis de l'appel du secrétaire général des Nations unies à suspendre le remboursement de la dette publique des pays africains, voire à annuler une partie de celle-ci ?
Au nom du groupe La République En Marche comme en mon nom personnel, j'appuie les félicitations adressées au ministère des affaires étrangères, à M. le secrétaire d'État et à tous ceux qui ont contribué au rapatriement de 150 000 Français dans des conditions exemplaires. S'agissant de la deuxième vague, tous les Français résidant à l'étranger ne chercheront pas à revenir, mais le nombre de retours pourrait toutefois être important - rien qu'en Afrique, nous comptons entre 200 000 et 250 000 compatriotes.
La participation de la France à l'aide de 20 milliards d'euros de la team Europe s'élève à 1,2 milliard d'euros : s'agit-il de fonds nouveaux ou d'un redéploiement ? Par ailleurs, les pays africains ont souvent du mal à gérer les fonds qu'on leur octroie, par manque de capacités humaines et techniques : comment les aider à cet égard ?
Alors que l'épidémie pourrait entraîner 20 millions de suppressions d'emplois dans les pays africains, l'Union européenne est-elle en mesure de mener une politique cohérente en faveur de l'annulation de dettes ? Quel crédit accorder au chiffre officiel de 4 000 cas de Covid-19 fourni par les gouvernements ?
De nombreux camping-caristes français ont été bloqués au Maroc : leur situation est-elle définitivement réglée ? Quant à nos concitoyens restés en Nouvelle-Zélande faute d'avoir pu s'offrir des billets à prix prohibitif, quelle solution leur a-t-on proposé ?
S'agissant de l'Afrique, compte tenu des difficultés colossales qui s'annoncent, j'espère que nous pourrons débattre dès la rentrée de l'aide publique au développement. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué 2,85 milliards d'euros dégagés pour la santé et la recherche au niveau européen, mais à qui cet argent bénéficiera-t-il : instituts européens ou africains, grands groupes ou institutions publiques ?
Dès le début de la pandémie, le Gouvernement s'est engagé à permettre aux Français qui se trouvaient à l'étranger de rentrer dans notre pays. Je félicite à mon tour tous ceux qui ont contribué à rendre possibles ces opérations - à l'instar de votre cabinet, très disponible chaque fois que je l'ai sollicité.
En revanche, j'ai été assez sidéré qu'on laisse les 150 000 Français rapatriés rentrer en France sans aucun contrôle. À cet égard, je suis très préoccupé par le risque d'un retour de l'épidémie au cas où nous aurions à rapatrier une part importante de nos compatriotes installés en Afrique, dont le nombre est d'ailleurs incertain : M. Yung parle de 250 000 personnes, d'autres de 600 000... Nos ressortissants seraient-ils testés avant leur départ, à leur arrivée à l'aéroport ? Où pourrions-nous confiner une population aussi nombreuse, peut-être jusqu'à 200 000 personnes ? Dans le cadre d'un confinement chez elles, seraient-elles géolocalisées ? Après avoir consenti un effort de confinement, nos compatriotes seraient très inquiets de voir se créer les conditions d'une résurgence de l'épidémie.
Nous travaillons avec les grands fonds à la réorientation d'un certain nombre de crédits vers la lutte contre la pandémie.
Ainsi le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme s'est-il rapidement engagé dans la riposte à l'épidémie, tout en assurant la continuité de son action : ses bénéficiaires sont incités à réallouer jusqu'à 5 % de leurs subventions à la lutte contre le Covid-19, et un mécanisme ad hoc, doté de 500 millions de dollars supplémentaires, doit être approuvé par le conseil d'administration.
Deux autres fonds importants se mobilisent : l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI) a décidé de permettre à ses pays bénéficiaires de réorienter jusqu'à 10 % de leurs fonds vers la lutte contre la pandémie, tandis qu'Unitaid affecte 30 millions de dollars à des projets liés au Covid-19, notamment en matière d'accès aux outils de dépistage.
