Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées

Réunion du 15 juin 2021 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

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  • australie
  • japon
  • renseignement
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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Ce projet de loi comporte deux catégories de dispositions. Je n'évoquerai que brièvement les premières, qui relèvent de la justice et de la sécurité intérieure. Elles pérennisent et renforcent les mesures créées, à la suite de l'état d'urgence, par la loi dite « SILTE » (sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme). Il s'agit notamment des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (dites MICAS). Dans ce domaine, le texte prévoit par ailleurs une nouvelle mesure de sûreté pour les détenus pour terrorisme qui restent dangereux après leur sortie. Il s'agit d'un enjeu qui revêt actuellement une importance essentielle. La nouvelle mesure est taillée au plus juste pour éviter une censure du Conseil constitutionnel semblable à celle qui avait frappé la loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine.

J'en viens à la seconde catégorie de mesures, qui nous intéressent plus directement : il s'agit d'ajustements relatifs aux prérogatives des services de renseignement. Je rappelle en effet que trois des services du « premier cercle » de la communauté du renseignement relèvent du ministère des armées : la DGSE, la DRM et la DRSD.

Il y a ici pour nous d'emblée un premier point de vigilance : lors des auditions, tous les services ont en effet souligné qu'ils aspiraient à une certaine stabilité législative.

Or, heureusement, le projet de loi ne constitue en aucun cas une remise en cause des principes fondamentaux posés par la loi du 24 juillet 2015. Ces principes sont les suivants : un contrôle a priori des techniques de renseignement par la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), un encadrement des demandes par un certain nombre de finalités, enfin une définition précise des compétences des services, par ailleurs répartis en deux cercles. Cet encadrement est souvent résumé en évoquant le principe « une finalité, une technique, un service ».

Le bilan effectué en 2020 par la délégation parlementaire au renseignement, sous la direction de notre président, a montré que cet encadrement avait été très bien assimilé par les services, même si cela ne s'est pas fait sans efforts. Aujourd'hui, tous les services nous ont dit que le fonctionnement était fluide, et le contrôle de la CNCTR bien intégré.

Le projet de loi préserve donc ces équilibres et nous pouvons nous en féliciter.

Il nous faut cependant porter une attention particulière à plusieurs nouvelles techniques de renseignement introduites par le texte. En effet, le caractère très évolutif des technologies sur lesquelles elles s'appuient rendent leur efficacité en partie incertaine. Il faudra donc suivre attentivement leur déploiement et les résultats obtenus.

Il s'agit d'abord de la captation des communications satellitaires. Vous le savez, nous assistons ici à une véritable révolution. Des constellations, regroupant parfois plusieurs milliers de satellites, vont être déployées de manière imminente. Je pense en particulier à Starlink de Space X avec plus de 4 000 satellites dans un premier temps ou à Kuiper d'Amazone, qui regroupera également des milliers d'unités. Ceci permettra aux personnes qui souhaitent améliorer leur connexion à Internet, mais aussi aux criminels ou aux terroristes, de contourner les moyens classiques de communication. Ils échapperont ainsi aux moyens d'interception habituels des services. Ce n'est pas une hypothèse fantaisiste : cet usage est déjà à l'oeuvre en Guyane par exemple. La possibilité pour les services de s'adresser à ces nouveaux opérateurs étrangers est envisageable, mais présente deux inconvénients majeurs : seront-ils coopératifs, et aurons-nous envie de leur donner des indications sur nos cibles ? Il y a là pour notre pays un vrai sujet de souveraineté !

Dès lors, l'autre solution est de capter directement les faisceaux satellitaires. C'est l'hypothèse envisagée par le texte. Il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'une technique encore largement balbutiante. Des garanties importantes sont prévues : expérimentation pendant 4 ans, caractère subsidiaire, centralisation des interceptions réalisées au groupement interministériel de contrôle (GIC), fixation d'un nombre maximal d'interceptions simultanées. Le directeur technique de la DGSE, Patrick Pailloux, nous l'a bien précisé : les services ne savent pas encore exactement quelles technologies ils utiliseront. En tout cas, cela relèvera dans un premier temps de la DGSE, qui préfère garder la main sur ce sujet pour éviter des expérimentations hasardeuses. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement de précision pour indiquer que seuls les services du premier cercle pourront mener cette expérimentation. Il sera temps, au moment de son éventuelle pérennisation, d'élargir l'accès à cette technique.

Au total, il s'agit là d'un apport important de cette loi, qui permettra aux services de rester dans la course technologique.

Il en va de même de la deuxième avancée que je souhaite évoquer : la possibilité de solliciter les opérateurs lors de la mise en oeuvre de la technique dite de l'« IMSI-catching ». Celle-ci permet actuellement de recueillir des données de connexion à proximité d'une personne ciblée. L'objectif de la nouvelle disposition est d'anticiper le déploiement de la 5G. Celle-ci aura pour effet de rendre temporaires les identifiants des téléphones portables. Il n'y a que l'opérateur qui pourra relier ces identifiants aux abonnements ou téléphones utilisés. L'objectif de cette disposition est ainsi finalement de garantir l'intérêt opérationnel des IMSI-catcher, qui sans cela risquerait de disparaître totalement, après le déploiement de la SG.

