Permettez-moi tout d'abord, au nom de la commission dans son ensemble, d'exprimer notre solidarité et notre soutien à Ophélie Meunier, qui a fait l'objet de menaces de mort et qui est sous protection policière depuis un reportage diffusé sur M6. Pour nous tous ici, évidemment, toute atteinte à la liberté d'expression et de travail d'un journaliste est quelque chose d'inacceptable. C'est donc naturellement et avec force que nous lui apportons notre solidarité et notre soutien.
Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous poursuivons les travaux avec l'audition de M. Patrick Drahi. Je rappelle que cette commission d'enquête a été constituée à la demande du groupe socialiste, écologiste et républicain et a pour rapporteur David Assouline qui est à mes côtés.
Monsieur Drahi, nous vous remercions d'avoir pu vous rendre rapidement disponible pour les travaux de notre commission d'enquête. Avec quelques autres, vous faites partie de ces grands capitaines d'industrie qui ont choisi d'investir dans les médias. Votre groupe Altice possède en effet l'opérateur SFR et plusieurs câblo-opérateurs dans de nombreux pays. Vous êtes également, et c'est ce qui motive votre présence devant nous aujourd'hui, un acteur majeur des médias via Altice Media. Votre groupe allie les réseaux et les contenus.
Cette diversification remonte à 2015, quand vous avez racheté NextRadioTV à Alain Weill, qui l'avait fondé en 2000. Le groupe est aujourd'hui le troisième opérateur privé en France avec les marques BFM (première chaîne d'information en continu) et RMC. Par ailleurs, en 2014, vous entrez au capital du journal Libération. En 2020, vous annoncez avoir épuré les dettes du quotidien et le placez sous l'autorité d'une fondation régie par un fonds de dotation afin de garantir son indépendance et sa pérennité. Vous êtes donc aujourd'hui l'un des plus grands acteurs des médias en France, ce qui suscite bien entendu une attention médiatique et politique toute particulière. La commission est donc désireuse de vous entendre, d'autant plus que votre dernier passage au Sénat remonte à 2016, au sujet des origines et des raisons de votre engagement dans les médias.
Nous avons donc un certain nombre de questions à vous poser sur la stratégie de votre groupe dans le domaine des médias, sur la relation de l'actionnaire que vous êtes avec les médias qui sont dans votre groupe et de manière plus large sur l'analyse que vous faites de l'évolution des médias en France. Je vous propose l'organisation suivante, qui est commune à toutes les auditions que nous menons ici. Je vais vous donner la parole pour dix minutes afin de permettre un échange avec vous. C'est le rapporteur David Assouline qui vous posera la première série de questions.
Cette audition est diffusée en direct sur le site internet du Sénat. Elle fera l'objet d'un compte-rendu qui sera publié. Je rappelle, pour la forme, qu'un faux témoignage devant notre commission d'enquête serait passible des peines prévues aux articles 434-13, 14 et 15 du code pénal. Il vous appartient, le cas échéant, d'indiquer vos éventuels liens d'intérêt ou conflits d'intérêts en relation avec l'objectif de la commission d'enquête.
Je vais vous inviter, monsieur Drahi, à prêter serment en jurant de dire toute la vérité, rien que la vérité et en levant la main droite.
Merci monsieur le président. Mesdames les sénatrices et messieurs les sénateurs, merci de me recevoir.
Merci de me recevoir. J'étais effectivement parmi vous lors d'une autre commission. Je crois que c'était en juin 2016. Si vous le permettez, je vais faire le point de ce qu'il s'est passé dans mon groupe entre 2016 et aujourd'hui.
En 2016, cela faisait un an et quelques mois que j'avais racheté SFR. Je n'avais pas racheté encore BFM à Alain Weill. J'étais minoritaire au capital de BFM, avec 49 % du capital. J'ai complété ce rachat en 2018, si je ne m'abuse, en tout cas après 2017.
À l'époque, notre groupe faisait environ 20 milliards de chiffre d'affaires. Celui-ci sera d'environ 50 milliards d'euros cette année. En France, SFR était une entreprise en déclin quand je l'ai rachetée (déclin de chiffre d'affaires, déclin du nombre d'abonnés, très mauvaise image). Nous nous sommes employés, dès les premières années, à investir massivement. J'avais pris plusieurs engagements, lors du rachat de SFR, durant les négociations avec l'État, notamment celui de maintenir SFR en France et celui de nommer un président français. Nous avions également pris l'engagement industriel d'amplifier la couverture 4G et de couvrir 22 millions de foyers français d'ici 2022. Tous ces engagements ont été tenus. Le président de SFR, Grégory Rabuel, ici présent, est français. C'est d'ailleurs un jeune président. La société est toujours en France. La couverture 4G, alors que nous étions dernier de la classe lorsque j'ai repris SFR, est aujourd'hui de 99,9 %. Vous savez que les opérateurs ont pris, vis-à-vis de l'Etat, l'engagement de couvrir 100 %. La France sera le seul pays d'Europe, voire du monde, à atteindre une telle couverture de 100 %.
Dans le mobile, nous étions derniers en 4G. Vous avez sans doute vu des rapports récents, notamment de l'Arcep, montrant que nous sommes aujourd'hui premiers ex aequo en 5G. Sur la fibre optique, nous avons dépassé notre engagement : nous n'avons pas créé 22 millions de prises en 2022 mais nous serons plutôt aux alentours de 30 millions d'ici la fin de l'année. Nous sommes allés bien au-delà de ce qui était prévu car durant toute cette période, contrairement à la période précédente, nous n'avons pas pris un euro de dividende. Nous avons consacré l'intégralité des ressources financières de l'entreprise à l'investissement. Lorsque j'ai pris SFR, l'investissement annuel était de 1,6 milliard d'euros. Il avoisine aujourd'hui 3 milliards d'euros dans la 5G, dans la fibre, dans la couverture 4G, dans les équipements des clients et dans l'amélioration des services.
Le chiffre d'affaires, qui décroissait de 5 % par an, est aujourd'hui en croissance annuelle de 5 %. Il est supérieur de celui de SFR avant l'entrée du quatrième opérateur. Là où nous perdions environ un million de clients par an, nous en gagnons aujourd'hui environ un million par an.
Une petite évolution capitalistique a eu lieu au sein de mon groupe. En juin 2016, je détenais environ 60 % du capital de mon entreprise. J'en détiens aujourd'hui 100 %. Cela a le mérite d'être simple pour les Conseils d'administration. C'est une détention 100 % familiale, en partenariat avec certains de mes collaborateurs, qui ont une participation à mes côtés. Vous vous inquiétiez alors de mon niveau de dette, qui était de l'ordre de 50 milliards d'euros. Elle est toujours de 50 milliards, pour un chiffre d'affaires qui a quasiment doublé, ce qui traduit une performance remarquable. J'emprunte aujourd'hui sur les marchés pour un coût deux fois moins élevé qu'il y a cinq ans, ce qui est le résultat des performances opérationnelles de notre groupe et de la confiance retrouvée auprès des investisseurs, alors même que les taux d'intérêt sont en train de remonter.
Des choses nouvelles sont aussi à signaler dans la vie de notre groupe. Nous sommes devenus le premier actionnaire de British Telecom. Je crois que ce peut être un motif de fierté pour l'industrie française, concernant un groupe que j'ai fait naître à Châteaurenard, petite ville de quelques milliers d'habitants des Bouches-du-Rhône. L'Angleterre est sortie de l'Union européenne mais elle fait toujours partie de l'Europe géographique. Nous pouvons donc dire que nous sommes le premier actionnaire du premier opérateur européen.
Dans les médias, au-delà des marques très connues, je détiens aujourd'hui la licorne la plus performante du marché français, la société Teads, créée par un Français, savoyard. Cette société est le numéro un mondial de la vidéo publicitaire en ligne. Sur le site de quelque journal que ce soit, en France, en Angleterre, aux États-Unis et un peu partout dans le monde, lorsque vous faites défiler un article, vous voyez par moment des publicités sous la forme de vidéos. Nous sommes numéro un mondial dans ce secteur. Cette entreprise a un volume d'affaires huit fois plus important que celui de BFM, même si vous n'en avez sans doute jamais entendu parler.
J'ai commencé mon aventure dans les médias en France, non pas en 2016, lorsque je suis entré au capital de BFM ni en 2014 lorsque j'ai racheté Libération mais en 1995, à Marne-la-Vallée, en lançant Canal Coquelicot, petite chaîne locale du réseau câblé. A l'époque du Plan câble, chaque grande ville de France avait lancé une chaîne d'information locale. C'était un fiasco notoire. Elles ont d'ailleurs quasiment toutes disparu. Modestement, pour notre part, avec les autorités organisatrices du Val Maubuée, nous avions lancé cette petite chaîne (qui existe toujours, parce qu'elle avait un budget raisonnable) qui traitait de l'information locale.
Cette expérience des chaînes locales m'a conduit progressivement à m'intéresser aux médias et ma première grande aventure dans les médias a eu lieu en 2005 lorsque j'ai racheté les droits du football de deuxième division en France. A cette époque avait lieu la fusion des deux plateformes satellitaires, TPS et CanalSat. Cette fusion a créé un manque de concurrence pour les rachats de droits et je me suis faufilé dans un interstice pour racheter les droits de diffusion de la Ligue 2 moyennant un prix très raisonnable, puisqu'il n'y avait qu'un seul acheteur : c'est l'acheteur qui faisait le prix et le vendeur a préféré me céder les droits plutôt que de les vendre à l'acheteur de l'époque. C'est ainsi que j'ai démarré dans le sport. Nous n'avions pas été très créatifs en ce qui concerne la marque, qui s'appelait Ma Chaîne Sport. Ce n'est pas moi qui la gérais. Ce fut une grande réussite : la chaîne a été distribuée par toutes les plates-formes en Europe et en Afrique. De fil en aiguille, nous nous sommes de plus en plus intéressés à l'investissement dans les médias, non comme outil d'influence mais plutôt comme une aventure économique dans le prolongement de nos activités. Par le câble ou la fibre optique, nous apportons la lumière, la civilisation, du sens sur ce qu'il se passe dans le monde, c'est-à-dire avant tout du contenu. Il est assez logique, pour un opérateur de distribution, d'être impliqué dans les contenus.
La partie la plus connue de mon groupe en France est le groupe formé par BFM et RMC. Depuis que je suis entré au capital de ce groupe, celui-ci a connu un développement important, à la faveur du développement des chaînes locales. J'annonçais au Sénat, en 2016, que nous allions lancer BFM Paris. Nous avons lancé, depuis lors, BFM Lyon, BFM Lille, BFM Grand Littoral, BFM Côte d'Azur, BFM DICI (petite chaîne qui couvre deux départements, le 04 et le 05). Nous avons obtenu hier ou avant-hier l'autorisation de reprise d'une chaîne de télévision locale en Normandie, que nous allons certainement renommer BFM Normandie. Je me tourne vers Arthur Dreyfuss, qui est le patron du groupe de médias en France et le secrétaire général de SFR. La fonction de secrétaire général, chez nous, englobe la communication, les relations avec les institutions et la réglementation. Arthur Dreyfuss est maintenant le grand patron de BFM, tandis que j'en suis l'actionnaire.
Je contrôle également des médias hors de France. Je possède une chaîne d'information, i24NEWS, produite pour partie à Tel Aviv, pour partie à Paris et pour partie à New York. Elle se focalise sur le Moyen-Orient, avec trois rédactions, l'une en français, l'une en anglais et une en arabe. J'ai repris des chaînes d'information dans la région de New York. Je ne les ai pas créées mais je les ai reprises en rachetant le réseau câblé de New York. Ce réseau qui s'appelle News 12 constitue une grande réussite. C'est la première chaîne d'information locale de la région de New York, aux alentours de Manhattan.