S'agissant du programme 209, des redéploiements de crédits sont en cours au profit du centre de crise et de soutien, via le fonds d'urgence humanitaire, pour financer la mise en oeuvre par nos ONG partenaires de programmes à destination des populations vulnérables.
L'Agence française de développement a révisé son plan d'affaires pour lancer une initiative dotée de 150 millions d'euros en subventions et de 1 milliard d'euros en prêts, financés sur la mission Aide publique au développement ; dans ce cadre, 70 millions d'euros seront dépensés en dons-projets.
Quant à Expertise France, elle met en place une plateforme d'assistance technique sur le Covid-19 et conduira plusieurs projets à destination de l'Afrique subsaharienne.
Reste que les marges de redéploiement au sein du programme 209 sont limitées par de nombreux engagements juridiquement contraignants, à commencer par notre contribution au Fonds européen de développement.
Il est certain, madame Pérol-Dumont, que la mesure statistique est une dimension importante, notamment du point de vue de l'Agenda 2030, qui repose sur 232 indicateurs. Dès 2018, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement avait prévu que la France se dote d'un plan d'action en matière de coopération statistique : cet objectif est évidemment plus actuel que jamais. Nous soutenons l'Observatoire économique et statistique d'Afrique subsaharienne, ainsi que le déploiement d'expertises techniques de l'Insee et d'Expertise France auprès des instituts nationaux de statistiques des pays africains.
Les rumeurs et fake news imposent aux Européens de promouvoir un récit qui contrecarre biais et manipulations. En la matière, la France soutient un certain nombre d'actions de vérification des nouvelles en Afrique : par exemple, notre ambassade au Mali finance un groupe de blogueurs qui lutte contre les fake news. Canal France International (CFI) mène un travail remarquable en matière de formation des journalistes, et RFI déploie également certains programmes qui contribuent à cet indispensable travail de veille et de riposte.
Les rapporteurs m'ont interrogé aussi sur les dettes publiques des pays africains. La France souhaite une action forte en la matière, du côté de la Banque mondiale comme du Fonds monétaire international. Le Conseil de développement de ces deux institutions débattra de ces questions le 15 avril. La France appelle de ses voeux une initiative sur la dette des pays les plus fragiles, mais une action coordonnée au niveau international est indispensable. De fait, les créanciers bilatéraux non membres du Club de Paris détiennent 37 % des dettes - la Chine, à elle seule, en détenant 11 %. Une action du Club de Paris serait donc incomplète si les autres créanciers ne s'y joignaient pas.
M. Grand et plusieurs autres orateurs ont soulevé la question d'une potentielle deuxième vague, du fait du retour des résidents et des jeunes du programme vacances-travail. Ces derniers sont environ 45 000, concentrés à 92 % dans trois pays : le Canada, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Certains ont retrouvé une activité, par exemple dans l'agriculture. Pour les autres, nous oeuvrons à faciliter leur retour.
S'agissant des Français résidant à l'étranger, nous leur recommandons de se protéger, notamment en évitant de se déplacer. Lorsqu'ils sont dans une situation de vulnérabilité particulière, notamment sur le plan sanitaire, nous leur demandons de se faire connaître de nos consulats et ambassade. Nous pourrions ainsi prendre, le moment venu, les mesures qui s'imposeraient.
Nous travaillons à l'instauration d'un dispositif de soutien sanitaire, à destination notamment de nos compatriotes les plus vulnérables ; il sera adapté aux besoins de chaque pays.
À la faveur de la boucle d'information qui réunit les parlementaires représentant les Français établis hors de France, les services du ministère et moi-même, il apparaît que l'accès aux médicaments commence à poser problème dans certains pays, comme l'Île Maurice et Madagascar. Nous serons aux côtés de nos compatriotes installés dans ces pays.
