En application de l'article 13 de la Constitution, nous accueillons cet après-midi M. Jean Bassères, candidat proposé par le Président de la République pour le renouvellement de son mandat à la direction générale de Pôle emploi. Je salue les commissaires qui assistent à cette réunion à distance.
Je rappelle que cette nomination ne sera effective qu'en l'absence d'opposition des commissions parlementaires compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat dans les formes prévues par la Constitution. Si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés, le Gouvernement ne pourrait pas procéder à cette nomination. À l'issue de l'audition, nous procéderons immédiatement au vote, ainsi qu'au dépouillement, de manière simultanée avec l'Assemblée nationale, qui a procédé à cette audition ce matin.
L'action de l'opérateur de l'emploi sera bien sûr plus que jamais importante dans la lutte que nous aurons à poursuivre contre le chômage.
La proposition de votre nomination s'inscrit dans la continuité.
Je vous laisse la parole pour présenter votre bilan et les perspectives que vous envisagez pour Pôle emploi dans les prochaines années, avant que nos collègues ne vous adressent leurs questions.
Je suis très honoré de me retrouver devant vous pour candidater au renouvellement de mon mandat.
J'ose lire dans la volonté du Gouvernement de me proposer un quatrième mandat le signe d'une confiance dans la capacité de Pôle emploi à prendre sa part dans la lutte contre la crise économique et sociale que traverse notre pays. J'espère que cette confiance est la reconnaissance à l'égard de la profonde transformation engagée depuis 2012 et des résultats obtenus en conséquence, mais surtout à l'égard de la très forte mobilisation des collectifs de Pôle emploi, dont je veux saluer l'engagement et le grand professionnalisme au profit des demandeurs d'emploi et des entreprises.
Avant d'en venir aux transformations que j'envisage pour les années à venir, tant dans notre offre de services que dans notre organisation interne, je veux préciser la manière dont Pôle emploi se mobilise pour la réussite du plan de relance. Cette mobilisation est notre priorité majeure depuis l'été dernier, de manière adaptée à chaque territoire, en lien avec nos partenaires.
Nous avons trois priorités.
Notre première priorité est de contribuer au plan gouvernemental « 1 jeune, 1 solution » ; pour ce faire, nous mobilisons tous les dispositifs existants afin d'accompagner le plus intensivement possible les jeunes. Nous nous appuyons sur la possibilité d'augmenter le nombre de jeunes que nous accompagnons de façon intensive, dans le cadre de l'accompagnement intensif des jeunes (AIJ). Cela bénéficiera à 135 000 jeunes en 2020 et à 240 000 en 2021. Nous faisons la promotion des contrats d'insertion - contrats marchands ou parcours emploi compétences -, des aides à l'embauche et nous mobilisons nos actions de formation. En outre, nous rappelons systématiquement les recruteurs qui déposent une offre à destination d'un jeune sur notre plate-forme 1jeune1solution.gouv.fr et nous aurons organisé d'ici à la fin de l'année 3 000 événements de recrutement dédiés aux jeunes.
Notre deuxième priorité consiste à aider les entreprises à réduire leurs délais de recrutement. Nous nous sommes mobilisés prioritairement sur les secteurs visés par le plan de relance, en organisant dans chaque agence de Pôle emploi quatre événements mensuels, des « job datings » de la découverte de métiers ou de la promotion d'actions de formation. Nous menons avec les professions du BTP et du grand âge des actions de qualification des profils, pour répondre à leurs besoins urgents.
Le troisième volet est l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi. Pour ceux qui alternent chômage et travail, nous voulons favoriser une reprise d'emploi aussi rapide que possible. Dès l'été dernier, nous avons lancé deux nouvelles prestations prises en charge par des opérateurs privés. Pour les personnes qui ont perdu un emploi dans un secteur en restructuration, qui n'en retrouveront pas dans ce secteur à court terme, l'enjeu est de favoriser la reconversion, au travers d'ateliers pour identifier leurs compétences transférables dans un autre secteur ; les entreprises attachent maintenant beaucoup d'importance au savoir-être professionnel, que notre prestation ad hoc permet de valoriser, avec un taux de satisfaction supérieur à 95 %. Pour les plus éloignés de l'emploi - jeunes ou personnes en situation de handicap -, notre objectif est d'éviter l'enfermement dans le chômage de longue durée, grâce à des accompagnements intensifs, des formations, des emplois francs ou des parcours emploi compétences.
Nos résultats semblent assez bons ; nous atteindrons l'objectif de 135 000 jeunes accompagnés de manière intensive, grâce aux recrutements que nous avons obtenus. En ce qui concerne le grand âge, nous avons travaillé sur l'attractivité du métier et sur des parcours de formation permettant de répondre aux besoins des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et des services à domicile. Pour ce qui concerne le BTP, nous avons des relations partenariales avec les acteurs de ces professions ciblées autour de la préparation de candidats à des job datings. Le nombre d'entretiens a augmenté fortement au cours des derniers mois. Nous en attendons des résultats prochainement.
Nous devons nous adapter à la crise et nous avons eu des renforts significatifs : nous avons recruté 2 150 conseillers supplémentaires entre septembre et octobre, dont 650 qui se consacrent à l'accompagnement intensif des jeunes. Ces renforts nous permettent pour l'instant d'absorber l'augmentation de la charge, mais nous rencontrons régulièrement Mme Borne, ministre du travail, pour faire le point sur le sujet. Nous sommes donc mieux armés qu'en 2008 et nous espérons pouvoir réagir vite aux évolutions du marché du travail.