Bonsoir monsieur Drahi. L'objet de notre commission d'enquête est la concentration dans les médias et les effets qu'elle peut avoir sur notre vie économique, en termes de concurrence, mais surtout sur notre vie démocratique. Je ne vais pas énumérer, comme je l'ai fait vis-à-vis de M. Bolloré, durant six minutes, l'ensemble de ce qu'il possédait dans le monde des médias pour mettre en évidence les raisons pour lesquelles il était attendu devant notre commission. Il m'a fallu de nombreuses heures pour essayer de comprendre tout ce que vous possédiez en termes d'entreprises, de filiales et de pays où ils étaient logés.
Un schéma est projeté.
Cela m'évite des énumérations de six minutes. L'activité médias ne représente, je crois, que 4 % du chiffre d'affaires de votre groupe.
C'est encore plus petit que ce qui nous avait été indiqué. C'est tout de même conséquent car, vous l'avez dit vous-même, ce groupe englobe SFR Business, Pro, Collectivités, opérateurs. Altice Media est le troisième groupe de médias français, selon votre site. Il possède RMC Radio, RMC Story, RMC Sport, RMC Découverte, BFMTV, BFM Business, les régions et tous les déploiements locaux que vous avez cités, ainsi que BFM Radio. J'arrête là l'énumération.
Vous êtes présents sur des supports qui couvrent toute la chaîne de valeur. Appelons cela une concentration verticale, qui n'est pas réglementée par la loi de 1986. C'est l'objet d'une de nos discussions et nous avons à apprécier la caducité éventuelle de cette loi, sachant que l'on peut posséder deux supports sur trois, et encore, si le troisième, la presse ne couvre pas plus de 20 % du territoire dans l'hypothèse où il s'agit d'une presse d'information quotidienne. Vous possédez les « tuyaux ». Vous les fabriquez même et les posez. Vous possédez donc ce qui va acheminer l'ensemble de cette production d'informations et cette création. Vous produisez, avec notamment Altice Studio, 400 films et deux séries par an. Vous avez le support télé, avec les chaînes que j'ai citées, et le support radio (RMC). Cela n'a rien de marginal puisque BFM est la première chaîne d'information en France sur la TNT. Dans la presse, vous possédez Libération et le groupe L'Express. C'est plutôt de cela que nous souhaitons discuter. Ce sont des activités que vous déployez avec succès de façon industrielle dans le monde entier. Quelle est la motivation qui guide cette implication dans le monde des médias ?
Nous pouvons légitimement nous demander si cette implication vient servir vos autres activités et l'influence que vous pouvez avoir, d'autant plus qu'il y a un lien avec la commande publique. Lorsqu'on remporte la licence SFR, qui est attribuée par l'État, l'influence politique peut entrer en ligne de compte. Au-delà de la motivation, que vous allez nous exposer plus précisément, vous paraît-il sain, en tant que citoyen, que dans une démocratie, quelles que soient les motivations et la volonté initiale des propriétaires, l'on puisse concentrer, grâce à une telle puissance industrielle, l'ensemble de la chaîne de valeur de la production d'informations - lesquelles sont nécessaires à notre démocratie de façon indépendante, libre, diverse, à l'abri des influences ?
Merci monsieur le sénateur. Je voudrais juste apporter une précision. Je ne suis pas venu avec des slides. Vous avez projeté un slide certainement tiré d'un journal.
C'est pour que ceux qui nous écoutent l'entendent. Ce sont des données établies par l'économiste Benoît Boussemart en octobre 2015, éditions Estaimpuis. Vous pouvez nous dire ce qui est contesté. Il y a des localisations aussi diverses que le Panama, le Luxembourg, New York, la Grande-Bretagne et la Suisse.
Vous oubliez effectivement la Suisse. C'est là que j'habite. Ces données datent de 2015. Effectivement, en 2015, j'avais une holding à Guernesey. Je ne l'ai plus. Toutes mes sociétés sont basées au Luxembourg. La tête de mon groupe était aux Pays-Bas. Elle ne l'est plus. Je vous ai indiqué que je détenais alors 60 % du capital de mon entreprise. 40 % se trouvaient sur le marché. Nous étions à la bourse d'Amsterdam. J'avais expliqué lors d'une précédente audition pourquoi j'étais à la bourse d'Amsterdam et non à la bourse de Paris. J'ai croisé tout à l'heure un étranger qui m'expliquait que ses enfants, nés en France, pouvaient devenir français mais ne le sont pas devenus parce qu'il est tellement compliqué d'obtenir des papiers qu'ils préféraient rester danois et belge. La seule raison pour laquelle j'ai introduit ma société en bourse aux Pays-Bas est que c'était plus facile qu'à Paris. Les Pays-Bas faisant partie de l'Union européenne, cela ne me semblait pas un gros problème.
Plusieurs choses ont changé par rapport au slide que vous avez projeté. Je n'ai jamais eu de société au Panama. Je sais que je parle sous serment. J'ai intenté une démarche auprès de France Télévisions, que j'ai arrêtée car cela ne sert à rien de perdre son temps. J'étais présenté comme l'ennemi public numéro un alors que je n'ai jamais eu de société au Panama. On a beau expliquer cela aux journalistes, une fois que c'est publié, le mal est fait et il est trop tard. Tout le monde croit ce qui est publié, même si c'est faux. Cela ne sert à rien de lutter ensuite contre des bêtises qui sont dites ou écrites.
Je ne suis plus propriétaire de L'Express et je ne suis plus propriétaire de Libération. Je peux vous expliquer pourquoi. Cela prendrait des heures. Je peux aussi vous expliquer pourquoi j'avais acheté ces journaux. Je l'avais déjà expliqué. Au moment d'acheter SFR, Libération était en dépôt de bilan. Certains disaient, sur France Télévisions, le soir, tard, que j'allais acheter Libération à la barre du tribunal de commerce. J'ai trouvé plus correct d'en prendre le contrôle directement. Cela répondra à l'une de vos questions. Est-il sain que des entrepreneurs détiennent des médias ou des titres de presse ? Cela me paraît extrêmement sain. Lorsque le capital d'une entreprise est fragmenté entre de multiples petits acteurs qui ont peu de moyens pour développer l'entreprise, cela ne pose pas de problème tant que tout va bien. Lorsqu'une vraie difficulté économique ou industrielle se fait jour, ce n'est plus pareil. C'était - et c'est toujours - le problème de la presse. Mieux vaut alors pouvoir s'appuyer sur quelqu'un qui a les moyens de renflouer un journal, plutôt que d'avoir 18 actionnaires dont aucun n'a les moyens de renflouer le journal, et qui se disputent du matin au soir.
J'ai sauvé Libération. On m'avait dit que cela allait me coûter 14 millions d'euros. Cela m'a coûté beaucoup plus, et Libération est toujours vivant. Je pourrais vous dire pourquoi j'ai placé le journal dans une fondation. Cela lui assure une indépendance totale. Je n'ai pas sauvé BFM. J'ai racheté BFM car cela me semblait une bonne affaire, en cohérence avec mes métiers. Cela me permettait de me développer davantage dans le monde rural, comme je l'avais fait avec Canal Coquelicot. Il y avait cette cohérence dans la recherche d'un développement régional, au moment où l'on voulait fibrer la France. D'ailleurs, nous développons des BFM dans toutes les régions de France.
Est-ce pour avoir de l'influence au regard de la commande publique ? Les licences télécom ne se discutent pas dans le bureau d'un responsable politique : il s'agit d'enchères qui sont remportées par le plus offrant, et auxquelles vous pourriez participer. J'ai payé 750 millions d'euros la dernière licence que nous avons obtenue. J'aurais pu la payer beaucoup moins cher si je n'avais pas eu l'État parmi mes concurrents, puisque l'État est au capital d'Orange. Nous participons donc à l'investissement dans les infrastructures et nous payons aussi beaucoup d'impôts, alors que SFR ne payait pratiquement plus d'impôts lorsque je l'ai achetée. Aujourd'hui, elle paie beaucoup d'impôts. Croyez-moi, acheter des médias n'a rien à voir avec une recherche d'influence. J'ai 30 millions de clients chez SFR, c'est-à-dire la moitié de la France. Tout le monde connaît mon entreprise. Je n'ai pas besoin d'avoir une influence sur quoi que ce soit. En outre, je n'ai aucune commande publique.
Je crois qu'une grande problématique a trait à l'avenir économique du métier. Je peux vous faire part de mes vues quant à la façon dont la loi pourrait évoluer. Vous mentionnez la loi de 1986. Mon fils est là. Il n'était pas né en 1986. Les gens qui seront aux commandes bientôt n'étaient même pas nés. Nous pourrions aussi parler de la loi sur la télévision en noir et blanc de 1960 ou 1955. Les lois sont désuètes au regard des technologies existantes. Je pense que la consolidation, dans des secteurs extrêmement fragmentés, est très saine pour l'économie. Tout à l'heure, j'ai pris un café à Paris. J'ai payé 8 euros pour un café et un croissant. Chez SFR, vous pouvez trouver des abonnements à la 5G pour 8 euros. Vous passez cinq heures par jour sur votre téléphone. Vous prenez un café. Cela prend trente secondes et ce n'est pas forcément très bon pour la santé. C'est délirant ! Il n'est pas logique que le café soit aussi cher et que la 5G soit aussi peu chère. Nous n'avons pas de quoi être fiers, en tant que Français, d'avoir des services d'une telle importance et d'une telle utilité bradés à un tel prix.
Résultat des courses, les opérateurs américains sont extrêmement puissants, non parce qu'ils font de la politique mais du fait de leurs résultats économiques. Or ceux-ci ont été permis par leur concentration. Dans l'industrie des médias, les opérateurs de télécom, c'est-à-dire ceux qui ont les tuyaux, ont essayé à plusieurs reprises d'intégrer les médias. Je l'ai tenté également. Dans certains cas, j'ai persévéré, dans d'autres j'ai arrêté. J'ai décidé de sortir de la presse papier car le mécanisme qui était en place ne fonctionnait pas correctement. Pourquoi fait-on de la fibre optique ? Ce n'est pas pour échanger des SMS mais pour permettre de produire une information interactive en vidéo, en lien direct avec la télé. Il est logique que les grandes entreprises - donc les grands entrepreneurs qui les détiennent - soient au capital des entreprises de médias.
Je connais bien le marché américain, dont je suis un petit acteur, à travers une entreprise de la taille de SFR, qui ne détient que 2 % du marché américain. Les grands groupes de médias américains sont contrôlés par des personnes physiques. Il en est de même de Google, Facebook et des autres grandes plates-formes. Est-ce bien pour la démocratie ? C'est fantastique. Je suis issu d'une famille d'enseignants. J'ai eu la chance, grâce au système éducatif dont j'ai bénéficié, de pouvoir me développer en France. Si l'on me dit demain que je ne peux plus rien acheter dans les médias au motif que je suis présent dans les télécom, et réciproquement, ce serait très regrettable. Je cite une anomalie de la loi de 1986.
A l'époque, il y avait une seule chaîne de télé. On passait à trois. On est passé à 250 chaînes de télé. Une, ce n'était pas assez. 250, c'était trop. Lorsqu'il y avait une chaîne, on a voulu ouvrir le système en privatisant et en octroyant une deuxième, puis une troisième fréquence. Une fois atteint le nombre de 250 chaînes, on conserve la loi de 1986, qui vous interdit par exemple de détenir plus de 49 % d'une entreprise qui a une certaine audience en France. C'est totalement ridicule. Je crois que vous allez recevoir M. Bouygues. Il détient 49 % de TF1, qui est la première chaîne privée de France. Pensez-vous qu'il a plus ou moins d'influence en détenant 49 % ou 100 % ? Cela ne change rien. En revanche, aux États-Unis, ses concurrents en rigolent, car avec 49 %, il n'a aucun moyen de développer son entreprise. Il ne s'est d'ailleurs pas développé hors de France. L'Américain qui est propriétaire de son entreprise aux États-Unis peut, fort de ses résultats, investir à l'étranger. Les Chinois font de même. Les Français doivent être extrêmement bons pour se développer à l'étranger, car, dans les médias, dès que nous atteignons une certaine taille, nous ne pouvons détenir plus de 49 % du capital.