Troisième innovation : l'extension du champ des désormais fameux « algorithmes » introduits par la loi de 2015. Je rappelle que cette technique avait alors été créée à titre expérimental. À vrai dire, son champ d'application, d'emblée limité aux données téléphoniques, a empêché qu'on obtienne des résultats vraiment probants. C'est pourquoi le texte, outre qu'il pérennise cette technique, en étend l'application aux « URL », c'est-à-dire aux adresses des pages internet. Les services estiment qu'avec cette extension, les algorithmes sont très prometteurs. On passe en quelque sorte de l' « ancien monde » de la téléphonie, de moins en moins utilisé, au « nouveau monde » des adresses IP et des URL. Là encore, les garanties prévues nous semblent sérieuses : les algorithmes sont contrôlés par la CNCTR, qui dispose d'un accès permanent à ces traitements. Je rappelle que les algorithmes ne permettent pas en soi d'identifier les personnes et que l'ajout des URL ne changera rien sur ce plan. C'est seulement dans un second temps, si l'algorithme aboutit, que les services demandent à la CNCTR l'autorisation d'identifier les personnes. Dans ces conditions, il me semble que nous pouvons approuver les dispositions qui nous sont soumises.

Je souhaitais également évoquer une nouvelle faculté ouverte à plusieurs services de l'État par l'article 18 : il s'agit du brouillage de drones. On sait la menace croissante que représentent ces engins dans le cadre de grands événements sportifs ou politiques, de certains convois officiels, ou encore au-dessus de nos emprises militaires. L'autorité administrative pourra donc demander des opérations de brouillage dans le cadre juridique fixé par la loi. Les gendarmes jouent déjà un rôle essentiel dans la mise en oeuvre de cette technique. Depuis 2017, 52 drones ont ainsi été neutralisés par des gendarmes formés à cette tâche. En tout état de cause, nous pouvons nous féliciter de cette nouvelle disposition, s'agissant d'une menace qui ne fait que croître.

Au-delà de ces quatre nouvelles techniques prévues par la loi, je souhaitais toutefois signaler un point de vigilance très important. Par sa décision du 21 décembre 2016 dite « Tele 2 », la Cour de justice de l'Union européenne a estimé que la conservation généralisée et indifférenciée des données de connexion par les opérateurs de télécommunication était illégale. Actuellement, la législation impose à ces opérateurs de garder ces données pendant un an. C'est ce qui permet ensuite aux services de renseignement de faire des demandes ciblée sur des individus. Il va de soi que cette décision de la CJUE a placé l'ensemble des services de renseignement européens dans l'embarras. Compte-tenu de la menace qui pèse sur la France, la consternation a été particulièrement forte au sein de nos services de renseignement.

C'était sans compter l'interprétation constructive que le Conseil d'Etat, dans son arrêt « French Data Network » du 21 avril 2021, a donné de cette décision de la CJUE. En effet, que demande au fond le juge européen ? Il exige, pour justifier la conservation généralisée et indifférenciée des données, que soit alléguée une « menace grave, réelle et actuelle ou prévisible pour la sécurité nationale ». Le Conseil d'Etat a donc simplement indiqué qu'il serait dorénavant nécessaire - et c'est ce que prévoit le texte - que le premier ministre prenne chaque année un décret constatant cette menace grave. Avec 8 attentats en 2020 et déjà 3 en 2021, notre pays connaît bien actuellement une telle menace. Ainsi, les services pourront continuer leurs opérations d'interceptions de communications, indispensables en matière de sécurité nationale et d'anti-terrorisme.

Mais qu'adviendra-t-il à l'avenir ? Suffira-t-il d'une légère diminution de la menace pour que le Premier ministre ne puisse plus prendre de décret, et que toute interception soit rendue impossible ? On peut certes imaginer, comme certaines associations, un Gouvernement qui surévalue la menace, mais après tout, on peut aussi imaginer l'inverse. Il est donc impératif que le Parlement, et en particulier la DPR, suive ce sujet avec la plus grande attention chaque année.

Enfin, l'article 19 concerne les archives intéressant la défense nationale. Il clarifie le régime de communicabilité des archives classifiées au bénéfice de l'ensemble des usagers, en particulier des chercheurs et des historiens, tout en garantissant mieux la protection des documents les plus sensibles. Il rend en effet communicable l'écrasante majorité des documents classifiés datant de plus de cinquante ans, allégeant ainsi la charge pesant actuellement sur les services publics d'archives pour la préparation des demandes de déclassification. Le service historique de la défense estime que cet article permettra ainsi l'ouverture de 650 000 dossiers. Inversement, le texte mentionne quatre types de documents dont la communication, même au bout de 50 ans, pourrait être préjudiciable : les plans de centrales nucléaires, de barrages hydrauliques, d'infrastructures militaires ; les matériels de guerre ; les procédures opérationnelles des services de renseignement ; enfin le système de contrôle gouvernemental de la dissuasion nucléaire. Cet article atteint ainsi un équilibre qui nous semble satisfaisant. En effet, il n'y aura pas, comme le craignent certains chercheurs, de refus de communication sans possibilité de recours : de tels refus, même dans les quatre cas mentionnés, pourront bien faire l'objet d'un recours en justice. Toutefois, les discussions entre la commission des lois et la commission de la culture, qui s'est saisie de cette question, sont toujours en cours pour faire bouger le curseur. Peut-être pourront-nous rejoindre ce travail d'ici la séance.