Monsieur Temal, les opérations de retour ont mis en lumière l'importance de notre réseau universel ; tout le monde en est plus que jamais conscient, alors que depuis plusieurs années le Quai d'Orsay paie largement son écot à la réduction de l'emploi public. Il est apparu aussi que le numérique fournit des outils de réponse particulièrement précieux, que nous devons continuer à perfectionner. Ainsi, le site « Conseils aux voyageurs », actualisé en temps réel, a battu des records de fréquentation, avec 7 millions de visites depuis le 1er janvier, contre 2,2 millions l'année dernière à la même période, non loin des 9,4 millions de visites enregistrées pour toute l'année 2019 ! Je pense aussi à la plateforme « SOSuntoit », mise en place en vingt-quatre heures, grâce au mécénat de compétences : dans le cadre de cette formule d'entraide, environ 7 000 places d'hébergement ont été proposées à des touristes français.
Nous avons institué une audioconférence hebdomadaire avec les parlementaires représentant les Français établis hors de France, ainsi qu'avec le président de l'Assemblée des Français de l'étranger. Le travail conjoint mené dans ce cadre nous permet d'être très réactifs.
À l'intention de nos compatriotes résidant à l'étranger qui seraient amenés à rentrer en France, par exemple à la suite de la perte de leur emploi, le Gouvernement a prévu, dans le cadre de la loi d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, la fin du délai de carence de trois mois en matière de sécurité sociale. En cette période d'épidémie, il était important de prévenir toute rupture d'accès aux soins et aux remboursements.
Nous préparons activement la deuxième vague, au sein du ministère comme au niveau interministériel, en travaillant à une réponse sanitaire adaptée pays par pays, presque cas par cas.
S'agissant de la stratégie commune de l'Union européenne, au-delà de la réunion ministérielle qui s'est tenue hier, une coordination étroite est assurée par les directeurs généraux du développement des vingt-sept pays. Nous entretenons également de nombreux échanges bilatéraux pour coordonner nos réponses nationales. Les échanges devront également être nourris avec les pays africains, entre les délégations de l'Union européenne et les postes nationaux.
M. Temal m'a interrogé sur le secteur touristique. Le comité de filière tourisme se réunit chaque semaine pour identifier les besoins des professionnels et agir. Dans le cadre des ordonnances, un dispositif d'avoirs a été mis en place, permettant aux Français de reporter un voyage réservé ou d'obtenir un remboursement après dix-huit mois ; plus de 85 % des professionnels ont mis en place ce dispositif, et seulement 2 à 3 % des consommateurs se sont dits mécontents. Plus largement, les professionnels du tourisme se sont massivement emparés des outils d'accompagnement économique mis en place par le Gouvernement, comme l'activité partielle.
Les perspectives de redémarrage sont très difficiles à tracer, car elles dépendront de l'évolution de l'épidémie. Nous devons d'abord surmonter la crise sanitaire ; d'ici là, la prudence est de mise. Le comité de filière hebdomadaire permettra d'affiner notre action au fur et à mesure.
J'ai déjà abordé l'allègement des dettes publiques, évoqué notamment par MM. Cigolotti et Guérini. J'ajoute que les moratoires ne doivent pas empêcher la mise en place de nouvelles aides, nécessaires à la montée en puissance du dispositif sanitaire en Afrique. Plusieurs États se sont déjà emparés des plans d'urgence.
Monsieur Yung, notre effort additionnel de 1,26 milliard d'euros consiste en 1 milliard d'euros de prêts distribués par l'AFD, 150 millions d'euros de dons et un certain nombre d'autres actions - réorientation vers la santé de contrats de développement et de désendettement (C2D), projets de recherche financés par le ministère de la recherche -, sans oublier l'aide humanitaire d'urgence.
M. Laurent m'a interrogé sur les camping-caristes bloqués au Maroc. Entre 700 et 800 ont pu rentrer grâce à deux rotations maritimes entre Ceuta et Sète. Environ 1 500 se trouvent toujours dans la région d'Agadir. Une dizaine seulement se sont embarqués sur le dernier ferry Tanger-Med-Sète, la plupart préférant pour l'instant rester sur place. Au besoin, une nouvelle rotation pourra être mise en place, surtout si les demandes atteignent une masse critique.