Lorsque j'ai repris le groupe BFM, nous avions une audience de 3 %. Nous avons investi. J'ai augmenté les effectifs, recruté des journalistes. Nous sommes aujourd'hui à 7 %. On me dit que si je dépasse une certaine audience, je n'ai pas le droit de détenir plus de 49 % du capital. Il faudrait donc que je revende 51 %. Cela n'a aucun sens ! Cela ne tient pas la route. D'ailleurs, l'ensemble qui sera formé par le rapprochement de TF1 et M6 ne pourra détenir plus de sept chaînes de télévision. Pourquoi sept et non cinq ? D'où sort ce chiffre ? Cela devrait être en rapport avec l'audience et non avec le nombre de chaînes.
Concrètement, la loi de 1986 vous a-t-elle empêché de faire une acquisition ?
Bien sûr. Croyez-vous que j'avais la possibilité d'acheter 49 % de M6 ? Comment financer une telle acquisition ? Supposons que vous souhaitiez acheter une maison. Vous allez voir votre banquier et vous vous rendez compte que vous ne pouvez acheter que l'entrée, les toilettes et une chambre. D'ailleurs, dans le cas de TF1 et M6, ce n'est pas un rachat. C'est une fusion. Le groupe Bouygues en détiendra 35 %. Ce sont des lois qui empêchent le développement.
Vous exposez votre point de vue un peu comme une évidence et comme la seule position possible. Or les faits montrent des choses différentes de ce que vous expliquez. Vous indiquez qu'aux États-Unis, les acteurs industriels se développent parce qu'il n'y a pas de limites. Ce n'est pas vrai. C'est depuis Trump qu'il n'y a plus de limites. Auparavant, avant qu'on ne lève toutes les contraintes, nul ne pouvait posséder une grande chaîne de télé et la presse écrite.
Non, excusez-moi, je suis sûr que vous connaissez mieux les lois françaises que moi mais je connais probablement mieux le marché américain. Vous savez que CNN a été fondée par Ted Turner. CNN est aujourd'hui détenue par un grand groupe de télécom.
J'ai été très précis. Jusqu'aux dernières déréglementations, sous l'impulsion de Donald Trump, on ne pouvait pas posséder plusieurs grandes chaînes ni posséder une grande chaîne de télé et un organe de presse écrite.
C'est faux. J'ai acheté Cablevision. Il y avait une chaîne de télé et un journal, numéro un dans la région de New York, numéro un dans la presse et dans la télé. Je ne sais pas d'où vous tenez cette information.
Je vais vous donner des chiffres. Il y a trois grandes chaînes aux États-Unis. Les trois sont contrôlées par des personnes physiques (que je connais toutes les trois), Brian Roberts, John Malone et Shari Redstone. Grâce à cela, l'entreprise est stable. Lorsque nous allons travailler le matin, nous ne nous disons pas « je vais créer des emplois » ou « je vais gagner de l'argent ». Ce n'est pas cela, l'objectif d'un entrepreneur, ni détruire des emplois ou faire des restructurations. Son objectif est de faire grandir son entreprise. Aujourd'hui, si nous faisons dix francs de chiffre d'affaires, l'objectif est de faire onze ou douze francs de chiffre d'affaires l'année prochaine. Cela peut se faire par croissance interne ou par acquisition. Il est logique, lorsqu'on atteint une certaine taille, d'envisager de racheter certains collègues, concurrents ou fournisseurs. C'est la logique du monde industriel. Renforcer les entreprises permet de construire des champions. J'ai racheté des entreprises qui étaient pratiquement en dépôt de bilan. Nous les avons restructurées et grâce à cela, nous sommes aujourd'hui présents dans plein de pays du monde. Aux États-Unis, on peut faire cela, en Angleterre aussi.
En fin d'audition, après que mes collègues vous auront posé leurs questions, j'aurai des éléments pour vous répondre à propos de ce que vous contestez, parmi les informations que j'ai citées concernant les États-Unis. J'ai d'autres questions à vous poser.
Vous avez racheté les titres du groupe belge Roularta en 2015 (L'Expansion, L'Express, Lire, Studio, Ciné Live, Mieux Vivre Votre Argent, Classica et Pianiste). Cette acquisition semble dépasser la simple sauvegarde d'un titre emblématique. Nous avons eu cette explication, notamment par M. Arnault : je n'ai pas d'intérêt à acheter des titres de presse. Je viens comme un mécène sauveteur d'entreprises en difficulté et si ces titres peuvent encore exister, c'est grâce à moi. Chacun peut apprécier la réalité de ces motivations. Vous nous avez dit cela à propos de Libération. L'exemple que je viens de citer montre qu'il y avait tout de même une stratégie de votre groupe consistant à aller vers la presse écrite. Pouvez-vous nous l'expliquer ?
Non, ce n'est pas ce que j'ai dit. Nous avions une stratégie qui consistait à aller vers les médias télévisuels. J'ai racheté Libération et je suis tout à fait d'accord avec M. Arnault : j'ai sauvé Libération. Je n'ai pas considéré que j'allais investir dans les journaux, sûrement pas. J'ai racheté Libération au moment où cette entreprise avait besoin de 14 millions d'euros pour ne pas se déclarer en faillite auprès du tribunal de commerce. J'étais en train de faire un chèque de 14 milliards. Je me fais interviewer par une journaliste de Libération, qui me dit, monsieur Drahi, vous ne pouvez pas nous aider ? Vous allez dépenser 14 milliards. Nous avons besoin de 14 millions pour finir le trimestre. Je la regarde. Je calcule vite. Cela fait un pour mille. C'est comme si quelqu'un qui s'achète une paire de chaussures à 100 euros se voit demander dix centimes par quelqu'un, dans la rue, qui est dans le besoin. Je lui ai dit que j'allais étudier le dossier. Le soir, je demande que le dossier me soit communiqué. Je n'ai pas acheté Libération pour d'autres raisons.
Vous avez commercialisé ces titres via le kiosque SFR en appliquant un taux de TVA de 2,1 %, avant d'être contraint en 2018 de revenir au taux annuel de 20 % et de subir un redressement en conséquence. Si vous saviez que vous alliez être soumis au taux de 20 %, auriez-vous racheté ces titres - dont vous vous êtes d'ailleurs désengagé depuis ?
Je vous réponds sous serment et sincèrement. Lorsque j'ai racheté Libération, je ne savais pas ce que j'allais en faire. Je savais que j'allais faire plaisir à mes parents, qui étaient professeurs de mathématiques. Vous imaginez pour qui ils votaient. Cela leur a fait plaisir. Au départ, ils disaient « mon fils, il est dans les affaires, il n'a pas réussi ». Dans ma famille, tout le monde est médecin ou professeur de mathématiques. Je rachète Libération et là, je reçois des SMS de copains qui me disent « Patrick, ça nous fait plaisir, pour une fois, tu vas perdre de l'argent ». Cela me vexe quand on me dit cela. Avec Libération, c'est impossible de s'en sortir. Comment faire pour être un peu plus gros, trouver des synergies, etc. ? C'est exactement ce qu'a dit M. Arnault. Ce n'est pas moi qui ai appelé les responsables de L'Express. Une personne belge m'appelle et me demande si je serais intéressé par le groupe L'Express. Moi, je lisais L'Express. Mes parents lisaient Libération. Je me suis dit pourquoi pas, cela va compléter le machin. C'est ainsi que cela s'est passé.
Une fois que nous étions à l'intérieur, nous nous sommes rendu compte que c'était une patate chaude. Chaque année, cela baisse. Les gestionnaires ne font que licencier des gens et cela continue de baisser. Mon fils n'a jamais touché un papier réel. Les jeunes lisent les journaux mais ils les lisent sur smartphone. Je me suis dit, j'ai trouvé un modèle économique. Je vais rassembler le plus grand nombre possible de journaux et je vais les diffuser auprès de mes 15 millions d'abonnés. Il existait depuis la nuit des temps deux régimes de TVA différents en France, celui des télécoms et celui des médias. La télévision à péage était soumise à un taux de TVA de 5,5 %. Nous avons effectivement profité du régime en place. Je ne fus pas le seul à faire l'objet du contrôle fiscal en question puisque tous mes concurrents m'ont imité. Le kiosque SFR est fantastique et ma mère y est d'ailleurs abonnée. Cela a fait repartir le truc. Le magazine qui était lu par 30 000 personnes a vu son audience passer à 400 000 personnes.
Ma réponse l'est encore plus ! Du coup, après, on me dit, on change la loi, cela passe à 20 %. Il n'y avait plus d'intérêt à le diffuser. Cela s'est écroulé. Je suis un mécène pour quelques jours mais pas pour le restant de ma vie. Donc nous nous sommes débarrassés de cela.
C'est bien parce que vous étiez soumis à un autre taux de TVA qu'il y avait moins d'intérêt à faire le mécène. Je vais continuer. Vous avez dit « on licencie » dans la presse écrite, etc. et que vous aviez sauvé Libération. Cela dit, vous n'est pas complètement connu pour monter vos affaires et prendre possession de ce que vous achetez sans des plans sociaux gigantesques.
C'est complètement faux ! Je ne peux vous laisser dire cela.
On ne peut pas se parler en même temps. Je vous écoute et j'essaie de poser des questions.
J'ai levé la main droite en jurant. Si vous dites des contre-vérités, ce n'est pas très juste.
Mais tout le monde l'a fait ! Orange licencie plus que moi chaque année.
Vous dites que j'achète des entreprises pour licencier. C'est totalement faux !
Non, je n'ai pas dit « pour licencier ». J'ai dit que quand vous achetez des entreprises, il y a, pour les rentabiliser, de grands plans de licenciement. Il se trouve que ceux qui sont licenciés sont des êtres humains.
Lorsque j'ai acheté BFM, il y avait 800 personnes. Il y en a 1 300 aujourd'hui.
Moi, je suis très calme. J'en viens à ma dernière question de cette série. Vous voyez bien les inquiétudes que l'on peut avoir lorsqu'il existe un propriétaire puissant dans le domaine des médias : l'indépendance des rédactions, la liberté des journalistes, sont des choses qu'il faut préserver.
On peut se demander s'il peut y avoir des interventions qui empiètent sur cette liberté éditoriale et sur le travail journalistique. Un communiqué commun des sociétés des journalistes des rédactions de BFM Business, bfmtv.com, BFM TV et RMC, s'est ému de la décision qui a consisté à mettre fin à la collaboration d'un journaliste du magazine Capital sur l'antenne BFM Business. « Grégory Raymond, qui participait régulièrement à l'émission BFM Bourse en tant que spécialiste des cryptomonnaies, s'est vu signifier la fin de ses interventions en raison des choix éditoriaux de Capital. La direction du groupe a mis en avant des articles jugés malveillants envers Altice, SFR et leurs dirigeants pour justifier cette décision unilatérale. La fin de cette collaboration n'a aucun lien avec le travail de Grégory Raymond, dont la qualité des interventions a toujours été saluée et ne peut être que dommageable à l'antenne BFM Business ». C'est signé par les sociétés des journalistes que j'ai citées, qui « tiennent à l'indépendance des rédactions et restent particulièrement vigilantes sur les interventions d'Altice, SFR et leur actionnaire dans le contenu éditorial ». Ils affirment que c'est l'intervention de l'actionnaire qui a conduit à la fin de cette collaboration. Que répondez-vous ?
Monsieur le sénateur, je vois beaucoup de choses, dans la presse, qui ne sont pas exactes.