Je veux aborder maintenant mes projections pour l'avenir.
La crise que nous traversons ne doit pas remettre en cause la nécessité de continuer à transformer les services de Pôle emploi pour les rendre plus efficaces. Nous devons poursuivre nos efforts, en portant quatre ambitions.
En premier lieu, nous devons être toujours plus efficaces sur l'indemnisation. Si l'on veut sécuriser les demandeurs d'emploi et leur permettre de se consacrer pleinement à la recherche d'un emploi, il faut d'abord répondre à leurs attentes en la matière. Nous avons un socle solide ; nous avons mis en place les réformes successives de l'assurance chômage et les dispositifs d'aide exceptionnelle, tout en maintenant un niveau de qualité élevé. Les demandes d'allocation sont traitées en huit jours en moyenne.
Toutefois, nous avons devant nous des transformations majeures. Les demandeurs d'emploi peuvent contacter un conseiller référent pour l'accompagnement, mais ils n'en ont pas pour l'indemnisation ; le déploiement du conseiller référent « indemnisation », à partir d'avril 2021 doit corriger cette asymétrie. Cela permettra à nos conseillers de donner des conseils plus personnalisés et d'intervenir de manière proactive.
Par ailleurs, nous allons poursuivre le mouvement de dématérialisation, pour rendre plus efficiente la gestion des dossiers et des pièces justificatives, afin de donner aux conseillers la capacité de se consacrer pleinement au conseil. Nous devons améliorer, en lien avec l'Unédic, la gestion des trop-perçus, pour en limiter le nombre et faciliter leur traitement ; nous avons également une préoccupation de lutte contre la fraude.
En deuxième lieu, nous voulons être un service public qui accompagne chacun vers l'emploi selon ses besoins et qui accorde une attention particulière aux publics les plus touchés par la crise. Les parcours des demandeurs d'emploi sont de plus en plus discontinus et exigent un accompagnement personnalisé, surtout pour les publics fragiles touchés par la crise. L'objectif est de faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin, au moment où ils en ont le plus besoin.
Nous avons installé des fondamentaux solides ; notre offre de services d'accompagnement est personnalisée, selon l'éloignement à l'emploi et nous avons développé un accompagnement intensif pour ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi. Cet accompagnement mobilise plus du tiers de nos conseillers.
Notre offre de services s'est intensifiée et diversifiée grâce au numérique et aux relations partenariales que nous entretenons avec les collectivités ; je pense en particulier aux conventions de partenariat renforcé avec les départements, qui nous ont permis de mettre en place l'accompagnement global, afin d'appréhender les difficultés de retour à l'emploi et les freins sociaux. Nous avons également renforcé nos relations avec les régions.
Nous avons constaté une forte progression du nombre de retours à l'emploi, notamment de plus d'un mois et une hausse continue de la satisfaction des demandeurs d'emploi sur leur suivi. En novembre, ce taux était supérieur à 80 %.
Cela dit, nous devons également poursuivre les transformations en la matière, pour franchir un nouveau cap, en améliorant nos capacités de diagnostic ; c'est l'objet de notre projet « pack de démarrage », qui consiste à substituer à l'entretien initial de quarante minutes un programme de deux demi-journées de diagnostic avec séquences collectives et individuelles, afin de porter un diagnostic initial de meilleure qualité. C'est un sujet majeur, suspendu aujourd'hui pour des raisons sanitaires, car il repose sur des actions collectives. Il faudra le déployer quand la charge sera plus stable ; nous n'avons pas encore de calendrier précis. Nous souhaitons en outre coupler ce projet avec le Journal de la recherche d'emploi, présent dans deux régions, qui permet d'avoir des informations mensuelles sur l'évolution de la situation des demandeurs d'emploi.
Dès le premier semestre de 2021, nous mettrons en place un suivi plus numérique et plus collectif pour les demandeurs d'emploi les plus autonomes, ceux qui ont le moins besoin de nous. Nous voulons travailler sur un accompagnement ciblé sur les moments clefs.
Enfin, nous souhaitons mieux repérer les compétences transverses, afin de donner plus de corps à l'approche par les compétences, sur laquelle nous avons beaucoup avancé au cours des dernières années. C'est notamment l'enjeu de la rénovation de notre référentiel ROME, le répertoire opérationnel des métiers et des emplois.
En troisième lieu, nous voulons être un service public reconnu comme un partenaire de confiance des entreprises. Le volume d'offres d'emploi reste important, même s'il diminue et, en période de crise, on comprend encore moins qu'en période normale que des offres restent non pourvues. Nous avons mis en place des conseillers spécialisés dans la relation avec les entreprises ; c'était une forte innovation par rapport au modèle historique de Pôle emploi ; nous en comptons aujourd'hui 5 700. Nous avons développé une offre de service plus ambitieuse grâce à ces conseillers. Nous contactons, dans les trente jours, toutes les entreprises ayant déposé une offre qui n'a pas été pourvue, pour étudier la manière d'y trouver une réponse. Nous voulons également rendre plus claire notre palette de services, car elle est difficilement accessible aux entreprises.
Nous avons des résultats encourageants. Le taux de satisfaction des entreprises recourant à Pôle emploi était de 85 % en novembre dernier. Le délai de satisfaction des offres diminue : il était de trente-deux jours en octobre, soit treize de moins qu'il y a un an, même si c'est aussi lié au fait d'avoir moins d'offres.