S'agissant de la Nouvelle-Zélande, il est exact que des compagnies aériennes étrangères ont proposé des tarifs assez prohibitifs. Nous avons affrété des vols, dont plusieurs sont prévus dans les prochains jours : un vol décollera d'Auckland le 11 avril, un autre de Christchurch le 14. Ceux qui le souhaitent pourront ainsi revenir en France au prix le plus abordable possible.
Quant aux plus de 2 milliards d'euros alloués à la santé par l'Union européenne, ils bénéficieront à tous les acteurs mentionnés par M. Laurent : instituts de recherche français, européens et africains, ONG locales, acteurs de la société civile africaine.
En cas de deuxième vague de l'épidémie, monsieur Guerriau, nous déploierons divers dispositifs dans les aéroports, au départ comme à l'arrivée. En la matière, une grande coordination européenne et internationale sera nécessaire.
Je vous remercie d'avoir travaillé avec les parlementaires représentant les Français établis hors de France. Je remercie l'engagement de toutes les équipes et adresse un salut particulier aux ambassadeurs qui, souvent, sont devenus de super consuls et qui m'ont aidé à régler un certain nombre de cas très difficiles.
Pour autant, un retour d'expérience, « retex » s'imposera. Les marges de progression sont nombreuses. Il faudrait par exemple associer les personnes extérieures pour renforcer localement les équipes en cas de crise. L'administration ne peut pas gérer toute seule, sur le terrain, des crises de cette ampleur. Nous devons envisager un process d'amélioration continue nous permettant de ne pas être trop rigides face à de telles situations.
Cette crise a fait apparaître un trou dans la raquette. Je pense à tous les jeunes Français à l'étranger qui ne sont pas inscrits dans les registres. Quand on part à l'étranger moins de six mois, il est recommandé de s'inscrire sur Ariane ; au-delà, il faut s'enregistrer auprès du consulat. Pour ce faire, il faut une attestation de justification de logement prouvant que l'on réside bien à l'étranger. Or, de nombreux jeunes sont en colocation ou en sous-location et ne peuvent donc s'inscrire. Ainsi, en Irlande, à l'occasion de cette crise, ont ressurgi des dizaines de milliers de jeunes, qui ne sont pas connus de nos services. Est-il prévu de faire évoluer le système d'enregistrement des Français résidant à l'étranger ?
Comme à l'île Maurice et à Madagascar, certaines situations sont dramatiques au Maroc : des ressortissants atteints de maladies de longue durée ne parviennent pas à obtenir leurs médicaments. Une réunion interministérielle doit se tenir sur le sujet : pouvons-nous nous attendre à une amélioration en matière d'approvisionnement en médicaments ?
Je m'interroge également sur le rapatriement des camping-caristes au Maroc.
À mon tour, je tiens à saluer l'action de votre cabinet, qui a été déterminante pour permettre certains rapatriements de l'étranger.
J'en viens à l'AFD. La semaine dernière, nous avons voté des aides pour l'Afrique. Seront-elles suffisantes pour aider ce continent, où la crise va certainement provoquer des ravages ?
En tant que membre du conseil d'administration de l'AFD, je m'interroge également sur le rôle de cette agence.
Parmi les actions envisagées par un certain nombre d'antennes de l'agence en lien avec les ambassades, il y a celle de donner, en respectant bien sûr un certain nombre de règles strictes, du cash - de l'ordre de 50 euros par mois - aux populations les plus démunies de certains pays africains, notamment francophones, pour leur permettre de passer le cap et de ne pas mourir de faim. Si cette hypothèse n'a pas été validée, elle n'a pas non plus été écartée par le conseil d'administration. Qu'en pensez-vous, monsieur le secrétaire d'État ?