D'abord, je ne sais pas qui est M. Raymond. Je n'en ai jamais entendu parler de ma vie. Je vois beaucoup de choses, dans la presse, qui sont fausses. J'ai vu des choses me concernant qui étaient fausses. Ce n'est pas pour autant que je réagis. Cela me laisse de marbre. Si l'on devait réagir à toutes les fausses informations diffusées, je pense que je n'aurais pas assez de 24 heures pour répondre. Par exemple, tout à l'heure, la première diapositive était fausse. C'était faux. Il y avait des erreurs. Elle n'était pas à jour. Vous avez sorti un document qui est factuellement faux à maints égards.
Ce que vous venez de mentionner émane d'une société de journalistes. C'est comme s'il s'agissait de propos de journalistes. C'est leur version. On peut demander au directeur général de BFM ce qu'il s'est passé en l'occurrence. Je ne sais même pas de quoi on parle. Je ne peux vous en dire davantage. En tout cas, je ne suis pas intervenu dans cette opération. Je n'interviens pas dans le contenu. J'interviens sur les performances financières, économiques de l'entreprise et la vision de développement de l'entreprise. Lorsque j'arrive dans le groupe BFM, qui s'appelle NextRadioTV, il réalise 190 millions d'euros de chiffre d'affaires. En arrivant, je dis « voici comment nous allons faire pour faire de la croissance ». Tout ce que j'ai dit n'a pas marché mais la même entreprise réalise aujourd'hui un chiffre d'affaires de 340 millions de chiffre d'affaires. C'est un bon résultat. Je suis content. Je continue. Ce que dit tel ou tel journaliste n'a aucun impact sur ce que je viens de vous dire. Nous ne regardons pas ce qui est dit ou non. Nous agissons pour développer économiquement une belle entreprise.
Vous avez fait référence à plusieurs reprises à Libération. Quelle est la situation financière actuelle de Libération ? Effectivement, vous n'êtes plus directement propriétaire de Libération puisque vous l'avez cédé à un fonds de dotation en 2020. Qui est derrière ce fonds, si ce n'est vous ? Pouvez-vous nous éclairer sur les financeurs du fonds de dotation ?
Effectivement, aujourd'hui, c'est moi. C'est un fonds qui est ouvert. Chacun peut contribuer à son financement à hauteur de ses moyens. Vous serez les bienvenus car cela allégera la facture en fin d'année. Je ne connais pas la situation financière de Libération. L'entreprise Libération est totalement indépendante. J'ai doté ce fonds d'un capital d'une vingtaine ou d'une trentaine de millions d'euros.
Lorsque je rachète Libération en 2015, l'entreprise perdait à peu près 16 millions par an. Donc j'ai dû renflouer Libération à hauteur d'une centaine de millions. Nous sommes passés de - 16 à - 12, de - 12 à - 8, etc. J'ai placé Libération dans le fonds pour assurer son indépendance. Il est très important de comprendre l'esprit d'un entrepreneur. J'en suis un parmi d'autres mais je pense que nous partageons les mêmes valeurs, parmi les entrepreneurs. Lorsqu'on est à la tête de l'entreprise qu'on a fondée, c'est l'histoire d'une vie.
Nous pensons que nos enfants vont continuer, ce qui est d'ailleurs propre à la France. Les Américains ne peuvent le faire. C'est notre rêve, en tout cas. On aimerait que nos enfants continuent. Mes parents voulaient que je sois enseignant. Je ne suis pas professeur et je voudrais que mes enfants soient entrepreneurs. On se dit qu'on ne peut laisser à nos enfants une entreprise qui perd de l'argent continuellement, car, sauf à être philanthrope, il va tout arrêter. Les affaires qui perdent de l'argent, il vaut donc mieux les placer dans une organisation philanthropique qui assure des donations. C'est ce qui a guidé mon choix. Pour répondre à votre question, je pense que le journal Libération perd aujourd'hui un peu d'argent, beaucoup moins qu'à l'époque. Il doit perdre 2 ou 3 millions. J'ai mis dans la structure du fonds 20 millions de cash, en plus de la centaine de millions que nous avions dépensés, pour pourvoir aux besoins des prochaines années.
On perçoit que ce système de fonds de dotation se développe de plus en plus. Avez-vous bénéficié de la défiscalisation lorsque vous avez investi 20 millions dans le fonds de dotation ?
Non, pas sur ces 20 millions. En revanche, la mise en fondation d'un journal vous permet de défiscaliser une partie de l'argent perdu. Je ne connais pas les détails techniques mais c'est un peu comme les reports déficitaires dans les entreprises.
Je voulais sortir de SFR. Libération était une filiale de SFR et SFR était reparti en croissance. Libération était légèrement en décroissance - quand je l'ai racheté, il décroissait de 10 % à 15 % par an. Nous l'avons confié à des professionnels. C'est géré par quelqu'un de totalement indépendant, à qui je ne parle jamais. Je ne regarde même plus la situation économique. Ce n'est plus mon problème. Lui est libre de lever des fonds auprès de n'importe qui. Si demain, Libération gagne de l'argent, je n'en profite pas. S'il en perd, ce n'est pas mon problème. Il appartient désormais à l'équipe de direction décider du futur économique et rédactionnel du journal. D'ailleurs, pour la partie rédactionnelle, cela n'a jamais changé.
Bonsoir monsieur Drahi. Depuis le début de cette commission d'enquête, nous voyons « défiler » de grands capitaines d'industrie, des entrepreneurs, qui sont tous, sans exception, venus nous dire, avec leurs mots, leur personnalité, la même chose - ce qui est plutôt rassurant lorsqu'on connaît un peu l'économie. Ce n'est d'ailleurs pas si répandu en France, de connaître l'économie. Disons que nous avons une marge de progression en la matière. Ils sont tous venus nous dire des vérités têtues : pour avoir des emplois, il faut des entrepreneurs. S'il n'y a pas d'entrepreneurs, il n'y a pas d'emplois. Ils nous ont tous dit qu'avant d'être grands, ils ont été petits. Aujourd'hui, dans les affaires, dans l'audiovisuel comme dans d'autres secteurs, la compétition est internationale. Or on a tendance, dans notre pays, à vouloir faire courir le cent mètres aux entrepreneurs avec un boulet aux pieds. Ils nous ont tous expliqué également qu'il fallait une vraie volonté d'entreprendre et que derrière la réussite, il y avait une intelligence stratégique mais aussi, à un moment donné, un risque financier, le plus calculé possible. Ce risque financier fait parfois appel à des montages qui peuvent paraître alambiqués mais qui sont nécessairement validés et, in fine, si l'intelligence stratégique a fonctionné, « mettent dans le mille ». L'analyse de votre trajectoire, depuis 2016, montre que vous êtes assez visionnaire. Qu'il s'agisse de concentrations verticales ou diagonales, vous êtes un expert.
Pensez-vous que l'acquisition de diffuseurs et de contenus est désormais indispensable à l'activité d'opérateurs de télécommunications ?
Au regard du champ publicitaire concurrentiel, pensez-vous qu'il faille considérer les plates-formes comme de nouveaux éditeurs de télévision ?
Merci pour votre analyse. Je ne pense pas qu'il soit indispensable pour une entreprise de télécom d'être présente dans les médias. C'est ce qu'on a cru en 2014, suite à une grande vague de rapprochements entre les télécoms et les médias outre-mer. C'est un peu le mouvement que j'ai essayé de suivre. Lorsque j'ai racheté les droits de la Champions League européenne, pour un prix très élevé, suite à un appel d'offres européen, j'essaie de copier, à l'époque, le modèle de British Telecom, qui avait acheté les droits de la Premier League anglaise. Cela ne s'est pas passé comme je le pensais. On fait parfois des erreurs.
Nous avons néanmoins développé RMC Sport grâce à cela. Je possède toujours RMC Sport mais j'ai revu mes investissements. Un entrepreneur est un être humain et fait parfois des bêtises. Mais on s'adapte, car si on fait des bêtises trop longtemps, on risque de disparaître. J'ai ainsi revu ma stratégie dans le sport, car le problème, en la matière, a trait au fait qu'on ne contrôle pas complètement son destin. Des groupes peuvent surgir du jour au lendemain, participer à des appels d'offres mondiaux et payer des prix déraisonnables par rapport à la réalité du marché. C'est ce qu'il s'est passé sur le marché français. Ces entreprises ont moins de contraintes dans leur pays car elles peuvent être beaucoup plus grosses. S'il n'est pas indispensable d'être dans les médias, il me paraît néanmoins intéressant de garder certains médias qui se développent.
Nous avons par exemple fait évoluer nos positions dans la radio. RMC doit être la deuxième ou la troisième radio privée en France, ce qui en fait une radio importante. La radio traditionnelle est une industrie en déclin, ce qui a été accentué par le Covid car les gens écoutent souvent la radio en conduisant. L'audience des radios était orientée à la baisse, avec un déclin assez lent mais régulier. Dans notre cas, cela ne se voyait pas car nous gagnions des parts d'audience mais à part d'audience constante, ce marché est en déclin. Nous avons réinventé le modèle de RMC en produisant, de plus en plus, des podcasts : on numérise les contenus. A l'époque, lorsque j'étais étudiant, on appelait cela l'informatique. C'est la même chose. Lorsque les ingénieurs télécoms investissent le champ des médias, ils les rendent plus modernes. Je suis venu avec un masque Sotheby's parce que je trouvais que cela faisait chic. Je n'ai pas racheté Sotheby's pour des questions de pouvoir ou d'influence. En tant qu'expert des télécoms, je numérise Sotheby's et cela va nous faire gagner trois fois plus d'argent. Tel est bien le but d'un entrepreneur. Avant, il y avait 300 personnes dans une salle qui levaient un petit panneau pour participer aux enchères, avec peut-être 25 personnes au téléphone. Aujourd'hui, nous avons un million de personnes qui soumettent des offres en ligne, ce qui est excellent pour les affaires. Nous modernisons ces entreprises pour les accompagner vers un nouveau monde.
Quant aux grands médias étrangers, ils sont effectivement en train de prendre pied sur nos marchés. Nous avions commencé, avec Altice Studio, à investir dans les films et les contenus. J'ai arrêté. Je n'ai pas cherché à intégrer de nouvelles activités par principe, dans une logique de contrôle et d'intégration. C'était un raisonnement économique. Prenez Comcast, premier opérateur du câble aux États-Unis, qui a racheté NBC, grande chaîne nationale, l'équivalent de TF1 ou France 2. Il existe NBC Universal dans le sport, CNBC dans l'information en continu. Le fils du fondateur (qui a créé l'entreprise il y a quarante ans) contrôle l'entreprise avec 1 % du capital. C'est quelque chose qu'on ne peut pas faire en France. Il faut réformer le marché boursier en France. Si un entrepreneur perd le contrôle de son entreprise, il cessera de la développer.
Monsieur Drahi, nous allons essayer de rester dans le thème de la commission, qui est la concentration dans les médias.
C'est le même sujet. Quant au marché de la publicité, il suffit de voir le résultat de Google : il représente deux fois le chiffre d'affaires de LVMH. Vous aviez ici le premier entrepreneur de France il y a quelques jours. Je suis très fier d'être assis à la même chaise. Son chiffre d'affaires annuel est la moitié du profit des fondateurs de Google, Larry Page et Serguey Brin. Ces gars sont des génies ! Nous ne sommes pas moins intelligents en France mais ils ont un marché de 300 millions de consommateurs. Nous sommes un peu plus nombreux en Europe, avec 350 millions d'habitants. Mais nous sommes moins intelligents, car le système américain fonctionne mieux. Tout le monde a la 5G aux États-Unis. Nous démarrons tout juste.