Toutefois, nous souhaitons déployer, vers d'autres secteurs en tension, nos actions de qualification des profils pour le BTP et le grand âge. Nous souhaitons développer des groupes de travail régionaux pour faire mieux connaître notre offre de services, afin que celle-ci soit plus mobilisée par les entreprises. Nous nous appuierons également sur des outils, en cours de développement, issus de l'intelligence artificielle, afin que le conseiller puisse détecter dès le dépôt d'une offre d'emploi les difficultés potentielles de recrutement au regard du marché du travail et recommander des solutions.
Nous travaillons par ailleurs à la préparation, par les conseillers entreprises, des candidats au premier entretien de sélection ; c'est une clef du recrutement. Nous souhaitons nous appuyer sur le réseau des opérateurs de compétences (OPCO) pour mutualiser nos présences territoriales respectives.
En quatrième lieu, enfin, nous voulons nous appuyer fortement sur nos partenaires locaux afin d'enrichir notre action. Ma conviction est que Pôle emploi ne peut réussir seul ; il ne réussira que s'il s'inscrit efficacement dans un écosystème, avec des objectifs partagés avec nos partenaires. Nous devons progresser dans la contractualisation avec les départements, afin de réussir ensemble à augmenter le nombre de bénéficiaires de l'accompagnement global, conformément aux ambitions de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Avec nos collègues du réseau Cap emploi, nous travaillons au déploiement, d'ici à la fin de l'année, d'une offre de services intégrée, au profit des demandeurs d'emploi en situation de handicap. C'est un projet de grande ampleur qui nous permettra de franchir un saut qualitatif majeur.
Nous devons simplifier le parcours des jeunes et travailler plus efficacement avec les missions locales. Le plan « 1 jeune, 1 solution » est une très belle opportunité pour le faire et, sur le terrain, des initiatives très intéressantes se font jour. L'objectif est d'intensifier, dans une logique de complémentarité et d'efficacité, tous nos partenariats : avec l'insertion par l'activité économique, avec l'Association pour l'emploi des cadres (APEC) et avec les régions, chefs de file en matière de formation professionnelle.
Avant de conclure, je veux dire un mot rapide sur l'autre volet de notre stratégie, relatif à l'organisation interne. Nous devons continuer d'innover et de tirer parti des avancées technologiques ; nous devons investir massivement dans le numérique et franchir un nouveau pas, afin de rester à la pointe de son utilisation, tout en ayant une attention soutenue à l'intégration numérique.
Deuxième enjeu interne, nous devons travailler à la performance par la confiance, qui consiste à donner le maximum de marges de manoeuvre aux acteurs locaux, pour leur permettre de soutenir les innovations.
Enfin, comme opérateur public important, nous avons une responsabilité sociale et environnementale, avec deux priorités : l'accessibilité de nos services - l'accessibilité physique est intégrale, nous devons progresser en matière d'accessibilité numérique - et notre impact environnemental pour diminuer notre empreinte carbone.
J'en termine en vous disant ma conviction : Pôle emploi peut se mettre au service des élus et de leurs priorités. J'en suis persuadé, la mobilisation des collègues de Pôle emploi dans cette crise est remarquable ; je salue de nouveau, devant vous, leur engagement et leur professionnalisme.
Je m'associe à votre hommage aux collaborateurs de Pôle emploi. La situation est très compliquée et leur rôle est crucial.
On observe, dans les territoires, des situations économiques difficiles, avec des dépôts de bilan ou des plans de sauvegarde de l'emploi, mais on constate aussi, parallèlement, les difficultés de certaines entreprises à recruter. Ce n'est pas nouveau, mais c'est encore plus paradoxal avec la crise. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ne se fait pas en un instant, mais Pôle emploi doit accélérer la reconversion des salariés qui se retrouvent sans emploi. Dans ma région, l'ouest de la France, une entreprise sur trois ou quatre n'arrive pas à recruter. Que comptez-vous faire ?
Par ailleurs, vous avez évoqué le rapprochement avec Cap emploi et les initiatives sur l'emploi des travailleurs handicapés. Sur l'inclusion numérique de Pôle emploi, il y a encore beaucoup de travail, car un demandeur d'emploi qui ne peut pas utiliser seul internet est en difficulté. En outre, les travailleurs handicapés sont souvent les premiers concernés en cas de difficulté ou de non-reconduction de contrat. Il y a des démarches fortes du Gouvernement vis-à-vis des grands groupes, mais les PME sont en difficulté pour avoir la connaissance des possibilités de recrutement de travailleurs handicapés. Dans cette période très difficile, quels efforts particuliers pensez-vous mettre en place pour accompagner les travailleurs handicapés ?
Je suis satisfaite de l'action de Pôle emploi dans mon territoire, mais j'ai été troublée d'apprendre que cet organisme recourait à des volontaires du service civique pour assurer des tâches de conseillers. Cela me semble être une dérive. Qu'en pensez-vous ?
Combien d'allocataires un conseiller de Pôle emploi suit-il ? Peut-il avoir un suivi humain ? Ne sommes-nous pas dans une politique du chiffre ?
Par ailleurs, la presse s'est fait l'écho d'une politique de gestion des ressources humaines peu respectueuse des personnes et du bien-être au travail. Qu'allez-vous faire pour y remédier ?
Depuis quelque temps, on assiste à un phénomène de yoyo dans les effectifs ; on alterne périodes de réduction et périodes d'augmentation du nombre d'emplois à Pôle emploi. C'est bien d'augmenter les recrutements quand on en a besoin, mais je crains que l'on ne recrute pas toujours des personnes formées. On doit voir arriver aujourd'hui à Pôle emploi des gens qui ne pensaient pas perdre leur emploi voilà un an et qui ne sont pas habitués à cette situation. Les conseillers recrutés en CDD sont-ils formés ?