Monsieur Cadic, il faudra bien évidemment réaliser un retour d'expérience précis. Dans certains pays, le nombre de Français en déplacement touristique ou en voyage d'affaires était tel que les standards téléphoniques ont sauté ! C'est ce qui s'est passé au Maroc, quand bien même les consuls ont déployé, avec la meilleure volonté du monde, des cellules de crise locales et mis en place des call centers au sein des consulats.
Il faut sans doute réfléchir à la possibilité d'étendre les capacités du centre de crise et de soutien (CDCS) pour soulager certains pays. Lorsque l'épidémie a démarré en Chine ou en Italie, le CDCS a parfois pris directement les lignes pour soulager les postes consulaires et apporter une réponse quelle que soit l'heure.
La solution qui consisterait à contracter avec un prestataire pour avoir un call center n'est pas opportune, car les éléments de langage vis-à-vis des personnes appelantes évoluent très rapidement. Il s'agit d'un métier lié à la gestion consulaire. Le CDCS est composé de personnels qui connaissent ces problématiques - diplomates, volontaires issus de la diplomatie et membres de la Croix-Rouge - et sont formés pour apporter une réponse sanitaire. Ce sont toutefois des sujets de réflexion pour l'avenir. Il faut toujours chercher à s'améliorer.
Un peu moins de 2 millions de Français sont inscrits au registre, alors même qu'ils sont entre 3 à 3,5 millions à résider à l'étranger. Il faut continuer à les inciter à s'inscrire. Cet appel a d'ailleurs été entendu, puisque 45 000 nouvelles inscriptions ont été enregistrées en quelques semaines. Je retiens la proposition de revoir la question de la domiciliation, qui peut se révéler bloquante et empêcher des jeunes de s'inscrire. Sur ce sujet, il faut être très pragmatique et s'adapter.
Je m'associe aux différents remerciements qui ont été adressés à tous les personnels, collaborateurs et membres des cabinets des ministres. Il est vrai que tout monde a pris sa part.
Les moyens dédiés sont-ils suffisants ? Il ne faut pas oublier qu'à l'action nationale s'ajoute l'action internationale : nous oeuvrons à la Banque mondiale et au FMI pour que la réponse soit massive. Au FMI, il est question de créer des centaines de milliards de droits de tirage spéciaux. Concrètement, c'est de la monnaie nouvelle qui aidera les pays les plus vulnérables. La Banque mondiale a annoncé de son côté un plan qui se chiffre en milliers de milliards.
Par ailleurs, il faut veiller à ce que ces moyens parviennent réellement à être mis en oeuvre sur le terrain. On le sait, dans l'aide au développement, se pose toujours la question de la capacité d'absorption ; il se pose d'autant plus lorsque l'on est dans un temps d'action et de réaction très rapide.
Si la proposition d'une distribution d'argent directement à la population, débattue au conseil d'administration de l'AFD, était retenue et qu'un tel dispositif devait voir le jour, il faudrait s'appuyer sur des programmes nationaux ou sur des ONG locales. Une distribution en direct pourrait donner lieu à interprétation. Il faudrait à tout le moins conclure un partenariat.
À mon tour d'adresser mes félicitations à toutes les équipes.
Je souhaite appeler l'attention sur l'avenir de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Je sais que différentes réunions sont prévues à ce sujet, mais cela peut intéresser les membres de notre commission, car il s'agit d'un fantastique réseau à l'étranger pour la diplomatie et pour les Français l'étranger.
En revanche, je crains que l'AEFE ne se retrouve en très grande difficulté en septembre et octobre prochains, car de nombreux parents étrangers disent hésiter et envisagent d'inscrire leurs enfants dans les écoles locales.
Dans le prolongement de l'intervention d'Olivier Cadic, je souhaite appeler votre attention sur la situation des étudiants en médecine français actuellement en Roumanie. Ils sont très nombreux. Pour ne pas perdre leur année scolaire, ils sont restés en Roumanie et y sont confinés. Or la situation sanitaire y est très préoccupante.
Connaissez-vous le nombre d'étudiants concernés et avez-vous envisagé la possibilité de les rapatrier si la situation devenait critique ?
Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie du travail que vous et vos équipes avez accompli.
Je soutiens ce qu'a dit Robert del Picchia au sujet de l'AEFE : le sujet est d'importance.
Vous avez parlé d'un soutien sanitaire par pays. Pouvez-vous nous en dire davantage ? Je suis extrêmement inquiète sur cette deuxième vague, qui devrait en particulier arriver d'Afrique. Nous n'avons quasiment pas de moyens là-bas : nous avons fermé des centres médico-sociaux ces dernières années. Comptez-vous utiliser la réserve sanitaire et les réservistes sur place ? Des moyens financiers seront-ils débloqués pour acheter par exemple des respirateurs dans les pays où il n'y en a quasiment pas ?
Je vous remercie de ce qui a été mis en oeuvre par vos services pour rapatrier les Français de l'étranger. Même si nos collègues de l'étranger ont été en pointe dans ce combat, nous sommes en contact avec les familles dans nos départements et nous sommes également sollicités.
Qu'est-il prévu pour nos compatriotes à l'étranger testés positif, qui restent bloqués dans un certain nombre de pays ? Pouvons-nous trouver des solutions pour les exfiltrer, en accord les autorités locales, et les rapatrier en France, où ils resteraient confinés chez eux ou à l'hôpital ? Ces personnes subissent une forte pression psychologique.
Je m'associe aux remerciements et félicitations qui ont été adressés au personnel du CDCS ainsi qu'aux membres de votre cabinet et à vous-même, monsieur le secrétaire d'État.
Chaque jour, des dizaines de milliers de Français traversent les frontières avec nos voisins. Aujourd'hui, la fermeture des frontières provoque des blocages et de très longues files d'attente. Des discussions à l'échelon européen sont-elles engagées pour résoudre ce problème ?
Une attestation nationale vient d'être créée. Permet-elle aux non-Français qui traversent la frontière quotidiennement de se rendre en France ? Quid des livraisons agroalimentaires de la France à l'étranger ?
Pourrions-nous disposer de l'interprétation des conventions fiscales bilatérales par la Direction des impôts des non-résidents (DINR) ? Aujourd'hui, de nombreux Français employés à l'étranger télétravaillent. Cette situation va-t-elle affecter leur lieu d'imposition ?
Je n'ai à ce stade aucune remontée concernant nos étudiants en médecine qui se trouvent en Roumanie. Aucune alerte de leur part n'a encore été lancée. Je prends note et j'en parlerai à notre ambassadrice.
L'attestation internationale concerne les étrangers qui veulent venir sur le sol français, mais également les Français qui reviennent en France. Ces derniers doivent la remplir, mais ils n'ont pas à motiver la raison du passage de frontière.
Je n'ai pas la réponse concernant les conventions fiscales bilatérales. Si des clarifications doivent être apportées, il faut se pencher sur le sujet avec la DINR.
Nos compatriotes testés positifs à l'étranger doivent se soumettre aux prérequis sanitaires du pays dans lequel ils se trouvent. En Égypte, c'est assez astreignant : il est demandé d'être testé négatif à deux reprises avant de pouvoir repartir. Des touristes français qui faisaient une croisière sur le Nil sont concernés : certains ont pu revenir, notamment hier, mais trois se trouvent encore au nord du Caire. Mme le consul à Alexandrie se déplace régulièrement pour les rencontrer. Vous avez raison, psychologiquement, c'est parfois un peu dur.
Quelques compatriotes ont été débarqués du Zaandam, paquebot de croisière qui a finalement accosté en Floride. Ceux qui ont été testés positifs ont été pris en charge dans des structures de santé locales, quatre sont en observation, les autres ont pu rentrer en France la semaine dernière.
Les Français encore à l'étranger se conforment aux protocoles locaux. Nous faciliterons ensuite leur retour.
Nous travaillons à une réponse sanitaire. Je ne peux en dire plus à ce stade, mais, dans les prochains jours, nous aurons l'occasion d'apporter des précisions.