Nous parlons de concentration dans cette commission d'enquête. Elle s'opère à différents niveaux et a des impacts de différentes natures. Nous avons parlé de réseaux tout à l'heure. Un certain nombre d'analystes s'accordent pour considérer que le nombre d'opérateurs pourrait diminuer à l'avenir et qu'un rapprochement entre votre groupe et Iliad serait à l'étude. Le confirmez-vous ? Si tel est le cas, quels seraient les avantages éventuels d'un tel rapprochement dans la perspective du déploiement de la 5G ? Impacterait-il votre stratégie de contenus ?
Vous avez également évoqué les télés locales. Il s'avère que j'ai été pendant longtemps présidente d'une chaîne de télévision locale, TV Rennes, qui existe encore et est très active. Pouvez-vous définir la ligne éditoriale de BFM ? Le déploiement des versions locales de BFM, s'appuie-t-il sur des rédactions locales et quels sont les liens, en termes de contenus, de ligne éditoriale et du point de vue des équipes avec BFM du point de vue national ?
J'aimerais également votre sentiment sur les droits du football, en lien avec Médiapro, mais j'y reviendrai plus tard car plusieurs de mes collègues souhaitent également vous poser des questions.
Il n'y a aucune étude de rapprochement entre mon groupe et Iliad. Je suis ami avec tout le monde. Je suis copain avec Xavier, avec Martin, avec Stéphane. Si demain je prends un café à Paris avec Xavier et qu'un journaliste passe, je vous garantis qu'un article paraîtra, selon lequel nous discutons d'un éventuel rapprochement, alors que nous parlons peut-être d'un hôtel qu'il a construit aux Maldives et que j'ai trouvé très agréable lorsque j'y ai passé mes vacances,
Il n'y a aucune stratégie de rapprochement. J'ai tout essayé, du point de vue de la consolidation du marché français des télécoms. Je n'y suis pas parvenu mais je suis assez persévérant, dans la vie et je ne suis pas pressé. Je pense que cela se fera un jour ou l'autre. Aux États-Unis, ils étaient quatre. Ils sont passés à trois. Le profit de chacun des trois opérateurs restants, aux États-Unis, est supérieur au chiffre d'affaires de l'ensemble du marché français des télécoms. Comment voulez-vous que nous résistions face à de tels acteurs ? C'est impossible. J'ai la chance d'avoir, avec SFR, une entreprise qui gagne de l'argent. Orange en gagne un peu plus. Mes deux collègues en gagnent assez peu. Face à nous se trouvent des acteurs qui gagnent beaucoup plus d'argent. Vous imaginez donc bien ce qu'il peut se passer tôt ou tard. Je pense donc qu'il vaut mieux pour le marché français que deux opérateurs français se rapprochent, un jour, pour former un nouvel ensemble plus fort, plutôt que de voir l'un des quatre opérateurs français passer dans des mains étrangères. C'est le problème des infrastructures importantes.
Nous avions dit que nous souhaitions créer des déclinaisons locales ou régionales de BFM dans dix territoires. Je pense que nous allons y parvenir d'ici la fin de l'année. Nous sommes aujourd'hui à sept. La stratégie est celle de TV Rennes, de Canal Coquelicot et celle de News 12 à New York : il s'agit d'être sur place pour couvrir les informations qui importent aux gens localement, c'est-à-dire le trafic et la météo, le matin, ainsi que des évènements spécifiques locaux. Il y a un patron qui gère toutes les chaînes locales en France. Je ne connais pas la répartition hiérarchique entre les différentes personnes. S'il se passe quelque chose à Lyon, bien évidemment, au lieu de dépêcher un journaliste de BFM qui travaille au siège à Paris, notre journaliste local sera beaucoup plus rapidement sur les lieux. Cela nous donne un avantage compétitif.
Lorsque je rachète BFM, on me fait deux cadeaux, au cours des mois suivants. On permet à LCI de passer en diffusion hertzienne, alors que c'était jusqu'à présent une chaîne du câble et du satellite. Au même moment, on lance une chaîne supplémentaire de service public, comme si nous n'en avions pas déjà beaucoup. Alain Weill m'appelle. Il panique, d'autant plus que je n'avais acheté que la moitié du capital. Il paniquait surtout pour la deuxième partie. Je lui dis « ne t'inquiète pas, nous allons investir plus qu'eux ». C'est ce que nous avons fait. Cette stratégie du local consiste à rechercher davantage d'impact sur le marché pour être plus fort économiquement. On lit dans les journaux que CNews est remonté et se rapproche de BFM. C'est un peu comme pour les manifestations : tout dépend qui compte. Si l'on ajoute l'audience de BFM nationale aux BFM locaux, l'écart en notre faveur est bien plus grand. A moins d'être mauvais, plus on investit, plus on réussit, c'est le principe du jeu économique. Nous avons dû créer 200 ou 300 postes chez BFM en comptant les déclinaisons régionales.
Monsieur Drahi, je voudrais revenir sur vos propos. Vous avez dit avoir renoncé à investir dans la presse écrite. Au passage, vous avez tout de même réalisé une bonne opération financière lorsque vous avez revendu Altice Médias groupe à SFR. Avez-vous rentabilisé ainsi votre investissement dans la presse écrite ?
Nous avons évoqué la concurrence entre les opérateurs de télécoms et les plates-formes internationales. Avez-vous une stratégie pour lutter contre l'influence de plus en plus importante de ces plates-formes internationales ?
Vous avez évoqué votre investissement initial dans le sport et le cinéma. Vous avez ensuite renoncé. Faut-il en déduire que la concentration du secteur des médias se fera sans mise en oeuvre de la stratégie de convergence entre contenants et contenus que les acteurs des télécoms avaient initialement mise en place ?
Enfin, la mutualisation des antennes de votre groupe télé et radio, avec la captation télévisée des antennes radio, génère-t-elle beaucoup d'économies et jusqu'où cette mutualisation des antennes peut-elle aller ? Cette situation pose aussi le problème du pluralisme : n'engendre-t-elle pas un phénomène de cannibalisme entre plusieurs antennes, susceptible d'entraîner une baisse de l'audience et donc des recettes publicitaires ?
Je n'ai pas fait de bonne opération financière dans la presse. J'ai fait plus de pertes que de profits. Lorsque j'ai revendu le groupe de médias à SFR, je l'ai vendu à moi-même. Ce n'était donc pas une opération financière. L'objectif était d'optimiser la dimension juridique de l'entreprise.
J'ai ensuite cédé le groupe Roularta (qui contrôlait L'Express et un certain nombre de titres), il y a un an, au moment où Alain Weill a repris sa liberté. Alain Weill est un entrepreneur comme moi-même. Lorsque j'ai repris son entreprise, il a gentiment accepté de travailler avec moi et de m'aider à restructurer le groupe en France, y compris SFR. Lorsqu'il a fini ce travail, il a souhaité reprendre sa liberté. Il a eu un projet pour L'Express, qui semblait intéressant. Je lui ai alors cédé le contrôle de L'Express. J'ai acheté L'Express. Ensuite, je l'ai apporté, comme Libération et comme BFM, au groupe SFR. Quand je dis « au groupe SFR », ce n'est pas tout à fait exact. Vous avez montré les organigrammes. C'était très compliqué. Il y a une partie qui était juste et une partie qui ne l'était pas. Altice a deux pôles en France, SFR pour les télécoms et les médias. Lorsque j'ai acheté les médias, c'était sur le côté. Ensuite, j'ai placé des activités dans un seul pôle pour des raisons financières liées à la structuration de la dette. Libération a été placé dans un fonds de dotation dans lequel je n'ai aucune participation. J'y ai mis l'argent qu'il fallait pour couvrir plusieurs années. Altice France a cédé 51 % de L'Express à Alain Weill il y a environ un an. Le prix de cession n'est pas communiqué mais c'était trois fois rien. J'avais tout de même acheté ce groupe pour 80 ou 90 millions d'euros. Au total, j'ai dû perdre 200 à 300 millions d'euros, dans la presse. Ce ne sont pas des bonnes affaires. Je pense que personne ne gagne de l'argent dans la presse aujourd'hui. Je détiens aujourd'hui, à travers Altice France, 49 % mais je n'ai aucun rôle.
de la même manière que Martin Bouygues qui détient également 49 % de TF1...
Non, pas du tout. Bouygues en détient 49 % et les 51 % sont dans le marché auprès d'investisseurs, notamment américains, qui ont chacun un quart ou un demi pour cent. Il a le contrôle du Conseil d'administration de son entreprise, puisqu'une entreprise élit son Conseil d'administration à travers l'assemblée générale des actionnaires. C'est donc lui qui nomme l'essentiel des administrateurs. Ce faisant, il a le contrôle de TF1. Je n'ai pas le contrôle de L'Express puisque je n'ai aucun administrateur. Alain Weill est le président-directeur général avec tous pouvoirs. Je peux vous parler de L'Express pour la période 2015-2019, durant laquelle j'en étais propriétaire, à travers mon groupe. Par la suite, ce n'était plus moi. Quant à Libération, le journal a été mis dans le fonds il y a à peu près un an et demi, on peut en parler mais je ne m'en occupe pas du tout aujourd'hui.
Votre troisième question vise à savoir si la mutualisation entre les groupes télé et de radio nuit au pluralisme. Je ne le crois pas. Le président-directeur général est mutualisé. Il en est de même du directeur de la rédaction. Il me paraît plutôt bien qu'un journaliste fasse une émission de 8 heures à 9 heures à la télé, puis de 9 heures à 11 heures à la radio, plutôt que de le payer à temps plein pour travailler une demi-heure par jour. Cela crée un environnement de travail beaucoup plus intéressant pour le journaliste. Nous avons des gens, chez nous, qui sont contents de travailler pour les deux médias. Ce sont aussi des publics différents : celui de BFM n'est pas celui de RMC. Mais les gens apprécient de retrouver leurs commentateurs ou leurs journalistes préférés dans différents médias. Pour ma part, je ne regarde pas BFM. J'écoute BFM le matin en me rasant. Si je regardais l'écran en même temps, je me couperais. J'écoute mais il n'y a rien à voir, sauf s'il se passe quelque chose sur le terrain, auquel cas on apprécie d'en avoir des images. Lorsque je regarde BFM tard le soir, mon épouse s'étonne que je n'en aie pas assez de regarder BFM. Je lui réponds que je travaille.
Comment lutter contre les GAFA ? J'ai une idée. Vous n'allez pas l'aimer. Pourtant, c'est la bonne. Elle va à contre-courant de ce qu'on pense souvent. Il existe la « neutralité du Net ». C'est une énorme bêtise. Grâce à des mesures réglementaires, les opérateurs télécom sont obligés de traiter tous les fournisseurs de services de la même façon. Nous n'avons pas le droit de différencier tel ou tel. Or les milliards que nous investissons et les emplois que nous créons ou maintenons en France sont utilisés à 85 % par les GAFA. 85 % du trafic des réseaux télécom des quatre grands opérateurs est utilisé par ces plates-formes. Nous sommes parvenus à leur faire payer quelques impôts en France mais c'est symbolique.
En Corée est apparue une idée géniale. Les Coréens commencent à différencier les plates-formes en fonction du débit qu'elles utilisent auprès des opérateurs, ce qui est logique. Netflix est entré en France sans aucun abonné. Aujourd'hui, il en a trois fois plus que Canal+. L'abonnement coûtait 7,50 euros au moment de son lancement. Aujourd'hui, il est de 14 euros et cela va passer à 20 euros sans que vous vous en aperceviez. Quel est le montant reversé par Netflix à la population française ? Ce montant est pratiquement nul. Si vous roulez en deux roues sur l'autoroute, il est normal que vous payiez moins cher qu'un 33 tonnes. Si ces plates-formes payaient en fonction du débit qu'elles utilisent, cela générerait des revenus supplémentaires que nous pourrions investir pour nous renforcer et nous déployer davantage. Je ne suis pas législateur. Je ne peux que suggérer quelques idées.