Par ailleurs, le texte comporte également des avancées sur le plan des garanties apportées au regard des libertés publiques. Il s'agit d'abord de l'encadrement des échanges entre services. D'une situation où la communication entre services était fondée sur le « rien sauf », on est passé progressivement à une situation de « tout sauf ». Ce que redoutent désormais le plus les services, c'est qu'un attentat soit commis parce qu'ils n'ont pas transmis une information au bon destinataire. Cependant, on voit bien qu'il faut encadrer ces échanges. Sans cela, la distinction entre un premier et un deuxième cercle des services deviendrait caduque. C'est ce que fait le texte avec suffisamment de souplesse pour ne pas casser cette dynamique finalement très profitable à l'efficacité des services.

Je terminerai en évoquant les évolutions qui concernent la délégation parlementaire au renseignement. L'idée, depuis quelques années, est qu'il convient de garder un équilibre entre les prérogatives des services de renseignement d'une part, et les pouvoirs de contrôle de la délégation d'autre part. C'est ainsi que d'un simple suivi des services de renseignement, la DPR est passée à un véritable contrôle de la politique de renseignement.

Le Gouvernement n'avait pas proposé de nouvelle avancée sur ce point. L'Assemblée nationale y a pourvu, par un amendement déposé par la présidente de la délégation, Françoise Dumas. Cet article élargit d'abord le champ d'action de la DPR en lui reconnaissant la possibilité de traiter des enjeux d'actualité liés au renseignement. En outre, le Gouvernement devra transmettre à la DPR, chaque semestre, la liste des rapports d'inspection portant sur les services de renseignement. S'agissant enfin des personnalités susceptibles d'être auditionnées par la DPR, la liste en est élargie à toute personne exerçant des fonctions de direction au sein des services, au-delà des seuls directeurs de ces services.

S'agissant de la DPR, je vous proposerai deux amendements ayant trait à une meilleure protection du secret de la défense nationale. En effet le rapport de la DPR, et surtout celui de la commission de vérification des fonds spéciaux (CVFS), sont remis à certaines autorités en plus du Gouvernement à qui ils sont destinés : présidents des assemblées mais aussi présidents des commissions des finances et rapporteurs généraux de ces commissions. Or la CVFS ne pouvant s'assurer que son rapport soit alors conservé dans des conditions conformes à l'instruction générale interministérielle n° 1300 sur la protection du secret de la défense nationale (dite « IGI 1300 »), elle a décidé d'en faire chaque année une présentation à ces autorités puis de le tenir à leur disposition, au lieu de le leur remettre. Ces amendements mettent ainsi le droit en conformité avec le fait.

Mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui répond parfaitement aux demandes opérationnelles des services, tout en offrant des garanties précises pour la préservation des libertés fondamentales. Le président de la CNCTR, qui effectue un contrôle très approfondi de la mise en oeuvre des techniques de renseignement, nous a confirmé que ce texte, qui prend en compte la plupart des recommandations qu'il avait faites, est équilibré.

Je vous propose donc, sous réserve des amendements que je vais vous présenter, de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi.

Examen des amendements

Le premier amendement vise à limiter l'expérimentation des interceptions satellitaires aux services du « premier cercle ».

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Je me pose la question de l'interaction entre services du premier et du second cercle. Nous avons évoqué avec le SGDSN la création d'un service dédié aux tentatives d'influence lors des élections. Cela ne sera pas un service du second cercle et pourtant en cas de péril pour la sincérité du vote, il faudra bien que des échanges puissent avoir lieu. Pour les interceptions satellitaires, la période d'expérimentation prévue est longue, ce qui est une garantie. Ne faut-il pas, cependant, être moins strict sur la distinction entre les deux cercles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Les gendarmes nous ont fait valoir que, dans l'état actuel des choses, ils ne sont pas intéressés par l'interception satellitaire. Toutefois, dans quatre ans, il sera sans doute nécessaire de leur permettre, par voie législative, de bénéficier de cette technique. Par prudence toutefois, nous avons décidé de restreindre l'expérimentation au premier cercle.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Nous ne voterons pas l'article 11. La question de la sécurité des satellites français est posée.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Le développement du satellitaire est déjà en cours. Les narcotrafiquants en mer, les terroristes dans le désert s'en servent. Il faut que nos services gardent une longueur d'avance. Et la 5G sera une révolution technologique, avec des identifiants temporaires. Les technologies avancent et il faut permettre à nos services d'avancer au même rythme, sous réserve de la garantie des libertés.

L'amendement ETRD 1 est adopté.

L'amendement suivant vise à mieux protéger les éléments secrets défense au sein des recommandations de la DPR.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Il est vrai qu'il y a un sujet sur la conservation dans la durée de ce type de documents classés.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

L'amendement suivant est similaire mais concerne le rapport de la CVFS.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Les documents sont-ils transmis ou simplement présentés à l'oral ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Pour l'instant ils sont transmis, ce qui ne permet pas d'assurer leur protection en tout temps.