La dématérialisation, c'est bien, mais il y a encore beaucoup de monde sur le bord de la route. Je pense que l'on a atteint un palier ; il y a des situations de blocage, par forcément chez les plus âgés ou les moins instruits, car il y a de moins en moins d'humain. Ne faut-il pas recréer des outils pour réintroduire de l'humain ?
Enfin, vous avez évoqué le plan Jeunes, très bien, mais qu'en est-il des seniors ?
Je veux parler de l'action de Pôle emploi dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Dans ces quartiers, la population de moins de 25 ans représente plus de 50 % de la population et le taux de chômage dépasse 50 %. Quelles décisions Pôle emploi pourrait-il prendre à l'égard de cette population ? Envisagez-vous de remettre des agences dans ces quartiers ? Si ce n'est pas possible, ne faut-il pas accroître les partenariats publics-privés avec les associations qui sont les dernières structures de service public dans ces quartiers ?
Nous avons encore des difficultés de recrutement, même si le volume des offres a diminué. Dans cette situation de chômage important, c'est un paradoxe, que nous avons beaucoup de mal à expliquer, et qui suscite d'ailleurs des analyses parfois très critiques. La réponse est d'agir au plus près du terrain, en travaillant sur les compétences. Au-delà des compétences techniques, les chefs d'entreprise cherchent de la motivation et du savoir-être professionnel. Nous devons faire connaître des métiers, surtout ceux qui ont du mal à recruter, en expliquant quelles sont les conditions de travail, au besoin en faisant venir des personnes qui exercent ces métiers. Enfin, il y a des déséquilibres territoriaux frappants. Dans le Choletais, nous avons été associés à une action consistant à aller chercher des compétences dans d'autres régions. Il faut monter des dispositifs ambitieux pour aller au-delà de la mobilité résidentielle.
Notre objectif premier est de convaincre les entreprises que nous sommes là pour elles. Celles qui travaillent avec nous affichent un taux de satisfaction de 85 %. Il reste une marge de progrès.
Sur la situation des handicapés, il y a aussi un paradoxe, puisque les entreprises ont une obligation légale et se demandent parfois comment la remplir. Nous avons beaucoup travaillé sur la question. Une solution est le rapprochement avec le réseau Cap emploi. Certains de nos conseillers doivent être capables d'expliquer à des PME ou à des TPE ce que veut dire l'embauche d'une personne en situation de handicap, afin d'aider à vaincre des stéréotypes. Nous espérons ainsi susciter des recrutements. Mais les dispositifs anti-discrimination interdisent à une entreprise de publier une offre spécifiant son désir de recruter une personne en situation de handicap...
Les volontaires du service civique à Pôle emploi ont été représentés dans un reportage de Cash Investigation, émission qui a tendance à ne retenir que les témoignages qui confirment ses thèses. Nous sommes le deuxième opérateur qui recourt aux volontaires du service civique : entre 3 000 et 4 000 par an. Nous l'avons fait dans le cadre de la numérisation de nos services, car nous avons rendu obligatoire l'inscription à Pôle emploi par numérique. Cela nous a imposé de laisser la possibilité à ceux qui ne maîtrisent pas le numérique de venir en agence pour travailler avec les outils numériques. Or l'ambition des volontaires du service civique est de prendre un engagement sociétal au profit, notamment, des personnes en difficulté. Aider des personnes à acquérir des compétences numériques dans les agences pour l'emploi, cela répond à l'objectif de la mission, à mon sens.
Le reportage a pointé un cas où un volontaire du service public fait autre chose. Ce n'est pas normal, sans aucun doute. En principe, dans nos agences, les volontaires sont dans les halls d'accueil, portent des gilets bleus et font une activité qui est conforme à la mission. Leur activité rend service aux demandeurs d'emploi, sans être une activité de conseillers : ils ne touchent pas à notre coeur de mission.
Lorsqu'on interroge ces jeunes en service civique sur leur satisfaction vis-à-vis de Pôle emploi, ils sont satisfaits à hauteur de 80 %. Et quand on regarde ce qu'ils deviennent quand ils ont fini leur mission de service civique, ils sont à 70 % en emploi, en formation, ou ont repris leurs études. Nous sommes donc parfaitement cohérents avec la mission du service civique. Il ne faudrait pas qu'un cas particulier jette l'opprobre sur l'ensemble du dispositif. Je vous suggère d'ailleurs de regarder les tweets qui ont été publiés le soir de l'émission : beaucoup critiquaient le reportage. Et, deux jours après, dans Ouest-France, un article témoignait de l'expérience de trois volontaires du service civique, de manière rassurante pour l'image des services publics à Pôle emploi.
La taille des portefeuilles, loin d'être secrète, est publiée. Il y a plusieurs catégories de portefeuilles, puisque notre stratégie a été de différencier l'accompagnement. L'accompagnement renforcé est supposé traiter la situation de ceux qui sont le plus en difficulté. L'accompagnement global ajoute une dimension liée aux travailleurs sociaux des départements. Et, à l'autre bout de la chaîne, il y a ce que l'on appelle le suivi, pour des gens qui sont autonomes, avec un accompagnement très numérique.