Monsieur Drahi, vous êtes un homme d'affaires et j'aimerais avoir votre regard sur la possible fusion de TF1 et M6. Y voyez-vous une menace pour vos propres chaînes d'information en termes de revenus publicitaires ?
Votre chaîne d'information BFM est aujourd'hui rentable. Allez-vous désormais chercher à faire davantage de journalisme et d'enquête pour vous différencier des autres chaînes d'information et de débat, comme LCI, voire d'opinion, comme CNews ? Quelle orientation allez-vous donner à BFM en termes de contenu, au-delà de l'extension de sept à dix du nombre de ses déclinaisons régionales ?
Je n'ai pas d'objection au rapprochement de TF1 et M6, qui me paraît assez logique. Ces deux groupes voient leur audience décliner, sous l'effet de la multiplicité des plates-formes. C'est un peu comme dans les télécoms. Je ne serai pas cohérent si je plaidais pour la consolidation dans les télécoms et contre celle-ci dans les médias. J'y suis donc favorable. J'aurais aimé jouer un rôle dans ce mouvement car mon groupe est de taille modeste, même si nous avons la première chaîne d'information. Je suis très fier d'être passé d'un chiffre d'affaires de 190 à 350 millions d'euros mais il ne s'agit que de 350 millions, là où TF1 réalise, de mémoire, un chiffre d'affaires de 2,2 milliards et M6 1,5 ou 1,6 milliard. Le nouvel ensemble va représenter un chiffre d'affaires de 3,7 milliards d'euros. Cela me fait plaisir pour eux. Ils seront plus forts et vont pouvoir se développer à l'international. J'espère qu'ils pourront un jour détenir 100 % de leur entreprise. Ce serait plus logique. Cela dit, leur chiffre d'affaires ne représente même pas le résultat du plus petit opérateur de télévision aux États-Unis. Il faut qu'ils soient plus gros pour résister. Il faut que ce soit un acteur paneuropéen et mondial. Avec mes 350 millions d'euros, j'aimerais faire beaucoup plus d'ici trois ou quatre ans. J'aimerais donc, dans cette reconfiguration, pouvoir renforcer mon groupe du point de vue économique.
Il existe un risque dans ce rapprochement. Je ne sais pas si vous l'avez perçu. Depuis quelques années, ces grandes chaînes de télévision se sont mises à facturer les opérateurs télécom. Nous sommes un peu entre le marteau et l'enclume car, en vertu de la réglementation (je crois qu'il s'agit d'ailleurs de la loi de 1986), nous sommes obligés de les distribuer. Lorsqu'un de ces acteurs nous annonce que, l'année suivante, ce sera payant, nous ne pouvons même pas négocier. Lorsqu'ils ont 25 % d'audience d'un côté, 9 %, de l'autre, on fait semblant de négocier. Lorsqu'ils auront 36 % d'audience, il faudra prendre garde à ce qu'ils ne fixent pas les tarifs et à ce que ceux-ci ne grimpent pas de 40 % chaque année.
Je pense qu'il existe en effet un risque sur le marché de la publicité. Je connais un peu M. Bouygues. C'est un homme d'entreprise, qui souhaite développer son entreprise. C'est très respectable. Il vient de réaliser une acquisition majeure et emblématique. Bouygues est présent dans le monde entier. C'est magnifique. Mais ce n'est pas encore le cas dans les médias. Je pense qu'il aimerait développer son groupe dans les médias au-delà de la France. Pour ce faire, il faut se renforcer sur son marché. Face aux Gafam dont nous parlions, ce rapprochement me paraît salutaire. Il y a trop de chaînes. Il y avait une chaîne. Nous sommes passés à trois, puis à six au moment du plan Câble. Lorsque le plan Câble a été lancé en France, ce fut une catastrophe car on voulait vendre plein de chaînes aux Français. Ils n'en avaient plus besoin car on était passé de trois à six. On a toujours de bonnes idées, avec un peu de retard. Au moment où les télécoms commençaient à s'en sortir, on s'est lancé dans la TNT, qui était une nouvelle technologie. On passait de la guerre de 14 au numérique. On est passé de six à trente chaînes. Chacun a vu que cela n'avait aucun sens. 30 chaînes, c'était beaucoup trop. Nous voyons bien qu'ils n'y arrivent pas. Il va donc y avoir des mouvements de concentration.
Je ne m'en plains pas mais, ce faisant, on a divisé pour moins bien régner, c'est-à-dire pour réduire le pouvoir de ces acteurs. Vous pensez que les industriels des télécoms, du BTP ou du luxe investissent le secteur des médias pour s'acheter de l'influence. Ce n'est pas cela. Les licences télécom sont attribuées par appel d'offres. Aujourd'hui, il y a trop de petits acteurs sur le marché français. Du coup, nous ne sommes pas assez forts.
Nous voyons la consolidation du secteur télévisé avec la fusion envisagée entre TF1 et M6. Il y a par ailleurs le groupe Canal+. Y a-t-il de la place, à vos yeux, pour un troisième gros opérateur ?
J'aimerais bien l'être et j'espère qu'il y a assez de place. Pour répondre à votre question sur le contenu, vous savez que la loi fixe le seuil de 18 millions d'habitants. Il est récemment passé de 12 à 18 millions. On ne pouvait pas avoir des chaînes locales, en France, pour un public représentant plus de 12 millions d'habitants, ce qui était complètement délirant. Ce seuil est passé à 18 millions. Lorsque la loi a été adoptée en 1986, nous devions être 50 millions. La population française est aujourd'hui de 66 millions et ce seuil de 12 millions n'avait pas été revu. Il a été porté à 18 millions.
Pourquoi avoir fixé ce seuil à 18 millions ? Il y a 67 millions de Français. Je suis freiné dans mon développement de chaînes locales.
Ma question portait sur les chaînes nationales et non locales : y a-t-il de la place, selon vous, pour une troisième grande chaîne nationale privée ? Est-ce une stratégie que vous intégrez ?
Elle existe déjà. Cela s'appelle France Télévisions.
Je parle de la même chaîne. C'est juste une question de modification de statut. Je pense d'ailleurs qu'elle fonctionnerait mieux et qu'elle serait de meilleure qualité.
Je réitère ma question. Mettons le secteur public de côté. Un troisième grand groupe privé pourrait-il trouver sa place en France ?
J'aimerais constituer un groupe plus grand dans les médias en France. Si je peux récupérer ce qui va tomber de l'arbre, je le ferai. Il serait d'ailleurs préférable que cette possibilité échoie à un entrepreneur qui a réussi ici ou là, plutôt qu'à un acteur sorti de nulle part qui va échouer au bout de trois ans. C'est sans doute le rêve de ceux qui vont faire la fusion, de vendre cela à des gens qui ne vont pas y arriver.
BFM TV a été, en France, la première chaîne d'information en continu. Elle est décriée ou admirée et laisse peu de gens indifférents. Il existe en tout cas un avant et un après-BFM, ce qui est bien le signe d'une influence singulière et d'une vision. La façon de couvrir un évènement n'a plus rien à voir aujourd'hui avec ce qu'elle était à l'époque où elle se résumait à un sujet de quelques minutes au journal télévisé de 20 heures. Etes-vous d'accord avec ce constat et avec le fait que vous avez provoqué un mouvement qui a induit une façon différente de construire l'information ?
Oui, mais ce n'est pas moi. C'est Alain Weill qui a créé BFM. Il est allé voir ce qu'il se passait aux États-Unis. C'est d'ailleurs ainsi que j'ai commencé ma carrière, en me demandant pourquoi le câble ne fonctionnait pas en France alors qu'il connaissait un grand succès aux États-Unis. Alain Weill a regardé la façon dont fonctionnaient les deux ou trois chaînes d'information en continu aux États-Unis. CNN est plus connue, à l'échelle mondiale, que BFM. Cette chaîne a démarré pendant la guerre du Golfe car elle permettait de suivre l'information en direct, et pas seulement au journal de 20 heures.
D'ailleurs, je ne sais pas si vous regardez le journal de 20 heures. Souvent, on travaille encore à 20 heures. On le regarde à 22 heures ou à 22 heures 37 en replay. La technologie a tout changé et il est vrai que BFM est devenu une marque. On dit « je regarde BFM » pour dire « je regarde une chaîne d'information », un peu comme Frigidaire. C'est ce que j'ai aimé avec BFM, c'est que c'est devenu une valeur. C'est comme Sotheby's. Je n'achète pas Sotheby's pour avoir de l'influence auprès d'un acheteur en Afrique, mais parce que c'est une entreprise mondiale, qui a une marque extraordinaire et un formidable potentiel de développement. Il en est de même pour BFM. Nous faisons BFM Régions, BFM Business, nous investissons dans le sport, avec quelques ajustements suite à l'épisode Mediapro, qui nous a tout de même pas mal perturbés. Il existe un gros potentiel de développement. J'ai essayé de développer l'équivalent de BFM dans d'autres pays. Il y a des pays où cela fonctionne, d'autres où cela ne fonctionne pas. Parfois, la réglementation est plus défavorable qu'en France. Je suis investisseur en Israël. La réglementation est d'une telle complexité qu'on n'y comprend rien. La situation en France n'est pas si grave. La loi de 1986 n'est pas formidable. C'est tout de même un peu ancien. Il faudrait en retirer ce qui gêne et ne pas y introduire des dispositions qui limitent encore plus le développement économique.
Tout à l'heure, vous avez un peu réécrit l'histoire en estimant qu'on avait tout fait pour diviser les acteurs et empêcher l'un d'eux de dominer le marché des médias. La réalité est un peu différente. On a d'abord cassé le monopole public qui existait il y a très longtemps. Je n'en suis pas forcément nostalgique mais force est de constater que ce monopole a été cassé pour faire entrer des groupes privés dans tous les nouveaux secteurs qui s'ouvraient dans l'audiovisuel. Nous avons aujourd'hui un marché très déréglementé, ce qui fait surgir des interrogations au regard d'éventuelles concentrations, pour des raisons historiques et démocratiques.
Je voudrais revenir sur cette question car vous en parlez assez peu, alors que c'est l'objet de notre commission. Vous êtes l'un des principaux acteurs des médias. Nous souhaitons savoir si la concentration favorise le pluralisme, la démocratie, la qualité de l'information. Vous n'évoquez aucun de ces aspects. Vous nous parlez de rentabilité et du souci de faire grossir votre groupe. La qualité de l'information est-elle un sujet qui vous intéresse ?
J'aimerais également savoir pourquoi, chaque fois que nous entendons un des groupes qui comptent, vous passez votre temps à nous dire que vous êtes tout petits. M. Bolloré a tenu le même discours, M. Bernard Arnault également. Or vous êtes très peu nombreux. Il y a de nombreux titres de presse et chaînes en France mais vous êtes six ou sept à contrôler l'essentiel de ce paysage médiatique. A vous entendre, si au lieu d'être six ou sept, vous étiez deux ou trois, tout irait beaucoup mieux. Du point de vue de la question qui intéresse cette commission, c'est-à-dire au regard du pluralisme, de la démocratie et de la qualité de l'information, cela reste, à mon avis, à démontrer. Pourquoi passez-vous votre temps à minimiser votre rôle alors que vous jouez de fait, à quelques-uns, un rôle très important dans la structuration du paysage médiatique ? Vous pesez dans les décisions prises par les gouvernements successifs. Le secteur lui-même fait, depuis des années, des propositions concernant sa régulation.
Vous avez dit qu'une de vos entreprises était numéro un dans la publicité en ligne. Il s'agit donc d'une entreprise très importante. Aucun média en France, qu'il soit audiovisuel ou de presse écrite, n'est rentable sans la publicité. Donc qui détient le robinet de la publicité détient beaucoup de pouvoir du point de vue de la manière dont sont gérées les choses. Les décisions que vous prenez ou les propositions que vous pouvez nous faire sont, à cet égard, importantes.