La question de l'AEFE est tout à fait importante. Nous avions pour ambition de doubler le nombre d'élèves et avions d'ailleurs déployé des moyens supplémentaires à cette fin - 25 millions d'euros en plus. Aujourd'hui, la crise épidémique emporte des conséquences économiques qui peuvent être dommageables au réseau dans son ensemble. C'est pourquoi j'ai tenu à ce qu'une première réunion de travail soit organisée mardi dernier avec les parlementaires représentant les Français établis hors de France de tous les groupes politiques, les représentants des comités de gestion et le président de l'AEFE.
Selon moi, il faut apporter trois types de réponses.
La première a trait aux familles. Certaines peuvent être touchées de plein fouet par la crise économique. Il faut donc prévoir un accompagnement exceptionnel, comme nous l'avons fait au Vietnam et en Chine ; il faut envisager une extension de ce dispositif. Par ailleurs, il faut revoir les modalités d'octroi des bourses pour l'année prochaine : s'appuyer sur les revenus l'année N-1 n'est sans doute pas pertinent, dans la mesure où les variations de revenus risquent d'être significatives.
La seconde réponse concerne les établissements. Ceux-ci vont être confrontés à des situations très disparates. Il faut donc une solidarité au sein du réseau.
Enfin, l'AEFE elle-même va être touchée par contrecoup. Moins d'élèves scolarisés signifie moins de recettes pour les établissements, donc pour l'agence.
Il faut articuler ces trois réponses. Nous sommes en train d'y travailler avec un sentiment d'urgence. Je suis également amené à m'entretenir avec les parents d'élèves ou avec le président de la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE), comme ce fut encore le cas hier soir, pour évaluer la nature de la réponse. Je serai amené à m'exprimer sur le sujet très prochainement devant les parents et les enseignants, qui ont permis d'assurer la continuité pédagogique. Tout le monde est au rendez-vous.
En Moselle, il est très difficile de passer en Sarre. Même si nous avons déjà obtenu la réouverture d'un cinquième point de passage, les Français sont contraints de faire des détours de trente à cinquante kilomètres dans le secteur de Bouzonville. Cela ne dépend pas du gouvernement de la Sarre mais de l'échelon fédéral. J'ai écrit à l'ambassadeur d'Allemagne en France, avec copie à Jean-Yves Le Drian. Il faudrait au moins rouvrir un autre poste frontière dans le secteur de Bouzonville.
Bien pis, aujourd'hui, les Français sont insultés au passage de la frontière - la numéro deux du gouvernement sarrois a même présenté ses excuses. Il ne faudrait pas que se développe un sentiment anti-allemand.
Je prends note de cette remarque. Il faudra mobiliser notre homologue fédéral.
Monsieur le secrétaire d'État, nous renouvelons nos remerciements pour votre implication personnelle ; nous avons été nombreux à vous solliciter ainsi que les membres de votre cabinet. J'ai une pensée particulière pour le conseiller parlementaire de votre cabinet, qui a fait preuve d'une très grande disponibilité et nous a dépanné dans plusieurs cas sensibles.
Je vous prie de bien vouloir transmettre au nom de la commission des affaires étrangères notre reconnaissance à tous les personnels diplomatiques. Nous nous battons à chaque budget contre la compression des personnels diplomatiques, mais je constate qu'avec des équipes très restreintes et des moyens très contraints ils ont réussi de véritables tours de force, notamment au Maroc et au Pérou. Nous nous en souviendrons lors de l'examen du prochain budget.
Cette réunion nous a permis d'aborder la question du rapatriement des Français résidant à l'étranger, qui va certainement se poser dans les semaines à venir, ainsi que nos préoccupations concernant l'AEFE.
Je rappelle que, demain, à 16 heures, la commission auditionnera Florence Parly sur l'opération Résilience et les différentes opérations dans lesquelles sont engagés les militaires français.
La téléconférence est close à 12h40.