En accompagnement global, un conseiller, en moyenne nationale, traite 60 demandeurs d'emploi. En accompagnement renforcé, ce chiffre monte à 92. En accompagnement guidé, il est de 200, et en suivi, de 350. Ce dernier chiffre ne me choque pas, et pourrait même être augmenté, puisqu'on s'adresse à des personnes qui sont autonomes, auxquelles on peut répondre si elles ont un problème, mais qui n'ont pas besoin d'un accompagnement régulier. Ces personnes ont besoin de Pôle emploi d'abord pour leur indemnisation, et pour répondre à des questions. Avec un suivi plus numérique et un réseau social interne qui met en relation les demandeurs d'emploi entre eux, on peut aller au-delà de 350. En suivi renforcé, le chiffre de 92 me paraît dans la limite haute. Et sur le suivi guidé, c'est trop : un conseiller ne peut connaître parfaitement un portefeuille de 200 personnes !
Nous devons fournir à nos conseillers le moyen de mieux connaître leur portefeuille en fonction d'outils que nous leur donnerons. Dans le journal de la recherche d'emploi que nous mettons en place en Bourgogne-Franche-Comté, les demandeurs d'emploi nous indiquent ce qu'ils font : nous sommes alors capables de leur suggérer des services et de repérer ceux qui sont en train de décrocher, par exemple s'ils ne déclarent plus rien pendant trois mois.
Nous ne sommes pas dans la politique du chiffre. Notre objectif est le taux de satisfaction, ce qui exclut de faire du chiffre.
Vous évoquez les conditions de travail à Pôle emploi. Que voulez-vous dire ? Nous mesurons la qualité de vie au travail et réalisons un investissement très fort de formation, à hauteur de cinq jours par agent en moyenne. Nous sommes très vigilants sur la qualité de vie au travail, et nous avons un dispositif de prévention des risques psychosociaux, avec des lignes d'écoute. Je n'ai pas le sentiment que, en matière de politique sociale, vu les investissements que nous y consacrons, il y ait des problèmes particuliers. Pour celles et ceux qui ont été recrutés depuis juillet, par exemple, et qui sont au nombre de 2 150, nous prévoyons douze semaines de formation et un tutorat. Un certain nombre de ces CDD de dix-huit mois se transformeront en CDI. C'est un investissement nécessaire et utile.
Sur le numérique, je suis d'accord avec vous. Nous essayons d'avancer sur deux jambes : il faut travailler sur les services numériques, parce que ceux qui maîtrisent le numérique en ont besoin, et que cela dégage du temps pour nos conseillers. Et il faut travailler sur la fracture numérique. Au-delà des volontaires du service civique, nous réalisons un diagnostic des difficultés, en utilisant des outils qui ont été conçus par d'autres, et en mettant en place des ateliers de formation à la maîtrise des outils numériques de Pôle emploi, et des ateliers pour former à l'utilisation du numérique pour la recherche d'emploi. Nous avons des partenariats très forts avec Emmaüs Connect.
Le premier enjeu de l'emploi des seniors, c'est que les seniors restent en emploi. Pour la reprise d'emploi, il faut combattre les stéréotypes. Et c'est notre rôle d'essayer de les combattre. Je ne pense pas qu'il faille créer des conseillers spécialisés pour les seniors - même si cette question fait débat au sein de Pôle emploi. Les seniors à Pôle emploi ont leur conseiller comme les autres, et bénéficient de nos outils. En revanche, beaucoup d'agences lancent des initiatives et créent des clubs seniors, ce qui impulse une dynamique. Notre stratégie est de laisser les agences prendre le maximum d'initiatives. Nous cherchons celles qui, pour les seniors, produisent le plus d'efficacité. Pour autant, on sait bien qu'une fois que l'on est senior et que l'on est inscrit à Pôle emploi, les chances de retrouver un emploi sont plus faibles, pour différentes raisons.
Sur les QPV, un premier élément de réponse se trouve dans l'allocation des moyens au sein de Pôle Emploi. Nous répartissons les effectifs entre régions, et les régions les répartissent entre agences. Nous avons toutefois un mécanisme qui permet d'attribuer plus de moyens là où il y a des volumes significatifs de personnes en politique de la ville. Une des réponses à la question du traitement de ces jeunes, c'est de s'assurer que leurs agences ont plus de moyens que les autres. L'enjeu est moins de créer de nouvelles agences dans ces quartiers que de parvenir à aller vers les personnes concernées. Outre les inscrits, il y a les invisibles, et cela nous préoccupe. La réponse passe par un travail avec les associations, et par le déplacement physique de Pôle emploi. Dans quelques régions, nous créons une place de l'emploi, sous forme de chapiteaux qu'on peut monter, par exemple dans un centre commercial, et dans lesquels nous présentons tous nos services avec nos partenaires.
Je suis depuis fin 2011 à Pôle emploi. Je n'ai pas connu beaucoup d'années où l'on y a supprimé des emplois. Quand il y a eu des suppressions, c'était à hauteur de 395 ou 400 emplois. Depuis une longue période, on est plutôt en augmentation d'effectifs. Est-il anormal de se dire que, lorsque la charge augmente, on recrute pour une durée correspondant à l'augmentation de la charge ? C'est ce qu'on essaie de faire, en négociant avec les syndicats le recrutement, en cas d'à-coups conjoncturels, de CDD de dix-huit mois - avec la formation nécessaire. Je ne vois pas pourquoi on ne recruterait qu'en CDI si nous avons des variations de charges. Quel est l'organisme, public ou privé, qui étalonnerait ses ressources sur les pics d'activité ? Il faut simplement s'assurer que le socle fait face aux besoins récurrents - et je crois que c'est le cas.