Obtenir des recettes supplémentaires des Gafam est une préoccupation que nous partageons tous, car la situation actuelle est scandaleuse : ces plates-formes pillent les contenus sans quasiment rien reverser. Vous nous avez soumis une proposition. Il y en a d'autres sur la table. Seriez-vous d'accord pour que toutes les nouvelles recettes provenant des Gafam soient mutualisées et distribuées, selon des règles à définir, de façon à garantir le pluralisme du paysage médiatique en France ?
Merci monsieur le sénateur pour ces très bonnes questions. Je parle d'économie et de recettes financières car c'est mon métier. Je réponds aux questions qu'on me pose. Ce n'est pas pour vous biaiser et minimiser mon rôle dans les médias. Je réponds aux questions qu'on me pose et je vous remercie pour vos questions car vous parlez de qualité, de concentration et de publicité. Le débat démocratique m'intéresse aussi en tant que citoyen.
La qualité est importante à mes yeux dans tous les domaines, pas seulement en matière d'information, car un acteur qui produit de la mauvaise qualité est appelé à disparaître. Je me souviens de mon premier rendez-vous au CSA, en 1993. Je n'avais pas un franc. On me parlait comme à un vilain capitaliste. On ne peut réussir si on ne fait pas de la qualité. BFM est une chaîne d'information et fait une information de qualité. Une information de qualité est d'abord une information fiable. Lorsqu'on diffuse une information dont on sait qu'elle est fausse, on ne peut pas parler de qualité. Lorsqu'on passe toute la journée à faire du débat sur un micro-sujet, j'appelle cela du débat et non de l'information. Celle-ci suppose de traiter les sujets et de donner l'avis des uns ou des autres. D'ailleurs, certains d'entre vous nous font part de ce qu'ils pensent de BFM. Nous sommes contrôlés par le CSA, du point de vue du temps de parole des uns et des autres. Tout le monde s'exprime et a le droit de parler. Une de vos collègues a noté tout à l'heure que certains aimaient BFM, d'autres pas du tout. Ce ne sont pas toujours les mêmes. On m'a souvent reproché que la ligne éditoriale penchait trop de tel ou tel côté, que nous donnions trop de place, ou au contraire pas assez, par exemple sur les Gilets Jaunes. Cela veut dire que ce n'est pas si mal fait que ça.
Si ceux qui sont contre deviennent pour, en fonction des évènements, cela veut dire que l'information n'est pas de mauvaise qualité. Peut-elle être meilleure ? Bien évidemment. Nous essayons toujours de nous améliorer, car si les contenus ne sont pas intéressants, les gens iront ailleurs. Nous avons trois concurrents mais nous ne pouvons pas nous comparer au journal de 20 heures sur les grandes chaînes nationales. Nous sommes une chaîne d'information. Il est certain que lorsqu'il y a un sujet désagréable qui gêne quelqu'un en France, c'est très embêtant, car on se répète sur BFM. Il n'y a pas une information nouvelle toutes les minutes. Lorsqu'il y a le feu à la cathédrale, nous sommes obligés de suivre l'évènement. Cela dure des heures, alors que le même sujet prendra trois minutes au journal de 20 heures.
Vous pourrez interroger tous les patrons d'édition chez BFM ou ceux qui étaient patrons, à l'époque, chez Libération. Ils sont très connus. Je ne leur ai jamais parlé. Je ne parle que de la qualité et du résultat économique, car il faut faire de la qualité avec les moyens que nous avons. Heureusement, et c'est l'avantage de mon groupe aujourd'hui, nous avons investi. La première chose que j'ai fait en arrivant chez BFM a été de changer les studios. Ceux-ci n'étaient pas du tout à la hauteur. Avec un rideau vert, on fait des studios incroyables. J'y ai investi 100 millions d'euros, car pour augmenter le chiffre d'affaires, il faut investir. Nous avons recruté des journalistes. Je crois que nous avons 300 ou 400 journalistes de plus que lorsque je suis arrivé. Cela a permis une augmentation de l'audience. Il en est de même pour RMC. Nous avons deux chaînes plutôt tournées vers les documentaires, RMC Découverte et RMC Story. Je reprends RMC Story, qui était une chaîne en dépôt de bilan, qui ne faisait rien. Elle faisait 0,3 % d'audience. Nous sommes à près de 2 % aujourd'hui. Nous sommes contents de ce résultat. Nous dégageons un résultat économique positif et nous allons réinvestir.
La qualité est la première motivation des chefs d'entreprise, car sans qualité, vous perdez vos clients. En l'occurrence, il s'agit des annonceurs. Si je fais de la mauvaise qualité, l'annonceur ne viendra pas chez moi. Certains médias ne fournissent pas des informations objectives. Je ne parle pas de la France mais de médias internationaux, dans des pays peu démocratiques. Aucune publicité n'est diffusée dans ces médias. Ceux-ci sont subventionnés par des Etats ou par des personnes. Cela n'a rien à voir. Nous vivons du chiffre d'affaires publicitaire. Pour faire de la publicité, il faut de l'audience et celle-ci n'existe que s'il y a de la qualité. Je pense à l'un de mes aînés qui a dix fois mieux réussi que moi. Il ne vend que de la qualité. Lorsqu'il investit dans les médias, c'est pour tirer la qualité vers le haut.
Je parle du numéro un mondial du luxe. On ne peut pas le battre sur le terrain de la qualité. Il ne va pas investir de l'argent dans un titre de presse pour avoir un contenu dont il ne serait pas fier. Il va donc y investir. Si, au lieu de cela, vous avez un ensemble d'investisseurs fragmentés qui ont chacun un quart de pour cent du capital d'un média qui ne se porte pas bien et qui perd de l'argent, pensez-vous qu'ils réinvestiront des fonds pour faire de la qualité ?
Je comprends vos craintes, quant à un éventuel « Big Brother », mais je crois qu'on fait de la qualité lorsqu'on est propriétaire de son entreprise. Ce n'est pas le résultat économique qui me fait plaisir. C'est la fierté du produit livré. J'ai vu tout à l'heure un de vos collègues qui me disait que SFR avait bien changé et qu'aujourd'hui cela fonctionnait très bien. A l'époque, il n'y avait pas de quoi être fier d'être chez SFR.
Concernant les recettes des Gafam, je suis d'accord avec votre proposition. Il faudrait en conserver une petite partie. Si nous captons une partie de leur chiffre d'affaires, de toute façon, nous reverserons un tiers de ce résultat à la Nation via l'impôt. Nous pourrions effectivement en reverser une plus grande part. Ce serait une formidable source de financement pour l'ensemble des médias, et au-delà. Imaginez, si l'on faisait payer une toute petite quote-part de la bande passante utilisée. Ce ne serait rien du tout pour eux, d'autant qu'ils n'auraient pas le choix.
Quelle est votre appréciation des conséquences du paysage que vous avez dépeint en termes de pluralisme de l'information et des opinions ? Vous avez dit que vos parents avaient une culture de gauche et que vous aviez racheté Libération pour leur faire un pied de nez. D'autres ont racheté des journaux plutôt classés à droite ou de centre-gauche comme Le Monde.
Y a-t-il un risque à ce que le pluralisme d'opinions des médias dépende des choix d'investisseurs particuliers ou est-ce que l'équilibre actuel sera toujours préservé dès lors qu'en cas de difficulté d'un acteur, un autre investisseur se présentera toujours pour le suppléer ? La question de la concentration est celle de la rédaction du nombre de titres. Il existe aujourd'hui peu de quotidiens, qui jouent un rôle très important dans le fonctionnement démocratique, même s'ils ne sont pas les médias les plus lus en volume.
Je ne suis pas un grand spécialiste de la presse. Je suis sorti du monde de la presse mais il est évident que je ne vais pas racheter un média dont la ligne serait exactement contraire à mes propres opinions. J'ai une chaîne d'information, i24, basée à tel Aviv, Paris et New York. Je n'achèterai sans doute pas une chaîne dans un pays non démocratique par exemple.
Je n'ai pas réussi à localiser i24. Est-ce que vous la détenez à 100 % ?
Où est-elle localisée ? Je ne l'ai pas vue sur le schéma qui représente la localisation de vos activités.
Ce schéma est de 2015. Il est faux. Si vous le souhaitez, je vous en fournirai une version à jour.
Dans le cas d'I24, c'est très compliqué du fait de la réglementation en Israël : vous ne pouvez pas être propriétaire d'une chaîne d'information et simultanément propriétaire d'un média de distribution si celui-ci est en position de monopole, c'est-à-dire s'il contrôle plus de 50 % de la distribution. Cette réglementation est d'ailleurs en train d'évoluer car les Israéliens se rendent compte qu'elle pose de grandes difficultés ici ou là.
Juridiquement, la chaîne i24 est basée au Luxembourg. Elle est détenue par mon groupe aux États-Unis. Le contenu éditorial est publié par des journalistes basés un peu partout dans le monde, notamment à Tel Aviv, Paris et New York. Nous venons d'ouvrir à Abu Dhabi et Dubaï, ce qui est formidable. Nous sommes en train d'ouvrir une antenne d'i24 à Manama, c'est-à-dire au Bahreïn. Nous espérons ouvrir la chaîne dans d'autres pays musulmans. C'est la seule chaîne d'information au monde qui va recevoir des acteurs qui ne se parlent même pas en dehors de nos plateaux. En tant que propriétaire, cela me fait plaisir que nous organisions des débats, avec toutes sortes de personnes, qui ne pourraient se tenir par ailleurs.
Je pense que certains titres de presse auraient disparu beaucoup plus rapidement si certains acteurs venus avant moi ici, ou qui viendront après moi devant votre commission, n'étaient pas intervenus. Vous devriez vous réjouir qu'il existe des entrepreneurs français qui ont une grosse entreprise par ailleurs en France. Il vaut mieux avoir, dans le secteur des médias, un entrepreneur français qui emploie des dizaines, voire des centaines de milliers de salariés en France, plutôt qu'un entrepreneur russe ou sud-américain ayant deux discothèques dans le sud de la France. Si ces acteurs se regroupent pour être plus forts face aux Gafam, disons « cocorico ». C'est mieux que d'éparpiller nos forces entre des dizaines de petits acteurs qui ne pourront pas lutter contre ces mastodontes entrainant la ruine du secteur. Nous sommes chefs d'entreprise mais c'est vous qui faites les lois. Il est très important de renforcer les groupes de médias en France. Soit vous les renforcez, soit vous les affaiblissez. Et si en se rapprochant il se renforcent, c'est bon.
Nous allons regrouper les trois dernières questions car le temps passe.
L'épisode Mediapro est une énorme foutaise. C'est un gars qui débarque de nulle part. je l'ai croisé. Je savais qu'il n'avait pas l'argent nécessaire. On lui a vendu les droits. Cela nous a couté beaucoup d'argent. D'abord, il y avait la Champions League européenne. J'étais candidat. J'avais contre moi le Qatar. J'avais gagné au premier tour. Il est tellement influent qu'il est intervenu partout. On lui déroule le tapis rouge, il ne paie pas d'impôts. Cela ne pose pas de problème. J'ai dû surenchérir sur ma propre offre, la première fois.
La deuxième fois, j'ai estimé que le montant demandé (350 millions d'euros) était beaucoup trop élevé, ne serait-ce qu'au regard de la population : il n'y a pas assez de Français pour payer l'abonnement. Nous allons à l'appel d'offres. Nous faisons une offre beaucoup plus basse. Surgit alors de nulle part un acteur qui s'appelle Mediapro. Il n'a jamais payé et nous avons été obligés de récupérer le bébé, en codiffusion avec Canal+. Cela nous coûte une fortune, à Canal+ et à notre groupe. Cette affaire est un scandale. Je note d'ailleurs que le dirigeant de Mediapro n'a même pas eu à présenter des garanties bancaires. N'importe qui dans la rue pourrait signer pour 4 milliards, sans garanties bancaires. Il n'avait pas les fonds le premier jour. Il ne les avait pas davantage le jour où il fallait payer. C'était couru dès le départ.