Par ailleurs, je souhaitais souligner que nous avons eu peu de temps pour examiner ce texte et nous avons travaillé intensivement pendant ce délai.

Les amendements ETRD 2 et ETRD 3 sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Il est vrai que ce texte est le prolongement de la loi de 2015, qui a suivi les attentats. Il y a des évolutions technologiques relativement récentes comme la 5G et les satellites à basse altitude : ce seront pour les services eux-mêmes des sujets de recherche fondamentale. Membre à la fois de la DPR et de la CNCTR, je peux arguer du fait que le temps a été très bref pour examiner ce texte. Je partage les conclusions du rapporteur mais j'aurais trois points de vigilance.

S'agissant des MICAS, il eût été préférable que le Gouvernement demande au Conseil s'il y avait un risque constitutionnel à faire passer les MICAS d'une durée de un an à une durée de deux ans. Le Conseil d'État a souligné un tel risque. L'application de la loi pourrait alors être reportée, ce qui serait dommageable.

S'agissant des services de renseignement, nous sommes un des seuls pays européens à ne pas contrôler a posteriori les échanges de nos services avec les services étrangers. Les États-Unis le font aussi. La CEDH, par un arrêt du 25 mai dernier, a indiqué qu'un encadrement était nécessaire. Nous risquons une condamnation. Il faudra nécessairement légiférer. Il s'agirait bien entendu d'un contrôle par une instance indépendante tenue au secret-défense. Les documents fournis à la CNCTR ou à la DPR contiennent parfois des éléments caviardés et nous pouvons consulter les éléments manquants dans des coffres forts au sein des services.

Enfin, autre point de vigilance, c'est le Premier ministre, par décret, qui doit déclarer que nous sommes en situation de menace terroriste majeure. Il faut toujours imaginer la possibilité que nous soyons gouvernés un jour par des groupements extrémistes. Dès lors, il serait préférable que l'Assemblée nationale et le Sénat puissent donner leur accord. Ce serait une assurance supplémentaire au regard de notre vie démocratique et républicaine.

Les terroristes actuels ne sont pas téléguidés de l'extérieur comme c'était le cas il y a quelques années. Ils sont souvent atteints de problèmes psychiques majeurs. Les algorithmes sont utiles dans ce domaine. Les trois premiers algorithmes ont été mis en place en 2017. Il faut du temps. Au-delà de ces éléments, le rapport d'Olivier Cigolotti conviendra à notre groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

Je voudrais saluer l'intervention de Yannick Vaugrenard, qui a bien situé l'ensemble des enjeux au regard de l'équilibre entre l'efficacité des services pour défendre nos démocraties contre le fléau du terrorisme et la nécessité de préserver les libertés individuelles, alors qu'on ne peut pas exclure que le pouvoir ne tombe un jour entre de mauvaises mains. C'est vrai qu'il y a des évolutions techniques. En réalité, l'un des enjeux est de préserver une zone grise, qui est le propre de tous les services de renseignement : c'est le gage de l'efficacité. Selon vous, ce texte permet-il d'atteindre un équilibre dans ce domaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Un Etat a certes besoin de services de renseignement. Il faut que le Parlement soit dans la boucle de contrôle, mais cela ne suffit pas. Qui aujourd'hui contrôle véritablement les services du renseignement ? Des fonctionnaires assurent-ils en permanence ce contrôle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

S'agissant des MICAS, la DGSI nous en a rappelé l'utilité. L'allongement de la durée de ces mesures pose question. Il faut trouver une rédaction qui évite tout risque d'inconstitutionnalité. Il y aura un débat lors de l'examen du texte. Le contrôle a posteriori des échanges des services de renseignement avec leurs homologues étrangers est une vraie question : à un moment ou à un autre il nous faudra évoluer.

Nous sommes passés d'une menace structurée et pilotée depuis l'étranger à une menace plus endogène, avec des individus qui ont souvent des problèmes psychologiques et qui sont plus difficiles à détecter. Les algorithmes devraient nous apporter une aide dans les années à venir en la matière.

S'agissant de l'équilibre du texte, la stabilité législative est unanimement demandée par les services et le présent texte n'y déroge pas. Avant 2015, chaque service gardait jalousement ses informations et le résultat de ses interceptions. Après 2015, il y a eu l'instauration d'un vrai partage de données. L'appréhension des services, c'est qu'il y ait de nouveau un attentat et qu'il n'y ait pas eu les bons échanges entre services en amont. Enfin, le contrôle des services est parfaitement effectué par la CNCTR, qui va très régulièrement à la DGSE, en lien avec le GIC. La CNCTR est un organisme de 17 personnes qui contrôle bien la finalité, le service et la technique pour chaque demande.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

C'est le GIC qui centralise toutes les informations. La CNCTR se réunit toutes les semaines pour donner son accord sur l'utilisation des techniques. Si la technique concerne un parlementaire, un avocat, un juge, un journaliste, la CNCTR doit se réunir avec l'ensemble de ses membres : quatre parlementaires, deux membres de la Cour de cassation, deux membres du Conseil d'Etat, le président et un technicien. Nous devons être d'une vigilance extrême et ne pas considérer que notre démocratie est éternelle. C'est pourquoi il est vraiment important qu'une autorité indépendante et le Parlement puissent exercer un contrôle et que ce ne soit pas le Premier ministre seul qui décide s'il y a une menace terroriste majeure ou pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

J'ajoute à titre d'exemple, s'agissant de l'équilibre du texte, que l'article 7 assure un tel équilibre entre les prérogatives des services, en l'occurrence les échanges d'informations, et le contrôle de la CNCTR.