Je suis originaire, et élue, de la Martinique, pays particulier, avec le taux de chômage que vous savez. Les origines de ce chômage sont connues : mal-développement, petit marché... Dans le service rendu par Pôle emploi, je reconnais que d'énormes progrès ont été réalisés depuis plusieurs années : ouverture d'agences, proximité plus grande... Vous avez parlé d'appel à des opérateurs privés. Qu'en est-il ? Sur notre territoire, 30 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Or les équipements numériques coûtent cher - et il y a encore des zones blanches. Allez-vous consacrer des moyens à un accroissement encore plus fort de la proximité ? Nous avons plus de 50 000 chômeurs sur une population active de 150 000 personnes.
Je voulais vous parler aussi de notre directeur régional, qui est un Martiniquais. Pour nous, cela a du sens, parce qu'il faut savoir que, dans l'essentiel de l'administration française, les hautes fonctions ne sont pas tenues par des autochtones, ce qui pose parfois énormément de problèmes et engendre beaucoup de frustration dans la population. Je comprends que ce ne soit pas 100 %, mais à 95 %, cela devient frustrant et gênant - et cela fait partie des revendications de notre population qu'il y ait plus d'accès pour les Martiniquais aux hautes fonctions de l'administration, ou du secteur parapublic, comme Pôle emploi.
Or, justement, le directeur régional Antoine Denara en fonctions depuis sept ans est excellent. Martiniquais, il a bien compris l'approche culturelle des Martiniquais face à l'emploi, au travail, à l'économie informelle, sur la proximité... Il sait comment s'adresser aux gens, quels sont les canaux de communication. Je n'aimerais pas que cette dynamique dans laquelle nous sommes installés, et qui montre des signes intéressants, soit brutalement arrêtée, comme c'est souvent le cas, parce que l'administration française est très éprise de turn-over, en expédiant ce directeur quelque part, et en nous envoyant quelqu'un qui va redécouvrir le pays, nos moeurs, notre société et nos difficultés, et qui ne sera peut-être pas assez dynamique. Nous sommes déconfinés depuis une semaine et l'activité touristique reprend peu un peu, ce qui est une source d'emplois importante chez nous. J'aimerais donc vraiment que l'on fasse le maximum d'efforts pour nous conserver notre directeur général.
Un Martiniquais comprend mieux la Martinique : certes, nous sommes Français, mais nous avons aussi une identité martiniquaise très marquée, par notre histoire, avec une manière d'être, etc. Antoine Denara a très bien compris comment fonctionner avec nous, qu'il s'agisse des élus, des demandeurs d'emploi ou de l'administration. Il multiplie les initiatives qui collent parfaitement avec nos manières de faire. Bien sûr, c'est l'administration qui décide, mais je recommande très fortement qu'on nous laisse encore pour quelque temps notre directeur général. Il a une meilleure compréhension de notre énorme file d'attente de demandeurs d'emploi.
Sur l'emploi des seniors, j'avais rédigé un rapport avec Mme Lubin. Merci d'avoir exposé votre politique en la matière. Nous avions relevé dans le rapport qu'il était intéressant pour les entreprises de miser sur la formation des seniors, dès lors qu'il y avait une négociation avec eux, pour savoir le moment de leur départ en retraite, de façon à prévoir une période d'adaptation, pendant laquelle ils restent dans l'entreprise. Cela vaut le coup de miser sur les seniors, parce qu'ils ont tendance à être fidèles et à rester dans l'entreprise. Qu'en pensez-vous ? Vous laissez place à des initiatives locales, telles que le club senior. C'est tout à fait intéressant. Est-ce à dire que vous allez travailler sur davantage de décentralisation, comme nous l'avions proposé au moment de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) ? Nous suggérions que les services de l'emploi aillent jusqu'aux régions, qui avaient la responsabilité du développement économique, de l'enseignement supérieur, de l'apprentissage, à l'époque, et de la formation professionnelle. Avec le savoir-faire que vous nous avez décrit, une organisation territoriale pourrait être intéressante pour les régions qui souhaitaient se mobiliser. Y a-t-il des expériences locales de rapprochement de la compétence sur l'emploi avec celles des régions ?
Je m'associe aux remerciements adressés aux personnels de Pôle emploi, qui ont été mis à contribution pendant cette période ; ils côtoient des gens qui sont en grande difficulté, ce qui ne va pas sans une charge émotionnelle forte.
Nous avons souvent l'occasion de vous rencontrer, monsieur le directeur général : dès lors que nos travaux concernent Pôle emploi, vous répondez toujours présent. C'est la marque d'un grand respect pour le Parlement.
Vous avez fait état des ambitions de Pôle emploi pour les trois ans à venir. Votre action - j'en suis convaincue - va permettre d'améliorer l'efficacité du service public de l'emploi, mais aussi l'image de Pôle emploi, qui est quelque peu écornée. OEuvrer en faveur d'un rapprochement avec les territoires me semble d'ailleurs une bonne méthode pour améliorer cette image et cette efficacité.
Vous avez évoqué le rapprochement avec les opérateurs de compétences et avec les départements et régions. Je sais que la régionalisation de Pôle emploi est le grand dada, notamment, de Régions de France. Pouvez-vous nous donner un aperçu objectif des perspectives de rapprochement avec les départements et les régions ?
Par ailleurs, les ressources financières de Pôle emploi sont fortement liées aux recettes de l'assurance chômage, avec un décalage de deux ans. La crise sanitaire aura donc un impact fort sur ces ressources en 2022. Comment Pôle emploi compte-t-il faire face aux conséquences de l'endettement de l'Unédic ?