Vous avez bien compris que nous avions une forme d'obsession contre les concentrations et que l'on cherche à faire payer ce que doivent payer les Gafam. Vous proposez une solution mais pouvez-vous nous assurer que si ces acteurs paient un montant suffisant pour que ce soit rentable pour vous, vous pourrez résister au rachat par certains Gafam ? Le jour où ils mettront de l'argent, ils voudront aussi détenir le contrôle.
Fort heureusement, vous avez introduit un droit de souveraineté et un droit de regard sur l'identité d'acheteurs d'infrastructures de télécom. Je pense y avoir modestement contribué au moment du rachat de SFR. Demain, si nous avons une offre mirobolante d'un acteur qui ait réellement des fonds, nous ne pouvons vendre sans conditions. Nous devons avoir l'assentiment du ministère de l'Economie. Cela s'appelle le contrôle des investisseurs étrangers. D'ailleurs, le Royaume-Uni, qui était opposé à cette loi lorsqu'il faisait partie de l'Union européenne, vient de l'adopter. Elle s'applique outre-Manche depuis le 4 janvier. Il est logique de protéger les infrastructures essentielles. Je crois qu'il existe un dispositif de même nature dans les médias et qu'un investisseur étranger ne peut pas détenir plus de 25 % d'une fréquence nationale. Je ne pense pas que nous puissions vendre BFM à un investisseur non européen.
Monsieur Drahi, vous nous dites qu'il faut du résultat économique. Pour ce faire, il faut un bon produit, c'est-à-dire une information de qualité. Croyez-vous que l'indépendance rédactionnelle soit un facteur de qualité ? Jusqu'où peut-il y avoir une indépendance des rédactions dans la définition de la ligne éditoriale ? Si la réglementation devait renforcer l'indépendance de la rédaction d'un média, par rapport à un investisseur, s'agirait-il pour vous d'une difficulté ou d'une chance ?
Depuis que je suis à la tête de BFM, je n'ai pas eu de problème, je ne suis pas intervenu. Je n'ai jamais regardé quelle était la réglementation du point de vue de l'intervention éventuelle de l'actionnaire auprès de la rédaction. Ce n'est pas mon métier de savoir de quoi on doit parler ni comment est rangée la boutique de Carcassonne pour la vente de ses équipements mobiles. Chacun a ses responsabilités. Je suis actionnaire d'un groupe. Néanmoins, en tant que citoyen, si nous entendons des propos honteux à la télé, il est important de savoir s'ils sont vrais ou faux. Souvent, la chaîne publique diffuse des choses incroyables, qu'on ne peut contredire parce que c'est une chaîne publique. Ce n'est pas normal. Je ne sais pas quelle est la réglementation concernant la véracité des informations diffusées par les chaînes publiques mais je crois qu'il y a un problème.
A quoi pensez-vous quand vous parlez de choses incroyables diffusées par la chaîne publique ?
Une fois les propos diffusés, ils deviennent une vérité pour tous ceux qui les entendent, même si ce sont des contre-vérités. Comment lutter contre celles-ci une fois qu'elles ont été diffusées ? C'est très compliqué.
C'est surtout vrai depuis que les chaînes d'information en continu et les réseaux sociaux existent.
Bien sûr, parce qu'il y a de plus en plus de gens informés. Auparavant, lorsqu'il y avait une seule chaîne contrôlée par l'État, il était plus facile de contrôler ce qui était diffusé.
Monsieur Drahi, quand vous dites des choses, il faut quand même les étayer. Les chaînes publiques sont soumises, comme les chaînes privées, aux lois. Lorsqu'on estime être victime d'une diffamation en raison de la diffusion d'une fausse information, on peut se tourner vers le CSA (devenu l'Arcom aujourd'hui). Si cela contrevient à la loi, il y a aussi les prétoires.
C'est plus difficile en pratique, monsieur le sénateur.
Je voudrais revenir sur un élément de réponse que vous avez apporté à la question de Pierre Laurent concernant la qualité de l'information. Faisiez-vous allusion à une chaîne en particulier lorsque vous parliez d'une chaîne qui ferait des débats de manière trop importante ?
Ce n'est pas un jugement de valeur. Je constate que nous faisons de l'information. D'autres, n'ayant pas les moyens de faire de l'information, font autre chose. Pour faire de l'information, il faut mettre des journalistes sur le terrain. Il ne suffit pas d'être dans un studio et de répéter en boucle ce qui a été dit sur une autre chaîne. BFM est la seule chaîne d'information rentable de France.
Je ne le pense pas. Au sein d'un grand groupe, vous pouvez faire comme ci ou comme ça. En tout cas, nous sommes rentables depuis très longtemps. Je crois que d'autres ont engouffré des centaines de millions d'euros. Je ne sais pas. En tout cas, nous avons un modèle de chaîne d'information rentable et nous sommes heureux de continuer selon ce modèle. Ce n'est pas une chaîne de débat.
Vous avez répondu à beaucoup de mes questions en estimant que je disais des contre-vérités, pour être poli. Vous êtes sous serment. Je fais attention à la manière dont je vous interroge. Non seulement vous dites que ce n'est pas vrai mais vous mettez en cause ce que j'ai dit. Alors je veux vous répéter, après vérification, que la loi américaine interdisait jusqu'en 2017 la détention croisée d'une chaîne de télévision et d'un organe de presse. Mais la FCC avait la possibilité d'accorder des dérogations. Elle l'a fait à plusieurs reprises, en particulier quand il s'agissait de rachats de titres et de secteurs locaux, ce que vous avez fait vous-même. Vous étiez dans cette niche de dérogation. Cette réglementation assez drastique n'a pas empêché les États-Unis d'avoir une certaine puissance médiatique et une presse qui a été considérée comme de qualité. En France, ces limitations n'existent pas : on peut posséder deux supports sur trois, selon la loi de 1986. Donc je n'ai pas dit de contre-vérités - ce qui, par substitution, veut dire que c'est vous qui avez dit une contre-vérité.
Quant à ce que j'ai projeté, il s'agit de données datées de 2015. Comme vous nous l'avez expliqué, vous êtes très agile : d'une année à l'autre, les choses peuvent avoir complètement évolué. Vous avez acheté L'Express. Vous en détenez aujourd'hui 49 %. Vous bougez. Donc 2015, cela date. Mais c'était juste un panorama de l'ensemble des activités et des localisations de vos sociétés. Vous avez dit que c'était faux pour 2015 et non aujourd'hui. J'aimerais que vous me fassiez parvenir les corrections que vous apportez à ce tableau, car je dois rédiger un rapport qui contiendra un certain nombre d'informations. Si celles-ci sont contredites, je l'indiquerai, de façon étayée.
Vous avez dit aussi que je disais n'importe quoi en parlant de plans sociaux. Là encore c'est un peu fort de café car il y a eu un plan de départs volontaires de 5 000 salariés. Vous ne pouvez pas dire que ce n'est pas vrai.
Pour ne parler que des médias, vous savez très bien que 245 emplois ont été supprimés dans vos médias. Les rédactions de BFM, notamment, s'en souviennent car cela avait suscité une émotion. Vous pouvez m'expliquer que c'était justifié mais vous ne pouvez pas affirmer que c'est faux.
Vous avez également contesté ce que j'ai cité, en affirmant « la presse peut dire n'importe quoi ». Cela arrive. Cependant, en l'espèce, je parlais d'un communiqué des quatre sociétés des journalistes de vos médias (BFM TV, BFM Business, etc.). Ce sont des rédactions que vous considérez certainement comme des rédactions de qualité. Elles se sont émues qu'un journaliste ait été écarté parce que l'actionnaire aurait été dérangé par le traitement de l'information effectué par un chroniqueur. Vous avez dit que ce n'était pas vrai. Confirmez-vous qu'à aucun moment, vous-même ou l'actionnaire, dérangé par le traitement de l'information effectué par ce monsieur, n'a demandé qu'il soit écarté pour cette raison ?
Je vous remercie de poser une question précise car jusqu'à cette question, vos propos étaient un peu vagues, monsieur le sénateur. Vous avez dit en introduction que j'étais connu pour racheter des entreprises et faire des plans sociaux. J'ai dit que c'était faux. Je ne conteste pas le fait que je mette en oeuvre des plans sociaux. J'ai dit qu'il était faux d'affirmer que j'achetais des entreprises pour faire des plans sociaux.
Lorsque vous achetez des entreprises, vous ne venez pas seulement en mécène : des plans sociaux sont ensuite mis en oeuvre. Ils concernent des êtres humains, dont, souvent, la vie bascule.
Nous n'allons pas relancer le débat. Laissons M. Drahi répondre à la dernière question, qui était précise.
En réponse à la dernière question, je vous confirme que je ne sais même pas qui est ce journaliste. Je confirme également qu'il y a très souvent des choses dans la presse qui ne sont pas exactes.
Je répète, monsieur Drahi. Nous vous posons des questions et vous répondez à côté. Il faut un peu de respect pour notre travail. Je repose la question. Je ne vous rapporte pas des choses écrites dans la presse. Il s'agit d'un communiqué signé par quatre sociétés des journalistes de vos rédactions.
Il pourrait y en avoir cinq ou quinze et que ce soit faux. Dans l'affaire Dreyfus, il y en avait beaucoup plus que quinze, monsieur Assouline. Ne me mettez pas hors de moi. Je vous dis que je ne connais pas ce journaliste et que je ne suis pas intervenu. Je ne sais pas de quoi vous me parlez. Le premier organigramme par lequel vous avez commencé est faux. D'abord, il est de 2015. Vous présentez en 2022 un document de 2015. Quel est le rapport ?
Après, vous dites que je bouge dans tous les sens. Qu'insinuez-vous ? Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Je ne veux pas en faire une affaire personnelle, car nous sommes devant une commission. Mais vous la rendez un petit peu personnelle. Le sujet était celui des médias et non la localisation de mes entités juridiques. Si le sujet est celui des médias, vous me posez une question simple et vous me demandez si j'interviens dans les médias que je possède. La réponse est non. Je vous l'avais déjà dit en 2016. La réponse est la même.
Est-ce que j'interviens dans la sélection du directeur général du groupe BFM ? La réponse est oui. A la place d'Alain Weill, nous avons Arthur Dreyfuss. Si vous souhaitez connaître les relations entre Arthur Dreyfuss et les journalistes de BFM, c'est à Arthur Dreyfuss qu'il faut poser la question et non à moi. Je n'ai même pas le numéro de téléphone des personnes dont nous parlons. Vous pouvez poser la question à M. Fogiel, à M. Béroud ou à M. Joffrin. Je ne leur parle pas de ce qu'ils publient ni de ce qu'ils vont publier. Une fois des informations publiées, si elles sont fausses, je ne leur demande pas de publier un démenti, jamais. Je l'ai demandé à France Télévisions, qui n'a pas voulu le faire, lorsqu'on a dit sur moi des choses factuellement fausses. J'ai dit « s'il vous plaît, vous avez diffusé à mon propos, à 21 heures, des informations fausses ». J'avais l'impression d'être l'ennemi public numéro un. On m'a répondu que c'était une émission sous-traitée et que France Télévisions n'était pas responsable. On m'a dit que je pouvais poursuivre le journaliste en question auquel la production était sous-traitée. « Ce n'est pas moi, c'est l'autre », en quelque sorte. Je suis désolé de cette petite interruption mais je suis un méditerranéen, comme vous, monsieur. Quand on me titille, on me trouve.
Merci monsieur Drahi, de nous avoir consacré plus de deux heures. Vos éclairages sont éventuellement importants pour notre commission.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 45.