Debut de section - Permalien
Pascal Allizard. - président

Merci pour ce travail de fond dans des conditions compliquées. Nous aurons un beau débat en séance publique.

Le sort des amendements est retracé dans le tableau suivant :

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat stratégique entre l'Union européenne et ses États membres d'une part, et le Japon, d'autre part.

Cet accord a été signé le 17 juillet 2018, à l'occasion du 25ème sommet UE-Japon, en même temps que l'accord de partenariat économique. Ce dernier n'a pas à être ratifié par les États membres, car, de nature commerciale, il relève de la compétence exclusive de l'Union européenne.

Ces deux accords ont été négociés par la Haute représentante de l'Union pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, sur la base d'un mandat confié par le Conseil de l'Union européenne.

Le présent texte est entré en vigueur à titre provisoire, le 1er février 2019. Il s'inscrit dans une volonté de rehausser une relation bilatérale déjà dense et solide, qui donne lieu depuis trente ans à la tenue chaque année d'un sommet bilatéral entre l'Union européenne et le Japon.

Il aborde de très nombreux thèmes, allant de l'éducation et de la culture à la politique de développement, en passant par la coopération judiciaire et la promotion de la paix et de la sécurité. Il met l'accent sur la promotion de valeurs communes telles que la démocratie et l'État de droit.

Cet accord crée des contraintes juridiques pour les parties, puisqu'il dispose (article 43-4) que certaines de ses dispositions essentielles (respect des droits de l'Homme et lutte contre la prolifération des armes de destruction massive), si elles faisaient l'objet d'une « violation particulièrement grave et substantielle » pourrait mener à la suspension de l'accord.

Ceci nous amène à un sujet de préoccupation de notre Assemblée, et en particulier de notre collègue Richard Yung, celui des enfants privés de tout lien avec leur parent à la suite d'un enlèvement commis par leur parent japonais.

Comme vous le savez, notre Assemblée a adopté deux résolutions sur le sujet, l'une, européenne, le 24 janvier 2020, l'autre, le 5 février 2020. Lors de l'audition de Son Excellence Ihara Junichi, Ambassadeur du Japon en France, par notre commission, le 7 avril dernier, certains de nos collègues ont pu à nouveau l'interroger sur cette question.

Le Parlement européen a également adopté une résolution en la matière le 8 juillet 2020 et l'Assemblée nationale projette de faire de même.

La situation de ces enfants est bien entendu dramatique. Aucun enfant ne doit être privé du droit de grandir sous l'autorité bienveillante de ses deux parents.

Ce droit est d'ailleurs reconnu par la convention de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, que le Japon a ratifié en 2014.

Je rappelle que le droit civil japonais ne reconnait pas le partage de l'autorité parentale aux parents séparés. Le droit parental ne peut appartenir qu'à un seul parent. Cette situation ne concerne donc pas uniquement les enfants binationaux, mais bien tous les enfants japonais de parents séparés.

De plus, le Japon s'est engagé dans une réforme de son droit de la famille, qui, si elle n'est pas encore satisfaisante, constitue toutefois une avancée.

Vous savez qu'en matière de diplomatie, il vaut mieux ouvrir des opportunités de dialogue, pour faire avancer les choses, de manière pragmatique. Cet accord, par son caractère contraignant, est l'occasion d'opposer concrètement le non-respect des textes internationaux.

Je signale qu'à l'occasion d'une audition avec le ministère de l'Europe et des affaires internationales, nous avons appris qu'un séminaire organisé d'ici la fin de l'année traitera de ce sujet. L'Union européenne et des États membres, tels que l'Allemagne et l'Italie, également concernés par le sujet, participeront également à ce séminaire. J'espère donc pouvoir vous apporter de bonnes nouvelles d'ici la fin de l'année sur une évolution du droit de la famille japonais.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi, l'accord en question permettant de renforcer nos relations avec un État avec lequel nous entretenons des relations privilégiées depuis de nombreuses décennie, dans un environnement géostratégique sensible, l'Indopacifique.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 24 juin 2021, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je veux remercier le rapporteur qui a développé tous les arguments que nous avons, il est donc inutile que je les reprenne. Cela fait presque dix-huit ans que je milite sur ce sujet. Je dois dire avec un résultat assez modeste, pour l'instant, mais nous travaillons dans le sens de l'histoire. Un jour les choses changeront, mais nous touchons là au coeur de la culture familiale japonaise. Même quand une décision de justice est prise au Japon, il arrive souvent qu'elle ne soit pas appliquée, parce que ou le juge local, ou la police considère qu'un enfant doit être avec sa mère. Nous avons donc encore un gros travail à accomplir dans ce domaine. Je me réjouis que tous ces éléments soient dans le rapport de Gilbert Roger ce qui souligne l'importance que nous accordons à ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