Une dernière question : les ministres Élisabeth Borne, Olivier Véran et Brigitte Klinkert sont sur le point d'annoncer le déploiement du service public de l'insertion et de l'emploi sur trente nouveaux territoires. Comment Pôle emploi va-t-il se situer dans ce cadre ?
Devant nos collègues de l'Assemblée nationale, vous avez évoqué une « impasse budgétaire » ; c'est en effet un grand défi.
Certaines personnes perdent leur emploi sans que l'entreprise leur fournisse ce fameux document dont elles ont besoin, l'attestation employeur. Qu'en est-il ? Avec la crise du covid-19 et la fermeture de nombreuses entreprises, la fourniture de ce formulaire de licenciement ou de fin de contrat a-t-elle posé des problèmes particuliers ?
Vous avez parlé de l'opération « 1 jeune 1 solution ». Pour ma part, j'ai rencontré plusieurs petites entreprises ou start-up qui proposent à des étudiants des jobs courts correspondant à des missions temporaires, sous statut d'autoentrepreneur, ce qui convient à bon nombre de jeunes. Les conseillers de Pôle emploi évoquent-ils cette piste auprès des jeunes qu'ils reçoivent ?
Sur le terrain, les progrès dans le fonctionnement de Pôle emploi ont été considérables. J'ai en mémoire, en tant qu'élu au département chargé du retour à l'emploi des allocataires du revenu de solidarité active (RSA), la qualité du partenariat avec Pôle emploi, en matière d'accompagnement global notamment.
Une crise de l'ampleur de celle que nous vivons provoque une destruction et une création de valeur, donc des évolutions dans la structure de l'emploi. Avez-vous une réflexion stratégique sur ces évolutions, s'agissant de la reconversion des salariés en particulier ?
Une question plus précise sur votre organisation interne et sur les ressources humaines : la Cour des comptes avait préconisé, dans un rapport, une augmentation de la durée du temps de travail chez Pôle emploi. Où en êtes-vous sur ce point ?
Je souhaite rassurer Mme Conconne : j'ai moi aussi beaucoup de respect pour Antoine Dénara ; mais sept ans, c'est raisonnable. Son travail est remarquable, mais il est nécessaire d'organiser la mobilité des directeurs régionaux et le changement à la tête des structures. Cela dit, nous sommes très attentifs à ce que des cadres ultramarins trouvent chez Pôle emploi des perspectives de carrière. Le jour où Antoine Dénara sera obligé, en vertu de notre politique de gestion classique, de quitter sa direction régionale, nous lui trouverons un successeur de grande qualité - c'est là le seul engagement que je puisse raisonnablement prendre devant vous.
Vous avez évoqué les opérateurs privés de placement ; bien qu'étant un homme de service public, je n'ai aucune aversion a priori en la matière. Pôle emploi n'hésite pas à travailler avec des partenaires privés, sur l'aide à la création d'entreprises en particulier : notre travail est de faire connaître cette possibilité à des demandeurs d'emploi ; mais nos partenaires sont mieux placés que nous pour les aider à bâtir un business plan.
Autre exemple : les prestations que nous avons mises en place à l'été à destination des personnes qui sont proches de l'emploi sont externalisées à des acteurs privés, dans une logique de partenariat. Nous réfléchissons ensemble, avec ces acteurs, à l'évolution de notre offre de services : ce n'est pas une relation de sous-traitance, mais un partenariat qui répond à une logique de spécialité.
Concernant les difficultés de la couverture numérique dans les Antilles, je les connais bien. Une bonne nouvelle, néanmoins : nous avons récemment organisé, en Martinique, un salon en ligne ; l'opération a très bien marché.
M. Savary m'a interrogé sur les seniors. Pôle emploi incite les seniors à se former, mais un phénomène d'autocensure est à l'oeuvre : il faut les convaincre. Nous avons observé que le recours à la formation professionnelle décroissait avec l'âge des demandeurs d'emploi.
Madame Puissat, vous me demandez d'évoquer la régionalisation et la décentralisation de Pôle emploi. C'est un sujet politique, qui relève du Gouvernement et du Parlement ; je vais donc m'élever au-dessus de ma condition, et vous donner un sentiment personnel : je trouve que c'est une mauvaise idée. Pôle emploi, ce sont 55 000 collaborateurs, sous statut de droit privé à 98 % ; régis, donc, par une convention collective nationale. La régionalisation serait, de ce point de vue, difficile. Un problème analogue se pose pour les systèmes d'information. Mes collaborateurs ont vécu la fusion ; ce n'est pas facile, une fusion : ça prend quatre ou cinq ans. Passer du temps sur une « dé-fusion », je ne le conseille pas.
Par ailleurs, si je comprends la logique consistant à unifier au niveau régional les politiques du développement économique, de la formation et de l'emploi, je n'ai jamais compris comment, dans un tel cadre, on traitait l'indemnisation. On me répond que l'indemnisation resterait nationale ; cela signifie-t-il qu'on recréerait la bipartition entre l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Assedic) ? Si la réponse est non, et s'il faut négocier avec chaque région les conditions de la mise en oeuvre de chaque convention d'assurance chômage, le système promet d'être complexe : ce n'est pas réaliste. J'ignore comment articuler un régime d'assurance chômage par définition national avec une régionalisation du service public de l'emploi, sauf à dénationaliser l'assurance chômage.
Troisième observation : l'enjeu n'est pas la région, mais le bassin d'emploi. D'un point de vue opérationnel, ce qui importe avant tout, ce sont les discussions de Pôle emploi avec les intercommunalités. Les régions sont compétentes en matière de formation professionnelle ; mais le quotidien, ce sont les communes, les intercommunalités, le bassin d'emploi.