C'est un rapport attendu par les familles binationales. Richard Yung a été la tête de pont pour répondre à toutes ces Françaises et ces Français qui sont privés du droit de voir leurs enfants. Ce sont de vrais drames. Nous avons tous été à un moment ou un autre saisis par nos compatriotes de ces dossiers tragiques. Je voudrais témoigner d'une réunion organisée par nos associations au Japon, qui avait réuni des avocats japonais. La conclusion était qu'il fallait attendre patiemment que la loi japonaise change. Il faut être délicat dans cette affaire qui relève du droit national japonais. Nous pouvons témoigner de ce que nous observons, mais je crois que c'est aux Japonais seuls de prendre la décision qui irait dans le sens de résoudre ces drames humains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Je voudrais relever une incohérence dans cet accord qui prévoit la facilitation de l'importation et de l'exportation de la viande. D'un point de vue climatique et de la pollution, ces dispositions ne me semblent pas pertinentes.

Au moment où l'accord de partenariat entrait en vigueur, le Japon autorisait à nouveau la pêche à la baleine, y compris dans le sanctuaire baleinier de l'Océan austral pourtant protégé. Le Japon est régulièrement mis en cause pour la surpêche de certaines espèces menacées, telles que le thon rouge, mais aussi de poissons trop jeunes.

De plus, le Japon a annoncé mi-avril sa volonté de rejeter dans l'océan un million vingt-cinq de tonnes d'eau contaminée à Fukushima, ce qui interroge sur l'impact de cette décision sur la biodiversité marine.

Le respect de la liberté de la presse, les conditions de détention posent également question.

Sur la question du droit du travail, il est problématique de soutenir un accord favorisant la mobilité des salariés mais aussi leur mise en concurrence, quand dans le même temps, Tokyo a refusé de signer certaines des conventions cadres de l'Organisation internationale du travail, c'est à dire la convention contre le travail forcé et celle contre les discriminations à l'emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

J'irai dans le même sens que Richard Yung et qu'Hélène Conway puisque j'ai moi aussi beaucoup travaillé sur cette question des enfants franco-japonais. Je souhaite insister sur les différences culturelles que nous avons avec le Japon.

J'ai travaillé avec les services de la convention de La Haye, qui étudie justement sur ces questions de déplacements d'enfants. Nous souhaitions obtenir que le Japon signe et adhère à la convention de La Haye, ce qui n'était pas gagné. J'étais allée avec l'ambassadeur, plaider auprès du ministre de la justice, pour que le Japon adhère à cette convention.

Hélène Conway a raison quand elle dit qu'il faut faire très attention à ne pas froisser les Japonais et à avancer dans ce domaine de manière extrêmement délicate. C'est pour cela que lorsque Richard Yung m'avait proposé de signer le projet de résolution en faveur de l'adhésion à la Convention de La Haye par le Japon, j'avais refusé de le faire, trouvant qu'il était un peu gênant que nous, Français, intimions un ordre à un gouvernement étranger. J'avais voté pour, mais je ne l'avais pas signée, parce qu'il faut faire extrêmement attention, en particulier avec le Japon où les pratiques culturelles sont très encrées. Je félicite Gilbert Roger d'avoir soulevé à nouveau cette question car effectivement, nous devons travailler, davantage, au niveau européen, d'ailleurs, pour essayer d'avancer.

Le Japon a finalement signé la convention de La Haye, mais il faut aussi veiller à son application.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

En ce qui concerne le droit des enfants, je pense que l'avancée majeure est la tenue d'un séminaire. C'est un pas intéressant.

J'ai beaucoup travaillé aussi sur l'égalité entre les hommes et les femmes, et si les Français se considèrent comme des champions en la matière, il y a toujours des progrès à réaliser. Je salue la volonté des Japonais de faire évoluer leur législation.

Sur l'importation de viande, en effet, cela fait de la distance, mais c'est le cas aussi avec l'Argentine, le Brésil, les États-Unis, le Canada. Nos exportations vers le Japon sont orientées à plus de 18 % dans le secteur de agroalimentaire, il n'y a donc pas que le boeuf qui soit concerné. J'ajoute que maintenant, on élève du boeuf de Kobé dans la Somme, ce qui réduit passablement son trajet jusqu'à l'assiette du consommateur.

En ce qui concerne la pêche à la baleine et au thon rouge, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères m'a indiqué que la commission mixte Union européenne - Japon, travaille sur ces sujets.

Sur Fukushima, la question se pose sur la qualité, absolument nécessaire, des rejets, et je ne parlerai pas de l'EPR bien français en Chine qui pose des soucis tout récemment.

Je vous invite à ratifier cette convention par voie simplifiée.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

Mes chers collègues, nous examinons à présent le projet de loi autorisant la ratification de l'accord-cadre entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et l'Australie, d'autre part.

Signé le 7 août 2017, cet accord-cadre se substituera au « cadre de partenariat » de 2008, au caractère non contraignant, qui régit les relations entre les États membres de l'Union européenne et l'Australie.

Le présent texte est avant tout un accord de dialogue politique et de coopération ; il ne s'agit donc, en aucun cas, de l'accord de libre-échange que la Commission européenne négocie actuellement. Je rappelle à cet égard que le Sénat, par une résolution adoptée en février 2018, a exprimé sa position quant à la directive de négociation sur l'accord de libre-échange. Notre assemblée appelait notamment les négociateurs à protéger nos indications géographiques ainsi que nos filières agricoles, en les intégrant au sein d'une enveloppe globale d'importations tenant compte de l'ensemble des accords commerciaux. Il convient néanmoins de souligner que, dans ce secteur, les échanges sont largement au bénéfice de la France et de l'Union européenne.

En outre, le Sénat a demandé que l'accord comporte un volet environnemental et social, et que le principe de réciprocité soit respecté en matière d'ouverture des marchés publics. Sur tous ces points, la position de négociation de la France est conforme à celle exprimée par la Haute Assemblée. Notre commission continuera d'assurer le suivi de ces recommandations au travers de son groupe de suivi des négociations commerciales, commun à la commission des affaires européennes et celle des affaires économiques.

Ce n'est donc pas notre sujet aujourd'hui, même si l'un des titres de l'accord-cadre, consacré à la coopération économique et commerciale, vise à renforcer la coopération, dans un cadre multilatéral, sur plusieurs questions telles que les normes sanitaires et phytosanitaires, le bien-être des animaux ou encore la propriété intellectuelle.

Comme je l'indiquais précédemment, cet accord-cadre est principalement de nature politique. À ce titre, l'Union européenne et l'Australie s'engagent à « renforcer [leurs] approches communes [...] et cerner les possibilités de coopération face aux défis et aux enjeux régionaux et mondiaux ». Le Livre blanc de politique étrangère australien de novembre 2017 précise qu'« une Union européenne forte reste essentielle pour les intérêts de l'Australie et sera un partenaire de plus en plus important pour protéger et promouvoir un ordre international fondé sur des règles ». Ce document souligne la nécessité de coopérer étroitement avec les États membres de l'UE sur plusieurs sujets tels que la lutte contre le terrorisme, la non-prolifération, le développement durable et les droits de l'homme.

Lors de son audition, Son Excellence Mme Gillian Bird, ambassadrice d'Australie en France, m'a rappelé l'attachement du gouvernement australien au multilatéralisme et aux stratégies française et européenne dans la région. En effet, les relations sino-australiennes sont aujourd'hui au plus mal, et cette escalade rend d'autant plus prégnante la nécessité d'une présence européenne pour assurer la stabilité régionale. Pour ce faire, la présence maritime coordonnée, fondée en août 2019, tend à rationaliser les opérations navales européennes dans la zone et à développer des coopérations avec les marines des États partenaires.

Dans le domaine de la sécurité, la France et l'Australie participent à des opérations communes dans la région Indopacifique : d'une part dans un cadre trilatéral, à travers le mécanisme FRANZ (France, Australie, Nouvelle-Zélande) qui intervient en cas de catastrophe naturelle ; et d'autre part, dans le cadre du Quadrilateral Defence Coordination Group, auquel participent les États-Unis, dont l'objectif est de coordonner l'effort de sécurité, prioritairement dans le domaine de la surveillance maritime. Enfin, les forces australiennes participent aux opérations de politique de sécurité et de défense commune (PSDC) de l'Union européenne.

Dans le domaine industriel, il est inutile de rappeler que Naval Group a remporté le « contrat du siècle » en Australie, qui consiste en la construction de douze sous-marins de classe Attack. Mais la coopération franco-australienne ne se résume pas à ce marché : elle doit être appréhendée dans sa dimension régionale, où la France doit défendre tant ses intérêts que sa souveraineté. Ces sujets seront d'ailleurs abordés par le Premier ministre australien à l'occasion de sa visite officielle qui débute aujourd'hui.

Notre stratégie dans l'Indopacifique concerne aussi la lutte contre le terrorisme et le développement des États insulaires ; ces champs sont précisément couverts par l'accord-cadre. Dans le domaine humanitaire, les parties réaffirment leur engagement en faveur du développement durable dans les pays en développement. L'initiative Kiwa, qui mobilise cinq bailleurs dont l'Australie et la France - à travers l'Agence française de développement -, a permis de lever 35 millions d'euros pour relever des défis communs tels que la protection de la biodiversité et l'adaptation au changement climatique.

L'accord-cadre consacre en effet une place importante au développement durable, dans son acception la plus large. Cette notion recouvre tout d'abord la lutte contre le changement climatique alors que l'Australie reste dépendante des énergies fossiles comme le charbon. Toutefois, depuis les incendies qui ont ravagé le pays il y a un an et demi, le Gouvernement a lancé un plan d'investissements dans les énergies à faible émission de carbone (éolien, solaire, hydrogène vert), et tous les États fédérés australiens se sont fixé un objectif de neutralité carbone d'ici à 2050. La notion de développement durable est également abordée sous l'angle de la responsabilité sociale visant à réduire la pauvreté et à lutter contre les discriminations et l'exclusion.

Enfin, l'accord traite du renforcement de la coopération dans les domaines de la recherche et de l'innovation. La coopération scientifique et technologique franco-australienne est aujourd'hui bien développée ; elle mobilise des partenariats tant publics (universités, CNRS) que privés (Naval Group) pour rassembler leurs capacités de recherche afin de favoriser, par exemple, l'innovation dans les domaines de l'ingénierie et des technologies maritimes.