Regardez ce qui se fait à l'étranger : quels pays européens ont fait le choix de décentraliser leur service public de l'emploi ? L'Allemagne, dont la tradition décentralisatrice n'est pas à prouver, a-t-elle une Bundesagentur für Arbeit pour chaque Land ? Non : il s'agit d'une administration nationale ! On sait bien que l'État a besoin d'un opérateur national sur lequel il peut s'appuyer sur l'ensemble du territoire.
À titre personnel, donc, je suis opposé à la décentralisation de Pôle emploi : c'est une fausse bonne idée, dont je comprends néanmoins la persistance dans le débat public. Je souhaite simplement que la question soit un jour clairement tranchée.
En revanche, nous sommes tout à fait favorables à un leadership de la région en matière de formation professionnelle ; votre assemblée avait d'ailleurs voté une disposition en ce sens. Des expérimentations sont en cours pour créer des structures pilotées par la région sur des sujets opérationnels, et je pense qu'il faut travailler avec les régions dans leurs champs de compétences. Nous avons par exemple d'excellentes relations avec la région Grand Est.
Sur le déficit d'image dont souffre Pôle emploi, je suis malheureusement d'accord avec vous. À nous de convaincre par nos résultats, et de faire de la communication positive. Nous avons essayé de le faire via des séquences de conseils pratiques, Une minute pour l'emploi, diffusées sur France 3 après Plus belle la vie.
Les OPCO, c'est pour nous un chantier très important. Nous voulons vraiment développer avec eux un partenariat. Pour le financement des préparations opérationnelles à l'emploi individuelles (POEI), nous leur donnons notre accord de principe, pour éviter les aléas administratifs. Ils forment, au sein des TPE et des PME, un vrai réseau ; nous avons donc besoin de connaître leur offre de services comme ils ont besoin de connaître la nôtre.
Un mot sur le budget 2022 : 75 % de nos recettes sont assises sur les encaissements Unédic de l'année n-2. Nous devons anticiper la baisse certaine de la contribution Unédic, mais nous avons un peu de temps. Des moyens très importants nous sont accordés par l'État au titre du budget 2021 : 500 millions d'euros supplémentaires. Mais le sujet de l'endettement de l'Unédic est un vrai sujet, identifié comme tel.
Concernant le lancement d'un appel à manifestation d'intérêt visant à mettre en oeuvre le service public de l'insertion et de l'emploi (SPIE), nous souhaitons participer aux réflexions locales. J'attends de ces expérimentations qu'elles nous permettent de dégager des solutions opérationnelles et faciles pour mettre en relation les acteurs.
Madame Procaccia, vous avez évoqué l'attestation employeur, dont la loi impose la remise au demandeur d'emploi. Je vous rassure : nous n'avons pas identifié de difficultés particulières en la matière pendant l'épisode covid-19. Bonne nouvelle : la déclaration sociale nominative est en train de monter en puissance ; nous pourrions bientôt nous passer de ce document, puisque nous saurions l'extraire automatiquement. Reste la question de la matérialisation de l'attestation, mais elle concerne moins Pôle emploi que l'employeur et le salarié.
Nous essayons d'encourager la création d'entreprises, mais sans focus particulier sur l'auto-entreprenariat, qui donne souvent lieu à des polémiques.
Monsieur Henno, je suis bien conscient de la situation remarquable du Nord quant à ses relations avec Pôle emploi ; je vous sais gré d'avoir oeuvré au développement de l'accompagnement global à une époque où peu de départements s'engageaient. La reconversion est un sujet majeur, au-delà même de la crise. Élisabeth Borne a des projets ambitieux pour organiser les transitions professionnelles d'entreprise à entreprise. Certains secteurs vont rencontrer des difficultés structurelles ; d'autres vont avoir besoin d'embaucher ; comment organise-t-on cette transition avant même le passage par Pôle emploi ?
Un mot du rapport de la Cour des comptes : lorsque Pôle emploi a été créé, un accord social a été conclu en vertu duquel les conseillers de Pôle emploi ont cinq jours de congés supplémentaires par rapport à la durée légale. La Cour a pointé aussi un taux d'absentéisme plus élevé que dans le secteur privé ; il est vrai que ce métier est particulièrement exigeant, et que certaines situations peuvent expliquer des absences. Mais nous y travaillons ; en 2019, nous avons réussi à stabiliser ce taux d'absentéisme. Si l'on veut faire évoluer le temps de travail, en revanche, il faut renégocier un accord ; la priorité du moment n'est pas de remettre en cause la convention collective.
Je fus rapporteur du projet de loi relatif à la réforme du service public de l'emploi ; je me permets donc de préciser que cet accord sur les congés était, parmi d'autres, une condition sine qua non préalable à la fusion entre l'ANPE et les Assedic ; les syndicats avaient su se montrer très fermes.
Nous vous remercions.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site internet du Sénat.
Nous allons maintenant procéder au vote sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Jean Bassères à la direction générale de Pôle emploi.
Ce vote se déroule à bulletins secrets, comme le prévoit l'article 19 bis du Règlement du Sénat. En application de l'article 3 de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution, les délégations de vote ne sont pas autorisées.
La commission procède au vote puis au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Jean Bassères à la direction générale de Pôle emploi, simultanément à celui de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale.
Voici le résultat du scrutin, qui sera agrégé à celui de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale :
Nombre de votants : 12
Nombre de suffrages exprimés : 12
Pour : 11
Contre : 1
La réunion est close à 18 h 30.