Pour conclure, l'accord-cadre renforcera le positionnement politique de l'Union européenne dans la zone indopacifique où il est important qu'elle reste engagée, notamment pour répondre à la présence et à l'influence grandissantes de la Chine. Cet accord est aussi important pour la France, seule véritable puissance européenne de l'Indopacifique, qui possède une connaissance fine de la zone et y dispose de moyens militaires permanents et de capacités de projection.

En conséquence, je préconise l'adoption de ce projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale le 15 avril dernier.

L'Australie a achevé son processus de ratification interne en septembre 2018, de même que vingt-trois États membres de l'Union européenne. Je précise néanmoins que l'accord-cadre est appliqué depuis le 4 octobre 2018, à titre provisoire, pour les seules dispositions relevant de la compétence de l'Union européenne, à savoir celles qui concernent le dialogue politique et la coopération au sein des organisations régionales et internationales.

L'examen en séance publique au Sénat est prévu le jeudi 24 juin, selon la procédure simplifiée, ce à quoi la conférence des présidents, de même que votre rapporteur, a souscrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Folliot

À titre liminaire, je ferai deux clins d'oeil : le premier pour rappeler qu'un buste du comte de La Pérouse, offert par l'Australie à la France en 1989, se trouve le long du Quai Branly, près du poste diplomatique australien ; le second pour souligner que les relations euro-australiennes ont débuté dans la ville tarnaise de Mazamet où des peaux de moutons australiens étaient délainées.

Par ailleurs, la France partage avec l'Australie sa frontière maritime la plus longue : d'une part, dans la mer de Corail avec la Nouvelle-Calédonie, et d'autre part, dans l'océan Indien avec les îles Kerguelen, voisines des îles Heard-et-MacDonald. L'accord-cadre prévoit-il des coopérations spécifiques avec nos territoires ultramarins situés dans la région ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

J'ai abordé cette question avec l'ambassadrice d'Australie qui m'a confirmé que son pays suivra de près les résultats du référendum d'autodétermination, qui aura lieu en Nouvelle-Calédonie à la fin de l'année. En effet, au-delà des coopérations locales, la France est une puissance de l'Indopacifique car elle y possède des territoires et une part importante de sa zone économique exclusive. L'accord-cadre est donc important pour notre pays, eu égard aux tensions qui existent actuellement avec la Chine. Le groupe de travail sur la puissance chinoise en Europe, dont je suis le co-rapporteur, va tenter d'éclairer la commission sur ce point, car il est important de maintenir les équilibres dans la région indopacifique et de nous doter des moyens nécessaires pour défendre l'intégrité de notre souveraineté, grâce notamment à la surveillance maritime. Pour ce faire, les accords avec l'Australie doivent être encouragés.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Je ne prendrai pas part au vote car je n'ai pas fini d'étudier les stipulations de cet accord-cadre.

Dans votre intervention, vous avez indiqué que l'Australie allait réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Le pays a pourtant lancé le projet de mine de charbon « Carmichael » qui devrait générer, chaque jour, 32 tonnes de dioxyde de carbone. Ceci ne prend d'ailleurs pas en compte les émissions induites par le transport du charbon extrait jusqu'au port, en vue de son exportation, situé près de la grande barrière de corail. Par ailleurs, le projet impose l'évacuation de 12 milliards de litres d'eau par année, pendant 60 ans, pour dénoyer le terrain, privant ainsi les populations locales d'un accès à l'eau.

S'agissant des normes sanitaires, je précise que l'Australie a saisi les tribunaux d'arbitrage à deux reprises dans le cadre de litiges avec l'Union européenne : en 2017 contre les normes européennes en matière de perturbateurs endocriniens, puis en 2018 contre les normes européennes en matière de pesticides.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

L'Australie reste en effet très dépendante des énergies fossiles, en particulier du charbon. Le pays a toutefois infléchi sa politique environnementale, comme l'a confirmé l'ambassadrice d'Australie lors de son audition : son pays a renoncé au report de ses crédits d'émission obtenus dans le cadre du Protocole de Kyoto, et a lancé un plan d'investissements dans les énergies à faible émission de carbone. En outre, la part des énergies renouvelables a triplé en dix ans pour atteindre 21 % de l'électricité produite en 2019, et tous les États fédérés australiens se sont fixé un objectif de neutralité carbone d'ici à 2050. La transition énergétique de l'Australie est donc engagée, ce qui devrait lui permettre de respecter les engagements qu'elle a pris au titre de l'accord de Paris sur le climat.

S'agissant des normes sanitaires, les normes européennes semblent bien moins éloignées des normes australiennes que celles d'autres pays partenaires. Ce sujet est abordé lors des négociations de l'accord de libre-échange.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Gréaume

Sauf erreur, il n'est pas fait mention de l'accord de Paris sur le climat dans cet accord-cadre...

Debut de section - PermalienPhoto de Pascal Allizard

L'accord-cadre a été paraphé avant l'accord de Paris sur le climat ; par conséquent, il n'y fait pas explicitement référence. Néanmoins, à l'article 46, les parties s'engagent à « oeuvrer ensemble pour parvenir à un accord international sur le climat solide, juridiquement contraignant et applicable à tous les pays ».

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté le rapport et le projet de loi précité.

La réunion est close à 18h25.